Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 13 février 2012 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • compétitivité
  • taxe
  • transactions

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 4332, 4339, 4338).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Jean Mallot, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mes chers collègues, la commission des finances n'a pas pu achever cet après-midi l'examen des amendements au titre de l'article 88 de notre règlement, pour une raison simple : les députés de ce qu'il faut encore, semble-t-il, appeler la majorité étaient moins nombreux que ceux de l'opposition. Ils ont donc multiplié les suspensions de séance, ce qui a perturbé les travaux de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le président du groupe UMP s'est cru autorisé à faire des déclarations dans les couloirs, en parlant de « combines ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est pourtant une simple question d'arithmétique : lorsque l'on compte davantage de voix contre un texte que de voix pour, il est rejeté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ne faites pas le malin ! Vous feriez mieux de vous taire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Chartier, laissez M. Mallot faire son rappel au règlement : la présidence lui répondra ensuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il s'agit, en outre, d'une faute politique, qui dévalorise le travail de nos commissions.

De la même façon, M. le rapporteur général Gilles Carrez s'est cru autorisé, dans son intervention à la tribune, à établir une distinction entre les députés qui seraient dignes de siéger en commission des finances et les autres. Cette distinction est totalement inadmissible, je tenais à le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

M. Moscovici et M. Hollande étaient-ils là ? On les voit si peu qu'on ne sait même plus s'ils sont membres de la commission des finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur Chartier, vous êtes mauvais perdant. Vous étiez moins nombreux que nous, vous avez perdu : c'est la règle du jeu démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Mallot, vous avez omis d'indiquer sur quel article du règlement portait votre rappel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Sur un article inventé ! C'est leur spécialité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'était naturellement sur le fondement de l'article 88, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Mallot, sans doute auriez-vous voulu indiquer sur quel article vous souhaitiez fonder votre rappel, mais l'émotion vous en a empêché.

A priori, les rappels au règlement concernent les débats qui ont lieu en séance publique. Les déclarations que les uns et les autres font en dehors de l'hémicycle ne me paraissent pas devoir y être commentés. Du reste, jusqu'à preuve du contraire, vous ne manquerez pas de temps de parole ce soir, grâce à la motion de rejet préalable qu'a déposée votre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pouvez-vous indiquer, ma chère collègue, quel article du règlement vise votre intervention, pour que je puisse juger s'il s'agit d'un vrai rappel au règlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je constate qu'il est certaines personnes auxquelles on demande sur quel article se fonde leur rappel, et d'autres auxquelles on ne le demande pas. Mais ce n'est pas grave. Mon rappel s'appuie sur l'article 88, puisque c'est au titre de cet article que la commission des finances a examiné cet après-midi les amendements sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Lors de la réunion de la commission des finances qui s'est tenue la semaine dernière, à l'issue du Conseil des ministres, il n'avait pas été possible d'examiner le texte, puisque les députés membres de la commission n'en disposaient pas. La commission avait donc délibéré à l'aveugle, et le rapporteur général ne me contredira pas sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Drôle de manière de procéder, pour des représentants du peuple, que de délibérer à l'aveugle, sans avoir le texte sous les yeux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…à quelques semaines d'une élection fondamentale pour la démocratie ! Et n'est-il pas pour le moins cavalier d'assimiler à de l'obstruction le fait que des députés siègent dans une réunion que la commission tient, au titre de l'article 88, sur un texte qui aura des répercussions considérables sur le pouvoir d'achat des Français, sur la situation de notre économie et de nos comptes publics ? On le voit, ce ne sont pas les dérives qui ont manqué au cours de cette législature. J'espère que les choses vont bientôt changer. En tout cas, le changement, c'est maintenant, avec François Hollande. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ma chère collègue, je ne sais pas si votre conclusion est inscrite à l'article 88 de notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est dans votre programme, monsieur Mallot ? (Sourires.)

Je me permets simplement de vous dire, madame Mazetier, que vous ne pouvez vous prévaloir de l'article 88 pour faire un rappel au règlement, car il ne concerne pas les débats dans l'hémicycle.

Quoi qu'il en soit, j'ai compris l'intention qui était la vôtre – votre conclusion m'y a aidé – et il me semble qu'il serait plus utile d'entrer maintenant dans le vif de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, sans doute avons-nous commencé l'examen du dernier collectif de la législature, mais je n'en suis pas sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En tout cas, nous ne pouvons pas aborder ce collectif sans revenir sur les cinq années qui ont conduit notre pays dans la situation calamiteuse où il se trouve.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Avec ce collectif budgétaire, dont les principales mesures concernent non plus cette législature, mais la prochaine, vous essayez de faire diversion, pour faire oublier l'écrasante responsabilité de votre gouvernement et du Président Sarkozy dans la situation catastrophique de notre économie. Nous n'aurons de cesse, pendant ce débat, comme pendant la campagne, de vous ramener à votre bilan.

Ce collectif budgétaire, dont la principale mesure est la hausse de la TVA, est une sorte de plan de rigueur. J'ai bien entendu Mme la ministre du budget dire que ce n'en est pas un, puisqu'il ne réduit pas les déficits. C'est donc pire : les mesures qui sont prises sont neutres pour le déficit, mais profondément dépressives pour la croissance économique. Cela a donc tout l'effet d'un plan de rigueur, sans même en avoir l'avantage – la réduction du déficit. Mais heureusement, dans trois mois, les élections permettront sans doute d'éviter cette erreur.

Je vais commencer par votre bilan. Il se résume en quelques mots : une explosion de la dette, une explosion du chômage, un déficit extérieur abyssal qui n'a cessé de se creuser à partir de 2003 alors que la France était en excédent avant cette date, et un pouvoir d'achat du revenu par ménage qui, pour la première fois depuis un quart de siècle, aura baissé en moyenne pendant ces cinq années.

En dix ans, la dette aura doublé. En dix ans, vous aurez accumulé autant de dettes que tous les gouvernements qui vous ont précédés dans l'histoire. De cet endettement, Nicolas Sarkozy porte une responsabilité écrasante, lui qui, dès le début de la législature, a engagé notre pays sur la voie des déficits.

Le 21 septembre 2007, en visite en Corse, François Fillon déclarait : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier. […] Je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Ça ne peut pas durer. » Qu'avait fait ce même Premier ministre deux mois plus tôt, en juillet 2007 ? Alors même que la loi de règlement pour 2006 et le débat d'orientation budgétaire pour 2008 avaient montré que notre pays était dans une situation de déficit important, il avait fait voter par sa majorité un paquet fiscal de 13,7 milliards d'euros – c'était la prévision à l'époque –, aggravant de ce même montant le déficit de notre pays. Et qu'allait faire ce même Premier ministre quelques mois plus tard ? Il allait faire voter un budget pour 2008 maintenant le déficit au même niveau que l'année précédente, alors que tous les pays européens votaient des budgets en réduction. On devait s'apercevoir, dans la loi de règlement qui suivit, que le déficit n'était pas, comme prévu, de 2,3 %, mais de 3,3 % : il était donc excessif.

C'est ce début de mandature qui est à l'origine de la dégradation profonde de notre dette, car il était évident que, après une longue période de croissance – de 2002 au début de 2008, le monde a connu sa période de plus forte croissance, plus de 5 % par an –, il fallait réduire les déficits. C'était d'ailleurs la conclusion de nombreuses interventions dans cette assemblée. Je me souviens pour ma part, lors du débat d'orientation budgétaire de la mi-juillet 2007, avoir dit : « En privilégiant, dès le début de la législature, les cadeaux fiscaux au détriment d'une réduction rapide de la dette et des déficits […], vous courez le risque d'être incapables de faire face à un éventuel ralentissement de l'activité économique mondiale ou européenne. » Je n'étais pas le seul à le dire : une partie du débat de la campagne avait porté sur la nécessité de réduire les déficits.

Si la crise internationale a sa part dans les difficultés de notre pays, l'explosion de la dette et celle du chômage sont très largement la conséquence des politiques qui se sont succédé depuis dix ans et des mesures prises au début du quinquennat Sarkozy. En dix ans de majorité de droite, la dette est passée d'un peu moins de 900 milliards à l'été 2002, à 1 800 milliards à l'été 2012. Mais, plus que l'évolution en valeur, qui dépend notamment de l'inflation, c'est l'augmentation de la dette en pourcentage du PIB qui a un sens et qui mesure le poids réel de la dette publique dans l'économie. Or, en pourcentage du PIB, la dette de la France a doublé en un peu moins de vingt ans.

On a entendu M. le Premier ministre, M. François Baroin ou Mme Valérie Pécresse expliquer que l'État d'endettement de la France était le fruit de trente ans de politique de gauche ou de politique de droite. Cette affirmation mérite qu'on s'y arrête un peu.

En vingt ans, le déficit a doublé en pourcentage du PIB. Lorsque M. Balladur est arrivé aux affaires, au deuxième trimestre 1993, la dette de notre pays était exactement la moitié de ce qu'elle est aujourd'hui : 42,8 % du PIB. Or, en quatre ans, les gouvernements Balladur et Juppé vont la porter, pour la première fois de notre histoire, au-delà de 60 % du PIB. En 1997, au deuxième trimestre, la dette avait déjà dépassé 60 % – 60,4 % précisément. Le gouvernement Jospin l'a ramené en cinq ans à 58,5 % du PIB. Après la réélection de M. Chirac, dès la fin de l'année 2002, la dette avait repassé la barre des 60 % du PIB, pour terminer à 65,7 % en 2007. C'est incontestablement avec Nicolas Sarkozy que sera franchi le triste record de plus de vingt points d'augmentation de la dette en cinq ans.

Un constat résulte de cette énumération.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le doublement de la dette en pourcentage du PIB, en un peu moins de vingt ans, ne résulte que de gouvernements de droite. Autrement dit, mes chers collègues, la dette, c'est la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Une fois de plus ! Et le centre, ce n'est pas mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Si l'on prend une période plus longue – trente ans –, la période qu'évoquait François Fillon dans son discours sur la faillite, le résultat n'est guère modifié. Depuis 1981, la gauche et la droite se sont à peu près partagé le pouvoir : près de quinze ans chacune. Au cours de cette période, la gauche n'a dépassé le critère de 3 % de déficit que trois années seulement sur les quinze où elle a gouverné ; la droite a dépassé ce critère douze années sur seize. Là encore, les déficits excessifs, ce n'est pas la gauche, c'est la droite !

Ma deuxième remarque, c'est que la crise n'est pas la principale responsable de l'endettement.

Sur les 140 milliards de déficit de l'année 2010, seuls 40 milliards, selon la Cour des comptes, résultaient de la crise, c'est-à-dire étaient, comme dit la Cour, de nature conjoncturelle. Le reste, 100 milliards, représentait un déficit structurel, c'est-à-dire celui que la France aurait eu si la croissance était restée égale à la croissance potentielle, autrement dit si la crise n'avait pas eu lieu.

Il suffit d'ailleurs de comparer notre situation à celle de nos voisins allemands pour réaliser que la crise n'est pas la principale cause des difficultés de notre pays.

En 2005, la France et l'Allemagne étaient toutes deux en déficit excessif : plus de 3 % du PIB. Mais, alors que l'Allemagne a profité de la période de croissance qui précédait la crise pour ramener son déficit à zéro en 2007 et 2008…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…la France l'a laissé dériver, abordant la crise en étant déjà en déficit excessif.

La suite en découle. L'Allemagne a autant souffert de la crise que la France, mais tout au long, elle a à peine dépassé la barre des 3 % de déficit. Aujourd'hui, elle est à 1 % quand nous sommes à 5,3 %. Cet écart résulte des politiques qui ont laissé dériver les déficits quand il fallait les réduire.

La dette publique aura augmenté de 350 milliards sous Jacques Chirac et de 550 milliards sous Nicolas Sarkozy. Vous allez m'objecter que ce dernier était Président quand est survenue la crise. Alors, soustrayons les déficits dus à la crise, lesquels sont, selon la Cour des comptes, de l'ordre de 40 milliards par an – au maximum. Enlevons, pendant quatre ans, 40 milliards de déficit : il reste plus de 400 milliards d'augmentation de la dette. Même sans la crise, Nicolas Sarkozy aurait battu un record d'augmentation de la dette. Voilà la réalité des chiffres !

Nicolas Sarkozy aura aussi battu un record en matière de chômage. Là encore, la comparaison avec l'Allemagne permet de relativiser l'effet de la crise. L'Allemagne, qui aborde avec pragmatisme la question du temps de travail, a utilisé tous les instruments à sa disposition pour empêcher la hausse du chômage. S'agissant de la réduction du temps de travail, je rappelle que la durée hebdomadaire moyenne du travail des salariés en France est de 38 heures en France et qu'elle n'est que de 35,5 heures en Allemagne. Surtout, les Allemands ont utilisé ce qu'ils appellent le Kurzarbeit, c'est-à-dire le chômage partiel, qui permet aux salariés de rester dans l'entreprise plutôt que de se retrouver au chômage.

La France, au contraire, s'est payé le luxe, dans cette crise, de subventionner les heures supplémentaires, ce qui n'avait déjà pas grand sens en 2007, mais est devenu une absurdité totale avec l'augmentation du chômage.

Résultat : alors que nos deux pays avaient le même taux de chômage à la veille de la crise, à l'été 2008 – 7,5 % en taux de chômage harmonisé –, le nôtre a atteint 9,8 % à la fin de 2011, contre 5,8 % pour l'Allemagne.

Il est donc possible de traverser la crise sans connaître une explosion du chômage. Si notre pays a connu une explosion du chômage, c'est que toutes vos politiques ont consisté à aggraver la situation dans ce domaine.

La stagnation de l'emploi conjuguée à la quasi-stagnation des salaires aura abouti à ce résultat que c'est le seul quinquennat depuis vingt-cinq ans à avoir connu une baisse du pouvoir d'achat des ménages individuels.

J'ai calculé à partir des données trimestrielles de l'INSEE l'évolution moyenne du pouvoir d'achat du revenu disponible, sous chaque gouvernement. Le pouvoir d'achat moyen d'un ménage augmentait de 0,9 % par an pendant le deuxième quinquennat Chirac, de 2,2 % par an sous la législature Jospin, de 0,3 % sous les gouvernements Balladur et Juppé, et de 1,1 % sous les gouvernements de gauche du second septennat Mitterrand. Un seul quinquennat aura conduit à une baisse du pouvoir d'achat, c'est celui du Nicolas Sarkozy, durant lequel il aura baissé de 0,1 % par an en moyenne.

J'en viens à la compétitivité.

La France connaît aujourd'hui un déficit extérieur sans précédent – selon les instruments de mesure, il s'élève à 70 ou 75 milliards d'euros –, alors qu'elle enregistrait entre 1995 et 2002 des excédents compris entre 20 et 30 milliards d'euros. Si l'Allemagne a 150 milliards d'excédents et la France 75 milliards de déficit, ce n'est pas en raison du niveau des salaires – ils sont identiques dans les deux pays –, ni du temps de travail, puisque les Allemands travaillent moins longtemps que nous, mais d'une politique industrielle qui n'a jamais faibli.

L'absence de politique industrielle en France depuis dix ans laisse béantes les deux grandes faiblesses de notre industrie : tout d'abord, l'écart trop important entre les grandes entreprises, parfaitement insérées dans la mondialisation, et les petites et moyennes entreprises, peu présentes sur les marchés extérieurs ; ensuite, une gamme de produits trop peu sophistiquée, ne reposant pas suffisamment sur l'innovation, ce qui rend les exportateurs français, plus que d'autres, vulnérables aux variations de prix, donc du cours de l'euro, ou à l'évolution des coûts salariaux.

En un mot, le formidable déficit de compétitivité français est d'abord un déficit de stratégie industrielle. C'est pourtant la fausse piste de la TVA dite « sociale » que lance Nicolas Sarkozy à la veille des élections.

Comment le Premier ministre et vous-même, monsieur Baroin, pouvez-vous défendre cette mesure, alors que vous faisiez un tir de barrage contre ce projet quand Jean-François Copé l'a relancé en février 2011 ?

François Fillon faisait valoir qu'il était incohérent d'augmenter la TVA puisque l'Allemagne, après une augmentation de TVA de trois points, avait rattrapé le niveau français : 19 % en Allemagne, contre 19,6 % chez nous.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Je vous expliquerai cela tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous disiez, monsieur Baroin, que, pour avoir un effet sur la compétitivité, il fallait une baisse massive des cotisations et une augmentation massive de la TVA, et vous parliez de cinq points. Vous ajoutiez qu'une telle mesure aurait un effet catastrophique sur la croissance parce que la consommation des ménages était encore, à l'époque, le principal moteur de la croissance.

Xavier Bertrand concluait : « Une hausse de la TVA pour tous les Français n'est certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Par quel mystère une mesure que vous jugiez inefficace quand elle était proposée par M. Copé serait devenue efficace quand elle est reprise par le Président de la République ? Et par quel mystère les craintes que vous aviez quant à son effet dépressif sur la consommation – il y a un an, monsieur Baroin, quand il y avait encore un peu de croissance – auraient-elles disparu en ce début d'année, où le pouvoir d'achat des ménages baisse ?

Instaurer une TVA sociale dans la conjoncture actuelle, c'est cumuler sept erreurs.

