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Séance en hémicycle du 20 juillet 2009 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la promotion et la protection réciproques des investissements (nos 1489, 1666).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde sur le transfèrement des personnes condamnées (nos 1550, 1791).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 1688, 1833).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc(nos 1732, 1832).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc (nos 1733, 1832).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l'enseignement scolaire des deux États (nos 1590, 1667).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du Règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (nos 1594, 1668).

Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.

Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.

(L'article unique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte (nos 1802, 1843) ; et du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances (nos 1803, 1844).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, vous êtes saisis de deux textes concernant, d'une part, l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et, d'autre part, la départementalisation de Mayotte. Je sais que certains parlementaires ont pu s'interroger sur le fait que ces deux collectivités soient évoquées dans un même projet de loi. Je tiens à redire solennellement, comme je l'ai fait au Sénat la semaine dernière, qu'il s'agit uniquement d'une contrainte de calendrier. Il n'y a aucune volonté du Gouvernement de suggérer, d'une manière ou d'une autre, que ces deux collectivités pourraient avoir une trajectoire institutionnelle semblable : les dispositions du texte lui-même ne laissent aucune ambiguïté sur ce point. J'ajoute que chaque territoire d'outre-mer peut, au regard de la Constitution, avoir une trajectoire institutionnelle qui lui soit propre dans la République. Le Président de la République, lors de son déplacement aux Antilles, s'est exprimé à ce sujet.

S'agissant des aspirations de la population mahoraise, le Gouvernement en prend acte dans le projet de loi organique : tel est le sens de l'article 42, qui reprend très précisément les termes de la question qui a été posée aux électeurs mahorais le 29 mars dernier. La rédaction issue du Sénat nous semble adaptée, et les précisions apportées par votre commission très utiles. Bien évidemment, ce n'est qu'une étape car plusieurs textes législatifs devront intervenir d'ici à mars 2011 pour mettre en oeuvre le pacte pour la départementalisation que le Président de la République a présenté aux élus mahorais à la fin de l'année dernière. Vous aurez notamment à examiner des mesures concernant le mode d'élection de la nouvelle assemblée, car c'est un engagement du pacte pour la départementalisation, et nous le tiendrons. Dès septembre prochain, une mission se rendra à Mayotte pour engager la consultation des élus mahorais sur ce sujet.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, les projets de loi qui vous sont proposés répondent à deux objectifs : ils modernisent en profondeur le statut de cette collectivité et visent à permettre la réalisation des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa.

Pour moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie, les projets de loi ont tenu compte des travaux réalisés depuis 2006 en Nouvelle-Calédonie. En effet, le comité des signataires a confié, il y a trois ans, à un groupe de travail le soin de faire des propositions sur une révision du statut. Conformément à ce qui a été décidé au comité des signataires, le 8 décembre dernier, une grande majorité des propositions du groupe de travail sont reprises dans les actuels projets de lois. Le Sénat, puis votre commission, ont apporté des modifications significatives : elles nous paraissent compatibles avec les positions adoptées lors des précédentes réunions du comité des signataires, et ne sont pas de nature à bouleverser l'équilibre des institutions en Nouvelle-Calédonie.

Parmi les principales évolutions, je tiens à souligner la création d'un véritable statut de l'élu, à savoir une protection efficace, notamment au plan juridique. D'autres évolutions sont également introduites pour rendre plus opérationnel le fonctionnement des institutions, en particulier l'introduction de procédures d'expédition des affaires courantes, et certaines lacunes du statut observées depuis 1999 sont comblées : il en va ainsi de la clarification de la répartition des compétences, de l'extension au sénat coutumier du régime des inéligibilités et incompatibilités, ou encore de la possibilité pour le congrès d'édicter un véritable statut de la fonction publique néo-calédonienne.

Par ailleurs, il est apparu nécessaire d'assouplir les conditions d'interventions économiques des institutions. La contrepartie en sera une plus grande transparence de la vie économique et une meilleure efficacité des contrôles administratifs et juridictionnels. La coopération entre les institutions locales pourra ainsi être renforcée grâce à la création de groupements d'intérêt public locaux. Les établissements publics des provinces pourront participer au capital de sociétés privées gérant un service public ou d'intérêt général, et les provinces pourront accorder des subventions aux entreprises. Il s'agit donc, vous le voyez, d'évolutions importantes que le Sénat et votre commission ont amplifiées. Elles permettront en contrepartie de cette latitude offerte aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, une meilleure information des élus sur les interventions locales en matière économique.

Enfin, les règles de contrôle budgétaire des établissements publics locaux sont profondément modernisées.

L'autre objectif de ces textes, c'est bien évidemment la mise en oeuvre du volet concernant les transferts de compétences de l'accord de Nouméa.

Le Gouvernement a loyalement transcrit les conclusions du comité des signataires de l'accord de Nouméa du 8 décembre dernier. Je veux rappeler qu'un long travail de préparation et de réflexion a été conduit entre le Gouvernement, les forces politiques de Nouvelle-Calédonie et les organisations syndicales pour que les transferts de compétences soient effectifs et qu'ils se réalisent dans des conditions garantissant la qualité du service rendu à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie. L'équilibre général du consensus, validé dans des termes très précis le 8 décembre dernier, est repris dans les projets de textes dont vous êtes saisis. Le congrès de Nouvelle-Calédonie, le 12 juin dernier, a formulé un certain nombre d'observations et de propositions d'évolutions concernant les transferts. Bien évidemment, le Gouvernement y a été très attentif et a accueilli favorablement la plupart des amendements présentés en ce sens, tant au Sénat que lors des travaux de la commission des lois de votre assemblée.

Je tiens à préciser qu'en matière de transferts de compétences, l'État est un acteur tout autant qu'un arbitre. Le Gouvernement est avant tout soucieux du respect des échéances de l'accord, mais il est attentif et ouvert aux questions soulevées par les forces politiques sur les modalités des transferts, en particulier en matière d'enseignement.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Le Gouvernement veut la réussite des transferts. Je suis convaincue que les partenaires de l'accord resteront sur la même ligne politique que lui car ces transferts constituent et garantissent la stabilité politique dont les Néo-Calédoniens ont besoin pour poursuivre le développement de leur territoire.

Mais, pour réussir ces transferts, il faut garantir aussi à nos compatriotes la qualité des services qui leur sont rendus. J'insiste sur ce point en rappelant que le Gouvernement a pris des engagements à ce sujet. Au Sénat comme en commission des lois, ces garanties ont même été renforcées avec l'avis favorable du Gouvernement, et dans le sens souhaité par nos partenaires.

Le transfert en matière d'enseignement a suscité un très grand débat tout au long de l'année 2008. C'est pourquoi des modalités spécifiques vous sont proposées en ce domaine. Ainsi, la mise à disposition globale et gratuite des personnels de l'enseignement apporte la garantie solide de l'accompagnement par l'État de la compétence qui sera exercée effectivement par la Nouvelle-Calédonie. C'est une mesure de transition dont le congrès de Nouvelle-Calédonie, et lui seul, je tiens à le souligner, décidera le terme. Autre garantie en matière d'enseignement : la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de recourir aux examens nationaux pour recruter son personnel, une fois que la mise à disposition globale sera terminée.

En outre, le projet de loi organique propose des modalités d'organisation particulières pour d'autres services, notamment ceux chargés de la circulation maritime et aérienne.

Je sais que la compensation financière fait également débat. Soyez rassurés : les intérêts de la Nouvelle-Calédonie sont bien pris en compte. Dans un contexte budgétaire très contraint pour l'État, chacun pourra mesurer l'étendue des garanties apportées.

Tout d'abord, comme nous en avons décidé avec nos partenaires, le 8 décembre dernier, les bases de compensation seront établies de manière loyale : pour le fonctionnement courant, ce sont les trois dernières années avant le transfert qui seront prises en compte ; pour les dépenses de personnel, les bases seront établies en fonction des dépenses effectives de l'année précédant le transfert ou à la fin de la mise à disposition globale.

Le Gouvernement s'est engagé à intégrer les charges liées à l'indemnité d'éloignement dans la base de référence. Il est allé au-delà des engagements pris le 8 décembre 2008, puisqu'il a introduit une clause de sauvegarde demandée par les députés calédoniens. Enfin, il a accepté l'intégration d'un lycée de 1 200 places dans la base de dotation, et il s'engage à participer financièrement aux opérations qui seront initiées avant le transfert. Non seulement la Nouvelle-Calédonie pourra construire un nouveau lycée grâce à sa dotation, mais l'État poursuivra son financement au-delà de la date du transfert.

En ce qui concerne la dotation globale de compensation, le Gouvernement a pris en compte le caractère spécifique des transferts qui sont irréversibles : elle évoluera en fonction de la DGF actuelle, de manière plus favorable que dans l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer.

S'agissant des mesures d'accompagnement de l'État, les conventions destinées à préparer la Nouvelle-Calédonie à l'exercice des compétences de sécurité civile et du droit civil, des règles concernant l'état civil et du droit commercial, seront soumises la semaine prochaine au président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Dans le domaine de la sécurité civile, je tiens à rappeler que les transferts ne concernent ni les centres d'incendie et de secours ni les sapeurs-pompiers, mais la réglementation et la direction des opérations de secours.

Malheureusement, les équipements des collectivités ne sont pas à la hauteur des risques auxquels la Nouvelle-Calédonie est exposée. Aussi l'État apportera-t-il cinq millions d'euros sur cinq ans, au travers du fonds d'aide à l'investissement à la Nouvelle-Calédonie, afin d'aider ces collectivités à s'équiper. Cela montre sans ambiguïté que le Gouvernement veut que les transferts soient un succès et que la qualité des services soit au rendez-vous.

S'agissant du régime de retraite, l'inquiétude de nos partenaires calédoniens est légitime, mais la question ne se posera véritablement que plusieurs années après la fin de la mise à disposition globale et gratuite. L'État confirme donc que le principe privilégié est celui du régime « double carrière-double pension », ce qui est compatible avec les règles actuelles de la caisse locale de retraite, c'est-à-dire avec le décret de 1954.

Grâce à toutes ces garanties, le transfert des compétences prévu par l'accord de Nouméa pourra être réussi. Comme vous le disiez en octobre dernier, monsieur le député Frogier, grâce à ce travail préparatoire, ce n'est plus le saut dans l'inconnu.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en conclusion je tiens à souligner que ces deux textes présentés sont le fruit d'une longue préparation, tant avec les autorités calédoniennes et les deux forces politiques qui ont signé avec l'État l'accord de Nouméa qu'avec la collectivité de Mayotte en ce qui concerne l'article 42 du projet de loi organique.

Leur examen par le Sénat puis par votre commission des lois a permis d'améliorer leur clarté et leur solidité juridiques, tout en apportant des modifications significatives. Ces évolutions ne remettent pas en cause les grands équilibres auxquels nous sommes tous attachés.

Je mesure la contrainte que représente pour vous l'examen de ces deux textes dans un délai aussi court. Mais nous sommes pris, collectivement, entre la fin des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie et le terme du délai de six mois ouvert au congrès pour se prononcer.

En raison de leur longue préparation mais aussi de la nature même des sujets, ces textes sont marqués par le souci du consensus. Les débats au Sénat se sont déroulés dans cet état d'esprit, et je ne doute pas qu'ils se poursuivront sous les mêmes auspices à l'Assemblée nationale. Pour ma part, c'est dans cet état d'esprit que j'aborde le débat aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur de la commission de lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les collectivités territoriales d'outre-mer occupent une place particulière dans notre loi, et chacun de leurs statuts définit une organisation institutionnelle originale, à l'image du lien qu'entretient la population concernée avec la métropole.

Les projets organique et ordinaire qui nous sont aujourd'hui soumis, selon la procédure accélérée, illustrent bien cette diversité. Lors des auditions, certains de mes interlocuteurs s'interrogeaient même sur la signification du regroupement, au sein d'un même projet de loi organique, de dispositions prévoyant à la fois un nouveau renforcement de l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie et la départementalisation de Mayotte. Mme la secrétaire d'État y a fait allusion dans son intervention.

Même s'il s'agit assurément de deux évolutions inverses, elles ont en commun une même démarche consensuelle : respecter les engagements pris solennellement devant nos concitoyens d'outre-mer, qu'il s'agisse de l'accord conclu à Nouméa le 5 mai 1998, ou du résultat de la consultation organisée à Mayotte le 29 mars dernier. Les assemblées délibérantes des deux collectivités ont d'ailleurs rendu, les 8 et 12 juin derniers, un avis favorable sur le projet de loi organique qui leur était soumis.

Le projet de loi organique adopté le 7 juillet dernier par le Sénat comporte désormais soixante articles dont un seul – mais pas des moindres – concerne Mayotte, collectivité dont la commission des lois avait étudié, au mois de février dernier, la future départementalisation, à la suite d'une mission que j'avais effectuée sur place avec nos collègues Philippe Gosselin et René Dosière ici présents.

Comme l'ont approuvé à plus de 95 % nos compatriotes mahorais, l'actuelle collectivité départementale de Mayotte – qui relève de la catégorie des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution – deviendra, après le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011, une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution. Elle prendra le nom de « département de Mayotte », mais tiendra lieu à la fois de département d'outre-mer et de région d'outre-mer.

Cette formule n'aura pas de conséquence sur le rapprochement souhaité des normes de droit commun, qui ne devra pas remettre en cause les adaptations requises dans des domaines tels que la protection sociale et le droit des étrangers, compte tenu de la situation économique et sociale, et notamment de la forte pression migratoire dont nous avons eu maintes et maintes fois l'occasion de débattre dans cette assemblée.

En revanche, l'existence d'une collectivité unique sera un facteur d'économies et surtout un gage de cohérence politique. Je vous proposerai seulement de préciser que, conformément au dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, cette collectivité unique exercera les compétences dévolues aux départements et régions d'outre-mer, qui sont un peu plus étendues que celles des départements et régions de métropole.

S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, le projet de loi organique procède à une rénovation statutaire dont les lignes directrices ont été approuvées, le 8 décembre dernier, par le comité des signataires de l'accord de Nouméa. Les changements proposés ne bouleversent pas les grands équilibres institutionnels et préservent les singularités institutionnelles de cette collectivité territoriale. Surtout, ils respectent les orientations de l'accord de Nouméa qui ont valeur constitutionnelle, en application de l'article 77 de la Constitution.

Mais je vous rappelle que cet accord prévoyait précisément qu'une autonomie croissante serait accordée à la Nouvelle-Calédonie, en plusieurs étapes, avant que la question d'une éventuelle accession à la pleine souveraineté ne puisse être posée entre 2014 et 2018.

Le projet de loi organique précise les conditions du transfert de nouvelles compétences à la Nouvelle-Calédonie qui, selon l'accord de Nouméa, devait intervenir avant le terme du mandat du congrès élu le 10 mai dernier. Ces nouvelles compétences concernent l'enseignement primaire et secondaire, le droit civil, le droit commercial, la sécurité civile, l'état civil ou encore la réglementation des transports maritimes et aériens intérieurs.

Pour permettre de bien préparer techniquement les transferts en matière civile et commerciale, le projet de loi allonge le délai dans lequel ils pourront être demandés par le congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ce choix paraît sage et a fait l'objet d'un consensus au sein du comité des signataires, mais il doit respecter complètement les exigences constitutionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

La rédaction initiale du projet portait de six mois à cinq ans le délai accordé au congrès pour demander le transfert, mais le subordonnait en outre à l'intervention d'une loi organique ultérieure, le rendant ainsi hypothétique, contrairement aux orientations arrêtées dans l'accord de Nouméa.

Je vous propose de souscrire à la solution plus prudente retenue par le Sénat, qui consiste à allonger de seulement deux ans le délai laissé à l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, pour adopter la loi du pays arrêtant l'organisation du futur transfert, sans imposer une nouvelle loi organique à ce sujet.

S'agissant des conditions humaines et financières selon lesquelles interviendra le transfert des autres compétences, en particulier pour l'enseignement, le Sénat a renforcé les garanties accordées à la Nouvelle-Calédonie. Tel est le cas pour la définition de la période de référence retenue au titre de la compensation des charges d'investissement, les années 1998 à 2007 étant plus favorables. Il en va de même pour la mise à disposition globale et gratuite des personnels de l'État auprès de la Nouvelle-Calédonie, à compter du transfert de la compétence relative à l'enseignement.

Ces avancées – déjà très importantes pour la Nouvelle-Calédonie – ont vocation à être complétées par le Gouvernement, afin que la compensation financière connaisse une évolution plus dynamique que la dotation globale de fonctionnement. En tout cas, c'est ce qu'ont souhaité nos collègues, lors de la réunion de la commission des lois, jeudi dernier.

S'agissant plus généralement des règles de répartition des compétences, le texte de la commission des lois revient sur un article inséré par le Sénat – l'article 9 ter – qui permettrait de répartir les compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie par simple convention. Alors que les règles de répartition prévues par le statut actuel ne laissent pas de vide juridique, cette nouvelle modalité de répartition pourrait être une source de confusion juridique, et risquerait de contrevenir aux orientations constitutionnelles de l'accord de Nouméa dans ce domaine.

En revanche, la commission des lois a souscrit à l'essentiel des modifications sénatoriales qui visent à conforter le statut des élus locaux et la transparence de la vie politique, ainsi qu'à clarifier les règles applicables aux finances locales.

S'agissant enfin de la rénovation des institutions néo-calédoniennes, le Sénat a apporté des compléments et précisions le plus souvent utiles. Il vous sera seulement proposé quelques amendements destinés à éviter tout alourdissement excessif des procédures en matière d'échanges entre le congrès et le sénat coutumier, de consultation du congrès sur les propositions de loi, ou encore de modalités d'association des exécutifs locaux à certaines négociations internationales.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en conclusion de ce propos introductif, je dirai que les dispositions statutaires qui nous sont soumises pour la Nouvelle-Calédonie et pour Mayotte opèrent des changements limités au nécessaire, qui sont d'inspiration consensuelle, mais appellent toute notre vigilance. Il est en effet essentiel de préserver l'équilibre politique et social encore fragile de ces collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, sur le projet de loi organique, une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. René Dosière, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, parler de la Nouvelle-Calédonie, quel bonheur pour un socialiste ! Outre qu'il s'agit d'un territoire magnifique – d'ailleurs trop méconnu des métropolitains –, territoire où j'ai laissé quelques grammes de ma chair, c'est aux socialistes que l'on doit le processus engagé. (« À Rocard ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Lorsque furent signés les accords de Matignon en 1988, le Premier ministre était Michel Rocard qui, grâce au travail de Christian Blanc…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Ne vous inquiétez pas, il y en aura pour tout le monde, mon cher collègue. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

L'action de Michel Rocard, disais-je, ainsi que la mission dirigée par Christian Blanc (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), ont permis cette fameuse poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. La période de paix qui a suivi contrastait singulièrement avec l'époque précédente : il faut le rappeler, car les nouvelles générations n'ont pas forcément en mémoire la guerre civile qui régnait quand Michel Rocard s'est installé à Matignon.

Aux accords de Matignon a succédé l'accord de Bercy, dont on parle trop peu bien qu'il soit fondamental. Alain Juppé n'avait pas réussi à le conclure ; c'est Dominique Strauss-Kahn, encore un socialiste (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), qui y est parvenu. Cet accord, qui portait sur un transfert de terrains miniers, a permis le développement de l'usine du nord aujourd'hui en cours de construction. Il s'agit d'un événement considérable : la Nouvelle-Calédonie rêvait de cette usine depuis des décennies, et plus personne n'y croyait guère, à l'image de notre collègue Pierre Frogier. Il faut à cet égard saluer l'obstination du président de la Province Nord Paul Néaoutyine et d'André Dang, qui a permis de faire aboutir le projet sur le plan financier, et plus généralement rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à cette réalisation, notamment à Jacques Lafleur, qui avait permis l'échange des terrains miniers. C'est l'accord de Bercy qui a rendu possible celui de Nouméa, signé par Lionel Jospin, toujours un socialiste. (Mêmes mouvements.)

Je préfère rendre hommage aux socialistes quand ils sont encore vivants, mes chers collègues, car, pour ce qui vous concerne, vous attendez leur mort pour le faire ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pas du tout : nous pourrions rendre hommage à Manuel Valls, à Jack Lang et à d'autres encore !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Lagarde, veuillez laisser M. Dosière poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Pour ma part, je n'attendrai pas que Jacques Lafleur soit mort pour lui rendre l'hommage qu'il mérite. C'est en effet lui qui, alors que la population européenne de Nouméa rejetait les accords de Matignon, a su imposer, en vrai Néo-Calédonien qu'il est, une vision d'avenir.

Voilà comment s'est installée en Nouvelle-Calédonie la période de paix et de prospérité que nous connaissons. Le rapport que les instituts de statistiques de la Nouvelle-Calédonie et de l'outre-mer ont publié il y a quelques mois montre en effet – ce qui ravirait Mme Lagarde – que le taux de croissance se maintient, depuis une vingtaine d'années, autour de 3 %. Cette croissance est tirée par l'investissement privé, et pas seulement par le nickel – même si celui-ci a bien sûr son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Le secteur public, loin d'être prépondérant, est moins présent qu'en Métropole et, bien sûr, que dans les autres départements d'outre-mer. La croissance néo-calédonienne crée donc beaucoup d'emplois, à telle enseigne que le taux de chômage, pour autant que l'on puisse en donner une mesure précise, atteint son niveau minimal.

Enfin, cette croissance n'est pas inflationniste. Il est vrai que, en la matière, les résultats pourraient être meilleurs : comme le note l'institut, dans une économie encore trop peu ouverte à la concurrence, les prix devraient diminuer ; leur augmentation tient à celle, sensible, des marges du secteur marchand. Ainsi, au cours des dix dernières années, la rémunération des profits – c'est-à-dire, en somme, le revenu brut des entrepreneurs – a augmenté de 71 %, quand les salaires, eux, n'augmentaient que de 36 %.

Reste que le PIB par habitant de la Nouvelle-Calédonie est à peu près égal à celui de la Métropole ; il est même supérieur, je dois le dire, à celui de ma région, la Picardie,…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…et bien sûr à celui du Nord-Pas-de-Calais.

J'ajoute qu'il n'y a pas de déficit public et que la dette s'établit à seulement 7 % du PIB, quand celle de la France, dois-je le rappeler, atteint désormais les 65 ou 70 % – autant dire qu'elle s'achemine vers les 100 %.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Au fond, la réussite économique de ce territoire est liée à la stabilité qui y règne depuis 1988.

Des efforts très sensibles ont également été faits pour réduire les inégalités entre les provinces : ces inégalités continueront de diminuer, notamment grâce au développement de la Province Nord, stimulé par la construction de l'usine et les activités qui l'entoureront.

Ne rendons pas, toutefois, le tableau trop idyllique : la société néo-calédonienne reste très inégalitaire. Ainsi, 10 % des ménages touchent 36 % des revenus, chiffre que l'on ne retrouve que dans les pays latino-américains, lesquels ne sont pas réputés pour leur justice sociale. L'écart entre les plus riches et les plus pauvres varie de 1 à 20, comme au Chili, et un foyer sur quatre – soit 60 000 personnes, sur un total de 240 000 – vit au-dessous du seuil de pauvreté : c'est quatre fois plus qu'en Métropole. Des efforts restent donc à faire.

J'ajoute, s'agissant de ces inégalités, qu'il faut avoir à l'esprit la composition ethnique de la société néo-calédonienne. Les mieux pourvus sont évidemment des Européens, et les moins riches, des Kanaks. Difficile, toutefois, de le montrer de façon claire, puisque le recensement de 2004 n'a pas, contrairement aux usages précédents, pris en compte les données ethniques.

Cette stabilité, créée par les accords de Matignon et de Nouméa, a d'ailleurs des conséquences importantes dans tout le Pacifique Sud, où la France a retrouvé une place, notamment dans l'espace mélanésien. Dans les conflits qui ont eu lieu dans l'île Bougainville et au Timor, l'accord de Nouméa a été pris comme exemple pour tenter de résoudre les problèmes ethniques entre les populations. Lors d'un récent colloque consacré aux vingt ans des accords de Matignon, Michel Rocard déclarait que le général Lebed, candidat à la Présidence russe, lui avait confié que la Tchétchénie aurait besoin d'un accord du même genre que celui signé à Nouméa. Bref, cet accord sert de modèle même au-delà du Pacifique Sud. J'aurai l'occasion d'en détailler le contenu lors de la discussion générale ; mais vous comprenez pourquoi le porte-parole du groupe socialiste ne peut qu'être heureux et satisfait d'un tel tableau.

Malheureusement, depuis 2002, la mise en oeuvre de l'accord s'effectue à marche très lente. En premier lieu, les transferts de compétences dont nous sommes invités à débattre devaient intervenir dès 2004 ; or aucun d'entre eux n'a été effectué pendant la mandature du Congrès de 2004 à 2009. La raison en est simple : les responsables locaux et nationaux ne les avaient pas préparés, de sorte que le Congrès élu en 2004 n'a pu les amorcer. Aujourd'hui, nous sommes donc face à une situation d'embouteillage.

Par ailleurs, ce n'est qu'en 2007 qu'a été traduit dans la Constitution l'accord de Nouméa pour ce qui concerne le code électoral et le droit de vote aux élections provinciales : bien que nous ayons souvent souligné l'urgence de cette disposition qui finalisait l'accord de Nouméa et précisait la définition de la citoyenneté néo-calédonienne, il a donc fallu beaucoup de temps.

Durant cette période, la Nouvelle-Calédonie a évolué, et certaines forces politiques se sont divisées. Le RPCR de Jacques Lafleur, parti autrefois hégémonique à droite, a été remplacé par le Rassemblement-UMP, lequel n'a obtenu que 20 % des voix aux dernières élections provinciales. Rassurez-vous, chers collègues de la majorité, la droite néo-calédonienne, c'est-à-dire les « loyalistes », comme on les appelle – je ne dis pas les « Caldoches » par respect pour Jacques Lafleur, qui n'aime pas ce terme –, reste majoritaire. Mais, dans ce bloc majoritaire, les forces se sont un peu divisées, et le Rassemblement-UMP ne représente plus qu'un tiers des voix. L'émergence d'autres tendances, au demeurant proches de votre parti – telles qu'Avenir ensemble, Calédonie ensemble ou encore, de façon hélas assez modeste, le parti de Jacques Lafleur –, atteste une certaine diversité. Certes, il n'appartient pas à la représentation nationale de suivre de trop près les péripéties locales ou les déclarations des uns et des autres : pendant les campagnes électorales, on raconte souvent beaucoup de bêtises.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je ne parle que de la Nouvelle-Calédonie, monsieur le président de la commission. Les rivalités à droite expliquent certains excès de langage, certains blocages ou des évolutions un peu difficiles à suivre.

À gauche, ou plus exactement au FLNKS, malgré une certaine division – ou malgré une certaine diversité des voix qui s'expriment –…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…tout le monde est en faveur de l'indépendance et de la souveraineté complète de la Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il n'y a donc pas, chez eux, que des querelles personnelles. Quoi qu'il en soit, il ne nous appartient pas de porter ici un jugement sur les rapports qu'entretiennent les uns et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Nous serions heureux que le FLNKS – qui n'est d'ailleurs pas un parti, mais une fédération de partis – puisse parler d'une seule voix, ce serait dans l'intérêt de toute la Mélanésie.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Mais je suis en plein dans le sujet, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Justement, le sujet est tellement varié que le Parlement n'en a qu'une vision très floue. La Nouvelle-Calédonie, c'est très loin : 19 000 kilomètres et vingt-deux heures d'avion. Dès lors que la paix y règne, cela ne fait plus l'ouverture des journaux télévisés, et la population française s'en désintéresse. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce qui est plus regrettable, c'est que le Parlement s'en désintéresse également. Voilà huit ans qu'aucune mission d'évaluation de notre assemblée n'a mis les pieds en Nouvelle-Calédonie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

En septembre 2003, la commission des lois a certes fait un bref passage en Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Vous en étiez, monsieur Lagarde, et vous savez que ce voyage n'a donné lieu à aucun rapport d'évaluation. Or, en 1999, au moment du vote de la loi organique, nous avions pris, devant les responsables calédoniens, en particulier ceux du FLNKS, l'engagement de suivre régulièrement son application. Cette résolution n'a pas été suivie d'effet. Je fus, avec Dominique Bussereau – au titre de l'opposition de l'époque –, l'auteur, en 2001, du premier et seul rapport d'évaluation. Depuis, il n'y a rien eu. Comment se déroule le vote des lois de pays ? On ne le sait pas. Où en est l'application de l'accord ? On l'ignore.

Le Parlement n'est donc pas correctement informé, et c'est très dommage, car, faute d'informations, les parlementaires ignorent ce qu'est l'accord de Nouméa. En 2007, lorsqu'on leur a demandé de voter une disposition qui privait certains Français de leur droit de vote aux élections provinciales, comme tous les députés métropolitains, vous avez bondi au plafond en protestant que c'était impossible. Si vous aviez connu la réalité de l'accord de Nouméa, vous auriez accepté cette disposition…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…peut-être à regret, comme Jacques Lafleur, mais vous auriez au moins su que c'était l'un des compromis centraux de cet accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Qui a privé 18 000 Calédoniens du droit de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Faute de disposer d'informations sur ce qui se passe sur le territoire, sur l'évolution de la situation, faute de savoir, par exemple, pourquoi les transferts de compétences n'ont pas été réalisés, le Parlement se désintéresse de la Nouvelle-Calédonie.

Nos compatriotes sont pourtant très sensibles à ce qui se passe là-bas. Certes, dans ma circonscription, on se demande toujours pourquoi…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Auclair

Pourquoi vous avez été élu ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…le député de la première circonscription de l'Aisne s'intéresse autant à la Nouvelle-Calédonie. Ayant été rapporteur de la loi organique, il est naturel que je suive le dossier. Mais je réponds que, en tant que député du Chemin-des-Dames, je suis reconnaissant à tous les Calédoniens, kanaks et européens, qui sont venus mourir dans notre territoire, comme d'ailleurs aux Sénégalais et à tous les Africains.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Mais il y a autre chose : j'explique aux associations d'anciens combattants d'Algérie que ce qui se passe aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, c'est justement ce que nous avons été incapables de faire en Afrique du Nord : une décolonisation pacifique, permettant aux peuples qui habitent sur ce territoire de vivre ensemble. Alors que, en Algérie, il a bien fallu qu'une partie des gens qui avaient bâti le pays – les Européens – le quittent dans les conditions que vous connaissez, le principe de l'accord de Nouméa est de reconnaître que chacun des deux grands peuples qui habitent en Nouvelle-Calédonie et qui, chacun à sa manière, ont fabriqué le territoire, a les mêmes droits à y vivre. Je vous invite à lire le préambule de l'accord de Nouméa, texte remarquable qui montre quels ont été les avantages et les inconvénients de la colonisation.

En Nouvelle-Calédonie, grâce à cet accord, nous faisons en sorte de construire un destin commun : nous avons trouvé des formules, qui ont pu faire hurler les constitutionnalistes, mais qui ont permis de rétablir la paix et la prospérité. C'est en quelque sorte l'application de ce que l'on appelle la « Pacific Way », c'est-à-dire une manière bien océanienne de résoudre les conflits par le dialogue, la négociation, le consensus, la collégialité, et non par la loi majoritaire. C'est une leçon que nous donnent les Calédoniens, quelle que soit leur origine, puisque c'est ensemble qu'ils s'efforcent de construire ce destin commun.

Après ces considérations, j'en viens à l'objet même de la motion de renvoi en commission. (« Ce n'est pas trop tôt ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les conditions dans lesquelles ce texte est présenté à l'Assemblée nationale imposent que nous retournions en commission pour procéder à un examen approfondi.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

C'est ce que nous avons encore fait tout à l'heure !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Sauf erreur de ma part – mais le président de la commission ou la secrétaire d'État me démentiront –, lorsque le Conseil d'État s'est prononcé sur ce texte, il ne connaissait pas l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Or j'ai souvenir que, lorsque le Conseil constitutionnel a examiné le texte sur la Polynésie, en 2004, il a considéré que la consultation des assemblées locales devait s'effectuer avant que le Conseil d'État ne rende son avis. C'est déjà une première faiblesse.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Certes, mais, au moment où il est question de revaloriser le rôle du Parlement – cela ne vous a pas échappé, monsieur le président de la commission –, je vous donne là une illustration très concrète de la manière dont il est traité en réalité.

Le projet de loi est donc adopté en Conseil des ministres le 17 juin, le rapporteur du Sénat rend son rapport le 24 du même mois – effectuant un travail remarquable dans un laps de temps très réduit – et le Sénat débat du texte le 7 juillet : le délai est, là aussi, très court. Quant à l'Assemblée nationale, elle en débat en commission le 17 juillet.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Le jeudi 16, en effet. Pardonnez mon erreur, qui s'explique sans doute par la fatigue due au travail de nuit et au travail du dimanche ! (Sourires.)

La commission a donc examiné le texte jeudi dernier, dans une précipitation certaine, à tel point que j'ai pu avoir le sentiment que nous adoptions les amendements à la pelle. Il suffisait d'ailleurs qu'ils soient présentés par nos collègues de Nouvelle-Calédonie pour qu'ils soient immédiatement acceptés, quand bien même ceux qui les défendaient n'avaient pas eu le temps – voyage et décalage horaire obligent – d'en prendre connaissance. Notre collègue Yanno a lui-même fait remarquer qu'il découvrait, en arrivant de Nouméa, les amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…et qu'on lui demandait dans l'instant de prendre position. Il en allait d'ailleurs ainsi pour chacun de nous. Sur un sujet aussi sérieux, aussi compliqué, sur lequel nous avons aussi peu d'éléments d'information, il aurait été utile de prendre son temps.

Enfin, nous en arrivons à cette séance, qui se déroule un lundi 20 juillet, jour de grande affluence. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Et tout cela se terminera par une commission mixte paritaire qui siégera peut-être mercredi ou jeudi.

La Nouvelle-Calédonie mérite mieux que cette précipitation. J'espère malgré tout que les conditions dans lesquelles nous examinerons en séance le texte adopté en commission nous permettront de l'améliorer encore et de déboucher sur un vote unanime. Je suppose que la motion de renvoi en commission sera repoussée, comme l'ont été la plupart des amendements que le groupe socialiste a défendus en commission, et je me réserve de revenir sur ce sujet dans la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Madame la présidente, nous avons tout fait pour que la commission travaille dans les meilleures conditions possibles. Elle s'est réunie le jeudi 16 juillet, date qui avait été choisie pour que nos collègues de Nouvelle-Calédonie puissent assister à nos travaux. J'ai averti par courrier tous les membres de la commission environ un mois à l'avance, leur demandant de retenir cette date qui nous semblait la plus favorable de la session extraordinaire. Le 16 juillet, nous avons pris tout notre temps et nous avons fait une seconde réunion aujourd'hui, au titre de l'article 88, au cours de laquelle nous avons réexaminé tous les amendements. Notre règlement, dans sa lettre comme dans son esprit, est donc parfaitement respecté, chacun a eu le temps de se déterminer et j'appelle nos collègues à rejeter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, mon groupe était tenté de s'abstenir sur le vote de la motion de renvoi en commission, car la question de la Nouvelle-Calédonie n'a que trop attendu. Notre collègue a évoqué tous les sujets en suspens et rappelé les engagements pris au moment de l'accord de Nouméa : il y a bel et bien urgence à faire progresser leur application.

Mais il a également avancé des arguments sur la méthode de travail de notre Parlement. Nous sommes totalement d'accord avec lui : il n'est plus possible de travailler de cette manière. Le Parlement français n'est pas le seul à avoir été soumis à ce rythme : le congrès de la Nouvelle-Calédonie l'a également été et n'a eu que peu de jours pour examiner la loi organique.

Nous demandons donc que le Parlement ait beaucoup plus de temps pour travailler la loi et nous adopterons la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Malgré toute l'estime que je porte à M. Dosière, dont la connaissance de la Nouvelle-Calédonie est remarquable, j'avoue avoir eu peine à comprendre sa motion de renvoi en commission. Pour lire chaque matin les nouvelles calédoniennes, il sait comme ce que nous disons ici a un impact là-bas, via la presse. Sans doute les informations inexactes dont il a fait état dans cet hémicycle n'ont-elles dès lors vocation qu'à désinformer la population calédonienne. Aussi voudrais-je rétablir plusieurs faits.

Tout d'abord, monsieur Dosière, à moins que le sens de l'histoire varie, l'État français – même sous les gouvernements de MM. Rocard ou Jospin – n'a jamais, depuis deux décennies au moins, manifesté la volonté d'accompagner la Nouvelle-Calédonie vers l'indépendance. Au contraire, les gouvernements français successifs, comme ils l'ont déclaré ici, entendent permettre aux Néo-calédoniens, qu'ils soient d'origine européenne ou mélanésienne, de vivre ensemble dans une très large autonomie au sein de la République française. Si votre but est l'indépendance, ce n'est pas celui des gouvernements français successifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ensuite, s'il est vrai que la concurrence existe parmi les autonomistes, c'est aussi le cas parmi les indépendantistes. En toute franchise, je ne suis pas certain que, lors de la dernière campagne électorale, tous les discours qui ont été tenus, notamment dans la province du Nord et dans les îles Loyauté, aient été d'une parfaite rigueur intellectuelle et morale.

Enfin, la première partie de votre intervention était empreinte d'une grande pédagogie, puisque vous y appeliez à rendre hommage à des socialistes vivants – vous en êtes un vous-même, que je souhaite vivant encore longtemps – et puisque vous y expliquiez que la Nouvelle-Calédonie connaît un développement économique important, que les inégalités sociales s'y résorbent progressivement – bien que trop lentement – et que, grosso modo, ce territoire est, selon vous, une critique en creux de l'État français, ou tout au moins du Gouvernement actuel de la République française. Au fond, vous démontriez que la Nouvelle-Calédonie a trouvé une meilleure manière de développer l'économie que la métropole. Dois-je vous rappeler que, depuis 1981, la France a été pendant quinze ans dirigée par le parti socialiste, dont vous étiez membre, mais que, depuis, cette même date, jamais la Nouvelle-Calédonie n'a été dirigée par un gouvernement de gauche ? Le résultat est une croissance moyenne de 3 % là-bas – ce qui, hélas, n'est pas le cas de la métropole. Par ailleurs, je crains que vous n'ayez oublié la spécificité de la couverture sociale calédonienne : il était pourtant nécessaire d'en tenir compte dans la comparaison que vous avez faite entre croissance métropolitaine et croissance calédonienne. Cela aurait donné lieu à une belle révision de l'idéologie socialiste dans notre pays !

Pour conclure, je vous le dis en toute confraternité : j'ai très peu apprécié l'allusion à l'affluence sur ces bancs, car, pour participer à tous les débats qui concernent l'outre-mer, je peux témoigner qu'il y a davantage de monde aujourd'hui que sur la plupart des autres textes. De surcroît, votre groupe n'est représenté que par quatre députés sur 170 : c'est bien peu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Malgré l'attention que nous avons portée à la défense par M. Dosière de cette motion de renvoi en commission, nous nous demandons quel en est le sens. Après nous avoir cité en une longue litanie de nombreux membres de gouvernements socialistes, aujourd'hui repentis au point de rejoindre nos analyses sur un certain nombre de thèmes politiques – comme quoi la gauche et la droite savent parfois, sur certains sujets, aller à l'essentiel pour se retrouver –, M. Dosière nous a expliqué qu'il convient de renvoyer ce texte en commission pour se donner le temps. Cependant, on nous explique aussi que l'on a trop attendu et que ces textes, qui nous sont aujourd'hui soumis, auraient dû être adoptés ou tout au moins discutés dès 2002.

En réalité, cette motion de renvoi en commission ne résiste pas à l'examen. En commission, nous avons étudié les amendements avec beaucoup de minutie.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Nous avons pris le temps pour entendre toutes les explications sur chacun des amendements, même au titre de l'article 88. Alors que le processus avait coutume d'être plutôt expéditif, chacun – y compris le rapporteur – fournit désormais toutes les explications nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

En conséquence, le groupe UMP fera naturellement en sorte de repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

M. Dosière a souligné à juste titre – même si cela ne plaît pas sur tous les bancs – l'importance de ce texte, mais surtout l'attention particulière que les socialistes ont toujours portée à l'évolution de la situation en Nouvelle-Calédonie. Aujourd'hui, nous constatons, comme l'a justement fait remarquer M. Dosière, le succès d'un processus de décolonisation pacifique et harmonieuse.

Les Calédoniens savent bien que les socialistes ont suivi avec affection ce qui se passe dans leur territoire, dans les moments difficiles – je pense à la grotte d'Ouvéa, à Jean-Marie Tjibaou – ou dans les moments plus heureux, comme la signature des accords de Matignon puis de Nouméa. Ils nous savent attentifs et soucieux de leur sort.

D'autre part, dans la situation si particulière de ce territoire, les accords conclus ont permis de tenir compte de la réalité d'une société multiculturelle, mais aussi de la nécessité d'un rééquilibrage. Il faut les appliquer en respectant, tant dans la forme que dans le fond, la spécificité et l'originalité de la situation calédonienne.

Aussi, lorsque nous demandons d'étudier davantage comment aboutir à ce rééquilibrage, ce n'est pas pour montrer une quelconque distance à l'égard de nos amis calédoniens, mais au contraire pour demander que le Gouvernement respecte bien leur spécificité. Je le répète : le processus en cours est digne de figurer dans les annales. Demander le renvoi en commission en soulignant les éléments qui n'ont pas encore abouti ne porte donc préjudice à personne.

Enfin, n'oublions pas, à l'occasion de ce texte, que Mayotte a choisi une voie radicalement différente, et que ce territoire a été respecté, car on lui a donné le temps. Voter ce renvoi en commission est donc une manière de montrer que notre attention et notre amitié à l'égard de ce pays, dont nous souhaitons qu'il prenne le temps de se développer comme il le faut. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Fin juin, le président de l'Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités, Gérard Jodar, a été condamné à un an de prison ferme, suite à une opération menée par son syndicat pour s'opposer au licenciement jugé abusif d'une employée de la compagnie Aircal. Des vingt-huit militants syndicalistes qui étaient poursuivis, six ont reçu des peines allant de quatre à douze mois de prison ferme. Ce jugement d'une sévérité exceptionnelle confirme une dérive inquiétante et une tendance à la criminalisation de l'action syndicale. Une telle façon de régler les conflits sociaux en Nouvelle-Calédonie – par l'intimidation – n'est pas à l'honneur de l'État français et est vouée à l'échec.

Au moment où nous abordons un texte relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, je ne pouvais taire ce scandale, que je tenais à condamner fermement ici.

Depuis le 5 mai 1998, date de la signature de l'accord de Nouméa, une période transitoire de quinze à vingt ans a été ouverte pour l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, les modalités de son émancipation et les voies de son rééquilibrage économique et social. C'est la loi organique du 19 mars 1999 qui met en oeuvre l'accord de Nouméa, et qui définit le statut de la collectivité, dans le respect des orientations dérogatoires de cet accord. Le calendrier et les modalités des transferts distinguent entre les compétences transférées immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi et celles dont le transfert est ultérieur, au cours de la période correspondant aux mandats du Congrès commençant en 2004 et en 2009. En 2004, le Congrès n'a pas usé de son droit à demander de nouveaux transferts de compétences ; les travaux préparatoires à ces transferts ont donc été engagés en septembre 2006. Dans ce cadre, un comité de pilotage a été mis en place en février 2007, des groupes de travail et des comités consultatifs ont été constitués au cours de l'année 2007 et, enfin, une mission d'appui a été installée en février 2008.

Les conclusions de cette mission d'appui définissant les périmètres et les modalités des transferts de compétences ont certes été validées en décembre 2008, mais le calendrier fixé par le Gouvernement à cette date n'a pas été respecté. Le processus d'information et de consultation qui aurait dû précéder la présentation du projet de loi organique au Parlement n'a pas eu lieu. Les élus calédoniens ont donc reçu la version définitive du projet de loi, qui a été soumis en urgence au Congrès calédonien, lequel a rendu son avis le 12 juin après n'avoir disposé que de trois jours pour en débattre et pour défendre des amendements. Cette présentation n'est guère respectueuse de nos partenaires calédoniens. Pourtant, le respect par la France de l'accord de Nouméa ne saurait souffrir d'aucune légèreté, tant il est essentiel à la paix civile sur ce territoire.

Dois-je vous rappeler l'histoire de la Nouvelle-Calédonie au cours de la seconde moitié du XXe siècle, marquée par une grande instabilité qui a abouti aux massacres de la grotte d'Ouvéa en 1988 ? Au cours de cette période proche de la guerre civile, le peuple kanak a lutté pour la reconnaissance de ses droits politiques, économiques et culturels.

L'accord de Matignon du 26 juin 1988, signé par le FLNKS, le RPCR et le Gouvernement, a su y mettre un terme. Il était l'aboutissement d'une nouvelle démarche de dialogue et de réconciliation entre peuples déchirés par un siècle et demi d'histoire coloniale. Les Kanaks tendaient la main aux autres communautés calédoniennes, lesquelles comprenaient que la paix civile et toute solution politique passaient par la prise en compte de l'identité et des revendications kanakes.

C'est ce même esprit qui a permis de conclure, dix ans plus tard, l'accord de Nouméa sur l'avenir institutionnel calédonien, reflétant la volonté partagée des Calédoniens d'organiser sur des bases nouvelles la vie en commun sur leur territoire. Certes, les négociations furent longues et âpres, et les compromis durement obtenus. Pourtant, le 8 novembre 1998, 72 % des Néo-Calédoniens ratifiaient cet accord par référendum, auquel la participation, de l'ordre de 74 % des électeurs inscrits, était élevée.

Il est donc de notre devoir de préserver l'accord de Nouméa, qui est un résultat consensuel et équilibré. Or, pour parvenir à l'application intégrale de cet accord, qui est la condition déterminante de la réussite du processus de décolonisation, il est indispensable de réaliser les transferts de compétences. C'est tout l'objet du projet de loi organique qui a fait l'objet d'une concertation entre les signataires de l'accord de Nouméa.

Les articles 1er et 3 du présent projet de loi organique soulevaient encore des difficultés au moment du passage du texte au Sénat. En effet, dans sa rédaction initiale, le projet de loi organique prévoyait le basculement des quatre compétences figurant au point III de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 – droit civil, règles concernant l'état civil, droit commercial et sécurité civile – à l'article 27 de la même loi. Ce basculement avait été retenu par le comité de pilotage en octobre 2008, sur proposition des deux experts désignés par le Gouvernement. Les représentants du FLNKS siégeant à ce comité, qui réunissait les signataires de l'accord de Nouméa, étaient d'ailleurs réticents à cette proposition, dans laquelle ils voyaient une tentative des membres de l'ancien RPCR – le Rassemblement pour la Calédonie dans la République – de reporter ces transferts sur un article 27 qui n'oblige plus explicitement à décider du transfert des compétences concernées avant 2014. C'est parce qu'ils avaient obtenu du Haut commissaire de la République et du directeur de cabinet du secrétaire d'État à l'outre-mer la mise en place de protocoles d'engagements sur la préparation de ces transferts de compétences qu'ils ont donné leur aval. La même position a ensuite été reconduite lors de la réunion du comité des signataires du 8 décembre 2008, qui a donc acté le consensus des signataires de l'accord de Nouméa.

Or, dans l'avis qu'il a rendu à l'issue de son assemblée générale du 12 juin 2009, le Conseil d'État a, selon le Gouvernement, soulevé à propos de ce basculement un risque d'inconstitutionnalité. Il a aussi, pour tenir compte du compromis consensuel entre les signataires de l'accord de Nouméa, suggéré d'accorder davantage de temps à la préparation du transfert de ces quatre compétences, et de prévoir un délai maximum de deux ans pour adopter à la majorité qualifiée des trois cinquièmes la loi du pays décidant de ces transferts.

C'est pour suivre cet avis du Conseil d'État que la commission des lois du Sénat a amendé le projet de loi organique en ce sens – sage décision, en effet, d'autant plus que ce délai de deux ans est un délai maximum. Rien n'empêche que la loi du pays soit adoptée dans les six mois, puisqu'il ne s'agit là que d'une demande de transfert et d'établissement d'un calendrier, et non pas des transferts en tant que tels. Or, l'essentiel est que ces transferts aient lieu, et ce dans les meilleures conditions.

Il reste encore à obtenir du Gouvernement les protocoles d'engagements nécessaires à la préparation du transfert de ces compétences, pour que les meilleures conditions soient réunies. Pour le moment, ces protocoles sont inexistants. Le 16 juillet dernier, vous avez indiqué madame la secrétaire d'État, à M. Paul Néaoutyine que ces protocoles étaient prêts et qu'ils devaient être soumis à l'arbitrage. Pouvez-vous le confirmer devant la représentation nationale ?

Du reste, je tenais à ajouter que toutes les compétences non régaliennes énumérées au point 3.1 de l'accord de Nouméa devront être transférées avant 2014. L'absence de majorité qualifiée de trois cinquièmes pour adopter les lois de pays prévues ne pourra être interprétée que comme une résistance politique aux transferts et ne pourra en aucun cas s'opposer auxdits transferts.

Concernant l'article relatif à Mayotte, nous nous demandons ce qu'il vient faire ici !

Prévoyant que la collectivité départementale de Mayotte deviendra « département de Mayotte » en 2011, il consacre le choix de la départementalisation exprimé par les électeurs de Mayotte lors de la consultation du 29 mars 2009. Sur le fond, nous nous étions exprimés en février dernier lors du débat relatif à la consultation des électeurs de Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je n'ai sans doute pas été entendu, mais j'ai dit avec force ce que nous pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous avions alors rappelé que la séparation arbitraire de Mayotte, décidée unilatéralement par la France en 1975, violait l'intégrité territoriale de l'archipel des Comores et suscitait – et suscite toujours – légitimement les condamnations internationales, notamment des Nations unies et de l'Union Africaine, ce qui, chers collègues, ne semble pas vous émouvoir. Nous avions donc dénoncé l'organisation du référendum, qui n'était rien d'autre qu'un passage en force vers la départementalisation de Mayotte, mettant le monde entier devant le fait accompli.

Sans surprise, le 29 mars dernier, les électeurs mahorais ont choisi d'opter pour la départementalisation. Vous considériez, à l'époque, que ce référendum n'était qu'une formalité. Là encore, vous traitez cette future départementalisation comme une simple formalité. Sans plus d'égard pour les Néo-Calédoniens et les Mahorais, vous inscrivez cet article fondamental au détour d'un texte, non moins fondamental, qui porte sur un tout autre sujet. Finalement, à vos yeux, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte ne méritent-ils pas d'être traitées ensemble, simplement parce qu'il s'agit d'anciennes colonies ?

Plus inquiétant encore, ce traitement indifférencié de deux évolutions institutionnelles diamétralement opposées ne peut être neutre. Il est trop chargé de symbole et de sens politique pour n'y voir qu'un hasard.

Fidèles à l'esprit et à la lettre de l'accord de Nouméa, car nous sommes convaincus qu'il est du devoir de la France d'accompagner fermement, dans le respect, ce processus, nous voterons pour ces projets de loi. Mais, que ce soit clair et sans aucune ambiguïté, ces votes ne valent que pour les dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie. En aucun cas, ils ne concernent l'article 42 du projet de loi organique relatif à Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, par les hasards du calendrier parlementaire, il nous revient aujourd'hui de discuter, au sein d'un seul et unique texte, de l'évolution institutionnelle de deux de nos collectivités d'outre-mer : Mayotte et la Nouvelle-Calédonie.

Sans doute chacune de ces questions aurait-elle pu faire l'objet d'un projet de loi organique dédié, tant il peut sembler paradoxal d'évoquer simultanément l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, qu'aux termes des accords de Matignon, puis de Nouméa, la République s'est engagée à préparer à l'autodétermination, et celle de Mayotte, aujourd'hui en passe d'accéder au statut de département d'outre-mer, conformément à la volonté exprimée par nos concitoyens mahorais, le 29 mars dernier.

S'il est peu de points communs entre les évolutions respectives de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, il en est un que je voudrais souligner et qui réside dans la volonté de mettre fin, dans les deux cas, par la voie du consensus, à l'incertitude qui a si longtemps présidé à l'évolution statutaire de ces collectivités au sein de la République.

Cette incertitude est celle qui a caractérisé la Nouvelle-Calédonie de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années quatre-vingt. Ainsi, au cours de ces quelque quarante années, l'archipel a-t-il connu pas moins de huit statuts différents, dont quatre pour la seule période allant de 1984 à 1988.

En 1988, après des mois d'événements dramatiques conclus par le terrible drame de la grotte d'Ouvéa, la Nouvelle-Calédonie menace de s'enliser dans une véritable guerre civile ; le gouvernement de Michel Rocard dépêche sur place le préfet Christian Blanc en le chargeant de renouer le dialogue entre loyalistes et indépendantistes. Cette mission débouche, le 20 août 1988, sur un succès inespéré, avec la signature des accords de Matignon, qui, en posant le principe d'un référendum local d'autodétermination, permettent le retour au calme.

En 1998, intervient pour sa part la conclusion de l'accord de Nouméa, qui, s'il reporte l'échéance initialement prévue pour l'autodétermination, reconnaît explicitement les ombres de la période coloniale, met en place de nouvelles institutions locales et organise l'évolution de la Nouvelle-Calédonie jusqu'à cette consultation. Approuvé par 72 % des Calédoniens, cet accord scelle alors la démarche de consensus, qui gouverne depuis l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.

Cette incertitude, bien que de nature très différente, est également celle qui a pesé sur l'évolution de Mayotte après 1974 et la déclaration unilatérale d'indépendance des Comores. En 1976, deux consultations locales voient successivement les Mahorais faire le choix du maintien dans la République, puis celui du refus du statut de territoire d'outre-mer, une majorité d'électeurs mahorais – c'est un fait unique qui mérite d'être noté, voire d'être accepté, chers collègues – choisissant de glisser dans l'urne un bulletin « sauvage » revendiquant pour Mayotte le statut de département d'outre-mer. Sans doute troublé par la force de cet attachement répété à la République et par son aspect contradictoire avec ce que certains considéraient comme le vent de l'histoire, le pouvoir d'alors offre à Mayotte un statut hybride et sui generis où se trouvent combinées certaines caractéristiques des DOM et d'autres des TOM. Mais cette volonté toujours réaffirmée des Mahorais d'intégrer pleinement la République française en accédant au statut de DOM, volonté que nous, élus centristes, nationaux ou locaux, avons toujours défendue, a fini par bousculer l'histoire. En 2000 et avec l'accord sur l'avenir de Mayotte, nous avons pu voir la République entrouvrir aux Mahorais les portes de la départementalisation. L'île devient ainsi en 2001 une collectivité départementale au sens de l'article 74 de la Constitution et accélère par là même son rapprochement avec le droit commun. C'est finalement le 29 mars dernier, soit plus de cinquante ans après l'apparition de cette revendication lors du congrès de Tsoundzou, que le Gouvernement propose enfin à nos concitoyens mahorais de doter Mayotte du statut de département d'outre-mer et de conforter ainsi son ancrage dans la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il n'empêche que c'est contraire au droit international !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

S'inscrivant dans le prolongement de ces dynamiques, ce projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui l'accompagne ont ainsi un objet double : d'une part, franchir une nouvelle étape dans l'application du processus défini par l'accord de Nouméa en organisant les nouveaux transferts de compétences devant intervenir en direction de la Nouvelle-Calédonie ainsi qu'en actualisant ses institutions ; d'autre part, il s'agira de donner une première traduction juridique à la volonté des Mahorais en inscrivant dans la loi organique l'existence du département de Mayotte.

Après les premiers transferts de compétences opérés dès 1998 et concernant des domaines tels que la gestion des ressources naturelles, le commerce extérieur ou encore l'élaboration des programmes de l'enseignement primaire, la Nouvelle-Calédonie s'apprête désormais à se voir transférer, aux termes de l'accord de Nouméa, de nouveaux domaines de compétences. Cette nouvelle série de transferts concernera ainsi des compétences déterminantes telles que les règles concernant l'état civil, l'élaboration des règles et la mise en oeuvre des mesures intéressant la sécurité civile ou encore l'enseignement du second degré. J'ajouterai que, conformément à l'article 77 de la Constitution, ces transferts ont une dimension définitive, quels que soient le moment et le résultat de la consultation d'autodétermination qui est prévue et dont, naturellement, les élus centristes nationaux et locaux souhaitent qu'elle permette le maintien dans la République dans le cadre d'une autonomie extrêmement large.

Aux termes de la loi du 19 mars 1999, ces transferts et leur échéancier doivent être décidés avant le 30 novembre de cette année. Il apparaît pourtant, aux yeux du comité des signataires de l'accord de Nouméa lui-même, que certains de ces transferts ne peuvent en l'état intervenir dans de bonnes conditions, notamment en ce qui concerne l'état civil, le droit civil et commercial, ainsi que la sécurité civile. C'est de manière pragmatique que ce projet de loi organique propose en premier lieu de permettre à ces transferts d'intervenir de manière plus progressive, dans l'intérêt de la Nouvelle-Calédonie elle-même.

