Audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2010
La séance est ouverte à dix-sept heures quarante-cinq.
Je suis heureux d'accueillir en votre nom M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense.
L'année 2009 a été marquée par l'adoption de la loi de programmation militaire (LPM), qui a fixé le cadre de nos armées jusqu'en 2014, et par la réorganisation du ministère de la défense.
S'agissant du projet de loi de finances, je rappelle que vous êtes en charge de deux programmes au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Vous nous détaillerez notamment l'évolution des crédits en faveur du lien entre la Nation et son armée. Pour la mission Défense, vous vous occupez du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».
Le projet de loi de finances s'inscrit bien évidemment dans le cadre des ressources fixées par la LPM, mais je souhaite que vous nous apportiez des éclaircissements sur les recettes exceptionnelles pour 2009 et pour l'année prochaine.
J'imagine que vous nous détaillerez aussi les mesures en faveur du personnel, militaire ou civil, et notamment les mesures d'accompagnement de la réforme.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances (PLF) pour 2010 est celui de la deuxième année d'exécution de la programmation militaire 2009-2014.
Sur le périmètre ministériel, c'est-à-dire celui des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le montant des crédits inscrits au projet de loi de finances s'élève respectivement à 32,15 milliards d'euros et à 3,33 milliards d'euros, soit un total de 35,4 milliards d'euros hors pensions.
Trois programmes budgétaires sont placés sous ma responsabilité : le programme 212 de la mission « Défense » intitulé « Soutien de la politique de défense ; au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » et le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».
Ces trois programmes représentent un montant de 6,9 milliards d'euros en autorisations d'engagements (AE) et de 6,4 milliards d'euros en crédits de paiements (CP).
Je voudrais tout d'abord vous présenter le contenu de ces trois programmes budgétaires puis évoquer les étapes importantes de la réforme du ministère que le projet de loi de finances doit permettre de franchir au cours de l'année prochaine.
Le programme 212 permet de répondre à trois enjeux ministériels : le pilotage et la coordination des politiques transverses exercées par les grandes directions fonctionnelles, la fourniture de prestations dans des domaines particuliers (infrastructure, soutien de l'administration centrale, systèmes d'information d'administration et de gestion, action sociale…) et l'accompagnement de la réforme dans laquelle est engagé le ministère.
Les crédits de ce programme s'élèvent à 3,6 milliards d'euros en AE et 3,1 milliards d'euros en CP. Ils intègrent un montant de ressources non budgétaires à hauteur de 700 millions d'euros correspondant au produit des cessions d'actifs immobiliers prévues fin 2009 et surtout en 2010.
Le plafond d'emplois du programme augmente de 952 emplois par rapport à 2009. Cette évolution peut surprendre au vu de l'équation globale de la réforme du ministère. Elle est due aux transferts correspondant aux réorganisations. Trois mouvements en expliquent l'essentiel. La création de l'agence de reconversion au printemps a fait que près de 600 personnes qui relevaient précédemment du programme 178 sont désormais rattachées au programme 212. Le phénomène est le même pour les 300 personnels de l'établissement de soutien de la délégation générale pour l'armement (DGA) qui figuraient jusqu'alors dans le programme 146. La disparition de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) en 2011 entraîne enfin, dès cette année, des transferts d'emplois vers la direction des ressources humaines.
Je tiens toutefois à souligner qu'en isolant les variations de périmètre, le programme contribue à la réduction des effectifs à hauteur de 162 emplois.
J'en viens maintenant à la destination des crédits du programme 212. Les crédits d'investissement de la politique immobilière (hors dépenses de restructurations, hors plan de relance) inscrits au programme 212 s'élèvent à 670 millions d'euros en AE et à 312 millions d'euros en CP. Ils sont complétés par une inscription de recettes à hauteur de 700 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale (CAS) immobilier. Sur ces montants, le logement représente 80 millions d'euros d'AE et 60 millions d'euros de CP.
Seront ainsi financés les infrastructures d'accueil du Tigre pour 2,5 millions d'euros, les zones techniques du VBCI pour 15 millions d'euros, les infrastructures de l'A400M pour 16,7 millions d'euros, le regroupement de services de l'hôpital Sainte-Anne de Toulon pour 9 millions d'euros ainsi que la réhabilitation des tours A et F de Balard et du bâtiment G pour 58,5 millions d'euros. Ces dernières opérations étaient indispensables pour des raisons de sécurité et pour le bon déroulement global du projet Balard. Je souligne enfin que 65,3 millions d'euros seront consacrés aux infrastructures de la dissuasion que ce soit pour l'ASMPA à Saint-Dizier ou pour la force océanique stratégique à l'Île-Longue.
Les crédits destinés aux systèmes d'information d'administration et de gestion s'élèvent à 143 millions d'euros en AE et à 147 millions d'euros en CP, ce qui correspond à une augmentation d'environ 20 millions d'euros par rapport à 2009 due à la prise en compte des grands systèmes logistiques qui figuraient jusqu'alors au programme 178 « Préparation et emploi des forces ».
Ces ressources permettront notamment de réaliser l'interface des systèmes d'information logistiques avec le système d'information financière de l'État CHORUS auquel le ministère se raccordera au début de l'année 2010. Sera également engagé le projet COMP@S de la SIMMAD. Le programme Louvois instituant un système unique de paiement pour la solde des militaires et le programme interministériel SIEX concernant l'exportation d'armement seront poursuivis.
Les crédits de la politique des ressources humaines atteignent 360 millions d'euros. Les mesures en faveur des personnels mobilisent 114 millions d'euros à comparer aux 89 millions d'euros de 2009. 99 millions d'euros sont destinés au personnel militaire et concernent les grilles indiciaires pour les sous-officiers et une part des officiers ainsi que l'élargissement de certaines mesures aux couples pacsés.
Quant aux 15 millions d'euros destinés au personnel civil, ils financeront la requalification et la refonte des régimes indemnitaires.
L'action sociale est dotée de 81,6 millions d'euros, soit 4 millions d'euros de plus qu'en 2009.
Les mesures nouvelles au titre de l'année 2010 portent sur le financement des organismes de référence pour la protection sociale complémentaire des personnels civils à hauteur de 5 millions d'euros. Le ministère se met ainsi en conformité avec la réglementation européenne. Le plan « petite enfance » sera poursuivi avec 0,68 million d'euros supplémentaires. Le ministère fera également un effort de 0,55 million d'euros au profit du chèque emploi service universel (CESU), particulièrement apprécié par les familles des militaires éloignés par les OPEX.
La reconversion est aussi un enjeu majeur pour le ministère de la défense. Elle a fait l'objet en 2009 d'une réforme importante tant dans son organisation, avec la mutualisation, que dans ses objectifs.
L'accompagnement des restructurations bénéficiera de 680 millions d'euros en AE et de 362 millions d'euros en CP au lieu de 304 millions d'euros et 76 millions d'euros en 2009. Les actions d'accompagnement se partagent entre l'accompagnement social à hauteur de 78 millions, l'accompagnement immobilier pour 268 millions en CP et l'accompagnement économique avec 55 millions en AE et 16 millions en CP, ces sommes étant versées au travers du FRED pour amorcer les études portant sur le réaménagement des sites et le développement économique.
Le programme 167 regroupe les moyens de la direction du service national et les crédits destinés aux actions de mémoire pilotées par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA). Le montant des crédits qui lui sont consacrés s'élève à 147 millions d'euros en AE et à 152 millions d'euros en CP.
Les crédits consacrés à la mémoire augmentent de 400 000 euros par rapport à 2009, compte tenu du programme des commémorations pour l'année 2010.
En revanche, les crédits de la direction du service national connaissent une réduction significative de l'ordre de 36 millions d'euros pour les AE, et de 11 millions d'euros pour les CP. Cela s'explique par la réduction de 100 emplois, conformément aux objectifs de la réforme de la direction, ce qui engendra des économies à la fois sur la masse salariale et les crédits de fonctionnement. La direction du service national (DSN) et la DSPRS sont les deux directions qui contribuent le plus, au sein du secrétariat général pour l'administration, au non-renouvellement d'un départ à la retraite sur deux. Cette baisse des crédits est aussi due à la réduction du besoin en autorisations d'engagement du fait du renouvellement en 2009 du marché triennal relatif à l'enseignement des gestes de premier secours pendant la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD).
