Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 26 mai 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 8, amendements 50 282 321 413

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Au fond, je suis ravi qu'un amendement propose la suppression de l'article 8. Pourtant, je ne suis pas tout à fait sûr que nous fassions oeuvre utile en le votant, dans la mesure où le toilettage de la Constitution nous offrait l'occasion d'y inscrire la réalité des choses.

En matière de défense nationale, la vérité est que le système était surprésidentialisé bien avant le quinquennat, et, qu'en pratique, il l'est encore tous les jours. C'est pourquoi ni dans sa version actuelle ni dans la nouvelle version proposée, l'article 21 de la Constitution ne correspond à la réalité.

Depuis l'avènement de la force de frappe, le Président de la République est seul détenteur du feu nucléaire, au point d'ailleurs que, après l'avoir longuement critiqué, François Mitterrand lui-même a dit un jour que la dissuasion, c'était lui, ce qui était exact.

La semaine dernière, un Livre blanc sur la défense nationale a été présenté par le ministre de la défense et par un haut fonctionnaire, afin d'honorer une promesse de campagne du candidat Nicolas Sarkozy. Mais, même s'il est officiellement présenté par le ministre de la défense, ce document n'est en fait rien d'autre qu'une émanation de la pensée du Président de la République, de même que les lois de programmation militaire sont depuis fort longtemps l'expression de sa seule volonté. Le Premier ministre n'y participe pas.

Les décisions d'opérations extérieures, ce que les militaires appellent les OPEX, l'engagement des forces à l'étranger et leurs conditions d'emploi sont décidés par le Président de la République et exécutés par le chef d'état-major des armées. Ni le Premier ministre ni le ministre de la défense n'interviennent dans la décision ni même dans son exécution. Il en va de même pour le renseignement. Le Livre blanc prévoit d'ailleurs qu'un coordinateur du renseignement sera placé auprès du Président de la République, ce qui opère une clarification utile puisque le Premier ministre théoriquement chargé de coordonner le renseignement ne coordonne rien du tout. Quant au secrétariat général de la défense nationale, rattaché au Premier ministre, il travaille en fait pour le Président de la République. Le problème est le même pour les accords de défense et les ventes d'armes.

Ce que je veux souligner, c'est qu'en matière de défense nationale, la pratique des institutions place – je pèse mes mots – la totalité des pouvoirs entre les mains du Président de la République. Son premier exécutant, en l'espèce, n'est pas le Premier ministre, mais son chef d'état-major. Si le ministre joue un rôle – il s'occupe de l'intendance et fait voter les budgets –, l'orientation des lois de programmation, des grands choix de défense, comme l'Alliance atlantique, des grands choix stratégiques, comme l'Union européenne, ou la décision d'implanter des bases nouvelles, comme Abu Dhabi, sont des choix du Président de la République, auxquels le Premier ministre n'a aucune part.

Mon regret, pour avoir consacré un certain nombre d'années aux questions de défense et de politique étrangère, c'est de pas voir la Constitution refléter cette réalité. Parce que c'est sans doute plus facile ainsi et que cela fait plaisir à tout le monde, nous allons en rester au texte de 1958, qui ne reflète absolument pas le fonctionnement réel de notre pays en matière de défense. La réalité, c'est que le Président de la République a la totalité des pouvoirs et que son assistant et exécutant principal est le chef d'état-major des armées. Le Premier ministre ne joue rigoureusement aucun rôle en la matière. Ce n'est pas lui faire injure que de le constater.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion