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Intervention de René Dosière

Réunion du 20 juillet 2009 à 16h00
Évolution institutionnelle de la nouvelle-calédonie et de mayotte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

La deuxième disposition exceptionnelle, d'ailleurs méconnue de nos concitoyens, tient à ce qu'en Nouvelle-Calédonie, le Congrès vote des lois, tout comme l'Assemblée nationale. C'est l'unique portion de territoire, hors la métropole, qui ait l'autorité pour voter des lois, le Conseil constitutionnel étant seul habilité à les valider, tout comme il le fait pour les lois votées par l'Assemblée nationale. Je n'irai pas jusqu'à dire que la France est devenue de ce fait un État fédéral, mais c'est tout de même, pour une République qui était aussi centralisée et unitaire que la nôtre, une disposition assez extraordinaire.

Ces lois sont appelées « lois du pays » et leur vote exige des majorités importantes, pour que le consensus auquel a fait référence Pierre Frogier soit respecté.

Troisième disposition étonnante : une méthode de gouvernement reposant sur le dialogue et la collégialité, ou, comme je le disais tout à l'heure, sur le pacific way, expression utilisée dans le Pacifique Sud. Je veux parler de l'élection du gouvernement à la proportionnelle. Il ne s'agit pas de cohabitation, parce que ce sont les électeurs qui imposent la cohabitation – on la vu ! Dans un gouvernement élu à la proportionnelle, toutes les forces politiques, sous réserve des règles de majorité suffisante, sont représentées. Un tel gouvernement est obligé de gouverner au consensus, parce que les « membres du gouvernement » – contrairement à ce qui prévaut dans d'autres territoires, l'appellation de « ministre » n'a pas été retenue – disposent d'un droit de contreseing : tout membre du gouvernement peut, en refusant d'apposer son contreseing, faire obstacle à la volonté de la majorité.

Madame la secrétaire d'État, certaines dispositions que vous nous présentez constituent des accrocs à ce consensus et permettent de contourner la collégialité. Le groupe SRC présentera donc deux amendements pour préserver le consensus dans le fonctionnement du gouvernement. La réponse qui y sera apportée déterminera notre vote sur le texte, car nous ne pouvons accepter que soit remis en cause le fonctionnement collégial du gouvernement.

Si ce fonctionnement n'est pas simple – nous en aurions une idée plus claire si des membres de l'Assemblée avaient pu se rendre sur place pour voir comment les choses se passent, mais c'est ce que les acteurs locaux nous disent –, c'est toutefois la règle de l'accord de Nouméa. C'est ce qui a été constitutionnalisé, et il ne convient pas de revenir dessus au détour d'une disposition conjoncturelle ou circonstancielle.

Quatrième disposition tout à fait originale : une priorité liée à la citoyenneté pour l'emploi local. Le citoyen néo-calédonien est prioritaire. Nous proposons de compléter cette disposition par un amendement qui précise que cette priorité s'applique aux concubins et aux conjoints pacsés. Si ma mémoire est bonne, le PACS n'existait pas au moment où la loi organique a été votée ; il n'était en tout pas applicable en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, les transferts de compétences ont ceci de particulier qu'ils sont irréversibles. C'est même constitutionnalisé : une fois la compétence transférée, aucun gouvernement ne peut revenir en arrière, contrairement à la règle prévalant en métropole en la matière.

C'est un point suffisamment important pour que le Premier ministre François Fillon ait cru bon d'affirmer, en 2007, que ces transferts étaient les véritables moteurs du processus de l'accord de Nouméa, sans lesquels ni la lettre ni l'esprit ne seraient respectés. Notre collègue Gaël Yanno, en commission, a pris ses distances avec les paroles du Premier ministre ; de son point de vue, les transferts de compétences ne constituent nullement le moteur du processus. Pour ma part, j'adhère pleinement aux propos du Premier ministre.

Cela revient à dire que ces transferts, contrairement à ce qu'a laissé entendre Pierre Frogier, ne sont pas du tout facultatifs. Un calendrier est prévu. Tout d'abord, un certain nombre de compétences ont été transférées dès le vote de l'accord de Nouméa. Il n'y a d'ailleurs pas eu besoin d'études préalables pour ce faire. En outre, le texte prévoit que d'autres transferts pourront intervenir, d'une part, à partir de 2004 – pour les compétences dont la liste est fixée à l'article 21, alinéa 3 – et, d'autre part, à partir de 2009 – pour les compétences dont la liste figure à l'article 27 et qui pourront être transférées si le Congrès le demande.

Il existe donc deux types de compétences : celles figurant à l'article 21, qui doivent être demandées et votées par le biais d'une loi du pays avec une majorité des trois cinquièmes, c'est-à-dire que leur adoption doit reposer sur le consensus, et les autres, qui relèvent de dispositions différentes et peuvent être demandées ultérieurement.

Je pense que le Gouvernement a eu raison de suivre l'avis du Conseil d'État lorsque celui-ci lui a fait remarquer que la distinction entre les transferts était constitutionnalisée, et que vouloir mélanger les deux, sous des prétextes que je considère, pour ma part, fallacieux, était prendre un risque. Dans sa grande sagesse, le Conseil d'État a su trouver la solution, en indiquant qu'il suffisait de maintenir le cadre constitutionnel tout en jouant sur les délais.

