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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Article 2, amendements 338 403

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Le présent projet de loi, madame la ministre, ne sert qu'aux industries culturelles – deux mots qui ne vont pas très bien ensemble –, incapables de se remettre en question face à la fonte de leurs profits, et qui font semblant de trembler face aux menaces de piraterie et de culture gratuite.

Les formes traditionnelles de distribution culturelle et de protection des oeuvres volent en éclat en même temps que la diversité culturelle. Et l'usine à gaz que vous inventez ne vise en réalité qu'à protéger des formes archaïques, fossilisées. À cet égard, il est intéressant de noter, chers collègues, le parallèle entre ce texte et le projet de loi sur l'audiovisuel public auquel nous nous consacrions il n'y a pas si longtemps.

Ce sont donc les seuls et uniques impératifs financiers et économiques des grandes entreprises médiatiques qui voient leurs chiffres d'affaire baisser qui vous occupent. Il y a deux mois, vous punissiez France Télévisions de trop bien gérer l'entreprise publique, aujourd'hui, vous vous attaquez aux internautes partageurs, autrement dit aux citoyens lambda.

La création artistique, libérée des contraintes commerciales, doit être encouragée par la possibilité de court-circuiter les majors, de dépasser leur politique frileuse de standardisation à grand renfort de campagnes de marketing. Comme le disait notre collègue Dionis du Séjour, quelle valeur ajoutée créent-elles donc ?

Contrairement à ce que vous semblez penser, Internet accélère les croisements entre les cultures, multiplie les occasions d'échanges donnant naissance à de nouvelles formes artistiques. Effectivement, cet Internet participatif et interactif fait du spectateur consommateur un acteur à part entière, qui ne remplit plus les attentes des entreprises de communication. Elles perdent aujourd'hui la main, une main graissée par les intérêts économiques et agitée par la mécanique du marketing : une perte qui, à nos yeux, relève plutôt du gain.

Avec l'émergence de l'idée d'un contrôle des ordinateurs individuels aux fins d'assurer la survie du système, nous entrons au coeur de l'ambiguïté entre libéralisme et liberté où les tentations plus ou moins voilées de contrôle de l'espace privé voient le jour. Et vous êtes, madame la ministre, là où les multinationales vous demandent d'être afin qu'elles puissent enfin contrôler ces espaces de temps libre et de libertés individuelles de nos concitoyens. Oui, madame la ministre, vous êtes la sentinelle de ces groupes mercantiles.

Permettez-moi de revenir sur un aspect dont on parle peu mais qui est, malgré tout, au coeur de ce projet de loi : Internet et le téléchargement illégal participent de l'abandon progressif des moyens de contrôle sur la production de symboles indispensables à la culture occidentale. En effet, c'est tout le système de valeurs morales économiques et politiques de l'Europe de l'Ouest, porté par les produits culturels conformes, qui est ébranlé. Comment ne pas se réjouir de ce mouvement qui augure d'un monde nouveau ?

Avec cet article 2, toutes les conditions sont réunies pour que l'internaute partageur retrouve le droit chemin, celui du respect des sacro-saintes règles commerciales, celui du respect du profit à tout prix pour des majors incapables de se remettre en cause.

Finalement, les seuls qui se voient punis avec votre projet de loi, ce sont l'internaute partageur et, on l'oublie trop souvent, l'artiste dont la rémunération ne sera pas augmentée pour autant.

Pour faire vite, une Haute autorité indépendante, sans contrôle de l'autorité judiciaire, autrement dit une instance d'exception, pourra punir l'usager d'Internet à partir de l'identification de l'adresse IP, seule preuve de l'infraction, d'une faiblesse juridique rarement rencontrée.

C'est en quelque sorte, madame la ministre, la bourse contre la liberté, …

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