La séance est ouverte à 14 h 30.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission procède à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés sur le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (n° 1599) (M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur).
Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir au nom de notre commission Mme la ministre d'État, Garde des sceaux, dans le cadre de l'examen du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.
Nous souhaitons tous que tous les textes relatifs à la révision constitutionnelle viennent en discussion dès que possible. Celui que nous examinons aujourd'hui est très attendu, car il donnera à nos concitoyens un nouveau droit. Je me réjouis donc que les arbitrages rendus aient permis qu'il puisse être adopté durant la prochaine session extraordinaire.
Je rappelle que notre commission a réalisé un important travail de fond et procédé à de nombreuses auditions de représentants de juridictions, d'avocats et d'universitaires, qui nous ont permis d'approfondir divers aspects de ce texte.
Mesdames, messieurs les députés, le texte que vous examinez aujourd'hui, s'il est relativement simple et court, est aussi particulièrement important : il s'agit à la fois de prendre acte d'une décision votée dans le cadre de la réforme constitutionnelle, de la mettre en oeuvre, et de donner à nos concitoyens un nouveau droit qui leur ouvre la possibilité de faire procéder à un examen de la constitutionnalité des lois qui leur sont appliquées.
Je tiens à rendre hommage à votre commission pour le travail important qu'elle a accompli sur ce texte. De nombreux amendements ont déjà été déposés et d'autres le seront certainement encore au cours des travaux de la commission et de l'examen du projet de loi en séance publique, qui sont toujours une occasion d'améliorer les textes et de les rendre plus lisible pour nos concitoyens, afin de mieux montrer le sens des réformes engagées.
En l'espèce, le justiciable doit pouvoir soutenir, à l'occasion d'un contentieux, qu'une disposition législative porte atteinte aux principes, aux droits et aux libertés garantis par la Constitution. La question de la constitutionnalité des lois est récurrente depuis très longtemps, et elle l'était déjà lorsque j'étais étudiante en droit. Ce projet de loi me semble donc représenter un progrès historique pour l'approfondissement de l'État de droit dans notre pays. Il consacre la vocation première de notre bloc de constitutionnalité, qui est de protéger les droits et libertés fondamentales des citoyens.
En prévoyant que le Conseil constitutionnel puisse être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation, le législateur a également voulu éviter certains risques, notamment celui de l'engorgement des juridictions par des questions déjà tranchées ou fantaisistes, dont la finalité serait purement dilatoire. Ce qui est en jeu, je le rappelle, c'est la possibilité de garantir aux citoyens que les lois respectent bien leurs droits et leurs libertés tels que définis par la Constitution. Un autre risque pourrait être celui de la déstabilisation de notre organisation juridictionnelle par le mélange de diverses compétences.
Afin de prévenir ces difficultés, le projet de loi organique institue le mécanisme de la question de constitutionnalité, qui est en cohérence avec le droit français et garantit l'effectivité d'une mise en oeuvre par des règles de procédure adaptées.
Pour ce qui concerne tout d'abord la cohérence, la question de constitutionnalité réaffirme la hiérarchie des normes juridiques, à laquelle je sais que votre commission est particulièrement attachée, dans le respect de notre architecture juridictionnelle. La primauté de la Constitution sur toutes les règles de droit interne se trouve ainsi réaffirmée – ce qui est bien, au demeurant, le but de la réforme constitutionnelle engagée.
Cette démarche met fin à une situation anormale : lors d'un procès, un justiciable qui estimait que la règle qu'on lui appliquait était inconstitutionnelle ne pouvait pas le faire reconnaître. Ce moyen pourra désormais être soulevé en première instance comme en appel et devant toute juridiction, qu'elle relève du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation. En cour pénale, le moyen de la constitutionnalité pourra intervenir au cours de l'instruction ; en assises, la question pourra être soulevée en amont, dans la phase d'instruction du procès criminel.
La question de constitutionnalité ne remet pas en cause notre organisation juridictionnelle. En effet, le principe de la spécialité de juridictions est préservé. Le choix qui a été fait n'a pas été de permettre à tout tribunal de juger de la constitutionnalité d'une règle, mais de réserver cette décision au Conseil constitutionnel. Chacun restera donc dans sa sphère de compétence. Les juridictions judiciaires et administratives vérifient la compatibilité entre les règles nationales et les normes internationales, tandis que le Conseil constitutionnel a compétence exclusive pour vérifier la conformité de la loi avec la Constitution. L'équilibre des juridictions est ainsi maintenu. Il ne s'agit pas pour autant de faire du Conseil constitutionnel une sorte de super Cour suprême : son contrôle demeure abstrait – il ne touche pas au fond de l'affaire et se limite à la seule question de constitutionnalité qui a été soulevée. De la sorte, et même si une coopération entre les différents niveaux est nécessaire pour trancher cette question, le Conseil d'État et la Cour de Cassation demeurent des cours souveraines et tout se fait dans le respect des compétences et de la spécialité des différentes juridictions.
Cependant, la question de constitutionnalité doit aussi garantir aux citoyens la pleine effectivité du nouveau recours prévu par la Constitution et deux règles ont paru essentielles à cette fin. La première porte sur la priorité du contrôle de constitutionnalité de la loi sur celui de sa conventionnalité, c'est-à-dire de sa conformité au droit international. L'autre règle concerne le moment de l'examen de la question de constitutionnalité par le juge saisi. Ces deux points sont importants dans notre organisation juridictionnelle.
Pour ce qui est tout d'abord de la priorité reconnue à l'examen de la constitutionnalité, le projet de loi articule les deux contrôles de la loi au regard des normes qui lui sont supérieures : la Constitution et le droit international. Le contrôle de conventionalité, ou de conformité au droit international, est pratiqué depuis longtemps par les juridictions judiciaires et administratives, avec des évolutions progressives qui ont abouti à l'état actuel du droit. Le contrôle de constitutionnalité, tel qu'il est prévu par le projet de loi, est une prérogative exclusive du Conseil constitutionnel. La finalité est de pouvoir invalider un projet de loi qui se révélerait contraire à la Constitution. C'est donc aussi la raison pour laquelle on a voulu que le contrôle de constitutionnalité prime sur la décision de contrôle de la conformité aux normes internationales. Le risque n'est pas théorique, car la plupart des droits et des libertés sont protégés à la fois par la Constitution et par des engagements internationaux. De la sorte, si on laissait au juge le droit de choisir entre les deux avant l'avis du Conseil constitutionnel, la norme internationale s'appliquerait parfois au détriment de notre Constitution – ce qui semblerait tout à fait anormal à la juriste et à la gaulliste que je suis.
Le deuxième point essentiel est celui de l'examen par le juge, dans la perspective de la célérité de la justice. De fait, nos concitoyens reprochent notamment à la justice sa lenteur, et il importe donc de ne pas rajouter des délais au déroulement des procès. C'est la raison pour laquelle le texte enferme dans un délai raisonnable, estimé à six mois, le traitement de la question de constitutionnalité par les cours suprêmes et par le juge constitutionnel, ce qui permet que cet examen ait lieu parallèlement au déroulement de la procédure sur le fond. D'autre part, les différentes étapes de la procédure pourraient s'articuler harmonieusement. Le juge saisi d'une demande par un justiciable doit donc examiner sans délai le texte sur le fondement des critères prévus par le projet de loi, avant de décider de sa transmission à la cour suprême dont il relève – le Conseil d'État ou de Cour de Cassation –, qui l'examine selon les critères traditionnellement employés, après quoi le juge constitutionnel rendra sa réponse au moyen soulevé. Si le Conseil constitutionnel estime qu'il existe un problème de constitutionnalité, la loi sera abrogée.