On nous rétorque que le comité des signataires avait approuvé ce transfert. La belle affaire, quand on voit la manière dont a été conduite l'étude sur les transferts ! Un certain nombre d'experts, de la compétence desquels je ne doute pas, sont venus expliquer aux Néo-Calédoniens que tout cela était très compliqué, qu'il fallait prendre le temps, que si l'on ne précisait pas les choses davantage, la foudre allait s'abattre sur la Nouvelle-Calédonie, qu'il ne serait plus possible d'écrire le droit civil… Je note au passage, madame la secrétaire d'État, que l'on n'a pas pris tant de précautions lorsque le droit civil a été transféré à la Polynésie ; il est vrai que M. Flosse l'exigeait et qu'il n'était donc pas indiqué de chercher des complications. (Exclamations sur le banc de la commission.)

Alors que l'on expliquait aux Néo-Calédoniens que l'affaire était compliquée et qu'il fallait prendre du temps, le souci de ces derniers était que les transferts aient lieu. Quand il leur a été dit, alors, qu'une solution était possible, ils ont fait confiance. Je note toutefois que certains d'entre eux, en particulier les gens du FLNKS, comme Paul Néaoutyine, ont fait remarquer que cela n'était peut-être pas aussi simple. Le Conseil d'État s'est finalement rallié à cette interprétation, et je pense que c'est une bonne chose.

Dans ces conditions, madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous éclairiez notre lanterne sur plusieurs points, en répondant aux questions suivantes.

Pouvez-vous nous dire, tout d'abord, pourquoi l'on a attendu 2007 pour véritablement commencer à réfléchir aux transferts de compétences et engager les discussions, c'est-à-dire pour engager le processus qui s'est achevé par l'accord du 8 décembre 2008 ? Je dis 2007 parce que ce qui a été évoqué en 2006, ce sont davantage des adaptations concernant les autres domaines de la loi organique plutôt que les transferts eux-mêmes. Je me trompe peut-être ; en tout cas, vous nous rassurerez en nous expliquant pourquoi les choses ont tant tardé.

Vous me direz, mes chers collègues, que c'est du passé, mais d'autres transferts doivent intervenir à l'avenir. Si je souhaite savoir pourquoi l'on a tant tardé, c'est pour éviter que l'on tarde encore et que l'on rencontre les mêmes difficultés.

Précisément, madame la secrétaire d'État, ma deuxième question porte encore sur les transferts. Pouvez-vous nous confirmer qu'ils se feront tous – ceux prévus au III de l'article 21 et à l'article 27 de la loi organique de 1999 – avant le référendum qui devrait avoir lieu, selon le calendrier prévu, en 2018 ? Tout à l'heure, Pierre Frogier semblait dire : « Nous voulons bien des transferts, mais il faut que nous soyons d'accord. » Certes, il est préférable, et même souhaitable, de préserver le consensus, mais il existe tout de même un texte constitutionnel sur le sujet : on ne peut pas jouer avec la Constitution ! Alors, madame la secrétaire d'État, les transferts prévus par la loi organique sont-ils, en quelque sorte, facultatifs ? Dépendent-ils du bon vouloir et de l'initiative des signataires ? Ces derniers peuvent-ils choisir d'exercer telle ou telle compétence, s'ils sont d'accord, et d'écarter telle autre ?

Pour ma part, j'estime que la consultation finale, le référendum sur l'émancipation, ne porte que sur les compétences régaliennes, comme la justice ou la police, ce qui implique bien que toutes les autres compétences auront été préalablement transférées. Telle est, en tout cas, ma lecture de l'accord de Nouméa.

Ma troisième question porte sur l'éventualité qu'au Congrès, au mois de novembre – ou dans deux ans, pour les compétences dont le transfert est reporté –, la majorité des trois cinquièmes requise ne soit pas atteinte. Dans ce cas, que compte faire le Gouvernement ? Décidera-t-il que, de toute façon, le transfert se fera, puisqu'il est prévu dans l'accord de Nouméa ? Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous apporter des précisions sur ce point à la représentation nationale, mais aussi à tous les Calédoniens. Certains sont d'ailleurs dans les tribunes – je les salue – mais nombreux sont ceux qui, ne pouvant pas être parmi nous, sont restés à Nouméa, où ils suivent attentivement nos débats et attendent impatiemment vos réponses sur ce point.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer, comme le demandait Jean-Paul Lecoq, que les protocoles d'accompagnement pour faciliter les transferts, qui auraient dû être signés depuis le mois de février, ne le sont toujours pas ? Sont-ils vraiment prêts, comme vous l'avez déjà indiqué ? Quand pourront-ils être signés ?

Bien entendu, parmi les transferts prévus, le plus important concerne l'éducation et la formation. En commission des lois, nos collègues ont exprimé des demandes très fortes afin de ne pas supporter des charges indues. Ils ne nous ont pas dit que la Nouvelle-Calédonie était pauvre : ce n'est pas le cas. Il est vrai que l'État ne dispose pas de ressources importantes, mais, après tout, il a pris des engagements, et nos collègues ont raison de vouloir qu'il les tienne. Même si la fiscalité calédonienne est deux fois inférieure à la fiscalité métropolitaine,…

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