Je vais résumer en trois points les motifs de notre opposition à la création de cette Haute autorité, qui répond au délicieux diminutif d'« HADOPI ».
La première raison, qui renvoie à la conception même que nous avons du développement d'Internet et de la diffusion de la culture, est l'inutilité d'une telle autorité. En écoutant les débats cet après-midi, je me disais que la meilleure façon de réduire les téléchargements était de développer les sites de streaming, sachant que certains d'entre eux permettent le stockage, François Brottes l'a souligné hier soir.
Toute la musique du monde sera donc soit en accès gratuit avec un système de publicité qui permettra une rémunération très symbolique des artistes et des ayants droit, soit accessible par téléchargement souvent d'ailleurs de moindre qualité comme c'est souvent le cas sur les réseaux peer to peer. Comment pouvez-vous encore écrire la loi en disant que d'un côté le système est légal tandis que de l'autre il ne l'est pas ? La barrière des espèces est tombée. Cet espace non marchand méritait-il une vraie contrepartie forte permettant de soutenir la filière musicale ?
Le deuxième motif de suppression de l'article 2 concerne l'absence de garanties procédurales solides. La connexion à internet pourra être coupée avant toute possibilité de recours. Cette inversion de la chronologie de la sanction est particulièrement contestable.
Le troisième motif de suppression de cet article concerne le coût de l'HADOPI. Madame la ministre, combien de millions d'euros mettez-vous sur le tapis vert ? Tous les députés, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, pourraient vous citer des compagnies de spectacle vivant qui sont à deux doigts du dépôt de bilan ou des festivals de musique, de théâtre, de danse, de poésie – en Bourgogne et ailleurs – dont l'activité est menacée parce que les subventions qui leur sont accordées baissent chaque année. Si vous aviez 10 millions de trop dans votre budget, il fallait nous le dire ! Nous vous aurions tout de suite indiqué comment les utiliser. Cessez de dire qu'en créant l'HADOPI vous soutenez la culture. En fait, vous allez détourner du spectacle vivant des millions d'euros.
Vous vous gargarisez des accords de l'Élysée. Mais ce sont des accords bidon qui ne résisteront pas – un certain nombre de FAI les dénoncent déjà. Je lisais tout à l'heure une déclaration de M. Kosciusko-Morizet, un jeune entrepreneur fringant de cette galaxie des startups, qui estime, à juste titre, qu'il faut arrêter les dégâts. Nous aurions pu reprendre cette demande de moratoire. En fait, ce ne sont pas des accords, mais une injonction de l'Élysée adressée au ministre de la culture qui va devoir ponctionner sur son budget de quoi financer ce site de propagande dont on a beaucoup parlé aujourd'hui mais aussi l'HADOPI. Et nous attendons de votre part une évaluation officielle du coût de fonctionnement de cette Haute autorité.
Monsieur le président, nous n'irons pas très loin dans l'examen de l'article 2 tant que nous ne saurons pas combien elle coûte.