Comment ne pas dire notre étonnement, et même notre atterrement ? Voici trois amendements presque identiques, l'un déposé par notre collègue du groupe UMP, M. Suguenot, et les autres issus du groupe SRC pour l'un et du groupe GDR pour le second – autant dire de l'opposition. Nous essayons par là d'élaborer de nouveaux modes de rémunération de la chaîne de la création, et visons ceux qui souffrent le plus : les auteurs et les artistes interprètes. J'espère que chacun a bien entendu ce que Mme Billard et MM. Suguenot et Brard viennent de dire : les artistes interprètes perçoivent une grande partie de leurs revenus grâce à la rémunération pour copie privée. Cette rémunération peut être directe, ou bien liée au taux de 25 % consacré au soutien au spectacle vivant. Même si la commission de la copie privée a élargi le champ des supports taxés, la rémunération pour copie privée déclinera inévitablement à mesure que la dématérialisation progressera. En conséquence, il faut créer de nouveaux modes de rémunération pour ces auteurs et ces artistes interprètes.
Au-delà du débat que nous venons d'avoir sur la contribution créative, convenez que notre amendement était bien modeste. Il existe des sites de téléchargement légaux et gratuits, y compris ceux qui permettent d'accéder à des contenus musicaux via la diffusion en flux, dite streaming – nous en avons longuement parlé. Ces sites sont gratuits parce qu'ils vivent de revenus publicitaires. Nous voulons qu'une part de ces revenus publicitaires soit reversée aux auteurs et aux artistes interprètes, car un modèle économique viable ne peut être qu'équitable et surtout redistributif.
À entendre M. le rapporteur, les pauvres sites de téléchargement seraient déjà contraints de donner de l'argent par la voie contractuelle. Et il faudrait encore taxer leurs revenus publicitaires, s'interroge-t-il, multipliant par là les contradictions avec ses déclarations antérieures.
Je retiendrai ce paradoxe essentiel : les sites de téléchargement, dans les relations contractuelles qu'ils entretiennent avec des titulaires de droits voisins, négocient avec des éditeurs et des producteurs qui ne redistribuent pas les sommes ainsi collectées. Ainsi, les artistes interprètes demeurent hors du circuit des accords contractuels que vous visez. Dans ces conditions, si le législateur n'intervient pas pour qu'une taxation des revenus publicitaires contribue à la rémunération des artistes interprètes, ceux-ci seront les oubliés de notre débat.
Par pitié, monsieur le rapporteur, ne nous renvoyez pas à une réflexion ultérieure ! Il est toujours trop tôt, il faut attendre plus tard : vous nous avez déjà servi le même discours lors de l'examen de la loi DADVSI.