De même, et afin que ces transferts s'opèrent dans les meilleures conditions possibles, il est également proposé de renforcer les garanties afférentes à leur accompagnement par l'État. Les modalités de calcul des compensations financières seront ainsi alignées sur celles déjà mises en oeuvre dans l'Hexagone depuis la loi du 13 août 2004 ; il sera d'autre part prévu que les services de l'État en charge de certaines missions amenées à être transférées seront mis à la disposition de la Nouvelle-Calédonie dès l'entrée en vigueur effective du transfert. Il ne s'agit donc pas, à la faveur de cette loi organique, de remettre en cause d'une quelconque manière le processus défini par l'accord de Nouméa, mais, bien au contraire, de le conforter en l'ajustant aux contraintes et aux difficultés qui se sont fait jour depuis dix ans.

Amener la Nouvelle-Calédonie vers l'autodétermination implique toutefois, outre la poursuite des transferts de compétences, de permettre la montée en puissance des institutions locales. L'accord de Nouméa a en effet permis dans le sillage de l'accord de Matignon, de mettre en place en Nouvelle-Calédonie une organisation institutionnelle originale et respectueuse des spécificités locales.

La loi référendaire de 1988 a ainsi créé trois provinces, Sud, Nord et îles Loyauté, librement administrées par des assemblées élues au suffrage universel direct tous les cinq ans et qui viennent d'être renouvelées il y a quelques mois. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie, mis en place après l'accord de Nouméa est pour sa part composé d'élus de chacune des trois assemblées de province et l'existence de son pouvoir législatif autonome a été clairement posée dans la loi organique du 19 mars 1999. Dans plusieurs domaines tels que la fiscalité, le Congrès peut ainsi adopter des lois du pays qui acquièrent une valeur législative, une fois promulguées par le haut-commissaire de la République. Aux côtés du Congrès, un Sénat coutumier est pour sa part chargé d'examiner les projets de loi du pays intéressant le statut civil coutumier, les terres coutumières ou encore les signes identitaires. Le pouvoir exécutif, enfin, est pour sa part exercé par un gouvernement collégial, élu à la proportionnelle par le Congrès et responsable devant celui-ci. Ce n'est pas la moindre des caractéristiques calédoniennes que de voir ce système institutionnel original et jamais usité en métropole fonctionner par voie de consensus.

Aussi, afin de permettre à ces institutions d'assumer au mieux leur rôle, madame la secrétaire d'État, votre projet de loi organique vise-t-il également à modifier certaines dispositions du texte de 1999, notamment en ce qui concerne leur fonctionnement quotidien.

Le statut des élus calédoniens fait ainsi l'objet d'une large révision avec la création d'un régime de protection des élus ou encore par l'extension aux sénateurs coutumiers des règles d'inéligibilité et d'incompatibilité. Plusieurs dispositions sont également prises afin de lever certaines entraves au bon fonctionnement des exécutifs de la Nouvelle-Calédonie comme de ses provinces. Enfin, les modalités du contrôle de légalité par les autorités de l'État sont précisées et renforcées, et le tribunal administratif aura désormais la possibilité de saisir le Conseil d'État lorsque surviendra un doute sur le respect de la répartition des compétences entre l'État et les institutions locales.

Toujours afin d'améliorer le fonctionnement des institutions calédoniennes, ce texte permettra également de clarifier le droit applicable en termes de finances locales – ce à quoi notre collègue René Dosière devrait être sensible –, tout en renforçant le rôle de la chambre régionale des comptes, en étendant son champ de compétence, mais aussi en lui ouvrant la possibilité de formuler des propositions d'améliorations législatives au Congrès.

Enfin, et dans le but de maintenir à un rythme élevé le développement économique de la Nouvelle-Calédonie, les collectivités et établissements publics locaux se verront pour leur part dotés de nouveaux outils d'intervention dans le domaine économique tels que la société d'économie mixte ou encore le groupement d'intérêts publics.

Derrière l'ensemble de ces mesures, pourtant et malgré l'importance des travaux préparatoires menés par le Gouvernement, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a, dans son avis du 12 juin dernier, émis plusieurs réserves à son approbation du texte de ce projet de loi.

Nombre de ses demandes ont d'ores et déjà pu être satisfaites lors de l'examen au Sénat et, je tiens à le dire, monsieur le rapporteur, en commission des lois de notre assemblée, qui a accepté certaines dispositions que le groupe Nouveau Centre souhaitait voir adopter et qui avaient été repoussées par la Haute assemblée. Alors que la Nouvelle-Calédonie s'apprête à franchir une nouvelle étape vers l'autodétermination, il apparaît essentiel que les recommandations de ceux-là mêmes à qui s'appliquera ce texte puissent être au mieux prises en compte.

Je voudrais à présent évoquer l'évolution de Mayotte vers le statut de département d'outre-mer, conformément à la volonté de plus de 95 % des Mahorais qui se sont rendus aux urnes le 29 mars dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

La France achète Mayotte ! C'est l'île des riches face aux îles des pauvres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Lecoq, j'estime hallucinante votre observation selon laquelle nous ici, chers collègues, ne serions pas particulièrement attentifs aux condamnations de l'Organisation de l'Unité africaine, laquelle regroupe des États dont chacun sait que la plupart sont des dictatures sanguinaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

…et dont les chefs d'État sont élus grâce à des tripatouillages indignes de ce que représente la démocratie ! Les communistes n'ayant jamais été très regardants sur le suffrage universel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

…vous préférez prendre en compte ce que pensent des dictateurs africains de l'avenir de Mayotte plutôt que l'avis des électeurs mahorais eux-mêmes !

Permettez-moi, monsieur Lecoq, mais je préfère le respect des électeurs, comme en République française, à la soumission à la voix des dictateurs. Tel n'est pas votre choix, c'est votre droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ce que vous venez de dire, monsieur Lecoq, et qui n'a pas été entendu par les Mahorais est, pour eux, une véritable insulte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Si vous considérez que la République française a acheté les Mahorais, c'est que, pour vous, ils sont suffisamment indignes pour ne pas mériter d'être des citoyens de la République, libres de leur choix, et qu'ils ne forment qu'un groupe de personnes capable d'être acheté ! Cela signifie que vous les méprisez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Vous leur promettez la santé, l'éducation, le RSA !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Si j'ai déjà pu souligner la dimension historique de cette inscription dans la loi organique de l'existence du département de Mayotte, je voudrais également insister sur le fait que la départementalisation n'en est pas moins un chantier dont la réalité reste aujourd'hui très largement devant nous.

Le texte se divise en deux parties : un article pour Mayotte et le reste pour la Nouvelle-Calédonie. C'est une prolongation pour la Nouvelle-Calédonie et un véritable coup d'envoi pour Mayotte. C'est un article pour une renaissance au sein de la République, dont j'avoue qu'elle était attendue depuis bien longtemps par nos compatriotes.

Ainsi que l'indiquait le pacte pour la départementalisation de Mayotte adressé aux Mahorais en préalable à la consultation, celle-ci ne peut, compte tenu de la spécificité des enjeux auxquels fait face l'île, prendre la forme que d'un processus progressif et adapté. Pour réussir, elle devra non seulement pouvoir compter sur un engagement renouvelé et accru de l'État, mais également sur le concours de l'ensemble des composantes de la société mahoraise. Cette collectivité unique que nous allons créer – département d'outre-mer et collectivité d'outre-mer – est aussi unique comme l'histoire de ce territoire singulier qui a tant voulu rester français !

D'autres projets de loi nous seront soumis. Nous y serons très attentifs pour que la volonté des Mahorais soit respectée, madame la secrétaire d'État. Nous comptons sur vous pour que ces projets de loi ne tardent pas excessivement.

Mes chers collègues, par ce projet de loi organique, il s'agit, en réalité, avant tout pour le Parlement de respecter les engagements pris par la République devant nos concitoyens calédoniens comme mahorais, dans le respect des aspirations de chacun. C'est à ce titre que les députés du Nouveau Centre lui apporteront leur soutien.

Respecter enfin la parole de la France dans nos départements, dans nos collectivités d'outre-mer contribue à leur pacification, lorsque des tensions existent, leur permet d'être pleinement français, autonomes, différents au sein de la République et de rendre à la République française ses lettres de noblesse outre-mer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, au moment où nous débutons l'examen du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, je souhaiterais résumer ma position d'une phrase : Il faut éviter que la lettre de l'accord ne tue l'esprit de cet accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Vous savez, madame la secrétaire d'État, que j'y tiens beaucoup et j'y reviendrai dans un instant.

Auparavant, je veux vous rappeler qu'en Nouvelle-Calédonie, l'accord de Nouméa est notre loi commune. Il a été approuvé par 72 % de la population calédonienne. Il est inscrit dans la Constitution française. C'est, pour nous, un pacte imprégné des valeurs qui fondent la République, et nous y sommes, tous, profondément attachés.

Mais l'accord de Nouméa, c'est aussi un exercice innovant, dont l'équilibre est fragile. C'est une exploration juridique et institutionnelle. C'est une expérience unique, sans précédent et sans référence.

Ce projet de loi vise, notamment, à modifier, réviser et moderniser la loi organique de 1999 – traduction juridique de l'accord de Nouméa – et il revêt donc une importance particulière.

Pour être sincère, je regrette, comme d'autres, un intitulé qui prête à confusion. Je sais que vous me répondrez, que les contraintes du calendrier parlementaire ont conduit à cette présentation commune et qu'il ne faut y voir aucun amalgame, mon cher Didier Quentin !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Je sais aussi, bien sûr, qu'il n'y a aucun lien institutionnel entre la Nouvelle-Calédonie et Mayotte. Mais je reste convaincu que nos collectivités valent mieux que ce texte conjoint et que Mayotte, comme la Nouvelle-Calédonie, pouvait prétendre à une loi qui lui soit propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de vous rappeler que ce n'est pas une première ! Déjà, en 1999, lors de la première tentative avortée de gel du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie, monsieur René Dosière… – tentative qui s'est hélas concrétisée quelques années plus tard – cette modification essentielle était présentée dans un projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

J'espère que ce n'est qu'une malheureuse coïncidence et que cela ne traduit pas la volonté de ne jamais traiter isolément, pour mieux les diluer, les textes qui concernent la Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Je regrette aussi le calendrier qui nous est imposé. Pour moi, le débat sur ce texte intervient au plus mauvais moment : trop tard, parce que la plupart de ses dispositions techniques ont été actées dès 2006 ; trop tôt, parce que la Nouvelle-Calédonie sort à peine d'une période électorale et que ce n'est pas le contexte idéal pour aborder sereinement ce texte complexe qui engage l'avenir de nos populations.

Je me réjouis, en revanche, que le Gouvernement continue à prêter attention au fonctionnement de nos institutions, qu'il nous aide à les moderniser et à les adapter, qu'il sache nous écouter et, parfois, nous entendre.

Je salue, notamment, les avancées qui ont été réalisées en matière de transparence financière, de contrôle des établissements publics ou de renforcement du rôle des élus que nous réclamions depuis longtemps.

Dix ans ont passé depuis l'adoption de la loi organique. Chacun en convient, il était temps de la modifier et de la compléter pour corriger ses faiblesses et ses insuffisances, clarifier ses ambiguïtés, mais surtout, pour prendre en compte l'expérience des élus calédoniens. Un large consensus s'est d'ailleurs dégagé autour de toutes les dispositions techniques.

Mais l'essentiel de ce texte concerne, et vous le savez, la délicate question des transferts de compétences et les modalités de ces transferts. Je pense pouvoir parler au nom de tous mes compatriotes et de tous les élus que nous représentons ici. Quelle que soit la façon dont les Calédoniens envisagent l'avenir, nous avons tous la même préoccupation : les transferts doivent se faire dans les meilleures conditions possibles pour nous donner toutes les chances de les réussir. Les transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa ne s'inscrivent pas seulement dans la volonté de l'État de donner plus de responsabilités aux élus locaux. Ils doivent permettre aussi à la Nouvelle-Calédonie, quel que soit, je le répète, l'avenir qu'elle se choisira, d'exercer des compétences nouvelles afin d'affirmer sa personnalité et de construire son identité. Pour nous, qui voulons bien sûr inscrire durablement la Calédonie dans l'ensemble français, tout en poursuivant la mise en oeuvre l'accord de Nouméa, les transferts de compétences ne peuvent se faire que dans l'intérêt de nos populations et non à leur détriment.

Cette exigence concerne le transfert de l'enseignement secondaire, qui ne peut se faire que dans l'intérêt des enfants, des familles et des personnels. C'est un dossier essentiel, parce qu'il met en jeu la qualité de l'enseignement dispensé à nos jeunes, le niveau de leur formation future et donc leur capacité à assumer, dans l'avenir, les compétences qui seront octroyées à la Nouvelle-Calédonie. S'il est un domaine dans lequel nous avons une exigence de résultat, c'est bien celui-là !

Mais la Nouvelle-Calédonie n'a pas les moyens financiers de l'assurer seule…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

…et l'aide de l'État nous est indispensable. C'est le sens des amendements que nous avons déposés et qui visent à obtenir toutes les garanties dont nous avons besoin.

Concernant l'enseignement secondaire, nous devons être certains que l'État nous accompagnera de façon raisonnable pour permettre à la Nouvelle-Calédonie d'assurer une qualité de son enseignement au moins égale à celle dont elle bénéficie actuellement, notamment par la mise à disposition globale et gratuite des personnels et par le financement de ses deux lycées du Mont-Dore et de Pouembout que nous attendons depuis si longtemps.

Nous devons avoir la garantie que nous disposerons des moyens suffisants pour assumer au mieux cette responsabilité nouvelle. Mais je dois dire, madame la secrétaire d'État, que votre discours nous a rassurés sur ces points.

S'agissant, maintenant, du transfert des quatre compétences que sont le droit civil, l'état civil, le droit commercial et la sécurité civile, nous sommes, comme vous le savez, convenus, lors du comité des signataires de décembre 2008, que le délai prévu par la loi organique était trop contraignant et nous avons retenu un dispositif plus souple. Nous en sommes tous convenus, forts de notre expérience, et parce que le FLNKS et nous avons fait preuve de réalisme. Le pari n'était pas gagné d'avance tant nos positions semblaient éloignées, mais l'appui de l'État nous a permis d'aboutir, par la discussion et la confrontation des points de vue, à une position acceptable par tous, débarrassée des préjugés politiques et idéologiques. Je reste convaincu que c'est cette méthode, ce dialogue constant, réaliste, pragmatique, entre les partenaires historiques – l'État, les indépendantistes et nous – qui peut nous permettre d'avancer et de faire vivre l'accord. Mais, alors que cette solution avait été approuvée à l'unanimité par les signataires de l'accord de Nouméa, voilà qu'intervient le Conseil d'État et qu'on nous oppose un risque d'inconstitutionnalité ! Eh bien, mes chers collègues, je tiens à vous le dire, si la lettre de l'accord de Nouméa, c'est l'avis du Conseil d'État, l'esprit de l'accord de Nouméa, c'est le consensus que nous avons trouvé entre signataires en décembre 2008 ! C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, je suis aussi attaché au fait que le consensus est le moteur de l'accord de Nouméa. Cet accord est vivant. Dans un monde qui bouge et qui change, il doit pouvoir, par la discussion et la recherche permanente du consensus, évoluer, s'adapter et coller au mieux à la réalité et aux nécessités. On nous dit, on nous répète, on nous ressasse à l'envi qu'il faut respecter la lettre et l'esprit de l'accord de Nouméa. Mais comment fait-on quand il y a une incompatibilité, voire une contradiction, entre la lettre et l'esprit ? C'est le défi que nous lance ce dossier du transfert des compétences. Je suis persuadé que, dans ce cas d'école, c'est l'esprit de l'accord qu'il faut choisir.

Je vous l'ai dit, mes chers collègues, le moteur de l'accord de Nouméa c'est le consensus. Cette réalité s'impose à nous ! Nous ne pourrons pas obliger les élus de Nouvelle- Calédonie à exercer des compétences dont ils ne veulent pas ou selon des modalités qu'ils refusent. Nous devons donc être inlassablement à la recherche du consensus. Pour nous, la question n'est pas tant de savoir si les transferts de compétences sont obligatoires ou s'ils sont automatiques. Ce qui nous importe, c'est qu'ils soient irréprochables. En effet, les transferts de compétences sont irréversibles. Nous les vivrons jour après jour ; ils nous engagent pour toujours. Il est illusoire de penser qu'on peut contraindre une majorité à exercer des compétences dont elle ne veut pas. Nous ne pourrons pas imposer un transfert sans majorité et sans consensus. Nous voulons que ces transferts s'opèrent, dans les meilleures conditions possibles, au bénéfice de nos populations et de la Nouvelle-Calédonie.

Mes chers collègues, l'accord de Nouméa est un processus exemplaire, mais il a besoin de temps, de souplesse et de confiance, pour s'épanouir dans un monde en perpétuel mouvement. Certes, il ne peut pas supporter une marche forcée.

L'histoire qui s'écrit à Nouméa est ambitieuse, elle est belle, mais elle est aussi complexe et fragile. C'est de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et des Calédoniens qu'il s'agit encore aujourd'hui. En confiance, donnez-nous les moyens de le construire sereinement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, qu'y a-t-il dans l'accord de Nouméa ? Quelle est son originalité ?

Il est bon de rappeler quelques points, tellement étrangers à notre droit constitutionnel, qu'il a fallu les inscrire dans les articles 76 et 77, dans un titre XIII de notre Constitution ! Ces articles font d'ailleurs que la Nouvelle-Calédonie ne ressemble à aucun de nos territoires d'outre-mer et, a fortiori, à aucun de nos départements. Puisque Mayotte figure également dans ce texte, j'ai souhaité – et la commission a bien voulu me suivre – que, par une modification du titre, nous marquions bien la différence entre ce pays, puisque telle est sa dénomination, et un département républicain.

Nous sommes en présence d'un processus tout à fait original, dans lequel il a fallu inventer.

Il a fallu inventer, tout d'abord, une notion de citoyenneté calédonienne, laquelle limite le droit de vote des Français aux élections concernant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. On a considéré que cet avenir devait reposer sur les signataires de l'accord de Nouméa de 1998, approuvé par une très forte majorité de la population de Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire sur ceux qui étaient présents à ce moment-là et ont pu approuver l'accord, et non sur des personnes qui viennent passer trois ou quatre ans sur place, ou y couler une retraite aisée. L'avenir de la Nouvelle-Calédonie ne peut être décidé par des gens qui n'y ont pas de véritables attaches.

C'est la notion de « corps électoral gelé ». Il a d'ailleurs fallu attendre 2007 pour que cette disposition soit définitivement inscrite dans la Constitution, alors que l'accord de Nouméa date de 1998. C'est dire le retard qui a été pris !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

M. Pierre Frogier a fait allusion au projet de loi constitutionnelle qui concernait tant la Nouvelle-Calédonie que la Polynésie. Dans ce texte de 1999, le gouvernement de Lionel Jospin, tirant les conséquences de la réserve interprétative du Conseil constitutionnel, proposait déjà d'inscrire dans la Constitution le texte qui ne l'a été que sept ans plus tard.

Rétablissons donc la vérité, puisque M. Jean-Christophe Lagarde aime qu'on le fasse. Si nous n'avons pas pu dès 1999 mener cette révision à bien, c'est parce que le Président de la République de l'époque avait décidé, cinq jours avant le Congrès qu'il avait convoqué, de renoncer finalement à ce que celui-ci se tienne, alors que ce texte avait été voté au Sénat et à l'Assemblée avec une très forte majorité. La raison en est qu'un autre texte, qui n'avait rien à voir avec la Nouvelle-Calédonie et concernait l'indépendance des magistrats, était également inscrit à l'ordre du jour du Congrès, et que la minorité de droite de l'époque, dont les voix étaient nécessaires pour l'adoption de la révision constitutionnelle, refusait de voter l'indépendance des magistrats du parquet. C'est pourquoi le Président de la République a dû renoncer au Congrès, reportant à plus tard l'adoption du texte sur la Nouvelle-Calédonie. Nous avons ainsi perdu beaucoup de temps.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

La deuxième disposition exceptionnelle, d'ailleurs méconnue de nos concitoyens, tient à ce qu'en Nouvelle-Calédonie, le Congrès vote des lois, tout comme l'Assemblée nationale. C'est l'unique portion de territoire, hors la métropole, qui ait l'autorité pour voter des lois, le Conseil constitutionnel étant seul habilité à les valider, tout comme il le fait pour les lois votées par l'Assemblée nationale. Je n'irai pas jusqu'à dire que la France est devenue de ce fait un État fédéral, mais c'est tout de même, pour une République qui était aussi centralisée et unitaire que la nôtre, une disposition assez extraordinaire.

Ces lois sont appelées « lois du pays » et leur vote exige des majorités importantes, pour que le consensus auquel a fait référence Pierre Frogier soit respecté.

Troisième disposition étonnante : une méthode de gouvernement reposant sur le dialogue et la collégialité, ou, comme je le disais tout à l'heure, sur le pacific way, expression utilisée dans le Pacifique Sud. Je veux parler de l'élection du gouvernement à la proportionnelle. Il ne s'agit pas de cohabitation, parce que ce sont les électeurs qui imposent la cohabitation – on la vu ! Dans un gouvernement élu à la proportionnelle, toutes les forces politiques, sous réserve des règles de majorité suffisante, sont représentées. Un tel gouvernement est obligé de gouverner au consensus, parce que les « membres du gouvernement » – contrairement à ce qui prévaut dans d'autres territoires, l'appellation de « ministre » n'a pas été retenue – disposent d'un droit de contreseing : tout membre du gouvernement peut, en refusant d'apposer son contreseing, faire obstacle à la volonté de la majorité.

Madame la secrétaire d'État, certaines dispositions que vous nous présentez constituent des accrocs à ce consensus et permettent de contourner la collégialité. Le groupe SRC présentera donc deux amendements pour préserver le consensus dans le fonctionnement du gouvernement. La réponse qui y sera apportée déterminera notre vote sur le texte, car nous ne pouvons accepter que soit remis en cause le fonctionnement collégial du gouvernement.

Si ce fonctionnement n'est pas simple – nous en aurions une idée plus claire si des membres de l'Assemblée avaient pu se rendre sur place pour voir comment les choses se passent, mais c'est ce que les acteurs locaux nous disent –, c'est toutefois la règle de l'accord de Nouméa. C'est ce qui a été constitutionnalisé, et il ne convient pas de revenir dessus au détour d'une disposition conjoncturelle ou circonstancielle.

Quatrième disposition tout à fait originale : une priorité liée à la citoyenneté pour l'emploi local. Le citoyen néo-calédonien est prioritaire. Nous proposons de compléter cette disposition par un amendement qui précise que cette priorité s'applique aux concubins et aux conjoints pacsés. Si ma mémoire est bonne, le PACS n'existait pas au moment où la loi organique a été votée ; il n'était en tout pas applicable en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, les transferts de compétences ont ceci de particulier qu'ils sont irréversibles. C'est même constitutionnalisé : une fois la compétence transférée, aucun gouvernement ne peut revenir en arrière, contrairement à la règle prévalant en métropole en la matière.

C'est un point suffisamment important pour que le Premier ministre François Fillon ait cru bon d'affirmer, en 2007, que ces transferts étaient les véritables moteurs du processus de l'accord de Nouméa, sans lesquels ni la lettre ni l'esprit ne seraient respectés. Notre collègue Gaël Yanno, en commission, a pris ses distances avec les paroles du Premier ministre ; de son point de vue, les transferts de compétences ne constituent nullement le moteur du processus. Pour ma part, j'adhère pleinement aux propos du Premier ministre.

Cela revient à dire que ces transferts, contrairement à ce qu'a laissé entendre Pierre Frogier, ne sont pas du tout facultatifs. Un calendrier est prévu. Tout d'abord, un certain nombre de compétences ont été transférées dès le vote de l'accord de Nouméa. Il n'y a d'ailleurs pas eu besoin d'études préalables pour ce faire. En outre, le texte prévoit que d'autres transferts pourront intervenir, d'une part, à partir de 2004 – pour les compétences dont la liste est fixée à l'article 21, alinéa 3 – et, d'autre part, à partir de 2009 – pour les compétences dont la liste figure à l'article 27 et qui pourront être transférées si le Congrès le demande.

Il existe donc deux types de compétences : celles figurant à l'article 21, qui doivent être demandées et votées par le biais d'une loi du pays avec une majorité des trois cinquièmes, c'est-à-dire que leur adoption doit reposer sur le consensus, et les autres, qui relèvent de dispositions différentes et peuvent être demandées ultérieurement.

Je pense que le Gouvernement a eu raison de suivre l'avis du Conseil d'État lorsque celui-ci lui a fait remarquer que la distinction entre les transferts était constitutionnalisée, et que vouloir mélanger les deux, sous des prétextes que je considère, pour ma part, fallacieux, était prendre un risque. Dans sa grande sagesse, le Conseil d'État a su trouver la solution, en indiquant qu'il suffisait de maintenir le cadre constitutionnel tout en jouant sur les délais.

On nous rétorque que le comité des signataires avait approuvé ce transfert. La belle affaire, quand on voit la manière dont a été conduite l'étude sur les transferts ! Un certain nombre d'experts, de la compétence desquels je ne doute pas, sont venus expliquer aux Néo-Calédoniens que tout cela était très compliqué, qu'il fallait prendre le temps, que si l'on ne précisait pas les choses davantage, la foudre allait s'abattre sur la Nouvelle-Calédonie, qu'il ne serait plus possible d'écrire le droit civil… Je note au passage, madame la secrétaire d'État, que l'on n'a pas pris tant de précautions lorsque le droit civil a été transféré à la Polynésie ; il est vrai que M. Flosse l'exigeait et qu'il n'était donc pas indiqué de chercher des complications. (Exclamations sur le banc de la commission.)

Alors que l'on expliquait aux Néo-Calédoniens que l'affaire était compliquée et qu'il fallait prendre du temps, le souci de ces derniers était que les transferts aient lieu. Quand il leur a été dit, alors, qu'une solution était possible, ils ont fait confiance. Je note toutefois que certains d'entre eux, en particulier les gens du FLNKS, comme Paul Néaoutyine, ont fait remarquer que cela n'était peut-être pas aussi simple. Le Conseil d'État s'est finalement rallié à cette interprétation, et je pense que c'est une bonne chose.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous éclairiez notre lanterne sur plusieurs points, en répondant aux questions suivantes.

Pouvez-vous nous dire, tout d'abord, pourquoi l'on a attendu 2007 pour véritablement commencer à réfléchir aux transferts de compétences et engager les discussions, c'est-à-dire pour engager le processus qui s'est achevé par l'accord du 8 décembre 2008 ? Je dis 2007 parce que ce qui a été évoqué en 2006, ce sont davantage des adaptations concernant les autres domaines de la loi organique plutôt que les transferts eux-mêmes. Je me trompe peut-être ; en tout cas, vous nous rassurerez en nous expliquant pourquoi les choses ont tant tardé.

Vous me direz, mes chers collègues, que c'est du passé, mais d'autres transferts doivent intervenir à l'avenir. Si je souhaite savoir pourquoi l'on a tant tardé, c'est pour éviter que l'on tarde encore et que l'on rencontre les mêmes difficultés.

Précisément, madame la secrétaire d'État, ma deuxième question porte encore sur les transferts. Pouvez-vous nous confirmer qu'ils se feront tous – ceux prévus au III de l'article 21 et à l'article 27 de la loi organique de 1999 – avant le référendum qui devrait avoir lieu, selon le calendrier prévu, en 2018 ? Tout à l'heure, Pierre Frogier semblait dire : « Nous voulons bien des transferts, mais il faut que nous soyons d'accord. » Certes, il est préférable, et même souhaitable, de préserver le consensus, mais il existe tout de même un texte constitutionnel sur le sujet : on ne peut pas jouer avec la Constitution ! Alors, madame la secrétaire d'État, les transferts prévus par la loi organique sont-ils, en quelque sorte, facultatifs ? Dépendent-ils du bon vouloir et de l'initiative des signataires ? Ces derniers peuvent-ils choisir d'exercer telle ou telle compétence, s'ils sont d'accord, et d'écarter telle autre ?

Pour ma part, j'estime que la consultation finale, le référendum sur l'émancipation, ne porte que sur les compétences régaliennes, comme la justice ou la police, ce qui implique bien que toutes les autres compétences auront été préalablement transférées. Telle est, en tout cas, ma lecture de l'accord de Nouméa.

Ma troisième question porte sur l'éventualité qu'au Congrès, au mois de novembre – ou dans deux ans, pour les compétences dont le transfert est reporté –, la majorité des trois cinquièmes requise ne soit pas atteinte. Dans ce cas, que compte faire le Gouvernement ? Décidera-t-il que, de toute façon, le transfert se fera, puisqu'il est prévu dans l'accord de Nouméa ? Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous apporter des précisions sur ce point à la représentation nationale, mais aussi à tous les Calédoniens. Certains sont d'ailleurs dans les tribunes – je les salue – mais nombreux sont ceux qui, ne pouvant pas être parmi nous, sont restés à Nouméa, où ils suivent attentivement nos débats et attendent impatiemment vos réponses sur ce point.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer, comme le demandait Jean-Paul Lecoq, que les protocoles d'accompagnement pour faciliter les transferts, qui auraient dû être signés depuis le mois de février, ne le sont toujours pas ? Sont-ils vraiment prêts, comme vous l'avez déjà indiqué ? Quand pourront-ils être signés ?

Bien entendu, parmi les transferts prévus, le plus important concerne l'éducation et la formation. En commission des lois, nos collègues ont exprimé des demandes très fortes afin de ne pas supporter des charges indues. Ils ne nous ont pas dit que la Nouvelle-Calédonie était pauvre : ce n'est pas le cas. Il est vrai que l'État ne dispose pas de ressources importantes, mais, après tout, il a pris des engagements, et nos collègues ont raison de vouloir qu'il les tienne. Même si la fiscalité calédonienne est deux fois inférieure à la fiscalité métropolitaine,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

D'où sortez-vous ces chiffres ? Ils sont faux !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…il faut prémunir les Calédoniens contre les charges nouvelles liées à ces transferts, et ne pas les surcharger fiscalement.

Par rapport à la façon dont les choses se sont déroulées en métropole, j'ai toutefois le sentiment que la Nouvelle-Calédonie a réussi à obtenir certaines garanties. Le débat permettra de nous éclairer sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Effectivement, ses habitants sont bien soutenus !

Le transfert en matière de formation est d'autant plus fondamental que l'avenir de la Nouvelle-Calédonie repose sur ses cadres. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous poser quelques questions à ce sujet – étant bien entendu que vous ne pourrez peut-être pas nous donner de réponses chiffrées aujourd'hui. Alors que s'applique le programme « Cadres avenir », combien compte-t-on aujourd'hui d'instituteurs kanaks, d'infirmières kanakes ou de professeurs kanaks ? Encore ai-je choisi des métiers qui nécessitent une formation postérieure au baccalauréat de trois ou quatre ans : ces professionnels sont sans doute plus faciles à former que des médecins ou des ingénieurs. Mais les accords de Matignon datent de 1988 : en vingt ans, combien a-t-on formé de cadres kanaks ? Cette question est majeure ; il est dommage que nous ne disposions pas de ces informations.

Pour toutes ces raisons, je ne peux finalement que vous citer le Président de la République qui s'exprimait ainsi devant le comité des signataires du 8 décembre 2008 : « J'ai parfaitement conscience que vous avez besoin de l'ordre, mais vous avez besoin de justice et, bien souvent, le désordre naît du sentiment qu'on vit une injustice. Ce ne sont pas les choses les plus faciles à résoudre, surtout sur un territoire qui a eu une tradition de violence – ce n'est faire insulte à personne que de le rappeler. Et pourtant avec tout cela, depuis une bonne vingtaine d'années, vous donnez l'exemple de l'apaisement. […] Travaillez ensemble. D'une certaine façon, écoutez-vous, respectez-vous, aimez-vous, parce que les différentes provinces sont situées dans le même endroit du monde. Ce ne sont pas deux mondes différents, c'est le même endroit du monde, c'est le même patrimoine, c'est la même culture et ce serait un très grand appauvrissement pour la Nouvelle-Calédonie de laisser en chemin les femmes et les hommes dont nous avons besoin parce qu'ils étaient sur cette terre il y a bien longtemps. » Vous connaissez mes désaccords avec le Président de la République, ils peuvent être nombreux ; cette fois, je suis en accord total avec lui.

Je conclurai en évoquant l'article 42 du projet de loi organique. Mayotte figure de façon un peu accidentelle et même gênante, ou maladroite, dans ce texte. Le sujet aurait mérité un texte spécifique, quitte à devoir en discuter en même temps. Ces deux questions sont différentes ; je rappelle, en effet, que si, lors de la consultation concernant les Comores, les votes ont été décomptés île par île, ce qui permet de respecter la population de Mayotte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Mais c'est très important, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

…s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, l'accord de Nouméa prévoit que, lors de la consultation finale, en tout état de cause, il n'y aura pas de décompte île par île, ou province par province, mais un décompte global.

Les situations étant différentes, il me semble qu'il est bon qu'après le scrutin du 29 mars, nous puissions dire à nos compatriotes mahorais : « Vous voulez être un département, vous serez un département. » Toutefois, le plus dur reste à faire, et nous en reparlerons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les projets de loi organique et ordinaire sur l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie sont, à nos yeux, d'une importance considérable pour l'avenir de ce territoire. Ils attestent aussi que peut voir le jour, au-delà des clivages idéologiques, politiques, sociaux et communautaires, une forme nouvelle de décolonisation, dans un processus pacifié et respectueux des différentes communautés, à condition que l'État fasse preuve d'impartialité et ne soutienne pas, d'une manière ou d'une autre, une des parties en présence.

Je souhaite aborder trois points.

Premièrement, ces textes représentent, malgré leurs insuffisances, un progrès pour le dialogue et le rapport entre les composantes communautaires du territoire. Ils sont le produit des accords de Nouméa et de Matignon et, à ce titre, doivent être soutenus par la représentation nationale. Ils prouvent que, sur la base d'un travail de « co-élaboration » entre la société et la représentation politique, un accord peut être trouvé, à partir du moment où il y a une volonté commune d'avancer dans le sens de l'intérêt général de la Nouvelle-Calédonie.

Ne pas voter ces textes constituerait, de la part des parlementaires, une sorte de déni de signature. L'accord du 26 juin 1988, signé par le FLNKS et le RPCR, à l'initiative de Michel Rocard, est intervenu à la suite d'une confrontation qui n'aurait jamais eu lieu si l'État avait compris l'inéluctabilité de l'indépendance de la Kanakie ; si l'État n'avait pas cherché à défendre les intérêts d'une seule communauté, celle représentée par le RPCR à l'époque ; si l'acharnement, les manipulations électoralistes de l'opinion publique française, la pratique des coups tordus et la pratique coloniale n'avaient pas abouti au drame d'Ouvéa, à la veille des élections présidentielles de 1988.

Les textes dont nous débattons représentent le prolongement du compromis difficile atteint à l'époque grâce à la ténacité et à la volonté de Michel Rocard et de son gouvernement. Les députés Verts voteront le projet de loi organique, malgré ses imperfections, parce que ses grandes lignes ont été négociées par les forces porteuses des accords de Matignon.

Deuxièmement, il faut aujourd'hui en finir avec le temps du mépris des Kanaks. Il faut savoir, comme au moment de la signature des accords, tenir compte de la réalité. Nous devons opérer un rééquilibrage financier en faveur du peuple kanak, afin de permettre à ce dernier de préparer dans les meilleures conditions la période allant jusqu'aux transferts définitifs de compétences et de souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Et que faites-vous de la décision des Calédoniens ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ce n'est pas se contredire que de reconnaître que, de ce point de vue, le compte n'y est pas.

Depuis la signature des accords, dans la province Sud, la marginalisation, notamment des jeunes, et le sentiment d'abandon sont très forts, tant chez les Kanaks que chez les Wallisiens. Cela peut aboutir, si aucun effort de rattrapage économique et social n'est fait, à de nouvelles violences, peut-être plus graves encore que celles que nous avons connues il y a plus de vingt ans.

Pour le moment, cet esprit de révolte est canalisé par des forces politiques, tel le parti travailliste, ou des forces syndicales, telle l'USTKE. On sait toutefois que des procédures judiciaires ont créé de nouvelles tensions extrêmement dangereuses. Le Gouvernement a récemment demandé au parquet de faire appel de certaines décisions de justice en métropole ; on pourrait imaginer qu'il en fasse autant sur le territoire.

J'aimerais que ces paroles soient entendues car le territoire a connu déjà trop de souffrances pour que l'on joue avec la patience du peuple kanak.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Il n'y a pas que des Kanaks en Nouvelle-Calédonie !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il ne faudrait pas que ces lois que nous votons aujourd'hui soient des chiffons de papier, des trompe-l'oeil, cachant le désespoir et la souffrance sociale dans lesquels on maintiendrait une partie de la population touchée par la grande pauvreté.

Par souci de consensus et de respect des partenaires et des parrains de ces accords, nous soutenons ce texte, mais nous lançons aussi un avertissement solennel pour qu'il soit appliqué réellement sur le terrain, dans son calendrier et avec des moyens importants.

Au passage, je voudrais saluer le sage choix des sénateurs qui ont refusé, en raison de son caractère anticonstitutionnel, la proposition, émanant des plus ultras d'entre eux, visant à renvoyer le transfert de compétences à une loi organique ultérieure. A contrario, cette initiative montre bien quel est le véritable enjeu de ce projet de loi organique : prendre en compte le processus de décolonisation ou le freiner.

Troisièmement, le texte dont nous discutons aujourd'hui n'aurait pas dû traiter de la départementalisation de Mayotte. Cela est une erreur profonde. Le peuple kanak est solidaire du processus de décolonisation du peuple des Comores.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Que la départementalisation soit un fait accepté et même, il faut le reconnaître, souhaité et défendu par une majorité de la population de Mayotte, certes ! Il n'en reste pas moins qu'elle va à l'encontre du processus de décolonisation des Comores, heurtant ainsi le droit international.

Les Kanaks, tout partis confondus, considèrent à juste titre que l'on essaie d'opposer un processus de décolonisation à un autre. Ils sont solidaires des Comores qui exigent la restitution de l'île de Mayotte. Il aurait donc mieux valu que les deux sujets ne se retrouvent pas dans le même projet de loi organique.