Il s'agit donc bien d'une garantie supplémentaire, et donc d'une avancée historique pour le justiciable comme pour notre droit.
Il faut toutefois observer que, bien que l'exception d'inconstitutionnalité soit considérée depuis longtemps et par tous comme une avancée, nombreux sont ceux qui ont reculé lorsqu'il s'agissait de la mettre en oeuvre. Le projet de loi soumis à votre examen est à la fois réaliste – car il tient compte des contraintes et des risques de perversion du système – et ambitieux. Sans négliger aucune des difficultés juridiques soulevées par cette innovation, il vise à donner réalité à la protection des droits et libertés inscrits dans la loi fondamentale de notre pays.
Guy Geoffroy. Dans le cadre de l'application de la révision constitutionnelle, l'avancée que représente ce texte devrait réunir les suffrages de la quasi-totalité de nos collègues. Je tiens à saluer le travail accompli par le président et rapporteur de notre Commission. N'ayant pu participer à ce travail, j'ai pris grand soin de lire le compte rendu des auditions de très grande qualité auxquelles il a été procédé et qui ont permis d'identifier certains éléments qu'il conviendrait de préciser pour améliorer encore l'ensemble du dispositif.
Tout d'abord, l'article 61-1 de la Constitution fait explicitement référence à la loi organique, et à elle seule, pour mettre en oeuvre ce nouveau droit qui garantit à nos concitoyens la possibilité d'un examen de la constitutionnalité des textes, parfois très anciens, auxquels ils sont soumis dans le cadre d'une procédure judiciaire. Il faut donc veiller à ne rien oublier de ce qui doit figurer dans la loi organique pour que la révision constitutionnelle porte tout son effet, car il n'y aura pas de session de rattrapage et il ne saurait être question de reprendre dans une loi ordinaire des éléments que nous aurions oubliés au passage.
Je souhaiterais donc, madame la ministre d'État, connaître votre sentiment sur certains points
Ma première interrogation porte sur les délais. En effet, si un délai de trois mois est imparti aux deux cours souveraines pour transmettre le dossier au Conseil constitutionnel, aucun délai n'est prévu dans la phase de la première instance. En fixer un garantirait à nos concitoyens que leurs demandes seront traitées dans un temps raisonnable et connu d'avance.
En deuxième lieu, le texte ne prévoyant pas non plus ce qu'il advient en cas de dépassement des délais, il me semblerait opportun de préciser dans la loi organique qu'en pareil cas, la logique du mouvement institutionnel va dans le sens d'une transmission au Conseil constitutionnel.
Il semble par ailleurs que les dispositions tout à fait satisfaisantes qui sont définies pour les cas où le Conseil d'État ou la Cour de cassation sont saisis d'une question de constitutionnalité ne soient pas prévues lorsque les cours souveraines en sont directement saisies. Il pourrait donc être opportun d'y remédier – un simple rappel par réécriture y suffirait.
Enfin, s'il n'est pas question de compléter ultérieurement cette loi organique par une loi ordinaire, il n'est pas non plus question d'y inclure n'importe quoi. Je m'opposerai donc farouchement à ceux qui, à ce que j'entends dire, souhaitent faire figurer dans ce texte, par voie d'amendements, des dispositions relatives au Conseil constitutionnel en tant que tel, et non pas seulement aux questions de constitutionnalité qui lui sont soumises. Il nous faut examiner toute la loi organique, mais rien que la loi organique. Toucher au Conseil constitutionnel n'est pas le rôle du législateur, et surtout pas dans le cadre de ce texte.
Je m'associe aux remarques formulées par mon collègue Guy Geoffroy.
Vos propos sont rassurants, madame la Garde des sceaux, quant à l'application de l'article 61-1 de la Constitution mais j'observe tout de même qu'afin d'éviter tout usage dilatoire de la loi, il est impératif de préciser que le juge ne doit pas attendre l'issue de la procédure pour traiter de la question de constitutionnalité : en effet, le délai d'examen de cette dernière doit être imputé sur le temps de la procédure et non s'y rajouter. Dès lors, il serait opportun de préciser que la juridiction transmet « sans délai » la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies – il s'agit du premier alinéa de l'article 23-2 – et de rappeler par ailleurs dans l'ensemble du texte qu'il s'agit d'une « question préalable » ou – ce qui serait encore mieux – « prioritaire » de constitutionnalité. Enfin, pour que les Français s'approprient ce nouveau dispositif, la réponse à cette question doit intervenir dans un délai satisfaisant.
Le cinquième alinéa de l'article 23-2, de plus, pose le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité par rapport au moyen de conventionnalité, c'est-à-dire sur contrôle de la conformité des lois eu égard notamment à la convention européenne des droits de l'homme. Cette orientation très positive doit cependant être renforcée en étendant cette disposition au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Par ailleurs, outre qu'il conviendrait de supprimer la référence aux moyens soulevés « de façon analogue » – tant les conséquences de cette formulation peuvent être incertaines –, il n'est pas admissible – et Mme la Garde des sceaux s'en est émue en tant que gaulliste – que cet article s'applique sous réserve des exigences de l'article 88-1 de la Constitution, laissant ainsi penser que le droit communautaire primerait le droit constitutionnel.
Le groupe socialiste ne s'opposera pas à ce texte puisque nous avions naguère déposé une proposition de loi en ce sens. Sans doute étions-nous d'ailleurs restés prisonniers d'une vision limitée aux années quatre-vingt-dix – je songe aux rapports Vedel ou Balladur – sans prendre suffisamment en compte les évolutions du droit, notamment celui du Conseil d'État – je songe, cette fois, aux arrêts Nicolo, Boisdet ou Rothmans. Mieux encore : nous souhaitons que ce projet soit applicable le plus rapidement possible – il en est d'ailleurs de même s'agissant d'autres mesures issues de la révision constitutionnelle dont celles concernant le « Défenseur des droits » ou le référendum d'initiative conjointe.
Ce n'est pas trahir un secret : ce texte est elliptique car il est le fruit du plus petit commun dénominateur trouvé par les membres du comité Balladur, qui, s'ils s'accordent en effet sur son principe, divergent sensiblement en revanche sur ses modalités d'application. Précisément, Mme la Garde des Sceaux a pointé les trois difficultés qui se posent et, tout d'abord, celle – stratégique – concernant le filtre.
Les auditions, de ce point de vue, ont dessillé mes yeux car je pensais que les relations entre le Conseil d'État, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel étaient idylliques. Comme ce n'est pas tout à fait le cas, le législateur se devait de mettre en place – tout en respectant bien entendu les prérogatives des uns et des autres – un nouveau mécanisme dont le nom ne doit pas tant témoigner d'un constat – comme c'est le cas avec la « question de constitutionnalité » – que d'une direction – comme cela serait le cas d'une « question préalable ou prioritaire » de constitutionnalité.
Deuxième difficulté : la priorité. La question se pose d'autant plus que, comme l'ont dit MM. Pierre Mazeaud et Jean-Louis Debré, l'unification des prérogatives des juges de la constitutionnalité et de la conventionnalité sera tôt ou tard effective. À ce propos, monsieur le président Warsmann, je note qu'il aurait été utile d'auditionner les représentants des magistrats.
Troisième difficulté, enfin : le statut du Conseil constitutionnel, lequel sera dorénavant une juridiction – ce changement impliquant de tirer un certain nombre de conséquences.
Par ailleurs, ne peut-on parler d'une partialité « structurelle » du Conseil d'État dès lors que la question préalable de constitutionnalité portera sur un texte sur lequel il s'est déjà prononcé – je vous rappelle, à ce propos, la jurisprudence de 2000 dite Labor Metal ? Que pensez-vous également, madame la Garde des sceaux, du déport des membres du Conseil d'État ayant eu un rôle majeur dans l'adoption d'un texte qui serait contesté ? N'en va-t-il pas de même des membres du Conseil constitutionnel – dans lequel siègent, je le rappelle, deux Présidents de la République, qui pourraient être amenés à se prononcer sur des textes qu'ils n'avaient pas déférés car jugés implicitement conformes à la Constitution ? Quelles pourraient être les conséquences d'une telle situation ? Quid, enfin, des anciens parlementaires qui siègent parmi eux ?
En outre, le troisième alinéa de l'article 56 de la Constitution disposant que le Président du Conseil constitutionnel a voix prépondérante en cas de partage, que se passera-t-il en cas d'absence et qu'en sera-t-il de l'égalité des parties ?
Enfin, le ministère d'avocat sera-t-il obligatoire devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation ou bien sera-t-il par exemple possible de défendre devant le Conseil d'État, sans avocat, l'inconstitutionnalité d'un texte dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir ? Je note que le président Warsmann, si j'en crois le pré-rapport qu'il a eu l'excellente idée de nous transmettre, semble le penser. Dans les autres cas, lorsque le recours au principal n'est pas dispensé d'un ministère d'avocat, en sera-t-il de même devant le Conseil d'État ?
Dernier point, un peu anecdotique je le reconnais : quelles seront les conséquences de ce texte sur le droit local alsacien-mosellan ?
Lorsque nous l'avons auditionné, le secrétaire général du Conseil constitutionnel, M. Marc Guillaume, a considéré qu'il devrait être possible d'être assisté par n'importe quelle personne de son choix devant le Conseil constitutionnel mais qu'une demande d'expression orale impliquait la présence d'un avocat, solution qui nous avait alors paru de bon aloi puisqu'en droit du travail, par exemple, une personne peut fort bien être représentée par un délégué syndical.
Si, s'agissant du périmètre des dispositions contrôlées, la loi organique évoque des « dispositions législatives » – à l'instar de la Constitution –, cette expression couvre-t-elle également l'ensemble des actes normatifs dont les mesures qui, normalement, relèvent des ordonnances au titre de l'article 38, les dispositions de nature législative nommées par l'article 53 et, enfin, les textes de forme législative visés par l'article 37 ? N'aurait-il pas dès lors été préférable d'évoquer des « lois et des textes à caractère législatif » ?
La procédure d'exception étant par ailleurs différente de la procédure de contrôle a priori, je m'interroge également sur les effets de l'appréciation de conformité à la Constitution. Le contrôle portant sur une disposition législative, que penser de la portée d'une décision d'inconstitutionnalité par voie d'exception prononcée à l'encontre de dispositions qui se révèleraient inséparables du reste de la loi promulguée, car essentielles ? N'aurait-il pas été de bonne politique de prévoir l'annulation des dispositions jugées « indétachables » ?
En outre, l'article 23-10 dispose que la décision du Conseil constitutionnel est motivée ; lorsque ce dernier statue dans le cadre de la procédure de contrôle préalable, il dispose par ailleurs de toute latitude pour choisir et retenir les motifs d'inconstitutionnalité. Or, en 1990, le sénateur Larcher – l'actuel président de la Haute assemblée – avait envisagé que la combinaison d'une déclaration d'inconstitutionnalité prononcée au-delà des moyens invoqués et portant sur des dispositions déclarées inséparables pourrait conduire à une décision contraire aux intentions de la partie requérante qui aurait donc été éventuellement susceptible de tenir de la loi d'autres droits et dont, en l'espèce, ni elle ni la partie adverse n'auraient contesté la constitutionnalité. N'aurait-il donc pas été préférable de préciser que la décision du Conseil constitutionnel est motivée notamment au regard des moyens soulevés devant les juridictions relevant du Conseil d'État et de la Cour de cassation ?
Enfin, le Sénat avait considéré en 1990 que le renforcement des compétences du Conseil constitutionnel et l'accentuation de son caractère juridictionnel imposaient d'accroître la nécessaire indépendance de ses membres en étendant le régime de leurs incompatibilités. Le sénateur Larcher estimait alors cette extension d'autant plus nécessaire que le justiciable dont les exceptions d'inconstitutionnalité seraient renvoyées devant le Conseil constitutionnel n'admettrait pas que ses affaires soient tranchées par des juges constitutionnels exerçant par ailleurs des fonctions politiques, des mandats électifs ou syndicaux et des activités constitutionnelles susceptibles d'influer sur leur jugement. Il ajoutait également que la crédibilité même du mécanisme d'exception d'inconstitutionnalité suppose l'absolue neutralité de l'organe appelé à statuer. Il me semble en conséquence opportun d'adopter un amendement disposant que les fonctions des membres du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec l'exercice de toute fonction publique élective et de représentation : il n'est en effet pas possible d'être à la fois juge et partie.
Peu de dispositions incluses dans la révision constitutionnelle concernant directement les citoyens, celle dont nous discutons aujourd'hui dans le cadre d'une loi organique revêt donc une importance particulière : elle ouvre en effet un droit fondamental – d'où, en l'occurrence, le caractère essentiel du filtre – tout comme d'ailleurs le référendum d'initiative citoyenne dont j'espère qu'il sera bientôt mis en place.
Non : ce sont les citoyens qui en ont l'initiative en nous saisissant, les parlementaires ayant déjà quant à eux l'initiative de la procédure de révision constitutionnelle.
Le Nouveau Centre se montrera très attentif, madame la Garde des sceaux, à ce que nul ne remette en cause le fait de ne pas surseoir à statuer lorsque, par exemple, les conditions de la remise en liberté d'une personne placée en détention provisoire sont en cause.
J'attire également votre attention sur le changement de statut du Conseil constitutionnel – lequel devient en effet une juridiction à laquelle nous souhaitons d'ailleurs que revienne, à terme, le contrôle de la conventionnalité ; sans doute la Commission des lois pourrait-elle se saisir de cette question. Si des Présidents de la République y siègent et y ont en effet siégé en raison de leur sagesse supposée – même si je n'ignore pas qu'à l'origine il s'agissait de tenir compte de la situation particulière d'un individu –, il me semble que cela ne devrait plus être le cas après la mise en oeuvre de cette réforme.
Enfin, si l'effectivité du nouveau droit ouvert à nos concitoyens suppose qu'un délai soit adopté, qu'en sera-t-il de son non respect – lequel ne doit pas être sans conséquence ?
Bien que n'étant pas « estampillé » gaulliste, j'ai beaucoup d'admiration pour le général de Gaulle…
Je l'ai été, je le suis et je le serai longtemps !
Bref, si les constituants ont en l'occurrence prévu que les anciens présidents de la République siègeraient au Conseil constitutionnel, c'est parce que le général de Gaulle a voulu faire un geste pour le Président René Coty…
…qui lui avait transmis le pouvoir, comme le rappelle d'ailleurs l'arrière petit-fils de ce dernier, Benoît Duteurtre, dans Ballet rose.
Quoi qu'il en soit, je me réjouis de ce texte qui arrive enfin : la gauche en a rêvé, d'autres le font, ne boudons pas notre plaisir !
Je vous remercie de vos interventions.
M. Geoffroy a eu raison de le dire : c'est précisément parce que les lois organiques ne peuvent être modifiées du jour au lendemain lorsque l'on s'aperçoit que leur application n'est pas conforme aux attentes suscitées que nous devons être prudents et envisager l'ensemble des cas de figure susceptibles de soulever des difficultés.
Si, par ailleurs, le texte ne mentionne pas de délai s'agissant de la première instance, c'est que la réponse formelle apportée par le juge doit être littéralement « sans délai », les délais cumulés tout le long de la procédure devant quant à eux être raisonnables – ils sont d'ailleurs un peu plus encadrés s'agissant des cours suprêmes, notamment du Conseil constitutionnel. Si tel ne devait pas être le cas, outre que les recours sont assez rapides, je rappelle que l'appréciation du travail du juge dépend en partie de sa capacité à traiter en temps utile l'ensemble des dossiers qui lui sont soumis. En l'occurrence, nous y serons particulièrement attentifs. Faut-il pour autant être plus précis ? Cela n'aurait-il pas un effet inverse à celui attendu en encourageant le juge à attendre l'expiration du délai ? Votre commission peut bien entendu se saisir de cette question mais l'essentiel repose selon moi dans la relative concomitance entre l'instruction de l'affaire et l'usage de ce nouveau droit. Faut-il se limiter strictement à la question posée ? Je pense, pour ma part, que oui.
Didier Quentin a, à juste titre, souligné que la juridiction ne devrait pas attendre l'issue de la procédure pour soulever la question de constitutionnalité. C'est en effet dès le début qu'il faut s'en préoccuper. Faut-il parler de « question prioritaire » ou de « question préalable » de constitutionnalité? On peut en débattre. Je serai, comme toujours, à l'écoute à toute proposition d'amélioration du texte émanant des parlementaires qui sont au contact permanent des justiciables et des citoyens. Notre objectif est bien d'élaborer un droit compréhensible par tous : la rédaction retenue doit donc être la plus claire possible.
S'agissant de la priorité respective du contrôle de conventionnalité et du contrôle de constitutionnalité, j'ai donné mon avis et me réjouis qu'il soit partagé par nombre d'entre vous. Sur ce point également, nous nous efforcerons de parvenir à la meilleure rédaction possible.
Jean-Jacques Urvoas attend avec impatience les textes relatifs au Défenseur des droits et au référendum d'initiative populaire. Nous y travaillons. Le premier d'entre eux a déjà fait l'objet de certains arbitrages. Dès lors qu'une révision constitutionnelle a été adoptée, il est naturel que le Gouvernement propose les textes de mise en oeuvre de cette réforme. Espérons que le calendrier parlementaire permettra l'adoption de ces textes.
Monsieur Urvoas, vous avez également rappelé, à juste titre, la nécessité de préciser certains points sur le filtre ou sur la priorité.
S'agissant du statut du Conseil constitutionnel, je rappelle que celui-ci est déjà une juridiction, notamment lorsqu'il statue en matière de contentieux électoral. Il n'y a donc pas de novation radicale en la matière.
Vous avez ensuite évoqué une « partialité structurelle » du Conseil d'État, point de vue que bien sûr je ne partage pas. Je souligne que pour les textes récents, la plupart auront été préalablement déférés au Conseil constitutionnel. Si aujourd'hui une loi ne l'est pas, c'est que chacun s'accorde sur la constitutionnalité de ses dispositions, étant donné le droit de saisine dont disposent les parlementaires. Je ne vois donc pas de problème sur ce point. Enfin, dois-je rappeler que le Conseil d'État a lui-même deux formations, administrative et contentieuse ? Cette séparation règle, je le crois, la question. Aucune suspicion n'est de mise.
Pour ce qui est du président du Conseil constitutionnel, je fais observer que, dans toute instance, il y a toujours un président de séance, qui a voix prépondérante.
En ce qui concerne la place des avocats, si le ministère d'un avocat est obligatoire, ce sont ceux du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui seront compétents. Dans le cas contraire, la logique veut qu'il ne soit pas besoin d'y recourir. Pour autant, s'agissant de questions éminemment juridiques, cela sera sans doute recommandé et je ne doute pas que les choses se passeront naturellement ainsi.
Pour ce qui est de l'Alsace et de la Moselle, elles sont soumises à notre Constitution et les exceptions que comporte leur droit y sont d'ailleurs expressément prévues. Les règles qui s'y appliqueront seront donc les mêmes, comme il est logique.
Il pourra y en avoir.
Mme Karamanli s'est demandée s'il ne vaudrait pas mieux parler de « texte de nature législative » ou de « dispositions législatives » que de « loi » ? En tout état de cause, tels sont bien l'esprit du texte comme notre volonté. Je vous laisse juge de l'opportunité d'une rédaction plus précise.
S'agissant de la motivation des décisions du Conseil constitutionnel, il est bien évident que celui-ci les motive comme il le souhaite, mais n'oubliez pas qu'il ne traite pas du fond du litige, mais seulement de la constitutionnalité des dispositions appliquées.
Pour ce qui est du renforcement de l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel, j'ai déjà répondu, indiquant que, de toute façon, ce n'était pas dans ce texte que cette question devait être traitée.
Selon les cas, un avocat sera ou non nécessaire. Ma question, en tant que député de la Seine-Saint-Denis, département à la population particulièrement modeste, est de savoir si tous nos concitoyens pourront y avoir accès. Un justiciable qui pourrait se payer les services d'un avocat du barreau de Bobigny, dont la prestation est d'un coût raisonnable, le pourra-t-il d'un avocat au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, aux honoraires beaucoup plus élevés ?
Nous en avons déjà discuté avec les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Ils sont parfaitement conscients que l'une des contreparties de leur monopole sera d'appliquer des honoraires modérés. N'oublions pas non plus qu'une partie du travail aura déjà été accompli avec les avocats traitant du fond du litige ni que les justiciables les plus modestes peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Il ne serait pas inutile de dire ici quelques mots de la circulaire du 22 juin dernier relative à l'aide juridictionnelle…
La finalité même du RSA est d'inciter les personnes à reprendre un travail sans en être en rien pénalisées. Il aurait donc été aberrant de leur supprimer le bénéfice de l'aide juridictionnelle. C'est pourquoi dès que j'ai eu connaissance du projet, j'ai demandé officiellement que la mesure soit rapportée.
Lorsque nous avions auditionné le président Le Prado, il nous avait annoncé une fourchette d'honoraires des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation qui semble depuis avoir été divisée par deux, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Le président Le Prado avait effectivement évoqué devant la commission une fourchette de 2000 à 3000 euros. Dans un courrier qu'il m'a fait parvenir cet été, il évoque plutôt 1500 à 2000 euros. Je vous ferai passer copie de sa lettre si vous le désirez.
Monsieur Lagarde, s'agissant du respect du délai de trois mois, le problème est plus théorique que réel. En effet, jusqu'à présent, chaque fois que des délais ont été fixés à des juridictions, ils ont toujours été respectés, tout particulièrement par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Faut-il être encore plus contraignant, au risque de manifester à l'égard des plus hautes juridictions de notre pays une forme de méfiance ?
Au terme de cette réponse, je tiens, monsieur le président de la Commission, mesdames et messieurs les commissaires, à vous remercier pour votre accueil et la qualité du travail accompli. Je formule le voeu que ce texte soit un exemple d'une collaboration fructueuse entre la Chancellerie et votre commission pour rendre le droit plus compréhensible pour tous nos concitoyens et faire en sorte qu'il réponde mieux à leurs attentes, à leurs besoins et à l'image positive que je souhaite qu'ils aient de leur justice.
Présidence de M. Guy Geoffroy, vice-président
Puis la Commission examine, sur le rapport de M. Jean-Luc Warsmann, le projet de loi relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution (n° 1599).
Je propose que nous considérions que, comme à l'accoutumée, la discussion générale sur le projet de loi a déjà eu lieu et que nous passions à l'examen des articles.
Je ne considérais pas, pour ma part, que la discussion générale avait eu lieu. L'audition de la ministre visait à préciser les intentions du Gouvernement. C'est volontairement que nous n'avons pas évoqué devant elle des points qui nous semblaient relever de la Commission exclusivement. J'aurais donc aimé faire une brève introduction.
Il est de tradition qu'une fois auditionné le ministre, nous passions directement à l'examen des articles. Pour autant, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous interveniez brièvement si vous le souhaitez. Mais cela ne doit pas conduire à rallonger nos débats ni inciter d'autres collègues à faire eux aussi une intervention liminaire. Oui, donc, à votre intervention, mais dans des proportions correspondant à la raison que je sais être la vôtre.
Avant l'article 1er
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
Elle examine d'abord l'amendement CL 2 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Cet amendement pose le principe de la publication des opinions séparées, qui se pratique dans beaucoup de pays et dont je suis convaincu qu'elle sera, tôt ou tard, intégrée dans notre tradition juridique. Ce texte en donnerait utilement l'occasion. Quoi qu'en pense la ministre, il y a bel et bien un changement de nature dans la fonction du Conseil constitutionnel. Le contrôle a priori qu'il exerçait jusqu'à présent est une spécificité française. Doté désormais d'un pouvoir de contrôle a posteriori, il sera ainsi la seule haute juridiction au monde à exercer les deux, ce qui va d'ailleurs modifier profondément le volume de son activité. Pourquoi plaidé-je donc pour une publication des opinions séparées ? Comme chacun le sait, le droit est constitué d'un ensemble de normes produit par des individus et dont la signification naît au fil de leurs débats. Une décision de justice, quelle qu'elle soit, ne tire pas sa rationalité du nombre de personnes qui en ont fait le choix mais de la cohérence de son argumentation et de la confrontation d'idées de laquelle elle est née. Favoriser ce débat contradictoire en élevant les exigences de validation des arguments présentés me paraîtrait opportun.
On m'a souvent objecté que la publication d'une opinion séparée affaiblirait l'autorité de la décision prise. Pour ma part, ayant une conception assez profane du droit, je considère que la force d'une décision du Conseil constitutionnel ne repose pas sur le décompte du nombre des personnes qui l'ont approuvée mais sur la souveraineté même de cette juridiction. Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous de la même façon, qu'elles aient été prises à l'unanimité ou par une seule voix d'avance. Une opinion séparée n'est pas une opinion dissidente et ne remet en rien la décision en cause. Je ne vois pas en quoi sa publication en affaiblirait la « force morale ». Celle-ci est aujourd'hui parfois affectée par la rédaction même des considérants, voire certains commentaires de la doctrine ou certaines critiques portées par les politiques.
On m'a également fait valoir que l'opinion séparée n'appartiendrait pas à notre tradition juridique. Certes, mais l'évolution n'est-elle pas tout aussi légitime que le maintien de la tradition ? Sur ce point d'ailleurs, le contrôle de constitutionnalité non plus ne faisait pas partie de notre tradition et pourtant, il s'est très rapidement instauré et imposé dans notre pays, et a au contraire renforcé la loi. Il faut savoir aussi que dans les pays où se pratique l'opinion séparée, il n'y en est fait qu'un usage très modéré.
Enfin, une opinion séparée n'est que l'expression d'un désaccord sur les motivations de la décision. On peut parfaitement aboutir à la même décision que celle finalement prise, en ayant suivi un tout autre cheminement juridique. Il me paraîtrait utile que l'on puisse en avoir connaissance. Je n'ignore pas que ce qui fait véritablement débat est la publication de ces opinions. Nul n'ignore pourtant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas toutes unanimes et que certains membres de l'institution souhaiteraient que l'on admette le principe des opinions séparées. Convaincu que de toute façon on y viendra – mais de façon prétorienne –, je préférerais que le législateur puisse encadrer la pratique.
Avis défavorable à l'amendement CL 2, ainsi qu'aux amendements de cohérence CL 4 et CL 5 de M. Jean-Jacques Urvoas.
La Commission rejette l'amendement CL 2 ainsi que les amendements CL4 et CL5.
Article 1er (articles 23-1 à 23-11 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958) : Conditions de mise en oeuvre de la question de constitutionnalité
— Article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Question de constitutionnalité soulevée devant une juridiction relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL 25 du rapporteur et l'amendement CL 1 de M. Jean-Jacques Urvoas.
L'amendement CL 25 répond à une attente unanime de la Commission en proposant de nommer la nouvelle procédure « question prioritaire de constitutionnalité ». J'invite nos collègues du groupe SRC qui souhaitaient, eux, qu'on parle de « question préalable » à s'associer à mon amendement.
Notre principal souci était d'éviter que l'on ne dise « question préjudicielle de constitutionnalité » car ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Je juge la rédaction proposée par le rapporteur meilleure que la nôtre car l'argument peut en effet ne pas être « préalable ». C'est donc bien volontiers que nous nous rallions à sa proposition.
La Commission adopte l'amendement CL 25, l'amendement CL 1 étant retiré.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL 6 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Je ne suis pas favorable à cet amendement qui vise à imposer au ministère public de faire connaître son avis « sans délai ». En effet, cet avis n'est nullement obligatoire. Disposer qu'il doit le rendre « sans délai », c'est l'obliger à le donner.
Sans cette précision, le risque existe que le ministère public bloque la procédure en s'abstenant de donner son avis.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL 26 du rapporteur.
— Article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Conditions de transmission de la question au Conseil d'État ou à la Cour de cassation
La Commission est saisie de l'amendement CL 7 de M. Jean-Jacques Urvoas, qui fait l'objet du sous-amendement CL 37du rapporteur.
Avis favorable à l'amendement qui vise à ce que la juridiction transmette « sans délai » la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, sous réserve de préciser, comme je le propose dans le sous-amendement CL 37, « dans la limite de deux mois ». Il faut absolument éviter que les procédures ne s'éternisent.
D'accord avec l'amendement, je suis plus dubitatif quant au sous-amendement. En fixant un délai précis, le risque est que, si celui-ci n'est pas respecté, la question ne soit d'office transmise au Conseil constitutionnel. Certains juges de première instance pourraient ainsi être tentés de ne pas se prononcer, tout simplement en ne respectant pas, plus ou moins volontairement, le délai prescrit. Il y aurait alors un risque d'embouteillage artificiel au Conseil constitutionnel.
Mon amendement CL 31 à venir prévoit que « si la juridiction ne s'est pas prononcée à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la présentation du moyen, toute partie à l'instance peut saisir, dans un délai d'un mois, le Conseil d'État ou la Cour de cassation (…) ». Le non-respect du délai aura donc bien des conséquences et il est très important que « toute partie » puisse alors agir. Il nous appartient d'empêcher que les décisions ne s'enlisent en prévoyant une date-butoir, et les conséquences de son non-respect.
Le succès futur de la nouvelle procédure tient à ses délais. Si elle peut prendre un temps trop long, le contrôle de conventionalité inévitablement l'emportera sur le contrôle de constitutionnalité car la juridiction de première instance exercera d'abord le premier. Le sous-amendement du rapporteur est donc tout à fait opportun.
La Commission adopte le sous-amendement CL 37 puis l'amendement CL 7 ainsi sous-amendé.
La Commission adopte l'amendement de coordination CL 27 du rapporteur.
Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CL 28 du rapporteur et CL 8 de M. Jean-Jacques Urvoas.
L'amendement CL 28 vise à remplacer la formule : « commande l'issue du litige », d'interprétation complexe, par la notion très simple de disposition « applicable au litige ».
Notre amendement CL 8 poursuit le même objectif, mais avec une autre rédaction : « est en rapport direct avec le litige ». La rédaction « commande l'issue du litige » rend le projet de loi organique plus restrictif que la Constitution, puisque la formule figurant à l'article 61-1 est : « à l'occasion » d'un litige. Cette question est sensible, car la procédure n'est pas celle d'une action directe : ce n'est pas au citoyen, mais au justiciable engagé dans un procès qu'est ouverte la possibilité de contester une disposition législative. Dans sa rédaction actuelle le texte ouvre au juge une faculté d'interprétation très large.
La formule proposée par M. le rapporteur – « est applicable » – pourrait du reste être remplacée par : « susceptible de commander l'issue du litige ». Ces nuances sont subtiles, mais nos débats doivent être très clairs et précis sur la volonté du législateur organique : la rédaction adoptée ne doit pas pouvoir être utilisée pour écarter la question de constitutionnalité. À la lumière des travaux du groupe SRC, il nous apparaît que permettre au juge de décider de ce qui relève ou non du litige fait courir un réel risque de blocage. Que l'on pense par exemple à la Charte de l'environnement ; elle n'a fait jusqu'ici l'objet que de peu de jurisprudence, mais cela ne saurait tarder.
Si vos propos doivent recueillir l'adhésion générale, le caractère restrictif de la rédaction de l'amendement CL 8 me semble cependant – permettez-moi cette remarque – un peu en contradiction avec eux. L'institution d'une faculté de juger du caractère direct ou indirect du rapport d'une disposition législative avec un litige va à l'encontre de votre objectif. La formule : « applicable à » ne requiert pas le même niveau d'interprétation d'un éventuel lien direct ou indirect. Si notre échange éclairera ceux qui auront à analyser la loi, c'est la proposition du rapporteur qui me semble le mieux résumer ce que nous souhaitons.
L'amendement CL 8 est retiré et l'amendement CL 28 est adopté à l'unanimité de la Commission.
La Commission examine l'amendement CL 9 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Dans son activité de contrôle a priori de la constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel n'analyse pas systématiquement l'intégralité du dispositif de celles-ci ; il peut se limiter à juger des griefs qui lui sont soumis par les requérants. Dans l'action de contrôle a posteriori des lois, il faut éviter de considérer que toutes les dispositions d'une loi qui a fait l'objet d'une saisine préalable ont été effectivement validées, même celles sur lequel le Conseil n'a pas porté d'observations particulières.
L'alinéa du projet de loi est très précis : la disposition doit avoir été déclarée conforme à la Constitution à la fois dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil. L'amendement est donc inutile, car satisfait.
L'ajout du terme « expressément » n'alourdirait pas le texte ; il a un sens dans la jurisprudence du Conseil.
À mon sens la disposition du texte fait écho au droit que le Conseil constitutionnel s'est reconnu, lorsqu'une loi lui est déférée en son entier mais que la demande de déclaration d'inconstitutionnalité ne porte que sur quelques-uns de ses articles, non seulement de statuer sur ceux-ci, mais aussi de soulever de son propre chef la constitutionnalité d'articles à l'encontre desquels les auteurs de la saisine n'ont pas soulevé de griefs. La disposition vise à éviter, me semble-t-il, que les articles sur lesquels le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé soient considérés comme reconnus conformes à la Constitution, et à garantir la tenue d'un débat devant lui lorsqu'une disposition d'un tel article est en cause.
La Commission rejette l'amendement CL 9.
Elle examine ensuite l'amendement CL 10 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Nous suggérons d'ajouter les mots « de droit » pour préciser les éléments au vu desquels le juge peut apprécier qu'une disposition antérieurement contrôlée par le Conseil constitutionnel doive l'être à nouveau. De notre point de vue, il ne saurait l'apprécier au regard de circonstances de fait.
Je suggère à la Commission de s'en tenir au texte du projet et de rejeter l'amendement. Dans sa décision de janvier 2009 sur la loi habilitant à redécouper les circonscriptions législatives, pour ne pas maintenir le minimum de deux sièges de députés par département, le Conseil constitutionnel a invoqué des circonstances de droit – le nombre maximum de 577 députés fixé par le constituant – mais aussi de fait – l'augmentation importante de la population française. La société peut aussi connaître des évolutions considérables : ainsi Internet n'a plus aujourd'hui son visage d'il y a trois ans. La jurisprudence du Conseil comme la vie de notre société montrent donc que des changements de circonstances peuvent conduire à des évolutions. Sans renier mon attachement très fort au principe de la sécurité juridique, je pense que la rédaction du Gouvernement laisse au Conseil la souplesse indispensable, qu'il a utilisée encore très récemment, de façon justifiée.
Je suis assez tenté de soutenir cet amendement. Ne pas préciser le type de circonstances peut aboutir à donner à la Cour de cassation et au Conseil d'État un rôle très supérieur au rôle de « filtre » voulu par la réforme constitutionnelle. Au prétexte d'évolutions de fait dans la société, ces juridictions pourront se donner la possibilité d'interpréter le droit. Ce n'est pas ce que la réforme constitutionnelle a prévu. Les termes de « circonstances de droit » me paraissent plus précis et mieux correspondre au rôle que la réforme veut donner aux cours suprêmes. La rédaction me parait comporter un risque de transfert de l'examen de la requête du Conseil constitutionnel vers le « filtre ».
Au contraire, soit le texte doit être laissé tel quel, soit il faut préciser « circonstances de droit ou de fait ». C'est faire écho à la jurisprudence du Conseil d'État en matière de validité des actes réglementaires. Selon celle-ci, un acte, parfaitement légal à une époque, peut, par suite de l'évolution des circonstances de fait ou de droit, cesser de l'être et devenir illégal. Un exemple typique est fourni par un acte d'un gouverneur colonial de Polynésie qui interdisait aux gens de maison d'être membres d'un jury d'assises. Cet acte, légal au moment de sa publication, a cessé de l'être un jour par suite de l'évolution des circonstances, de fait ou de droit.
Je reste partisan de la rédaction du Gouvernement. Le seul risque qu'elle comporte, c'est que le Conseil constitutionnel reçoive un peu plus de saisines. Mais il prendra sa décision. Il n'y a pas de risque juridique. L'expérience montre que les circonstances ne peuvent être réduites aux circonstances de droit.
La Commission rejette l'amendement CL 10.
Puis elle est saisie de l'amendement CL 29 du rapporteur.
Il s'agit d'uniformiser les critères de transmission des juridictions de base et des juridictions suprêmes, en demandant que soient transmises les questions soit nouvelles soit présentant un caractère sérieux. La définition doit être claire et épargner au Conseil d'avoir à examiner une question qu'il a déjà tranchée ou qui n'aurait pas un caractère sérieux ; et je crois plus cohérent que les critères soient les mêmes aux deux niveaux de juridiction. La Cour de Cassation et le Conseil d'État vont assez vite établir leur jurisprudence ; le juge de première instance pourra s'y référer. On parviendra ainsi à un ensemble cohérent.
L'amendement répondrait ainsi à la préoccupation relative aux facultés d'intervention du Conseil d'État lorsqu'il est saisi en premier lieu.
La Commission adopte l'amendement CL 29 à l'unanimité.
La Commission en vient à l'amendement CL 30 du rapporteur.
Il s'agit de traiter clairement des rapports entre questions de constitutionnalité et questions relatives aux engagements internationaux de la France. L'amendement rédige ainsi l'alinéa 14 : « La juridiction doit en tout état de cause, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative d'une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d'autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. »
C'est une rédaction claire et sobre, qui fait aussi disparaître la référence à l'article 88-1 de la Constitution.
Je suggère au rapporteur de rédiger ainsi le début de l'amendement : « En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie ».
Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 30 ainsi rectifié.
En conséquence, les amendements CL 11 et CL 12 de M. Jean-Jacques Urvoas, deviennent sans objet.
La Commission est saisie de l'amendement CL 13 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Le délai de huit jours demandé par le projet de loi organique au juge du fond qui décide de transmettre la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de Cassation ne s'impose pas. C'est une faiblesse de la réforme. Si l'on voulait que le juge du fond opère lui-même un contrôle de constitutionnalité, il fallait mettre en place non pas une question préjudicielle ou préalable, mais un contrôle diffus, à l'exemple des États-Unis. Je suggère donc de supprimer de la loi les références à des délais.
Le délai ici mentionné est celui imposé au greffe de la juridiction pour effectuer la transmission au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Fixer ce délai à huit jours me paraît beaucoup plus simple que d'ajouter la mention « sans délai ».
La Commission rejette l'amendement CL 13.
Puis elle examine l'amendement CL 14 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Les juges auront à vérifier si les conditions énoncées par l'article 23-2 sont ou non réunies. Ce faisant, ils seront conduits à constater que la question a ou non déjà été tranchée et à apprécier son caractère sérieux. Obliger les juges à développer une motivation détaillée sur ce dernier les conduirait, en quelque sens qu'ils statuent, à porter une appréciation d'ordre constitutionnel qui n'est pas dans leur vocation et qui pourrait même les embarrasser, d'autant plus qu'ils ne disposeront que de brefs délais. C'est pourquoi, par cet amendement, nous souhaitons les en dispenser.
Avis défavorable. Toute décision de justice doit être motivée. Prévoir une motivation sommaire ne me paraît pas constitutif d'un progrès.
La Commission rejette l'amendement CL 14.
Elle adopte ensuite l'amendement CL 31 du rapporteur.
— Article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Sursis à statuer en cas de transmission de la question au Conseil d'État ou à la Cour de cassation :
La Commission adopte successivement les amendements CL 32 à CL 36 du rapporteur.
— Après l'article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 :
La Commission examine l'amendement CL 24 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Cet amendement vise à combler une lacune du texte : le cas où la question de constitutionnalité serait soulevée devant une juridiction ne relevant ni du Conseil d'État, ni de la Cour de cassation.
Je vous rassure : le Tribunal des conflits doit renvoyer vers l'un des deux ordres de juridiction, et la Cour de justice de la République relève de la Cour de cassation. La question trouvera donc toujours une juridiction suprême.
Si vous me confirmez que la Cour de justice de la République relève de la Cour de cassation, mon souci disparaît.
La Commission rejette l'amendement CL 24.
— Article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation sur le renvoi de la question au Conseil constitutionnel :
La Commission adopte successivement les amendements CL 38 et CL 39 du rapporteur.
L'amendement CL 15 de M. Jean-Jacques Urvoas est devenu sans objet.
La Commission est saisie de l'amendement CL 16 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Cet amendement tire les conséquences nécessaires de l'article 61-1 de la Constitution qui impose au Conseil d'État et à la Cour de cassation de se prononcer « dans un délai déterminé » : il prévoit qu'en cas de non respect de ce délai, la question est transmise au Conseil constitutionnel à la demande d'une partie.
La solution inverse, celle d'une décision implicite de rejet de la demande de renvoi, ne serait ni légitime ni conforme aux exigences constitutionnelles, notamment faute de motivation.
Mon avis est défavorable, pour des raisons de forme. Je proposerai un amendement CL 43 allant dans le même sens, qui prévoit que l'absence de décision au bout de trois mois vaut saisine du Conseil constitutionnel.
La Commission rejette l'amendement CL 16.
— Article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Question de constitutionnalité soulevée devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation :
La Commission est saisie de l'amendement CL 40 du rapporteur.
Cet amendement définit comme prioritaire l'examen de la question de constitutionnalité par le Conseil d'État et la Cour de cassation.
La Commission adopte l'amendement CL 40.
Elle adopte ensuite successivement les amendements CL 41 et CL 42 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL 17 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Le projet de loi organique ne reprend pas la disposition relative au caractère prioritaire de la question de constitutionnalité quand le Conseil d'État ou la Cour de cassation sont saisis en premier lieu ou à la suite du rejet de la question par le juge du fond. Cette rédaction risque d'introduire des distorsions et des divergences de jurisprudence. Il est donc nécessaire de reprendre les dispositions figurant à l'article 23-2 de l'ordonnance.
L'amendement CL 17 est retiré.
— Article 23-6 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Procédure devant la Cour de cassation. Formation de la Cour de cassation chargée de décider le renvoi au Conseil constitutionnel :
La Commission examine l'amendement CL 18 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Les dispositions des alinéas 29, 30 et 31, qui précisent la nature et la composition de la formation spéciale de la Cour de cassation, relèvent de la législation simple. Nous souhaitons donc les supprimer du présent projet de loi organique.
Avis défavorable. Si ces dispositions relèvent de la loi ordinaire, elles pourront être déclassées sans difficulté comme telles.
L'article 61-1 de la Constitution est ainsi rédigé qu'aucune loi ordinaire n'est susceptible de le mettre directement en oeuvre. Pour ces raisons, ces dispositions, quand bien même elles relèveraient de la loi ordinaire, doivent figurer au sein de la loi organique.
La Commission rejette l'amendement CL 18.
— Article 23-7 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation relative à la saisine du Conseil constitutionnel :
La Commission examine l'amendement CL 19 de M. Jean-Jacques Urvoas.
La décision par laquelle le Conseil d'État ou la Cour de cassation renvoient une question au Conseil constitutionnel n'a pas besoin d'être motivée : le renvoi suffit à attester que, aux yeux de la juridiction suprême concernée, les conditions énoncées par la loi organique sont réunies. En revanche, en cas de décision de refus de renvoi, il faut que le justiciable sache, au moins sommairement, laquelle des conditions n'était pas présente là où, par hypothèse, il s'était trouvé au moins un juge d'un niveau inférieur pour penser le contraire.
Pour nous, imposer un double filtre serait tuer la nouvelle procédure avant même qu'elle puisse faire ses preuves. Les avocats préfèreront faire appel à la Cour européenne des droits de l'Homme.
Après avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL 19.
Elle adopte ensuite l'amendement CL 44 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL 43 du rapporteur.
Cet amendement parachève le dispositif de transmission au Conseil constitutionnel en cas de non respect des délais.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement CL 45 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL 46 du rapporteur.
L'amendement fixe un délai de huit jours pour la transmission de la décision du Conseil d'État ou de la Cour de cassation à la juridiction qui les a saisis.
La Commission adopte l'amendement.
— Article 23-8 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Information du Président de la République, du Premier ministre et des présidents des assemblées et observations adressées au Conseil constitutionnel :
La Commission examine l'amendement CL 55 du rapporteur.
Il s'agit, tout en prévoyant que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat seront avisés de la décision du Conseil constitutionnel, de limiter au Président de la République et au Premier ministre le droit d'adresser des observations à celui-ci.
La Commission adopte l'amendement CL 55.
L'amendement CL 20 de M. Jean-Jacques Urvoas devient sans objet.
La Commission rejette l'amendement CL 21 de M. Jean-Jacques Urvoas.
La Commission adopte ensuite successivement les amendements CL 47 et CL 48 du rapporteur.
La Commission examine ensuite l'amendement CL 49 du rapporteur.
Il s'agit d'inclure clairement dans le dispositif les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie.
La Commission adopte l'amendement.
— Après l'article 23-8 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 :
La Commission examine l'amendement CL 50 du rapporteur.
Le Conseil constitutionnel n'est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité qu'après les acceptations de la juridiction de base puis de la Cour suprême dont elle relève. Dès lors l'extinction pour quelque cause que ce soit – décès du requérant, réalisation d'une transaction en matière civile… – de l'instance à l'occasion de laquelle la question de constitutionnalité a été posée doit être sans conséquence sur l'examen de celle-ci. Une fois le Conseil constitutionnel saisi, la question est une question objective. Il est de l'intérêt général, en termes de sécurité juridique, que le Conseil se prononce à son sujet.
La Commission adopte l'amendement CL 50.
— Article 23-9 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Délai de jugement et procédure applicable devant le Conseil constitutionnel :
La Commission est saisie de l'amendement CL 22 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Cet amendement vise à entériner une évidence : le changement de nature du Conseil constitutionnel induit par la réforme. Ses membres, et tout d'abord son président – qui s'est exprimé sur ce point à plusieurs reprises – en sont très conscients. La transformation du Conseil constitutionnel en juridiction au regard de textes tels que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme imposera demain le respect d'exigences qui ne sont pas aujourd'hui nécessaires à la validité de ses décisions. Je ne doute pas que les instances internationales seront très vigilantes sur la façon dont il garantira l'équité des parties au procès. En prévoyant par cet amendement que la procédure doit garantir les règles du procès équitable, nous rassurerons les membres du Conseil.
Ce principe s'impose de façon obligatoire à toutes les juridictions. Cette précision ne me semble donc pas nécessaire.
La commission rejette l'amendement CL 22.
— Article 23-10 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Motivation, notification et publication de la décision du Conseil constitutionnel :
La Commission adopte successivement les amendements CL 51, CL 52 et CL 53 du rapporteur.
— Article 23-11 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 : Rétribution des auxiliaires de justice en cas de transmission d'une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel :
La Commission adopte l'amendement CL 54 du rapporteur.
Puis elle est saisie de l'amendement CL 23 de M. Jean-Jacques Urvoas.
Comme l'a indiqué le professeur Cassia lors de son audition, la question de la représentation des parties n'a pas nécessairement à figurer dans une loi organique. Mais, qu'elle relève de la loi ordinaire ou du règlement, il appartient au législateur organique de prendre position sur ce point dans ses travaux préparatoires. Notre amendement vise à rompre le monopole de la représentation des avocats près le Conseil d'État et la Cour de cassation pour ce qui est de la présentation de la question préalable de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel. Cette procédure doit être ouverte à tout avocat inscrit au barreau, évitant ainsi au justiciable de changer de conseil au cours de l'instance.
Lors de son audition, Marc Guillaume avait considéré que la représentation, devant le Conseil constitutionnel, devrait être facultative. Selon lui, les parties devraient être autorisées à désigner la personne de leur choix pour les représenter, de la même façon que pour le contentieux électoral. Certains mandataires pourraient ainsi ne pas être avocats, par exemple pour les contentieux prud'homaux. Mais l'accès à la barre devrait être réservé aux avocats à la cour ou aux avocats aux Conseils, car n'importe quel mandataire choisi par les parties ne doit pas pouvoir formuler des observations orales. De telles règles pourraient être fixées, comme le prévoit l'article 3 du projet de loi organique, dans le règlement intérieur du Conseil, sachant qu'un décret est déjà prévu, par exemple, pour les règles relatives au montant des unités de valeur allouées au titre de l'aide juridictionnelle.
Cette position me semble la bonne. Je ne suis donc pas favorable à l'amendement.
J'ajoute que le monopole des avocats aux Conseils devant le Conseil constitutionnel, s'il était décidé, devrait figurer dans une loi organique. L'absence de cette précision implique donc que d'autres qu'eux peuvent être présents. Si vous souscrivez, comme moi, à l'argumentation du secrétaire général du Conseil constitutionnel, je retire mon amendement.
L'amendement CL 23 ayant été retiré, la Commission adopte l'article premier ainsi modifié.
Article 2 (articles. L.O. 771-1 et 771-2 [nouveaux] du code de justice administrative, articles L.O. 461-1 et L.O. 461-2 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire et article L.O. 630 du code de procédure pénale) : Règles de transmission et de renvoi de la question de constitutionnalité :
La Commission adopte successivement les amendements du rapporteur CL 56 à CL 64.
Puis elle adopte l'article 2 ainsi modifié.
Après l'article 2 (article 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 2009) : Question de constitutionnalité relative à une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie
La Commission est saisie de l'amendement CL 65 du rapporteur portant article additionnel après l'article 2.
Cet amendement précise que les lois de Nouvelle-Calédonie sont bien soumises au dispositif de la question de constitutionnalité.
La Commission adopte cet amendement.
Article 3 : Modalités d'application de la loi :
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Entrée en vigueur de la loi :
La Commission adopte l'amendement CL 66 du rapporteur.
Elle adopte l'article 4 ainsi modifié.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi organique ainsi modifié à l'unanimité.
La séance est levée à 16 h 30.