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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 16 décembre 2010 à 9h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Article 23 ter, amendements 67 208

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Le nombre de fonctionnaires qui ont été blessés dans le cadre des violences urbaines – et c'est à eux que nous pensons puisque l'amendement n° 330 découle du fameux discours de Grenoble du Président de la République – a augmenté, dans la même période, de 39 %, ce qui est considérable.

On nous propose un dispositif permettant aux policiers, aux gendarmes et autres fonctionnaires dépositaires de l'autorité publique d'être mieux protégés. Afin de savoir pour combien de personnes nous légiférons, j'ai posé une question écrite au garde des sceaux. Je vous lis sa réponse : « Le nombre d'infractions ayant donné lieu à condamnation pour meurtre d'une personne dépositaire de l'autorité publique était de quatorze en 2004 et 2005, de quatre en 2006, de sept en 2007, de huit en 2008, dernière année statistique disponible. » En réalité, j'ai eu depuis de nouvelles informations, que je vais vous livrer.

En 2007, sept fonctionnaires ont trouvé la mort, dont deux assassinés, dans l'exercice de leurs fonctions. Nous pensons également à Patrice Point, écrasé par une voiture lors d'un cambriolage en 2009, et à Aurélien Dancelme tué par balle, à La Courneuve, en février 2009. En 2010, sur cinq policiers décédés, quatre ont trouvé la mort accidentellement. Je citerai, notamment, celui qui a tenté de sauver un automobiliste ; Christophe Moser qui a dévissé en montagne lors d'un entraînement et un troisième policier qui a été renversé par un automobiliste alors qu'il rentrait chez lui en moto. Un seul est mort au cours d'une opération en 2010 : le brigadier Nérin, à qui l'on a rendu hommage, le 16 mars 2010. Les services n'ont pas encore retrouvé son meurtrier. Un seul meurtre suffirait à ce que nous discutions de ce sujet. Je tiens cependant sérieusement à vous poser une question, monsieur le rapporteur. Pensez-vous, un instant, que le fait de fixer une peine incompressible de trente ans retiendra l'arme de celui qui a décidé de tuer un fonctionnaire de police ? Telle est la question. Il ne s'agit pas, ici, de faire de la publicité sur le dos des fonctionnaires qui défendent la République. Imaginons le cas d'un terroriste de l'ETA qui, lors d'une opération, tire sur les policiers qui tentent de l'attraper. Pensez-vous qu'il lira le code pénal ? Pensez-vous que l'idée qu'il sera condamné à trente ans de réclusion sera de nature à lui faire retenir son fusil ? Aujourd'hui, l'article 221-4 du code pénal prévoit la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans. Même si la période est portée à trente ans, comme vous nous le proposez, rien n'empêchera un jury populaire de ne pas prononcer la réclusion à perpétuité et de condamner à une peine de vingt-cinq ans. Il s'agit donc malheureusement d'une mesure d'affichage inefficace qui ne permettra pas, dans la réalité, et contrairement à ce que vous affirmez, de protéger les personnels. Une personne violente agira, même si elle risque d'être condamnée à vingt-deux ou à trente ans de réclusion. Nous souhaitons, comme vous, mieux protéger les fonctionnaires. Je ne crois toutefois pas que vous proposiez la bonne solution.

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