Pour cette dernière, l'année 2010 donnera lieu à l'élaboration d'un projet de réforme de son contenu, en application des recommandations du Livre blanc. Le ministre de la défense et le secrétaire d'État ont d'ailleurs lancé ce matin un comité de pilotage sur le sujet qui devra proposer un élargissement du contenu de la journée pour y intégrer notamment la sécurité nationale.
Le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » regroupe l'essentiel des actions de solidarité et des prestations en faveur des anciens combattants et victimes de guerre. Il finance le fonctionnement de la DSPRS ainsi que les subventions pour charge de service public de l'office national des anciens combattants (ONAC) et de l'institution nationale des Invalides (INI).
Les crédits figurant à ce programme s'élèvent à près de 3,2 milliards d'euros soit une quasi stabilité par rapport à 2009. Derrière cette stabilité se cachent en réalité des évolutions notables au premier rang desquelles la revalorisation de la retraite du combattant de deux points à compter du 1er juillet 2010, inscrite pour la première fois dans le projet de loi de finances. Est également prévu le transfert d'une part importante des rémunérations et charges sociales de la DSPRS vers les organismes qui vont progressivement reprendre ses missions, compte tenu de sa dissolution en 2011. Cela s'accompagnera d'une réduction de 586 emplois dont 81 suppressions nettes. Enfin le projet de loi de finances prévoit une première dotation de 10 millions d'euros pour accompagner l'exécution de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Ce programme se caractérise donc, en 2010, par la poursuite de l'effort au profit des anciens combattants et la mise en oeuvre résolue de la rationalisation de l'administration, préconisée par la révision générale des politiques publiques.
J'aimerais maintenant souligner que le projet de loi de finances est également le budget de l'an II de la réforme considérable que met en oeuvre le ministère de la défense. L'année 2010 sera en effet marquée par d'importantes évolutions dont je rappelle les plus marquantes.
Ce seront d'abord les mesures de restructuration, avec la dissolution d'un état-major de forces et de trois états-majors de brigade de l'armée de terre, la fermeture de cinq régiments, d'une base aérienne, du centre automobile de la défense, le transfert de deux états-majors de brigade, de deux écoles et de deux régiments ainsi que la suppression de 11 directions interdépartementales des anciens combattants.
Parallèlement, le ministère de la défense continuera à travailler, en liaison avec le ministère chargé de l'aménagement du territoire, pour accompagner la reconversion économique des sites touchés par l'évolution de nos implantations.
Les rationalisations des organisations vont également se poursuivre avec des étapes significatives : la création du service du commissariat unique dès le 1er janvier 2010, la création des services de maintenance des matériels terrestres sur un modèle comparable à celui des matériels aéronautiques, avec un service de maîtrise d'ouvrage (SIMMT) et un service industriel (SMITER), la création du commandement interarmées des soutiens et celle des centres ministériels de gestion, pour le personnel civil.
S'agissant des systèmes d'information (SIC), levier essentiel de modernisation, l'année 2010 sera marquée par le raccordement du ministère à CHORUS dès le 4 janvier 2010 et la montée en puissance de la direction générale des SIC qui pilotera avec beaucoup plus de vigueur que par le passé l'harmonisation des nos systèmes. L'arrivée de CHORUS va profondément bouleverser certaines de nos habitudes et je tiens à souligner l'importance du travail qui a déjà été accompli pour préparer ce transfert.
2010 verra également la mise en oeuvre des 18 bases de défense pilote selon les principes fixés à l'issue du retour d'expérience conduit en milieu d'année 2009.
Au coeur de toutes ses évolutions, il y a ce que nous appelons la « manoeuvre RH », c'est-à-dire l'adaptation quantitative et qualitative des ressources humaines des armées et du ministère. En ayant l'oeil fixé sur les objectifs du Livre blanc, il nous faut préserver la capacité opérationnelle, et donc les emplois correspondants, en faisant porter l'effort de réduction d'effectifs sur l'administration et le soutien.
La réduction des effectifs fixée dans la loi de programmation militaire doit être strictement respectée, mais elle ne doit pas conduire à sous-réaliser le plafond d'emplois, c'est-à-dire à supprimer plus d'emplois que ne le prévoit la LPM. Le ministre y est attentif et l'administration suit l'exécution annuelle avec attention pour prévenir toute insuffisance de la masse salariale.
Le reclassement et la reconversion peuvent et doivent encore gagner en efficacité, malgré un environnement économique défavorable. C'est la principale raison d'être de l'agence de reconversion nouvellement créée ; le ministère attend également beaucoup de la mobilisation interministérielle autour des nouvelles plates-formes RH constituées auprès des préfets de région. Ces outils interministériels se développent peut-être moins vite que nos outils propres, mais ils doivent nous apporter un appui indispensable.
L'accroissement du rôle et de la qualification du personnel civil est à mes yeux l'une des conditions de la réussite de la réforme. Il ne correspond pas à une démarche spontanée du ministère, il faut dont y consacrer une attention particulière. La constitution des bases de défense et de leur groupement de soutien offre l'occasion de relever ce défi, il ne faut pas la manquer, afin de repenser le rôle et la place du personnel civil.
Une attention particulière doit enfin être portée aux grandes fonctions transverses, qu'il s'agisse des ressources humaines, des infrastructures, des finances ou de l'exploitation des systèmes d'information. Ces fonctions sont très consommatrices en personnel et nécessitent donc un effort de rationalisation pour que la réduction des effectifs ne porte pas sur la sphère opérationnelle, ce qui serait contraire aux objectifs qui ont été fixés au ministère.
Je voudrais tout d'abord vous interroger sur la JAPD qui, je le rappelle, accueille chaque année près de 800 000 jeunes garçons et filles. Vous avez pertinemment soulevé le problème de sa reconfiguration et je me demande quel sera l'impact de ce changement sur le plan budgétaire. Disposez-vous d'éléments à ce sujet ?
À ce stade de la réflexion, nous ne disposons que de quelques éléments de cadrage : il faudra que la réforme se fasse dans l'enveloppe budgétaire prévue. Il est par ailleurs exclu que les jeunes soient convoqués plus qu'une journée. Sur le plan financier, nous pourrons peut-être retrouver des marges de manoeuvre dans trois ans lorsque l'Éducation nationale aura totalement repris à son compte le module de formation aux premiers secours.
Le projet de loi de finances prévoit d'augmenter d'une journée la durée moyenne d'activité des réservistes. Cela répond-il aux besoins actuels des armées, ou faudrait-il encore accroître cette durée compte tenu des engagements sur de nombreux théâtres d'opérations ?
La stabilisation des crédits des réserves en 2009 a été une source de frustration pour ces personnels. Il nous faut aujourd'hui enclencher une nouvelle dynamique. Dans le cadre de la redéfinition globale du format des armées, les réserves doivent pouvoir jouer tout leur rôle, ce qui n'est possible que si la durée d'activité augmente. L'état-major des armées a formulé un besoin opérationnel très fort.
Pour éclairer la compréhension du budget, il me semble nécessaire de dresser un tableau réaliste des réalisations immobilières. Pouvez-vous revenir, dans le détail, sur le contenu des 972 millions d'euros prévus pour 2009, sur les 240 millions d'euros du plan de relance et sur ce qui a effectivement été réalisé ? J'aimerais également que vous reveniez sur la soulte de 215 millions d'euros versée par la SNI.
Nous nous posons par ailleurs beaucoup de questions sur les externalisations. Où en est leur évaluation précise ?
S'agissant des bases de défense, on nous affirme qu'il faut attendre 2010 pour généraliser les résultats en 2011. Mais d'un autre côté, le ministre de la défense considère que l'évaluation est très positive tout en refusant la communication aux membres de la mission d'information. Qu'en est-il ?
Pour les ressources immobilières et les recettes exceptionnelles, la loi de finances initiale pour 2009 prévoyait, en AE, 1,062 milliard d'euros pour les crédits d'investissement et le logement. Ils se décomposaient en 870 millions d'euros pour les opérations d'infrastructure et de logement et 192 millions d'euros pour l'accompagnement des restructurations. Le budget 2009 ne comprenait en revanche que 42 millions d'euros en crédits de paiement dont 9,6 millions d'euros pour financer les études liées aux restructurations. En effet, les ressources provenant de la vente des actifs devaient être versées sur le compte d'affectation spéciale immobilier. À ce sujet, je vous confirme bien que la soulte de la SNI était, dès le départ, comprise dans les 972 millions d'euros.
Quelle est la réalité en octobre 2009 ? Pour les ressources du programme 212, 971 millions d'euros sont disponibles en AE, ce qui représente une légère baisse. Nous avons néanmoins préservé l'essentiel puisque les crédits pour les restructurations passent de 192 à 295 millions d'euros. J'ajoute que nous avons bénéficié d'une aide de 170 millions d'euros grâce au plan de relance.
Nous avons bénéficié d'une hausse identique pour les crédits de paiement au titre du plan de relance, soit 170 millions d'euros. Un décret d'avance nous a également octroyé 105 millions d'euros supplémentaires. J'ajoute enfin une majoration des avances versées aux entreprises à hauteur de 20 millions d'euros.
En contrepartie, seuls 540 millions d'euros ont été versés sur le CAS immobilier au lieu des 972 millions d'euros attendus. On constate donc un écart final de 90 millions d'euros en AE et de 140 millions d'euros en CP.
Le projet de loi de finances prévoit une répartition sensiblement différente puisque les crédits d'investissement atteignent 1,2 milliard d'euros en AE, 668 millions allant aux infrastructures et au logement et 547 millions aux restructurations.
En crédits de paiement, 644 millions d'euros sont prévus pour le programme 212 dont 268 millions pour les restructurations, à comparer aux 9,6 millions inscrits pour 2009, signe d'une nette montée en puissance. S'y ajoutent 700 millions d'euros qui seront versés sur le compte d'affectation spéciale. Le total s'élève donc à 1,3 milliard d'euros en CP, soit 300 millions de plus que l'année précédente.
Cette situation s'explique par le retard pris dans la réalisation des recettes exceptionnelles. Nous n'avons pas pu réaliser dans les temps les projets prévus mais nous n'avons pas souffert d'un déficit de trésorerie, les ressources estimées en 2009 ayant été compensées par le plan de relance et le redéploiement de crédits au sein de la mission. En 2010, nous prévoyons d'engranger 700 millions d'euros grâce à la vente d'emprises, deux tiers de cette somme provenant des sites parisiens et un tiers des autres implantations.
J'observe par ailleurs que les prévisions de la LPM n'intégraient pas la dégradation actuelle du contexte économique ni la décision du Gouvernement de céder certaines emprises à l'euro symbolique.
Ces phénomènes diminuent le montant des recettes sans que le ministère soit, pour le moment, en mesure de l'estimer précisément, les travaux d'évaluation étant encore en cours.
Le montant de 540 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale est obtenu grâce à un abondement de 100 millions en provenance du programme 146 « Équipement des forces ». Quelles seront les conséquences de ce redéploiement ?
Le ministère a été autorisé à consommer 400 millions d'euros supplémentaires au titre des reports de crédits, dont 100 millions d'euros sont allés au programme 212 sur les crédits de la politique immobilière.
J'aimerais revenir sur les bases de défense évoquées par M. Nauche car elles me semblent constituer un aspect stratégique de la réforme. On en attend en effet des économies d'échelle et un niveau de mutualisation qui en garantira les objectifs. Quelle vision portez-vous sur la constitution de ces premières bases ? Pouvez-vous nous indiquer très précisément quel est le rapport coût-avantage de leur constitution ? Combien ont-elles coûté ? Combien ont-elles rapporté ? Quels sont les critères d'évaluation qui vous permettent d'apprécier les premiers retours d'expérience et qui permettent au ministre d'annoncer l'accélération de leur mise en oeuvre ? Les réponses faites sur ce point par le ministère ont une dimension très philosophique et très peu chiffrée.
Le deuxième sujet porte sur le renforcement de la fonction financière qui renvoie à votre fonction de secrétaire général du ministère. La réalisation de la réforme dans de bonnes conditions suppose qu'existent des dispositifs de suivi de la réforme, notamment des indicateurs financiers et un dispositif de coordination suffisamment fiable assurant un suivi analytique et budgétaire permanent. Plusieurs instances ont été mises en place : le comité financier interministériel, le comité interministériel des investissements, le COMEX, la mission de coordination de la réforme… Mais finalement, qui coordonne et assure l'expertise financière ? La direction des affaires financières ne semble pas en mesure d'accomplir cette tâche à moins qu'elle n'ait récemment développé de nouveaux outils. Quel regard portez-vous sur cette organisation et comment expliquez-vous que la réforme coûte aujourd'hui de l'argent alors que les prévisions prévoyaient des économies dès 2010 ?
Ma troisième question porte sur Balard dont j'aimerais comprendre la logique. Aux universités d'été de la défense, le contrôleur général Conort s'est félicité du montage retenu, considérant qu'il allait engendrer des économies considérables et que le secteur privé financerait ce qui ne pourrait l'être directement par l'État. Nous avons des difficultés à comprendre la logique de ce montage. Il semble que l'État va dépenser 20 millions d'euros pour des opérations de déconstruction puis passer un contrat par lequel des entreprises vont concevoir, réaliser et entretenir le bâtiment moyennant un loyer annuel pendant 30 ans. Le montant de ce loyer pourrait être de l'ordre de 150 millions, est-ce exact ? Il a ajouté que ce schéma serait financièrement neutre pour l'État. Pourtant lorsque je demande l'évaluation de l'investissement initial pour m'assurer que l'amortissement qui nous est présenté lui correspond bien, je n'obtiens pas de réponse. Comment–il possible d'estimer le montant du loyer si on ne peut pas évaluer cet investissement initial ? Il y a ici une contradiction forte !
Sur les bases de défense, le ministère de la défense ne dispose pas aujourd'hui des outils nécessaires à l'établissement d'un bilan financier de l'expérimentation.
Je comprends parfaitement qu'il est trop tôt pour disposer d'un bilan financier, mais alors pourquoi accélérer la démarche et décider d'aller encore plus loin dans la logique de rationalisation ?
Il ne faut pas résumer le retour d'expérience à une question financière et budgétaire à laquelle nous devrons effectivement apporter une réponse. L'expérimentation des bases de défense a permis de valider les grands principes de leur organisation comme la mutualisation de moyens et la création de groupes de soutien de base de défense visant à redéployer les effectifs militaires sur les fonctions opérationnelles et à recourir plus largement au personnel civil pour les fonctions de soutien. Toutes les questions n'ont cependant pu être examinées, il reste du chemin à parcourir.
La question des systèmes d'information devient, par exemple, cruciale. Il faut que les gestionnaires de base de défense disposent au plus vite, d'un système d'informations propre aux fonctions de soutien sur lesquelles ils exercent leur responsabilité, et, en tout état de cause, impérativement d'ici à 2011.
Le principe est donc validé mais les outils manquent pour dresser une évaluation économique et financière. Je rappelle que l'expérimentation n'a débuté qu'en janvier 2009.
En matière financière, CHORUS permettra de réaliser de réels gains d'efficacité et de productivité. Ce chantier prioritaire entraînera toutefois des remises en cause fondamentales des organisations. Nous devons également renforcer notre expertise financière, gage de notre crédibilité interne et externe. Il ne faudrait pas cependant faire de la dimension financière l'unique préoccupation. En matière d'investissement, la dimension capacitaire, la dimension industrielle tiennent toute leur place. La gestion financière doit gagner en qualité, les mêmes instruments doivent s'imposer à tous. Pour ce faire, des outils de suivi de l'exécution de la programmation selon les nouvelles normes de Chorus seront, par exemple, mis en place.
En matière immobilière, seules les données issues du dialogue compétitif auront une signification. Nous ne raisonnons pour le moment qu'en ordre de grandeur. Je vous indique que nos implantations actuelles nécessitent une dépense annuelle d'environ 300 millions d'euros. C'est à cette aune qu'il faudra comparer le loyer futur, sans pour autant oublier la dimension qualitative. Aujourd'hui, certains sites offrent des conditions de travail indécentes et nous ne pouvons plus nous en satisfaire.
Je partage l'analyse du secrétaire général : les conditions de logement sont parfois indignes. La rusticité est acceptable en OPEX mais pas en stationnement au sein des unités. Le ministre a lui-même pu constater la situation du 8eRPIMa de Castres. Au regard du rythme actuel des investissements, quel effort budgétaire faudrait-il consentir pour que la situation de l'immobilier devienne acceptable ?
L'action sociale des armées est remarquable, tant à l'égard des soldats morts en OPEX et de leurs familles que des blessés. Pouvez-vous nous confirmer que les dispositifs seront maintenus ?
Il n'était pas possible, compte tenu de la contrainte budgétaire, d'entretenir et de rénover correctement le parc immobilier de la défense et c'est la raison pour laquelle nous avons choisi de réduire nos implantations. Nous avons fait des efforts pour moderniser la gestion de nos infrastructures avec la création du service des infrastructures de la défense (SID) et nous continuons à évoluer pour que les experts immobiliers soient effectivement responsables de l'entretien et de la maintenance des bâtiments.
Pour ce qui concerne l'action sociale, je vous remercie de souligner la qualité du dispositif qui, malheureusement, a été fortement sollicité depuis un an. Il comprend plusieurs acteurs au premier rang desquels figure le commandement qui intervient souvent le premier auprès des familles. Le réseau des assistants sociaux joue également un rôle décisif, suivant individuellement et sur une longue période les personnes concernées. La proximité de l'aide sociale est essentielle et sera préservée pour les unités opérationnelles avec un assistant social pour 500 militaires. Sur le plan financier, plusieurs dispositifs cohabitent et assurent une très bonne couverture des risques.
J'ajoute qu'en cas d'incident, je suis personnellement informé au quotidien des mesures de suivi mises en place pour accompagner le militaire et sa famille.
Où en est la réflexion concernant l'extension aux associations de familles de fusillés et de déportés des mesures de réparation des spoliations antisémites ? Où en est-on alors que le nombre de dossiers a fortement augmenté depuis que les orphelins peuvent également bénéficier de ce régime ?
Ce programme relevant du secrétariat général du Gouvernement et de l'ONAC, je ne dispose pas d'informations à ce moment, mais je me propose de vous les communiquer par écrit.
Je souhaite vous interroger sur la JAPD : faute des outils adéquats, n'y a-t-il pas une perte de données statistiques sur les générations concernées, notamment en matière de santé ? Par ailleurs, on assiste à un glissement sémantique entre la notion de défense et celle de sécurité. Je m'inquiète de la disparition des termes militaires et même de la mention de la défense. Pouvez-vous nous donner des informations détaillées, notamment budgétaires, sur les actions de cette journée ? Conduisez-vous une réflexion avec le ministère de la santé dans ce domaine ?
Il n'est pas question de faire disparaître la dimension militaire, et le mot de défense est bien présent, puisqu'on y parlera de défense et de sécurité nationale.
Aurait-on peur des mots : pourquoi ne parle-t-on pas de la défense de la nation ? Car c'est de cela qu'il s'agit.
Cette notion est incluse dans la JAPD.
Pourtant on a le sentiment que ces thèmes sont de moins en moins présents pendant la JAPD, affaiblissant d'autant les valeurs patriotiques.
Les modifications du contenu de la JAPD ne sont pas arrêtées, les travaux viennent d'être lancés. Nous suivons les orientations du Livre blanc qui prévoient que cette évolution ne doit pas affaiblir la dimension militaire. Elle doit au contraire maintenir un lien entre les armées et les jeunes Français. Le ministère de la défense fera en sorte de ne pas perdre l'âme de la JAPD. L'approche sera sans doute plus globale, mais elle ne se fera pas au détriment de la défense, je puis vous l'assurer.
C'est d'autant plus important que la JAPD est un lieu d'information et de contact privilégié pour les armées. À titre d'exemple, 20 % des engagés de l'armée de terre déclarent avoir établi un premier contact à l'occasion de la JAPD
En matière de santé, une tentation existe d'inclure une visite médicale dans la JAPD. Je rappelle que la loi du 28 octobre 1997 prévoyait un bilan individuel de santé préalablement à la JAPD. Le ministère de la santé ne l'a pourtant jamais mis en place. Le coût pourrait s'élever à 16 millions d'euros par an. Il me semble toutefois possible d'envisager d'autres pistes pour que les données médicales convergent vers la JAPD et que nous disposions ainsi d'un état des lieux sanitaire et médical fort utile.
La séance est levée à dix-neuf heures.