Premièrement, vous voulez alléger les cotisations patronales. Deux groupes de pays ont procédé à de telles mesures. Certains pays ont effectivement fait le transfert des cotisations patronales sur la TVA. Vous les avez abondamment cités, encore que l'Allemagne ne soit pas tout à fait dans cette configuration puisque la hausse de la TVA a surtout réussi à réduire son déficit. Le Danemark, quant à lui, l'a fait. Mais ces pays n'ont pas mis en oeuvre la stratégie appliquée progressivement en France, qui a consisté à alléger les cotisations sociales là où c'est le plus efficace, c'est-à-dire au voisinage du SMIC.

Dès lors que ces allégements ont eu lieu et qu'au niveau du salaire minimum, il n'y a pratiquement plus de cotisations patronales, cela n'a aucun sens de continuer une telle politique. L'effet sur l'emploi est quasiment inexistant. Quant à l'effet sur la compétitivité, je vais y venir.

Deuxièmement – et c'est la deuxième erreur –, faut-il, pour jouer sur la compétitivité, matraquer l'ensemble de la consommation des ménages pour renchérir des importations qui n'en représentent que 20 % ? L'idée selon laquelle ce seraient les importations qui paieraient la protection sociale française est absurde : c'est toujours le consommateur français qui paie la TVA. Si la TVA pouvait servir de droit de douane, cela se saurait. Et il est d'ailleurs probable que l'OMC s'en serait préoccupée.

Troisièmement, diminuer les cotisations patronales en reportant la charge sur la TVA, c'est, en réalité, faire baisser le salaire réel. J'ai en tête la présentation qu'a faite de ce sujet le président de la commission des finances.

Quand vous transférez des cotisations sur la TVA, la hausse de la TVA va évidemment faire augmenter les prix. Si les salaires ne suivent pas, il y aura une baisse du pouvoir d'achat des salaires. L'effet sur la compétitivité que vous invoquez, et qui est éventuel, n'aurait lieu que s'il y a baisse du pouvoir d'achat des salaires.

Votre politique, dans la situation actuelle, consiste à faire en sorte que le pouvoir d'achat des salaires baisse. Autrement dit, si vous allez au bout de votre logique, vous allez, comme le suggérait le président de la commission des finances, geler les salaires.

Il n'y a pas de miracle en économie. S'il y a des gains de compétitivité éventuels, c'est parce que vous faites baisser le pouvoir d'achat des salaires, exactement comme le fait une dévaluation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Non, c'est tout à fait cohérent, et je vous conseille d'y réfléchir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quatrièmement, vous vous trompez de cible. Comme les allégements de cotisations sur les bas salaires, le principal secteur bénéficiaire de cette mesure n'est pas l'industrie. Ce sont les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre : services, grande distribution, bâtiment, dont les activités ne sont pas délocalisables.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Avec 13 milliards d'allégements, vous arrosez le sable : seuls 3,3 milliards iront à l'industrie. Nous proposerons, par voie d'amendements, des aides aux PME industrielles et à la relocalisation, qui sont quatre fois moins coûteuses, et surtout, financées par les entreprises et non par les ménages. Car la plus grande absurdité de cette politique de TVA sociale, c'est de transférer aujourd'hui, dans la conjoncture actuelle, des impôts des entreprises aux ménages.

Cinquièmement, le problème de compétitivité français n'est pas un problème de coût du travail. Le coût horaire du travail est identique en France et en Allemagne, notre durée du travail est plus longue et notre productivité plus élevée. Mais nous accusons un retard important en matière de recherche et d'innovation. Vouloir concurrencer les pays à bas salaire, dont les coûts sont plus de dix fois inférieurs aux nôtres, par une mesure comme la TVA sociale est tout simplement absurde : cela revient à sacrifier la consommation pour des gains de compétitivité dérisoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

La cible, c'est l'Europe ! Écoutez ce qu'on vous dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le vrai secret de la compétitivité, c'est l'innovation et, comme en Allemagne, la spécialisation dans les produits haut de gamme.

Sixièmement, cette mesure aggravera encore un peu plus l'injustice de notre fiscalité. Tout le monde sait que la TVA pèse trois fois plus sur les ménages modestes que sur les ménages qui ont des revenus élevés et qui en épargnent une partie importante. De plus, vous ferez payer une seconde fois aux retraités des cotisations qu'ils ont acquittées tout au long de leur vie active.

Enfin, septièmement, alléger l'impôt sur les entreprises pour augmenter massivement l'impôt sur les ménages est la plus sûre façon d'enfoncer notre pays dans la récession.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En ce début d'année 2012, la France est en récession, nous dit l'INSEE dans sa note de conjoncture de décembre, parce que le pouvoir d'achat des ménages baisse. Y ajouter quelques points de hausse de TVA, comme le disait un ministre des finances en mai 2004, c'est casser la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En mai 2004, le ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy, était interrogé par la commission des finances du Sénat. C'est à peu près la seule fois qu'un ministre s'est exprimé sur la TVA sociale en s'appuyant sur les évaluations de ses services. Il est donc intéressant d'écouter ce que Nicolas Sarkozy a alors répondu à Jean Arthuis, président de cette commission et promoteur obstiné de cette TVA. Il disait qu'un point de TVA réduirait la croissance de 0,9 point…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…et qu'en contrepartie, l'allégement de cotisations stimulerait la croissance de 0,4 point. Il expliquait que 0,9 point de croissance en moins et 0,4 point de croissance en plus, cela représentait une perte d'un demi-point de croissance. Donc, selon les explications de Nicolas Sarkozy, un point de TVA sociale, c'était un demi-point de croissance en moins. Il ajoutait : « Il est à craindre qu'une hausse de la TVA, malgré la diminution des charges, ne soit intégralement répercutée sur le prix de vente. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Huit ans plus tard, en proposant l'augmentation de 1,6 point de TVA, il affirmera : « Les Allemands ont augmenté la TVA de trois points, ils n'ont eu aucune augmentation des prix », alors même que la Cour des comptes rappelait que la Bundesbank évaluait à 2,6 % l'augmentation des prix due à cette hausse de trois points de la TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je poserai une question à M. le ministre. Si un point de TVA sociale diminue la croissance d'un demi-point, de combien baissera la croissance avec 1,6 point ? Avec une croissance de 0,5 %, comme vous le prévoyez aujourd'hui, croyez-vous que nous aurons encore une croissance positive si vous ajoutez la TVA sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Je vous poserai une question subsidiaire : en quoi ce qui était inopportun en 2004…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

La présidentielle n'était pas dans deux mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…quand le pouvoir d'achat augmentait encore, serait-il devenu pertinent en 2012 alors que le pouvoir d'achat baisse ?

Parmi tous les arguments en faveur de la TVA sociale, aucun ne tient la route. On retrouve sous d'autres plumes ceux que j'ai mentionnés. M. Alain Madelin a écrit un article, « Le crash-test de la "TVA sociale" », qu'il a publié sur internet. Je vous invite à le lire, cela vous amènera sans doute à réfléchir à ce sujet.

Je dirai un mot sur la taxation des transactions financières. Réalisant le vide sidéral de son bilan en matière de régulation financière, Nicolas Sarkozy a décidé d'instaurer une pseudo-taxe sur les transactions financières pour faire croire à nos concitoyens que le rétablissement d'une sorte d'impôt de bourse, impôt qu'il a supprimé en 2008, pouvait tenir lieu de taxation des transactions financières. Le groupe socialiste est évidemment favorable à une véritable taxation de toutes les transactions financières. Il s'est toujours battu pour cette taxe. J'ai été moi-même rapporteur de la proposition de résolution européenne que nous avons élaborée avec le SPD et déposée le même jour dans notre assemblée et au Bundestag. Mais nous voulons une vraie taxation des transactions financières, pas un bricolage. Pour être efficace, la taxation doit, en effet, concerner l'ensemble des transactions, et notamment tous les produits dérivés, qui sont les plus nocifs et que la taxe a vocation à réduire fortement. S'engager seuls dans cette démarche conduit, comme le propose ce collectif budgétaire, à instaurer une taxe croupion qui est la meilleure façon de faire capoter le projet européen. Si la France se contente, en effet, de rétablir son impôt de bourse ou même de s'aligner sur une taxe plus importante : le droit de timbre – le stamp duty existe depuis trois siècles au Royaume-Uni et rapporte 4 milliards d'euros, donc bien plus que la taxe que vous proposez –, que diront nos collègues anglais ? Ils considéreront qu'il est inutile de parler de taxation des transactions financières, la France s'étant, alors, alignée sur le Royaume-Uni, pays le plus farouchement opposé à une véritable taxation des transactions financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Cette initiative conduit à taxer principalement les transactions au comptant sur les actions, à savoir les instruments financiers les plus utiles au financement de l'économie et les mieux régulés, car échangés sur des marchés réglementés. Il s'agit également des transactions les moins spéculatives, de sorte que l'objectif essentiel de réduction des transactions spéculatives est totalement évacué.

Cette démarche, qui risque de faire capoter une solution européenne, passe à côté de tous les objectifs de la taxe sur les transactions financières : la lutte contre la spéculation, la régulation, le rendement budgétaire. Nous considérons que le sujet mérite mieux qu'une précipitation à des fins de politique intérieure.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Les députés de l'UMP pourraient rester corrects, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Attendez, chers collègues de l'UMP, vous serez peut-être moins satisfaits de me voir arriver à ma conclusion quand vous l'aurez entendue !

En conclusion, les plans de rigueur à répétition, qui enfoncent un peu plus notre pays dans la récession, étaient justifiés au nom du maintien de ce qu'Alain Minc appelait un « trésor national », à savoir le triple A. L'explosion du chômage, de la dette et le creusement abyssal du déficit extérieur, auxquels s'ajoute, comme un point d'orgue, la perte du triple A, signent la faillite d'une politique économique marquée du triple sceau de l'injustice, de l'irresponsabilité et de l'incohérence. Ils signent la faillite d'un Président qui parlait de récompenser le travail et de rétablir le plein-emploi, mais qui n'a récompensé que la rente, laissé exploser le chômage et fait aujourd'hui payer aux plus modestes le coût d'une politique irresponsable de cadeaux fiscaux à crédit aux plus fortunés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Faillite d'un Président qui a tout promis sur la scène internationale et européenne – la fin des paradis fiscaux, la régulation financière, les eurobonds, la taxation des transactions financières –, mais qui n'aura rien tenu et rien obtenu, tentant de faire oublier son bilan calamiteux par un traité européen qui ne règle rien et une taxe croupion sur les transactions financières. Un président qui se livre, à trois mois d'une élection, à une fuite en avant dans une accumulation de mesures aussi aberrantes qu'inefficaces !

Pour toutes ces raisons le groupe socialiste vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Par respect pour M. Muet, qui a déployé effort et énergie pour essayer de convaincre sans vraiment dépasser les frontières de son groupe,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…je tiens juste à apporter deux ou trois précisions afin de nourrir sa réflexion et de lui permettre, peut-être, de revoir sa position.

Nous maintenons, en effet, l'analyse selon laquelle l'augmentation de la TVA de 1,6 point compensée par la baisse des charges patronales de 5,4 % n'aura pas d'impact sur les prix, et ce pour deux raisons. Premièrement, plus de 60 % des produits de consommation ne sont pas impactés par le taux de 19,6 %.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Deuxièmement, l'augmentation des prix à laquelle des entreprises seront certainement appelées à procéder ne concerne que 10 % de la consommation actuelle des ménages. Pour le reste, les entreprises bénéficieront de ce juste équilibre. C'est pourquoi, me semble-t-il, le projet du Gouvernement est bien calibré. Après tout, nous sommes là pour en dire du bien, puisque vous en dites du mal ! La baisse de 5,4 % des cotisations patronales engendrera un effet de seuil qui amortira ce choc.

Vous dites qu'il est curieux de proposer un tel projet dans cette période. Or c'est justement alors que nous observons un ralentissement de l'évolution du coût de la vie que nous devons agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Pourquoi attendez-vous sept mois pour l'appliquer, alors ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Nous étions à plus de 2 % l'an dernier. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une augmentation de 1,7 %. Il n'est pas contestable que les entreprises qui bénéficieront, de surcroît, de cette baisse des charges joueront naturellement sur les prix plutôt en les baissant ou en les maintenant stables pour conserver des parts de marché ou pour en reconquérir. Il y a une logique économique à cela.

Pourquoi est-ce tout à fait différent de la mesure proposée il y a un, deux ou trois ans, y compris par certains dans notre famille politique ? La mesure de l'augmentation sèche de la TVA risquait, en effet, d'avoir un impact sur l'évolution du coût de la vie. Mais il s'agit, aujourd'hui, d'une mesure de transfert du financement de la protection sociale et non d'une mesure de prélèvement supplémentaire. Ce n'est pas une mesure de consolidation budgétaire affectée à la réduction du déficit, mais une mesure qui vise à protéger notre modèle social en redonnant des marges de compétitivité et en allégeant le coût du travail pour nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce que vous dites est compliqué ! Ce n'est pas très clair !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

J'ai donc à nouveau essayé de vous convaincre, monsieur Muet. Je vous demande de poursuivre votre réflexion, de considérer que votre motion est davantage une motion de principe que de procédure et est plus une posture qu'une position de conviction.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Rejoignez le Gouvernement dans la poursuite de ces travaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

L'intervention de Pierre-Alain Muet aura au moins eu l'avantage de déclencher une réaction de votre part, monsieur le ministre, bien que quelque peu poussive, pour justifier les reniements et les retournements ! Il est vrai que, comme Edgar Faure, vous pourriez dire que ce n'est pas vous qui avez tourné, mais que c'est le vent ! Mais le vent vous pousse aujourd'hui vers la défaite, parce que vous n'écoutez pas notre peuple, ses besoins et sa souffrance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pierre-Alain Muet a été très démonstratif. Vous n'avez pas réduit le déficit, vous avez doublé la dette. Depuis que vous êtes au pouvoir, vous avez pris un ensemble de mesures. Quand je dis « vous », c'est un vous collectif, puisqu'il fut un temps, monsieur le ministre, où vous étiez même en réserve de la République, en quelque sorte en pénitence, avant de réintégrer le gouvernement après, certainement, être venu à résipiscence !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quel est aujourd'hui le résultat de la politique que vous menez depuis dix ans ? C'est l'augmentation du chômage et l'aggravation de la misère ! Monsieur le ministre, je vous invite à venir dans ma bonne ville de Montreuil, ou à Bagnolet, et à monter avec moi les escaliers des HLM et à frapper aux portes ! Je vous recommande de venir masqué comme les adeptes d'Anonymous ! En effet, si on vous reconnaît, je ne suis pas sûr que vous serez bien accueilli !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Alors, je ne viendrai pas ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous dis comment faire, parce que je suis là pour vous protéger contre les réactions, qui pourraient être un peu vigoureuses ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En fait, monsieur le ministre, vous avez dynamité le pouvoir d'achat et vous êtes en train de le dynamiter davantage avec l'augmentation de la TVA. Vous dynamitez parallèlement – et je m'en expliquerai tout à l'heure – la protection sociale ; et les vautours sont déjà là, avec leur épuisette, pour ramasser les débris de notre système de protection sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour toutes ces raisons, je suis sûr que nos collègues ne se laisseront pas abuser par votre pratique de la méthode Coué et adhéreront à la motion de notre collègue Pierre-Alain Muet. En tout cas, c'est, pour notre part, ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Nous avons écouté avec attention M. Pierre-Alain Muet théoriser les raisons pour lesquelles l'économie allait mal. On ne peut que s'incliner devant un tel expert qui a théorisé les 35 heures en France ! M. Muet était, je le rappelle, le conseiller chargé de la stratégie économique auprès de M. Lionel Jospin entre 1997 et 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est lui qui a réussi à expliquer aux Français qu'on pouvait gagner plus d'argent en travaillant moins longtemps et en travaillant moins d'heures ! Nous en avons mesuré les résultats !

Les Français ne se sont jamais autant appauvris qu'après les 35 heures, la France ne s'est jamais autant appauvrie qu'après les 35 heures et la chute de la politique industrielle date de 1997, du jour où, avec les 35 heures, vous avez mis fin à l'industrie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la réalité, voilà ce que vous voulez masquer et voilà ce que nous allons dire aux Français au cours des prochains jours.

Comme vous le savez, monsieur Muet, la TVA compétitivité a marché en Allemagne. Le coût du travail a baissé et le taux de chômage est passé de 9,8 % en 2005 à 7,8 % en 2008. Vous avez donné le chiffre de 2008, vous avez simplement oublié de le mettre en perspective. Le nombre de chômeurs en Allemagne est passé de 5 millions à 3,5 millions entre 2007 et 2008. Voilà la réalité. Cela vous gêne parce que cela a marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce qui se passe en Allemagne ne nous gêne pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il faut dire toute la vérité. Être sincère, c'est difficile lorsque l'on est socialiste, vous l'avez prouvé à maintes reprises (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et vous l'avez prouvé une nouvelle fois. Nous ne vous demandons pas d'être impartial, nous savons que vous ne le serez jamais, mais soyez au moins sincère, c'est le minimum que vous devez à la démocratie ou, en tout cas, à la représentation parlementaire.

Pour le reste, vous avez dit beaucoup de contrevérités, mais à cela aussi, vous nous avez habitués.

Vous ne pouvez pas théoriser l'économie comme vous le faites ou, en tout cas, rappelez-vous que la pratique de l'économie est bien différente de la théorie. On ne crée jamais de l'emploi en restant enfermé dans des espaces de professorat. Intéressez-vous à l'économie réelle, à la façon dont on crée la valeur, et on vous écoutera peut-être un jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre, vous nous avez étonnés en faisant des distinctions dans les augmentations de TVA. Vous nous avez expliqué qu'il y avait des augmentations sèches – je ne sais pas trop ce que c'est – et des augmentations de transfert, ce que je peux un peu mieux comprendre. Ce que j'ai compris en tout cas, c'est que, qu'elles soient sèches ou de transfert, ce sont toujours les mêmes qui paient. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez déjà augmenté la TVA. Vous prétendez que 60 % des produits ne seront pas impactés par cette mesure mais vous avez déjà augmenté de 1,5 %, il y a quelques semaines à peine, la TVA d'un grand nombre de produits de première nécessité. C'est ce qui a fait augmenter le prix des billets de train, des tickets de métro…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…ou des abonnements télévisés, et vous vous apprêtez à en mettre une deuxième couche.

Pierre-Alain Muet, sans prétention, a refait l'histoire et pointé les responsabilités de votre majorité. Vous êtes au pouvoir depuis dix ans,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…vous ne pouvez pas essayer de ressouder votre majorité uniquement sur le thème des 35 heures. Il y a trois sujets qui vous rassemblent. Le premier, ce sont les 35 heures, mais qu'avez-vous attendu depuis dix ans pour les supprimer ? Le deuxième, c'est le programme de François Hollande – nous n'y avons pas encore eu droit ce soir. Et le troisième, c'est de taper sur les enseignants et l'éducation nationale.

La majorité, fragilisée, a dû se faire remonter les bretelles, parce que vous êtes présents en nombre ce soir. Vous auriez pu être aussi nombreux en commission pour éviter le couac.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Sans états d'âme et sans prétention, le groupe SRC sera sensible aux arguments excellemment développés par M. Muet et si, par malheur, vous n'adoptez pas cette motion de rejet, nous ne cesserons de vous rappeler toute cette semaine, jour et nuit, l'injustice de la mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vos propos m'ont parfois étonné, monsieur Muet. Reprenons les trois points.

Vous êtes très critique sur la taxe sur les transactions financières. Seriez-vous amnésique ? Vous souvenez-vous d'un vote de vos amis créant un pseudo-machin qui s'appelait une taxe sur les spéculations sur les devises ? Rappelez-moi quel était son taux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Bravo, monsieur Ayrault.

Rien n'est parfait. Certes, et nous le développerons tout à l'heure, la coordination européenne est indispensable au succès d'un tel dispositif, mais de là à avoir la mémoire aussi courte sur les transactions financières, je trouve cela un peu regrettable.

Deuxième point, la TVA compétitivité. J'appartiens à une famille politique qui porte cette idée depuis une quinzaine d'années, j'y reviendrai tout à l'heure longuement. Certains ont pu changer d'avis, mais pas chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous appartenez tout de même à une internationale socialiste. Vous savez ce qui s'est passé en Allemagne. Au Danemark, en 1986, vos amis socialistes ont été associés à la grande réforme du financement de la protection sociale danoise, qui a été un grand succès. Pourquoi les socialistes français sont-ils toujours en contradiction avec leurs collègues socialistes européens ? Expliquez-moi pourquoi ce qui est vrai au Danemark et en Allemagne est faux chez nous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Encore une fois, rien n'est parfait, et j'aurai l'occasion de le redire tout à l'heure. Vous avez partiellement raison sur certains points. Croire qu'une telle mesure n'entraînera aucune inflation est inexact. Mais l'incidence sera très faible, je vous donnerai l'ordre de grandeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il faut travailler un petit peu, monsieur Mallot, avant de dire n'importe quoi.

Là encore, vous péchez par votre excès intellectuel, monsieur Muet.

Dernier point, je ne vais pas refaire l'histoire budgétaire depuis 1981 mais on peut la résumer de façon très simple : la gauche a enfoncé les finances publiques françaises, et le seul reproche que vous pourriez nous faire, et vous auriez raison, c'est que nous n'avons pas été assez courageux pour les redresser assez rapidement. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et bien sûr, les députés UMP quittent l'hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je voudrais d'abord saluer nos collègues de l'UMP, arrivés avec retard, et je félicite Christian Jacob pour son autorité puisqu'il a réussi à mobiliser sa troupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ne vous excitez pas, monsieur Jégo. Le fait que je vous tende le miroir pour vous montrer vos insuffisances…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Jego

Tournez-le vers vous et vous verrez toutes les vôtres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…devrait au contraire vous satisfaire puisque je vous encourage à militer plus ardemment au sein de votre groupe.

Monsieur le ministre, la manière dont le Gouvernement soumet au Parlement ce nouveau plan d'austérité, le troisième en moins d'un an, n'est pas acceptable. Nous n'avons eu que quatre jours pour prendre connaissance d'un texte qui a vocation à revenir sur le fondement de notre protection sociale. À moins de soixante-dix jours de l'échéance présidentielle, aucune urgence ne justifiait un tel texte.

Quant au fond de ce projet de loi de finances rectificative, ce qui choque, c'est le décalage entre votre discours et ce que vivent la grande majorité de nos concitoyens. J'en veux pour preuve la déclaration de Mme Pécresse, mercredi 1er février, dans cet hémicycle : « Jamais un gouvernement n'a autant fait pour les plus fragiles. Nous avons fait un véritable bouclier social ». C'est vrai, jamais le nombre des plus fragiles n'a été autant augmenté.

Une vague de précarité frappe le pays : le chômage touche 5 millions de nos concitoyens, la France compte 8,2 millions de pauvres en 2011, triste record pour votre majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour vous faire descendre de votre tour d'ivoire où vous êtes enfermée depuis maintenant presque cinq ans avec vos amis les repus, les riches et les privilégiés, je vous invite vivement à m'accompagner dans mon département…

Plusieurs députés du groupe UMP. Avec Voynet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…pour rencontrer des habitants de Montreuil et de Bagnolet, dans la cité des Grands Pêchers ou dans le quartier des Coutures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous entendrez la souffrance de nos concitoyens, et le fait que vous émettiez un grand nombre de décibels pour couvrir ma voix me fait plaisir. C'est l'hommage du vice à la vertu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Brard, puisque vous avez la parole et le micro, ne laissez pas couvrir votre voix et poursuivez votre propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous ne pensez pas, monsieur le président, que je vais me laisser faire…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…par des collègues qui veulent bâillonner la voix de la France profonde.

Tous sans exception, qu'ils soient chômeurs, commerçants, ouvriers, employés ou fonctionnaires, vous diront que leur situation n'a fait qu'empirer depuis que vous êtes au pouvoir. Leur pouvoir d'achat a baissé, leurs frais médicaux sont de moins en moins remboursés et leurs services publics n'ont plus les moyens de fonctionner correctement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce nouveau projet de loi de finances rectificative est une ultime gesticulation de la part d'un gouvernement aux abois, visant à poursuivre toujours plus loin la casse du modèle social français. En vous entendant tout à l'heure, monsieur Baroin, je me disais que vous mériteriez d'être capitaine de grand bateau, parce que vous au moins seriez le dernier à quitter le bateau au moment où il coule, alors que certains d'entre vous, mes chers collègues, avaient déjà déserté la passerelle cet après-midi, ne vous en déplaise.

Après la réforme des retraites, après les cadeaux fiscaux qui plombent les comptes de l'État, après la RGPP qui impose le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, vous voulez désormais, à moins de soixante-dix jours de l'élection présidentielle et sans concertation avec les partenaires sociaux, bouleverser le mode de financement de notre protection sociale.

La « TVA sociale », comme vous aimez l'appeler, est en réalité une arnaque de grande ampleur visant à faire financer la protection sociale non plus par les entreprises mais par les consommateurs. En d'autres termes, cela revient à siphonner les caisses de la sécurité sociale. Vous avez exaucé les rêves du MEDEF et de Denis Kessler, son idéologue, qui a dit en 2007, dans la revue Challenges, qu'il fallait sortir de 1945 et défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance.

Les Français ne sont pas des sots, ils ont bien entendu le mot TVA dans votre bouche, ils savent qu'ils vont devoir subir une nouvelle baisse de leur pouvoir d'achat.

En 2007, Nicolas Sarkozy a menti aux Français en leur disant qu'il serait le Président du pouvoir d'achat. Savez-vous de combien a augmenté le coût du panier de la ménagère en 2011, et c'est vrai aussi bien à Montreuil qu'à Provins, monsieur Jacob ? De 4,4 %. Une baguette de pain coûte 95 centimes d'euros alors que, l'année dernière, elle coûtait 90 centimes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vois qu'il y a chez vous des boulangers qui pratiquent le dumping ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais c'est le prix normal aujourd'hui, et vous savez bien pourquoi le prix de la baguette a augmenté ! Il y a dix ans, la baguette coûtait trois francs, c'est-à-dire quarante-six centimes d'euro. Le prix du pain de base a doublé. Cela vous fait rire, madame la ministre, vous vous esclaffez…

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Je souris parce que je vois que vous n'avez jamais eu autant de spectateurs, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Madame la ministre, il vaudrait mieux éviter de l'inciter à digresser !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous vous félicitez, vous aussi, que vos suppôts de l'UMP soient enfin arrivés ! Mais que ne les avez-vous incités à venir dès cet après-midi ? Nous étions seuls, à gauche, à travailler pour le bien de la nation (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), les vôtres avaient déserté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Brard, je m'inquiète du temps de parole qui vous reste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vais continuer à égrener la réalité telle qu'elle est. Autre exemple d'augmentation des prix, les pâtes : en dix ans, le paquet de spaghettis a augmenté de 162 %, passant de soixante-seize centimes d'euro en 2001 à deux euros en 2011.

Les gens qui nous regardent sur leurs écrans, sur internet, auront vu à quel point le fait que l'on rappelle ce qu'il en est des conditions de vie des Français est insupportable aux députés de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Quant à ceux du Nouveau Centre, ils se tiennent cois car ils sentent bien que, s'ils veulent avoir une chance d'être réélus, il ne faut pas trop coller aux fesses de l'UMP !

Pendant que les prix augmentaient, qu'avez-vous fait, madame la ministre, monsieur le ministre, pour le pouvoir d'achat des Français ? Vous l'avez abaissé. Vous avez toujours refusé d'augmenter substantiellement les salaires. Lors de ce quinquennat, le SMIC mensuel n'a augmenté que de 78 euros, soit 9 %. D'après les chiffres de la CGT Finances, l'inflation a été sur la même période de 17 %. Aujourd'hui, le SMIC net est de 1 100 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec 1 100 euros par mois, personne ne peut vivre sans être dans la gêne. C'est à peine plus que le seuil de pauvreté, qui est de 954 euros par mois.

Par pédagogie, je vais vous donner un exemple concret, car tous les jours, comme l'ensemble de nos collègues, je côtoie des gens qui souffrent. Il y en a qui font semblant de ne pas les voir, tandis que d'autres discutent avec eux et les écoutent.

Je vous donnerai l'exemple de Mme Duru, qui vit dans le quartier Le Morillon à Montreuil. À soixante-dix ans, sa retraite ne lui suffisant pas, elle a été obligée de retrouver un travail. Voici ce qu'elle doit dépenser : six cents euros pour le loyer, soixante-sept euros pour le gaz et l'électricité s'il ne fait pas trop froid, quatre-vingt euros pour la mutuelle, et cela va augmenter cette année à cause de vous et de la façon dont vous avez taxé les mutuelles, soixante-dix euros pour ses différentes assurances, cent cinquante euros pour l'essence car elle travaille, à son âge, comme livreuse de journaux et doit donc utiliser sa voiture tous les jours, et, enfin, trente-trois euros pour le téléphone. Au total, 1 052 euros de dépenses ; il ne lui reste que 162 euros pour se nourrir et tenir le reste du mois. Est-ce vivre ou survivre ? Pour y arriver, elle doit parfois s'endetter.

Par contre, ceux que vous servez avec zèle et abnégation, les tenants du capital…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et les privilégiés s'en sont mis plein les poches grâce à vous. Le grand capital, nous rappelle Charles-Amédée de Courson, et il sait de quoi il parle ! (Rires.) En 2011, les profits des entreprises du CAC 40 ont atteint la somme faramineuse de 86 milliards d'euros. La moitié de ces 86 milliards a été distribuée aux actionnaires. Les travailleurs, ceux qui se lèvent tôt…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas le cas des députés UMP, qui n'arrivent pas à être en commission à dix-sept heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et qui travaillent dur, comme disait Nicolas Sarkozy quand il voulait piper leurs voix, n'en ont pas vu la couleur.

Grâce à des niches fiscales, comme la niche Copé qui coûte 5 milliards d'euros par an à l'État, les entreprises du CAC 40, qui réalisent des bénéfices record, sont assujetties à un taux d'imposition moyen de 7 %, alors que les très petites entreprises et les PME le sont au taux de 33 %. Pire, l'entreprise Total, par exemple, a réalisé un résultat net de 10 milliards d'euros en 2010 et n'a pas payé un centime d'euro d'impôt au fisc. En 2011, son résultat net serait de 12 milliards d'euros et Total ne paierait que 1,2 milliard d'euros d'impôt, soit un taux d'imposition de 10 %.

Vous avez également multiplié les cadeaux fiscaux pour les plus riches. Contrairement au bouclier social, le bouclier fiscal, lui, a bel et bien existé ! Vous l'avez traîné comme un boulet pendant quatre ans. En juin dernier, vous avez fait mine de le supprimer mais, en réalité, vous l'avez habilement remplacé par la réforme de l'ISF. Celle-ci nous fait perdre chaque année 1,8 milliard d'euros, qui vont directement dans la poche des nantis. Cela permet à madame Bettencourt, par exemple (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP),…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…qui doit 100 millions d'euros au fisc, je tenais à vous le rappeler, de ne payer que 10 millions d'impôts cette année, contre 42 millions l'année dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame Pécresse, vos oreilles finissent par être écorchées, car je crois que c'est aujourd'hui la trentième fois que je vous en parle, mais vous vous en êtes toujours sortie jusqu'à présent en invoquant le secret fiscal. C'est quand même bizarre comme le secret, la confidentialité protègent les privilégiés, alors que les autres peuvent être passés aux rayons X dès lors que vous le décidez !

Que fait le Gouvernement face aux bénéfices incroyables de la Bourse ? Pas grand-chose, même s'il se vante de vouloir enfin faire adopter une taxe Tobin à la française, au terme de cinq années de pouvoir, alors que les monstres ou les requins de la finance… – madame Pécresse, ne me regardez pas comme ça : je vois que vous êtes effrayée par l'image que je donne de votre politique, bien qu'elle n'en soit qu'un reflet fidèle !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Jego

Cela fait longtemps que vous ne faites plus peur à personne, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On en reparlera !

Vous avez privilégié ceux qui possèdent les fonds de pension et les traders, qui n'ont pas eu la pudeur d'attendre pour s'en prendre aux finances de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne ou de l'Italie.

La droite nous propose, en guise de taxe Tobin, une usine à gaz législative. La complexité du dispositif, qui fera la joie des cabinets d'avocats fiscalistes chargés de comprendre les subtilités de cette loi, s'explique uniquement par votre volonté de n'appliquer cette taxe qu'à une infime partie des échanges spéculatifs. C'est ce que vous avez oublié de nous dire, tout à l'heure ; certainement était-ce pour ne pas allonger les débats !

C'est ainsi qu'une centaine seulement de titres d'entreprise seront concernés par votre taxe, alors que la France compte 770 entreprises cotées au CAC 40. Monsieur Mancel, vous faites bien de m'écouter avec attention car les ministres n'ont rien dit de cette réalité. Ils veulent tromper l'opinion et faire croire que l'on taxera vraiment les mouvements financiers alors qu'ils ont choisi quelques victimes, qui seront à peine égratignées, pour mieux préserver la quasi-totalité des entreprises concernées.

Cette taxe sur l'acquisition de certaines actions n'est qu'un effet d'annonce. Vous voulez nous faire adopter un mécanisme au rabais. Une telle contribution ne rapportera au pays que 1,1 milliard d'euros par an, alors que le volume des échanges financiers en 2010 a atteint en France, écoutez bien, chers collègues, 146 000 milliards d'euros. Ce n'est pas un horrible gauchiste qui le dit mais votre ami – encore qu'il ait des amitiés changeantes, je le reconnais – Philippe Douste-Blazy (Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe UMP),dans un rapport publié en septembre 2011. Ne le reniez pas, il fait partie des vôtres !

Votre proposition n'est bel et bien qu'un simulacre de taxe Tobin. Je tiens à vous rappeler que la proposition de taxation des transactions financières défendue conjointement le 1er décembre 2011 par les députés du Front de gauche et les députés allemands, nos camarades de Die Linke, permettait d'apporter 15 milliards d'euros de ressources supplémentaires à l'État. Soit 14 milliards d'euros d'écart : la différence est sensible entre une taxe Tobin réelle et un pastiche de cette taxe.

Ce n'est un secret pour personne, Nicolas Sarkozy a les yeux de Chimène pour Angela Merkel : il ne jure que par le modèle allemand.

