COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 16 septembre 2009
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales entend Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le dispositif mis en place pour faire face à la grippe A (H1N1).
Monsieur le Président, avant de commencer l'audition de madame la ministre, je voudrais vous faire part de notre regret sur le fait que notre commission ne se soit pas saisie pour avis sur deux projets de loi importants, la réforme pénitentiaire et les jeux en ligne, qui sont discutés en séance publique ou vont l'être prochainement. Cela vous semble d'autant plus regrettable qu'ils posent tous deux d'importantes questions de santé publique.
Tout le monde s'accorde à reconnaître que la loi du 18 janvier 1994, que j'ai défendue en qualité de Garde des Sceaux, constitue le texte essentiel de la réforme de la santé en prison. Le projet de loi actuel ne comporte que quelques dispositions techniques qui ne m'ont pas semblé justifier une saisine pour avis de la Commission.
Le principe d'une audition spécifique consacrée à la grippe A (H1N1) a été décidé dès le 22 juillet et c'est dès le 24 juillet, après que la date de cette audition a été fixée, qu'une convocation a été adressée aux membres de la Commission des affaires sociales.
Sur ce sujet délicat, la ligne de crête est difficile à tenir : certains pensent que l'on en fait trop, d'autres pas assez. Dans un domaine aussi évolutif et pas toujours maîtrisé, il est important de trouver le ton juste et nous avons le devoir de conjuguer ambition et humilité. Le récent décès à Saint-Étienne d'un jeune homme malade rend notre rencontre encore plus nécessaire.
Les points principaux qu'il nous faudra aborder sont l'état des lieux, la stratégie vaccinale, les problèmes de financement, la place des collectivités locales et les responsabilités des acteurs.
Monsieur le président de la Commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, en cette période sensible de préparation à une pandémie de grippe A (H1N1), j'ai tenu dès le mois de juillet à ce qu'une séance spécifiquement consacrée à cette question me permette de vous rencontrer afin de vous présenter la politique cohérente que je mène au quotidien, avec calme et détermination, en collaboration avec Brice Hortefeux et sous les ordres de François Fillon, pour préparer le pays à la crise sanitaire que nous pourrions très prochainement traverser. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accédé très rapidement à ma demande.
Le risque de pandémie interpelle toute la société et l'impact en est global. L'inquiétude de nos concitoyens est réelle et légitime et nous l'entendons. C'est pourquoi, en toute transparence, comme je l'ai toujours fait depuis l'émergence de la menace, j'ai voulu vous informer, vous qui êtes au plus près des Français et de leurs préoccupations, vous qui êtes la représentation nationale.
J'attache en effet une grande importance aux échanges que j'ai avec vous car, sur des sujets aussi importants et aussi vastes que celui qui nous réunit aujourd'hui, je n'entends pas prendre de décisions seule. Si l'observation, l'expertise et l'analyse sont scientifiques, les décisions sont politiques et, dans l'un et l'autre cas, l'exercice s'enrichit d'être collégial.
Dès le mois de juillet, j'ai reçu les parlementaires de toutes les familles politiques. Je rencontrerai aussi, dans quelques jours, les présidents des groupes politiques, dans cette même perspective de partage de l'information. Je le répète, parce que c'est ma conviction profonde : c'est ensemble, sans céder aux polémiques partisanes, que nous ferons face à la menace à laquelle nous sommes confrontés.
Le 24 avril dernier, l'Organisation mondiale de la santé – l'OMS – lançait une alerte sur l'émergence d'un nouveau virus de la grippe A (H1N1), ayant acquis une capacité de transmission interhumaine. En décidant de passer, le 11 juin, en phase 6 de son plan de préparation à une pandémie, l'OMS a confirmé que le monde était confronté à la première pandémie grippale du XXIe siècle.
Le 9 septembre, alors que les départements et pays de notre outre-mer étaient déjà en situation épidémique depuis plusieurs semaines, l'Institut de veille sanitaire (InVS), annonçait que nous avions franchi le seuil épidémique de la grippe en métropole. Cet institut, dont la directrice est présente à mes côtés et pourra vous donner plus d'information sur les données qui seront mises en ligne, dira ce soir que cette tendance se confirme et s'amplifie même cette semaine, avec un doublement du nombre de cas.
Nous pouvons considérer aujourd'hui que l'épidémie a débuté en France métropolitaine. Cependant, le Gouvernement n'entend pas passer en situation 6 dans l'immédiat, l'impact de l'épidémie ne le justifiant pas pour l'instant.
Ces événements ne nous ont pas pris par surprise. En effet, dans la perspective d'une pandémie H5N1, nous nous étions préparés.
À cet égard, je saisis l'occasion de saluer l'action de mon prédécesseur, Xavier Bertrand, et de rappeler que le Parlement a été très étroitement associé à ce travail. Certains d'entre vous ont contribué activement à la rédaction du plan – je pense en particulier au remarquable travail de la mission d'information parlementaire présidée par Jean-Pierre Door et Jean-Marie Le Guen. Je pense également au vote de la loi de 2007, qui a créé l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – l'EPRUS – et la réserve sanitaire. Cette mobilisation parlementaire nous aide chaque jour de la préparation à la crise.
Dans ce cadre, je le disais, un plan national a été élaboré, testé, évalué et actualisé, sous l'égide du Secrétariat général de la défense nationale, par les ministères concernés, avec l'appui du professeur Didier Houssin, directeur général de la santé et délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire.
La France a acquis d'importants moyens de protection : 1 milliard de masques anti-projections destinés aux malades, 900 millions de masques de protection de type « FFP2 », pour les personnes particulièrement exposées et 33 millions de traitements antiviraux. Un programme de renouvellement important des stocks de masques « FFP2 » a été lancé. Un site Internet dédié a été créé, sous l'égide du service d'information du Gouvernement, à l'adresse suivante : pandemie-grippale.gouv.fr. Pour le rendre utile et accessible à tous, j'ai inauguré, en octobre 2008, un espace intégrant des éléments pratiques pouvant servir à chacun de nos concitoyens en situation de pandémie et consultable sur ce site. Nous avons enfin lancé un important chantier de formation et d'information des professionnels de santé et préparé les outils de communication nécessaires auprès du grand public. En un mot, et notamment grâce à vous, la France a su anticiper. Mais beaucoup reste à faire.
J'ai souhaité prolonger cet effort, y compris en dépassant nos frontières nationales. Dans cette perspective, j'ai inscrit la question de la sécurité sanitaire, et plus particulièrement celle de la préparation à une pandémie grippale, parmi les trois priorités de la présidence française de l'Union européenne et un conseil informel y a été consacré. La coordination européenne, dans le cadre du comité de sécurité sanitaire, pour lutter ensemble contre la pandémie qui sévit en est une conséquence directe.
La menace pandémique s'est concrétisée fin avril, avec cependant un visage différent de celui que nous attendions et la part d'incertitudes qui en découle. Mon principe est simple : je vous dirai ce que je sais, je vous dirai aussi ce que je ne sais pas et pourquoi je ne le sais pas et, surtout, quand je saurai.
D'une part, le virus est venu de l'Ouest, alors que nous l'attendions venant de l'Est. D'autre part, il est moins virulent à ce jour que le H5N1, qui circule actuellement principalement dans la faune aviaire et contre lequel nous avions commencé à nous préparer.
Ce virus a toutefois montré sa capacité exceptionnelle à se transmettre d'homme à homme. S'agissant de la première pandémie d'une planète mondialisée, je citerai les propos tenus par Margaret Chan, directrice générale de l'OMS, dans un entretien qu'elle a donné au journal Le Monde le 31 août : « Le virus voyage à une vitesse incroyable, inédite. En six semaines, il parcourt la même distance qu'un autre virus en six mois ! Le nombre de personnes infectées est aussi sans précédent. Jusqu'à 30 % des habitants des pays à forte densité de population risquent d'être infectés (...). Soigner ces patients est très lourd et très difficile. Dans beaucoup de pays, les services d'urgence et de soins intensifs sont extrêmement sollicités, voire surchargés. Sans plan de préparation, nous serions incapables d'avoir une réponse organisée. Des gens trouvent que l'on en fait beaucoup. Je ne suis pas d'accord avec ce point de vue. »
Ces propos nous interpellent ; ils nous interdisent un immobilisme coupable, nous encouragent dans nos efforts et confortent la stratégie que nous avons mise en place depuis le lancement de l'alerte.
Permettez-moi ici d'avoir une pensée toute particulière pour nos compatriotes d'outre-mer qui, du fait de leur situation géographique, ont été touchés les premiers et dont nous suivons la situation avec la plus grande attention. C'est pour me rendre compte personnellement de la situation et vérifier l'efficacité des mesures mises en place que je me suis rendue, voici deux semaines, à La Réunion.
Mais revenons au 24 avril. Dès l'alerte donnée par l'OMS, le Gouvernement s'est mobilisé. Comme le prévoit le plan, le Premier ministre a très rapidement confié le pilotage opérationnel de la préparation à la crise au ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, dans le cadre d'une cellule interministérielle de crise, qu'il préside. Les préfets ont été réunis plusieurs fois et des instructions précises leur ont été transmises pour qu'ils prennent toutes les dispositions nécessaires. De nombreuses initiatives ont été menées, en concertation interministérielle, dans les domaines des affaires internationales, des transports et de l'éducation nationale.
Grâce aux travaux préparatoires, le plan est une « boîte à outils ». Il convient d'en faire le meilleur usage, en adaptant les mesures de gestion à notre connaissance de la menace et à l'évolution de la situation épidémiologique. Je le répète, nous nous étions préparés à une pandémie H5N1 et devons donc adapter notre dispositif au virus A (H1N1).
Nous avons maintenu le niveau d'activation de notre plan national en phase 5A et adopté une approche graduée, pragmatique et souple pour les mesures touchant les voyageurs.
Dès le premier jour, mon ministère a activé un dispositif de gestion de crise, que nous avons voulu adapter, dans le champ sanitaire, avec rigueur, souplesse et réactivité, en fonction des caractéristiques du virus et de l'évolution de la situation.
Je pense notamment à la question des modalités de prise en charge des cas. Totalement hospitalière dans un premier temps, pour limiter au maximum l'entrée du virus sur le territoire et nous donner le temps de mieux le connaître, notre organisation a progressivement augmenté le nombre d'établissements de santé en mesure d'accueillir les patients, puis élargi le dispositif au secteur ambulatoire, afin de réserver l'hospitalisation systématique aux seuls cas graves. L'objectif est aujourd'hui de privilégier au maximum le maintien à domicile des formes bénignes, afin de ne pas surcharger nos capacités de prise en charge hospitalière. La prescription systématique d'antiviraux, qui prévalait au départ, a par ailleurs été remplacée par une prescription au cas par cas, sur évaluation du clinicien.
Nous travaillons au renforcement du système de soins et, en particulier, de ses composantes qui pourraient être les plus sollicitées au moment du pic épidémique. C'est ainsi que nous avons renforcé les centres 15 et acquis 100 respirateurs supplémentaires et 34 appareils d'oxygénation extracorporelle sur membrane, ou ECMO, pour la prise en charge des formes graves. Ces nouveaux appareils permettront de traiter, en milieu hospitalier, les cas de syndromes de détresse respiratoire aiguë, liés soit à une surinfection pulmonaire, soit à une atteinte directe des membranes pulmonaires par le virus, qui nécessiteront le recours à une ventilation.
L'analyse que nous avons menée nous conduit à penser que le système hospitalier pourra absorber quantitativement une vague épidémique calculée sur la base d'hypothèses pessimistes, au prix de redéploiements et de déprogrammations. La capacité de respirateurs mobilisables en faveur de patients supplémentaires est en effet d'environ 9 100.
En revanche, les données qui nous sont revenues d'Australie et de Nouvelle-Zélande nous incitent à penser que cette adéquation quantitative peut masquer une difficulté d'ordre qualitatif. Ces pays de l'hémisphère Sud ont, en effet, été confrontés à des formes graves nécessitant le recours fréquent à de l'épuration extrarénale et à des besoins de ventilation sophistiquée, avec parfois la mise en oeuvre d'oxygénation extracorporelle. C'est dans cette perspective que ces acquisitions ont été décidées.
Ainsi, de la simple information délivrée par notre plate-forme téléphonique au traitement des cas les plus graves, en passant par le maintien à domicile des formes bénignes ou l'activation des plans blancs en cas de tension hospitalière, notre dispositif de prise en charge se renforce et s'adapte pour pouvoir faire face à une augmentation significative du nombre de cas.
Nous avons enfin coordonné l'expertise scientifique. À ce titre, je réunis très régulièrement autour de moi un groupe des meilleurs experts scientifiques dans le domaine, afin qu'ils éclairent nos décisions de gestion du plus large consensus scientifique.
C'est dans cette optique que la question de la vaccination a, depuis le début, été abordée. Sur ce point, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts et, je le crois, a su anticiper. Nous avons ainsi mobilisé les industriels pour que les vaccins soient rapidement mis au point et puissent être proposés à l'ensemble de la population à travers une grande campagne de vaccination. Nous avons décidé d'acquérir une quantité de vaccins suffisante pour nous permettre de proposer la vaccination à l'ensemble de nos concitoyens qui souhaiteront se faire vacciner. Les tout premiers vaccins nous ont été livrés début septembre.
Cependant, ces vaccins ne seront utilisés que dans le cadre d'autorisations de mise sur le marché dûment délivrées par les autorités sanitaires européennes, qui garantiront leur efficacité et leur sécurité. L'Agence européenne du médicament se réunira la semaine prochaine sur le sujet. Si les experts rendent un avis favorable, ces autorisations pourraient être délivrées dans les premiers jours d'octobre.
Je voudrais insister sur certaines questions éthiques que soulève la question de la vaccination.
Comme je l'ai dit, le Gouvernement a décidé de permettre à chacun de se faire vacciner. Le tiers payant sera intégral, afin de faciliter l'accès du plus grand nombre. Les organismes complémentaires seront amenés à couvrir l'équivalent du ticket modérateur selon des modalités qui seront définies dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette vaccination ne sera, cependant, en aucun cas obligatoire. Je rappellerai simplement qu'au-delà de la protection individuelle qu'elle procure, la vaccination est aussi un acte altruiste, en ce qu'elle contribue à protéger son entourage, ses proches, ses collègues, ce qui est particulièrement important lorsque ces derniers présentent des facteurs de risque, qui les rendent plus vulnérables ou qu'ils ne peuvent pas être vaccinés eux-mêmes, du fait de contre-indications médicales.
La vaccination pose par ailleurs, alors que les premières doses nous serons livrées progressivement, la question des populations à qui elle sera proposée en priorité. Là encore, le Gouvernement a souhaité s'appuyer sur le consensus scientifique le plus large possible. À cet égard, les travaux du Haut conseil de la santé publique (HCSP), publiés le 7 septembre dernier, intègrent les avis des principales instances internationales, comme l'OMS ou le Centre de contrôle des maladies infectieuses (CDC) aux États-Unis, mais aussi celui du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) rendu en début d'année.
Cet avis, clair, précis et courageux, a été rendu à l'unanimité des votants, ce qui renforce, s'il était nécessaire, sa légitimité. Il décline un ordre de priorité où l'ensemble de la population trouve sa place, du plus jeune au plus âgé, du plus fragile au plus fort. Ce faisant, le Haut conseil valide l'approche adoptée par le Gouvernement depuis le début de la pandémie, qui consiste à se mettre en capacité de proposer la vaccination au plus grand nombre. Il retient d'ailleurs « qu'in fine, toutes les personnes qui désirent être vaccinées devraient pouvoir l'être ».
Cet avis, qui s'appuie sur des considérations exclusivement sanitaires, prend en compte « la probable diffusion large et rapide du virus et les délais de mise à disposition des doses de vaccins ». De ce fait, il estime que « l'objectif principal de la vaccination est la réduction du risque de formes graves et de décès par la grippe, plus que la maîtrise de la dynamique épidémique ». Il en déduit deux critères pour définir l'ordre de priorité des populations à qui la vaccination devrait être proposée : la protection des personnels de santé, médico-sociaux et de secours, afin de préserver la capacité du système de prise en charge des malades et d'éviter que ces professionnels ne contaminent les personnes fragiles avec lesquelles ils sont en contact fréquent, et la vulnérabilité intrinsèque des populations face au virus.
Le Premier ministre rendra son arbitrage dans les prochains jours sur la stratégie vaccinale qui sera retenue. Conformément à l'avis du Haut conseil, cette stratégie pourrait viser à offrir une protection maximale et au plus tôt aux populations figurant en tête de l'ordre retenu, plutôt qu'à vouloir apporter une protection partielle à un plus grand nombre, sauf si la donne devait changer sur le schéma de la double injection.
En effet, le schéma vaccinal envisagé, sur la base des connaissances dont nous disposons, prévoit deux injections séparées de vingt et un jours. Les dernières études, publiées le 17 septembre dernier, et les autorisations de mise sur le marché délivrées hier par la l'agence fédérale américaine (FDA) nous incitent aujourd'hui à être prudents sur cette analyse. Nous avons interrogé les industriels auprès de qui nous avons passé commande sur les dernières données dont ils disposent en la matière et sommes en attente de leur réponse. On ne peut exclure que l'Agence européenne du médicament retienne un schéma à une injection pour certaines catégories de la population.
La définition de la stratégie vaccinale n'emportera cependant pas la décision de déclencher la campagne. Le lancement de cette dernière restera notamment tributaire des autorisations de mise sur le marché et de l'analyse des dernières données épidémiologiques, à laquelle nous procéderons à la fin du mois de septembre.
A contrario, certains pourraient s'interroger, alors que l'épidémie démarre en métropole, sur la date de la vaccination. Je tiens à rappeler que l'action du Gouvernement a visé, depuis le début de l'alerte, à être en mesure de proposer la vaccination le plus tôt possible au plus grand nombre.
Il est en revanche totalement exclu que cette détermination nous conduise à prendre le risque d'utiliser des vaccins qui ne présenteraient pas toutes les garanties nécessaires. Les autorisations de mise sur le marché restent et resteront un pré-requis incontournable. En tout état de cause, dès lors qu'elle vise à protéger les plus faibles, la vaccination n'est jamais trop tardive. L'épidémie démarre aujourd'hui ; nous ne savons pas quand elle s'arrêtera. Les pandémies du passé nous ont appris qu'elle pouvait revenir sous la forme de vagues successives. Il faudra du temps, peut-être plusieurs années, pour que l'ensemble de notre population, ayant croisé le nouveau virus A (H1N1), acquière une forme de protection.
Je sais, par ailleurs, que certaines rumeurs courent sur l'utilisation de vaccins contenant des adjuvants. Je rappellerai simplement que l'avis du Haut conseil, que je viens de mentionner, insiste sur « la pertinence du développement et de l'utilisation d'un vaccin pandémique avec adjuvant ». Il rappelle que « ces adjuvants ont déjà été utilisés en clinique » et « qu'il n'existe actuellement aucun signal permettant de craindre la survenue d'effets secondaires graves suite à l'utilisation de vaccins grippaux adjuvés ».
Toutefois, l'expérience sur les adjuvants restant limitée, il rappelle « le consensus scientifique sur l'intérêt de disposer d'un vaccin sans adjuvant pour les sujets dont le système immunitaire est immature (comme les jeunes enfants) ou modifié (comme les femmes enceintes ou certains immunodéprimés) ».
Les autorisations de mise sur le marché, lorsqu'elles seront délivrées par les autorités sanitaires européennes, nous apporteront des précisions sur ce point. Elles préciseront aussi la question de savoir si le vaccin doit être utilisé selon une stratégie à une ou deux injections.
Au-delà des mesures de prise en charge des cas et des dispositifs sanitaires, nous avons également mis en oeuvre des programmes de prévention et de communication auprès du grand public, en particulier sur les gestes barrières qui permettent de limiter la transmission du virus. Nous avons mis en place un numéro dédié et renforcé le site Internet du Gouvernement, qui reçoit plusieurs dizaines de milliers de visites par jour. Nous avons renforcé l'information des professionnels de santé, par l'ouverture d'un site Internet qui leur est dédié et un dispositif de mailing direct qui permet de les informer en temps réel de toute évolution importante. J'ai tenu par ailleurs à rencontrer régulièrement leurs représentants pour les tenir informés de notre analyse de l'évolution de la situation et discuter avec eux des mesures de gestion mises en oeuvre. J'ai tenu à m'adresser personnellement à l'ensemble des médecins généralistes, ORL, pédiatres et pneumologues, qui sont en première ligne dans la prise en charge des malades de la grippe, en leur envoyant un courrier ciblé. Je prévois de maintenir ces échanges privilégiés à l'approche de la campagne de vaccination.
Ces actions sont indispensables pour renforcer l'efficacité de l'action des pouvoirs publics. La lutte contre la pandémie passera par la mobilisation de tous, professionnels de santé ou grand public, et par l'adoption des gestes nécessaires, dans le but de limiter la propagation du virus.
Aujourd'hui, à la mi-septembre, où en sommes-nous ?
Notre stratégie de réponse est d'ores et déjà mise en oeuvre et pourra faire l'objet d'une montée en puissance, le cas échéant.
Les commandes de renouvellement de masques arrivent. Les stocks d'antiviraux sont prêts. Les vaccins vont commencer à être livrés et le flux régulier va s'initier mi-octobre – les autorisations de mise sur le marché sont attendues, je le rappelle, pour le début du mois d'octobre. Les centres de vaccination s'organisent sous la responsabilité des préfets, sur l'ensemble du territoire. La mobilisation des professionnels de santé et administratifs, qui seront indispensables pour mettre en oeuvre ces centres, est en cours. Je souhaite à cet égard que vous soyez des relais de la mobilisation de ces professionnels, dont la vocation médicale trouvera dans cette campagne vaccinale un rendez-vous historique au profit de la santé de la population. Les établissements de santé se sont mobilisés et s'organisent afin de déprogrammer certaines opérations non urgentes, si l'afflux de patients atteints de la grippe le justifiait.
Vous l'aurez compris, notre système de santé est en alerte afin de réagir de manière maîtrisée à une situation dont nous avons envisagé autant que possible toutes les évolutions, même si la progression de l'épidémie reste incertaine, puisque le phénomène est lié à un nouveau virus.
J'ai tenu, afin de répondre de la façon la plus précise possible à vos questions sur ces différents sujets, à être accompagnée de Didier Houssin, directeur général de la santé, qui pourra présenter des éléments sur la stratégie globale, d'Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, qui pourra évoquer le dispositif de prise en charge en milieu hospitalier, de Françoise Weber, directrice de l'Institut de veille sanitaire, qui pourra répondre aux questions relatives à l'analyse de la situation épidémiologique, et de Jean Marimbert, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui pourra traiter de la question des autorisations de mise sur le marché des vaccins. Je n'hésiterai pas, si vous m'y autorisez, monsieur le président, à leur passer la parole au cours de ce débat.
L'ensemble de cette préparation représente un effort financier très important. Au total, les dépenses du périmètre sanitaire approchent 1,5 milliard d'euros.
L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) supporte l'essentiel des dépenses d'acquisition et de gestion des moyens de protection de la population induits par la menace pandémique. Les dépenses non prévues dans la programmation initiale pour l'ensemble de l'année 2009 au titre de la lutte contre la pandémie A (H1N1) sont évaluées à 876 millions d'euros, dont 808 millions d'euros de vaccins, pour un total de dépenses estimé à 1,136 milliard d'euros.
Au 1er janvier 2009, l'EPRUS disposait de 421,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 365,1 millions d'euros en crédits de paiement. Le principe d'une avance par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour un montant maximum de 879 millions d'euros, a permis à l'établissement d'engager les acquisitions des vaccins et des consommables – seringues et containers de gestion des déchets – et de couvrir les coûts de gestion de ces stocks.
Compte tenu de cette programmation et afin de respecter l'obligation de financement de l'EPRUS à parité entre l'État et l'assurance maladie, il sera nécessaire de réviser les dotations initiales de cet établissement.
Par ailleurs, la prise en charge du coût de l'indemnisation des professionnels de santé réquisitionnés dans le cadre de la campagne de vaccination va entraîner des dépenses supplémentaires de soins de ville estimées, à ce stade, à 240 millions d'euros pour l'assurance maladie. Cette hypothèse varie néanmoins dans une fourchette importante, qui pourra être affinée lorsque le rythme de diffusion des vaccins sera connu avec plus de précisions. Cette estimation devra également tenir compte des catégories de personnels libéraux et salariés qui seront effectivement mobilisés pour vacciner.
Les dépenses liées à la mise en place du dispositif de suivi de la campagne de vaccination par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS) – pour la conception et la réalisation des bases informatiques – et les frais d'acheminement des courriers aux personnes vaccinées sont estimés à 53 millions d'euros. Ces coûts pourraient être pris en charge par l'assurance maladie à partir d'un redéploiement au sein du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires (FNPEIS).
D'autres dépenses seront vraisemblablement induites par la préparation à la lutte contre la pandémie, tout particulièrement celles qui seront destinées à l'organisation territoriale de la campagne de vaccination, notamment pour la mobilisation des personnels administratifs qui participeront au fonctionnement des centres ou pour la location des locaux lorsque ceux-ci ne seront pas mis à disposition par les collectivités locales. Ces coûts ne relevant pas du champ sanitaire, ils ne seront pas pris en charge par l'assurance maladie ou les crédits du ministère de la santé et des sports.
En aucun cas cependant, la gestion de cette situation ne saurait être exclusivement sanitaire et technique. Les élus ont un rôle majeur à jouer. Parce que vous êtes au contact de la réalité quotidienne, je sais pouvoir compter sur votre capacité à relayer l'information, avec la plus grande pédagogie possible, auprès de la population. C'est également à vous que revient la tâche de mobiliser le tissu social et associatif, que vous connaissez bien et qui est pour nous, dans cette réponse à la pandémie, une force et une chance.
Ensemble, nous devons en appeler à la solidarité et au sens civique de chacun. Pour cela, j'ai besoin de vous. Le Gouvernement s'est mobilisé et a travaillé sans relâche, depuis plus de quatre mois, pour lutter contre la menace grave que constitue cette pandémie.
À présent, la mobilisation doit s'amplifier : elle est l'affaire de tous. Les dernières données de l'Institut de veille sanitaire nous indiquent que l'épidémie a débuté. Les chiffres de cas avérés de grippe A sont en augmentation. Le réseau Sentinelles dénombre cette semaine 103 000 consultations pour syndrome grippal. Nous y ferons d'autant mieux face que chacun se sentira concerné.
D'aucuns ont cru bon de qualifier d'« opaque » notre gestion de la crise. Ils se trompent profondément. C'est précisément parce que je suis très attachée à l'exercice démocratique que je souhaite que chacun soit associé à la mobilisation de grande ampleur que j'appelle de mes voeux.
Je souhaite que le tissu citoyen s'empare du débat que pose ce contexte de pandémie, qui dépasse largement la seule question sanitaire. Face à ce risque sanitaire, social et économique, qui est encore difficile à mesurer précisément, notre devoir est de donner à la nation le meilleur niveau de préparation. Chacun doit se sentir concerné, dans les décisions les plus importantes comme dans les gestes les plus simples du quotidien. Dans ce contexte, je le redis, les gestes de chacun font la santé de tous.
Madame la ministre, je tiens tout d'abord, à vous remercier pour cet exposé très complet qui joue le jeu de la transparence, ainsi qu'à rendre hommage à l'ensemble des services de votre ministère, que nous savons très mobilisés. Cet engagement formidable est rassurant. Face au risque de pandémie, mieux vaut être surpréparé que sous-préparé – c'est précisément le sens des dispositions que vous venez de décrire.
Si le risque sanitaire est celui qui nous préoccupe le plus, il faut aussi compter avec le risque économique qui en découle, lequel est loin d'être négligeable et justifie une grande partie des actions engagées. Je rappelle à cet égard que la grippe aviaire s'est traduit par une perte de PIB de 1 % pour les pays asiatiques. Dans le contexte de la crise actuelle, il conviendra donc de limiter autant que possible cet impact.
Un autre risque est le doute qui s'insinue dans notre société quant à l'intérêt de la vaccination. Il importe donc de rappeler l'importance de celle-ci aux Français, et en particulier aux professionnels de santé – dont un tiers, semble-t-il, ne se sent pas concerné. Comment, donc, rassurer les Français et répondre à leur préoccupation de sécurité ? Par qui et quand sera décidée la stratégie vaccinale, dont il reste à déterminer si elle doit comporter une ou deux injections ?
Par ailleurs, comment et selon quels principes se prendront les décisions relatives à la fermeture des établissements scolaires et des établissements d'accueil de la petite enfance – qui concernent particulièrement les communes ? On pourrait en effet assister à des fermetures à répétition des mêmes écoles, qui se traduiraient par des arrêts de travail pour les pères ou les mères d'élèves, et donc par une désorganisation économique.
Pour ce qui est du financement, sans doute y reviendrons-nous plus en profondeur lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, au-delà de la mobilisation sociale, qu'attend-on des communes qui sont les relais de proximité tant pour l'organisation de la vaccination que pour l'accompagnement de la population ?
Merci, madame la ministre, de cet exposé et de votre présence, qui montre que vous aviez anticipé la nécessité de rencontrer les députés.
À propos de la déprogrammation que vous avez évoquée pour les services hospitaliers, j'observe que, lorsqu'une mobilisation massive est nécessaire, ce sont les hôpitaux publics qui sont en première ligne et fournissent l'essentiel de cette contribution. Il conviendrait d'en tenir compte lorsqu'on évoque des convergences avec le secteur privé.
Par ailleurs, nous devrons procéder simultanément à la vaccination contre la grippe saisonnière et contre la grippe A (H1N1). La vaccination contre la première étant sur le point de commencer, le délai de trois semaines qui s'imposera avant de pratiquer les premières injections contre la grippe A (H1N1) – suivies, trois semaines plus tard, des injections de rappel – ne risque-t-il pas de nous faire prendre du retard dans la course-poursuite engagée entre la pandémie et la vaccination ? L'exemple du développement de la pandémie outre-mer montre bien que celle-ci a très rapidement atteint un pic, avant de chuter très rapidement aussi. Quelle est la stratégie à adopter à cet égard ?
En outre, les deux grippes touchant des populations différentes – les personnes âgées et les insuffisants respiratoires pour la grippe classique et, comme le montre le cas récent qui a déjà été évoqué, des personnes jeunes sans antécédents ni pathologie concomitante pour la grippe A (H1N1) –, ne faudrait-il pas songer à vacciner simultanément les deux types de populations à risque ?
Enfin, si la vaccination contre la grippe saisonnière doit être pratiquée par les médecins généralistes, il a été demandé aux préfets de mettre en place des centres de vaccination pour la grippe A (H1N1) à raison d'un centre pour 100 000 habitants. Il est à craindre que l'afflux des patients rende difficile une vaccination rapide et sans doute faudrait-il demander aux préfets de multiplier ces centres.
Madame la ministre, je tiens à rappeler que c'est le nombre des questions qui vous ont été posées au mois de juillet, notamment depuis les rangs de l'opposition, qui a fait juger nécessaire de prévoir une audition dès la rentrée. De fait, il n'y avait pas eu d'information générale pour les parlementaires. Comment envisagez-vous donc de poursuivre le travail avec ces derniers ?
Je vous remercie de votre présentation et tiens à préciser que nous n'avons jamais considéré que la grippe A (H1N1) était un risque mineur – voire, comme l'affirment certains, une « grippette » – de sorte que nous ne contestons pas la mobilisation des pouvoirs publics. En revanche, certains des choix que vous présentez suscitent des interrogations et des doutes de notre part et votre introduction ne s'exonère pas totalement du soupçon d'opacité.
Mes questions porteront sur quatre points.
Tout d'abord, sur le dispositif d'ensemble. Comment vous coordonnez-vous avec M. Hortefeux – qui, du reste, aurait pu être présent aujourd'hui ? Sur quelle base et selon quels critères doit se faire la mobilisation des élus et des collectivités locales à laquelle vous appelez dans votre conclusion ? Quelle est, dans le dispositif gouvernemental, la part qui vous est propre, c'est-à-dire strictement sanitaire ?
Ma deuxième question, qui est sans doute la plus importante, porte sur la stratégie vaccinale. De fait, le choix d'une stratégie très large en la matière, sur lequel vous misez pour rassurer la population, n'est pas celui de tous les pays qui se situent au même niveau de développement que le nôtre. En outre, alors que, selon la presse, votre stratégie semblait arrêtée, vous déclarez aujourd'hui que le Premier ministre arbitrera dans les jours qui viennent. Il est préoccupant de constater que, d'une manière peut-être irrationnelle, les Français semblent aujourd'hui avoir moins peur de la grippe que du vaccin et que cette hostilité semble être le résultat de votre choix.
La présence d'un adjuvant dans le vaccin présente des risques mal connus. Êtes-vous prête à présenter les différents vaccins qui seront autorisés sur le marché en indiquant leurs caractéristiques, notamment la présence d'adjuvants ? Des vaccins sans adjuvants seront-ils disponibles pour tous ceux qui le souhaiteront, ou seulement pour certaines catégories ciblées ? Sur quelle base l'autorisation de mise sur le marché sera-t-elle délivrée et quel est le calendrier des essais cliniques qui seront réalisés ? De fait, on entend dire que certaines autorisations de mise sur le marché pourraient être prises non sur la base du résultat des essais cliniques engagés, mais par extrapolation homothétique des résultats obtenus pour d'autres vaccins, notamment pour le vaccin H1N1 prépandémique. Saura-t-on, en allant se faire vacciner, si le vaccin que l'on reçoit a été autorisé sur la base d'essais cliniques ?
Si vous optiez pour une vaccination à une seule injection, que semblent préconiser certaines études, le Gouvernement serait-il engagé pour l'achat prévu de 94 millions de doses, auquel cas la péremption des doses inutiles se traduirait par une perte financière ?
Ma troisième question porte sur les autres éléments de la stratégie sanitaire, notamment les antiviraux, et particulièrement le Tamiflu. Vous n'avez pas évoqué l'utilisation de ce médicament, dont plusieurs voix autorisées ont pourtant souligné l'intérêt dans une stratégie préventive, notamment dans des milieux confinés, comme les prisons. L'emploi que vous comptez faire des masques est, lui aussi, un sujet d'interrogation.
Enfin, quel sera le coût de ces mesures pour la sécurité sociale ? En effet, après avoir indiqué en juillet, en réponse à l'une de nos questions, que la vaccination serait prise en charge par l'État, votre position semble aujourd'hui évoluer vers un partage entre la sécurité sociale et les organismes complémentaires. Des précisions sur ce point seraient bienvenues.
Je tiens pour ma part à souligner la transparence de l'action du Gouvernement dans la préparation au risque pandémique et à féliciter toute l'équipe du ministère, qui est présente ce soir pour répondre aux questions.
La véritable question est de savoir si nous sommes prêts. Or, depuis l'alerte du virus H5N1, qui a permis de mettre en place les premiers moyens d'action, la France est l'un des pays les mieux préparés, comme le reconnaît la presse internationale. Telles étaient d'ailleurs, même si elles n'étaient pas toujours consensuelles, les conclusions du travail que j'ai mené avec Jean-Marie Le Guen sur la grippe aviaire. Madame la ministre, le seul choix qui s'impose est bien le vôtre : ne pas baisser la garde et continuer à se préparer.
Pour avoir assisté à la rencontre que vous avez organisée au ministère voilà quelques mois avec tous les professionnels de santé, au moment où apparaissait la grippe que l'on appelait alors « mexicaine », je témoigne de la transparence de votre démarche d'information. Le 1er juillet, un colloque parlementaire était organisé sur la grippe A (H1N1), auquel participaient quelques-uns des scientifiques les plus importants, aux côtés des pouvoirs publics et de nombreuses personnes intéressées. On peut certes toujours améliorer la préparation, et celle-ci s'ajustera en fonction d'une évolution que nul ne peut aujourd'hui connaître.
Pour ce qui est des moyens d'action, nous savons que les commandes de médicaments sont en cours. Le ministre de la défense a d'ailleurs visité avant-hier près d'Orléans, dans la région dont je suis élu, la pharmacie centrale des armées (PCA) où est stocké le Tamiflu. Jean-Marie Le Guen et moi-même avions visité près de Chartres un centre militaire conservant les médicaments à la disposition de l'État. Les masques sont commandés et, comme vous l'avez rappelé, l'agence fédérale américaine a autorisé hier les vaccins. La stratégie vaccinale sera décidée en fonction des avis des spécialistes et il est encore un peu tôt pour juger s'il faudra une ou deux injections. Il est en outre indispensable de poursuivre la gestion de la crise avec un pilote – le Premier ministre – et avec la délégation interministérielle dirigée par M. Houssin.
Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelle est la situation à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie ? Où en est, par ailleurs, la coopération européenne ? De fait, nous n'étions pas tout à fait en phase avec les conclusions que nous a exposées la commissaire européenne lors de sa visite, voici quelques mois. Qu'en est-il enfin, monsieur Houssin, des « réserves sanitaires » mises en place par la loi de janvier dernier ? Les médecins retraités et médecins du travail sont-ils prêts à réagir ?
Je conclurai par une anecdote : le fournisseur des masques que j'ai commandés, pour la ville dont je suis maire, vient de me faire savoir que, la livraison attendue de Shanghai ne pouvant partir avant la fin octobre, ces masques devraient être expédiés par voie aérienne, ce qui en porterait le prix unitaire à 0,55 euro – contre un prix de 0,33 euro voté par le conseil municipal. Devant mon refus, le fournisseur m'a indiqué hier que les conteneurs étaient bloqués à Roissy par les services des douanes. Il conviendra donc de veiller à ce que la préparation à la pandémie ne donne pas lieu à des effets d'aubaine pour certaines entreprises.
Madame la ministre, si nous ne partageons pas tous votre sentiment d'avoir informé le Parlement, nous ne pouvons nous en prendre qu'à nous-mêmes, car c'est à l'Assemblée qu'il revient de décider si elle souhaite entendre un ministre ou créer une mission spécifique sur le sujet. Vous avez souligné le travail effectué dans le cadre d'une mission menée lors d'une précédente mandature et à laquelle ont notamment participé avec moi Jean-Pierre Door, Marisol Touraine et Catherine Génisson. Il nous semble avoir bien travaillé à la préparation du plan prépandémique, sous l'autorité de M. Xavier Bertrand et du Président de la République, Jacques Chirac. Il semble que, face à un risque désormais avéré, les mêmes moyens n'aient pas été pris. Le fait que le virus de la grippe H1N1 semble moins agressif que celui de la grippe H5N1 a créé une première distorsion entre la communication du Gouvernement et les parlementaires.
La stratégie d'utilisation des stocks de Tamiflu que conserve l'EPRUS – et dont j'ai moi-même voté le financement – ne me semble guère lisible. Il s'agit d'ailleurs, stricto sensu, d'un nouveau médicament, car cette molécule n'a fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché que sous la forme de gélules, alors que les services sanitaires des armées s'apprêtent à transformer la poudre en comprimés. Même si cela ne fait sans doute pas de différence sur le plan médical, une nouvelle autorisation ne serait-elle pas nécessaire d'un point de vue médico-légal ? Quelle est, en outre, la traçabilité de ces stocks ?
Il en va de même pour les masques de type « FFP2 ». Un grand nombre de masques de type « bec de canard » a été commandé, mais on ne voit pas bien quelle utilisation en est faite. La traçabilité et la gestion des stocks ne sont pas très claires.
Pour ce qui concerne le vaccin, je suis assez choqué de la communication adoptée par certains laboratoires pharmaceutiques, qui semble guidée essentiellement par la préoccupation de leurs cours de bourse et auxquels les pouvoirs publics semblent emboîter le pas. Il est temps de rappeler que la communication médicale ne doit pas être seulement le prolongement d'une communication financière. Plusieurs stratégies sont possibles – six ou sept vaccins disponibles, selon la marque, la présence ou non d'adjuvants ou la nature de l'autorisation de mise sur le marché.
Depuis Pasteur et Jenner, la France est traversée par un courant irrationnel de sentiments antivaccinaux. L'affichage d'une communication un peu rapide sur une politique du tout-vaccinal et le manque d'informations n'ont fait que raviver les craintes que nous redoutions et que nous voulons combattre. Il serait souhaitable que, sur le site Internet du ministère, un tableau présente les différents vaccins, indiquant notamment, selon leur marque, quelle est la nature de leur autorisation de mise sur le marché ou s'ils contiennent des adjuvants. Pour certaines populations, il conviendra en effet de s'interroger sur le rapport bénéfices-risques des différents types de vaccins. Cette question ne peut pas être laissée aux seuls experts, mais doit être traitée dans la plus grande transparence et faire l'objet d'un débat public, sous peine de susciter des rumeurs et des campagnes irrationnelles critiquant toute politique vaccinale. Nous plaidons donc pour une très grande transparence sur les politiques finales et pour un débat sur le rapport bénéfices-risques, auquel doivent notamment être associés les parlementaires.
Il conviendrait, par ailleurs, d'adopter une approche beaucoup plus précautionneuse pour la vaccination des femmes enceintes, notamment dans le dernier trimestre de leur grossesse, en particulier lorsqu'elles appartiennent à des segments de la population particulièrement exposés – je pense notamment aux puéricultrices, aux institutrices ou aux infirmières. Si je suis assez enclin à souhaiter, à l'inverse du Gouvernement, que l'on incite les personnes présentant des symptômes grippaux à venir travailler plutôt qu'à rester chez elles, car la société a besoin de leur travail pour fonctionner, il me semble, en revanche, important d'assurer une protection renforcée aux femmes enceintes, pour qui le risque est multiplié.
Enfin, face aux appels un peu tardifs de la Commission européenne, absente depuis des années, j'observe que les pays industrialisés ont mobilisé environ 10 % de la défense vaccinale mondiale – soit un milliard de doses potentielles, dont 100 millions pour la France – pour 1 % de la population mondiale. Peut-être la pandémie est-elle moins dramatique qu'on aurait pu le craindre, mais, si la situation était plus grave, la surprotection dont nous bénéficierions face à des pays sous-protégés, à l'Est de l'Europe ou au Sud, ainsi que le manque de solidarité risqueraient d'avoir des conséquences géopolitiques considérables.
Nous avons tous la volonté de surmonter cette épreuve et le Parlement, loin d'envisager de fermer comme l'envisagent certains, devrait au contraire se montrer plus actif en la matière.
Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour le plan que vous nous présentez. La question n'est plus de savoir si nous sommes prêts : nous le sommes. On pourrait même, comme l'a laissé entendre Jean-Marie Le Guen, se demander si nous ne le sommes pas trop, compte tenu de l'investissement que requiert cette pandémie.
J'aimerais traduire l'opinion telle que je la ressens aujourd'hui. À l'époque, l'épisode du H5N1 a représenté un traumatisme. La population s'était beaucoup inquiétée, car nous avions affaire à un virus extrêmement agressif : si le nombre de cas recensé était faible, le taux de mortalité était, lui, très important. S'agissant du nouveau virus, même si tout le monde est conscient qu'il est très contagieux, certaines interprétations tendent à minimiser le risque qu'il représente. L'opinion commence donc à évoluer dans l'autre sens, au point que certains se demandent s'il faut ou non se protéger. C'est ce que traduisent les réactions à l'égard de la vaccination.
Nous devons adopter une position intermédiaire. Nous ne sommes pas dans une situation d'évaluation clinique : il faut prendre des décisions rapidement, notamment déterminer quel vaccin sera utilisé. Mais, parallèlement, le pays doit continuer à fonctionner. Les cas de grippe A (H1N1) recensés dans les services hospitaliers semblent encore sporadiques et bénins, et il faut donc éviter la psychose – ou alors, c'est que je n'ai pas pris la mesure de l'ampleur de l'épidémie.
Notre pays sort juste d'une phase de récession. Il ne faudrait pas que la dynamique de croissance potentielle soit cassée par une épidémie, dont on sait qu'elle n'aura pas de conséquences aussi dramatiques que l'on aurait pu imaginer. Je vous fais donc confiance pour faire preuve de doigté et savoir jusqu'où il faut aller.
Certains orateurs ont évoqué la question de la communication. -Tout au long de cette préparation, j'ai voulu délivrer, sur un sujet qui a considérablement mobilisé les médias, l'information la plus calme, la moins sensationnaliste possible. Je n'ai pas demandé à faire les gros titres ou l'ouverture des journaux télévisés. Au contraire, j'ai voulu adopter une communication tranquille, en disant clairement ce que je savais et ce que je ne savais pas.
Comme vous l'avez noté, nous n'avons finalement découvert ce virus H1N1 que fin avril, début mai. Il y a beaucoup de choses que nous ignorions – et que les meilleurs spécialistes ignoraient. Rappelez-vous les premières dépêches en provenance du Mexique : on parlait de plusieurs milliers de morts. De plus, nous étions dans l'évaluation d'un virus de type H5N1. Il a fallu tout remettre dans le bon axe, sans exclure aucune hypothèse, et prendre les décisions politiques les plus adéquates – ni trop, ni trop peu.
Je répondrai en tout cas à toute invitation qui me sera faite par la représentation nationale. Mais peut-être n'avez-vous pas le goût de m'auditionner tous les matins…
Quoi qu'il en soit, je prendrai grand plaisir à vous rencontrer, et je m'organiserai pour le faire. Le Parlement, c'est la représentation du peuple. Une gestion démocratique de cette crise sanitaire implique donc que le ministre déferre à toute invitation de sa part.
Je m'exprime aussi à l'occasion de points de presse en essayant qu'ils soient les plus complets possibles. Je n'en abuse pas, toutefois. De même, j'ai répondu à plusieurs questions posées lors des séances de questions d'actualité au Parlement, et organisé des réunions avec toutes sortes de professionnels concernés – hier encore, je rencontrais les représentants des organisations d'infirmières libérales. Je souhaite mobiliser le maximum d'acteurs et porter à leur connaissance toutes les informations nécessaires. Si donc vous créez une mission parlementaire ou une commission d'enquête, mes services et moi-même serons à votre disposition. Cela me permettra de mieux dialoguer avec mes concitoyens et de donner l'information la plus complète possible.
Bien entendu, madame Touraine, rien ne sera caché. Toutes les informations dont nous disposerons seront transmises à nos concitoyens, en particulier s'agissant des caractéristiques des autorisations de mise sur le marché. Quel intérêt aurais-je à dissimuler quoi que ce soit ? Cela ne ferait que susciter les questionnements et les remises en cause.
Il est de notre intérêt que tout soit porté à la connaissance de nos concitoyens. J'en ai parlé avec un certain nombre de professionnels : après avoir consulté le site du ministère, ces derniers ont salué la qualité des informations délivrées. Elles sont fiables, car vérifiées et mises à jour quotidiennement. Je rends hommage, à cet égard, au travail effectué par le personnel du ministère de la santé.
Je laisse à Didier Houssin et Jean Marimbert le soin de répondre aux questions relatives aux vaccins, notamment s'agissant du processus d'autorisation de mise sur le marché et de la question du nombre d'injections. Mais il faut d'ores et déjà se réjouir que la mise au point d'un vaccin à une seule injection se précise : cela permettrait en effet d'obtenir de la part de la population une adhésion beaucoup plus forte à la campagne de vaccination. Quant aux 94 millions de doses existantes, elles ne seraient pas perdues. Les vaccins non reconstitués peuvent être utilisés pendant un délai de cinq ans, et nous pourrons ainsi mener de nouvelles campagnes de vaccination, ou développer une politique de solidarité. D'éventuels vaccins disponibles pourraient, en effet, être mis à disposition de pays moins précautionneux ou ne disposant pas des mêmes moyens financiers.
Précisons-le d'emblée : nous étions jusqu'à présent – et cela restera le cas au moins jusqu'à la semaine prochaine – dans une phase d'évaluation des vaccins. Le comité européen (CHMP), auquel participe l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), comme l'ensemble des agences du réseau européen, va en effet statuer la semaine prochaine sur les trois premières demandes d'autorisation de mise sur le marché. Or, on ne communique pas a priori sur un vaccin dont les caractéristiques ne sont pas encore évaluées. Mais bien entendu, si le comité donne un avis favorable, et aussitôt que la Commission européenne aura pris une décision, il faudra passer à une phase d'information sur les produits et faire apparaître, comme le souhaite la représentation nationale, les caractéristiques de chacun d'entre eux : notices, rapports d'évaluation disponibles, questions-réponses, etc. Tout cela est en cours de préparation.
J'en viens à la procédure d'évaluation qui, pour les vaccins contre la grippe A (H1N1), est européenne. Cela n'allait pas complètement de soi dans la mesure où de nombreux vaccins grippaux sont encore évalués au niveau national. C'est au moment de la menace H5N1, qu'il a été jugé utile d'adopter une approche à l'échelle de l'Union. La question posée était la suivante : dès lors que l'on ne savait pas à quel moment la pandémie surviendrait, ni quelle serait la composition antigénique précise du virus, comment trouver une solution permettant, en quelques mois, de fabriquer le plus de doses possible pour offrir à une proportion la plus large de la population concernée la possibilité d'être vaccinée ?
La réponse apportée au niveau européen prend la forme d'une procédure en deux temps, baptisée « mock-up » dans notre jargon. Les laboratoires ont ainsi soumis à l'Agence européenne du médicament, dès l'année dernière, un dossier complet comprenant des éléments de sécurité pharmaceutique sur le processus de production, ainsi que des éléments d'efficacité et de sécurité fondés sur des essais cliniques effectués sur plusieurs milliers de personnes et concernant le vaccin H5N1. Au terme de cette première étape, trois laboratoires ont obtenu une autorisation que l'on peut qualifier d'intermédiaire, le rapport bénéficesrisques ayant été jugé positif.
La deuxième étape, celle de « variation thérapeutique », est celle que nous connaissons à l'heure actuelle. À partir du mois de mai, les laboratoires ont reçu les souches véritables de la grippe A (H1N1) et ont pu commencer à produire le vaccin permettant de lutter contre ce virus. Ils doivent produire un dossier additionnel, de qualité pharmaceutique, visant à montrer que le processus de production du vaccin A (H1N1) est similaire à celui du vaccin A (H5N1), qui a donné lieu à l'autorisation intermédiaire que je viens d'évoquer. Il existe en effet un large consensus dans la communauté de l'évaluation en Europe pour considérer que les résultats obtenus, en termes d'efficacité et de sécurité, lors de l'évaluation ayant donné lieu à l'autorisation intermédiaire sur essais cliniques H5N1, peuvent prédire l'efficacité et la tolérance du vaccin A (H1N1). Ce raisonnement se fonde principalement sur l'expérience de la variation annuelle du virus de la grippe classique. C'est ainsi que fonctionne, tant en Europe qu'aux États-Unis, le processus d'évaluation du vaccin contre la grippe saisonnière.
En effet, il n'y en a plus. Je vais y revenir.
Certains parlementaires ont noté que l'agence fédérale, aux États-Unis, avait autorisé quatre vaccins non adjuvantés – contrairement aux trois vaccins autorisés en Europe. Le raisonnement est presque le même dans les deux cas, mais, en Europe, l'extrapolation est faite à partir des résultats et des données cliniques des dossiers H5N1, tandis qu'aux États-Unis, elle se fonde sur la précédente souche saisonnière.
On sait d'ores et déjà que dans les mois à venir – mais pas avant la fin de l'année –, des vaccins n'ayant pas donné lieu à une autorisation intermédiaire seront soumis à une évaluation au niveau communautaire. Si leur rapport bénéficesrisques est jugé satisfaisant, ils viendront s'ajouter aux trois premiers vaccins que le comité européen va examiner la semaine prochaine.
Ce comité devra non seulement se poser la question du rapport bénéficesrisques, mais aussi se demander si deux doses sont nécessaires, comme on le pensait au départ, ou si les données cliniques sont suffisantes pour considérer qu'une seule dose apportera une immunogénicité suffisante. Ce point n'est pas encore tranché, mais la réponse aura des conséquences sur l'organisation de la vaccination.
À l'heure où l'autorisation de mise sur le marché européenne est en voie d'être octroyée à ces trois premiers vaccins, il n'existe pas de données cliniques abondantes sur la souche A (H1N1). Mais, des essais cliniques ont été entamés en août par les laboratoires, dont les résultats vont commencer à tomber à partir d'octobre, et surtout en novembre et décembre. Ils seront examinés par le comité européen, afin de compléter l'évaluation si nécessaire.
J'en viens aux adjuvants. Les quatre premiers vaccins autorisés aux États-Unis sont des vaccins sans adjuvant, tandis que les trois vaccins qui devraient être autorisés au niveau européen seront avec adjuvants. Ce choix a été effectué entre 2007 et 2008, lorsque l'on se préparait à affronter un virus de type H5N1, et que l'on cherchait le moyen d'obtenir rapidement, dès le déclenchement de la pandémie, le maximum de doses. L'utilité de l'adjuvant est de permettre, en facilitant la présentation de l'antigène, de produire plus de doses avec la même quantité d'antigène, et donc de pouvoir vacciner plus vite un plus grand nombre de personnes. C'est donc une question d'efficacité. Mais qu'en est-il de la sécurité ?
Nous disposons d'un important recul sur la sécurité des adjuvants en général. Si les plus anciens étaient essentiellement fabriqués à base de sels aluminiques, les adjuvants de la nouvelle génération sont, eux, composés de squalène, c'est-à-dire d'une émulsion lipidique. Heureusement, on ne part pas de zéro dans la connaissance de ces nouveaux adjuvants. Ils ont déjà été utilisés à grande échelle dans le vaccin appelé Gripguard, dont 47 millions de doses ont été prescrites au niveau mondial sans que la pharmacovigilance ne décèle le moindre signal d'effets indésirables. Pour d'autres vaccins de la même famille, on ne dispose pas du même recul, mais seulement du résultat d'essais cliniques sur quelques milliers de personnes. Là encore, aucun effet secondaire n'a été observé. De même, les essais précliniques sur les animaux n'ont pas montré de signal de toxicité – en particulier pour la reproduction ou pour le foetus. Toutefois, ces résultats ne nous dispensent évidemment pas de mettre en place un robuste dispositif de surveillance des effets de ces vaccins. L'AFSSAPS, s'y emploie, mais c'est un domaine qui nécessite un gros effort.
La possibilité d'utiliser le vaccin en une seule injection, si elle était confirmée, constituerait une bonne nouvelle : l'organisation de la vaccination s'en trouverait simplifiée, et des possibilités d'assistance ou de vaccinations ultérieures seraient ainsi dégagées. Il serait également possible de stocker des adjuvants pour une utilisation ultérieure. Mais à ce stade, il est peu vraisemblable que l'utilisation d'une seule injection soit recommandée pour l'ensemble de la population. Il est probable – mais cela doit être confirmé – que le principe de deux injections soit maintenu pour les plus jeunes, par exemple. Il appartiendra au comité européen de nous éclairer sur ce point.
En ce qui concerne l'utilisation des antiviraux, il est vrai que des stocks ont été constitués, pour une part de Tamiflu ou de Relenza, et pour une autre de poudre d'oséltamivir. Jean Marimbert pourra sans doute dire un mot au sujet de l'autorisation de mise sur le marché de ce dernier produit, une fois mis en comprimé par la pharmacie centrale des armées. Quoi qu'il en soit, l'utilisation de ces antiviraux est aujourd'hui abordée avec prudence. D'abord pour une question de dimensionnement du stock : nous espérons avoir une bonne visibilité sur la consommation afin d'éviter tout débordement. Mais surtout, parce que ce médicament étant susceptible de faire émerger des résistances, il convient de l'utiliser à bon escient. Cependant, avec la progression de l'épidémie, nous serons sans doute conduits à utiliser ces antiviraux plus largement qu'aujourd'hui.
Monsieur Leonetti s'est interrogé sur l'organisation des centres de vaccination. Une contrainte importante vient du fait que la grande majorité des vaccins vont nous être livrés en multidoses, ce qui conduit presque nécessairement à une organisation collective de la vaccination. En outre, ces centres doivent être « armés » en personnels, et notamment en médecins et infirmières. Enfin, il était nécessaire de prendre en compte l'activité médicale de consultation, qui ne manquera pas d'être importante avec le développement de l'épidémie. Ce sont donc des contraintes, liées non seulement aux produits, mais aussi à l'organisation, qui ont déterminé le maillage du dispositif, notamment le calcul du nombre de centres.
Bien entendu, notre stratégie est globale : nous ne misons pas tout sur le vaccin. Pour répondre à la menace pandémique, nous avons d'abord développé des opérations de communication très importantes sur les gestes barrière. L'impact de cette campagne, pour laquelle nous en sommes à la deuxième salve, dépasse largement la pandémie grippale, mais relève plus largement de la santé publique et de la démarche citoyenne. Des opérations de ce type ont d'ailleurs déjà été organisées dans le cadre de la préparation à des affections hivernales.
Viennent ensuite la mise en tension de nos structures hospitalières comme de la médecine générale, l'achat de matériel et la vérification de la compétence des équipes. Ces stratégies de prise en charge suivent certaines préconisations issues du consensus scientifique le plus large.
Quant à la vaccination, troisième élément de notre stratégie, elle est organisée en plusieurs phases. Il ne faut pas tout confondre : je n'ai jamais prétendu déterminer une stratégie vaccinale à la lueur de mon esprit ou en fonction de considérations de communication politique. J'avais besoin de certaines informations pour mettre au point la stratégie la plus fine.
Cette stratégie comprend trois éléments. Le premier est la décision argumentée de nous trouver en possession des vaccins au moment utile, afin de pouvoir protéger nos concitoyens. Le deuxième est la logistique de la vaccination, dont l'aspect collectif nous est imposé par le mode de présentation galénique en multidoses. Sa mise en place, compliquée, est en cours dans les départements. Même si cela pourrait apparaître plus confortable, il importe, monsieur Leonetti, de ne pas parsemer le territoire de centres de vaccination. Non seulement il faudrait les « armer » en personnels, comme l'a rappelé Didier Houssin, mais en plus cela entraînerait de considérables pertes en ligne de produits. Nous avons d'ores et déjà tenu compte du fait qu'un pourcentage non négligeable de doses serait perdu du fait de cette logistique collective.
Troisième élément, la stratégie de vaccination. En ce domaine, je n'ai jamais varié : j'ai dit que cette stratégie, l'ordre de priorité des populations, les publics cibles ne dépendraient pas d'un regard politique, mais seraient déterminés sur le fondement du consensus scientifique le plus large, après saisine du Comité de lutte contre la grippe, du Comité technique des vaccinations et du Haut conseil de la santé publique. Comme je n'ai cessé de le répéter, c'est à partir de ces avis que la décision du Gouvernement sera prise. Sur ce point, je vous mets au défi de trouver la moindre incohérence dans mon discours.
Jean Marimbert et Didier Houssin ont détaillé toutes les précautions qui seraient prises avant et pendant la campagne de vaccination : l'AFSSAPS sera notamment à la manoeuvre pour développer une pharmacovigilance appuyée, selon deux axes principaux : un recueil des effets indésirables, et la réalisation d'études complémentaires au plan de gestion des risques européen, afin d'assurer le suivi épidémiologique le plus fin dans notre pays, dans un souci de totale transparence.
On m'a interrogée sur l'outre-mer. Nous portons la même attention aux pays d'outre-mer qu'à nos concitoyens métropolitains, même lorsque ces pays exercent la compétence santé de façon autonome. Quel que soit le statut du territoire, nous avons exprimé notre totale disponibilité à l'égard des ultramarins. Des compléments de dotations ont ainsi été mis à leur disposition au titre de la solidarité nationale, ainsi que des vaccins contre le virus. Je me suis rendue à La Réunion, où des médicaments antiviraux et des masques ont été envoyés très rapidement, comme vers tous les territoires français de l'hémisphère sud. Nous avons en particulier mobilisé une partie du stock national de Tamiflu pédiatrique, pour tenir compte du nombre important d'enfants dans ces territoires. À Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, nous avons envoyé du matériel léger de réanimation, afin d'assister les patients grippés durant leur transport entre les îles des archipels. Si la Nouvelle-Calédonie nous a fait savoir qu'elle n'avait pas besoin de renforts humains – même si nous étions à sa disposition pour en fournir –, elle a reçu du renfort en matériel. Je reste très attentive à la situation, en particulier dans les départements français d'Amérique. Nous sommes donc au côté de nos compatriotes ultramarins.
J'en viens aux femmes enceintes, dont on sait qu'elles constituent une population à risque, dans la mesure où leur système immunitaire est bouleversé par l'état de grossesse. Ce risque a d'ailleurs été très documenté lors des précédentes pandémies. Par rapport à la grippe saisonnière, la grippe A (H1N1) entraîne un plus grand risque d'infection respiratoire aiguë, ce que confirment la plus grande proportion d'hospitalisations et le plus grand nombre de décès de femmes enceintes survenus aux États-Unis entre le 15 avril et le 16 juin 2009 : six des quarante-cinq cas de décès notifiés étaient des femmes enceintes, soit 13 % des décès. Des chiffres similaires ont été observés lors des comptages espagnols. Le risque apparaît plus important aux deuxième et troisième trimestres de la grossesse.
Des recommandations ont donc été émises pour optimiser la prise en charge des femmes enceintes. Ces recommandations, adaptées dès le début de l'alerte grâce à l'expertise apportée par l'Agence européenne du médicament, sont étayées par les avis du Comité de lutte contre la grippe, d'ailleurs concordants avec ceux de l'OMS et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Ainsi, quand une femme enceinte est en contact avec un cas suspect, il est recommandé de la mettre à titre prophylactique sous un traitement antiviral. De même, une femme enceinte supposée atteinte de la grippe A (H1N1) doit être mise le plus tôt possible sous traitement antiviral et hospitalisée en cas de complications. Enfin, les femmes enceintes sont, parmi les personnes vulnérables, la première population prioritaire pour la vaccination. Le Haut conseil de santé publique, dans son avis du 7 septembre, les a, en effet, placées en première position.
L'incertitude porte sur le fait de savoir si l'autorisation de mise sur le marché des vaccins inclura les femmes enceintes, compte tenu de l'absence d'études spécifiques concernant ce groupe de population. La recommandation du Haut conseil d'administrer préférentiellement un vaccin sans adjuvant est à mettre en perspective avec une possible livraison ou une obtention d' autorisations plus tardives de ce type de vaccin. Pour mémoire, l'acquisition de vaccins sans adjuvant est possible chez Sanofi. Je précise que si le Haut conseil préconise un vaccin non adjuvanté, ce n'est pas parce que le risque des adjuvants chez ces populations fragiles du point de vue immunitaire est avéré, mais parce que l'inverse n'est pas prouvé. Toutefois, même en l'absence de vaccins non adjuvantés, nous ne serions pas dénués de protection, puisque l'entourage des femmes enceintes serait considéré comme population prioritaire – c'est ce que l'on appelle la vaccination en anneaux.
Monsieur Jean Leonetti a soulevé un point important, celui de la concordance entre grippe saisonnière et grippe A (H1N1). Il y a en effet un risque de double éviction : des gens pourraient ne pas se faire vacciner contre la grippe saisonnière au prétexte d'attendre « le bon vaccin », tandis que d'autres, qui se seront fait vacciner contre la grippe saisonnière, pourraient se croire protégés de la grippe A. Nous ferons, à partir du 18 septembre, une campagne d'information et de communication sur la vaccination contre la grippe saisonnière, afin d'inciter nos concitoyens les plus concernés à se faire vacciner sans attendre. Après cette troisième salve, une nouvelle campagne aura lieu, en tenant compte des informations dont on disposera sur le nombre d'injections ou les publics prioritaires, et dans le but de commencer la vaccination vers le 15 octobre. Il convient, en tout cas, de bien articuler la lutte contre la grippe saisonnière et contre la grippe A (H1N1).
Vous n'avez pas répondu à la question de la protection sociale des femmes enceintes. S'agissant de professions très exposées – institutrices, puéricultrices, infirmières –, il me semble qu'il faudrait prévoir un droit de retrait.
Par ailleurs, si les femmes enceintes sont considérées comme un public prioritaire, cela signifie qu'il est important de les vacciner le plus rapidement possible. Or, si nous suivons la procédure européenne, nous risquons, si j'ai bien compris, de ne pas disposer du vaccin adéquat, c'est-à-dire d'un vaccin non adjuvanté. Il serait paradoxal qu'une entreprise française puisse livrer aux États-Unis un tel vaccin, qui a été validé dans ce pays après analyses et essais cliniques, alors que ce même vaccin, bien que plus adéquat en l'occurrence, ne serait pas disponible sur le territoire européen. Si ces faits étaient avérés, ne faudrait-il pas envisager un changement de stratégie d'achat et donner la priorité à un vaccin qui non seulement semble offrir de meilleures garanties grâce à des essais cliniques plus larges et plus précoces, mais dont l'absence d'adjuvants permettrait en outre de le recommander à certaines populations ?
J'ai insisté sur l'aspect sanitaire de la prise en charge des femmes enceintes, parce qu'il relève de ma responsabilité. Mais, vous avez raison, une prise en charge sociale est également nécessaire. Elle fait l'objet d'une discussion dans la cellule interministérielle de gestion de la crise, afin de déterminer les mesures d'accompagnement les plus adéquates pour protéger les femmes enceintes.
Sur la question des vaccins adjuvantés ou non, et de la stratégie d'achat, je laisse la parole à Jean Marimbert.
La décision européenne de vacciner avec des vaccins adjuvantés se justifiait par les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure : elle permet une préparation beaucoup plus rapide à une vaccination très large en situation pandémique. La question qui se pose désormais est celle de l'utilisation des adjuvants pour certaines catégories de la population en situation immunologique particulière – dont les femmes enceintes.
Il faut être conscient qu'aujourd'hui, aux États-Unis, le vaccin non adjuvanté Sanofi, comme d'ailleurs les trois autres vaccins autorisés hier par l'agence fédérale américaine, n'a pas donné lieu à de vastes études cliniques préalables, mais tout juste à des résultats préliminaires. Or, le même laboratoire, à la suite du développement d'un vaccin adjuvanté, procède sur le sol français à des essais cliniques sur un vaccin non adjuvanté. Il n'est donc pas exclu que ces essais, dont nous devrions avoir les résultats à la fin du mois d'octobre, puissent conduire à l'autorisation de mise sur le marché d'un vaccin non adjuvanté en Europe.
Les quantités livrées et le calendrier de livraison ont également joué un rôle important dans les options qui ont été prises. Mais, en dehors de certaines populations très particulières, il convient de mesurer tous les avantages de l'utilisation d'un vaccin disposant d'un adjuvant, qui permet notamment d'obtenir, avec peu d'antigènes, une réaction immunitaire suffisante. Cet effet d'épargne d'antigène est un argument capital, lorsque l'on adopte une vision mondiale de la protection de la population. En outre, et c'est le deuxième argument, nous sommes face à un virus nouveau, susceptible d'évoluer sur le plan génétique. Or, l'un des gros atouts de l'utilisation d'un adjuvant est d'autoriser une protection croisée : même en cas de petite évolution génétique du virus, l'adjuvant permet l'induction d'une réaction immunitaire. L'avantage existe donc en termes de protection individuelle comme de protection collective.
Cela n'écarte pas, cependant, l'intérêt que nous pourrions avoir à disposer d'une petite quantité de vaccin non adjuvanté pour certaines populations. Nous y travaillons.
À écouter les questions posées, il apparaît que la vaccination est, dans ce plan de lutte contre la pandémie, le point qui suscite le plus d'interrogations. C'est plutôt rassurant : cela prouve que nous sommes prêts. La population le ressent d'ailleurs de cette manière.
Jugez-vous que le dernier cas mortel recensé en France métropolitaine, et qui concerne un jeune homme de vingt-six ans ne souffrant a priori d'aucune pathologie concomitante, est susceptible de modifier l'analyse du rapport bénéficesrisques de la vaccination ?
J'étais, hier soir, dans un taxi dont le chauffeur avait une épouse manifestement atteinte d'un syndrome grippal : ce chauffeur m'en décrivait en effet tous les éléments, sans imaginer une seconde que sa femme puisse avoir la grippe. « Elle a pris froid », me disait-il… Au-delà de l'aspect prévention, la communication grand public ne devrait-elle pas porter sur les signes de la maladie ? Simple à mettre en oeuvre, cette communication pourrait permettre d'alerter une population qui, à force d'entendre certains affirmer que la pandémie n'est pas si grave, tend à être démotivée.
Pourriez-vous par ailleurs rappeler quel est le rôle des pharmaciens dans la chaîne de prise en charge de cette pathologie ?
Enfin, Yves Bur a évoqué les arrêts de travail qui pourraient concerner les parents d'enfants touchés par le virus. N'y a-t-il pas un risque de multiplication des arrêts de travail non justifiés du point de vue sanitaire ? Avez-vous prévu quelque chose à ce sujet ? Les contrôles seront-ils renforcés, ou va-t-on au contraire se montrer plus tolérant ?
La presse s'est interrogée sur les contrats de livraison des vaccins et sur un éventuel changement de stratégie dans ce domaine. Quel a été le pourcentage des arrhes versées lors de la commande aux différents laboratoires ? Ce financement, sans doute pris en charge par l'EPRUS, a-t-il bénéficié d'une avance de l'ACOSS ? Et dans ce dernier cas, le plafond de découvert autorisé dont bénéficie l'agence à la suite d'une dure négociation avec la Caisse des dépôts, et qui lui permet d'honorer ses engagements, sera-t-il affecté ?
Les professionnels de santé bénéficient d'un accès prioritaire à la vaccination. Cela pourrait-il être, également, le cas des agents des services publics dont l'activité est la plus nécessaire, comme par exemple ceux des transports ?
Une autorisation parentale est requise pour vacciner les enfants. Dans le cas de familles séparées, faudra-t-il l'accord des deux parents ?
Ma dernière question concerne l'information des maires. Dans mon secteur, une circulaire du préfet nous a été adressée, identifiant le lieu du centre de vaccination éventuellement mis en place. Mais des précisions sont nécessaires. Ainsi, faudra-t-il prévoir des réfrigérateurs, ou bien les équipes de vaccinations seront-elles dotées des systèmes nécessaires pour transporter et stocker les produits, qui requièrent une température comprise entre deux et cinq degrés ?
En tant que députée et pédiatre, je souhaite apporter mon témoignage sur la façon dont on vit la grippe A dans les cabinets médicaux. Je peux notamment dire ce qu'il est advenu des masques « bec de canard » : depuis le mois d'août, ils sont distribués par les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) à tous les médecins, afin qu'ils puissent se protéger. Par ailleurs, la situation est de plus en plus compliquée pour les médecins de ville : chaque année, en effet, les mois d'octobre à décembre sont ceux pendant lesquels surviennent la plupart des virus respiratoires. Et même si ce ne sont pas des virus grippaux, le virus respiratoire syncytial (VRS) – qui donne les bronchiolites –, le virus adéno-pharyngo-conjonctival (APC) ou les coxsakies ressemblent fortement à la grippe. Un médecin n'a pas la possibilité, faute de pouvoir procéder à un test virologique, de distinguer une grippe A (H1N1) d'un autre virus. Mais les parents, eux, ne pensent qu'à cela. Le problème apparaît particulièrement aigu lorsque l'enfant fréquente une crèche. Ce matin encore, on m'a appelé à propos d'un enfant atteint, selon son médecin traitant – mais celui-ci a jugé au « pifomètre » – de la grippe A (H1N1). Quand pourra-t-il retourner à la crèche ? Un médecin n'acceptera jamais la responsabilité de signer un certificat de non-contagion. J'ai donc inventé un formulaire comprenant la mention : « ne présente pas de signe clinique contre-indiquant la collectivité ». Il reste que si le personnel de la crèche comprend une femme enceinte, on prend une responsabilité importante.
On pourrait donc souhaiter que lorsque la fermeture d'un établissement est en jeu, il soit possible de vérifier biologiquement au moins un cas. Je sais que vous avez étendu le nombre de centres de diagnostics spécifiques à Paris – Necker, Bichat et La Pitié –, mais ils peuvent au mieux délivrer 500 diagnostics par jour. Les médecins de ville sont confrontés à cette limite, et c'est pourquoi les patients sont en attente d'un vaccin. La communication négative autour du vaccin est donc, pour nous, lourde à porter. On parle des adjuvants, mais j'administre depuis quarante ans le vaccin DT-polio, qui a longtemps contenu de l'alumine. Les milliers de patients qui en ont bénéficié n'ont jamais été malades. Cette attitude négative à l'égard du vaccin me semble extrêmement nocive, et il convient donc de ne pas laisser toute la place à ceux qui diffusent des informations alimentant la peur.
Quant aux femmes enceintes, vous avez raison d'en faire un public prioritaire. Mais les gynécologues sont en attente d'une lettre qui leur soit spécifiquement destinée, afin de préconiser certaines mesures particulières d'hygiène et de vie : diminution des visites en maternité, recommandation aux femmes enceintes de ne pas laisser leurs enfants en bas âge en collectivité, etc. De même, les gynécologues aimeraient pouvoir procéder à la vaccination en maternité, afin d'éviter d'envoyer les femmes enceintes dans des centres. Mais les conditionnements prévus ne le permettent peut-être pas.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour votre action, car selon moi, la situation commencera à être difficile dans un mois. Avoir les « poumons blancs », comme disent mes confrères, peut en effet être dramatique.
Puisque nous en sommes aux remerciements, je remercie pour ma part le réseau des grossistes répartiteurs, qui assurent au jour le jour un maillage territorial, notamment pour amener les masques dans les officines. Celles-ci servent souvent de relais pour d'autres structures, qui ont besoins de ces masques mais ne les trouvent pas forcément là où ils devraient être.
Jean-Marie Le Guen a évoqué le problème de la bioéquivalence s'agissant du Tamiflu. Lorsque j'exprime le souhait d'élargir le répertoire des génériques, vous me répondez souvent, madame Bachelot, qu'il faut une rigueur dans la bioéquivalence. Je vous appelle donc à faire preuve de la même rigueur pour l'oséltamivir.
Vous avez déclaré que les équipes mobiles de vaccination pourraient administrer cent vaccins par jour aux enfants de six mois à trois ans. Le coefficient de contamination est important pour cette catégorie d'enfants qui vit en collectivité de sept heures à dix-huit heures : il est de quatre, contre deux pour un adulte dans des conditions normales. Je comprends donc l'intérêt d'une vaccination dans cette tranche d'âge. Mais beaucoup de ces enfants subissent déjà de nombreux chocs immunologiques : dès l'âge de trois mois, on leur administre un vaccin hexavalent, c'est-à-dire comprenant six souches, puis ils subissent une nouvelle injection à quatre mois. Le vaccin contre la grippe s'ajouterait à tout cela, ce qui n'est pas anodin. Si nous disposons d'un recul s'agissant de la vaccination antigrippale des adultes, les enfants les plus jeunes n'ont jamais fait l'objet d'une stratégie vaccinale antigrippale à grande échelle. Je fais donc confiance à monsieur Marimbert et à ses homologues européens pour qu'ils se montrent très vigilants s'agissant des résultats des essais cliniques sur cette tranche d'âge.
Notre collègue Yves Bur l'a noté : face à une pandémie que l'on ne connaît pas bien, il est préférable d'être surpréparé. Encore faut-il pouvoir assumer cette surpréparation. Comment envisagez-vous l'intégration des médecins libéraux ? Vous parlez de réquisition : sera-t-elle volontaire ? Nous disposons de peu d'informations sur les accords entre les syndicats de médecins et les pouvoirs publics. J'ai lu dans la presse que les médecins, comme d'ailleurs les infirmières, n'étaient pas d'accord avec la rémunération qui leur a été proposée – l'équivalent de 3C pour l'heure de vaccination, alors qu'ils réclamaient une fixation à 5C. Connaît-on le nombre de médecins prêts à travailler dans les centres de vaccination et le montant de leur rémunération ?
Toutes ces questions m'incitent à m'adresser à vous, monsieur le président de la Commission, plutôt qu'à madame la ministre. Je m'interroge, en effet, sur l'opportunité de créer une mission parlementaire. Elle aiderait à la coproduction citoyenne, permettrait de répondre aux nombreuses questions que nous nous posons encore sur cette pandémie nouvelle, et satisferait l'exigence de transparence. La mission parlementaire sur la grippe aviaire est un exemple très positif : elle nous avait donné l'occasion de travailler ensemble, sans esprit partisan.
Je poserai par ailleurs une question très technique concernant la prise en charge des « poumons blancs » évoqués par Edwige Antier. Vous avez indiqué, madame la ministre, que des stocks de respirateurs avaient été constitués. Mais les respirateurs employés en cas de catastrophe naturelle, par exemple, pour la réanimation, ne conviennent pas. Disposons-nous des modèles très sophistiqués qui sont nécessaires pour pallier l'insuffisance respiratoire dont souffrent les malades, ainsi que les personnels formés à ces méthodes de ventilation, très difficiles à mettre en oeuvre ? J'avais d'ailleurs déjà posé cette question au sujet de la grippe aviaire.
Monsieur Lefrand s'est demandé si le dernier cas mortel entraînerait un changement dans notre stratégie. Nous savons pratiquement depuis le début de la pandémie – et c'est une des caractéristiques particulières de ce virus – qu'un certain nombre de cas sévères frappent des personnes ne présentant pas par ailleurs de facteurs de risque. S'agissant de la grippe saisonnière, ces personnes représentent environ 5 % des cas mortels. Dans le cas de la grippe A (H1N1), et même s'il faut prendre de telles évaluations avec précaution, la part serait de 40 %. Le cas mortel de Saint-Étienne confirme donc un certain nombre d'analyses et de publications sur le sujet. En conséquence, les stratégies que nous déployons, qu'il s'agisse des mesures de prévention, de la mobilisation des différentes structures sanitaires ou de la vaccination, s'en trouvent confortées. Nous sommes également conduits à renforcer l'information sur les signes d'alerte spécifiques, au vu desquels l'entourage du malade ou le médecin doit faire preuve de la plus grande attention. Ces signes sont, en effet, différents selon l'âge.
Vous avez évoqué le rôle des professionnels de santé, et notamment des pharmaciens. Il est évidemment crucial pour l'information des patients, la mise à disposition des produits dans le cadre de la prise en charge en médecine ambulatoire, la distribution des masques ou des antiviraux. Une action spécifique est donc conduite en direction de ces professions, dont la place dans l'ordre de priorité des vaccinations a été remontée par l'avis du Haut conseil de santé publique.
Quant aux arrêts de travail, ils sont justifiés ou ne le sont pas. La grippe ne conduit pas à se montrer plus ou moins laxiste sur ce sujet. Bien entendu, l'évaluation des comportements dérivants tiendra compte de l'activité liée à la pandémie grippale.
Pour répondre à monsieur Bapt, les arrhes versées aux laboratoires sont comprises entre 20 et 30 % du montant de la commande. L'EPRUS est le bras armé de cette politique d'achat, et le financement est bien évidemment mobilisé à travers l'ACOSS. Les statuts de l'EPRUS prévoient un partage à parts égales du financement entre l'État et l'assurance maladie. Nous rembourserons donc l'assurance maladie au moment du vote de la loi de financement de la sécurité sociale.
Les agents des services publics ne font pas partie des publics prioritaires. Rien, dans la typologie de la pandémie, ne nous conduit à prendre une telle décision, même pour les agents des transports.
Les équipes mobiles de vaccination seront destinées aux enfants, mais aussi aux personnes âgées. Il n'est bien sûr pas question de demander aux personnes vivant en maison de retraite de se déplacer dans les centres de vaccination.
En ce qui concerne les masques, je rappelle notre doctrine : doivent porter des masques « FFP2 » les professionnels de santé ou les personnes susceptibles d'être en contact, dans le cadre de leur profession, avec des personnes infectées. Le masque dit « chirurgical » ou « altruiste » est destiné aux personnes malades, afin de protéger leur entourage.
Au sujet des adjuvants, vous avez dit, madame Antier, ce qu'il fallait. Nous faisons face à une pandémie qui avance sur un front large, même si elle est peu sévère dans la très grande majorité des cas, et la vaccination est évidemment la réponse qui correspond à cette typologie. Nous devons assurer un travail d'explication et de communication. On se protège à la fois pour soi et pour les autres.
S'agissant des gynécologues, le collège des gynécologues-obstétriciens est en train d'élaborer des recommandations afin que ces professionnels disposent d'une information adaptée.
La réquisition, madame Lemorton, est bien évidemment volontaire. Il n'est pas question d'obliger un professionnel à participer à la campagne de vaccination. La réquisition sert à le dégager sa responsabilité : une fois qu'il a exprimé son volontariat, c'est l'État qui assume cette responsabilité. Les professionnels ont d'ores et déjà été dûment informés de cette procédure de réquisition volontaire.
Quant à la rémunération, celle des médecins est fixée à 3C. Les infirmières trouvant à juste titre qu'une rémunération correspondant à six AMI n'était pas suffisante, je l'ai portée à neuf.
Enfin, madame Génisson, je ne peux que répéter ce que je disais à l'instant : si une mission d'information est créée par le Parlement, je mettrai à sa disposition l'ensemble des moyens nécessaires. Je ne le considérerai en aucun cas comme une contrainte, mais au contraire comme une opportunité.
Mme Lemorton nous a appelé à veiller à la bioéquivalence des comprimés d'oséltamivir fabriqué par la pharmacie centrale des armées. Elle doit en effet être vérifiée, car même s'il s'agit de la même substance, la forme pharmaceutique est différente. Une étude de bioéquivalence a donc été demandée à la pharmacie centrale, et ses résultats seront bientôt disponibles, laissant envisager l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché. Ce produit, fabriqué par une institution publique, sera donc traité exactement comme l'aurait été le produit d'une entreprise privé.
La vaccination des tout-petits est une question délicate. On peut distinguer deux catégories, selon que les enfants ont moins de six mois ou sont âgés de six mois à trois ans. Pour les moins de six mois, les essais cliniques n'apportent aucune donnée, de même qu'il n'y en a pas pour les femmes enceintes. Il en existe cependant pour les enfants de six mois à trois ans, s'agissant du virus H5N1, et nous en aurons au cours de l'automne dans le cadre des essais clinique sur le virus H1N1. Cela fait partie des points délicats sur lesquels le comité européen devra se pencher la semaine prochaine. Jusqu'à présent, le choix a été fait de ne pas fermer l'indication. Il appartiendra aux autorités vaccinales de chaque pays d'apprécier le rapport bénéficesrisques en fonction de la stratégie vaccinale décidée.
Je répondrai à la question de monsieur Bapt sur les centres de vaccination. Un document est en préparation pour faire suite à celui qui désignait les lieux dans lesquels seront implantés ces centres : il décrira la manière dont ils devront fonctionner. À cet égard, certains éléments importants doivent être pris en compte : la chaîne du froid – capitale, s'agissant de vaccins –, le stockage des vaccins et du petit matériel destiné à l'injection – seringues, aiguilles, etc. –, et enfin la collecte des déchets, un aspect que l'expérience de l'OMS en matière de vaccination nous incite à ne pas négliger.
Le travail en cours en matière d'information des professionnels concerne aussi bien la protection sociale et le droit du travail que les aspects sanitaires. Sur ce dernier point, le collège des gynécologues-obstétriciens prépare une recommandation qui sera adressée à l'ensemble des praticiens de cette spécialité.
En ce qui concerne la ventilation artificielle, madame Génisson, les machines qui ont été achetées sont haut de gamme et permettent l'assistance respiratoire de personnes présentant un poumon blanc. Elles s'accompagnent d'une série de systèmes d'assistance et d'oxygénation extracorporelle. Dans le cadre du plan contre le bioterrorisme a également été constitué un stock de machines de ventilation simple. Celles-ci peuvent, dans certains cas, être utilisés pour des malades ne nécessitant pas une ventilation compliquée, ce qui permet de rendre disponibles un plus grand nombre de ventilateurs sophistiqués.
Ces machines sont stockées à l'EPRUS. Nous vérifions, avant de les mettre à la disposition des établissements, l'existence d'équipes compétentes pour les utiliser – quitte à prévoir des remises à niveau. Si les syndromes de détresse respiratoire aiguë que l'on a pu observer représentent, sur le plan scientifique, un phénomène troublant, ils sont aussi absolument dramatiques pour les familles. L'existence de ces appareils et d'équipes à même de les utiliser est donc une question cruciale.
À un certain moment, il sera peut-être nécessaire de réquisitionner des anesthésistes et des infirmiers anesthésistes, …
…car ce mode de ventilation est tout à fait spécifique et compliqué à mettre en oeuvre, au point que mêmes certains anesthésistes n'y sont plus habitués.
La séance est levée à dix-neuf heures quinze.