Je vous souhaite la bienvenue pour cette deuxième matinée d'auditions sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
Nous avons précédemment entendu des acteurs locaux de la sécurité civile ; nous allons aujourd'hui débattre des questions de pilotage, avec M. le préfet Alain Perret, directeur de la Sécurité civile, et M. le sénateur Éric Doligé, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours. Je vous remercie, messieurs, de votre présence.
Nos travaux sont animés par trois rapporteurs, qui représentent la commission des Lois et la commission des Finances et sont issus, pour deux d'entre eux, de la majorité et, pour l'un, de l'opposition, de manière à aboutir à un rapport final consensuel.
Je propose que, suivant notre usage, nous procédions par questions et réponses.
Le bureau de la commission des Finances a souhaité que la mission d'évaluation et de contrôle travaille sur le financement des services d'incendie et de secours dans la mesure où leurs dépenses ont fortement augmenté depuis 1996 – y compris depuis 2001, date de l'achèvement de la départementalisation des SDIS. Aujourd'hui, le budget de la sécurité civile, dans son ensemble, atteint quelque 5 milliards d'euros, somme importante qui pourrait être en partie transférée à d'autres domaines ressortissant aussi des obligations de l'État. Nous souhaitons donc examiner avec vous si le mode de gouvernance des SDIS peut être amélioré.
Le système actuel comporte trois intervenants : l'État, les élus locaux et les sapeurs-pompiers. Or ces derniers tirent souvent profit non seulement de leur indéniable popularité mais aussi du fait que leur budget n'est pas piloté par une seule entité. L'État établit la réglementation, à la suite de quoi les sapeurs-pompiers passent commande du matériel et procèdent aux embauches et ce sont les collectivités locales qui payent. Il faudrait revoir ce système, de manière à n'avoir qu'un seul pilote, suivant le principe : qui commande paye – et, réciproquement, qui paye commande.
Il paraît donc indispensable de faire le bilan de la situation, d'étudier si une totale intégration des SDIS dans les conseils généraux ne serait pas souhaitable et de réexaminer le rôle de l'État, en l'occurrence celui des préfets de département et de région, dans la coordination des secours.
Ces questionnements sont pour nous des sujets de réflexion permanents. Toutefois, au-delà des faits et des chiffres, la difficulté majeure a longtemps tenu à la coexistence de deux mondes qui ne se parlaient pas.
En arrivant à la tête de la direction de la Sécurité civile, j'ai découvert un système où il y avait, d'un côté, l'État, qui travaillait dans son coin avec le souci du service public, et, de l'autre, les élus, à qui, pour parler trivialement, on envoyait la facture. Cela ne pouvait durer.
Les problèmes liés à l'élaboration du référentiel commun pour l'organisation du secours à personne ont révélé que les mécanismes de dialogue et de concertation ne fonctionnaient pas de manière satisfaisante, ce qui nous a conduits, M. le Président Doligé et moi-même, à revoir complètement notre façon de procéder. Nous voulons entretenir de nouveaux rapports avec la représentation nationale et les élus locaux, et inscrire cette démarche au coeur de notre nouveau mode de gouvernance.
Nous sommes désormais en liaison permanente avec l'Assemblée des départements de France (ADF). Notre objectif n'est pas de faire une concertation au coup par coup, mais de donner aux élus locaux une présentation stratégique de la manière dont l'État conçoit le développement de la sécurité civile. Autrement dit, nous vous devons des points de repère dans le temps, correspondant à des actions administratives, qui auront des traductions normatives, sur lesquelles nous souhaitons la plus vive concertation. Grâce à l'action du Président Doligé, une commission a été mise en place au sein des services concernés ; ses réunions régulières permettent de passer en revue les projets de textes et, surtout, d'établir une fiche d'impact budgétaire – ce qui est une novation totale, puisque, auparavant, nous nous bornions à envoyer des réglementations, à charge pour les présidents des conseils d'administration des SDIS (CASDIS) d'en calculer le coût.
Ce dispositif fonctionne déjà, puisqu'un certain nombre de textes sont en discussion avec l'ADF. Ils seront ensuite réintroduits dans le circuit institutionnel, pour être soumis à la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) et à la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). Ce travail préalable de concertation, qui reste dans le cadre fixé par les textes, a permis de reconnaître l'autorité des élus dans ce domaine complexe et d'atteindre la vérité des prix, en évitant tout effet de surprise lors de l'élaboration des budgets locaux. Désormais, nos textes sont examinés par la CCEN : devoir justifier une décision sur le plan budgétaire est pour nous un exercice inédit, mais nécessaire. Il nous appartient de le réaliser en totales transparence et objectivité. Je suis convaincu que cette action portera ses fruits et je souhaite que ce nouveau système relationnel se développe.
Nous avons à faire à un système complexe, qui ne donne pas de solutions réellement satisfaisantes et que nous essayons de faire évoluer.
Je rappelle que la CNSIS a été créée lorsque l'actuel Président de la République était ministre de l'Intérieur. Nous désirions éviter que les textes ne soient arrêtés sans que les élus en aient été préalablement informés et que les collectivités territoriales soient cantonnées au rôle de payeurs. Initialement, nous voulions un lieu qui permette aux collectivités de peser de toutes leurs capacités politiques et financières pour négocier pied à pied avec l'État et préciser les incidences des textes. La décision d'y intégrer des représentants des différentes administrations et les sapeurs-pompiers a constitué une dérive, qui a vidé le dispositif d'une partie de son sens puisqu'il n'offre plus la possibilité de négocier d'égal à égal, sans interférence. La CNSIS est une structure complexe, ce qui explique les difficultés et les insatisfactions actuelles : c'est un lieu d'échange et de concertation, où les parties discutent de manière tantôt multilatérale, tantôt bilatérale. Nous commençons à fonctionner de manière un peu plus transparente que par le passé, mais ce n'est pas encore idéal : il faut faire avec.
Faut-il tendre vers un seul pilote dans le département et l'application du principe « qui paye commande » ? Personnellement, j'en suis persuadé, mais la difficulté est d'y arriver. Comment faire en sorte que les payeurs, c'est-à-dire les collectivités territoriales, et plus particulièrement les départements, aient l'entier pouvoir de décision sur les questions de sécurité civile, qui ont aussi une portée nationale ? Il existe probablement des solutions, mais le système actuel comporte trois partenaires et il ne faut pas négliger le poids des sapeurs-pompiers, qui tirent profit de leur popularité pour éviter la mise en place à l'échelon local d'une relation de « patron » à « employés ». Les cadres des sapeurs-pompiers continuent ainsi à se prévaloir de leur double tutelle, car il est plus facile de jouer tantôt sur l'une, tantôt sur l'autre que d'être dans un rapport de hiérarchie directe. Ce phénomène explique probablement certaines dérives financières.
Par ailleurs, le système actuel est le fruit de l'histoire. La départementalisation consista dans le regroupement des moyens communaux, ce qui comportait des avantages, mais aussi des coûts. J'espère que la forte progression de ceux-ci s'achève, mais les décisions prises en matière de normes techniques et de personnel résultent de négociations conduites par l'État plutôt que par les conseils généraux : bien souvent, nous n'avons qu'à appliquer les décisions. En matière de sécurité civile, le préfet joue un rôle important au niveau local – du moins sur le papier, car, dans la réalité, le maire et le préfet se déplacent rarement pour une intervention. En général, ce sont les sapeurs-pompiers eux-mêmes qui assument la responsabilité sur le terrain ; en cas de problème, ils diront qu'ils n'ont pas pu intervenir dans de bonnes conditions faute de moyens, et ce seront les élus, qui ne disposent pas de la responsabilité opérationnelle, qui devront en supporter les conséquences.
Comme l'a rappelé Éric Doligé, la CNSIS a été créée par la loi du 13 août 2004. L'Assemblée nationale avait souhaité que les sapeurs-pompiers y soient représentés, le Sénat les en avait écartés, mais nous étions revenus à la rédaction initiale. Ayant siégé à cette conférence à ses débuts, j'avais été déçu par les premières réunions. Est-elle désormais utile et efficace ?
Par ailleurs, que pensez-vous de la possibilité, évoquée par mon collègue Georges Ginesta, d'une intégration des SDIS dans les conseils généraux ?
S'agissant de la CNSIS, nous avons pris nos marques. Son utilité est d'être un lieu d'information et de débat. Quant à savoir si elle est efficace, c'est autre chose ! Disons que cela oblige les représentants des conseils d'administration des SDIS à se rencontrer et à échanger, et que cela donne une idée de l'état d'esprit des syndicats de sapeurs-pompiers et de leurs éventuelles divergences avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). On peut ainsi évaluer l'importance des textes qui nous sont soumis. Nous rendons des avis, qui ne sont pas impératifs, mais qui sont l'occasion de transmettre certains messages. Si la CNSIS n'existait pas, nous ignorerions beaucoup de choses ; son utilité s'affirme progressivement, mais force est de reconnaître qu'elle n'est pas immense.
S'agissant de ce que les pompiers appellent, péjorativement, la « conseil généralisation » des SDIS, je précise que si les présidents des conseils généraux président, en théorie, les CASDIS, en réalité, seuls un tiers d'entre eux assument réellement cette fonction, les autres la déléguant, en général à un vice-président. Dans la résolution finale de son séminaire du 17 décembre dernier, l'Assemblée des départements de France (ADF) affirmait que la grande majorité des présidents des conseils généraux souhaitaient que l'État reprenne l'autorité sur les sapeurs-pompiers. De manière à connaître leur position individuelle, j'ai écrit à chacun d'entre eux pour leur demander quelle était leur préférence entre le retour des SDIS à l'État, leur intégration au conseil général ou le statu quo. Sur douze réponses, six étaient favorables à l'étatisation et six partagées entre les deux autres solutions. Il n'y a donc pas de position commune.
Pour ma part, je pense que l'État ne reprendra jamais sous son contrôle les sapeurs-pompiers, qu'ils soient professionnels ou volontaires ; en revanche, une collaboration plus étroite avec les départements paraît nécessaire, afin d'aboutir à une véritable synergie. Nous avançons dans cette voie, bien qu'il faille surmonter certains blocages psychologiques.
Je rejoins tout à fait ce qui vient d'être dit.
La CNSIS – dont je précise que l'État a toujours respecté les avis depuis sa création – devient une structure intéressante parce qu'elle permet d'étudier le positionnement de chacun. On observe ainsi un décalage croissant entre les syndicats de sapeurs-pompiers professionnels et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les premiers développant des actions proches de celles du reste de la fonction publique territoriale, comme la FS3, à l'égard desquelles la Fédération émet des réserves. Il est toujours intéressant de pouvoir prendre la mesure des contradictions internes.
Je pense que la CNSIS va être confortée dans sa mission, dans la mesure où nous allons renforcer la collaboration entre nos services, son bureau et l'ADF. Auparavant, je le répète, un tel travail de préparation technique n'existait pas. Dès lors que le mouvement sera lancé, la CNSIS prendra toute son importance, qui passe aussi par sa capacité – qui a déjà été démontrée – à améliorer la rédaction d'un texte.