Un député du groupe UMP. C'est mieux que le modèle soviétique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et cette dernière le lui rend bien, affectueusement, n'hésitant pas à proposer ses services pour chauffer la salle lors des prochains meetings de campagne de Nicolas Sarkozy. Vous voyez Angela Merkel en DJ, pour que ça chauffe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Bur, vous êtes jaloux !

Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée ; nous verrons ce que ça donne.

Quelle est la réalité de ce modèle dont nous sommes censés attendre monts et merveilles ? C'est celui du pays où l'on a créé le moins d'emplois depuis vingt ans. Il est aussi celui où la hausse des inégalités de revenus a été la plus élevée d'Europe ces dernières années, à l'exception de la Bulgarie et de la Roumanie. Celui encore où la part des salaires dans la richesse créée a le plus baissé, où le pourcentage de chômeurs indemnisés a le plus fortement chuté, tout comme la part des investissements dans le produit intérieur brut. Un pays où le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté atteint 17 %, contre 13 % en France. Un pays où 10 % de la population essaye d'aller à la soupe populaire pour se nourrir, d'après le chiffre que le député allemand Thomas Nord, qui était avec nous ce matin dans le groupe de travail franco-allemand, nous a communiqué. Un emploi sur trois n'y est ni à temps plein ni à durée indéterminée, un emploi sur dix est un job payé moins de 400 euros par mois. Le pourcentage des emplois à bas salaire a augmenté de six points, et 2,5 millions de personnes travaillent aujourd'hui, en l'absence de salaire minimum, pour moins de cinq euros de l'heure en moyenne – dans une fourchette de trois à sept euros, en réalité.

Voilà votre Allemagne, celle que vous idéalisez : c'est un jardin d'Éden pour le patronat !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous avez choisi le modèle de l'Allemagne de l'Est et vous ne l'avez jamais renié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Chaque fois que la droite choisit l'Allemagne comme modèle, on sait ce que cela veut dire ! Il y a eu des précédents historiques, ne vous en déplaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est au nom de ce modèle allemand que Nicolas Sarkozy a sommé les organisations syndicales et patronales de conclure sous deux mois ce qu'il appelle des accords de compétitivité-emploi. Il oublie au passage un des principes de base du modèle social allemand : la cogestion. Dans le contexte allemand, ce système favorise la défense des intérêts des salariés dans la gestion quotidienne de leur outil de travail et laisse les organisations syndicales et patronales régler entre elles leurs conflits. Au contraire, Nicolas Sarkozy pose un pistolet sur la tempe des syndicats pour qu'ils parviennent à un accord et, au cas où les syndicats résisteraient aux pressions, il impose sa volonté à une majorité parlementaire docile votant le petit doigt sur la couture du pantalon.

Ce terme de « compétitivité-emploi » est un double mensonge. En ce qui concerne la préservation de l'emploi, la réalité est que les salariés sont obligés de travailler quarante heures payées trente-cinq. C'est le « travailler plus pour gagner moins », sans même que les salariés soient sûrs de conserver leur emploi. Parlez-en aux salariés de l'usine de pneus Continental, qui ont été licenciés brutalement par leur employeur alors qu'ils avaient naïvement accepté de troquer cinq heures de travail supplémentaire non rémunérées contre la promesse d'un maintien de l'emploi.

Le second mensonge est celui de la compétitivité. Les entreprises françaises n'obtiendront pas de nouveaux contrats grâce à ces accords, elles percevront simplement davantage de bénéfices, sur le dos de leurs salariés. Le nom exact que l'on devrait donner à ces conventions, c'est « précarité-emploi », car seul le patronat en bénéficierait.

Mais les mesures de Nicolas Sarkozy ne s'arrêtent pas à cela : Il veut nous imposer un troisième plan d'austérité en six mois. Après l'augmentation du prix des mutuelles et le déremboursement de certains médicaments au mois de septembre, après l'augmentation de la TVA sur les produits de première nécessité en décembre, il ressort un projet datant de cinq ans pour faire adopter en février une nouvelle hausse de la TVA. Cette augmentation va peser sur les budgets des couches moyennes et sur les familles les plus pauvres, ce qui aggravera encore les difficultés qu'elles rencontrent pour boucler leurs fins de mois.

Ainsi, je vais prendre un autre exemple, madame la ministre, monsieur le ministre : Kamel B. et sa femme habitent dans le quartier de la Dhuys à Bagnolet, et ont chaque mois pour vivre 1 892 euros ; l'augmentation de 1,6 point de la TVA va leur coûter 24 euros par mois. Malgré l'addition des différentes dépenses mensuelles – loyer, crédit pour la voiture, budget alimentaire, la mutuelle, le gaz, l'électricité et l'essence –, cette famille parvenait tout de même à économiser en moyenne 50 euros chaque mois, qu'elle conservait pour faire face à d'éventuels coups durs. Le coup dur dorénavant, ce ne sera plus la panne de la machine à laver ou du sèche-linge, mais votre nouvelle hausse de la TVA, qui va les priver de la moitié de l'argent qu'ils économisaient ! Ne trouvez-vous pas qu'il y a une différence sensible entre le petit bas de laine de ce couple de Français moyens de Bagnolet et Mamie Liliane, qui a tellement de milliards d'euros sur son compte en banque qu'elle ne se rappelle plus avoir placé illégalement 100 millions d'euros en Suisse ?

Je vous agace, mes chers collègues de la majorité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et j'en suis fort aise, parce que vous n'aimez pas qu'on rappelle sans cesse que vous êtes les marchepieds des privilégiés, dont vous avez beurré la tartine indécemment depuis cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi alors vous en prenez-vous systématiquement à la France du travail plutôt qu'à celles et ceux qui n'ont d'autres mérites que d'être bien nés ? Vous devez expliquer au peuple de France et à sa représentation pourquoi 85 % de l'effort financier de ce nouveau plan d'austérité est supporté par la France d'en bas et seulement 15 % par les plus riches.

Une chose est certaine : cette TVA usurpe le qualificatif de social. Contrairement aux effets d'annonce, elle ne permettra pas de maintenir ou de créer un seul emploi en France car elle porte atteinte au premier moteur de la croissance : la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Un petit exemple, madame la ministre, monsieur le ministre : si on applique votre nouvelle TVA sur le prix de vente d'une tondeuse à gazon électrique chinoise vendue 100 euros dans le commerce, le nouveau prix de vente sera majoré de 1,60 euro, et si on l'applique à une tondeuse à gazon électrique française de la marque Wolf – peut-être l'utilisez-vous quand vous tondez vos pelouses –, avec les mêmes spécificités techniques que la précédente, vendue 200 euros dans le commerce – mais certainement de meilleure qualité –, le nouveau prix de vente sera majoré de 3,20 euros. Avant la « TVA sociale », l'écart entre la tondeuse chinoise et la tondeuse française était de 100 euros. Après application de votre nouvelle TVA, l'écart de prix aura augmenté, atteignant désormais 101,60 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Madame Pécresse, pouvez-vous m'expliquer en quoi la TVA sociale favorise la compétitivité des entreprises françaises ? Et même si vous réduisiez à néant les cotisations de sécurité sociale, les salariés français produiraient toujours plus cher que les salariés chinois.

Ce qui coûte cher en France, c'est la somme des intérêts versés et des dividendes payés aux actionnaires, que l'on peut appeler non pas le coût du travail mais le coût du capital, qui a été multiplié par treize depuis 1980 ! Mais je sais que, pour vous, ce n'est pas politiquement correct d'évoquer des faits aussi crus, et pourtant trop réels ! Que l'on refasse le calcul de l'impact de la « TVA sociale » sur les cure-dents ou sur les batteries de cuisine, une seule chose est certaine : les produits français n'en tireront aucun avantage de compétitivité.

Monsieur le président, je sais que le temps file, j'en viens donc à la conclusion de mon propos. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Très bien, monsieur Brard. Je vous invite en effet à respecter votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je sais bien, mes chers collègues, que vous aurez ensuite des regrets pour ne pas avoir été suffisamment attentifs parce que, au fond de vous-mêmes, vous savez bien que je dis des vérités désagréables, mais des vérités tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Des choses désagréables, oui. Mais des vérités, non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous verrez, après le mois de juin, quand vos électeurs vous auront rendu du temps pour réfléchir, vous comprendrez combien j'ai eu raison de vous éclairer, et vous aurez cinq ans pour vous faire une nouvelle religion.

La crise du capitalisme nous offre une formidable opportunité de changer la donne. La France a le poids pour impulser un changement profond de fonctionnement en Europe. L'enjeu fondamental est donc de rompre avec ce système et l'idéologie néolibérale qui nous oppriment et non de les rafistoler. Ce système nous opprime car en voulant les assujettir, il prive les peuples de leur souveraineté et les hommes de leur aspiration légitime à vivre dignement. Nous, le Front de gauche, nous disons à nos concitoyens qui nous regardent qu'il n'y a pas de fatalité à la précarité, car la France est un pays riche. Nous irons chercher l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire dans la poche des privilégiés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), chemin que vous n'avez jamais trouvé. À l'exemple du peuple grec qui résiste courageusement face au gouvernement de Lukas Papademos, ancien de Goldman Sachs comme M. Monti et M. Draghi, nous lutterons avec acharnement contre votre politique.

Le SMIC à 1 700 euros et le plafonnement de l'échelle des salaires dans un rapport de un à vingt, c'est possible, il suffit d'avoir le courage politique de le décider. Comme le disent les Grecs qui manifestaient hier : « Ce sera eux ou nous ! » Vous, vous êtes avec les popes et les armateurs ; nous, nous sommes avec les filles et les fils de l'Olympe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – Eh oui, monsieur Giscard d'Estaing ! –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

M. Brard avec les filles de l'Olympe ? À son âge ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…ces enfants de l'Olympe qui honorent notre civilisation et que vous trahissez aujourd'hui en étant solidaires de M. Papademos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Regardez la Grèce : l'Europe, le FMI et la BCE lui ont imposé la semaine dernière une baisse de 284 euros du salaire minimum, le faisant passer de 876 à 592 euros, après la braderie de ses services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vos collègues communistes grecs n'ont pas baissé leurs indemnités, bien au contraire : elles sont supérieures aux nôtres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La réalité, madame la ministre, monsieur le ministre, est que vous avez instrumentalisé la crise. Elle est devenue un prétexte pour imposer au peuple français le même traitement de choc que celui que subit le peuple grec, un prétexte pour effacer soixante-dix ans d'acquis sociaux arrachés de haute lutte aux forces de l'argent.

Lors de ce quinquennat, Nicolas Sarkozy n'a fait que mentir aux Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La Constitution et les valeurs républicaines ont été bafouées comme rarement en France. Les inégalités se sont creusées. Les services publics, « le bien de ceux qui n'ont rien », disait Jaurès, sont de plus en plus attaqués.

Mes chers collègues, il faut remettre durablement l'humain au centre de l'action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur Brard, j'attends la conclusion que vous m'avez annoncée il y a trois minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mes chers collègues, je vous demande de voter notre motion de renvoi en commission afin de renvoyer aux calendes grecques le projet de « TVA sociale » et d'engager un véritable débat sur la répartition des richesses dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le groupe GDR votera évidemment cette motion de renvoi en commission parce que, comme nos concitoyens, nous avons plus qu'un doute par rapport aux promesses du Gouvernement. Madame la ministre, vous avez dit cet après-midi, à propos de l'augmentation de la TVA, que le Gouvernement n'augmente pas les impôts des Français. Mais qu'est-ce que la TVA ? Tout le monde sait que c'est une taxe, un impôt. Vous répondez que c'est vrai, mais que les prix ne vont pas augmenter et qu'on va créer des emplois. Avouez qu'il y a un petit problème car vous placez les Français devant la situation suivante : d'un côté, une certitude, c'est-à-dire qu'une taxe, la TVA, va augmenter, et, de l'autre, deux prévisions – comme la météo –, à savoir la création d'emplois et la stabilité des prix.

S'agissant des emplois qui seraient créés, nous avons l'expérience, et la Cour des comptes l'a confirmé, que les trois quarts des exonérations de cotisations sociales, peut-être même un peu plus, n'ont pas servi à en créer. C'est donc persévérer dans l'erreur. Quant à l'évolution des prix, qu'écrit à ce sujet notre rapporteur général, toujours très prudent, dans son rapport ? C'est assez étonnant : « Enfin, l'impact de la réforme sur l'inflation sera probablement limité. » Il est extrêmement prudent. Le Président de la République, lui, est moins prudent. Mais en définitive, il est de la plus grande honnêteté, puisque, à la question qui lui a été posée sur le choix du 1er octobre 2012 pour appliquer la hausse de TVA, il a répondu : « Cela va inciter nos compatriotes à accroître leurs achats sans attendre ». Cela veut dire que le Président a compris que les prix augmenteront à partir de la hausse de la TVA et que cette perspective allait booster la consommation dans les mois précédents. Y a-t-il meilleure démonstration de ce que la nouvelle mesure va provoquer ? C'est d'ailleurs ce qui c'est passé dans tous les pays où la TVA a augmenté. Ce fut le cas en Allemagne, que vous citez souvent,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…ainsi qu'au Royaume-Uni. J'ai peut-être le droit de prendre trois secondes pour finir mon explication de vote, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Votre intervention aura seulement dépassé de cinquante secondes le temps qui vous était imparti. J'ai été largement tolérant. (Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Ménard

Vu l'enjeu de ce texte pour le pouvoir d'achat, cela méritait bien quelques secondes supplémentaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Chers collègues, vous aurez tout loisir de proposer une réforme du règlement si vous estimez qu'il doit être remanié.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

On a entendu la litanie de M. Brard, de digressions en propos très généraux, et je pense que personne n'a été convaincu. J'aimerais bien que l'on revienne à l'essentiel, monsieur Brard. L'essentiel, c'est de baisser le coût du travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le travail, ce n'est pas un coût, c'est une richesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…pour que le travail en France soit davantage compétitif ; l'essentiel, c'est que cette baisse permette à des centaines de milliers de Français de retrouver un emploi. Voilà l'enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Nous avons perdu une vraie compétitivité par rapport à nos principaux concurrents, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni. Tout notre défi est de retrouver notre compétitivité en termes de coût du travail.

Et puis, vous n'avez pas suffisamment mis en relief ce que le Gouvernement, soutenu par la majorité parlementaire, propose s'agissant des transactions financières. Oui, nous souhaitons une finance républicaine, une finance qui ait des valeurs et qui, au nom de ces valeurs, contribue à l'effort national de réduction des déficits, en l'occurrence par une contribution évaluée à un peu plus d'un milliard d'euros. Cela est parfaitement légitime. En d'autres temps et en d'autres lieux, vous l'avez vous-même souhaité : nous espérons que vous voterez cette disposition.

Peut-être espérons-nous trop en cette période de campagne présidentielle. Mais si vous étiez sincères, vous voteriez avec nous, parce que maintes fois vous l'avez voulue et défendue, cette taxe sur les transactions financières.

Voyez-vous, monsieur Brard, ce projet de TVA de compétitivité va permettre de baisser le coût du travail de façon très réelle : les charges patronales vont baisser de 12 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est extrêmement significatif sur les salaires qui sont situés entre 1,6 et 2,1 fois le SMIC. Voilà un véritable effort qui va permettre à l'industrie et à l'agriculture, mais aussi à certains domaines des services, de retrouver une manne utilisable pour l'emploi.

Les efforts de réduction des déficits réalisés en 2011 nous permettront de compenser un éventuel affaiblissement de la croissance et de rester dans la trajectoire de réduction du déficit.

Voyez-vous monsieur Brard, vous avez beaucoup parlé, tout comme M. Muet, mais vous ne faites pas beaucoup et vous n'aidez pas beaucoup à faire, depuis toutes ces années. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Nous parlons beaucoup moins que vous, mais en revanche nous faisons. Vous êtes l'opposition, vous êtes dans l'inaction ; nous sommes la majorité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…nous sommes dans l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Un humoriste, Alphonse Karr, écrivait : « Les impôts indirects sont des impôts hypocrites. »

À l'examen de ce texte, reconnaissons que le jugement de cet humoriste ne manque pas de bon sens. Car enfin, quelle est la justification de ce texte ? Creuser le déficit de 6,5 milliards d'euros, relever la TVA sur les plus modestes et alléger de 13,2 milliards d'euros les cotisations sociales sur les entreprises.

Permettez-moi donc quelques observations rapides.

Sous couvert d'augmenter la compétitivité, ce texte va surtout casser la croissance, peser sur l'économie, accroître la pauvreté et dégrader l'emploi. Voilà quel sera son impact en 2012 car l'effet dépressif à court terme va l'emporter sur l'effet d'offre, lequel n'agirait au mieux qu'à moyen terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

C'est la première hypocrisie.

Sous couvert de bonne gestion financière et budgétaire, ce texte n'aura en vérité pour conséquence que d'alléger les charges des entreprises, en faisant supporter cet allégement par les ménages, qui n'en peuvent déjà plus, sachant que ce sont les plus modestes qui vont payer le plus. C'est la deuxième hypocrisie.

Pourquoi tout cela ? Pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, paraît-il. Ah bon ? Depuis quand un allégement des charges se traduit-il à coup sûr par un impact direct et mécanique sur la compétitivité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Souvenons-nous, mes chers collègues, que le Gouvernement nous a déjà fait le coup avec la taxe professionnelle, il y a deux ans : huit milliards d'euros de charges en moins, déjà au nom d'une comparaison avec l'Allemagne. Résultat : 70 milliards d'euros de déficit extérieur en 2011, un niveau jamais atteint.

Quelles conséquences aura ce nouvel allégement de charges ? Que les entreprises en profitent pour augmenter leurs marges et qu'elles ne baissent pas leurs prix, et c'est tout votre schéma qui ira dans le mur. Au passage, les entreprises auront empoché 13 milliards d'euros supplémentaires. C'est la troisième hypocrisie.

Enfin, il est dit que cette mesure est surtout destinée à améliorer l'attractivité de nos entreprises concurrentielles. Ah oui ? En fait, que constate-t-on ? Notre rapporteur général indique lui-même que les services – non délocalisables – vont récupérer 8,3 milliards d'euros, soit 63 % du total de l'allégement, contre 25 % pour l'industrie. C'est la quatrième hypocrisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Tout cela justifie, me semble-t-il, que nous réexaminions longuement ce texte en commission,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Lemasle

En vérité, nous ne l'avons même pas examiné.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

…en votant pour la motion défendue par Jean-Pierre Brard avec son talent habituel. Nous accueillerons bien volontiers nos collègues de l'UMP pour ce long examen en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est toujours le même qui parle. N'y aurait-il qu'un député Nouveau Centre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Non, mon cher collègue, nous sommes plusieurs.

Avec vous, monsieur Brard, on s'amuse. Je ne suis pas sûr que l'on traite les problèmes au fond, mais au moins, on s'amuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mon cher collègue Brard, vous oubliez vos votes du passé, tout commePierre-Alain Muet. Vous étiez député quand vous avez accepté de vous prêter à cette parodie de la pseudo-taxe à taux zéro. Vous l'avez votée, monsieur Brard, souvenez-vous car vous n'êtes pas amnésique !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a perdu la mémoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Rien n'est parfait. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut un texte européen, sinon nous n'y arriverons pas. Mais enfin, c'est déjà un effort.

En matière de compétitivité, comme M. Muet, vous niez les évidences. Le coût du travail n'est pas le seul critère de compétitivité, il y en a beaucoup d'autres, mais vous ne pouvez pas nier que c'en est un. Votre attaque systématique contre l'idée même de TVA sociale est faible.

Enfin, monsieur Brard, on juge quelqu'un à ses propositions. J'attends toujours les vôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Écoutez Mélenchon !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, voilà maintenant quatre ans que vous courrez désespérément derrière la crise avec des solutions qui, chaque fois, ne font qu'en aggraver les conséquences pour nos concitoyens : chômage, précarité, pauvreté, hausses des prix, des tarifs des mutuelles, des transports, des taxes.

La situation économique ne cesse de s'aggraver : 4,8 millions de nos concitoyens sont désormais inscrits à Pôle emploi, les plans de restructuration s'accélèrent à un rythme effréné, les déficits extérieurs continuent de se creuser année après année pour atteindre près de 70 milliards d'euros, cela faute d'avoir soutenu, défendu notre industrie. Le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires ne cesse de se réduire : le prix du café a explosé de 16,1 % en un an, celui des viandes a grimpé de 4 %, celui des huiles de 11,3 %, etc.

Ces chiffres accablants ne sont pas seulement la conséquence de la crise économique dont vos choix politiques, économiques et idéologiques portent l'entière responsabilité. Ils sont le fruit de dix ans d'une politique désastreuse de fuite en avant vers un capitalisme totalement sauvage, dérégulé, dans lequel la liberté de circulation des capitaux a pris la place de la liberté de circulation des hommes.

Vous refusez de dresser le bilan de votre politique économique et d'assumer vos responsabilités. Cela se comprend. Vous préférez tirer prétexte de la dégradation de la situation économique qui en est le fruit pour imposer des mesures rétrogrades dont l'unique objet est de réduire à néant notre modèle social, héritage de la Libération et du programme du Conseil national de la Résistance.

Le déficit de la sécurité sociale est actuellement de 18 milliards d'euros. En y incluant celui des régimes publics, on arrive à une vingtaine de milliards d'euros. Vous rappelez que l'assurance maladie et les retraites représentent respectivement 11 % et 13 % du PIB annuel, cherchant à accréditer l'idée que la protection sociale constituerait un coût manifestement excessif et un handicap pour notre économie engagée dans la compétition mondiale.

Vous brandissez aujourd'hui ces chiffres, mais oubliez de dire que le déficit de la sécurité sociale ne représente en réalité que 2 % de la valeur ajoutée brute des sociétés non financières. Si nous nous reportons aux comptes de la nation, nous apprenons que les sociétés non financières ont versé 145 milliards d'euros de cotisations sociales et 309 milliards d'euros de dividendes et intérêts en 2010.

En quinze ans, dans la valeur ajoutée des entreprises, la part des dividendes et des intérêts est passée de 24 % à 36 %. C'est la preuve qu'existe en France non pas un problème de coûts salariaux mais un problème de coût financier. Comme le rappelait récemment l'économiste Jean-Marie Harribey, « un sixième de la rémunération du capital suffirait aujourd'hui à couvrir les besoins de financement de la sécurité sociale. » Ce qui pèse actuellement sur l'économie de notre pays, c'est un extraordinaire détournement des richesses vers les dividendes, les intérêts des banques, la spéculation et les paradis fiscaux.

Plutôt que de vous attaquer à la financiarisation de l'économie, dont la démesure nous a plongés dans une crise sans précédent, que proposez-vous ? Un projet de TVA dite sociale, à l'image de la politique fiscale conduite depuis 2007. Cette mesure profondément injuste est destinée à frapper les classes moyennes et populaires pour permettre la poursuite de l'enrichissement des détenteurs de capitaux.

Sans un contrôle – que le MEDEF refuse –, la nouvelle exonération de cotisations sociales que vous prévoyez ira pour l'essentiel vers les banques et les marchés financiers. L'opération n'a d'autre but que de permettre aux entreprises de se défausser sur les contribuables de leur obligation de payer la partie socialisée du salaire. Étant donné que plus elles sont grandes, moins elles paient d'impôt sur les sociétés, cela signifie que le MEDEF refuse de prendre sa part de la solidarité nationale, avec l'accord du Gouvernement et de sa majorité. C'est grave.

Les allégements de cotisations sociales atteignent 30 milliards d'euros par an et preuve est faite qu'ils ne jouent pas en faveur de l'emploi. Pourquoi persister dans cette voie alors que, selon la Cour des comptes, les trois quarts des exonérations de cotisations sociales ne bénéficient pas à l'emploi ?

Le principal obstacle à l'emploi n'est pas, comme vous le prétendez, le coût du travail, mais bien le montant des dividendes exigés par les actionnaires et leurs mandataires, pour lesquels vous ne cessez d'oeuvrer.

Le maître mot de votre politique depuis dix ans n'est-il pas de redonner confiance aux investisseurs, de s'agenouiller devant les marchés financiers et les agences de notation, par la baisse du coût du travail, la casse du code du travail, la liquidation de notre modèle social, la privatisation des services publics ?

Plus vous redonnez confiance aux investisseurs, plus vous apportez de désespérance à nos concitoyens. Vous persistez pourtant à tenter de les convaincre que les sacrifices qu'ils consentent aujourd'hui permettront de retrouver le chemin de la croissance et du plein-emploi.

Depuis quelque temps, vous donnez l'Allemagne en exemple. Le Président de la République en a cité le nom vingt-huit fois durant sa conférence de presse ! Cela fait penser à ces papillons qui virevoltent autour d'une lumière qui les éblouit tellement qu'ils viennent s'y brûler les ailes.

Il n'en est pas moins vrai que l'Allemagne éprouve aujourd'hui de graves difficultés, que sa croissance est durablement atone, et que derrière le tableau que vous dressez avec complaisance des succès allemands se cache une réalité moins flatteuse sur laquelle vous faites délibérément silence.

Après mon collègue Jean-Pierre Brard, je rappelle que l'Allemagne est le pays qui a créé le moins d'emplois depuis vingt ans. Il est aussi celui où la hausse des inégalités de revenus a été la plus élevée en Europe au cours des dernières années, à l'exception de la Bulgarie et de la Roumanie. L'Allemagne est encore le pays où la part des salaires dans la valeur ajoutée a le plus chuté : le salaire réel moyen a baissé de 4,2 % en dix ans.

En Allemagne, 17 % de la population vit sous le seuil de pauvreté contre 13,5 % en France ; un emploi sur trois n'y est ni à temps plein ni à durée indéterminée ; le pourcentage des emplois à bas salaires a augmenté de six points et 2,5 millions de personnes travaillent aujourd'hui, en l'absence de salaire minimum, pour moins de cinq euros de l'heure ; le chômage réel touche 6 millions de personnes dont 1,5 million ont été radiées car effectuant au moins une heure de travail par mois.

La croissance allemande depuis dix ans s'est située dans la moyenne de celle de la zone euro. Et dire qu'il faudrait se dépêcher de copier l'Allemagne ! On nous annonce, au premier trimestre 2012, une croissance nulle pour la France et en recul de 0,1 % en Allemagne. Quels magnifiques résultats, alors que la démographie en Allemagne baisse et que sa dette se situait à 1,5 point de PIB au-dessus de celle de la France à la fin de 2011 !

L'Allemagne est le type même du contre-modèle. Est-il nécessaire d'ajouter qu'elle est aujourd'hui, du fait de l'effondrement de la demande intérieure, étroitement dépendante de ses excédents commerciaux et de la demande intérieure de ses voisins européens ?

Non seulement la baisse de la consommation chez ses principaux partenaires constitue pour l'Allemagne un risque majeur – on commence d'ailleurs à en entrevoir les effets –, mais nous mesurons ici le danger qu'il y aurait pour notre pays et pour l'ensemble des pays de l'Union européenne à prendre exemple sur elle : nous prendrions le risque d'entretenir et d'aggraver encore la crise que traverse la zone euro par l'addition de politiques récessives pénalisant la demande intérieure.

C'est pourtant la voie privilégiée par la Commission européenne et le tandem franco-allemand. Ce sont ces choix politiques qui ont conduit Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, à déclarer il y a quelques jours, lors du Forum financier asiatique : « Les responsables européens, sous la pression d'un consensus financier douteux, sont en train de mener leurs pays au chaos. » Il a également critiqué le serrage de ceinture imposé à la Grèce, qui n'a fait qu'augmenter le poids de sa dette.

Le sort aujourd'hui réservé au peuple grec est inadmissible humainement, absurde économiquement, dangereux politiquement.

La plupart des économistes s'accordent à reconnaître que c'est dans la compétitivité hors coût que résident pour l'essentiel les différences entre la France et l'Allemagne : dans le comportement des banques allemandes, d'abord, bien différent de celui des banques françaises qui se détournent volontiers de leurs missions de financement de l'économie – à tel point que, constatant la carence des banques privées, vous êtes maintenant conduits à créer une banque d'investissement ; dans l'importance des investissements en recherche et développement, dans le nombre de PME innovantes ; dans l'importance enfin que revêt encore en Allemagne la filière industrielle, que nous avons depuis trente ans sciemment abandonnée à elle-même pour des motifs purement idéologiques. Ce n'était plus l'avenir, paraît-il ; l'avenir était aux services. Quelle erreur funeste !

Il y a trente ans, le parti communiste parlait de soutenir l'industrie, de produire en France. Tout le monde nous riait au nez en nous traitant de ringards… Et voilà que les ringards sont à la mode, jusque dans l'idée de taxer les transactions financières, que nous défendons depuis plus de vingt ans !

De même est-ce aujourd'hui pour des raisons idéologiques que vous tentez d'imposer une TVA abusivement qualifiée de sociale, qui ne servira pas à améliorer la situation de notre économie et de notre industrie ; les allègements de cotisations sociales qu'elle permet nourriront simplement la spéculation et les marchés financiers, comme il en a déjà été de tous les cadeaux fiscaux, de toutes les aides accordées sans contrepartie aux entreprises, notamment aux plus grandes, qui ont fait le choix de la spéculation contre l'investissement et le travail.

Pour donner le change et faire de l'affichage politique, vous avez certes prévu la mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières, dans le prolongement de la négociation entamée le 28 septembre dernier sous l'égide de la Commission européenne. Nous ne contestons pas l'intérêt d'une telle taxe, et nous pouvons nous féliciter que l'idée ait fait son chemin après avoir été si longtemps méprisée. Nous en avons pour notre part toujours défendu l'opportunité.

Reste que votre proposition est d'une timidité impressionnante. Nous partageons l'interrogation du président Cahuzac : quelle peut être la portée d'une taxe visant l'achat des titres émis par les seules entreprises dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d'euros ? Ce milliard d'euros est un critère à nos yeux manifestement trop restrictif ; cela explique sans doute, d'ailleurs, la modestie des recettes attendues.

Quant à la lutte contre la fraude fiscale, nous ne pouvons là encore qu'être frappés par les insuffisances du texte. Récupérer 300 millions d'euros quand Bercy estime la fraude à plus de 40 milliards ? Vous êtes dans le gadget ! Nous y reviendrons au cours de nos débats.

Vous nous proposez avec ce projet de loi la première étape de la mise en oeuvre d'un programme politique que les Français n'ont pas approuvé : celui de la convergence fiscale avec l'Allemagne.

Nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises : nous considérons comme totalement anormal, à soixante-neuf jours d'élections majeures, de faire adopter des mesures aussi lourdes de conséquences, pour l'avenir de notre protection sociale et pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens, que l'augmentation de la TVA. C'est de plus un non-sens, car la plupart des mesures votées ne seront mises en oeuvre qu'après les élections, c'est-à-dire qu'elles ont d'assez fortes chances de ne pas l'être. C'est quasiment ubuesque !

Quelqu'un demandait tout à l'heure des propositions : pour conclure, en voici quelques-unes. Je ne ferai que rappeler les quelques mesures d'urgence qu'il convient de prendre pour combattre la crise et les marchés financiers qui l'ont provoquée.

Il faut d'abord créer un pôle bancaire public élargi avec la Caisse des dépôts, la Banque postale, la BPCE et la nationalisation de la BNP, afin de garantir le double objectif d'accorder des prêts aux collectivités territoriales pour leurs investissements et des prêts à taux réduit aux PME qui créent des emplois, forment leurs salariés et investissent dans la production.

Il faut ensuite instaurer un impôt sur les sociétés modulé, qui favorise les entreprises qui investissent dans l'emploi, la formation et la recherche et pénalise celles qui, au contraire, privilégient les versements de dividendes, de stock-options et autre bonus. Ce n'est pas s'en prendre au travail : c'est s'en prendre à la rente et à la spéculation.

Il faut élaborer un plan européen d'investissement pour l'industrie et les infrastructures, réformer l'ensemble de la fiscalité afin de répartir autrement les richesses, en favorisant le travail, la consommation intérieure et l'investissement productif, se donner les moyens humains, politiques et techniques de récupérer 20 des 40 milliards d'évasion fiscale, interdire enfin, ou à tout le moins fortement limiter, la circulation des capitaux qui ne servent pas l'économie réelle.

L'objectif unique est plus que jamais de tout faire pour favoriser le capital humain au détriment du capital financier et des spéculateurs.

Je ne vois pas par quel miracle les députés communistes, républicains, citoyens et parti de gauche pourraient voter un tel texte, contraire aux intérêts de nos compatriotes, dangereux pour l'économie de notre pays et qui constituerait un recul de société. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il a déjà perdu ses collègues de l'UMP, ils sont presque tous partis !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Effectivement, on se croirait un peu au Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je vous remercie, monsieur Brard, d'accueillir mon intervention avec un tel intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'ai de la compassion pour vous, ce soir ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Le coup des députés cachés derrière le rideau rouge, c'est nul !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je voudrais faire quelques observations préalables avant que nous ne débattions au fond des articles de ce projet de loi de finances rectificative.

Le premier élément important, c'est la rectification de la croissance pour 2012. Effectivement, la dégradation de la conjoncture internationale a obligé la France à réviser son hypothèse de croissance, de façon certes modeste – 0,5 point – mais réelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

0,5 point, c'est la moitié de la croissance qu'ils avaient prévue ! Modeste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Comme vous le savez, 0,5 point de croissance, c'est 5 milliards de recettes en moins dans les caisses de l'État : mais, fait heureux, la bonne gestion, dans l'exécution de l'année 2011, madame la ministre, nous a permis de réduire de 4 milliards le déficit budgétaire. En réalité, nous ne devons donc solliciter qu'un effort de 1 milliard supplémentaire pour rester dans l'épure d'un déficit budgétaire ramené à 4,5 % du PIB pour 2012. Nous tiendrons cet objectif : 1 milliard, à l'échelle du budget, c'est relativement raisonnable. Nous avions d'ailleurs, je le rappelle, gelé 6 milliards d'euros en début d'année afin justement de prévoir l'imprévisible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Et nous avons réussi à mobiliser 1 milliard dans ces crédits gelés afin de tenir notre objectif de réduction du déficit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Derrière ce salmigondis, c'est la diète pour les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Bref, nous allons rester sur la même trajectoire : 4,5 % pour 2012, 3 % pour 2013, pour atteindre en 2016 un déficit zéro, ce qui n'est plus arrivé depuis 1974.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour la trajectoire, vous êtes bien : droit dans le mur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Alors, bien sûr, il n'y aura plus de déficit en 2016, si nous restons aux responsabilités. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Vous avez déjà prévu de dériver, en repoussant l'objectif d'un déficit à 0° % en 2017 seulement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut que les Français le sachent ! Il faut que les Français sachent que vous voulez continuer à être budgétivores, à dépenser davantage que vous ne recevez. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Voilà ce que les Français doivent savoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le rapporteur général a rendu les clés tout à l'heure, vous savez !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

De combien de milliards de déficit supplémentaires êtes-vous responsables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

À force de le leur dire, ils prendront, je crois, confiance du risque qu'il y aurait à vous confier des responsabilités et, effectivement, ce sera le coeur de la campagne présidentielle qui ne manquera pas de s'engager dans les prochains jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous auriez pu préparer un peu votre discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En tout cas, face à cette révision de la croissance française, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons propose des mesures très fortes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'en retiendrai deux. La première, c'est le moyen pour la France de retrouver une véritable compétitivité du coût du travail. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

M. Muet le sait bien : depuis 2005, en Allemagne, la situation du chômage était particulièrement terrible. Le taux de chômage était de 9,8 % ; la barre symbolique des 5 millions de chômeurs était dépassée. Bref, l'Allemagne, malgré la maîtrise des salaires qu'elle a connue à l'aube des années 2000, n'arrivait pas à renouer avec une politique de l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Depuis, ils ont truqué les chiffres : ils ont radié 1,5 million de personnes ! Sitôt qu'on travaille une heure, on est radié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Les Allemands ont entrepris, dans les années 2005 et 2006, de se lancer dans une véritable réduction du coût du travail, ainsi que – chacun ici le sait, et notamment les spécialistes de ce sujet – dans une stratégie de réduction des déficits. La décision a été prise d'augmenter la TVA de trois points à compter du 1er janvier 2007, et de consacrer cette augmentation pour un point à la réduction des charges sociales qui pesaient sur le travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…pour un point à la réduction du déficit budgétaire et pour un point à la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés de 25 à 15 %.

La baisse des charges pesant sur le travail a eu un effet direct sur l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ils n'ont même plus de patates à manger, il n'y a plus que des rutabagas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'en parlais ce matin avec un responsable gouvernemental allemand. M. Muet disait que des statistiques montraient que cela n'avait eu aucun effet : ce n'est pas vrai. Aucune statistique n'est venue infirmer le fait que cette mesure a été favorable à l'emploi. Vous l'avez vous-même rappelé : deux ans après, en 2008, le taux de chômage s'est établi à 7,8 %, soit deux points de moins en l'espace de quatre ans,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Or c'est justement pendant cette période qu'a été prise la décision de mettre en oeuvre la TVA sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Voilà, sur le plan macroéconomique, comment l'Allemagne a réussi à réduire le chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Mais pourquoi donc ne pas l'avoir pas fait plus tôt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

À la lumière de cette expérience, la France a décidé d'adopter la même stratégie de compétitivité du coût du travail : par le truchement de la TVA, nous allons réduire de 12,12 % les charges patronales pour les rémunérations situées entre 1,6 et 2,1 SMIC, avec, comme l'a dit tout à l'heure le rapporteur général, une dégressivité entre 2,1 et 2,4 SMIC. Cette décision n'est pas seulement symbolique : c'est une décision efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Aurions-nous dû le faire plus tôt ? La question, chacun s'en souvient, s'était posée en 2007, à l'aube de la mandature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ce n'était pas une aube, c'était un crépuscule !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce projet avait fait l'objet de plusieurs rapports à l'époque avant d'être remisé. Mais il revient plus que jamais à point nommé pour faire en sorte qu'un maximum de Français retrouvent un emploi, que les Français de l'industrie, que les Français des services, que les Français de l'agriculture puissent renouer avec le travail. C'est là un véritable objectif : retrouver de l'emploi, c'est la première priorité des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

La deuxième mesure majeure de ce projet de loi de finances rectificative, c'est la taxe sur les transactions financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et l'absence des députés UMP en commission, ce n'est pas quelque chose de majeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Depuis maintenant deux ans, le chef de l'État, Nicolas Sarkozy, lors des conseils européens, a annoncé la couleur, comme on dit : il a dit à l'ensemble de ses collègues européens qu'il souhaitait que l'on avance sur une taxe sur les transactions financières – non pas en menant une sorte de réflexion philosophique, mais en décidant de lancer le principe de la finance républicaine. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

La finance républicaine, c'est une finance éthique, respectueuse, une finance accepte de contribuer aux charges collectives. C'est le concept d'une finance qui a des valeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Nous n'avons pas les mêmes valeurs, justement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce n'est pas une finance que l'on souhaite nier, oublier, ce n'est pas une finance que l'on voudrait voir disparaître ; ce n'est pas une finance, monsieur Muet, qui serait notre ennemie. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Non, ce n'est pas cette finance-là ! La finance républicaine, c'est une finance qui contribue au développement de l'économie, mais qui a des principes et des règles ; c'est une finance qui accepte, en particulier, de financer la réduction du déficit.

Avec la taxe sur les transactions financières, la finance contribuera à la réduction des déficits à hauteur d'un peu plus de 1 milliard d'euros. La question qui s'est posée ici et là, y compris dans les propos tenus par les responsables socialistes, est de savoir si une telle décision, prise seulement par la France, ne risquait pas d'affaiblir la place de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Cette taxe existe aussi à Londres où elle rapporte quatre fois plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Merci, monsieur Emmanuelli, d'étayer mon discours.

Effectivement, une taxe de 0,5 % sur les transactions financières existe à Londres. Chaque année, elle rapporte 3 milliards de livres au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Autrement dit, elle est opérationnelle et fonctionne sur une place que l'on peut considérer comme la place majeure de la finance en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas une finance républicaine, c'est une finance monarchique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Cela appelle toutefois plusieurs bémols. Tout d'abord, cette taxe à Londres est assortie de nombreuses exceptions, contrairement à ce que nous proposons. Pour notre part, nous souhaitons fiscaliser l'ensemble des transactions…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

S'agissant des produits dérivés, notre action sera extrêmement volontariste.

En ce qui concerne le développement des obligations, nous continuerons à encourager la place de Paris qui a déjà réalisé un énorme travail dans ce domaine. Nous resterons ancrés sur cette stratégie.

Nous espérons être suivis par la majorité des pays européens, si possible en commençant par ceux qui disposent de places financières fortes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…de telle sorte que le mouvement puisse s'amplifier et qu'un jour les bourses de New York et de Singapour, que vous connaissez bien, monsieur Emmanuelli,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

N'oubliez pas la bourse de Mont-de-Marsan ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

...nous suivent à leur tour. Alors, nous aurons réussi le défi que le chef de l'État avait relevé il y a deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

La France a l'habitude de lancer des défis. Souvenez-vous de sa décision de souscrire à la directive OCDE sur les transactions illicites. Dix ans plus tard, on se rend compte que nombre de pays nous ont suivi sur ce chemin. La France, et c'est aussi ce qui lui vaut le respect, a l'habitude de prendre les devants et d'être suivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En tout cas, c'est l'avenir que l'on peut souhaiter à cette taxe sur les transactions financières.

En conclusion, cette loi de finances rectificative est une loi d'ambition, une loi de volonté ; ce n'est pas une loi qui n'engage pas des lendemains inconnus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

M. Muet nous reproche de prendre des décisions alors que nous ne savons pas si nous serons aux responsabilités demain. Je lui rappellerai que lorsque M. Jospin a pris la décision de mettre en place les 35 heures,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ah ! Les 35 heures ! Combien de fois en aurons-nous entendu parler !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

M. Chartier aurait dû construire toute son intervention autour des 35 heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…qui ont continué à s'imposer douze ans après. Gouverner, c'est prévoir.

Je suis certain que si, d'aventure, ce que personne ne souhaite, vous arriviez aux responsabilités, vous conserveriez la taxe sur les transactions financières et la mesure relative à la baisse du coût du travail.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra le présent projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, vous vous êtes ennuyée, n'est-ce pas ? Je vous comprends : le propos de M. Chartier n'était pas excitant !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur Brard, lisez d'abord dans vos pensées avant de lire dans les miennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mes chers collègues, je vous trouve cruels. Un peu de compassion ! L'exercice que l'on demande à M. Chartier n'est pas facile. Il fait ce qu'il peut !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous vivons une semaine exceptionnelle. D'abord, notre pays va sortir d'un suspens écrasant, lourd…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous risquons en effet d'apprendre que M. Sarkozy serait candidat à la présidence de la République. Rendez-vous compte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je disais cela pour le bon ordre règne ici, et pour le compte rendu de la séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le président, laissez-les me supporter !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Et comme si la sortie de ce suspens ne suffisait pas, nous allons assister à un miracle : nous allons connaître la hausse de la TVA qui n'a pas d'incidence sur les prix… Ce sera une première nationale, même internationale : comme disait l'autre, un championnat du monde et des environs !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Les Allemands l'ont fait. On peut donc y arriver !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

En Allemagne, madame la ministre, il y a eu une hausse des prix.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Franchement, madame la ministre, je me demande pourquoi vous continuez à parler français, tellement vous êtes obnubilée par l'exemple allemand ! Cela en devient obsessionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Tout cela n'est pas très sérieux.

J'ai vécu beaucoup de moments dans cet hémicycle, et depuis bien des années, mais j'avoue que je n'avais encore jamais vu faire voter une aussi grande réforme qui ne devait prendre effet qu'après l'élection présidentielle.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Vous oubliez la taxation sur les transactions financières par Lionel Jospin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Madame la ministre, monsieur Chartier, laissez M. Emmanuelli poursuivre son intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

D'habitude, les ministres n'interrompent pas l'orateur. Mais je comprends que vous soyez à cran, madame la ministre, car l'exercice que l'on vous demande n'est pas facile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, prenez donc un quart de comprimé de Lexomil ! Ou du Tranxène !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais je voudrais m'adresser à M. Charles-Amédée de Courson à propos de la taxe Tobin, qui lui a permis d'ironiser, par deux fois, sur les taxes que l'on vote à taux zéro.

S'il avait un peu de mémoire, M. de Courson se souviendrait que la France n'était pas la première à faire cela puisque le Canada nous avait précédés. À l'époque, il s'agissait de voter une taxe à taux zéro, taux activable dès que d'autres pays auraient adopté cette mesure.

Mais là où cela devient burlesque, et M. Charles-Amédée de Courson a oublié d'y faire allusion, c'est que le texte prévoyait que pour l'activer, il n'était pas nécessaire de retourner devant le Parlement : un décret suffisait.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous pouvez vérifier. C'est pourquoi nous avons beaucoup ri quand M. Sarkozy a proposé au vote du Parlement une taxe sur les transactions financières alors qu'il lui aurait suffi de donner un ordre à M. Fillon – il en a l'habitude –, pour que celui-ci prenne un décret et active la taxe déjà votée depuis 2001. Mais cela semble vous avoir échappé. Voilà pourquoi je remets les pendules à l'heure.

Quant à la taxe sur les transactions financières dont M. Chartier vient de nous parler avec enthousiasme,…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

…c'est au mieux un quart de l'impôt de bourse britannique.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais si ! À ceci près que l'impôt de bourse britannique rapporte 4 milliards d'euros, et ce que vous proposez 1 milliard seulement. Soit l'équivalent du quart de l'impôt de bourse que vous avez supprimé en 2004… Et vous nous présentez cela comme une novation extraordinaire ! C'est ridicule, et vous le savez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ça n'a rien à voir ! Ce n'est pas la même taxation !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je sais que ce n'est pas la même base ! Reste que vous avez perdu 4 milliards en supprimant l'impôt de bourse alors que vous n'en récupérez qu'un, alors que les Anglais, eux, font déjà 4 milliards.

En réalité, vous n'avez rien fait s'agissant de la régulation financière : depuis le début, vous n'avez fait que de la simulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous parlez de lutter contre la fraude fiscale. Savez-vous ce que font les États-Unis à cet égard vis-à-vis de nos voisins suisses ? Ils agissent, eux. Et ils obtiennent.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Nous aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Nous, nous avions un fichier de huit mille noms ; à croire les déclarations de M. de Montgolfier cette semaine, nous l'avons ramené à trois mille… Pour ce qu'on en a fait, c'est assez dérisoire ! Les Américains, eux, sont en train de poser des ultimatums au système bancaire suisse. Vous en êtes à des années lumière.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Nous avons un accord de réciprocité avec les États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

On effectuait 43 000 contrôles fiscaux en 1980 ; il n'y en a plus que 42 000 en 2011, alors que dans le même temps le nombre de foyers fiscaux est passé de 13 à 18 ou 19 millions et celui des sociétés s'est accru de 6 millions ! En réalité, un Français ou une société ont peu de chances d'être contrôlés. Il y aurait là pas mal d'argent à récupérer, et même davantage en volume, à mon avis, que les économies suggérées par la Cour des comptes. Mais je vous accorde que tout cela est plutôt théorique, et que la mise en pratique d'une telle mesure serait une autre paire de manches.

Vous n'avez rien fait sur la régulation financière. Les transactions sur les paradis fiscaux sont aussi importantes qu'avant la crise, et vous le savez parfaitement.

Vous avez pris des mesures pour réduire les bonus, dites-vous. Mais ce dispositif a duré un an. Vous avez oublié de le reconduire en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Ce n'est plus dans la loi de finances ! Et regardez l'évolution des bonus ! Vous serez tout de suite fixé !

Ce n'était pourtant qu'une mesure symbolique : elle ne représentait pas grand-chose. Réduire le bonus des traders ne signifie pas rogner le bénéfice des banques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Mais durant cette période, toutes les banques ont fait beaucoup moins de bénéfices !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais même cet engagement-là, M. Sarkozy n'a pas été capable de le tenir pendant deux ans, alors qu'il ne cessait de dire qu'il allait réformer le capitalisme.

Sur la séparation entre banques de dépôts et banques d'affaires, les Britanniques sont bien plus en avance que nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Tout à l'heure, monsieur Chartier, vous avez parlé de mes connaissances des bourses de New York et de Singapour alors que je n'y connais rien. Je connais seulement les bourses de Dax et de Mont-de-Marsan ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je vous accorde que ce n'est pas simple. Encore faudrait-il faire preuve d'un peu de détermination : on peut l'afficher sur des estrades, mais cela devient beaucoup plus compliqué quand il s'agit d'une réunion de travail du G 20. Et on en ressort sans avoir rien fait.

Aujourd'hui, la financiarisation de l'économie n'a pas reculé, et vous le savez parfaitement.

En ce qui concerne la compétitivité de notre industrie que vous semblez découvrir, cela fait déjà longtemps qu'en Allemagne une partie de ce que nous appelons les cotisations sociales est fiscalisée. L'affaire de la TVA n'a été qu'un plus par rapport à un système où près de la moitié des cotisations sociales étaient déjà fiscalisées – mais, pour l'essentiel, sur l'impôt sur le revenu progressif, et non sur la TVA.

Si vous voulez parler de compétitivité, posez-vous des questions simples. Puisque le travail est moins cher en Allemagne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

…demandez-vous pourquoi les Français vont y travailler tandis que les Allemands ne viennent pas en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Allez dans les zones frontalières, et vous verrez ! A-t-on déjà vu plus de frontaliers allemands venir travailler en France que de frontaliers français travailler en Allemagne ? En réalité, nous savons bien que le prix du travail n'est pas inférieur en Allemagne, tout comme la durée du travail d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le président, M. Chartier n'a pas cessé de m'interrompre depuis le début de mon intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est vous-même, monsieur Emmanuelli, qui m'avez dit tout à l'heure que cela ne vous dérangeait pas !

Monsieur Chartier, vous avez eu l'occasion de vous exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Chartier, demain matin, pendant le petit-déjeuner de l'Élysée, j'ai l'impression que cela va être votre fête. Vos oreilles risquent de siffler… Mais refermons la parenthèse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Après ce qui vient de se passer en commission, il ne sera plus invité à l'Élysée !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Non, la compétitivité allemande n'est pas basée sur un coût inférieur du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Elle est basée sur d'autres stratégies industrielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Elle est basée sur le fait qu'une partie des cotisations sociales sont fiscalisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Et cela depuis longtemps.

La stratégie industrielle, ce n'est pas rien. Les industriels allemands ont choisi les produits de qualité supérieure au prix maximum. Or beaucoup de nos industriels ont fait l'inverse.

Vous vous posiez moins de questions lorsqu'on privatisait de grandes entreprises pour constater, au bout de quelques années, qu'elles avaient disparu, qu'elles étaient vendues à l'étranger, que l'on fermait les sites. À cette époque-là, vous ne vous préoccupiez pas de politique industrielle. Vous abondiez au contraire dans ce sens ; aujourd'hui, vous vous réveillez avec une France dont on ne sait plus si son industrie représente 9 ou 14 % du PIB. Et il est vrai que c'est une catastrophe. Mais ce n'est pas avec ce que vous êtes en train de faire que l'on va changer quoi que ce soit.

La démonstration a été faite qu'il y aura un effet-prix. Si vous voulez vous en convaincre, madame la ministre, allez acheter un sandwich chez Paul à l'aéroport d'Orly et vous vous apercevrez que votre TVA du dernier collectif est déjà appliquée, que les prix ont déjà bougé. Et ne vous imaginez pas que, cette fois-ci, ils vous en feront cadeau.

Surtout, l'argument a été répété, c'est votre rapporteur général qui le dit : sur les 13 milliards d'euros que vous allez prélever à fois sur la TVA et sur la CSG, pas plus de 25 % iront à l'industrie.

Si vous voulez ouvrir sérieusement la discussion sur la compétitivité, alors vous poseriez la question de l'assiette des cotisations sociales. Cette question se pose depuis longtemps dans ce pays. Pourquoi avoir choisi la base salaires ? Pourquoi est-ce sur le travail, c'est-à-dire le facteur de production le plus menacé, que repose la charge sociale ? Voilà des années qu'on en parle, que certains proposent de changer d'assiette, de passer à la valeur ajoutée.

Si vous étiez allés dans ce sens, on aurait pu croire à votre sérieux, on aurait pu croire que vous entriez dans le débat. Mais ce n'est pas du tout dans ce sens-là que vous vous dirigez. La mesure que vous proposez a l'avantage de taper tout le monde et de réaliser en fait un énorme transfert des ménages vers les entreprises. Vous avez trouvé intelligent, pour améliorer la compétitivité française, d'opérer un transfert des ménages vers les entreprises. Vous pourriez d'ailleurs aller beaucoup plus loin et décréter demain que l'ensemble des charges sociales vont être payées par les ménages et, pourquoi pas ? par une partie des salaires.

On sait bien que si l'on s'engage dans cette logique, il n'y a pas d'issue. On ne retrouvera pas la compétitivité française en empruntant cette direction. Vous le savez parfaitement et je sais que la majorité des députés UMP a apprécié à sa juste mesure la dernière initiative du Président de la République. Je sais qu'au fond de vous-mêmes vous considérez que c'est une catastrophe.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais, en bons soldats, vous y allez. Cela m'aura fasciné pendant cinq ans : on vous a dit d'y aller et vous y allez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ne relancez pas M. Emmanuelli car il a épuisé son temps de parole. Veuillez conclure, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

François Mitterrand ? Trois jours après son élection je l'ai contrarié et il ne m'a pas dit bonjour pendant un certain temps, mais vous ne savez pas ce que cela veut dire, monsieur de Courson !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous êtes tellement habitué à jouer les supplétifs que l'indépendance est une notion qui vous dépasse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Avec votre TVA vous allez à l'échec. Vous êtes mal partis et ça ne va pas s'arranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous félicitons le Gouvernement… (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Attendez la suite !

Nous félicitons le Gouvernement d'avoir réajusté à la baisse les prévisions de croissance de 1 % à 0,5 % et d'avoir joué la transparence. Mais je rappelle au Gouvernement que nous n'avons cessé de répéter que ses prévisions étaient encore surévaluées : pour le FMI ou l'OCDE le taux serait plutôt de 0,3 %. Certes, me direz-vous, la différence entre 0,3 % et 0,5 % ne représente guère que 2 milliards d'euros de pertes pour l'ensemble du secteur public, soit 800 à 900 millions d'euros pour le budget de l'État ; grâce à la réserve, on serait capable de redéployer. Reste qu'il faudra tout de même trouver 2 milliards d'euros d'économies supplémentaires entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale.

Sans plus insister sur l'intérêt de réviser ces hypothèses de croissance, et avant d'entrer dans le vif du sujet en abordant les mesures prévues par le texte, j'évoquerai la question des annulations de crédits.

Le Gouvernement prévoit en effet d'annuler près de 2,4 milliards d'euros de crédits sans pour autant que cela représente réellement un effort supplémentaire de 2,4 milliards d'euros. Il faut souligner que l'annulation de 700 millions d'euros de crédits pour la charge de la dette ainsi que de 120 millions d'euros pour les plans d'épargne logement ne représente pas de réelles économies mais ce qu'on appelle des économies de constatation, obtenues sans véritables efforts supplémentaires de baisse de la dépense.

Le problème se pose également pour l'annulation de crédits à hauteur de 261 millions d'euros concernant le remboursement et dégrèvement d'impôts d'État, ainsi que les 81 millions d'euros pour les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Là encore, il s'agit d'économies de constatation.

Ce sont par conséquent près de 1,2 milliard d'euros, c'est-à-dire presque la moitié des crédits annulés, qui ne représentent que des économies de constatation. Et sur l'autre moitié correspondant aux économies réelles, soit également 1,2 milliard, on aurait préféré que certaines annulations – en particulier les 200 millions d'euros de réduction des crédits accordés à la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à la seule fin de financer la banque de l'industrie, ainsi que les 29 millions d'euros accordés au CEA, à l'ADEME et à l'aéronautique civile – fussent reportées sur d'autres crédits.

En outre, si la révision à la baisse des hypothèses de croissance a un impact certain sur les recettes publiques – de près de 5 milliards d'euros –, il est pertinent de se demander comment celui-ci est compensé. Le Gouvernement y répond sur la partie « État », mais encore reste-t-il le problème des administrations de sécurité sociale puisque l'ordre de grandeur des pertes de recettes est de 2,2 milliards d'euros.

Une fois ces quelques regrets exprimés, revenons-en aux dispositions prévues par le texte. L'une des deux mesures phares de ce collectif budgétaire est la TVA sociale, qu'il serait plus judicieux d'appeler TVA compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce dispositif est depuis longtemps – une quinzaine d'années – un cheval de bataille des centristes et je ne puis que me féliciter, au nom de mon groupe, que vienne enfin le temps de son adoption. Toutefois, pour nous centristes, il existe des conditions indispensables à son succès.

Il convient tout d'abord de souligner que la thèse selon laquelle la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA n'aurait aucun effet inflationniste est inexacte.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Les biens importés, qui représentent aujourd'hui près de 30 % de la consommation des ménages, seront mécaniquement augmentés de 1,6 point par le fait que les entreprises productrices de ces biens et services ne bénéficieront pas, en retour, de la baisse des charges sociales.

L'idée mécaniste de la baisse des prix ne fonctionne donc pas ici, à moins d'émettre l'hypothèse que les importateurs baissent leurs prix hors taxes pour s'adapter aux nouvelles conditions. Mais cette hypothèse est probablement très aléatoire. Cela dit, le maximum de l'impact de la hausse du taux de TVA sur l'indice des prix à la consommation ne devrait pas dépasser les 0,2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est très simple : 1,6 point de 50, après quoi il faut abattre de la partie de ces biens soumis à un taux de 19,6 % – puisque je vous rappelle que seuls 40 % des biens et services consommés qui sont soumis à ce taux ; il faut donc faire deux multiplications. Ce qui nous amène à prévoir une très faible hausse des prix pour ce qui concerne les biens importés.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Le taux intermédiaire a déjà été augmenté !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ensuite, si la mesure est équilibrée dans son ensemble, entre la hausse des taux de TVA et de CSG et la baisse des charges de 13 milliards d'euros, elle ne l'est pas analytiquement, c'est-à-dire pour chacune des entreprises.

Pour commencer, des secteurs non assujettis à la TVA bénéficieront pourtant d'une baisse significative de charges patronales. C'est le cas des banques et des assurances qui bénéficieront d'une enveloppe de 700 millions d'euros de baisse de charges alors même qu'elles auraient pu être exclues de cette baisse. Il en va de même pour le secteur assujetti à la TVA mais à un autre taux que celui de 19,6 % – la restauration collective, par exemple.

Mais il existe également des entreprises pour lesquelles l'augmentation de la TVA de 1,6 point sera très supérieure au montant de leur exonération de charges du fait du faible poids de la masse salariale sur leurs bénéfices. Ainsi, dans le secteur de l'énergie, d'après les estimations gouvernementales, les entreprises bénéficieront de 100 millions d'euros d'exonération de charges mais le montant de l'augmentation mécanique de 1,6 point sera de sept à huit fois supérieur. Aussi, même si elles répercutaient l'intégralité des 100 millions d'exonération, cela ne gagerait probablement que 10 à 15 % de l'augmentation de 1,6 point.

L'inverse est également vrai pour des secteurs tels que les services ou les transports qui reçoivent respectivement 3 milliards et 800 millions d'euros d'exonération de charges.

Globalement, l'impact de la hausse de la TVA sur les prix à la consommation ne serait pas de 1,6 point, comme je l'ai parfois entendu sur les bancs de l'opposition, mais, sachant que la part des biens et services taxés à 19,6 % représentent 40 % de la consommation des ménages, au maximum de 0,64 point dans l'hypothèse d'une répercussion mécanique. Si l'on se réfère à l'exemple allemand, cette augmentation serait vraisemblablement plus près de 0,2 point au minimum – ce qui est très faible : l'augmentation de 3 points de la TVA en Allemagne a augmenté, d'après les experts, le taux d'inflation de 0,9 à 1 point, ce qui correspond à peu près au tiers de l'augmentation de la TVA ; ce qui signifie que les deux tiers de la mesure ont été absorbés par un prélèvement sur les marges. Mais cela dépend également pour une large part de la proportion de biens importés dans la consommation des ménages allemands.

On peut donc avancer que l'incidence maximum de l'augmentation de la TVA sur le taux d'inflation se situe entre 0,2 et 0,6 point. Si l'on prend une moyenne de 0,4 point, ce n'est tout de même pas un drame…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…comme certains membres de l'opposition le prétendent.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

À moins que cette hausse ne soit pour vous une bénédiction !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il faut par conséquent éviter de se montrer excessif dans ses commentaires.

Une autre condition du succès d'une mesure telle que la TVA compétitivité, c'est l'existence d'un consensus social, comme au Danemark en 1987. Cela choquera peut-être nos collègues de gauche, mais au Danemark, je le rappelle, les partenaires sociaux, représentants des salariés comme des employeurs, se sont mis d'accord sur une mesure très forte puisqu'on a augmenté la TVA de cinq points et basculé une partie des cotisations sociales sur le travail. Et les syndicats se sont engagés à ne pas revendiquer de hausses de salaires. L'effet de cette mesure a été des plus intéressants pour le Danemark qui a regagné en compétitivité et où l'emploi a augmenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il est en effet indispensable que l'utilisation de la marge dégagée au sein de chaque entreprise par la baisse des charges patronales fasse l'objet d'une consultation des partenaires sociaux, des organisations représentatives des salariés, afin que ces derniers participent à la définition des objectifs de l'entreprise ou, plus exactement, se prononcent sur l'utilisation de cette réduction de charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est grâce à ce consensus social qu'on pourrait s'assurer de l'accord et de l'engagement des acteurs économiques à répercuter les baisses de charges.

Prenez l'exemple d'une entreprise comme EADS : la baisse de charges est très significative.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

À quoi ce groupe peut-il l'utiliser ? À baisser les prix hors taxes à l'export : ce peut être une solution. Mais cela peut aussi servir à renforcer l'effort de recherche, ou encore à revaloriser les salaires de certaines catégories dans lesquelles on a du mal à recruter. Voilà qui mérite une discussion interne à l'entreprise ; ce n'est certainement pas une loi qui permettra d'expliquer à quoi doit être utilisée cette baisse de charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

EADS n'est pas compétitif ? Votre exemple n'est pas très bien choisi !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La question peut se poser pour les banques et les assurances. Comment utiliseront-elles les 700 millions d'euros de baisse de charges ? Vont-elles baisser leurs taux d'intérêts ? J'y crois assez peu.

C'est dans ce sens que le groupe Nouveau Centre a déposé un amendement prévoyant une clause de consultation des partenaires sociaux sur l'utilisation des marges dégagées dans chaque entreprise.

Après la question de l'équilibre du dispositif proposé par le texte et après celle du consensus social indispensable à son efficacité, reste celle de son champ d'application.

Cette TVA, pour être un succès, doit réellement avoir un objectif de compétitivité. Comme l'indique la lecture du rapport, la mesure que nous sommes amenés à discuter présente parfois un objectif relatif à l'emploi ou un objectif mixte, contrairement à ce qui a été dit. Environ 5 milliards d'euros correspondent à un objectif lié à l'emploi, le reste visant à améliorer la compétitivité.

Tandis que l'industrie est aujourd'hui le secteur qui manque le plus cruellement de compétitivité, alors même que son soutien participerait directement au rééquilibrage de notre balance commerciale, force est de constater que seulement 25 % des crédits dégagés, soit 3,3 milliards d'euros, bénéficieront aux entreprises du secteur industriel.

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre a déposé un amendement visant à majorer de 35 % le coefficient maximal d'exonération pour les entreprises du secteur industriel. Nous avions adopté cette disposition à l'unanimité lorsque nous avons réformé la taxe professionnelle sur la CFE. Je vous rappelle que cette minoration visait à augmenter la part des crédits dégagés allant à l'industrie ; c'est la même idée que nous vous proposons ici.

Nous avons déposé un second amendement tendant à faire bénéficier de cette mesure les indépendants agricoles qui, je vous le rappelle, représentent à peu près les deux tiers du travail agricole, alors même que ce secteur est, lui aussi, soumis à une très forte concurrence internationale. Dans le secteur des fruits et légumes, non seulement nous n'exportons plus, mais nous importons massivement, alors que dans d'autres secteurs, les vins ou, comme chez moi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…l'orge de brasserie, nous exportons massivement.

Madame la ministre, je vous ai demandé pourquoi le Gouvernement a écarté le travail indépendant dans ses quatre composantes, les libéraux, les commerçants, les artisans et les exploitants agricoles. Vous m'avez répondu qu'ils n'étaient pas soumis à la compétition internationale. Ce n'est pas exact, en tout cas pour les exploitants agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Madame la ministre, vous avez raison de ne pas l'écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'autre mesure importante du texte est la taxe sur les transactions financières. En tant que centristes, nous sommes favorables sur le principe, mais des améliorations sont nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Puisque vous voulez décompter le temps, monsieur Eckert, et en priant M. de Courson de m'excuser de l'interrompre, je vous indique que M. Emmanuelli s'est exprimé pendant treize minutes cinquante. Je laisse donc la même latitude, c'est-à-dire une minute quarante, à M. de Courson pour terminer.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

À un petit détail près : vous m'avez cassé les pieds au bout de deux minutes, alors que vous ne dites rien à M. de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je l'ai rappelé à l'ordre au bout d'exactement dix minutes. Du reste, vous qui êtes un ancien président de l'Assemblée nationale, vous savez qu'on ne casse pas les pieds des orateurs mais qu'on essaie de leur faire respecter leur temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous y avez mis du zèle, et vous ne me ferez pas taire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je ne cherche qu'à vous faire entendre raison.

Poursuivez, monsieur de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mon collègue Philippe Vigier développera nos idées sur l'amélioration de cette taxe sur les transactions financières.

Je dirai à M. Emmanuelli qu'il connaît mal ce qu'il a voté puisque l'article 235 ter ZD, la fameuse pseudo-taxe à taux zéro, se termine par : « Le décret mentionné ci-dessus prend effet à la date à laquelle les États membres de la Communauté européenne auront dû achever l'intégration dans leur droit interne des mesures arrêtées par le Conseil prévoyant l'instauration, dans l'ensemble des États membres, d'une taxe sur les transactions sur devises, et au plus tôt le 1er janvier 2003. » – au plus tard à la Saint-Glinglin, ai-je envie d'ajouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous reconnaissez que ce n'est la loi mais bien un décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'aurais souhaité parler de l'adoption des crédits alloués aux mécanismes européens, mais nous y reviendrons.

Sous ces réserves, le groupe Nouveau Centre votera en faveur du projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pour l'information de l'Assemblée et de M. Eckert, j'indique que M. de Courson a parlé treize minutes trente contre treize minutes cinquante-trois pour M. Emmanuelli.

La parole est à M. Yves Vandewalle, pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le problème majeur de notre pays, ce n'est pas le chômage, mais l'emploi. C'est pourquoi j'ai toujours plaidé, dans cet hémicycle, pour l'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, notamment par la fiscalisation des cotisations patronales et salariales.

Mieux vaut tard que jamais, dit le proverbe ; je suis satisfait de voir le Gouvernement s'engager résolument dans cette voie. Depuis trente ans, le traitement social du chômage a montré ses limites et il est temps d'engager des réformes structurelles pour dynamiser notre économie.

La question première est celle de la compétitivité de nos entreprises, en particulier industrielles et agricoles, face à la concurrence étrangère dont l'une des composantes majeures est le coût du travail, même s'il en est d'autres, comme la recherche et l'innovation ou la durée du travail. Le déficit abyssal du commerce extérieur en est la meilleure preuve.

En matière fiscale, les mesures courageuses proposées par le Gouvernement dans ce collectif devraient améliorer mécaniquement la compétitivité des produits français…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mécaniquement, oui… C'est le propre de l'UMP que d'être mécanique !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

…en allégeant le coût du travail sur les produits fabriqués en France et en augmentant le coût des produits importés, qui supporteront l'augmentation concomitante de la fiscalité. Une façon d'inciter à acheter « made in France » pour protéger et développer l'emploi sur notre territoire, sans succomber à un protectionnisme irréaliste et suicidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous pouvez dire « fabriqué en France », on comprend !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

En termes de pouvoir d'achat, l'impact devrait rester très limité sur la consommation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

…puisqu'une grande partie des produits ne sera pas concernée par la hausse de la TVA…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

…et que les autres biens produits en France devraient bénéficier de la baisse des coûts de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

En réalité, et contrairement à ce qu'affirment les Cassandre, les seuls produits susceptibles d'augmenter sont les produits importés.

