Je voudrais prolonger le débat que nous avons abordé tout à l'heure, car c'est en fait le même dispositif que nous examinons aux étapes successives des investigations de la Haute autorité.
Dans un arrêt de mai 2007, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a rappelé que l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques ne permettait pas le traitement de données nominatives ayant pour finalité l'envoi de messages pédagogiques qui n'aurait pas « pour but la mise à disposition d'informations à l'autorité judiciaire pour le besoin de la poursuite des infractions pénales ». C'est cette décision du Conseil d'État que vous méconnaissez aux alinéas 59 à 61 de l'article 2.
Pour bien montrer comment, actuellement, l'autorité judiciaire investit le champ des supports informatiques dans le cadre des enquêtes préliminaires, je souhaite simplement vous rappeler le premier alinéa de l'article 571 du code de procédure pénale, qui a été créé par l'article 17 de la loi du 18 mars 2003 :
« Les officiers de police judiciaire ou, sous leur responsabilité, les agents de police judiciaire peuvent, au cours d'une perquisition effectuée dans les conditions prévues par le présent code, accéder par un système informatique implanté sur les lieux où se déroule la perquisition à des données intéressant l'enquête en cours et stockées dans ledit système ou dans un autre système informatique, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial. »
Cela veut dire que, même dans le cadre d'une enquête judiciaire préliminaire, la police judiciaire ne peut pas entrer dans n'importe quel dispositif informatique et rechercher les éléments qu'il contient dans n'importe quelles conditions. Du reste, les deux autres alinéas de l'article 57-1 du code de procédure pénale détaillent les conditions dans lesquelles la police judiciaire doit stocker ces données et les placer sous scellés.
Vous êtes en train de manipuler une donnée juridique qui a été déjà été visitée par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d'État. Votre dispositif prévoit notamment que la Haute autorité pourra intervenir, en dehors de tout contrôle judiciaire, sur des éléments nominatifs que, jusqu'à maintenant, on n'a reconnus accessibles que par l'intervention de l'autorité judiciaire. C'est le Conseil constitutionnel qui l'a dit. C'est le Conseil d'État qui l'a dit.
Et je considère, chers collègues, que nous ne pouvons pas, en tant que législateurs, prendre le risque de faire corriger l'appréciation de notre action législative par la juridiction constitutionnelle ou le Conseil d'État. Je ne dis pas cela par irrespect, mais au contraire par souci que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État aient quand même l'impression que nous n'oublions pas de respecter le droit en faisant la loi. Il nous faut être juristes dans cet hémicycle. C'est cela, le problème de fond, surtout quand le droit est protecteur de l'intimité de chacune et de chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 61 n'est pas adopté.)