Il convient cependant de mettre en perspective la CNSIS avec la CCEN, car leurs prises de positions pourront être contradictoires. Nous devons être attentifs à fournir toutes les explications souhaitées par les élus, et les aspects budgétaires sont à cet égard essentiels.
Quant aux modes de gouvernance et à la nécessité de reconnaître dans toute sa plénitude l'autorité du président du conseil général, qu'il s'agisse de la gestion ou des aspects opérationnels, vous comprendrez qu'il est difficile pour le fonctionnaire que je suis de s'exprimer sur ces questions. Néanmoins, certains points de convergence peuvent se faire jour.
Tout d'abord, le mode de nomination des directeurs départementaux pose problème, mais le fait de pouvoir en discuter tous ensemble va nous permettre de rechercher une proposition consensuelle.
Actuellement, à partir du grade de capitaine, l'avancement est automatique. Il paraît nécessaire d'instituer un parcours de formation professionnelle qualifiant, avec une obligation de mobilité et des procédures de validation des acquis professionnels avant tout accès à un niveau de responsabilité supérieur, de manière à mieux structurer les carrières des officiers supérieurs.
Quant au choix du directeur départemental lui-même, l'État est maintenant prêt à reconnaître au président du conseil général le pouvoir de décision, après avis du préfet. Ce n'est plus un point de blocage ; au contraire, cela permettrait de resserrer les liens entre l'État et les présidents de conseils généraux ou présidents de CASDIS, dans la mesure où les directeurs départementaux n'auront plus la possibilité de jouer sur deux tableaux.
Ensuite, il existe des solutions intermédiaires entre l'étatisation des SDIS et leur intégration aux conseils généraux. On peut ainsi envisager la création d'un corps de sapeurs-pompiers d'État, qui intégrerait la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, le bataillon des marins-pompiers de Marseille et les officiers supérieurs de sapeurs-pompiers, avec un centre de gestion, l'objectif étant que le président d'un CASDIS ait à tout moment la possibilité de demander la remise à disposition du directeur du SDIS auprès de ce centre.
C'est sur de tels mécanismes d'harmonisation que nous devons faire porter la réflexion collective. Souvent, des problèmes dans les départements provoquent des irritations inutiles. Au-delà du débat que vous évoquez, sur lequel il ne m'appartient pas de me prononcer, un grand pas en avant aura été accompli lorsque les choses auront été clairement écrites et que nous aurons procédé à ces ajustements de détail.
De grands chantiers sont en cours, sur la filière sapeurs-pompiers, suivie par la formation spécialisée n° 3 du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ou sur les compétences du préfet de zone, dont le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale fait la pierre angulaire du dispositif de gestion de crise. La sécurité civile, à travers les sapeurs-pompiers, trouve ainsi toute sa place dans le projet de décret en préparation, qui vise notamment à intégrer la gendarmerie. Le renforcement de l'autorité du président du CASDIS sur le directeur départemental et la reconnaissance du monde des sapeurs-pompiers comme une structure qui, sous l'autorité du préfet de zone, intervient en matière de gestion de crise au même titre que la police, la gendarmerie ou, le cas échéant, les forces armées, constituent deux pistes de réflexion très importantes pour nous.
Monsieur le directeur de la Sécurité civile, quel dommage que vous ne soyez pas ministre ! Je suis tout à fait d'accord avec vos réflexions et suggestions.
Si nous sommes réunis en mission d'évaluation et de contrôle, c'est pour examiner l'évolution inquiétante des dépenses des SDIS et chercher les moyens d'y remédier. À l'origine de ces dépenses, il y a une confusion des genres, une complémentarité mal maîtrisée entre, d'un côté, l'État et son pouvoir régalien et, de l'autre, les communautés territoriales, notamment les départements, chargés d'accorder aux SDIS les crédits attribués dans le cadre du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (le SDACR). Or celui-ci est arrêté par le préfet – certes après avis conforme du CASDIS. Qui paye commande, nous sommes tous d'accord, mais comment y arriver ?
D'aucuns, tel M. Doligé, préconisent l'étatisation, mais, quel que soit le Gouvernement, on n'y arrivera pas. Il convient de privilégier d'une autre approche.
L'un des problèmes qui se posent, c'est la nomination des directeurs départementaux. Lors de précédents débats législatifs, j'avais préconisé – en vain, hélas ! – la création, pour ces postes, d'un emploi fonctionnel. En effet, le système actuel comporte, outre les collectivités territoriales, l'État et les sapeurs-pompiers, une quatrième composante : les colonels, notamment par la voix de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui est leur affaire et joue un rôle parfois ambigu ; si l'on a parlé de la « conseil généralisation » comme d'une maladie honteuse, cela vient d'elle.
Je vous poserai donc, messieurs, deux questions. La première : comment parvenir à une meilleure maîtrise budgétaire ? La seconde : peut-on envisager de donner une responsabilité opérationnelle au président du conseil général, qui a compétence pour prendre les arrêtés de police sur les routes départementales, mais à qui l'on refuse toute capacité opérationnelle en matière de sécurité civile ? C'est désobligeant !
Entre 1996 et 2006, les dépenses des SDIS ont été multipliées par trois. Durant les cinq dernières années, elles ont continué à augmenter très rapidement. On commence tout juste à mieux les maîtriser.
Des explications ont été avancées, mais elles ne sont pas satisfaisantes. Justifier l'augmentation de 2 000 à 10 000 du nombre de personnels administratifs, techniques et spécialisés (PATS) par le fait que les communes ne mettent plus de personnel à disposition des SDIS, c'est un peu facile ! On en revient toujours au poids extrêmement important de la Fédération, qui joue en permanence sur la double tutelle. Un emploi fonctionnel constituerait une amélioration sensible ; malheureusement, dès que l'on est sur le point d'y parvenir, la Fédération formule de nouvelles demandes : il faudrait garantir la voiture, le logement de fonction, les primes et tout le reste. Arrive un moment où l'on ne peut plus suivre !
S'agissant de la responsabilité opérationnelle, les départements ont pris des responsabilités importantes, par exemple en matière sociale ou routière, mais l'État a toujours conservé des services en doublon ou en surveillance. En matière de sécurité civile, ce serait encore plus compliqué. Si nous arrivions à négocier directement avec l'État, sans la présence des sapeurs-pompiers, il devrait être possible de faire en sorte que les présidents de CASDIS ou de conseils généraux assument une partie de la responsabilité opérationnelle. Ils en sont autant capables que les fonctionnaires de l'État – d'autant que, bien souvent, celui-ci envoie un stagiaire de l'ENA de passage, quand nous, les élus, travaillons pour notre part avec les SDIS depuis dix ou vingt ans.
Il ne s'agit pas de revendiquer le pouvoir pour le pouvoir, mais dès lors que nous payons et que la plupart des dérives financières sont liées à une absence de clarification et de responsabilisation, les problèmes ne pourront être résolus que lorsque nous serons les vrais patrons du système.
S'agissant de la nécessité de donner davantage de stabilité aux SDIS, je précise que nous transmettrons très prochainement au Président Doligé des propositions allant dans le sens de l'emploi fonctionnel et de la mise en place de nouveaux mécanismes pour le choix des hommes.
S'agissant des dépenses, il est évident que leur augmentation résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Il existe ainsi dans notre pays quatre-vingt-cinq écoles de formation de sapeurs-pompiers ! Certaines, comme l'école des marins-pompiers de la Marine, bénéficient d'un budget de 45 millions d'euros ; peut-être faudrait-il instaurer des synergies et des systèmes de mutualisation, qui étaient en prémisse dans la loi, mais n'ont jamais trouvé de concrétisation. Ce sera précisément l'une des missions du préfet de zone, notamment par l'intermédiaire de la conférence des présidents de CASDIS relevant de sa zone, que nous souhaitons instituer. Cette action portera à la fois sur l'acquisition de matériel et sur la formation des sapeurs-pompiers, qui coûte très cher : il n'est peut-être pas nécessaire, en termes budgétaires comme d'efficacité opérationnelle, de prendre quatre-vingts heures pour former un volontaire, alors qu'après quarante heures on peut déjà être efficace sur le terrain.
Je suis très attentif aux aspects budgétaires. Nous devons discuter afin de trouver des gisements d'économies. S'agissant de la normalisation des véhicules et engins d'incendie, notamment, certaines directives européennes sont délirantes ; nous devons être attentifs au fait que toute norme engendre des surcoûts. Il n'est plus acceptable de se laisser imposer des décisions prises ailleurs !
Au-delà du SDACR, qui détermine, à partir des bassins de risque, les implantations des centres de secours et dont l'élaboration concerne le préfet et le président du conseil général, on doit donc pouvoir progresser sur tout ce qui concerne la normalisation, la formation et les structures immobilières, qui coûtent très cher.
Par ailleurs, je déplore, comme vous, que le corps préfectoral soit si peu présent lors des conseils d'administration. Sachez que mon ministre est très attentif à cette question et qu'une instruction sera prochainement donnée aux préfets pour qu'ils assistent en personne aux conseils d'administration particulièrement importants, sans se faire représenter par le stagiaire de l'ENA ou le directeur de cabinet. Au-delà de l'implication exigible du corps préfectoral en la matière, il s'agit d'une marque de respect élémentaire. Dans ce domaine également, une clarification est nécessaire : chacun doit rester dans son domaine, ce qui n'empêche pas la mise en place de mécanismes de coopération et de solidarité.
Déterminer la responsabilité opérationnelle relève en partie d'un problème culturel, lié à la place et au rôle traditionnellement assignés à l'État. Il m'est bien évidemment impossible de me prononcer sur ce point. Toutefois, je note qu'en matière préventive, les SDIS travaillent quasiment à 30 % pour l'État : il conviendrait là aussi de trouver un mécanisme de normalisation permettant de reconnaître la responsabilité pleine et entière du Président du conseil général en ce domaine. Cela pourrait être la première amorce d'un débat sur la responsabilité opérationnelle directe.
Cette mission d'évaluation et de contrôle s'inscrit dans l'esprit de la LOLF : il s'agit d'obtenir le même service en dépensant moins.
L'accroissement de la dépense est principalement dû à l'augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers et non à celle du nombre d'interventions, qui, depuis dix ans, est resté à peu près stable, autour de 4 millions par an. De surcroît, les interventions les plus « consommatrices » d'heures de travail, c'est-à-dire la lutte contre les incendies, ont diminué, pour ne plus représenter que 8 % du total. Or, dans le même temps, les effectifs des sapeurs-pompiers professionnels passaient de 28 000 à 38 000 personnes. Pourquoi ? Parce que le temps de travail a diminué, et que l'on est passé de 140 gardes de vingt-quatre heures par an à 90. Or cette décision n'a pas été prise par les conseils généraux, mais par le Gouvernement, avec un décret du 31 décembre 2001. Bien évidemment, les syndicats de sapeurs-pompiers ont exigé que l'on aille vers ce minimum ! Et malgré ces 278 jours de liberté accordés à des professionnels qui, rappelons-le, relèvent du statut de la fonction publique territoriale, les sapeurs-pompiers n'exercent leur métier que 145 fois par an en moyenne, soit une intervention et demie par jour de garde. Sachant qu'il s'agit essentiellement d'interventions sanitaires d'une heure ou deux, on peut s'interroger sur la qualité du travail effectué dans une profession où l'on travaille aussi peu, et où l'essentiel des heures travaillées consiste à entretenir le matériel, à s'entraîner ou à faire du sport. Il faut quand même savoir que chez les sapeurs-pompiers, la moitié des accidents sont liés à la pratique d'un sport, et non à l'exercice de la profession !
Si l'on veut, comme le souhaite la commission des Finances, réaliser des économies, peut-être faudrait-il revenir sur ce système de gardes de vingt-quatre heures – sachant que, de surcroît, il n'y a pratiquement pas d'interventions entre 23 heures et 7 heures, mais que l'effectif reste le même. N'est-ce pas à l'État d'imposer le temps de travail ? Auparavant, les vingt-quatre heures de garde étaient réparties en huit heures rémunérées à taux plein et seize heures à un taux inférieur. Il faudrait jouer sur le taux d'équivalence, ou interdire les gardes de vingt-quatre heures, mais cela, seul l'État peut le faire. Or, bien évidemment, les sapeurs-pompiers ne veulent pas revenir à des gardes de huit ou douze heures, même payées à 100 %.
Savez-vous pourquoi les casernes coûtent si cher ? Parce qu'on y construit des chambres. Une chambre ne devrait pas être un lieu de travail ! Avec des gardes de huit heures, elles deviendraient inutiles. Des mesures simples pourraient ainsi produire des économies importantes.
De même, seul l'État peut imposer la mutualisation des achats : quand les conseils généraux ont voulu le faire, c'est resté sans effet. J'ai été stupéfait d'entendre, lors d'une précédente audition, un directeur de SDIS justifier les achats personnalisés des conseils généraux par le fait qu'il fallait des véhicules tunneliers près du Mont-Blanc. Il n'y a pas des tunnels partout en France ! On pourrait au moins standardiser les véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV), dont le prix varie, d'un département à l'autre, de 55 000 à 95 000 euros. Cela fait beaucoup d'écart !
Mon collègue Ginesta vient de le rappeler : la hausse du nombre d'interventions est très faible, et ce malgré une dérive qui fait faire appel aux sapeurs-pompiers pour des missions qui ne sont pas les leurs. Dans la Marne, j'ai ainsi fait diminuer de 7 % le nombre des interventions, simplement en supprimant celles concernant les ascenseurs, les abeilles et les chiens, sauf péril. Il conviendrait donc d'abord de recentrer les interventions sur les véritables missions des SDIS.
Concernant le personnel, vous n'avez eu de cesse d'encourager la diminution du temps de travail, sans jamais vous interroger sur sa réalité de celui-ci. J'ai examiné sur une année complète les fiches individuelles des sapeurs-pompiers de Reims, qui est le corps le plus important de la Marne, afin de calculer le nombre d'heures d'interventions. Le résultat est stupéfiant : deux heures dix-sept de travail effectif par garde de vingt-quatre heures pour un homme du rang, environ une heure cinquante pour un sous-officier et une heure dix pour un officier. Certes, il faut y ajouter l'entraînement et l'entretien du matériel et de la caserne, mais tout de même ! Il faut mettre fin à ce système où quand est au lit, cela équivaut à une heure de travail rémunérée à taux plein ! Partout où l'on travaille en continu, on négocie des taux d'équivalence à 0,2 ou 0,3 ; or, sous la pression des syndicats, vous n'avez cessé de prendre des mesures qui ont abouti à l'effondrement de la durée du travail – provoquant, au passage, une rupture d'égalité avec les salariés du privé qui, par leurs impôts, financent les SDIS.
Par ailleurs, vous avez augmenté continûment les prestations sociales, y compris en matière de retraite. Au moment même où avait lieu un grand débat national visant à éviter la dérive des dépenses, vous n'avez cessé d'intégrer dans les assiettes de cotisations sociales des éléments de rémunération qui n'y étaient pas, rompant ainsi également l'égalité au sein de la fonction publique territoriale.
Pour couronner le tout, vous fixez vous-mêmes les réévaluations salariales et vous attribuez sans arrêt des enveloppes indemnitaires supplémentaires. Et l'on s'étonne de l'explosion des dépenses des SDIS ! En réalité, le budget des SDIS, c'est pour 70 % des charges de personnel, directes et indirectes.
Dans la Marne, je n'ai créé quasiment aucun emploi depuis six ou sept ans. Dans sa catégorie, la troisième, mon SDIS est le moins coûteux de France, avec des dépenses inférieures de 20 à 25 % aux autres. Or, jusqu'à preuve du contraire, les gens sont secourus dans la Marne !
C'est le système en soi qui pose problème, avec cette direction de la Sécurité civile qui « pond » ses textes – certes, en association avec la CNSIS, mais celle-ci n'a rien à voir avec ce qui avait été négocié à l'origine avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, à savoir une commission réunissant un échantillon d'une dizaine de présidents de CASDIS et les représentants de l'État, afin de discuter des textes hors la présence du personnel. La CNSIS est devenue une sorte de commission administrative paritaire et le système a explosé.
On peut continuer longtemps comme ça ! La variable centrale, c'est le personnel. Il faut revenir à une durée de travail et des équivalences raisonnables, et arrêter de prendre des mesures catégorielles en augmentant sans cesse les indemnités. Il existe huit échelons d'indemnités ; bien entendu, tous les sapeurs-pompiers réclament le huitième. Certains départements ayant fini par accorder 7 ou 7,5, les sapeurs-pompiers de la Marne me réclament l'équivalent. Il s'agit de bombes budgétaires !
Monsieur de Courson, nous sommes tous d'accord sur le fond, mais ayons l'honnêteté de penser que les politiques – ou du moins certains d'entre eux – ont trouvé leur intérêt à la mise en place de ce système de cogestion entre les plus hauts sommets de l'État et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Lorsque nous avons auditionné les deux présidents de CASDIS, l'un d'entre eux a rappelé que, pendant plusieurs années, le ministre de l'intérieur – devenu aujourd'hui Président de la République – et la Fédération avaient cherché à cogérer les sapeurs-pompiers. N'accablons pas les préfets ! Lors de la précédente réunion, il y avait d'ailleurs eu consensus sur ce point.
Pour confirmer ce que vous venez de dire, monsieur le Président, c'est bien une décision gouvernementale, donc politique, du 31 décembre 2001, qui a fait baisser à 90 par an le nombre de gardes de vingt-quatre heures.
En effet, cette décision a été prise par un gouvernement composé de personnes qui nous sont chères, à M. Derosier et à moi-même…
…et cela en période de cohabitation, ce qui confirme que les politiques y trouvaient leur compte.
Nous avons tous une responsabilité dans cette affaire, et la CSNIS n'a pas toujours été à la hauteur de ses missions. La mise en place de la CNSIS nous a permis de ne pas nous retrouver seuls face au Gouvernement, mais les problèmes dureront tant que l'organe de décision ne sera pas clairement identifié. Il est vrai que lorsque nous les interrogeons, les cent deux présidents de SDIS nous affirment que le leur est le mieux géré du pays !
La situation doit être considérablement améliorée.
Nous savons tous d'où viennent les dérives : les frais de personnel représentent 70 % du budget des SDIS. Certes, les départements prennent désormais en charge les frais afférents aux bâtiments et au suivi opérationnel, mais le coût des personnels a considérablement augmenté, du fait des 35 heures et des 90 jours de garde… Cette dernière mesure, accordée sous la forte pression des syndicats, a réduit le nombre de sorties des sapeurs-pompiers. Ceux-ci, pour pallier leur manque d'entraînement, demandent que des périodes de formation leur soient concédées. C'est le monde à l'envers !
En effet ! Les pompiers se plaignent du fonctionnement du SAMU, mais le secours à personne représente 64 % de leurs sorties, et ils souhaitent les conserver ! Leurs sorties étant concentrées sur 90 périodes de 24 heures par an, par ailleurs les pompiers de certains centres ne sortent quasiment plus. Ce problème doit être réglé dans les meilleurs délais, mais il ne pourra l'être que lorsque nous saurons à qui appartient la décision et que nous aurons réussi à faire cesser les innombrables pressions qui pèsent aujourd'hui sur les élus.
Cessons de nous en prendre à l'État, car c'est nous, parlementaires, qui avons voté certains textes, parfois dans des conditions douloureuses – et, il faut le dire, sous la pression des sapeurs-pompiers, qui n'hésitent pas à intimider les élus sur le terrain. En effet, avant chaque élection importante, ils montrent leur pouvoir et utilisent leur ascendant psychologique pour exiger du Gouvernement qu'il leur apporte de nouveaux avantages en matière de conditions de travail, dont le coût pour les collectivités est considérable !
Faire cesser de telles dérives exige des efforts considérables. Sur le plan national, les progrès sont peu significatifs. Tous les élus ont tenté de « resserrer la vis » principalement en facturant certaines prestations, mais ce n'est pas suffisant. Les marges de progression sont certes importantes, mais il est indispensable d'appliquer le référentiel commun d'organisation du secours à la personne à toutes les sorties faisant intervenir le SAMU. La situation actuelle ne peut pas durer.
Les responsables de certains SDIS nous ont appris qu'ils ne recevaient pas de compensation financière, en dépit de la mise en place du référentiel et de la signature de conventions. La dérive se poursuit, puisque les agences régionales de l'hospitalisation (les ARH) refusent d'inscrire ces sorties dans les budgets des centres hospitaliers. Cela coûte très cher aux SDIS, mais nos partenaires – les ministères de la Santé et du Budget – bloquent le système, et les SDIS continuent de payer à la place de la sécurité sociale, ce qui permet de préserver l'image très positive dont bénéficient les pompiers qui ainsi sont toujours très présents sur le terrain en substitution d'autres acteurs.
Je partage le constat qui vient d'être fait, car les faits et les chiffres sont incontestables.
En matière de temps de travail, la direction de la Sécurité civile refuse d'ouvrir à nouveau la boîte de Pandore, en dépit des pressions exercées par les six syndicats.
Deux points importants doivent être étudiés, et j'observe que de nombreux présidents de services départementaux et de conseils d'administration y sont prêts. Il faut tout d'abord accroître le nombre de jours de garde par an. Je note que plusieurs départements de la grande couronne les ont portés de 89 à 98. La sacro-sainte limite des 90 jours se lézarde, et c'est un point positif.
Certains départements ont mis en place un mécanisme de compensation tendant à améliorer les conditions de logement des sapeur-pompiers, ceux-ci acceptant en échange d'effectuer dix ou quinze jours de garde supplémentaires.
Je salue ce remarquable effort ! La mise en place des DSPP – dossiers de synthèse des pratiques professionnelles – a amené les pompiers à effectuer 125 jours de garde par an, auxquels s'ajoutent 25 jours de présence à la caserne. Certes, il subsiste des écarts importants, et en deçà d'un nombre minimum de jours de garde, la machine ne peut pas fonctionner. Les directeurs départementaux et les présidents de conseil d'administration ont conscience de ces écarts et il semble qu'un changement s'opère. Je le soutiendrai. Le Président de la Fédération lui-même s'est montré très réceptif, conscient que, dans le département de la Seine-et-Marne comme partout ailleurs, la situation ne peut pas durer.
S'agissant des régimes indemnitaires, c'est l'article 117 de la loi de 2004 qui a ouvert la voie à la plus grande permissivité, en présentant le sapeur-pompier comme un héros des temps modernes dont on peut tout accepter. Avec une indemnité d'administration et de technicité (l'IAT) évoluant au gré de huit échelons, on aboutit nécessairement à une pratique incontrôlable, d'autant que nous sommes face à des syndicats qui ont très facilement recours à la violence pour exprimer leurs revendications. Je suis d'accord avec M. Doligé, nous ne pouvons plus nous laisser entraîner dans cette voie, et je souhaite que l'État et les élus réexaminent ensemble la question du temps de travail des sapeurs-pompiers. Certains départements ont commencé à le faire, et ils ont obtenu des résultats encourageants.
Je prépare actuellement une circulaire destinée à éviter que certains départements se classent au niveau 8, alors même que les documents dont nous disposons permettent de mesurer leur activité opérationnelle. Nous devons, ensemble, faire cesser cette situation.
L'article 117, messieurs les députés, soulève une question éminemment politique. Le dialogue avec la Fédération souffre de subtilités administratives, mais il est toujours possible. Ce n'est pas le cas avec certains syndicats, c'est pourquoi nous devons améliorer notre dispositif juridique. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons empêcher un certain nombre de dérives, qui risquent d'entraîner la mort des SDIS.
Il semble échapper aux observateurs que les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux. Pourquoi, dans ce cas, ne pas les traiter comme tels, au même titre que les travailleurs sociaux ou les agents des routes départementales ?
Votre réflexion est intéressante, car elle n'a été que très rarement rappelée au cours de nos auditions. Pourtant, nombreux sont les responsables de SDIS qui partagent votre étonnement.
D'autant que les revenus des sapeurs-pompiers sont 30 % supérieurs à ceux des employés municipaux !
Concrètement, comment parvenir à un temps de travail effectif d'une durée raisonnable ? Le drame de votre fameux décret, c'est qu'il instaure un système de gardes de vingt-quatre heures. Or, la durée de travail maximum d'un sapeur-pompier ne dépasse pas deux heures dix-sept par jour ! Il faut négocier des heures d'équivalence. Dans mon département, nous avons, après négociations, obtenu que le principe d'équivalence se situe à 0,3, mais d'autres ont réussi à obtenir 0,5.
Je pense pour ma part qu'il faut permettre aux sapeurs-pompiers professionnels de signer un contrat de sapeur-pompier volontaire et de cumuler ainsi les temps de garde qu'ils effectuent. Dans mon département, j'ai fait preuve de fermeté à l'égard des sapeurs-pompiers : j'ai refusé d'augmenter leurs effectifs, en proposant à ceux qui veulent travailler de signer des contrats de sapeur-pompier volontaire, qui leur assurent un revenu exonéré d'impôts et de cotisations sociales. La moitié des sapeurs-pompiers professionnels, dont des militants CGT, ont signé ce contrat et parmi les effectifs qui suivent une formation, nombreux sont des sapeurs-pompiers professionnels devenus volontaires. Je vous en prie, messieurs, laissez-leur la possibilité de cumuler ! Si les sapeurs-pompiers veulent gagner plus, qu'ils travaillent plus !
La vacation coûte donc moins cher que de maintenir des pompiers professionnels ?
Naturellement ! Je vous en prie aidez-nous à faire évoluer les choses dans ce sens ! Si nous voulons augmenter la durée de travail effective des sapeurs-pompiers, pourquoi ne pas modifier le décret ?
La durée quotidienne de deux heures dix-sept correspond à un sapeur-pompier non logé, sur cent jours par an – mais ce chiffre est théorique, car en réalité, la durée opérationnelle de travail est plutôt de quatre-vingt quinze jours par an, compte tenu des absences et des périodes de formation.
Le constat que nous faisons ensemble me semble très objectif. La situation que vous décrivez est réelle et nous devons la prendre à bras-le-corps. Mme la ministre de l'Intérieur m'a confié une mission en ce sens et je suis déterminé à faire évoluer les choses. Ces questions taboues n'avaient jamais fait l'objet de discussions entre les directeurs de SDIS, la Fédération et les présidents des conseils d'administration. C'est chose faite. Nous sommes convaincus de la nécessité de faire évoluer les choses, car si nous les laissons en l'état, la machine cessera de fonctionner.
Les aberrations sont telles qu'elles ne pourront que nous aider à faire passer le message. Les syndicats sont encore réticents, mais le corps social finira par comprendre le déphasage qui caractérise le métier de sapeur-pompier.
N'oublions pas que nous devrons nous adapter aux règles européennes. Or, le régime de l'équivalence totale risque de faire chuter le nombre des gardes de vingt-quatre heures. L'économie consisterait alors à opter pour un régime de gardes de huit heures, plus favorable en termes d'organisation des locaux.
Je vous rappelle les motifs de la plainte déposée par un sapeur-pompier de Brest devant le tribunal administratif de Rennes ; nous attendons avec impatience le jugement de la Cour administrative d'appel de Nantes. Quoi qu'il en soit, même si le système n'est pas satisfaisant, sa disparition ouvrirait la porte à la plus grande démagogie…
Les sapeurs-pompiers professionnels ont effectivement la possibilité de signer des contrats de sapeur-pompier volontaire. Ces contrats comportent de nombreux avantages, notamment dans les centres de petite taille, mais certains points doivent être clarifiés. Savez-vous, par exemple, que les sapeurs-pompiers peuvent être volontaires dans trois centres différents ou assurer des heures de formation sur leur temps de travail ? Lorsque ces points seront clarifiés, nous serons dans une meilleure position face aux partenaires sociaux pour augmenter la durée du travail.
La question des gardes de vingt-quatre heures est complexe et elles ne sont pas appliquées dans tous les centres. Dans mon département, par exemple, les responsables du SDIS les jugent intéressantes et il est juste de rappeler que les sapeurs-pompiers les préfèrent aux gardes de huit ou douze heures. Je constate qu'elles permettent à chacun de disposer de sa propre chambre, même si elle n'est occupée que deux nuits par semaine.
La pénurie d'officiers, particulièrement aiguë dans le Nord et l'Est de notre pays, pose de graves problèmes car de nombreux SDIS, pour les attirer, leur concèdent de nombreux avantages. Comment éviter une telle surenchère, dès lors que la production nationale de jeunes officiers est insuffisante ?
Nous devons tout d'abord favoriser la mobilité, en particulier pour les emplois supérieurs. Cela dit, prenons un officier basé dans le Sud, en première catégorie : pourquoi souhaiterait-il être muté dans le Nord ? En tout état de cause, nous n'acceptons plus que des directeurs de SDIS restent dans le même département pendant dix ou quinze ans, comme ils le faisaient auparavant.
Votre question, monsieur de Courson, doit tenir compte de la montée en puissance de l'ENSOSP – École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Jusqu'à présent, les officiers supérieurs appelés à diriger les SDIS appartenaient à la génération des hommes formés au BMPM – Bataillon de marins-pompiers de Marseille ou à la BSPP – Brigade de sapeurs-pompiers de Paris –. Ces hommes ont participé à la mise en oeuvre de la départementalisation. Aujourd'hui, les jeunes diplômés – cinq ans d'études après le baccalauréat – qui se présentent au concours externe de lieutenant de l'ENSOSP occuperont une place intermédiaire dans la hiérarchie.
Grâce à la mise en place de l'école nationale supérieure, nous serons en mesure de développer une gestion prévisionnelle des effectifs qui, tout en laissant à l'État la maîtrise de la formation, nous permettra de mieux répartir les officiers sur l'ensemble du territoire.
Il me semble, monsieur le préfet, que le référentiel sur lequel s'appuient les SDIS est déjà très élevé. Pourtant, vous nous indiquez qu'ils ne sont contraints par aucune norme.
Les quotas opérationnels fixent les effectifs par catégorie. Le problème que vous évoquez, monsieur le Président, met en cause les fameux guides de références qui constituent pour nous un véritable handicap. En effet, pour appréhender une situation, il faut tenir compte de la catégorie du SDIS, donc des éléments objectifs du risque tels qu'ils sont définis par le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques, et préciser ce que serait le modèle idéal pour chaque département. Nous souhaitons confier cette mission au préfet de zone, dans le cadre de ses nouvelles responsabilités, en liaison avec les présidents des CASDIS zonaux. Cette décentralisation éviterait les drames comme celui qui a entraîné la mort de spéléologues dans le département de l'Ain, qui a montré que tout ne pouvait être décidé à Paris. Apportons de la souplesse au dispositif et laissons chaque SDIS prendre en compte la réalité du terrain, sous l'autorité partagée des préfets de zone et des présidents des CASDIS.
Pouvez-vous, monsieur le directeur de la Sécurité civile, nous parler de la répartition des missions entre les « rouges » et les « blancs », c'est-à-dire entre les SDIS et les SAMU ? Selon les termes du code général des collectivités territoriales, les SDIS interviennent « lorsque la situation revêt un caractère d'urgence », mais on n'en trouve nulle part la définition. Quelle est la vôtre ?
Le mécanisme de régulation confie à trois autorités le soin d'intervenir : le 15, le 17 ou le 18. Si cette situation n'est pas éclaircie, c'est qu'elle couvre un ensemble de situations et permet d'éviter certains rebondissements en matière pénale.
La répartition que vous évoquez s'appuie sur le référentiel que nous avons élaboré avec la direction de l'Hospitalisation et de l'organisation des soins, qui fera l'objet d'un arrêté ministériel, si notre projet reçoit un avis favorable de la Commission consultative d'évaluation des normes. Comme l'a indiqué M. Doligé, les sapeurs-pompiers ne sont pas payés pour le travail qu'ils accomplissent, car les Agences régionales de l'hospitalisation – futures Agences régionales de soins – ne leur remboursent pas certaines interventions. Cette situation ne peut pas durer, car elle prive les budgets des SDIS de plusieurs centaines de milliers d'euros.
J'en viens à la notion d'urgence. En matière de secours en montagne, nous avons reçu de nouvelles missions, comme en matière de secours en mer, notamment du fait du désengagement de la marine nationale. Les prestations doivent être clairement identifiées, qu'elles soient payantes ou non. Pour ma part, je préfère qu'elles soient payées, car il n'est plus question, en conformité avec la LOLF, d'engager nos hommes dans n'importe quelle opération ou d'aggraver nos déficits budgétaires. Toute sollicitation doit faire l'objet d'une rémunération.
Je vous remercie, messieurs, pour la qualité et la franchise de vos réponses, qui ont éclairé nos travaux et permettront à nos trois rapporteurs de faire des propositions susceptibles de résoudre les problèmes relatifs aux dépenses de personnel.
Mes chers collègues, l'audition de Mme la ministre de l'Intérieur ou du secrétaire d'État à l'Intérieur et aux collectivités territoriales me paraît plus que jamais indispensable.