Vous l'aurez compris, nous soutiendrons et nous voterons ces textes, malgré la question de Mayotte, parce qu'en garantissant la continuation du processus de décolonisation commencé en 1988, nous souhaitons que ce dernier puisse aller à son terme sans retards supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous n'ignorez pas l'importance du projet de loi organique relatif, notamment, à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie pour les Calédoniens et pour le devenir institutionnel de leur collectivité.

Ce projet de loi modifie en effet la loi organique du 19 mars 1999, conçue pour être la traduction législative de l'accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 par trois partenaires : l'État, le FLNKS et le Rassemblement-UMP. Cet accord, historique pour la Nouvelle-Calédonie, avait réussi, une nouvelle fois, dix ans après les accords de Matignon, signés le 26 juin 1988, à concilier les antagonismes, à réunir de nouveau autour de la table, aux côtés de l'État, deux formations défendant deux visions diamétralement différentes de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie : ceux qui souhaitent son indépendance et ceux qui, au contraire, souhaitent que, tout en s'émancipant, elle demeure au sein de la République.

Il me paraît important de rappeler aujourd'hui la sagesse et l'esprit de responsabilité dont ont fait preuve ces deux formations politiques, en écartant le référendum prévu dix ans après les accords de Matignon de 1988. Ce consensus a été facilité, voire rendu possible, par l'unité qui existait à l'époque dans chaque camp.

Or, aujourd'hui, la situation est bien différente. Le FLNKS est divisé, incapable depuis de nombreuses années d'élire son président, et une nouvelle formation indépendantiste est apparue, plus extrémiste, remettant parfois même en cause l'accord de Nouméa. Du côté des partisans du maintien dans la France, les divisions sont également réelles,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

…même si une entente est intervenue au lendemain des dernières élections provinciales. Cette division de part et d'autre rend incontestablement plus difficiles les discussions et les négociations. Mais les électeurs en ont voulu ainsi, et nous devons prendre en compte cette réalité électorale.

Cela fait maintenant vingt ans que la Nouvelle-Calédonie vit en paix. Elle a pu ainsi bénéficier, durant cette période, d'un développement économique et d'un progrès social qu'elle n'avait jamais connus auparavant. Le pouvoir politique a été partagé entre les trois provinces et au sein du gouvernement collégial, élu à la proportionnelle.

Personne, aujourd'hui, ne souhaite remettre en cause cet équilibre fragile, ce fonctionnement institutionnel particulier, même si nous en connaissons les défauts et les faiblesses. Personne ne peut non plus contester que l'accord de Nouméa repose sur une ambiguïté : dans quelles conditions allons-nous en sortir ? Néanmoins, il faut garder à l'esprit que cet accord a été conclu pour éviter le référendum de sortie des accords de Matignon. Il découle donc de deux renoncements : celui des indépendantistes, qui ont renoncé à une défaite annoncée au référendum et celui des partisans de la France, qui ont également renoncé, mais, eux, à une victoire.

Vous admettrez que la valeur de ces deux renoncements n'est pas équivalente : renoncer à une victoire est incontestablement plus difficile que renoncer à une défaite.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

C'est ce qui vous distingue de Jacques Lafleur !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

La difficulté réside bien dans le fait qu'à mi-parcours de l'application de l'accord de Nouméa, dont le terme est prévu en 2018, les équilibres électoraux demeurent. Les indépendantistes ne sont pas parvenus à convaincre l'autre camp du bien-fondé de leur démarche.

Depuis des années, élections après élections, les Calédoniens ont réaffirmé, dans leur grande majorité, leur attachement à la France. Les restrictions imposées au corps électoral – au demeurant scandaleuses, pour certaines d'entre elles –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

…n'y ont rien changé. Le scrutin du 10 mai dernier l'a de nouveau confirmé. Pourtant, 18 000 électeurs sur 150 000, soit 12 % du corps électoral, ont été privés du droit de vote à cette occasion.

Il existe donc bien deux visions, deux lectures, deux mises en oeuvre de l'accord de Nouméa. L'une, minoritaire, veut conduire inéluctablement la Nouvelle-Calédonie vers l'indépendance. L'autre, majoritaire, considère que cet accord doit permettre à la Nouvelle-Calédonie de faire reconnaître ses spécificités, tout en demeurant dans la France.

Qui peut nier que ces deux lectures posent aujourd'hui des difficultés dans l'application de cet accord politique ? Sans remettre en cause son bien-fondé, elles mettent en lumière ses limites. Cela est vrai notamment pour les signes identitaires, l'emploi local, la citoyenneté, le corps électoral, le transfert de compétences.

Sur ce dernier sujet, il y a bien, là aussi, deux approches, deux visions. L'une consiste à vouloir le transfert de ces compétences dans le seul but de s'éloigner petit à petit de la France. L'autre consiste à s'assurer, à chaque fois, au préalable, que le transfert apportera aux Calédoniens une amélioration dans leur vie quotidienne.

On peut se poser cette question essentielle pour quatre de ces compétences : la sécurité civile, l'état civil, le droit civil et le droit commercial. Dans leur sagesse, les partenaires de l'accord de Nouméa avaient accepté de se laisser du temps, afin de mieux évaluer les conditions de ces transferts. Cette position, ne l'oublions pas, avait recueilli en octobre 2008 l'unanimité du comité de pilotage sur le transfert de compétences – comité qui réunissait l'ensemble des formations politiques de la Nouvelle-Calédonie –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

…ainsi que l'unanimité du comité des signataires, en décembre 2008. Il est regrettable qu'une analyse strictement juridique ait remis en cause cette unanimité politique. En effet, les articles 1er et 3 du projet de loi tels qu'ils nous sont présentés ne traduisent pas le consensus obtenu entre les partenaires de l'accord.

Qui peut reprocher à certains Calédoniens de s'interroger sur les conditions d'exercice de ces compétences – notamment en matière de droit civil, d'état civil et de droit commercial – par une collectivité de 250 000 habitants ? Le transfert à la Nouvelle-Calédonie, il y a plus de trente ans, d'une compétence normative aussi complexe que le droit des assurances a démontré son échec. En effet, ce droit est resté figé au jour du transfert, créant ainsi une grande insécurité juridique pour les Calédoniens. Et que dire des difficultés rencontrées par la Polynésie française dans l'exercice des compétences en matière de droit civil et de droit commercial, qui lui ont été plus récemment transférées ?

Je laisse aux membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le soin de réfléchir à ces exemples lorsqu'ils auront à se prononcer à la majorité qualifiée sur le calendrier et les modalités du transfert de ces compétences. Au reste, à ceux qui prétendent que ce calendrier est figé, je rappelle la première phrase du deuxième paragraphe de l'article 3 de l'accord de Nouméa, qui porte sur le transfert de compétences : « Le Congrès, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, pourra demander à modifier l'échéancier prévu des transferts de compétences. »

S'agissant des autres transferts de compétences, deux retiennent tout particulièrement l'attention des élus calédoniens : ceux concernant l'enseignement secondaire public et les enseignements primaire et secondaire privés. Dans ces deux domaines, outre d'éventuelles divergences entre les deux partenaires de l'accord de Nouméa sur la finalité de ces transferts, se pose le problème de la compensation financière de l'État.

En effet, durant la phase de préparation et de négociation de l'accord de Nouméa, il a toujours été affirmé par l'État – et c'est ainsi que l'ont compris les Calédoniens – que les transferts de compétences seraient accompagnés d'une compensation financière, évitant ainsi à la Nouvelle-Calédonie d'avoir à supporter le coût de ces compétences nouvellement transférées, souvent particulièrement élevé. Cela est clairement précisé dans l'accord de Nouméa : « La Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la durée de mise en oeuvre de la nouvelle organisation de l'aide de l'État, en termes d'assistance technique et de formation, et des financements nécessaires pour l'exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social ».

Cette préoccupation des élus calédoniens est d'autant plus forte que le coût des deux enseignements, public et privé, aujourd'hui à la charge de l'État, s'élève à 385 millions d'euros, soit l'équivalent du budget de la Nouvelle-Calédonie net des dotations qu'elle doit reverser aux communes et aux trois provinces. Ce seul transfert de l'enseignement conduirait donc la Nouvelle-Calédonie à voir doubler son budget net. Le nombre des agents exerçant aujourd'hui cette compétence, au nombre de 4 450, viendrait multiplier par cinq les effectifs de la Nouvelle-Calédonie. Les précautions que nous demandons en matière de compensation financière ne relèvent donc pas d'une surenchère, mais bien d'une volonté de voir l'accord de Nouméa, si souvent cité, être appliqué.

Nos craintes sont d'autant plus fondées que nous avons en tête l'exemple de deux compétences transférées par l'État : l'une, la construction des collèges, aux provinces, en 1989 ; l'autre, le contrôle pédagogique de l'enseignement primaire, à la Nouvelle-Calédonie en 2000. Or, pour ces deux compétences, la compensation financière de l'État représente aujourd'hui moins de 60 % du coût total supporté par les collectivités calédoniennes.

Nous avons toutefois noté l'avancée majeure accordée par le Gouvernement, qui a accepté que les personnels des enseignements secondaire public, primaire et secondaire privés fassent l'objet d'une mise à disposition globale et gratuite sans limitation de durée, l'initiative de mettre un terme à cette mise à disposition revenant au Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Les amendements adoptés par la commission des lois – que je remercie pour sa sagesse –, et qui ont donc été repris dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, intègrent une grande partie de nos préoccupations. C'est la raison pour laquelle nous y tenons particulièrement. Je vous demande, mes chers collègues, de bien en comprendre le sens et les motifs. Leur adoption facilitera d'autant le vote par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, qui devrait intervenir, au plus tard, en novembre de cette année.

L'examen de ce projet de loi organique marque une nouvelle étape dans la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa. Le Gouvernement de la République, le Parlement, ainsi que les élus calédoniens, au travers des différentes institutions locales, doivent veiller à ce que cet accord réponde aux attentes des Calédoniens, notamment à ceux qui, majoritairement, souhaitent que la Nouvelle-Calédonie demeure au sein de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Madame la secrétaire d'État, au moment où nous examinons le projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi ordinaire relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances, il est de notre devoir de parlementaires, par-delà les clivages qui peuvent nous séparer, d'interroger l'histoire de ce territoire ultramarin, qui, en l'espace de vingt ans, est passé de la guerre à la paix et de l'institution de la violence au consensus institutionnalisé.

De ce point de vue, les textes soumis à notre approbation peuvent apparaître comme l'aboutissement logique et raisonnable d'un consensus patiemment construit. Toutefois, ils ne sauraient occulter les déchirements tragiques qui ont secoué ce territoire au cours des dernières décennies, au point de causer un profond traumatisme dans l'ensemble des communautés et des sensibilités qui le composent. Comment oublier, en effet, l'embuscade de Hienghène, les événements d'Ouvéa ou la disparition tragique d'un certain nombre de leaders kanaks, qui n'avaient d'autre ambition que d'écrire autrement qu'en lettres de sang l'histoire des luttes de leur peuple ?

En faisant affleurer, dans le débat d'aujourd'hui, le souvenir de ces événements dont chacun mesure la dimension tragique, nous percevons ensemble que le consensus pour la Nouvelle-Calédonie est un combat, davantage qu'un édifice spontanément et à tout jamais équilibré.

Si nous voulons consolider cet édifice et conforter le consensus, si nous voulons que la paix continue à faire son chemin, que le développement économique soit au rendez-vous et que l'autodétermination puisse s'accomplir dans des conditions pacifiées, il nous faudra, à l'occasion de ce débat, être une nouvelle fois un tant soit peu raisonnables.

Pour atteindre cet objectif, il faut, madame la secrétaire d'État, que trois principes simples soient respectés. Le premier de ces principes est celui de la conformité rigoureuse et méticuleuse du texte qui sortira de nos débats, après avoir été amendé, aux accords qui ont établi durablement, au cours des vingt dernières années, l'équilibre subtil de la paix en Nouvelle-Calédonie : des accords passés par Michel Rocard en juin 1988, dits « accords de Matignon », jusqu'aux accords de Nouméa paraphés par Lionel Jospin le 5 mai 1998, en passant par les accords d'Oudinot, qui établissaient en août 1988 le principe d'autodétermination. Ces textes, qui montrent le chemin de la concorde et de la paix, ont fait l'objet de deux référendums, l'un en novembre 1988, l'autre en novembre 1998, qui ont donné de tels fondements démocratiques aux accords conclus qu'il serait aujourd'hui très hasardeux de les remettre en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Le deuxième principe à respecter est celui du lien très étroit entre le principe d'autodétermination, qui doit conduire les Calédoniens à choisir leur avenir pour eux-mêmes, et la question du transfert des compétences, qui ne saurait en aucun cas être retardé. Remettre en cause aujourd'hui le principe de ce transfert – ou, de façon plus insidieuse, subordonner ce dernier à des conditions budgétaires et économiques à ce point exorbitantes qu'il deviendrait impossible – reviendrait à envoyer aux Calédoniens le message du renoncement et du reniement des accords passés, compromettant ainsi les équilibres subtils de la paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Le troisième principe à respecter est celui de la conformité des accords qui résulteront de nos débats à tout le travail effectué au cours des derniers mois, sous l'égide du Gouvernement de François Fillon, qu'il s'agisse du travail du comité de pilotage, placé sous l'autorité du Haut commissaire, des travaux de la mission d'appui qui, sur les transferts de compétences, a dit des choses précises, ou encore de la signature du comité des signataires, qui montre, comme l'ont dit les orateurs de Nouvelle-Calédonie, la dimension sacrée du consensus concernant ces affaires. On ne peut que regretter, d'ailleurs, que le Parlement n'ait pas, au cours des huit dernières années, éprouvé le besoin de s'intéresser davantage à ces questions en créant en son sein des missions d'information qui lui auraient permis d'aller au fond des choses. Il est peut-être également à regretter que le Gouvernement, entre la signature du comité des signataires et le dépôt de ces deux projets de loi devant notre assemblée, n'ait pas conduit d'ultimes négociations et concertations qui auraient permis de donner à ce texte l'ordonnancement solide des beaux jardins à la française.

Madame la secrétaire d'État, si vous acceptez les amendements de René Dosière, nous pourrons voter ce texte, que nous avons lu dans un bel esprit d'ouverture. En revanche, si vous deviez les refuser, c'est la mort dans l'âme que nous nous verrions obligés de voter à l'encontre de ce que nous souhaitons, tant il nous paraît important de faire prévaloir, sur ces sujets, des consensus utiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du présent projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte nous offre l'occasion d'éclairer l'avenir statutaire de chacun de ces territoires.

J'adresse un salut fraternel à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, qui voient l'autonomie de leur pays renforcée dans le respect de leur volonté. Toutefois, pour ma part, je concentrerai mon propos sur l'article 42 du projet de loi organique, consacré à l'instauration du futur département de Mayotte.

Le principe de la transformation de Mayotte en département répond parfaitement à la revendication cinquantenaire de la population locale, exprimée pour la première fois au congrès des notables du 2 novembre 1958 et réitérée inlassablement par la suite, notamment lors de la fameuse consultation populaire du 11 avril 1976…

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

…à l'occasion de laquelle les Mahorais se sont exprimés sur une question non posée, par des bulletins non officiels, en faveur des institutions départementales.

Le projet de loi, déposé à l'époque pour créer le département de Mayotte, fut retiré avant même qu'il ne soit discuté au Parlement et, depuis, les gouvernements successifs n'ont cessé de nous imposer des statuts provisoires de collectivité territoriale, puis de collectivité départementale, dont le dernier n'est autre que celui institué par la loi simple du 11 juillet 2001.

Tirant les conséquences de la consultation référendaire du 29 mars 2009, le gouvernement actuel, à l'initiative du Président de la République, nous invite, à travers l'article 42 du projet de loi organique, à répondre enfin aux aspirations profondes et légitimes de la population de Mayotte. C'est donc la fin des statuts provisoires : s'ouvre désormais le règne durable des institutions de droit commun, se substituant aux habituelles dispositions spécifiques et particulières à Mayotte.

Il reste, néanmoins, que le nouveau statut institutionnel de Mayotte correspond à une collectivité sans précédent dans l'histoire de la République, puisque constituant, pour d'évidentes raisons d'efficacité et d'économie d'échelle, la fusion en une seule et même entité territoriale du régime départemental et des compétences régionales. C'est pourquoi, au-delà du cadre statutaire spécialement prévu au dernier alinéa de l'article 73 de la Constitution, qui est appelé à s'appliquer tant outre-mer que dans l'hexagone, le futur département de Mayotte cumule, conformément aux projets de réforme de la commission Balladur, les attributions pleines et entières d'un département ordinaire et celles, tout aussi ordinaires, d'une région d'outre-mer.

Il importe, dès lors, de relever que cette nouvelle formule institutionnelle instaure un vrai dispositif régional et un complet régime départemental. En somme, il est prévu la création d'un département mouhakaka, c'est-à-dire un département à 100 %, comme le souhaitent ardemment les Mahorais et tel que le dénote la rédaction rectifiée de l'article 42 du projet de loi organique. À cet égard, je tiens à adresser à la commission des lois et au Gouvernement mes remerciements pour avoir accepté, dans un esprit d'ouverture et de dialogue, la reformulation des termes de cet article 42.

Dans ces conditions, c'est le droit commun national qui s'appliquera dorénavant à Mayotte dans tous les domaines d'activité, avec l'avantage qu'il s'agira, non pas d'assimiler notre île à la Corrèze ou à la Guyane, mais plutôt d'assurer le respect de nos spécificités culturelles, notamment par le biais des compétences régionales dorénavant reconnues aux autorités locales.

Il va sans dire qu'il est particulièrement souhaitable que le mode de scrutin applicable pour l'élection des futurs membres de l'assemblée unique de Mayotte comporte une certaine dose de proportionnelle pour assurer une meilleure représentation des principales forces politiques de l'île tout en garantissant une stabilité propice au bon fonctionnement même des institutions locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Madame la secrétaire d'État, l'objectif d'égalité républicaine inscrit dans ce projet de loi organique exige de la population de Mayotte de gros efforts et sacrifices, tant nos handicaps et nos retards sont importants par rapport aux autres départements et régions d'outre-mer. Mais nous sommes prêts à relever ces défis si l'État nous assure son concours pour réaliser les progrès à accomplir, comme cela est annoncé dans le pacte pour la départementalisation de Mayotte.

À cet égard, permettez-moi de rappeler que l'égalité devant l'impôt, valeur fondamentale héritée de la révolution de 1789, restera un vain mot à Mayotte tant que le Gouvernement, qui a le monopole de l'initiative des réformes en matière fiscale et douanière, ne saisira pas l'assemblée territoriale d'un projet d'extension à l'île du régime fiscal et douanier national.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

De même, l'on continuera à sacrifier des générations de jeunes Mahorais tant que le Gouvernement ne poursuivra pas résolument la politique de généralisation et de normalisation de l'éducation nationale à Mayotte. Je ne méconnais pas l'importance des moyens budgétaires déployés dans ce secteur, mais il y a lieu de souligner l'ampleur des efforts restant à accomplir durant les décennies à venir pour rattraper le niveau des départements hexagonaux ou d'outre-mer.

Enfin, il convient d'insister sur le fait que l'enjeu statutaire à Mayotte n'est pas seulement institutionnel, mais plus encore sociétal, puisqu'il s'agit de passer d'un monde sous-développé à un monde moderne, à l'image de la France, avec toute sa vocation universaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Vous comprendrez donc aisément que le fonds de développement économique, social et culturel prévu dans le pacte pour la départementalisation de Mayotte, doit rapidement être concrétisé par un véritable plan de développement propre à favoriser, dans le dialogue et la concertation avec les élus, la transformation de cette île en une véritable région ultrapériphérique de l'Union européenne.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je voterai en faveur de ce projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Apeleto Albert Likuvalu

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues – je salue spécialement mes collègues Pierre Frogier et Gaël Yanno et les remercie de ce qu'ils font pour la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna –, le projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et celle de Mayotte vise, d'une part, à compléter la traduction législative des accords de Nouméa du 5 mai 1998 et, d'autre part, à tirer les conséquences du référendum sur le statut de Mayotte qui s'est tenu le 29 mars dernier.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, ce projet facilite la mise en oeuvre des transferts de compétences prévus par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 et la modernisation de l'organisation institutionnelle de cette collectivité. Il s'agit de préciser les compétences de cette dernière en matière de fiscalité, mais aussi en matière d'enseignement du second degré, de réglementation des appareils à pression, de réglementation des contrats publics, de définition des normes de construction et de réglementation de la distribution énergétique. Sont également concernés la délégation aux provinces des compétences en matière de placement des demandeurs d'emploi, le cadre financier de la compensation des transferts de compétences, notamment en matière d'enseignement. Le texte prévoit de façon explicite l'application de plein droit, avec possibilité d'adaptation, des dispositions législatives nationales dans des domaines nombreux et variés.

Par ailleurs, seraient également applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie les lois portant autorisation de ratifier ou d'approuver les engagements internationaux, les décrets relatifs à la publication de ces traités, ainsi que toute disposition législative ou réglementaire qui « en raison de son objet, aurait vocation à s'appliquer sur tout le territoire de la République ». La consultation du Congrès sur les projets et propositions de foi et sur les projets d'ordonnance est, à ce titre, renforcée.

Le texte proposé précise également les conditions d'intervention de la Nouvelle-Calédonie et des provinces en matière économique.

Ces modifications de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ont été formulées conformément aux souhaits des partenaires calédoniens et des représentants de l'État à Nouméa. Les nouveaux transferts marquent certainement une étape importante dans la perspective du référendum d'autodétermination qui sera organisé entre 2014 et 2018.

Concernant Mayotte, c'est l'article 42 du projet de loi organique qui met en oeuvre la départementalisation de cette collectivité, à compter du prochain renouvellement triennal de son conseil général, avec un statut qui relèvera désormais de l'article 73 de la Constitution. Le texte prévoit qu'il faudra alors parler de « département de Mayotte ».

Il est également à noter que l'article 10 du projet de loi ordinaire procède à la ratification de plusieurs ordonnances, dont certaines concernent Wallis et Futuna – extension et adaptation du code de l'éducation, applicabilité de l'aide juridictionnelle, réglementation des activités privées de sécurité et de la publicité en faveur des armes à feu et de leurs munitions – ou encore Saint-Pierre-et-Miquelon.

Cet article modifie également la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association pour adapter son application en Nouvelle-Calédonie et dans les COM.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, madame la secrétaire d'État, si les évolutions statutaires prévues par le texte semblent être globalement en cohérence avec la volonté de la population et avec les engagements pris par l'État français, il paraît important de rappeler que la situation de la Nouvelle-Calédonie lui est propre et ne peut, ni ne doit, servir d'exemple à l'évolution d'un quelconque autre territoire.

Par ailleurs, il est également important ici de rappeler l'État à ses engagements vis-à-vis de Wallis et Futuna, inscrits dans les accords de Nouméa et restant à décliner dans le cadre de « l'accord particulier entre le Territoire de Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna », avec la co-signature de l'État, tel que prévu à l'article 225 de la loi organique du 19 mars 1999.

Cet accord particulier fut signé le 1er décembre 2003 au ministère de l'outre-mer. Les modalités de son application effective ont été clairement définies. Il a permis une rencontre de la commission de suivi pour la première fois le 27 mars 2009 à Wallis, après plus de cinq ans.

Dans le cadre de cet accord particulier, les mesures nécessaires au développement économique, social et culturel de la collectivité de Wallis et Futuna militent en faveur d'un rattrapage qui doit se faire concomitamment avec l'engagement financier de l'État.

Ainsi, l'accompagnement de l'État permettra aux deux collectivités locales concernées de gérer bilatéralement les politiques publiques liées à l'emploi et à l'immigration, de mieux définir les contours mais également d'améliorer les conditions de séjour des originaires de ces îles résidant en Nouvelle-Calédonie depuis des générations.

Debut de section - PermalienPhoto de Apeleto Albert Likuvalu

C'est donc dans ce contexte particulier qu'il convient de redéfinir les contours de ce dossier majeur, par la mise en place de structures innovantes destinées à améliorer les relations entre les communautés vivant sur le sol calédonien, selon le préambule de l'accord de Nouméa, mais aussi pour aider le territoire de Wallis et Futuna à mieux assumer les nouvelles problématiques liées au changement statutaire de la Nouvelle-Calédonie.

Tout le monde s'accorde à solliciter ardemment l'aide et la solidarité de l'État et de la Nouvelle-Calédonie dans le cadre de cet accord particulier, afin de rechercher des solutions adaptées susceptibles de redonner espoir à une jeunesse qui émigre massivement vers la métropole et, surtout, vers la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les hasards – point d'interrogation ou point d'exclamation ? – de l'histoire et du travail parlementaire sont parfois porteurs de paradoxes. Dans un curieux mouvement inversé, nous allons discuter du développement large de l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie et de la départementalisation de Mayotte. Si la loi organique consacre de nombreux articles à la première de ces collectivités, un seul, mais essentiel, concerne Mayotte. Au-delà des différences, il s'agit toutefois, pour l'une comme pour l'autre, de respecter les engagements pris.

Pour la Nouvelle-Calédonie, nous sommes dans la suite logique de l'évolution institutionnelle voulue depuis vingt ans. Je passerai rapidement sur le contexte des années 80, déjà largement évoqué. Et je retiendrai la raison plutôt que les passions, même s'il n'est pas question ici d'oublier les événements qui s'y sont produits et tout le passé, parfois si lourd de sens et d'émotion. Rappelons-le, le présent est souvent fait du passé, qui éclaire l'avenir.

La raison, ce sont les accords de Matignon, sous la houlette du préfet Christian Blanc, notamment. C'est encore la réforme constitutionnelle adoptée par le congrès, le 20 juillet 1998, qui fonde une organisation constitutionnelle particulière, unique de la Nouvelle-Calédonie dans le titre XIII de la Constitution. C'est l'accord de Nouméa, largement approuvé – faut-il le rappeler ? – par la population. Sans oublier la loi organique de 1999 qui porte le statut actuel de l'archipel.

Comme je le disais en introduction, il s'agit de respecter les engagements pris et de mettre en musique les décisions obtenues par consensus, un consensus qui me paraît important. Au-delà de la polémique sur les dates soulevée par notre collègue Dosière tout à l'heure, il faut s'attarder sur ce consensus, qui doit être salué car il va dans le sens de l'intérêt général et de l'apaisement. Il me semble donc opportun de laisser de côté la dialectique reprise par notre collègue Lecoq qui a employé des propos presque haineux et qui entretiennent en tout cas le ressentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous avez parlé, monsieur Lecoq, de décolonisation, de mépris des Kanaks, comme s'il n'existait qu'un seul peuple sur cet archipel. M. de Rugy a évoqué, quant à lui, des « coups tordus ». Allons, allons, restons calmes et tournons-nous vers l'avenir sans oublier cependant ce qui s'est passé.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il faut se réjouir de l'état d'esprit actuel qui semble apaisé, beaucoup plus serein, et donc propice au dialogue et à une meilleure compréhension des communautés entre elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

La méthode suivie a fait ses preuves. Il est permis peut-être de penser qu'au fond, les rééquilibrages économiques, sociaux, politiques et juridiques se faisant, les communautés – toutes les communautés – ne se tourneront pas de façon irréversible le dos d'ici à une dizaine d'années, au moment de choix cruciaux. La République peut, et doit, trouver les modalités d'un vivre-ensemble renouvelé et modernisé. Ce texte peut nous y aider.

La loi organique dont nous allons débattre dans quelques instants modifie pour une part celle de 1999, assure de nouveaux transferts en droit civil, en droit commercial, par exemple, en organise les modalités, les compensations financières. Je passe sur le contenu exact, nous le reverrons tout à l'heure. J'en retiens une chose : elle préserve les singularités institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie et la volonté clairement affirmée de développer une autonomie de plus en plus grande du territoire, de ce pays sui generis, au droit parfois un peu curieux, dérogatoire à notre droit commun. Je pense à la citoyenneté calédonienne, au droit de vote qui heurte un certain nombre de nos compatriotes. Mais c'est en respectant ces changements conformes aux attentes que nous apaiserons la situation. En tout état de cause, il s'agit d'un changement limité au nécessaire pour préserver les équilibres qui ont été si difficilement atteints. On ne peut donc que souscrire à ces engagements. On ne peut donc qu'être d'accord avec ce texte.

En ce qui concerne Mayotte, l'article 42 de la loi organique est le fruit d'une histoire récente un peu chaotique. Je passerai rapidement sur les sultans batailleurs, évoqués dans cette enceinte voilà quelques mois, sur cette volonté, dès 1841, de vouloir rejoindre le cadre français et sur l'indépendance déclarée unilatéralement par l'archipel des Comores en 1975, pour arriver aux consultations référendaires qui ont largement approuvé le maintien de l'île dans la République – jusqu'à cette consultation du 29 mars 2009. C'est vrai, à Mayotte plus qu'ailleurs, l'appartenance à la France, à la République, avec les valeurs qu'elle fonde, est un combat, un combat permanent. Mais un combat démocratique, ne vous en déplaise, monsieur Lecoq. Car c'est librement, tout à fait librement, que nos compatriotes se sont prononcés, faisant un choix cohérent, clair et définitif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Dans ces conditions, la départementalisation ne doit pas être au rabais parce que la citoyenneté française ne saurait être au rabais, parce qu'il ne saurait y avoir deux catégories de citoyens au sein de la République. Elle doit être entière, complète, totale sans équivoque. Il ne saurait donc y avoir de département au rabais. Mais on peut se réjouir d'avoir un cadre particulier avec l'article 73, un cadre cohérent pour un archipel de 374 kilomètres carrés et un peu moins de 200 000 habitants. La cohérence est aussi financière, fiscale. Elle est également liée au statut de la fonction publique.

Mais comme Paris ne s'est pas fait en un jour, il me semble nécessaire de donner un peu de temps au temps, pour reprendre une expression chère à certains sur les bancs de la gauche. Et ce, non pour farder les choses ou à des fins dilatoires, mais parce que c'est le bon sens, pour ne pas déstructurer la société, pour assurer, en même temps que le développement institutionnel, le développement économique et social de l'ensemble de la société, qui est tout aussi – si ce n'est plus – important. Il ne doit pas y avoir de confusion entre l'égalité républicaine et l'égalitarisme. À Mayotte, il faut aussi tenir compte des spécificités locales, dans le cadre de la République. Alors que nous étudions ensemble les textes concernant la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, on ne peut pas faire fi, pour la seconde, d'un certain nombre des arguments avancés pour la première. Oui, il doit y avoir de l'unité dans la diversité. C'est le sens du texte que nous aurons à approuver. Vous l'aurez compris, madame la secrétaire d'État, je vous rejoindrai très facilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La discussion générale commune est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Mesdames, messieurs, j'ai exposé, dans mon intervention liminaire, les grandes lignes des deux textes qui vous sont soumis. Je n'y reviendrai pas.

Monsieur le rapporteur, vous avez présenté les modifications apportées à ces projets – des textes denses – au cours de leur examen en commission des lois. Elles ont été importantes puisque de nombreux amendements ont été adoptés par votre commission.

Dans leur grande majorité, ces amendements ne soulèvent pas de difficultés pour le Gouvernement. Je suis en effet très sensible aux propositions d'évolution de ces textes, dès lors que celles-ci ne contredisent pas les engagements que le Gouvernement a pris avec ses partenaires, qu'ils soient Mahorais ou Calédoniens.

Au Sénat comme au sein de votre commission, le Gouvernement a été très soucieux des observations des parlementaires ; je vous confirme que j'aurai également ce souci au cours de ce débat.

Conformément à la Constitution, le Gouvernement a saisi le président de votre commission des finances de deux amendements qui lui paraissent relever de l'article 40 de la Constitution. La commission des finances a statué et le Gouvernement vous proposera des amendements qui sont de nature à répondre, j'en suis convaincue, à l'objectif souhaité par nos partenaires calédoniens.

Monsieur le rapporteur, je tiens à saluer le travail que vous avez effectué, dans un temps extrêmement contraint.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Monsieur le député Jean-Paul Lecoq, vous avez soulevé la question du calendrier. Je l'ai dit au début de la discussion générale : les délais qui vous paraissent insuffisants sont liés au fait que nous sommes contraints, d'une part, par les élections provinciales et, d'autre part, par l'adoption par le congrès d'une loi de pays, dans un délai de six mois.

Mais nous avons la volonté de respecter le choix de nos compatriotes ultramarins. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté un texte concernant les Mahorais et le changement de statut. Nous avons également la volonté de faire respecter l'accord de Nouméa.

S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement des protocoles d'accompagnement de l'État, je vous confirme qu'ils sont prêts et qu'ils seront présentés la semaine prochaine au président du Gouvernement et du congrès.

Enfin, concernant la condamnation d'un syndicaliste à laquelle vous avez fait allusion, je n'ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Restreindre le dialogue social au simple comportement d'un individu serait réducteur car l'accord de Matignon est en soi l'exemple de la voie pacifique qui peut se dégager en Nouvelle-Calédonie.

Monsieur Jean-Christophe Lagarde, je vous remercie d'avoir rappelé les efforts accomplis depuis vingt ans pour parvenir au consensus, puis pour consolider les accords de Nouméa. Je vous remercie également d'avoir souligné que le Gouvernement auquel j'appartiens avait permis aux Mahorais d'affirmer fortement leur attachement à la République et de choisir le statut de département.

Pour revenir à la Nouvelle-Calédonie, vous reconnaissez l'importance de l'accord de Nouméa. Comme vous, je salue l'implication des forces politiques calédoniennes dans cet important travail, à l'origine des textes dont nous discutons.

Monsieur le député Pierre Frogier, vous êtes parmi nous, ce soir, le seul qui a signé l'accord de Nouméa, il y a maintenant plus de dix ans. Vous avez donc cette mémoire des discussions engagées à l'époque, et vous avez contribué, avec les autres signataires et avec le Gouvernement, à faire vivre cet accord. Je vous remercie pour le rôle que vous avez joué à cet égard, et je ne doute pas de votre engagement pour le maintien de la stabilité politique du territoire. En 2008 encore, votre rôle a été fondamental dans les travaux qui ont abouti à l'accord politique du 8 décembre, dont nous discutons ce soir la traduction en droit.

À l'issue du comité de pilotage du 17 octobre 2008, vous estimiez que les points d'équilibre avaient été trouvés. Je cite le relevé de conclusions de ce comité : « Les délégations ont fait en sorte que ces transferts ne plongent pas la Nouvelle-Calédonie dans l'inconnu. Le Rassemblement est très heureux d'avoir pu partager ce souci avec tous les signataires. »

L'inconnu, monsieur le député, l'État se refuse à y plonger la Nouvelle-Calédonie. Et, à l'heure actuelle, ce qui nous en protège, c'est l'accord de Nouméa et, plus encore, son inscription dans la Constitution.

Cet accord détermine des échéances, sur lesquelles – et je m'en félicite – nos analyses convergent. Pour l'heure, et c'est une obligation constitutionnelle, l'horizon, ce sont les transferts de compétences. Telle est la priorité du Gouvernement : il ne saurait y avoir d'incertitude sur ce point, et l'État vous accompagnera pour que ces transferts se fassent dans de bonnes conditions. Il me semble, monsieur le député, vous avoir donné quelques garanties lors de la discussion générale.

Ces transferts doivent impérativement intervenir avant 2014. C'est la condition nécessaire pour que les Calédoniens puissent utilement se prononcer sur leur devenir. C'est une étape essentielle dans le calendrier, et le processus ne peut se poursuivre qu'après cette échéance et qu'à partir d'un consensus entre les partenaires de l'accord, vous le savez aussi bien que moi.

Le Gouvernement se tiendra aux côtés des partenaires de l'accord le moment venu, pour réfléchir à une évolution qui se fasse dans l'intérêt des populations. Comme le rappelait le Président de la République lorsqu'il a reçu les élus calédoniens, toutes les communautés sont aujourd'hui contraintes de vivre ensemble sur le même territoire. Sur ce point, nous sommes parfaitement en phase.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Monsieur le député René Dosière, vous avez bien voulu nous dresser l'historique des accords de Matignon et de l'accord de Nouméa. Personne ne saurait contester le rôle décisif des personnes qui ont oeuvré pour aboutir à ces accords, qu'il s'agisse de membres éminents du Gouvernement ou des représentants des deux « légitimités ».

Ces accords, nous nous les sommes tous appropriés. Notre famille politique y a joué un rôle décisif, et il me semble que vous pourriez vous féliciter de la démarche du Gouvernement qui a accompagné les acteurs locaux pour permettre que ces deux projets de loi soient présentés au Parlement.

Concernant la question du transfert de compétences, je veux vous indiquer que le travail a été engagé dès 2006 – et non en 2007 –, puisqu'un groupe de travail a été mis en place dès cette époque. S'agissant de l'organisation du référendum et de l'effectivité des transferts, je ne peux imaginer que ces transferts ne soient pas effectifs à la date fixée, car les partenaires du comité des signataires de l'accord de Nouméa sont avant tout soucieux de parvenir à un consensus qui permette de garantir la stabilité politique sur l'île.

Enfin, monsieur le député, j'ai bien noté vos observations concernant le fonctionnement collégial. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat sur les amendements.

Vous m'avez interrogée sur les protocoles. Je répète qu'ils sont prêts, qu'ils seront signés et présentés dès la semaine prochaine.

Quant aux Kanaks qui ont pu être formés, je vous indique qu'ils sont au nombre d'un millier, grâce au programme « Cadres Avenir ». Si vous souhaitez plus de précisions concernant les emplois qu'ils occupent, nous pourrons vous les fournir ultérieurement.

Monsieur le député François de Rugy, parmi tous les propos que vous avez tenus, je retiendrai simplement votre soutien au processus de l'accord de Nouméa.

Monsieur le député Gaël Yanno, je vous confirme ce que je viens d'indiquer à M. Frogier : l'État sera toujours aux côtés des partenaires de l'accord de Nouméa, pour continuer à réfléchir sur la base d'un consensus qui ne peut venir que du territoire. Dans l'attente, l'accord de Nouméa restera la feuille de route du Gouvernement. C'est très clair, et le Président de la République l'a rappelé le 9 décembre dernier : « Le processus de transfert de compétences n'est en rien synonyme d'abandon. Ce processus doit simplement nous conduire à inventer de nouvelles formes de solidarités. »

C'est bien notre objectif : réussir les transferts de compétences. Cela implique qu'ils soient correctement préparés par l'État et ses partenaires mais également, si la Nouvelle-Calédonie le souhaite, qu'elle puisse avoir recours, une fois le transfert effectué, à l'expertise de l'État. Le projet de loi organique comporte d'ailleurs des dispositions qui affirment cet engagement fondamental de l'État : la réussite des transferts doit se matérialiser dans la qualité des services rendus à nos compatriotes.

Vous soulevez la question de la compensation des transferts et, plus généralement, de l'accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l'État. Cet accompagnement, le Gouvernement l'a retranscrit loyalement : il passe notamment par le financement par l'État des compétences transférées, par l'appui de l'État à la mise à niveau des équipements d'incendie et de secours, par le concours futur à l'exercice des compétences ; je n'en refais pas l'inventaire, mais ces engagements sont clairs. Nous en avons discuté tout au long de l'année 2008, et nous les transcrivons dans ce projet.

Souvenez-vous, monsieur le député, que, lors du comité de pilotage du 13 octobre 2008 à Nouméa, vous aviez soulevé la question de la charge financière à venir. Elle avait été traitée durant toute la semaine par la mission d'appui, avec les partenaires, en comité technique, À l'issue de cette semaine, le 17 octobre 2008, l'ensemble des partenaires actait les scénarios arrêtés. Le 8 décembre, nous nous retrouvions à l'hôtel Matignon pour le VIIe comité des signataires : les scénarios, jusque dans leur volet d'accompagnement, ont été approuvés collectivement.

En aucun cas, le Gouvernement ne saisira l'occasion des transferts pour réaliser des économies au détriment de la Nouvelle-Calédonie, car il reste fortement attaché au développement économique harmonieux de cette collectivité, comme le souhaitent aujourd'hui les Calédoniens qui nous regardent et qui nous écoutent.

Monsieur le député Bernard Cazeneuve, vous avez bien voulu brossé l'histoire douloureuse de la Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement ne souhaite nullement retarder le transfert de compétences, et je vous renvoie aux déclarations du Président de la République et du Premier ministre ces derniers mois.

Monsieur le député Abdoulatifou Aly, l'engagement du Gouvernement à l'égard de la population mahoraise est exprimé clairement par l'article qui fait basculer la collectivité de Mayotte vers un département d'outre-mer. N'ayez aucune inquiétude, la collectivité aura également, comme les Mahorais l'ont décidé, les compétences de la région.

Vous le constatez d'ailleurs, monsieur le député, le Gouvernement a été très fidèle aux termes de la question posée le 29 mars aux Mahorais : ce sont ces termes qui figurent dans le projet de loi organique. Mais l'engagement du Gouvernement ne saurait se limiter à cet acte, et je peux vous confirmer, comme je l'ai indiqué en préalable, que nous avons désormais besoin de textes de tout niveau pour traduire le pacte pour la départementalisation qui vous a été présenté par le Président de la République le 16 décembre dernier.

Je vous rappelle que cette départementalisation sera progressive et adaptée. Ses modalités ont été portées à la connaissance de tous les élus et de la population avant le consultation. Quant au fonds de développement pour Mayotte, il figure dans le pacte de départementalisation.

Nous respecterons nos engagements – je m'y engage personnellement –, car ce pacte constitue la feuille de route du Gouvernement pour les prochains mois. Je veillerai aussi à ce que les élus et les Mahorais soient étroitement associés au processus. C'est la raison pour laquelle nous envoyons dès le mois de septembre une mission à Mayotte, pour examiner notamment les modalités du scrutin.

Monsieur le député Likuvalu, vous avez évoqué la question de l'accord particulier destiné à régler les relations entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna. Vous le savez, le Gouvernement est attaché à l'effectivité de cet accord. Je n'oublie pas en effet l'importance de la communauté wallisienne et futunienne qui vit en Nouvelle-Calédonie.

La commission de suivi de cet accord s'est réunie à Wallis le 27 mars dernier. Des points importants ont été discutés et des décisions prises, concernant notamment la représentation de Wallis et Futuna en Nouvelle-Calédonie ou encore l'appui technique que la Nouvelle-Calédonie peut apporter à Wallis et Futuna dans des domaines très variés, qui relèvent d'ailleurs du champ de compétences des institutions de la Nouvelle-Calédonie.

Le Gouvernement apportera son concours à la pleine réalisation de cet accord, et ses représentants locaux seront bien évidemment présents à la prochaine réunion de la commission de suivi, qui se tiendra en Nouvelle-Calédonie en octobre prochain.

Vous avez par ailleurs évoqué la question du statut de Wallis et Futuna. Je ne méconnais pas le fait que, sur certains aspects, la loi de 1961 mérite des évolutions. Mais le Gouvernement ne peut que constater que les réflexions engagées n'ont pu aboutir à un consensus des responsables locaux, chefs coutumiers et élus. Je le regrette mais en prends acte : le Gouvernement n'imposera pas ses choix aux Wallisiens et aux Futuniens. Il est bien évidemment ouvert à toute discussion, mais c'est avant tout aux responsables de Wallis et Futuna de définir un projet commun pour la réforme statutaire que nombre d'entre vous appelez de vos voeux.

Monsieur le député Philippe Gosselin, le Gouvernement est respectueux des aspirations de nos compatriotes ultramarins, quel que soit le territoire où ils résident.

Vous avez raison de souligner que nos compatriotes mahorais attendaient depuis trop longtemps d'accéder au statut de département d'outre-mer. Le choix a été effectué et le Gouvernement tiendra ses engagements : la départementalisation se fera de manière progressive et adaptée, selon des modalités très précisément décrites par le pacte pour la départementalisation.

L'État, à Mayotte comme en Nouvelle-Calédonie, sera au rendez-vous de ses engagements. Je serai donc particulièrement vigilante à maintenir l'esprit de consensus de l'accord de Nouméa, comme je serai très attentive à l'élaboration des projets de textes concernant Mayotte, qui devront vous être présentés au cours de l'année 2010.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les textes qui vous sont soumis témoignent des trajectoires de deux collectivités d'outre-mer. Chaque trajectoire s'appuie sur une histoire singulière, sur une identité spécifique, sur un rapport propre à la République. Par ces textes, le Gouvernement inscrit, en toute transparence, en toute loyauté, les engagements qu'il a pris avec les populations de ces territoires et leurs représentants. C'est l'honneur de la République d'être fidèle à sa parole et d'être respectueuse des identités et des aspirations de chacun de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant les articles du projet de loi organique dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 14 rectifié .

La parole est à M. René Dosière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cet amendement a pour objet de compléter l'alinéa 6, qui concerne le recensement des populations, par les mots « permettant le recueil de l'appartenance ethnique des personnes. »

En effet, en 2004, à la suite d'une observation du Président de la République formulée de manière semble-t-il impromptue l'année précédente, on a renoncé à la pratique consistant à poser des questions sur l'ethnie des personnes recensées.

Pour cette raison, ce recensement a d'ailleurs été boycotté par une partie de la population, et ses résultats ne sont pas très fiables : nous manquons donc maintenant d'une série statistique permettant de voir comment s'effectue la préservation de l'identité kanak – la plus importante des communautés, même si elle n'est pas la seule. Or cette préservation a été inscrite dans l'accord de Nouméa, et donc constitutionnalisée.

Le recensement de population aura lieu en 2009 ; les statistiques ethniques y ont été réintroduites : c'est une très bonne chose. Mais il vaut mieux garantir qu'à l'avenir, la loi obligera, à chaque recensement de population, à prendre en compte l'appartenance ethnique des personnes.

Il est bien évident que cette disposition ne saurait concerner que la Nouvelle-Calédonie, compte tenu de la constitutionnalisation de l'accord de Nouméa, et qu'elle ne peut s'appliquer à d'autres parties du territoire français.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Avis défavorable : par rapport à la rédaction proposée par le Gouvernement, beaucoup plus large, l'amendement est réducteur.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

J'ai quelque difficulté à comprendre les réponses tant de la commission que du Gouvernement.

Dans la première version de l'amendement, j'avais proposé de reprendre la formulation de l'accord de Nouméa : « permettant la préservation de l'identité kanak. » Cela voulait dire la même chose, et avait le mérite de la simplicité, dans la mesure où cette rédaction a été constitutionnalisée.

Toutefois, on m'a fait remarquer qu'en Nouvelle-Calédonie, il n'y avait pas que des Kanaks – c'est vrai, même s'ils représentent 40 % de la population !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

58 % des Néo-Calédoniens ne sont pas kanaks.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

J'ai donc rectifié mon amendement et usé d'une formule plus large, qui fait référence à l'ensemble des communautés. On me dit maintenant que c'est réducteur : j'aimerais comprendre.

(L'amendement n° 14 rectifié n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 2, je suis saisie d'un amendement n° 77 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

L'amendement n° 77 vise à reconnaître la compétence du congrès en matière de consommation et de droit de la concentration économique. Répondant à une demande du congrès, cette disposition clarifie l'État de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Il m'aurait paru plus courtois que le Gouvernement fasse parvenir son amendement à la commission plus tôt, mais enfin, la commission n'a pas d'objection à l'encontre de cette disposition.

(L'amendement n° 77 est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 3, je suis saisie d'un amendement n° 65 .

La parole est à M. Gaël Yanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

L'amendement n° 65 tend à différer d'une nouvelle année la prise de décision à la majorité des trois cinquièmes du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour les quatre compétences qui devaient normalement être déplacées de l'article 26 du statut à l'article 27, c'est-à-dire le droit civil, l'état civil, le droit commercial et la sécurité civile.

Le Sénat a proposé que le congrès n'ait pas à prendre position dans les six mois qui suivent les élections de mai 2009, mais dans la deuxième année qui suit l'année des élections, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2011. Nous proposons que cette date limite soit reportée au 31 décembre 2012, afin que le congrès puisse mieux préparer le transfert de ces quatre compétences importantes pour les Calédoniens.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Je comprends l'argumentation de notre collègue mais la commission des lois a émis un avis défavorable parce que, si rien, juridiquement, n'impose un délai de deux ans plutôt que de trois ans pour adopter les lois du pays organisant ces transferts de compétences, le délai de deux ans proposé par le Sénat paraît raisonnable et relativement consensuel. Il s'agit déjà d'un important assouplissement puisque je rappelle qu'au départ, le délai prévu était de six mois seulement. Il ne nous semble pas indispensable de l'allonger encore.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Le Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons mais aussi parce que le Conseil d'État a soulevé le risque d'inconstitutionnalité. Il est préférable de limiter la possibilité de report à deux ans.

(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 66 .

La parole est à M. Gaël Yanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

L'amendement n° 66 propose d'insérer à l'article 3 une disposition de l'article 3 de l'accord de Nouméa. La phrase est la suivante : « Toutefois, le congrès, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, peut modifier les échéanciers prévus au présent article. »

Pour éclairer mes collègues, je voudrais relire cette phrase de l'accord de Nouméa que j'ai déjà citée tout à l'heure dans le cadre de la discussion générale : « Le congrès, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes, pourra demander à modifier l'échéancier prévu des transferts de compétences, à l'exclusion des compétences de caractère régalien. »

L'amendement n° 66 ne propose donc rien de très nouveau : il ne fait qu'insérer, dans la loi organique, une phrase de l'accord de Nouméa.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. J'observe simplement qu'il me semble contraire à la hiérarchie des normes et donc comporte un risque d'inconstitutionnalité. S'il était adopté, une délibération du congrès primerait sur les dispositions de la loi organique.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Je rappelle que cette phrase est extraite de l'accord de Nouméa et que normalement, la loi organique doit être la traduction législative de l'accord de Nouméa.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

C'est justement parce que la loi organique, dont j'ai été le rapporteur, a prévu, dans ses articles 21, aliéna 3, et 27, un échéancier, qu'elle a traduit beaucoup plus précisément, sur le plan législatif, l'accord de Nouméa. D'ailleurs, l'article 77 de la Constitution dispose bien que la loi organique devra traduire cet accord de Nouméa. Je pense que la formulation s'appliquera à l'article 27.

J'ai vraiment le sentiment, quand j'entends notre collègue Yanno défendre son amendement précédent ou celui-ci, qu'il avance à reculons vers les transferts de compétences. Certains de ces transferts auraient dû être effectués en 2004. Ils ne l'ont pas été parce que notre collègue Frogier, président du gouvernement avant 2004, n'avait pas préparé ces transferts.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Oh ! Ça suffit ! D'abord, qu'est-ce que vous en savez ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il y a bien un responsable. Ce n'est pas méchant ce que je dis, je fais simplement un peu d'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Cela fait trois fois que vous me mettez en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

En tout cas, ce sont les personnes qui étaient en place en 2004 qui m'ont dit qu'elles ne pouvaient pas procéder aux transferts parce que rien n'était prêt. Et on voit bien que, pour certains, il faut repousser un peu les délais. Mais enfin, il y a des limites ! Des transferts sont bien prévus dans la loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Je ne veux pas polémiquer avec mon collègue Dosière, je lui rappellerai simplement qu'il était prévu la possibilité, pour la Nouvelle-Calédonie, de procéder à des transferts de compétences dans les six mois qui suivaient les élections de mai 2004, il y a cinq ans. Donc, le congrès avait tout loisir de délibérer. Citez-moi une intervention d'un groupe politique du congrès demandant, pendant ce délai de six mois, de mai à novembre 2004, un débat pour discuter du transfert de compétences ? Aucun groupe politique, indépendantiste ou non, n'a demandé un tel débat. C'est bien la preuve qu'il y avait un consensus pour considérer qu'il était trop tôt pour discuter des transferts de compétences. Aujourd'hui, vous voudriez rejeter la faute sur untel, sur le Gouvernement de la République, sur le gouvernement de Pierre Frogier… Mais ce sont tous les membres du congrès qui, unanimement, n'ont pas souhaité procéder à un tel transfert !

(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. René Dosière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il s'agit de compléter l'alinéa 5 de l'article 3, qui prévoit une aide du Gouvernement pour assurer les transferts, en précisant que cette aide qui sera apportée par convention concernera également les transferts éventuels qui sont envisagés à l'article 27. Le but est d'éviter de se retrouver dans la situation d'aujourd'hui, où l'on constate, au moment de réaliser les transferts, qu'on n'est pas prêt. Il vaut mieux s'y prendre d'avance. C'est presque un principe de précaution.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

Malgré ce principe de précaution, la commission est défavorable. Un tel concours en effet n'a été prévu par le comité des signataires de l'accord de Nouméa que pour les compétences relatives au droit civil, à l'état civil, à la sécurité civile et au droit commercial.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Avis défavorable.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 3 bis, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 67 rectifié .

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n°16 .

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je suis très heureux d'avoir déposé un amendement identique à celui de mon collègue Yanno. Cela montre que le consensus aussi peut régner à l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Un début de consensus ! Il y a encore du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Nous proposons de rétablir un article que la commission, peut-être de façon un peu précipitée, a repoussé et qui permet à la Nouvelle-Calédonie d'être consultée sur les programmes de l'enseignement du second degré après le transfert de compétences. Pour deux raisons.

D'une part, parce que certaines modifications dans les programmes peuvent occasionner des charges supplémentaires. Il faut pouvoir en prendre acte, il faut que le congrès puisse l'exprimer.

D'autre part, parce que les programmes doivent être parfaitement adaptés à la Nouvelle-Calédonie. S'il venait à l'idée de quelqu'un de réintroduire dans les programmes l'expression : « nos ancêtres les Gaulois », il faut qu'on puisse lui faire observer que cette formulation – qui a été abandonnée d'ailleurs il y a une quarantaine d'années – n'est pas très adaptée à la Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Gaël Yanno, pour soutenir l'amendement n° 67 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Les Calédoniens sont particulièrement attachés à l'application, notamment dans le secondaire, des programmes nationaux, mais ils souhaitent également que ces programmes puissent faire l'objet d'une consultation de la Nouvelle-Calédonie sans d'ailleurs que cela préjuge de la décision du Gouvernement, qui en tiendra compte ou non.

La rédaction qui avait été proposée par la commission des lois du Sénat ne nous convenait pas mais celle qui été votée en séance publique par le Sénat nous satisfait. Je regrette un peu que notre commission des lois, cela dit avec tout le respect que je dois à son rapporteur et à son président, ait décidé, peut-être rapidement, de supprimer cet article 3 bis.

De toute façon, je pense que l'État devra consulter la Nouvelle-Calédonie sur ces programmes. Je crois donc que l'adoption de cet amendement ne porterait pas à conséquence.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Quentin

La commission a un avis un peu balancé. Nous avons en effet rendu un avis défavorable parce que prévoir une consultation systématique de la Nouvelle-Calédonie sur le contenu des programmes scolaires nous semble extrêmement lourd et surtout incohérent avec le maintien de leur maîtrise par l'État, mais, en même temps, la consultation ponctuelle sur des adaptations nous semble pouvoir être acceptée. Je note au passage que nous sortons ici du cadre de l'accord de Nouméa, qui n'avait rien prévu de tel.

Donc, non à une consultation systématique, oui à une consultation ponctuelle sur des adaptations.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Ces adaptations de programmes sont effectivement prévues, monsieur le député, dans le cadre de la loi organique. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité et que l'article 3 bis est ainsi rétabli.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 17 , qui tend à supprimer l'article 5.

La parole est à M. René Dosière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Supprimer l'article 5, qui prévoit leur participation au financement de l'établissement public d'incendie et de secours, permettrait à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces de réaliser des économies.

Plus sérieusement, le problème soulevé par cet amendement d'appel est plus vaste. Je souhaite en effet que le Gouvernement nous fournisse quelques explications sur l'organisation de la sécurité civile en Calédonie.

Le transfert de compétence, prévu dès 1999, a abouti à une ordonnance de février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, laquelle a été ratifiée en février 2007. Sur place, cependant, il apparaît que la sécurité civile est balbutiante ou, pour reprendre un mot qui a été utilisé lors de la réunion de la commission des lois, virtuelle.

Puisque cette compétence doit être transférée, il est souhaitable que le Gouvernement nous dise exactement où nous en sommes. Devant la commission, Mme la secrétaire d'État a mentionné l'existence d'un conseil d'administration, dont les élus calédoniens nous assurent qu'il n'existe que sur le papier. Quelles compétences le Gouvernement envisage-t-il donc de transférer dans ce domaine et dans quels délais ?

Je rappelle qu'il y a trois ans, lorsque des incendies importants se sont déclarés en Nouvelle-Calédonie, les services calédoniens n'ont pas été en mesure de les éteindre. Ils ont heureusement reçu le secours de l'armée et l'aide des gouvernements australien et néo-zélandais.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 17 et présenter l'amendement n° 69 .

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, secrétaire d'état chargée de l'outre-mer

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 17 .

L'État ne contribue pas directement au financement du SDIS. Il faut en effet distinguer sécurité civile et gestion des établissements publics de secours. Cependant, compte tenu de l'insuffisance des équipements de la Nouvelle-Calédonie, l'amendement n° 69 vise à préciser que l'État participera au financement de l'établissement public d'incendie et de secours à hauteur de 5 millions d'euros sur cinq ans.

(L'amendement n° 17 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 69 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Yanno, je vous donne la parole pour soutenir l'amendement n° 50 , que le président de la commission vous a invité à retirer.

Je précise que l'amendement ne peut être adopté que si le Gouvernement lève le gage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Je retire l'amendement.

(L'amendement n° 50 est retiré.)

(L'article 5, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma