Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Pierre Mongin, PDG de la RATP, sur le projet de loi relatif au Grand Paris (n° 1961).
C'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui M. Pierre Mongin, président de la Régie autonome des transports parisiens. Nous avions initialement envisagé de le recevoir à la fin du mois de juillet mais son audition a été reportée avec l'accord des différents groupes politiques car la période s'y prêtait mal. L'audition a aujourd'hui lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au « Grand Paris ». Je propose que, contrairement à nos habitudes, le rapporteur, M. Yves Albarello, et les représentants des groupes formulent immédiatement leurs questions.
Ma première interrogation porte sur les quarante gares envisagées par le projet mais dont l'implantation reste imprécise. Y aura-t-il des correspondances pertinentes avec les lignes radiales existantes ? Envisage-t-on pareillement d'établir des correspondances radiales à partir du réseau de transport du « Grand Huit » ?
Quel lien tisser entre le « Grand Huit » et le réseau de transport à grande vitesse ? Je fais référence notamment à la liaison avec le Havre qui reste en suspens et au choix d'une nouvelle gare TGV, à Pleyel ou à la Défense. Enfin, comment expliquer l'absence de connexion du « Grand Huit » avec l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, premier aéroport européen, alors même qu'elle est prévue avec Orly, aéroport pourtant de moindre importance ? La question est d'autant plus importante que cent millions de passagers devraient être à terme concernés par le transit aérien contre seulement soixante millions aujourd'hui.
Je ne demanderai pas directement au président de la RATP de porter un jugement sur le projet de loi défendu par le Secrétaire d'État à la région capitale. Notre commission a reçu très récemment M. Christian Blanc pendant plus de trois heures, ce qui lui a permis de présenter sa vision d'une structuration de la ville future et de son espace urbain sur la base des réseaux de transport. C'est une position qui peut être partagée ou non. Je suis toutefois persuadée qu'une grande entreprise comme la RATP met en oeuvre une approche spécifique, et c'est celle-ci que je voudrais connaître.
Quel jugement peut-on porter sur l'articulation entre le nouveau schéma de transport proposé dans le texte soumis à l'Assemblée nationale, le réseau existant et ses extensions en cours ? Tous ces volets peuvent-ils se coordonner efficacement dans le temps et du point de vue technique ? Je crois qu'il ne faut pas opposer le nouveau schéma et les projets du plan de mobilisation des transports en Île-de-France qui ont vocation à se compléter mutuellement.
En ce qui concerne les gares, le gouvernement en a annoncé un nombre de quarante mais sans apporter de précisions. Comment les lignes seront-elles tracées, où rénovera-t-on, où construira-t-on ex nihilo ?
A combien estimez-vous le temps de réalisation de l'ensemble du projet ? Quel est le degré de compatibilité entre le pneumatique et le fer, notamment sur la ligne 14 du métro parisien ? Enfin estimez-vous possible la gestion coordonnée de plusieurs services publics de transport, dont la RATP, sur les nouvelles lignes ?
Je tiens au préalable à remercier de son invitation la commission du développement durable devant laquelle je me présente pour la première fois. C'est toujours une fierté de s'exprimer devant le Parlement.
Il faut souligner à quel point le projet de loi constitue une innovation dans la conduite de tels projets – et je parle ici avec l'expérience d'un membre du corps préfectoral : de telles ambitions font rarement l'objet d'un débat parlementaire et c'est, je pense, un pas en avant dans le sens de la revalorisation institutionnelle de l'Assemblée nationale. Le projet de loi, cependant, ne saurait être trop précis à ce stade puisque ce sont bien des principes qu'il revient au législateur de poser. Je le répète, c'est une procédure tout à fait particulière, en rupture avec l'organisation classique des projets de transport public.
La décentralisation en matière de transports en Ile-de-France demeure perfectible. D'autres textes législatifs en ont d'ailleurs traité récemment. Le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) joue un rôle fondamental : autorité organisatrice des transports franciliens, il choisira dès 2010 les opérateurs des nouvelles lignes conformément au règlement communautaire dit « OSP ».
La création d'un Grand Paris dépasse le seul cadre des transports. Je l'affirme au nom de la RATP, qui avec ses dix millions de passagers quotidiens et ses infrastructures, se place au troisième rang mondial. Le projet me semble indispensable pour la Nation entière, car on ne peut pas détacher Paris du reste de la France, et des études macro-économiques ont montré que les emplois créés bénéficieraient autant à l'Ile-de-France qu'à la province. La légitimité de l'État à agir ne souffre par conséquent d'aucune contestation.
Le défi consiste à restructurer le paysage urbain. A l'heure actuelle, Paris intra muros est privilégié en termes de transports en commun. Je ne crains pas d'affirmer que la capitale dispose du meilleur service au monde. En revanche, la situation des transports en banlieue ne répond ni aux exigences du développement durable ni à celles du XXIe siècle : elle n'offre qu'un taux d'accès aux transports en commun de l'ordre de 20%. Nous vivons une congestion consécutive à une absence historique de planification urbaine et à la présence d'ensembles de logements éloignés des bassins d'emploi.
Ainsi, deux villes cohabitent en Ile-de-France : d'un côté Paris, de l'autre son agglomération. La réponse apportée passe par les transports collectifs. Elle a du sens. Il serait bon pour une fois que le réseau de transports publics soit créé avant que les activités ne s'installent et non qu'il doive se greffer au sein de structures urbaines préexistantes.
Je pense que le projet devra accorder un soin particulier au stationnement intermodal, y compris en matière automobile. Il est impossible et irrationnel de souhaiter que les transports en commun couvrent la totalité du territoire sans considération de la démographie. Nous devrons nous attacher à prévenir les saturations.
A cet égard, il ne faut pas oublier les effets bénéfiques attendus du développement d'une nouvelle offre de transports en commun en rocade autour de Paris qui seraient principalement de soustraire de 150 à 160 000 véhicules automobiles en heure de pointe sur le réseau routier.
S'agissant des gares, point sur lequel Mme Annick Lepetit m'a interrogé, je dirais que leur intermodalité est une des clés du succès de toute l'opération, et qu'en ce domaine la RATP a pour avantage de savoir exploiter directement tous les modes de transport (métro, bus, tramway, RER). Quant à l'implantation des gares, il me semble que le Parlement est dans son rôle en définissant les grands principes qui doivent la régir. Ensuite, le débat public, qui à mes yeux constitue une phase déterminante du processus, devra éclairer le choix du tracé et de la localisation des nouvelles gares, en accord avec ces principes. A titre personnel, je suis favorable à ce que la Commission nationale du débat public (CNDP) soit pleinement associée à ce débat mais dans des délais encadrés. C'est une autorité administrative extrêmement professionnelle et qui doit remplir pleinement sa fonction d'instance de régulation.
Par ailleurs, l'un des avantages du pilotage du dispositif « Grand Paris » par l'État réside dans sa capacité à réduire les délais de réalisation, dans le respect du fonctionnement démocratique de notre société. En effet, si la première phase du processus est législative – c'est l'objet du débat d'aujourd'hui auquel tous les acteurs concernés devront participer -, la seconde phase sera de nature réglementaire puisque des décrets d'utilité publique (DUP) devront être pris par le Gouvernement. On aurait pu imaginer que le Parlement intervienne une seconde fois mais, dans l'esprit de la Vème République, il revient au pouvoir exécutif de fixer les modalités.
Je voudrais insister sur le fait que le projet du Grand Paris est compatible avec le plan de mobilisation des transports en Ile-de-France. J'en prendrais pour exemple le métro en rocade dit « Grand Huit » : il est tout à fait conforme à la façon dont les habitants de l'Ile-de-France se déplacent, puisque 70 % des trajets effectués en transport mécanisé s'effectuent de banlieue à banlieue. Il répond à l'une des faiblesses de notre réseau de transports, à savoir la prédominance des liaisons radiales en étoile, comme le RER A qui est la première ligne au monde pour le nombre de voyageurs transportés par jour (1 million), sur les liaisons en rocade.
En réponse à la question sur les délais de réalisation du réseau de transport public décrit dans le projet de loi, je dirais que la question du phasage est véritablement décisive et je prendrais comme exemple la ligne 14 du métro. Avant le dépôt du projet de loi, nous avions décidé, en accord avec le STIF, accord que son président vient de confirmer par écrit à la RATP, de lancer son prolongement vers la porte de Saint-Ouen et la mairie de Saint-Ouen, dans une zone dont le développement économique se révèle très dynamique. Or le Secrétariat d'État pour la région capitale a inclus dans son projet deux prolongements de la ligne 14 : l'un au Nord à destination de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, l'autre au Sud vers Orly. La première extension de ligne passe par Saint-Ouen. Les deux projets sont donc complémentaires et la démarche du Grand Paris bénéficiera de notre action en amont, tout en permettant de soulager à terme de 10 à 15 % le trafic sur la ligne 13, qui souffre d'une réelle saturation.
Concernant le schéma d'ensemble, il est primordial que les liaisons radiales soient connectées à la rocade, notamment dans les zones proches des dessertes de métro. La difficulté est que plus on s'éloigne de Paris intra muros, plus cette interconnexion sera difficile. A cet égard, il ne faut pas omettre d'intégrer, dans cette perspective, les différentes lignes de tramway exploitées par la RATP, car elles constituent des radiales tout à fait complémentaires. Ce schéma devra également intégrer le réseau maillé des bus, dont les lignes devront être nécessairement redéployées, en accord avec le STIF, pour offrir de nouvelles dessertes. La réflexion sur le schéma serait incomplète sans mentionner la prolongation d'Eole, qui aurait l'avantage de constituer une autre liaison ferroviaire est-ouest enterrée sous la capitale, éventuellement partagée avec des TGV, et d'ouvrir une porte vers la Normandie et le Havre, dont le Président de la République a affirmé le rôle de port maritime du Grand Paris.
La RATP et la SNCF ne sont pas en position de concurrence, et leurs relations se sont très sensiblement améliorées. Notre collaboration, qui a été évoquée tout à l'heure par M. Yves Albarello, est nécessaire sur le projet du Grand Paris car le nouveau réseau devra être interconnecté avec le réseau à grande vitesse, relié à l'ensemble du territoire national, et au delà avec le reste de l'Europe ferroviaire. En conséquence, de nouvelles gares TGV seront créées, notamment sur le site de Pleyel car ce territoire constitue un enjeu de transport exceptionnel.
En matière de technologies, le métro sur pneu entièrement automatisé, modulable et souple, s'impose comme le meilleur moyen en terme de rapport qualité - prix. L'expérience de la ligne 14 est tout à fait probante : le métro sur pneu est d'une très grande souplesse ; il permet, notamment aux heures de pointe, d'introduire sur le réseau des rames ou de les retirer, quasiment à la demande, ce qui permet d'envisager le passage à un service en continu 24 heures sur 24, qui fera peut-être l'objet d'une demande adressée à l'avenir à la RATP. Si le pneu a été choisi sur cette ligne, c'est en raison de la limitation induite des vibrations issues des bruits solidiens dans un environnement de bâti ancien prédominant. Son principal défaut, notamment par rapport au fer, est une consommation légèrement supérieure en énergie. Mon sentiment personnel est que, au moins sur cette ligne, il n'apparaît pas réaliste de changer de technologie, le matériel roulant ayant une durée de vie supérieure à quarante ans.
En conclusion, je dirais que la RATP maîtrise aussi bien le fer que le pneu, et surtout, ce qui constitue une de ses particularités, qu'elle dispose d'un savoir-faire dans le domaine du « contrôle-commande », c'est-à-dire les logiciels de gestion et de sécurisation du trafic. Elle a été pionnière - en rencontrant parfois, je le reconnais, quelques difficultés - depuis des années dans les tests de ces logiciels sécuritaires dans l'exploitation des réseaux ferrés urbains.
Je vous remercie d'avoir insisté sur le caractère national de ce projet qui doit également aborder le problème des liaisons entre régions ; pour aller de l'Est de la France vers la Bretagne, il faut passer par Paris et changer de gare : ce transit constitue une rupture de charge qui contribue à engorger la région parisienne.
Il faut aussi évoquer le problème des accès routiers et autoroutiers à la capitale : si l'on veut que les provinciaux délaissent leur voiture en venant à Paris, il faut réfléchir à la question de l'intermodalité entre la route et d'autres moyens d'accès à la capitale.
Enfin, dans le domaine des nouvelles technologies, où en sont les réflexions sur l'hydrogène ?
Ce projet donne l'impression d'être entièrement dérogatoire pour traiter du Grand Paris, comme si l'État n'était pas capable de réaliser des projets avec les outils juridiques existants. Dans le domaine de la consultation et du débat public, le projet de loi procède à des « bricolages » alors que des voies de droit existent.
Le travail mené par M. Gilles Carrez est remarquable et constitue une bonne base de discussion dans la mesure où il articule les deux grands projets, en incluant le STIF dans sa réalisation. Mais le secrétaire d'État n'étant pas d'accord avec cette vision, il a fait prévaloir son propre projet sans que le STIF ne puisse y collaborer. Cela est par exemple illustré par l'idée que seuls les métros pourraient circuler sur le nouveau réseau, à l'exclusion des TGV qui doivent pourtant relier les grands pôles entre eux. Il y a donc une volonté gouvernementale de rester dans un projet fermé, donnant les pleins pouvoirs à la société du Grand Paris.
Une question concerne la mise à disposition gratuite à la société du Grand Paris des biens immobiliers de RFF, de la RATP et des collectivités : cette disposition du projet de loi vous semble-t-elle poser un problème juridique ?
Nous en sommes arrivés à ce projet parce que l'État a été incapable de gérer correctement le développement de la région capitale : il a contribué à disjoindre les pôles économiques et les lieux d'habitation, notamment les logements sociaux. Maintenant il faudrait inventer un système dérogatoire qui permette de rattraper la situation, alors que le bon sens voudrait qu'un tel projet soit construit sur la concertation entre les collectivités et surtout les populations locales.
Quel est le coût d'un tel projet ? Qui va payer, notamment pour la restructuration des réseaux de bus ?
Le débat public est important et ses modalités doivent être précisées dans le projet de loi. Le gouvernement est d'ailleurs très ouvert sur cette question, en envisageant notamment de confier la concertation à la Commission nationale du débat public.
Après ce débat public, ne conviendrait-il pas de consulter à nouveau le Parlement ? Cela semble être une suggestion de bon sens, mais il faudrait savoir quel sera alors le lien entre le résultat du débat public et la décision finale.
Enfin, la région Ile-de-France a demandé un débat public sur son propre réseau de transport : ne serait-il pas logique de le regrouper avec celui sur le Grand Paris ?
Quelle sera la compatibilité entre ce projet et le plan de mobilisation sur les transports de la région. L'article 2 du projet de loi est notamment en contradiction avec ce plan, puisqu'il prévoit uniquement la desserte des grands pôles économiques, universitaires, ferroviaires et aéroportuaires, sans que ces notions n'aient été débattues ou précisées, alors qu'elles l'ont été de manière consensuelle dans le cadre du plan régional de mobilisation. En outre, les 40 stations évoquées pour le réseau du Grand Paris sont en contradiction avec le cabotage souhaité par les élus parisiens pour apporter une réponse concrète aux problèmes de transport quotidien des habitants.
S'agissant de l'ingénierie, le travail a jusqu'à maintenant été mené par le STIF et la RATP : pourquoi recréer une nouvelle structure qui sera coûteuse et fera perdre du temps ?
Compte tenu du fait que le « Grand Huit » n'est pas continu, est-ce que cela ne risque pas de poser des problèmes pour le cadencement des trains et leur remisage ?
Pourquoi ne pas aller plus loin dans le Val d'Oise compte tenu du fait qu'Arc Express est bien avancé à l'exception du cadran nord-ouest ?
Dans la grande couronne, il n'y a plus de financement des parkings d'intérêt régional à proximité des gares : n'est-ce pas contre-productif alors que 70 % des échanges entre banlieues est effectué en voiture ?
Enfin, ne faut-il pas un seul type de matériel – pneu ou fer – pour avoir un maximum de cohérence du nouveau réseau ?
J'apprécie d'entendre que le projet du Grand Paris est d'intérêt national et qu'il a donc vocation à dépasser les frontières de l'Ile-de-France au sens strict. Elu dans le sud de l'Oise, ma circonscription appartient à la région Picardie et je puis cependant témoigner que je suis concerné au premier chef par la congestion des trafics dans le Bassin parisien. Ce matin, j'ai mis deux heures pour venir en voiture de Senlis, l'autoroute A1 étant – comme toujours ! – saturée. Il faut penser à tous ceux qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour venir travailler, la plupart des emplois étant situés en région parisienne.
Avec Christophe Caresche, nous sommes plusieurs parlementaires de tous bords à avoir participé avec profit à la mission Carrez.
Nous en avons notamment tiré l'idée que la question du phasage était essentielle pour bien fixer les termes du débat. M. Christian Blanc raisonne sur un pré-supposé bien particulier : c'est à partir du nouveau réseau de métro automatique que va se redessiner Paris « ville-monde ». Connaissez-vous, Monsieur le Président Mongin, d'autres exemples de cette approche dans d'autres pays et, dans l'affirmative, ont-ils abouti ?
Si j'ai bien lu le projet de loi, il est prévu que le débat public ne dure que quatre mois. Comment cela va-t-il se passer ? Quels commentaires cela vous inspire-t-il ?
Vous avez dit tout à l'heure que 70 % des déplacements mécanisés s'effectuent de banlieue à banlieue ; pourriez-vous nous indiquer quelle proportion de ces déplacements emprunte des lignes radiales, sur des trajets comme Cergy - Saint-Denis ? Quels enseignements peut-on en tirer ?
La mission Carrez a beaucoup travaillé sur la complémentarité des deux systèmes envisagés ; il reste que le projet actuel, ce n'est pas Arc express ! Or, dans un même territoire, on ne fera pas passer à la fois Arc express et le réseau de métro automatique du Grand Paris : qu'en pensez-vous ?
Retenu dans une autre commission, M. Patrick Beaudouin m'a prié de vous interroger, Monsieur le Président, sur le traitement des nuisances sonores causées par le passage du RER A : un partenariat entre la RATP et les communes concernées est-il envisagé pour réaliser ensemble les indispensables travaux d'insonorisation ?
Qu'en est-il de l'automatisation en cours de la ligne 1 du métro : débouchera-t-elle sur une prolongation vers Val-de-Fontenay à partir de la station « Château de Vincennes » ? Sera-t-il possible de renforcer l'intermodalité de la gare de Val-de-Fontenay, de manière à renforcer la complémentarité entre les lignes de RER, de métro et d'autobus ?
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez été nombreux à souligner que le projet de loi devrait prévoir une meilleure interface entre l'automobile et le transport collectif et je vous en remercie. Avec vous, je considère qu'il y a là une piste d'amélioration intéressante du texte qui vous est soumis car il faut prendre en compte la réalité des déplacements quotidiens de millions de personnes dans le Bassin parisien. Il ne faut pas stigmatiser a priori la voiture particulière et, en tout cas, il est « moderne » et respectueux du développement durable de traiter aussi de ce sujet.
M. Jean-Marie Sermier a insisté avec raison sur l'amélioration des transits. Tout à fait d'accord pour enrichir l'intermodalité des gares, pour les rendre plus sûres, plus confortables et plus pratiques – en envisageant notamment des solutions pour les bagages.
Evoquer l'hydrogène, c'est envisager les sources d'énergie du futur et je tiens à cet égard à rappeler que même si la RATP consomme à elle seule annuellement l'équivalent d'une tranche de centrale nucléaire, il s'agit, par définition, d'un mode énergétique très peu carboné. Nous entretenons cependant un partenariat de recherche approfondi avec le CEA pour développer le recours aux énergies alternatives et aux biocarburants.
M. Christophe Caresche, à force de légiférer, l'État a désormais tout ce qu'il faut dans « sa boîte à outils » juridique. Force est d'admettre cependant que cela ne marche pas toujours ! Lorsqu'il faut consulter quatre fois de suite les mêmes populations pour un même projet sur un même territoire, il est inenvisageable qu'un programme tel que celui du Grand Paris puisse aboutir dans les délais prévus. Si l'on restait dans la logique des schémas directeurs de droit commun, il faudrait alors cinquante ans pour le mener à bien !
L'ancien préfet de région que je suis partage souvent votre jugement sur le manque de modestie de la haute fonction publique et je reconnais bien volontiers avec vous, comme l'a fait en début d'année le Premier Ministre, François Fillon, que l'État n'a pas suffisamment investi dans les transports en Ile-de-France. Il y a donc urgence et cela nous oblige pour l'avenir.
J'en viens à la question centrale de la bonne conjugaison des différents projets. La mission menée par Gilles Carrez a accompli un excellent travail et je me retrouve intégralement dans ses estimations chiffrées. S'agissant des ressources à dégager au profit du STIF, on peut toujours en discuter mais je ne jugerais pas déraisonnable que les tarifs augmentent chaque année d'un point de plus que l'inflation. Si l'on y ajoute la taxe sur les bureaux au titre des plus-values, on doit pouvoir arriver à financer 24 milliards d'euros en quinze ans. L'apport tout à fait singulier du rapport Carrez, c'est de proposer de faire jouer les compensations tarifaires. Il y a là une voie de progrès d'intérêt majeur.
Autre point souvent abordé, pourquoi créer un EPIC ad hoc tel que la « Société du Grand Paris » ?
En tant que président d'une entreprise qui emprunte 700 millions d'euros par an, j'affirme sans hésitation que seule la signature de l'État peut permettre de porter une dette de 35 milliards d'euros. Dès lors, seul un démembrement juridique de l'État – en l'espèce, la SGP – permettra de monter à un tel niveau d'encours. C'est à mes yeux la principale et la meilleure justification de sa création. Il est indispensable de se doter d'une structure de portage où le dernier mot appartienne à l'État et cela ne me semble en rien incompatible avec les conclusions de la mission Carrez.
Au final, le point le plus délicat de ce projet, c'est son phasage. A l'issue du débat public, la RATP s'efforcera de rendre compatibles les différentes approches. Sans doute faudra-t-il prolonger certaines lignes de métro mais il faut savoir qu'aujourd'hui, on ne plus en prolonger aucune car la surcharge induite est insupportable. Par ailleurs, il semble inévitable d'allonger certaines radiales pour faire coïncider les tracés.
Quant au Val-d'Oise, M. François Pupponi, il a vocation à être lui aussi reconnu comme un territoire de projets de transports, en particulier avec le redéploiement des lignes de bus, à l'image de ce qui a été fait à l'occasion du prolongement de la ligne 13 du métro.
Mme Annick Lepetit me prie de vous transmettre une question complémentaire : s'agissant des 130 kilomètres de métro automatique du nouveau réseau de transport public du Grand Paris, préconisez-vous qu'ils soient majoritairement aériens ou souterrains ?
Cela rejoint le questionnement entre pneumatique ou fer et je vais répondre sur les deux points car la RATP serait naturellement très fière de se mobiliser pour participer à la maîtrise d'oeuvre du projet du Grand Paris.
Le métro aérien peut être une solution tout à fait adaptée dans certains territoires. Ainsi, je verrais beaucoup d'avantages à ce que la rocade Est, vers Clichy ou Montfermeil, soit aérienne, pour contribuer notamment à l'amélioration des paysages urbains. Les travaux des architectes urbanistes que certains ont évoqués sont à cet égard riches d'enseignements. Mais il faut se prémunir de tout angélisme et, avant de prendre des décisions, penser aux nuisances sonores, aux plans d'exposition au bruit, aux distances avec le bâti, et, au final, à toutes les conséquences environnementales d'une construction en surface. En outre, du fait des délais induits et des expropriations, l'aérien en milieu dense coûte presque aussi cher que le réseau souterrain. Attention, enfin, aux phénomènes de cisaillement des villes tels que ceux naguère générés par le périphérique.
S'agissant du choix entre métro sur pneus et métro ferré, je partage la position de M. Yanick Paternotte : que l'on choisisse l'un ou l'autre, choisissons le partout car il est impératif de disposer à terme d'un réseau homogène et de faire des économies d'échelle.
J'ai bien entendu la remarque de l'un d'entre vous sur la question des tracés en cul-de-sac : l'expérience de la ligne 14 a montré que ce n'était pas un problème en système automatisé.
Merci, Monsieur le Président Mongin, pour ces réponses extrêmement précises et complètes. C'est avec un grand plaisir que notre commission vous accueillera en de nouvelles occasions.
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