Mais il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin. J'ai écouté avec attention les propos du président socialiste de la commission des finances sur France Inter, le 7 février dernier. Il relevait que le coût du travail était quasiment le même aujourd'hui en France et en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Il en tirait, à tort, la conclusion que le Gouvernement faisait fausse route, alors qu'en réalité, toute mesure propre à améliorer la compétitivité de nos entreprises est une bonne mesure.

Il précisait aussi que les salaires étaient plus élevés en Allemagne, car les charges sociales y sont moins élevées qu'en France, mais n'en tirait aucune leçon. C'est pourtant une question essentielle : il faut aussi réduire le poids des cotisations sociales salariales, qui amputent les salaires nets, pour accroître le pouvoir d'achat des salariés, et mieux différencier revenus sociaux et revenus du travail. C'est plus juste et plus efficace que le mécanisme complexe du RSA. Je regrette que le Gouvernement ne propose pas de réduire aussi les cotisations salariales pour améliorer le pouvoir d'achat des salariés. Ce serait un moyen de mettre fin au scandale des « travailleurs pauvres ».

Le programme de François Hollande prévoit une réduction des charges au profit des PME. C'est bien, mais pourquoi s'en tenir à l'industrie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

vous avez raison de dire que le programme de François Hollande est bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

La réduction des charges et la baisse du coût du travail devraient aussi inciter à l'embauche de salariés dans tous les secteurs, notamment celui des services où une stupide course à la productivité a conduit à des suppressions massives d'emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Lui au moins, il est sincère… C'est bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Vandewalle

Enfin, autre mesure remarquable, la taxation des transactions financières est utile et nécessaire, car la financiarisation de l'économie mondiale s'est faite au détriment de l'économie réelle, et elle porte une responsabilité majeure dans la concentration excessive de la richesse et dans la crise que nous traversons depuis 2008. La création de cette taxe constitue un premier pas, car, pour aller plus loin, il faudra nécessairement passer par des accords internationaux, à tout le moins européens. En revanche, je m'interroge sur les modalités proposées par le Gouvernement, car la Commission européenne estime qu'il faut exclure du champ de cette taxe les transactions effectuées sur les valeurs mobilières pour ne pas compromettre la levée de capitaux par les entreprises. Or le dispositif épargne les obligations mais pas les actions.

Pour conclure, je veux rappeler deux principes. Le premier est qu'il est préférable de prendre des mesures propres à stimuler la croissance économique et à élargir ainsi l'assiette des recettes fiscales, plutôt que de raisonner en termes de partage de la richesse nationale, une approche pessimiste et malthusienne qui entraîne notre pays dans la spirale du déclin.

Second principe, il faut s'engager dans un réexamen de nos dépenses sociales, qui plombent les comptes publics et obèrent nos capacités d'investissement sans être ni toujours efficaces ni toujours pertinentes. Notre système de protection sociale donne trop à ceux qui n'en ont pas vraiment besoin et trop peu à ceux qui en ont vraiment besoin pour se sortir de la pauvreté.

Mes chers collègues, notre pays peut retrouver la voie d'une croissance raisonnée pour permettre à chacun de trouver sa place dans la société et de s'y épanouir. C'est pourquoi je voterai ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous sommes aux prises avec la réalité d'un monde qui change à toute vitesse, traumatisé par une succession de récessions brutales, la violence avec laquelle la crise a frappé l'ensemble des économies de la planète exige d'ériger enfin la question de la régulation du capitalisme financier en priorité absolue. Aux dérives dramatiques de cette finance aveugle, les États doivent opposer la volonté souveraine de ne plus rien laisser passer. De la crise doit surgir un monde nouveau, un monde qui refuse la naïveté et l'insouciance qui, depuis trente ans, ont conduit à déposséder des peuples de leur destin.

Dans cette droite ligne, le Président de la République a annoncé, le 29 janvier dernier, la création d'une taxe sur les transactions financières, aujourd'hui soumise à notre examen avec ce projet de loi de finances rectificative. J'allais dire : enfin ! Au groupe Nouveau Centre, nous avons toujours défendu l'instauration de cette taxe, et nous saluons ce pas décisif vers la moralisation du capitalisme, combat qui doit être partagé par tous sur ces bancs.

Dompter la finance folle, mettre fin au règne de l'argent roi, ce n'est pas une question d'idéologie, mes chers collègues. C'est pourquoi j'avais apporté un soutien sans réserve à la proposition de loi de nos collègues communistes, en avril 2010. Je rappelle à M. Emmanuelli que s'agissant de la taxe sur les transactions en devises qui avait été votée ici même en 2000, le taux était bien à 0 % et qu'un décret en Conseil d'État en fixait le taux maximum à 0,1 %… Il est mal placé pour reprocher la faiblesse du taux proposé aujourd'hui.

Certains, qui ont, avec lyrisme, désigné la finance comme leur adversaire, sont tout d'un coup plus réservés, voire muets, sur cette taxe que la majorité s'apprête à mettre en oeuvre. D'autres considèrent qu'il faudrait aller plus loin, toujours plus loin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus aucune banque à taxer et que l'on réalise enfin le fantasme de la gauche archaïque : une économie sans banque.

Comme vous tous, je suis conscient qu'il eût été plus efficace que l'ensemble des États membres de l'Union européenne, en particulier de la zone euro, engage ce processus de taxation des transactions financières de manière coordonnée. Ce n'est pas le cas. Pour autant, faut-il se résoudre à l'immobilisme, à l'inertie, à l'impuissance ? Faut-il continuer à se regarder en chiens de faïence et à marteler devant nos concitoyens et concitoyennes combien cette taxe est juste et nécessaire et, dans le même temps, leur expliquer que c'est aux autres de faire le premier pas ?

Pour cette majorité, la réponse est aujourd'hui sans appel : il est inacceptable que les transactions financières soient les seules – je dis bien les seules – à échapper à toute taxation, alors même que l'irresponsabilité du secteur financier a entraîné une crise sans précédent, aux conséquences économiques et sociales que chacun qualifie de désastreuses.

Le Parlement européen a voté le principe de cette taxe ; la Commission en a défini les modalités ; les dirigeants des deux premières puissances européennes se sont engagés publiquement à l'appliquer ; sa création a été inscrite à l'agenda du dernier G 20. C'est aujourd'hui à la France qu'il appartient de faire voler en éclats les conservatismes, de répondre à la frilosité par l'audace, ce dont tous les membres de la représentation nationale devraient se réjouir.

Cela dit, madame la ministre, si le groupe Nouveau Centre salue cette avancée majeure, je souhaite exprimer en son nom plusieurs réserves qui nous amèneront à défendre des amendements visant à améliorer le dispositif.

Tout d'abord, je veux souligner que l'inclusion dans le champ de la taxe de l'épargne salariale et des rachats d'actions dans le but de cession aux salariés pourrait pénaliser les mêmes salariés, alors que nous avons beaucoup fait pour les heures supplémentaires ou les primes d'intéressement. L'investissement sur le long terme correspond, par nature, à la vocation de l'épargne salariale, qui contribue fortement au soutien de l'économie. Ces placements diversifiés en actions permettent également aux salariés de se constituer une épargne en vue de la retraite. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre défendra un amendement pour exclure l'épargne salariale de l'assiette de la taxe.

J'appelle également votre attention sur le seuil fixé par le texte, au-delà duquel le trading peut être considéré comme à haute fréquence : une seconde, quand il est possible aujourd'hui de lancer des ordres automatisés toutes les nanosecondes ! Pour le groupe Nouveau Centre, il est hors de question de justifier la persistance de pratiques qui n'ont qu'un seul but : spéculer sur tout et n'importe quoi, déstabiliser le marché et faire le jeu de quelques traders bien informés. C'est dans cette perspective que nous défendrons un amendement visant à modifier la définition de la haute fréquence et à mieux encadrer ce seuil, qui sera, par la suite, défini par décret. Alors même que les tradings haute fréquence se jouent aujourd'hui à la nanoseconde, encadrer le seuil à une seconde semble totalement anachronique.

Vous l'avez compris, cette taxe sur les transactions financières qui nous est présentée peut être encore améliorée, mais il est urgent d'en voter la création et de franchir le pas. Je me félicite que, sous l'impulsion décisive de notre Parlement, la France puisse être à l'avant-garde et peser de tout son poids dans le bras de fer qui met aux prises États et marchés. L'avenir d'un peuple ne se décide pas dans les salles de marché, c'est le sens de notre initiative. Nous ne sommes pas seuls ; c'est l'opinion publique mondiale que nous prenons à témoin, afin que chacun se retrouve face à ses responsabilités et que les politiques assument enfin leur rôle et leurs obligations en prenant le pas sur la finance.

On ne peut pas demander la régulation des marchés et voter contre une étape importante de cette régulation, je le dis pour nos collègues socialistes. Et à tous mes collègues, sur quelques bancs qu'ils siègent, je dis que nous nous honorerions à souscrire sans réserve à cet objectif, marquant ainsi d'une pierre blanche cette étape dans la lutte contre la dérive des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame la ministre, mes chers collègues, l'objet essentiel de ce projet de loi de finances rectificative, c'est bien sûr la TVA sociale.

C'est une initiative surprenante, car il s'agit d'un sujet complexe dont les incidences exactes sont controversées, et qui s'inscrit en réalité dans la volonté de plus en plus manifeste de dramatisation de la campagne des présidentielles à laquelle nous assistons depuis quelques jours.

C'est une initiative, il faut le dire, incertaine : l'objectif avancé, la compétitivité des entreprises, est aléatoire. Le rapporteur général a lui-même souligné qu'il conviendrait à l'avenir de mieux cibler ce type de mesure en direction des entreprises soumises à la compétition internationale, ce qui n'est le cas que d'une part réduite – 25 % environ – des entreprises concernées par ce dispositif.

C'est une initiative qui ne s'inscrit pas vraiment dans une perspective de justice, car il y avait une autre approche possible. À l'évidence, faire supporter aux entreprises le financement de la politique familiale ne s'inscrit pas dans une parfaite logique. La politique familiale procède pour une part d'une volonté de soutien aux familles, mais pour une autre part d'une volonté de redistribution. C'est bien la raison pour laquelle beaucoup avaient jusqu'ici proposé la fiscalisation de la politique familiale et sa prise en charge par l'impôt sur le revenu. Ce n'était pas la TVA sociale, mais la volonté de rendre à l'impôt sur le revenu son caractère redistributif, autrement dit, on l'a oublié depuis trop longtemps, sa principale raison d'être.

Enfin, cette initiative n'est qu'une pâle copie de ce qui fait la force de l'économie allemande. Ce n'est pas une affaire de TVA, madame la ministre : la force de l'économie allemande tient à trois éléments.

Le premier, c'est le réseau, la solidarité entre les entreprises, entre les grandes et les plus petites, dans un esprit de filière, et de stratégie de filière, que nous-mêmes n'avons pas suffisamment su développer.

Le deuxième, c'est la place accordée à la formation professionnelle et à la formation permanente, et l'intégration de l'ensemble production-recherche-formation. C'est l'idée que dans l'entreprise, investir dans la formation est aussi important que d'investir dans les investissements matériels. Cela vaut beaucoup mieux que notre système de formation permanente, trop coûteux, insuffisamment coordonné, trop éloigné des besoins des bassins d'emplois.

Enfin, la troisième force de l'Allemagne, c'est la relation entre les partenaires sociaux. La relation entre les partenaires sociaux en Allemagne, ce n'est pas un sommet social de circonstance à quelques mois des échéances électorales, ce ne sont pas des textes adoptés à la sauvette comme ce fut le cas il y a une semaine pour les nouveaux contrats compétitivité-emploi. Le dialogue entre partenaires sociaux en Allemagne, c'est le fruit d'une expérience : celle de la cogestion, qui nous fait cruellement défaut. C'est le partage des mêmes données, ce qui est aujourd'hui au coeur de la discussion sur les institutions représentatives du personnel. Si nous voulons avancer dans la même direction et aller dans le sens de la flexi-sécurité, monsieur de Courson, ce n'est pas ainsi qu'il faut procéder : ce sera par la transparence de l'information, par l'association effective des représentants des salariés, par la participation, au moins contractuelle, aux décisions, par la politique contractuelle tout simplement, ce que vous n'avez jamais, depuis cinq ans, cherché à réaliser et à développer.

Voilà tout ce qui nous sépare malheureusement de l'Allemagne, voilà tout ce qui appelle une autre politique que l'on ne trouve en aucune façon dans ce projet de loi auquel je m'opposerai. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, avant de vous livrer quelques réflexions sur ce collectif budgétaire, permettez-moi un bref retour en arrière sur la perte, dans une seule agence, du triple A par notre pays. Si l'on avait écouté alors tous ceux qui l'évoquaient, nous allions être confrontés à un véritable drame. Or nous empruntons aujourd'hui un peu moins cher qu'avant la perte du triple A.

Pour quelles raisons ?

Pour deux raisons essentielles, que l'on évoque peu aujourd'hui. La première est que les acteurs financiers ont parfaitement apprécié les conditions dans lesquelles l'Europe a avancé vers la solidarité financière, grâce à l'énergie et la volonté de Nicolas Sarkozy et de la chancelière allemande. La deuxième raison, on vous la doit madame le ministre : vous avez exécuté un budget 2011 avec un déficit inférieur au déficit prévisionnel que nous avions voté lors de la loi de finances initiale. C'est dont bien la marque que le Gouvernement a fait son travail, que le Président de la République a fait le sien et que tous les deux ont tous bien servi les intérêts financiers de notre pays.

Permettez-moi maintenant quelques remarques sur le texte qui nous réunit ce soir.

Sur la réforme de la protection sociale tout d'abord : j'entends parler comme vous depuis des années de la possibilité de retirer aux entreprises les charges qui pèsent sur elles pour financer la politique familiale. Voilà qu'on se décide à le faire, et l'on vient aussitôt nous dire qu'il ne fallait surtout pas le faire, et surtout pas maintenant ! C'est une décision particulièrement courageuse du Gouvernement, et qui permettra à nos entreprises, tant industrielles qu'agricoles, de retrouver plus de compétitivité, dans la ligne de la suppression de la taxe professionnelle, comme le rappelait Gilles Carrez. J'ajoute que cette recherche de compétitivité s'entend par rapport à l'Union européenne, particulièrement l'Allemagne qui est notre premier client, et non pas la Chine ou d'autres pays émergents avec lesquels on cherche à faire des comparaisons.

S'agissant de l'augmentation de la TVA, la démonstration est faite, me semble-t-il, malgré les hurlements poussés par l'opposition, que son incidence de sur les prix sera dérisoire et que nos compatriotes n'y verront pratiquement aucune atteinte à leur pouvoir d'achat. En revanche, nous allons porter atteinte aux produits importés. Et c'est bien le but de l'opération : éviter que les produits importés ne l'emportent sur les produits fabriqués par des salariés français sur le territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

On a vu ce que cela a donné avec la TVA sur la restauration !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Un mot sur la taxe sur les transactions financières : je regrette beaucoup que les orateurs de l'opposition qui se sont succédé à cette tribune ne l'aient pas applaudie. Car finalement, c'est bien nous qui avons le courage de la mettre en oeuvre. Le Président de la République a fait passer le message lors du G 20, et nous avons maintenant pris la décision d'être les premiers à la mettre en oeuvre, et avec pertinence.

Je voudrais d'ailleurs insister sur la pertinence de ces trois taxes, en insistant sur l'une d'entre elles : la taxe sur le trading à haute fréquence. En tant que rapporteur de la commission d'enquête sur la spéculation financière, j'avais, notamment avec mon président Henri Emmanuelli, attentivement analysé le trading à haute fréquence et constaté qu'il ne présentait aucun intérêt économique. Vous apportez la solution : nous allons par cette taxe dissuader le recours au trading à haute fréquence, qui n'a pas d'intérêt économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Dernier point, la lutte contre la fraude fiscale et contre l'évasion fiscale internationale.

Nous sommes bien les premiers à inscrire dans la loi des sanctions aussi fortes – là encore, les socialistes auraient pu le faire lorsqu'ils étaient au Gouvernement – …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

…et qui répondent parfaitement à l'aspiration de nos concitoyens à la moralisation de la finance et de la fiscalité. Sur ce point, il faut le répéter en permanence, nous avons pris une initiative très forte qui constitue une véritable révolution en matière législative et fiscale pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscale. Voilà les raisons pour lesquelles je voterai sans aucun état d'âme et avec enthousiasme ce collectif.

Un mot supplémentaire, qui ne concerne pas votre compétence, madame le ministre, mais pour l'avenir : il faudra un jour avoir le courage de s'attaquer à ce monstre juridique qu'est devenu le code du travail : contrairement à ce que l'on pense, il joue aujourd'hui totalement contre l'intérêt des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, mardi 14 février à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ;

Vote solennel la proposition de loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 14 février 2012, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron