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Séance en hémicycle du 27 novembre 2008 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • accident
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  • essais nucléaires
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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures trente-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Christiane Taubira et plusieurs de ses collègues relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires (nos 1258, 1264).

La parole est à Mme Christiane Taubira, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, chers collègues, c'est à l'occasion d'un séjour en Polynésie, début 2005, que j'ai été sensibilisée par l'association « Mururoa et tatou » à la situation des vétérans des essais nucléaires, de leurs veuves, ayants droit et descendants, et à la situation des populations ayant résidé à proximité de sites d'essais nucléaires.

Certains parlementaires sont entrés dans ce combat par d'autres voies, mais nous avons tous appris à apprécier et à respecter le sens de la responsabilité, la rigueur, la maîtrise des données disponibles, la pertinence des demandes, la cohérence des argumentaires, et même la patience des membres de l'association « Mururoa et tatu », de l'AVEN – l'Association des vétérans des essais nucléaires français –, de l'ANVEN – l'Association nationale des vétérans victimes des essais nucléaires –, de l'Association des vétérans d'Algérie et de l'Association française des malades de la thyroïde.

Sur tous ces bancs, nous partageons la certitude de l'importance du sujet, de l'urgence de légiférer, et nous le faisons avec une profonde estime à l'égard du travail collectif engagé depuis plusieurs années par des parlementaires de toutes sensibilités, en accord étroit avec les associations nommées et en partenariat avec quelques-uns des organismes qui leur sont proches, notamment la CRIIRAD – Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité.

Pour saluer cette mobilisation sur plusieurs années et rendre hommage à ce travail collectif, les neuf propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale ont été réunies pour faire l'objet d'une discussion commune. Elles sont explicitement signalées dans le rapport, avec mention des références et des premiers signataires. Il en est de même pour les quatre propositions de loi et la demande d'enquête parlementaire déposées au Sénat.

En amont de nos débats au Parlement, plusieurs colloques ont été organisés, dont un à l'Assemblée nationale en janvier 2006, qui a accueilli les membres de la commission d'enquête de l'Assemblée territoriale de Polynésie. Des rencontres ont également eu lieu à Paris et à Papeete. Un comité de soutien, « Vérité et justice », a été mis en place récemment. Une pétition ayant recueilli 12 000 signatures a été déposée le mois dernier à la primature. Des figures éminentes ont prêté leur notoriété, notamment le grand résistant Raymond Aubrac ou Monseigneur Gaillot. Des vétérans ont livré une bataille judiciaire depuis plusieurs années, souvent adossée aux associations, et les cabinets d'avocats qui les accompagnent ont acquis du recul sur la diversité des réponses apportées par les différentes juridictions civiles ou militaires. Mais ces procès sont longs, pénibles et aléatoires, même si, ces dernières années, s'est constituée une jurisprudence qui tend à reconnaître le bien-fondé de ces plaintes et si le ministère de la défense, tout en maintenant le principe d'un examen au cas par cas, ne fait plus systématiquement appel des décisions qui lui sont défavorables.

Le temps presse, parce que des enquêtes et des études ont démontré, dans ces catégories de populations, la prévalence de certains cancers, un taux de morbidité plus élevé que la moyenne et un taux de mortalité supérieur. Sur les 210 essais nucléaires français effectués au Sahara et en Polynésie de février 1960 à janvier 1996, dix-sept essais, dont quatre atmosphériques, ont eu lieu au Sahara, les 193 autres en Polynésie – essais atmosphériques et souterrains –, incluant quinze opérations de sécurité.

Il ne s'agit pas de dresser l'acte d'accusation des essais nucléaires français, nonobstant les témoignages sur les conditions de décontamination et de réhabilitation des sites, témoignages corroborés par des éléments provenant non seulement du ministère de la défense – notamment à propos des tirs sur barge –, de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, du groupe opérationnel des essais nucléaires, mais également d'extraits d'études du délégué à la sûreté nucléaire, de l'INSERM, de l'OMS, de l'AIEA, auxquels on pourrait ajouter les travaux de la CRIIRAD et du CDPRC.

Il s'agit en fait de réaffirmer que le risque zéro n'existe pas, que les citoyens doivent être dûment informés des précautions à prendre avant ou après, et recevoir réparation des préjudices éventuellement subis. Ce n'est donc pas une mise en cause ; c'est une démarche de justice, d'équité, et même de loyauté de l'État à l'égard de citoyens aujourd'hui affectés par les conséquences d'actes publics éminemment stratégiques.

D'autres pays, comme les États-Unis depuis une vingtaine d'années, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, ont reconnu les effets sur la santé et sur l'environnement des essais nucléaires et des décontaminations de centrales. Ils ont créé des fonds d'indemnisation, organisé un suivi médical, parfois publié la liste des personnes affectées aux sites, commandité des études épidémiologiques ou radiobiologiques et intégré les progrès de la médecine nucléaire, en élargissant la liste des pathologies concernées, passée de treize en 1988 à vingt-neuf en 2002.

Cette proposition de loi tend à reconnaître et à indemniser les personnes ayant exercé ou résidé à proximité de sites nucléaires. Y ont été ajoutées, depuis l'accident de Tchernobyl, des dispositions visant les victimes d'accidents nucléaires. Il ne s'agit pas de confondre dans une même analyse le nucléaire militaire et le nucléaire civil, ni même de permettre un raccourci entre l'état de la centrale ukrainienne et l'état du parc nucléaire français, indépendamment des observations et des injonctions de l'Agence de sûreté nucléaire. Mais, du point de vue de la santé publique, il faut considérer que les populations exposées aux essais ou accidents nucléaires, si elles ne bénéficient pas de protection, sont vulnérables et démunies. Et, pour ne pas ignorer le débat que soulève la question des accidents, je demande simplement que, bien que la loi de 1968, deux fois modifiée, réponde bien aux situations en cause, tant du point de vue de la responsabilité de l'exploitant que du point de vue du régime assurantiel qu'elle institue, cela soit précisé et que les décrets d'application soient publiés.

Cette proposition de loi comprend six articles. Le premier établit le principe de présomption de causalité entre les maladies radio-induites et les essais et accidents nucléaires. Autrement dit, il crée les conditions d'un droit à l'indemnisation, sans que la victime ait besoin de fournir la preuve de ce lien : sa présence suffit. Il s'agit, bien entendu, des pathologies inscrites sur la liste qui sera arrêtée par un décret du Conseil d'État.

Les catégories visées sont les personnels civils ou militaires, y compris le personnel du CEA et des entreprises sous-traitantes, ayant exercé au Sahara ou en Polynésie entre 1960 et 1996, les populations ayant résidé aux abords des sites d'essais nucléaires – la législation américaine retient un rayon d'action de 700 kilomètres –, et les personnes qui ont été exposées aux retombées de l'accident de Tchernobyl, soit essentiellement à l'est de la France et en Corse.

L'estimation des effectifs présumés est, bien sûr, difficile, parce qu'il n'existe pas d'étude épidémiologique, que chaque armée gérait ses personnels et qu'il n'y avait pas de centralisation des données. Elle est d'autant plus difficile qu'il y a des contestations sur le suivi médical, y compris sur les relevés dosimétriques. On peut cependant considérer que la prise en compte des personnes qui ont pu se trouver aux abords de sites d'essais et des personnels mobilisés et recrutés pendant ces trente-six années fixe le rayon d'action possible, la cartographie présumée. Il s'agit non pas de toutes les personnes qui ont été présentes, mais de celles – quelques milliers – qui développent, même plusieurs décennies après, des pathologies radio-induites.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques propose quelques indications chiffrées. En tout état de cause, des injustices ont été commises, par ignorance ou par négligence, et elles doivent être réparées. L'accident de 1986 concernerait essentiellement une population d'enfants de moins de quinze ans et de femmes enceintes de quelques semaines.

L'objet de cette proposition de loi est de mettre en place, par l'article 2, un dispositif de réparation intégrale visant à réparer l'ensemble des préjudices patrimoniaux, c'est-à-dire économiques, et extrapatrimoniaux, c'est-à-dire personnels, à l'aide d'un fonds d'indemnisation créé sur le modèle du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante – le FIVA – créé en 2001. Pourraient également émarger à ce fonds les ayants droit et les descendants lorsqu'ils sont affectés par les effets transgénérationnels.

Ce fonds d'indemnisation, créé par l'article 3, doit être autonome et pourrait – ce n'est pas aberrant – profiter de l'expérience et du savoir-faire du FGAO – le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages – qui, d'une certaine façon, a parrainé la mise en place du FIVA.

L'article 4 crée auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, qui devra donner son avis sur la liste des maladies radio-induites et sur les lieux. Elle devra également effectuer le suivi des questions épidémiologiques et de celles relatives à l'environnement, ainsi que veiller à l'application de la loi.

Ce principe élargit aux militaires le champ d'application de la présomption d'origine ; il l'assouplit pour les salariés et il gomme une différence de traitement au détriment de la population polynésienne qui relève d'un régime indemnitaire moins favorable, aggravé par des délais de prescription plus sévères. Sans compter la différence de qualité des abris construits pour les militaires et de ceux réservés à la population. Il s'agit donc d'un principe qui établit la justice et l'égalité.

L'article 5 crée le gage et l'article 6 élargit le champ d'application de la proposition de loi aux collectivités d'outre-mer qui ne relèvent pas de l'identité législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Merci de vous acheminer vers votre conclusion, madame Taubira !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le ministre, le temps est venu d'une initiative législative forte, qu'elle soit d'origine parlementaire ou qu'elle émane de l'exécutif. Il nous faut un cadre juridique novateur qui dise enfin la reconnaissance de la nation et rende justice aux victimes lourdement frappées.

Pour ces raisons, j'ai pris mille précautions afin de donner à cette cause toutes ses chances et de franchir une étape décisive. J'ai demandé audience à tous les présidents de commission et au président de l'Assemblée nationale. Le groupe SRC a accepté de remplacer notre texte par le texte commun issu du travail collectif de tous les députés et sénateurs de toutes sensibilités. Nous avons procédé à des auditions contradictoires, et je remercie chaleureusement les personnalités qui ont accepté de se livrer à cet exercice. Leur liste figure dans le rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Monsieur le ministre, nous avons pris des précautions : nous avons refusé de commenter la convocation pour mardi 18 novembre au soir d'une réunion à la veille de notre débat en commission, ainsi que l'annonce, par votre ministère, de l'élaboration d'un projet de loi. Il n'y a donc pas de raison pour que ce texte de loi recueille moins de votes qu'il n'a eu de signatures.

Cependant, il n'est pas anodin que les parlementaires s'apprêtent à se laisser dessaisir par le Gouvernement d'une cause qui les a mobilisés de façon aussi constante et transversale. Je veux simplement croire que personne n'osera plus se réclamer du manque de données irréfutables qui n'existent pas parce qu'on ne les a pas cherchées. Si toutefois ce prétexte devait revenir, je vous dirais simplement, avec les mots de Cornélius Castoriadis, que nous serions devant une somme de semi-vérités perverties en stratagème d'évasion. Pour ma part, la vigilance ne faiblira pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Giacobbi.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Monsieur le président, mes chers collègues, il aura fallu que dix-sept propositions de loi aient été déposées sur le sujet et que la dix-huitième arrive enfin en débat devant cette Assemblée pour que le Gouvernement annonce qu'il est prêt à admettre le principe d'une indemnisation des victimes d'activités nucléaires !

Jusqu'à maintenant, les gouvernements successifs depuis des décennies n'ont jamais admis de principe de présomption de causalité et, loin de s'en remettre à la sagesse des juges, ils ont toujours tenté de faire obstruction à la rapidité des procédures par des appels systématiques auprès des tribunaux devant lesquels les victimes avaient l'outrecuidance de vouloir faire valoir leurs droits.

Cependant, si cette proposition, ou plus exactement le fait qu'elle puisse faire l'objet d'un débat, a contraint le Gouvernement à changer son fusil d'épaule, si j'ose dire, elle ne l'a pas, pour autant, détourné de son objectif : limiter au maximum toute possibilité d'indemnisation des victimes.

Dans ce cadre, le Gouvernement utilise plusieurs techniques bien connues : le report à plus tard, le mépris technocratique de l'initiative parlementaire et la limitation considérable de la portée du texte au motif que prendre en compte tout le sujet poserait des problèmes de définition et ruinerait nos finances publiques.

Se fondant d'abord sur l'adage selon lequel «la loi est une affaire trop sérieuse pour être laissée à l'initiative du Parlement », le Gouvernement annonce, dans un même mouvement, son intention de déposer un jour prochain un projet de loi sur le sujet pour justifier son refus d'approuver la présente proposition.

Les victimes, qui ont attendu plusieurs décennies, pourront encore patienter un an ou deux pour avoir le bonheur d'être un jour indemnisées par grâce gouvernementale plutôt que par grâce parlementaire. L'essentiel, toutefois, reconnaissons-le, est qu'elles puissent l'être !

Dans ce domaine, les initiatives gouvernementales ne sont pas meilleures sur le plan technique, mais présentent l'avantage, du moins pour le Gouvernement, d'être des dispositions toujours moins favorables aux victimes, mêmes si elles ont l'apparence, pour un lecteur profane, d'affirmer généreusement un certain nombre de principes.

Mais surtout, et ce sera l'essentiel de mon propos, le Gouvernement entend évidemment exclure du bénéfice de toute loi d'indemnisation les victimes d'accidents nucléaires. Cela mérite que l'on s'y arrête un moment, ne serait-ce que par respect et par considération pour l'ensemble des personnes qui, dans ce pays, souffrent aujourd'hui de pathologies caractéristiques qui pourraient être liées à leur exposition à une radioactivité excessive due à un incident ou à un accident nucléaire, selon le vocabulaire officiel.

La thèse classique, tellement ressassée qu'elle a fini par imprégner les esprits, est celle selon laquelle il ne saurait y avoir d'incident radioactif en France tant nous vivons dans la perfection de l'activité nucléaire et qu'il ne saurait y avoir de contamination par-delà nos frontières, comme si le parfum de nos vertus dans cette technique élevait à nos portes une barrière infranchissable à toute radiation étrangère. La lecture des rapports de l'Autorité de sûreté nucléaire et le rappel édifiant de ce qu'a été la gestion officielle de l'accident de Tchernobyl en France rendent cette thèse indéfendable.

Je relève, au passage, que cette thèse de l'étanchéité de nos frontières, que l'on pourrait appeler la «doctrine Maginot », du nom d'un ancien combattant et ministre remarquable, a été encore utilisée, il y a quelques semaines, ici même, pour indiquer que notre pays n'avait pas à craindre la contamination du risque bancaire qui provoque l'effondrement du système financier dans le monde entier. Cette thèse est universellement appliquée en France à tous les domaines dits de la « contamination ».

Lors de «l'incident » de Tchernobyl, le service central de protection contre les radiations ionisantes, en définitive l'État, a sciemment faussé les informations scientifiques dont il disposait pour prétendre que les hausses observées de radioactivité sur le territoire national ne pouvaient mettre en danger la santé publique. Les procédés utilisés et véritablement choquants pour un esprit un tant soit peu scientifique ont été divers : erreur volontaire sur les mesures, technique de la moyenne, entre autres. En conséquence, les ministères de l'agriculture et de la santé ont respectivement, les 6 et 16 mai 1986, affirmé qu'il n'y avait aucune précaution à prendre dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation ! Le ministère de la santé précisait : « Alimentation : les eaux habituellement potables, le lait, les produits alimentaires frais et de conserve peuvent être consommés quel que soit l'âge du consommateur ». À l'inverse de cette attitude irresponsable, le gouvernement du Luxembourg, dès le 1er mai, puis ceux de l'Autriche, de l'Italie et de l'Allemagne ont publié un certain nombre de recommandations, c'est-à-dire des mesures de précaution élémentaires à prendre par la population.

La plainte déposée à ce titre par l'Association française des malades de la thyroïde n'est pas encore jugée, mais a déjà fait l'objet de mises en examen, tandis que la réalité de la contamination en France, suite à l'accident de Tchernobyl, a donné lieu, le 24 avril 2003, à la publication, par l'Institut de recherche et de sûreté nucléaire, d'une carte de contamination dont les données, après de multiples débats et controverses, ont été confirmées par une commission ad hoc du conseil scientifique de l'IRSN et par le conseil scientifique, lui-même, dans un avis rendu le 27 mars 2006. En clair, les services spécialisés de l'État en charge de protéger les Français et de les informer des conséquences éventuelles d'une contamination, voire de recommander telle ou telle mesure de précaution élémentaire, ont, à l'origine, sciemment falsifié les données dont ils disposaient et ont, au contraire, mis en avant leur autorité pour empêcher que toute précaution soit prise ! Il y a donc eu faute et cette faute, puisqu'elle émane de la collectivité, c'est-à-dire de l'État, justifie l'indemnisation et, naturellement, la reconnaissance préalable.

On nous répondra, bien entendu, que cette reconnaissance conduirait à indemniser tous les Français ou, du moins, tous ceux victimes de pathologies qui pourraient être liées à une exposition radioactive. Cet argument est d'une immense mauvaise foi ! Nous disposons, en effet, comme cela vient d'être précisé, de cartographies précises qui ne sont plus guère aujourd'hui contestées et qui montrent bien que la contamination, liée essentiellement au niveau atteint par les précipitations atmosphériques au cours de la période critique, n'a concerné de manière significative que des parties très limitées du territoire et n'a pu, de ce fait, atteindre qu'un nombre restreint de personnes, s'agissant au demeurant de pathologies peu fréquentes à l'état naturel.

Je peux tout à fait comprendre que l'on puisse vouloir prendre toute précaution, afin de ne pas créer un mécanisme d'indemnisation mal défini et abusivement sollicité. Cependant, la proposition qui vous est présentée est, à cet égard, d'une extrême prudence puisqu'elle prévoit qu'une commission nationale, dont la composition serait définie par décret en Conseil d'État, fixerait la liste des pathologies présumées pouvant être liées au risque radioactif ainsi que les zones géographiques concernées pour lesquelles, d'ailleurs, nous disposons de données rigoureuses et précises.

Je vois difficilement en quoi de telles dispositions pourraient aboutir à une indemnisation abusive. Quoi qu'il en soit, je serai très attentif, monsieur le ministre, à l'analyse juridique qui sera faite à cet égard par le Gouvernement et aux engagements éventuels qu'il prendra, le cas échéant, pour garantir l'application effective du droit existant.

La présente proposition n'est en rien défavorable à l'industrie nucléaire. Soutenir le contraire est à peu près aussi absurde que d'affirmer que le code de la route est attentatoire à l'industrie automobile, ou que la mise en cause éventuelle de la responsabilité d'une collectivité publique, gestionnaire du réseau routier, dans un accident de la circulation interdirait l'investissement dans les voies de circulation. L'industrie nucléaire est utile. L'évolution générale de la production d'énergie la rend même peut-être indispensable dans le monde en général, et en France en particulier. Elle présente aussi, comme toute activité humaine, des risques et des dangers. Elle ne doit être ni diabolisée ni sanctifiée, mais simplement raisonnablement encadrée et, à ce titre, un mécanisme d'indemnisation des accidents demeure indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix-huit propositions de loi ont été déposées sur cette question relative au traitement sanitaire des essais nucléaires, ce qui prouve que celle-ci dépasse largement les clivages politiques.

Il s'agit du droit à réparation pour des populations victimes des conséquences extrêmement lourdes des essais nucléaires français. Depuis des décennies, quel que soit le gouvernement, et contrairement à d'autres pays, jamais ce problème grave n'a trouvé de solution. Aucune attention n'a été témoignée aux familles des victimes décédées. Aucune mesure concrète n'a été prise pour aider les vétérans gravement malades qui ne sont pas reconnus victimes de la nation et n'ont, de ce fait, aucun droit à réparation. Nombre d'entre eux et leurs familles ont décrété, avec raison, qu'il y avait urgence.

Le Comité de soutien à l'Association des vétérans des essais nucléaires a été constitué pour qu'il soit mis fin à cette injustice et que les victimes et leurs familles obtiennent enfin réparation. Ce comité regroupe plus de 400 parlementaires de toutes tendances politiques, ce dont je me réjouis. Nous nous félicitons qu'il ait élaboré une proposition conforme, à la virgule près, à la demande formulée par ces populations. Bien sûr, nous défendons cette proposition qui doit permettre de faire oeuvre utile s'agissant de ce problème récurrent.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a dû déposer en urgence une proposition de loi, mais nous nous sommes engagés à la retirer si des parlementaires de différents groupes nous rejoignent sur ce sujet. Il faut toujours respecter les engagements pris et le travail accompli par d'autres, et ne pas rechercher un bénéfice politicien. L'essentiel pour nous est de trouver une solution à ce problème. L'initiative, si elle répond aux attentes, peut émaner de qui que ce soit. Nous serons également satisfaits si le Gouvernement présente un projet de loi, comme cela a été annoncé, mais il nous faudra connaître son mode d'élaboration, la nature de la concertation qui a précédé sa rédaction et son contenu.

La proposition du Comité de soutien à l'AVEN n'appartient à aucun groupe. Ceux qui ne l'ont pas encore fait doivent répondre à l'appel du Comité. Si tous les membres de mon groupe ont signé cette proposition, c'est que nous en partageons le contenu.

Dans différents États, les gouvernements ont pris des décisions concrètes pour faire droit aux revendications de leurs ressortissants. Ainsi, depuis la fin des années 50, les États-Unis ont mis en place un suivi médical spécifique des populations des îles Marshall et ont créé un fonds d'indemnisation pour les populations déplacées de ces atolls.

Le 25 avril 1988, le Sénat américain, qui n'est pas très révolutionnaire, vous en conviendrez, a adopté une loi d'indemnisation des vétérans exposés aux radiations en établissant la présomption d'un lien avec le service pour les maladies dont souffrent les vétérans ayant été exposés aux radiations. Cette loi américaine a été révisée en 2001. Sur cette question, il faut bien reconnaître que les États-Unis nous montrent le chemin. Je n'aime pas que Bush nous montre le chemin ; heureusement que cela sera maintenant Obama ! Pourquoi la France n'a-t-elle pas fait la même chose ?

En Nouvelle-Zélande, le gouvernement a mis en route, en septembre 2001, une étude sur un groupe de cent vétérans utilisant la méthode des tests radiobiologiques, permettant d'affirmer l'exposition aux radiations. Un système de prise en charge des vétérans et de leurs descendants a également été mis en place.

Le gouvernement australien, que l'on ne peut pas non plus qualifier de très révolutionnaire, a publié en août 2001 la liste nominative des personnes affectées aux essais britanniques sur son territoire – environ 16 500. Il a également consacré un budget de 500 000 dollars à des études épidémiologiques et radiobiologiques.

Quant au gouvernement britannique, pas révolutionnaire non plus, il a décidé de réviser ses propres études épidémiologiques.

Comme quoi, ailleurs, on se préoccupe de cette question. En France, depuis des dizaines d'années, rien n'est fait en la matière ! Pourtant, la première proposition que j'ai déposée date de plus de vingt ans. Des gouvernements se sont succédé, mais personne n'a réagi. Heureusement que les vétérans se réunissent, agissent et font progresser les choses.

Cette proposition de loi est raisonnable. Elle prend en compte la réalité telle qu'elle est, sans démagogie, sans rajout, sans autre exigence que le droit à la justice et à réparation.

Nous sommes tout à fait d'accord, monsieur le ministre, pour ne pas aborder d'autres questions même si elles posent de réels problèmes, et nous en tenir à l'objet central pour les vétérans des essais nucléaires, leurs familles et les populations concernées. En effet, nous ne voulons pas tout mélanger pour éviter de compliquer les choses. Je vous informe cependant que nous déposerons une proposition de loi, qui répond à une recommandation de la Commission de Bruxelles, sur le problème de l'uranium appauvri, grande question s'il en est !

Mais aujourd'hui, nous voulons avancer sur cette seule question de toutes les victimes des essais nucléaires. C'est un devoir pour l'État français.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je vais terminer, monsieur le président, puisqu'on n'a pas le temps de s'exprimer ici. (Rires.) Ne riez pas, puisque même le Gouvernement s'intéresse aujourd'hui à la question, fort heureusement ! J'ai lu l'interview de M. le ministre, que j'ai appréciée. Il se demande pourquoi on a pris un tel retard ; c'est une question légitime. Moi, je ne ris pas avec ça. Les vétérans sont là. Ceux qui ont subi ça, leurs familles, leurs descendants, vous regardent, croyez-moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je termine, monsieur le président, mais je n'aime pas qu'on rie quand on parle de ça. Les vétérans et leurs familles ne rient pas. M. le ministre semble avoir compris, mais pas ceux qui rient, et c'est bien dommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Pour la première fois, le Gouvernement, par la voix de son ministre de la défense dans une interview dans la presse, a expliqué que le Gouvernement était sensible à ce problème. Il a admis que la France était très en retard et n'avait pris aucune disposition pour rendre justice à toutes les victimes, contrairement à nombre d'autres États. Vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre, c'est ce que nous pensons également.

Évidemment, on ne peut qu'être choqué que le Gouvernement fasse fi de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. Il n'en conteste pas le bien-fondé, mais veut présenter lui-même un projet. Au moment où l'on répète que l'on veut donner plus de pouvoirs au Parlement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

…ce n'est pas bien ! Avouons que la méthode est particulière ! Le texte du Gouvernement ne sera manifestement pas le même.

Je souhaite donc que cette proposition de loi soit examinée pour ne pas retarder les choses, mais si vous deviez présenter un projet de loi, monsieur le ministre, je vous demanderais, et je suis sûr que vous accepterez, que le Comité de soutien « Vérité et justice » et l'AVEN soient associés étroitement à son élaboration.

Et vous qui vous permettez de rire, soyez plus humains !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin afin de discuter de la proposition de loi de nos collègues socialistes, radicaux et citoyens visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes victimes des essais ou accidents nucléaires.

Cette question très sensible dépasse les clivages politiques traditionnels. En effet, depuis six ans, dix-huit propositions de loi venant de tous les bords de notre assemblée ont été déposées. Je me félicite donc que notre collègue Christiane Taubira aborde à son tour le sujet.

Il existe en effet un réel consensus national sur cette question. Je tiens toutefois à préciser que ce consensus ne se limite pas à la seule indemnisation des victimes d'essais nucléaires. Il existe également sur le bien-fondé de la politique de dissuasion nucléaire, qui n'est pas remise en cause.

Revenons sur la question de l'indemnisation. Il est indéniable que les 210 essais nucléaires menés entre 1960 et 1996 ont eu de graves conséquences pour certaines catégories de notre population. Reconnaître un droit à indemnisation pour les victimes des essais nucléaires répond ainsi à un principe d'équité. D'ailleurs, tous les États qui ont réalisé des essais nucléaires ont admis qu'ils avaient pu entraîner des conséquences dommageables sur la santé des militaires et des populations habitant à proximité des sites concernés et ont prévu des mécanismes d'indemnisation. Nous sommes en retard. C'est, dès lors, un devoir moral pour l'État français de se saisir à bras-le-corps de cette question.

Nombre de vétérans se sont lancés ces dernières années dans des procédures judiciaires civiles ou militaires afin d'obtenir droit à pension ou à indemnisation pour le préjudice subi mais, en dépit du succès croissant de ces procès, la procédure se révèle bien souvent longue, coûteuse et aléatoire pour les plaignants. Il convient donc d'agir.

Je me félicite que le Gouvernement, par la voix de son ministre de la défense, se soit engagé à déposer au premier trimestre 2009 un projet de loi reconnaissant les conséquences sanitaires des essais nucléaires et prévoyant une indemnisation. Ce sont 150 000 civils et militaires qui ont pris part aux essais français. Il n'y a pas eu, bien sûr, de conséquences néfastes pour tous, mais ceux qui sont malades attendent une réparation rapide.

Le projet de loi reconnaîtrait le droit à l'indemnisation en fonction des irradiations reçues et d'une liste de maladies. En outre, le ministère s'est engagé à ne plus faire appel contre les décisions judiciaires accordant une indemnisation.

Dès lors, la discussion de cette proposition de loi paraît quelque peu prématurée. De plus, bien que je partage les objectifs poursuivis par la rapporteure, je critique la méthode retenue pour les raisons suivantes.

L'article 1er de la proposition de loi s'attache à établir une présomption de lien de causalité lorsque les personnes, y compris, le cas échéant, leurs descendants et ayants droit, ont été en contact avec des activités nucléaires. Ce faisant, il met injustement sur un pied d'égalité ceux qui ont été réellement exposés aux rayonnements ionisants et ceux qui ne l'ont pas été.

De plus, cet article ne prévoit pas de critère d'inclusions dosimétriques, ce qui a pour effet de le rendre applicable au premier becquerel artificiel. Or la dose d'exposition peut être établie, car il s'agit d'une mesure physique qui peut être individuelle ou collective. Je sais bien que certaines dosimétries peuvent avoir disparu ou ne pas avoir été prises en compte mais, si les dossiers personnels ne peuvent être retrouvés, on pourrait se référer à ceux d'autres personnes présentes à la même date et au même endroit.

Par ailleurs, cet article laisse, à tort, à une commission constituée de personnes non expertes en la matière la faculté de donner un avis au Conseil d'État pour constituer une liste de maladies supposées être radio-induites, sans considérer les connaissances scientifiques et médicales.

Enfin, que dire de l'inégalité de droit qu'induit cet article entre les personnes ayant participé aux essais nucléaires ou résidant à proximité des sites d'expérimentations et les autres populations, en considérant pour les unes et les autres des listes, qui peuvent être différentes, de maladies supposées radio-induites ?

L'article 2 fixe les catégories d'individus pouvant obtenir réparation intégrale de leurs préjudices. Trois catégories sont définies, dont les descendants des personnes irradiées. Cet article vise donc à reconnaître les effets héréditaires des irradiations. Or, la science n'a jamais réussi à mettre en évidence de tels effets, y compris chez les irradiés d'Hiroshima et de Nagasaki.

L'article 3 crée un fonds d'indemnisation des victimes des essais et des accidents nucléaires chargé d'assurer une réparation intégrale des préjudices subis. Si, là encore, je partage l'objectif qui est fixé, je tiens toutefois à émettre certaines réserves au regard de l'extrême complexité juridique qu'implique la création d'un tel établissement. L'administration d'une telle commission de suivi devrait plutôt relever du Premier ministre ou du ministre de la santé.

Enfin, l'article 4 crée auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires. Je m'interroge sur la pertinence de cette commission. Ne serait-il pas préférable d'instituer une commission de suivi scientifique et technique compétente capable d'évaluer les dossiers ?

En conclusion, pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette proposition de loi. Il attend avec impatience le projet de loi promis par le ministre de la défense pour les prochaines semaines, en demandant que ce texte prévoie une indemnisation juste et équitable pour les personnels civils et militaires exposés aux essais nucléaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Colombier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour aborder une question essentielle, celle de la reconnaissance et de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Une fois n'est pas coutume, je tiens à remercier le groupe SRC et notre collègue Christiane Taubira de cette initiative. Elle nous donne l'occasion de débattre à nouveau, avec vous, monsieur le ministre, de ce sujet majeur qui appelle – nous en sommes convaincus sur l'ensemble de ces bancs – une évolution législative.

La proposition de loi présentée par Mme Taubira soulève un vrai sujet de société et met en lumière un problème d'équité. Nos débats en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mercredi dernier, ont d'ailleurs confirmé la volonté partagée sur l'ensemble de nos bancs d'avancer sur cette question majeure afin d'améliorer l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Le groupe UMP a pris plusieurs initiatives en ce sens, que je rappellerai brièvement. La proposition de loi déposée par mes collègues Yannick Favennec et Christian Ménard, que j'avais moi-même cosignée, allait dans la même direction. Plus récemment, je suis intervenu sur le sujet à cette même tribune, en marge de la discussion de la mission « Anciens combattants » du projet de loi de finances pour 2009.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, ce sujet intéresse, interpelle et préoccupe bien au-delà des bancs SRC ce matin. Le groupe UMP aussi est mobilisé pour entendre les attentes, déjà anciennes, des associations de victimes telles que l'Association des vétérans des essais nucléaires – l'AVEN – que je tiens à saluer.

Au préalable, je crois utile de rappeler quelques évidences de notre politique nucléaire. En premier lieu, il ne s'agit pas de remettre en cause le bien-fondé de cette politique. Depuis les années 1960, notre politique de dissuasion nucléaire fait l'objet d'un quasi-consensus, et des essais nucléaires ont été menés par des gouvernements de toutes sensibilités politiques. Deux cents essais nucléaires ont en effet été réalisés au Sahara et en Polynésie par les gouvernements successifs. Cette politique assure l'indépendance énergétique et militaire de notre pays, garantissant à la France son rang dans le monde.

Deuxième évidence : cette politique a eu des conséquences sur la santé de certains de nos concitoyens, militaires ou civils, ayant participé à des expérimentations dans le Pacifique ou le Sahara, ou ayant résidé à proximité des sites concernés. Tous les États qui ont procédé à des essais nucléaires ont admis que ceux-ci avaient pu avoir des conséquences sanitaires dommageables, et ont prévu des mécanismes d'indemnisation. C'est notamment le cas des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et du Canada. Notre pays a lui aussi le devoir de reconnaître et de réparer les conséquences des essais nucléaires, et je crois pouvoir dire qu'un consensus national existe aujourd'hui sur la nécessité d'indemniser les victimes de ces essais.

Face à ce problème, les pouvoirs publics ne sont pas restés inactifs. Ils se sont engagés, au cours de ces dernières années, à améliorer l'indemnisation et le suivi sanitaire des victimes des essais nucléaires. Je voudrais donc rappeler en quelques mots les efforts entrepris depuis 2004.

En ce qui concerne le dispositif d'indemnisation, le ministère de la défense a instauré des règles générales d'instruction des dossiers de contentieux particulièrement protectrices pour les militaires victimes d'essais ou d'accidents nucléaires : le cas par cas – chaque dossier bénéficie d'un mémoire complet comportant un rappel des états de service et des bilans radiologiques –, la reconnaissance des pathologies en cas de doute ou de faisceau de présomptions, et l'application par analogie des maladies radio-induites figurant sur le tableau 6 des maladies professionnelles.

En outre, conformément à la ligne de conduite qu'il s'est fixée, le Gouvernement ne conteste pas systématiquement les décisions de justice qui lui sont défavorables, comme l'attestent les affaires Cariou, en 2007, et Geneix, en septembre dernier, dans lesquelles il ne s'est pas pourvu en cassation.

Dans le domaine du suivi sanitaire, le Gouvernement a également engagé des efforts conséquents. Je ne mentionnerai que quelques-unes des mesures prises depuis 2004 par les pouvoirs publics : la création en janvier 2004 d'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français, l'ouverture en janvier 2008 du droit à une consultation médicale gratuite auprès du service de santé des armées pour les personnels du ministère de la défense ayant séjourné sur les sites d'expérimentation nucléaire français, et la mise en oeuvre d'une enquête épidémiologique sur le risque sanitaire lié à la participation aux campagnes d'expérimentations nucléaires au Centre d'expérimentation du Pacifique entre 1966 et 1996, dont les résultats devraient être connus au premier semestre 2010.

Pour autant, force est de constater que ces efforts demeurent insuffisants. Un certain nombre de nos concitoyens, militaires et surtout civils, peinent encore à faire reconnaître leur caractère de victimes et à obtenir une indemnisation à la hauteur du préjudice subi. Les procédures contentieuses sont longues et leur issue – il faut bien le reconnaître – souvent aléatoire. La mobilisation des associations et notamment de l'AVEN, que nous connaissons bien et avec laquelle nous travaillons étroitement, en témoigne. J'ai la conviction, avec un grand nombre de mes collègues, que nous devons aujourd'hui aller plus loin et reconnaître, au nom du principe d'équité, un droit à indemnisation pour les victimes des essais nucléaires.

Comme vous le voyez, madame la rapporteure, nous partageons votre constat. En revanche, nous ne vous rejoignons pas sur les réponses que vous préconisez. En particulier, le dispositif juridique proposé me semble poser plus de problèmes qu'il n'apporte de solutions.

Tout d'abord, il prévoit un champ d'application excessivement large, qui concerne non seulement les essais nucléaires, mais aussi les accidents nucléaires pour toutes les personnes, militaires et civiles, ayant travaillé ou résidé à proximité des sites concernés. Le champ ouvert est sans limite dans la mesure où la proposition de loi introduit la notion d'activité à risque radioactif, sans aucune référence à une dosimétrie. Une telle définition concernerait tous ceux qui sont soumis aux rejets autorisés des centrales nucléaires électriques, des installations de l'industrie nucléaire, des hôpitaux, c'est-à-dire toute la population française ! Cette disposition semble d'autant plus inadaptée que la dose d'exposition est une mesure physique qui peut être établie de manière individuelle, collective et donc aussi comparative.

Ensuite, le dispositif proposé établit un lien trop systématique entre la présence sur les lieux d'expérimentation nucléaire et l'exposition éventuelle à des rayonnements dangereux. L'instauration d'une telle présomption de lien de causalité entre les pathologies radio-induites et les essais nucléaires semble difficilement acceptable sur les plans non seulement juridique, mais aussi scientifique. D'après le rapport final du Comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français remis le 3 juillet 2007, il n'est en effet pas possible de considérer a priori que tout militaire ayant travaillé sur les sites d'expérimentation a été exposé à des rayonnements dangereux si aucun incident particulier n'est consigné dans son dossier personnel. De même, pour le personnel civil, il n'existe aucune raison objective de recommander l'extension d'un régime de présomption d'origine à d'autres maladies que celles auxquelles il s'applique déjà dans le cadre de la reconnaissance des maladies professionnelles.

Enfin, il ne me paraît pas adapté de viser dans un même texte les accidents nucléaires civils, pour lesquels un régime juridique d'indemnisation est déjà prévu par des conventions internationales – convention de Paris de 1960 et convention de Bruxelles de 1963 – ainsi que par la loi du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, et les conséquences des essais nucléaires militaires, qui n'ont quant à eux jamais fait l'objet d'un texte de loi.

En somme, je considère que si la proposition de loi de Mme Taubira a ouvert un vrai sujet, elle n'apporte pas les solutions appropriées. Le règlement de ce problème ancien et complexe nécessite la poursuite d'une concertation approfondie avec les pouvoirs publics et les associations de victimes sur un texte réellement consensuel et s'appuyant sur des fondements scientifiques reconnus et indiscutables.

Monsieur le ministre, nous attendons des pouvoirs publics un geste politique fort en faveur de ceux de nos concitoyens qui ont servi loyalement notre pays. Conscient de l'importance du sujet, vous vous êtes engagé officiellement, au nom du Gouvernement, à déposer un projet de loi reconnaissant les conséquences sanitaires des essais nucléaires, au plus tard au premier trimestre 2009.

À l'occasion d'une réunion de travail, vous nous avez dévoilé les grandes lignes d'un avant-projet de quatre articles datant du 6 novembre dernier…

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Colombier

Ce n'est pas une surprise. Si vous aviez été en commission, vous seriez au courant !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous travaillez en clan ! Vous ne respectez pas la représentation nationale ! C'est scandaleux ! Nous sommes des députés de seconde zone !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ! C'est comme pour le rapport de la Cour des comptes !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Colombier

La concertation interministérielle ainsi qu'avec les associations, les parlementaires et les particuliers concernés se poursuivra sur cet avant-projet.

Celui-ci crée une commission nationale d'indemnisation, définit les zones géographiques concernées et renvoie à un décret, dont l'avant-projet a également été présenté, l'établissement de façon aussi exhaustive que possible de la liste des maladies radio-induites. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous apporter des précisions sur le contenu et le calendrier de ce texte très attendu.

Cet avant-projet de loi témoigne de la volonté du Gouvernement de ne plus différer le règlement de cette question et d'y apporter une réponse concrète. Avec mes collègues du groupe UMP, nous en prenons acte et nous vous demandons officiellement d'associer l'ensemble des parlementaires à la finalisation de ce texte, que nous souhaitons voir aboutir au premier trimestre 2009, comme vous vous y êtes engagé. Sur ce sujet en particulier, je souhaite que nous puissions faire oeuvre de coproduction législative. Notre groupe y tient beaucoup.

Pour l'ensemble de ces raisons, et compte tenu de l'engagement fort pris par le ministre, je crois qu'il est plus sage, mes chers collègues, de poursuivre le travail engagé avec le Gouvernement et par conséquent de renoncer au vote, dans la précipitation, d'un texte qui n'est pas pleinement satisfaisant sur le plan juridique. Au nom du groupe UMP, je vous appelle donc à voter contre le passage à l'examen des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur le président, monsieur le ministre – on aurait pu espérer également la présence de Mme la ministre de la santé, puisque le texte a été examiné en commission des affaires sociales –, madame la rapporteure, que je remercie pour son travail et son engagement, mes chers collègues, grâce à vous, le dernier combat d'André Mézière, vétéran tourangeau des essais nucléaires, peut être victorieux.

Jeune militaire, André Mézière était affecté sur la base de Reggane, en Algérie, entre 1962 et 1964. Sa fonction était le chargement des avions sur le tarmac de la base du centre d'expérimentation militaire. À cette époque, quatre essais nucléaires ont eu lieu dans le Sahara, et il fut présent à trois d'entre eux.

En 1999, les médecins lui diagnostiquèrent une polymyosite, maladie rare et consécutive à une atteinte du système immunitaire. Après des années de bataille juridique, au vu de différentes expertises, le tribunal de Tours lui accorda, en juin 2005, la pension qu'il réclamait. Mais le ministère de la défense fit appel de cette décision, et la cour régionale des pensions militaires d'Orléans vient de rendre sa décision. Après avoir étudié de nouvelles expertises, la cour a indiqué qu'elle n'avait aucune certitude. Les magistrats ont constaté que le lien entre les radiations ionisantes subies par André Mézière et sa maladie apparue en 1999 n'était pas établi. La famille Mézière a été déboutée de toutes ses demandes le 14 novembre dernier, alors qu'André venait de décéder à l'âge de soixante-huit ans.

Ces douleurs, cette injustice, ce silence vécus par un grand nombre de vétérans et de familles, nous ne souhaitons plus les revivre. C'est la raison pour laquelle des parlementaires de tous les bancs se sont mobilisés pour la reconnaissance du droit à l'indemnisation des vétérans des essais nucléaires menés par la France entre 1960 et le 27 janvier 1996.

Je dirai un mot rapide de la démarche : dix-huit propositions de loi, venant de la majorité comme de l'opposition, ont été déposées depuis 2002. Une large mobilisation de plusieurs associations de victimes s'est développée dans le pays, à l'instar de celle de l'Association des vétérans des essais nucléaires, dont je tiens à saluer le travail et la ténacité, ainsi que le président Michel Verger et son prédécesseur Jean-Louis Valaxt.

Animés par une démarche unitaire et transpartisane, les associations et les parlementaires ont élaboré un texte commun, que nous étudions aujourd'hui. Ce long et minutieux travail animé par l'AVEN et la sénatrice honoraire Hélène Luc a abouti à ce texte, exception faite des dispositions concernant les accidents nucléaires, sur lesquelles nous sommes prêts à revenir, par fidélité à notre objectif commun et transpartisan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Cette association est, avec d'autres comme « Mururoa e tatou », à l'origine du comité de soutien « Vérité et justice », constitué le 3 juin dernier avec des parlementaires de toutes sensibilités et quelques personnalités en vue de médiatiser cette démarche. Le 18 octobre, à la suite d'un colloque qui s'est tenu à l'Assemblée, le comité a porté à l'hôtel de Matignon une pétition réunissant plus de 12 000 signatures en faveur de la reconnaissance des conséquences des essais nucléaires et de la juste indemnisation des victimes.

Cette proposition de loi correspond à une démarche pragmatique, monsieur le ministre. Elle est le fruit d'un compromis et se concentre sur les points de consensus. Elle ne comporte pas, vous l'aurez bien évidemment noté, de jugements sur la poursuite tardive des essais nucléaires par la France ou de demande de lever le secret-défense concernant certaines situations.

Vérité et justice : le message est simple, notre initiative est claire. Nous devons en effet vérité et justice aux vétérans et aux populations victimes des essais nucléaires : vérité, car le silence doit être rompu, les souffrances reconnues, la responsabilité de l'État engagée ; justice, car les vétérans, comme leurs descendants, doivent pouvoir être indemnisés des maladies qui les frappent si durement.

Nous devons donc enfin briser le silence, reconnaître les douleurs, répondre à l'urgence humaine des vétérans et de leurs familles atteints par ces maladies radio-induites. Chaque mois, des vétérans des essais nucléaires décèdent de pathologies provoquées par ces essais, et leurs ayants droit, souvent des femmes, rencontrent les pires difficultés pour faire valoir leurs droits à indemnisation devant le juge judiciaire, la plupart des demandeurs étant déboutés. Néanmoins je note, monsieur le ministre, que dans votre interview accordée hier au Parisien, vous avez pris l'engagement que votre ministère « ne fera plus appel des décisions de justice qui lui étaient défavorables lorsqu'une personne obtenait des indemnisations devant le tribunal des pensions ». J'espère que vous allez nous le confirmer dans quelques instants.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je l'ai déjà fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

La vérité passe par la reconnaissance du principe de présomption de lien de causalité entre les pathologies radio-induites et les essais nucléaires. Ce principe revient à inverser la charge de la preuve pour les victimes, leur permettant ainsi d'obtenir beaucoup plus facilement une indemnisation. Elles sont atteintes moralement comme physiquement. Nous devons donc leur éviter de subir le long et difficile processus de reconnaissance par les tribunaux.

En reprenant la notion de présomption d'origine, prévue dans la législation américaine, nous créons un droit à l'indemnisation. En effet, si la causalité n'est pas expliquée scientifiquement, sa présomption est attestée par de nombreuses études statistiques. Certes, des incertitudes subsistent encore sur l'effet des faibles doses, mais celui des fortes doses est connu, et doit être reconnu par la loi. L'association des vétérans des essais nucléaires a mené une étude de santé sur la base d'environ 1 500 réponses de ses adhérents à un questionnaire de santé : les résultats révèlent que 90 % des vétérans déclarent une maladie, parmi lesquels 33 % signalent un à trois cancers différents. L'incidence annuelle du cancer en France n'est pourtant, pour les hommes de moins de soixante-cinq ans, que de 17 %. La précocité du développement de la pathologie est aussi digne d'être remarquée : 76,4 % des malades du cancer déclarent avoir été atteints avant l'âge de soixante ans. En ce qui concerne les cancers du sang, la proportion de lymphomes et de myélomes représente vingt-cinq fois le taux de la population française.

En outre, une étude néo-zélandaise menée en collaboration avec l'équipe scientifique de l'Institut de cancérologie Gustave Roussy, sous la direction du professeur Claude Parmentier, a clairement montré que les anomalies de l'ADN sont trois fois plus nombreuses chez les vétérans d'essais nucléaires britanniques réalisés en 1957 et 1958 que dans un groupe apparié et du même âge non engagé dans des essais nucléaires.

Alors que les autorités françaises n'ont pas jugé nécessaire d'assurer un suivi de l'état de santé des descendants, l'AVEN remarque également l'incidence élevée des maladies héréditaires chez les enfants de vétérans. Monsieur le ministre, ne limitons pas cette reconnaissance aux victimes directement exposées lors des essais : n'oublions pas les descendants qui peuvent aussi subir l'effet des maladies radio-induites.

Osons reconnaître ces vérités et ne créons pas d'injustice. Personne ne peut endurer le silence que notre pays laisse perdurer. La vérité sur l'ensemble des victimes doit être affirmée et assumée par l'État.

La justice, quant à elle, passe par la création d'un droit à une juste indemnisation. Une fois la vérité reconnue, le principe de justice doit aussi nous conduire à instaurer un dispositif d'indemnisation comme l'ont fait le Sénat américain et les gouvernements néo-zélandais, australien, britannique et canadien. Nous devons mettre fin à des conditions d'indemnisation aléatoires, qui demeurent aujourd'hui insatisfaisantes, avec de lourdes procédures dont l'issue est toujours incertaine et rarement positive. Il existe actuellement des inégalités de réparations entre militaires et civils, entre Français de métropole et Français de Polynésie, bien qu'ils partagent les mêmes souffrances. Nous devons changer cela et mettre en place un régime de réparation intégrale des préjudices subis, au bénéfice des victimes directes comme de leurs descendants.

C'est tout le sens du droit à réparation, qui sera mis en oeuvre par le Fonds d'indemnisation des victimes des essais nucléaires prévu à l'article 3 de notre proposition de loi. Cette initiative législative forte doit s'accompagner de la création d'une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, composée d'acteurs représentant l'ensemble des parties concernées. Prévue à l'article 4, elle sera à même de suivre les conséquences de ces essais, et de créer les conditions d'un dialogue réconciliateur.

Monsieur le ministre, il n'est pas acceptable de différer plus longtemps la mise en place d'un régime légal d'indemnisation destiné à assurer, sur l'ensemble du territoire de la République, un traitement égalitaire de toutes les victimes des essais nucléaires, sur le modèle de ce qui a déjà été fait pour les victimes de l'amiante.

Mes chers collègues, il est urgent de répondre au sentiment d'injustice que ressentent, du fait de l'indifférence des pouvoirs publics à leur égard, les personnes subissant chaque jour dans leur chair les conséquences des essais nucléaires. C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette proposition de loi plutôt que d'attendre un hypothétique projet de loi l'an prochain. Elle est le fruit d'une démarche consensuelle : son adoption illustrerait la revalorisation du rôle du Parlement à laquelle nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier Mme Taubira, dont le texte est à l'honneur du Parlement. En effet, c'est parfois le Parlement qui fait bouger les choses, et j'ai la conviction que cette proposition de loi, elle-même produit d'un consensus, est en train de faire bouger le Gouvernement. Elle va permettre de rendre enfin justice à ceux qui ont servi notre pays et aux populations qui se trouvaient à côté des sites d'expérimentation.

Trente ans se sont écoulés depuis le consensus de 1978 sur la dissuasion. C'est en effet cette année-là que la gauche s'est ralliée à la dissuasion mise en oeuvre par le général de Gaulle. Trente ans après…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Vous compris, monsieur Gremetz ! À l'époque, vous étiez au parti communiste. Mais je n'ai que cinq minutes pour m'exprimer, et j'ai l'intention de traiter le sujet sans être dérangé par vos interruptions. Je vous rappelle que vous vous êtes déjà exprimé et que vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Trente ans après, disais-je, nous sommes en train de bâtir un consensus sur l'indemnisation. À l'heure où la République traite de l'amiante, des OGM, de la sécurité sanitaire, il était en effet plus que temps de rendre justice aux soldats, aux civils qui travaillaient à leurs côtés, et aux populations – je pense notamment aux Polynésiens – qui vivaient à proximité des sites, car la plupart des accidents se sont produits pendant les essais atmosphériques. À cet égard, je ferai deux remarques.

Premièrement, la législation prévoyant l'indemnisation des victimes des accidents liés aux essais nucléaires existe dans bien des pays, soit des puissances nucléaires – l'Angleterre et les États-unis –, soit des États qui ont participé aux essais – l'Australie, par exemple, a autorisé sur son territoire des essais atmosphériques mégatoniques américains. Malheureusement, une telle législation n'existe toujours pas en Chine ou en Russie, pas plus que dans les nouvelles puissances nucléaires émergentes telles que l'Inde ou le Pakistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Et Israël ! Seconde remarque : ce consensus qui émerge en France témoigne d'une véritable révolution dans les mentalités au ministère de la défense car, quels qu'aient été les gouvernements, le ministère a toujours maintenu l'omerta en ce domaine. Il s'est même battu en justice contre des demandes d'indemnisation qui étaient justifiées. Tout cela est derrière nous, et je m'en réjouis.

Mais en quoi nous, à l'UMP, nous séparons-nous de votre approche et donc de votre texte, madame Taubira ? Georges Colombier a répondu en détail à cette question. Je trouve, moi aussi, regrettable le mélange entre l'indemnisation des victimes des essais nucléaires et celle d'éventuelles victimes d'accidents nucléaires civils. Vous savez comme moi que notre pays s'est déjà doté d'une législation de la responsabilité civile en cas d'accident nucléaire. Cette législation découle de plusieurs conventions internationales – convention de Paris de 1960, convention de Bruxelles de 1963, les protocoles de 2004 – et de la loi de 1968, plusieurs fois modifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Bref, nous avons un régime de responsabilité civile et un système assuranciel garanti par l'État. Revenir là-dessus serait non seulement inutile, mais surtout dommageable à la cause de ceux que nous voulons protéger, c'est-à-dire les victimes des accidents liés aux essais nucléaires. C'est mon premier point de divergence avec vous.

Second point de divergence : le principe de présomption de lien de causalité. En droit, c'est une notion à la fois trop large et trop floue. Son application se retournerait donc inévitablement contre ceux auxquels nous essayons de rendre justice par l'indemnisation légale. Je vous propose donc de travailler sur la notion de droit à l'indemnisation pour toute personne ayant résidé à proximité d'un site d'expérimentation en Algérie, entre 1960 et 1967, ou en Polynésie, entre juillet 1966 et juillet 1998, le détail des maladies donnant lieu à indemnisation devant être précisé par le Gouvernement, en liaison avec les associations et les scientifiques concernés, et publié sous forme de décret. Je crois que le Gouvernement s'apprête à proposer un tel dispositif, et c'est le bon.

S'agissant des modalités de l'indemnisation, vous nous proposez une commission de suivi des essais nucléaires qui serait extrêmement politique puisqu'elle comporterait, à côté des membres d'associations, des ministres et des parlementaires. Or le problème politique est derrière nous : les essais nucléaires ont été arrêtés par Jacques Chirac en 1996. Les installations de Mururoa ont été démantelées, et le consensus sur l'indemnisation, nous le faisons aujourd'hui même. Nous avons donc besoin d'une commission d'indemnisation, de nature technique, qui se saisisse des dossiers au cas par cas.

En revanche, là où je vous rejoins, c'est sur l'idée d'un fonds d'indemnisation. Un tel dispositif me paraît indispensable si l'on veut disposer de ressources pour indemniser les gens, et que celles-ci ne soient pas défalquées des crédits du ministère de la défense, qui a déjà bien des difficultés à remplir ses objectifs. Cela permettrait d'opérer en toute transparence.

En conclusion, je regrette de devoir voter contre le passage à la discussion des articles de votre texte, madame Taubira, mais j'attends du ministre de la défense qu'il vienne devant nous très rapidement – il s'est engagé à le faire au premier trimestre de l'année prochaine –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

…avec un texte qui reprendra les points sur lesquels nous sommes tous d'accord. Faute de quoi, nous, à l'UMP, nous déposerons une proposition de loi formalisant ce consensus. Séparons le civil du militaire, essayons de mettre au point quelque chose qui fonctionne sur le plan juridique et en termes d'indemnisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Telle est la démarche que nous engagerons si le Gouvernement n'est pas au rendez-vous lors du premier trimestre 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, j'étais adolescent lorsque eurent lieu les premiers essais nucléaires au Sahara, et un fait m'avait particulièrement marqué à l'époque : c'était la vision de ces soldats découvrant, à très faible distance, les premières expérimentations avec, comme seule protection pour nombre d'entre eux, le port de lunettes de soleil.

Je n'avais pas encore entrepris mes études de médecine, mais je me rappelle que ce fait m'avait interpellé et que je trouvais cette seule protection pour le moins un peu légère. Mais nous n'étions qu'en 1960 et il est vrai qu'à cette époque beaucoup de choses étaient encore ignorées. Puis eurent lieu les essais en Polynésie. Loin de moi l'idée de remettre en cause leur légitimité. Même si certains de nos collègues ici présents ne partagent pas cette approche – et je respecte leur opinion –, je pense qu'ils étaient malheureusement nécessaires.

Toujours est-il que tout au long de ma carrière professionnelle, j'ai été amené à constater, parmi ceux de mes patients militaires qui avaient vécu des expérimentations, une prévalence de certaines affections, notamment cancéreuses, dont aujourd'hui l'origine ne laisse planer aucun doute.

Je ne jetterai pas l'anathème sur tel ou tel gouvernement de droite ou de gauche pour ne pas avoir pris plus tôt en considération ce type d'affections. Je rappellerai simplement que, sous l'impulsion d'associations nationales telles que l'AVEN, dont je salue la persévérance des dirigeants, et « Moruroa e tatou », des élus, toutes tendances politiques confondues, avaient uni leurs forces pour concocter une proposition de loi destinée sinon à effacer, tout au moins à essayer de réparer au maximum les erreurs du passé.

Or malheureusement, en dépit de ce que nous aurions pu espérer, ce n'est pas cette proposition que nous examinons aujourd'hui. Aussi permettez-moi, madame la rapporteure, sans aucune animosité de ma part, de vous opposer deux remarques. D'abord, je voudrais réaffirmer que le texte examiné ce matin, contrairement à ce qui avait été prévu et à ce que vous dites un peu tardivement, n'est pas celui qui avait été préparé en consensus par les élus de tous bords. Cette démarche me paraît précipitée. Ensuite, je voudrais souligner que nous devons adopter une stratégie commune si nous voulons obtenir un maximum de voix. Or comme vous pouvez le constater, les conditions ne sont pas réunies. Elles le sont d'autant moins que nous venons de prendre connaissance par une communication en commission – M. le ministre ne me contredira pas – de l'existence d'un projet de loi gouvernemental qui sera déposé au premier trimestre 2009 pour être discuté quelques mois plus tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Un projet qui a été opportunément réveillé par le dépôt de cette proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

À mon sens, nous devons donc axer tous nos efforts sur ce futur projet qui doit recueillir la majorité des voix de cette assemblée. Encore faudra-t-il y associer en amont non seulement les représentants de nos vétérans des essais nucléaires, mais aussi tous nos collègues, au-delà de tout clivage politique.

Dans ce futur projet de loi, il devra être stipulé que les militaires de carrière ou appelés ayant participé aux essais nucléaires français et souffrant de maladies radio-induites pourront bénéficier de l'inscription d'un nouveau mécanisme au code des pensions militaires, le code actuel ne répondant pas à la réalité des maladies radio-induites qui peuvent survenir quelques mois à plusieurs dizaines d'années après le phénomène contaminant.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Ménard

La liste des affections donnant droit à cette prise en charge devra être définie de manière objective, à l'instar de ce qui se passe aux États-Unis où vingt-neuf maladies sont reconnues, contre seulement quelques-unes en France. Il en va de même des doses d'exposition aux rayonnements ionisants ouvrant droit à indemnisation. Choisir un seuil minimum serait une erreur. L'on sait aujourd'hui que certains humains exposés à de faibles doses peuvent développer une pathologie cancéreuse, alors que d'autres soumis à de fortes doses n'en seront jamais atteints.

Enfin, à l'instar de ce qui s'est passé pour l'amiante, il faudra créer un fonds d'indemnisation ainsi qu'une Commission nationale de suivi des essais nucléaires, chargée de toutes les questions inhérentes à ce type d'accidents à déterminer. Bien sûr, dans ce projet de loi, nous devrons tenir compte des victimes civiles de ces essais.

En conclusion, j'insiste sur le fait que seul un consensus dépassant les clivages politiques peut permettre de résoudre cet épineux problème. N'oublions pas que derrière tout cela, il y a des femmes et des hommes qui souffrent et qui attendent une lueur d'espoir depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Comme beaucoup de mes collègues, je voudrais remercier Christiane Taubira qui, depuis de nombreuses années, se bat pour cette cause. Son exposé remarquable démontre une fois encore son implication.

Cette proposition de loi reprend trois conditions – le préjudice, le fait générateur et le lien de causalité – qui ouvrent à une victime le droit à être indemnisée d'un dommage. Sachant que la charge de la preuve pèse en principe sur le demandeur, autant parler de « fardeau de la preuve », comme le font d'ailleurs certains manuels juridiques.

Toutefois, dans des domaines où la preuve est difficile à apporter par les victimes – en matière de discrimination ou de harcèlement au travail, par exemple –, la loi aménage la charge de la preuve. La loi peut aussi créer une présomption légale postulant l'existence du préjudice dans une situation donnée, ainsi que l'envisage la proposition de loi lorsque le risque de contamination du fait d'essais nucléaires est révélé. Son adoption exonérera les personnes ayant été exposées à des radiations de prouver l'impossible, à savoir l'existence du lien de causalité entre l'exposition et les multiples pathologies recensées.

Cette proposition vise aussi à mettre fin à une hypocrisie génératrice d'une injustice sans précédent pour les victimes d'essais nucléaires. Certes, elle est présentée dans le cadre des niches parlementaires, trop peu nombreuses alors qu'elles redonnent toute sa noblesse à l'Assemblée nationale, comme le rappelait mon collègue Pierre Lellouche. À ce propos, monsieur le ministre, nous nous réjouissons de vos récentes déclarations par lesquelles vous vous engagez à présenter un projet de loi, précédé de la création d'un groupe de travail. Nous resterons bien sûr vigilants, car nous connaissons la difficulté à présenter des textes, compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire.

Pourquoi attendre encore ? Pourquoi ne pas adopter dès aujourd'hui cette proposition de loi juste, raisonnable et acceptée par la quasi-totalité des parlementaires qui se sont exprimés avant moi, toutes tendances confondues. Il est urgent d'agir car le temps presse, comme le rappellent toutes les associations de victimes civiles ou militaires. Il y a quelques semaines, à Brest, j'assistais à l'assemblée générale d'une association de mon département où a été cité le nombre de personnes décédées et celui des personnes atteintes présentes.

Inutile de rappeler le nombre anormalement élevé de civils et de militaires contaminés après avoir été présents, à un moment de leur vie, dans une zone d'essais nucléaires. Inutile de dénoncer l'hypocrisie de la loi française qui persiste à refuser d'inscrire certaines pathologies dans la liste de celles résultant de cette exposition. Inutile d'insister sur l'obstacle quasi insurmontable que représente la classification sous le sceau du « secret défense » pour produire en justice les éléments probants.

Autre anomalie supplémentaire : la différence de traitement entre victimes civiles et militaires, soulignée dans le rapport Bataille-Revol, remis en février 2001 à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. On y lit par exemple : « Concernant la situation des personnes ayant été exposées à des radiations dans des conditions telles que se pose la question d'une pension d'invalidité, il apparaît nécessaire de mettre fin à la disparité constatée au détriment des personnes qui relèvent du code des pensions civiles et militaires par rapport à celles qui relèvent du régime général des maladies professionnelles (cas des agents du CEA et des entreprises extérieures). La présomption de causalité doit en effet être établie pour les premières comme elle l'est actuellement pour les secondes. » Cette recommandation est restée lettre morte.

Le deuxième alinéa de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pose comme principe que « Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service » ouvrent droit à pension. Ensuite, le premier alinéa de l'article L.3 prévoit bien la possibilité pour les victimes de bénéficier d'une « présomption d'imputabilité au service ». Mais le troisième alinéa de ce même article se charge immédiatement de réduire la portée de ce principe à une peau de chagrin en disposant que : « En tout état de cause », doit être « établie médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et de l'infirmité invoquée. » Traduction concrète de ce dispositif : la preuve du lien de causalité entre essais nucléaires et séquelles détectées chez les possibles victimes devient quasiment impossible à fournir.

Pourtant, plusieurs de mes collègues l'ont rappelé, les témoignages d'anciens militaires présents sur les sites d'essais nucléaires ne manquent pas. Quasiment tous font état d'une absence totale de protection lors des tirs réalisés dans les régions chaudes du Sahara algérien ou de Mururoa. Par ignorance je l'espère, leur hiérarchie n'avait pas jugé utile de leur fournir d'autres équipements que des vêtements adaptés à la température, de poser des restrictions aux baignades dans les eaux du lagon de Mururoa ou à la consommation des produits issus de ces zones. Civils, militaires, habitants de ces zones n'ont jamais été entendus par une commission, une instance quelconque, voire le ministère de la défense.

Nombre de militaires présents rapportent qu'ils ne disposaient pas non plus de dosimètre individuel pour mesurer les taux d'irradiation, et que les résultats des prélèvements effectués après les essais ne leur avaient pas été communiqués. Or malgré l'évidence, la loi continue d'exiger de ces personnes une preuve impossible à fournir face au mur du temps et du secret.

Comme réponse à ces préoccupations, la création en 2004 de l'Observatoire de la santé des vétérans a débouché sur le lancement d'études dont les résultats ne seront disponibles que dans quelques années, et dont le Parlement n'est d'ailleurs pas informé. Pendant ce temps, d'autres vétérans seront décédés sans voir reconnu leur préjudice. Il ne s'agit pas tant d'argent – qui ne leur rendra pas la part de vie dont ils ont été privés – que de satisfaction morale.

Certains parmi eux, trop rares, ont pourtant vu leur ténacité récompensée, mais au prix de combien d'efforts et à quel stade de leur vie ! Récemment, le 4 septembre 2008, la Cour régionale des pensions militaires de Nancy a fait droit, en appel, à la demande d'un ancien soldat irradié en 1962 dans le Sahara algérien, M. André Geinex, âgé aujourd'hui de soixante-douze ans, cela au bout de huit années d'une procédure entamée en 2000.

Cependant, la décision de cette cour d'appel n'a pas pour effet d'unifier le droit et pourrait ne rester qu'un arrêt isolé, la cour ayant notamment constaté que les lésions de ce soldat étaient dues à un tir « plus puissant que prévu ». Est-ce à dire que son préjudice ne serait dû qu'au fait que l'essai en question ne s'est pas déroulé dans les conditions prévues ? Dans le cas d'une interprétation restrictive de cet arrêt, les vétérans verraient toujours leurs demandes rejetées par la justice dès lors que les essais se seraient déroulés dans des conditions « normales », car conformes aux prévisions initiales.

Avant ce récent arrêt de la cour de Nancy, seul un militaire – actuellement âgé de soixante-neuf ans – était parvenu à établir un lien de causalité entre un cancer de la thyroïde et sa participation à des essais nucléaires à Mururoa entre 1966 et 1972. Cet arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes en mai 2007 n'avait pas donné lieu à un pourvoi en cassation de la part de l'État. Le détail est important, car la Cour de cassation, chargée de dire et d'appliquer le droit et non de juger les faits, casse quasi systématiquement les arrêts d'appel donnant raison aux plaignants, considérant que le lien de causalité ne peut être établi. Enfin, moins d'une dizaine des personnels civils présents sur des bases militaires a vu son préjudice reconnu.

La preuve étant quasiment impossible à fournir, la loi doit changer et établir une indispensable présomption de lien de causalité entre les essais nucléaires et les séquelles des militaires et des civils présents sur ces sites, afin que cesse ce scandale : des personnes largement diminuées sont privées des moyens de défendre leur cause devant la justice de leur pays.

Enfin, alors que certains s'interrogent sur la façon dont la France pourrait cultiver le souvenir de ses morts et célébrer leur sacrifice, il est primordial de rappeler qu'une nation s'honore en reconnaissant ses fautes et en les réparant. En l'occurrence, il s'agit de reconnaître une faute à l'égard de celles et ceux qui sont morts ou qui mourront parce que victimes d'un ordre ou d'une loi injustes qui les ont privés d'un des droits les plus élémentaires, celui de pouvoir faire entendre leur cause de manière équitable.

Chers collègues, nous vous demandons solennellement d'adopter ce texte en hommage aux victimes et à leurs familles, et pour redonner à ceux qui ont été frappés par cette injustice des raisons de croire que la France a cessé de les oublier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Buillard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mes collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale qui, par leur ténacité à déposer inlassablement des propositions de loi touchant aux conséquences des essais nucléaires sur la santé, ont enfin permis l'ouverture d'un débat dans notre hémicycle.

En tant que député polynésien, je me réjouis que le sujet soit enfin débattu, et je remercie Christiane Taubira d'avoir su faire bouger les lignes et obtenu la confiance de ses collègues socialistes. En tant que député de l'UMP, je regrette que, malgré les efforts louables de certains de mes collègues, notre groupe ne soit pas à l'origine de cette initiative.

Moruroa signifie « l'atoll du grand secret ». C'était le terrain idéal pour l'installation des sites du ministère de la défense, aussi appelé « la grande muette », mais ce temps est révolu : le maître mot est désormais la transparence.

Si, au niveau international, la France peut aujourd'hui participer sur un pied d'égalité aux réunions des grandes nations et faire entendre sa voix, c'est grâce à la Polynésie française ; grâce à trente années d'essais nucléaires effectués sur le sol polynésien, entre 1966 et 1996. En tant qu'élu de la Polynésie française, en tant que Polynésien, je tenais à le rappeler, car je constate que l'on a un peu trop tendance à oublier, ces derniers temps, l'engagement sans condition d'un peuple pour assurer la souveraineté de la France. Les Polynésiens ont travaillé sur les sites d'expérimentations ; ils ont contribué à la dissuasion nucléaire de la France et ont fait confiance à l'État, privilégiant l'intérêt supérieur de la nation au détriment, peut-être, de leur propre santé.

Aujourd'hui, les temps ont changé. On nous dit que, au nom de la moralisation, il faut mettre fin aux abus, aux injustices et aux erreurs du passé. La responsabilité de l'État implique qu'il agisse dignement en indemnisant les personnes qui ont subi les effets des essais nucléaires.

J'assume ma participation à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion nucléaire, tant lorsque j'étais vice-président de l'exécutif local qu'aujourd'hui, en tant que député-maire. Il ne s'agit donc pas d'un problème d'idéologie. En 1995, à la reprise des essais, les jeunes polynésiens se sont révoltés et ont brûlé une partie de ma ville, Papeete. J'ai recueilli à la mairie des familles qui avaient tout perdu. J'ai assumé mon soutien à la politique de la France, et n'ai pas réclamé l'aide de l'État pour ces victimes collatérales des essais. Cela étant j'ai aussi, comme élu chargé de représenter les Polynésiens, une responsabilité envers eux.

Je pense, chers collègues, que vous vous êtes demandé dans quelles conditions l'industrie nucléaire a été installée en Polynésie française. Tous les partis politiques qui se sont succédé au gouvernement de la France ont une responsabilité à assumer en ce domaine. Le choix s'est porté sur la Polynésie française pour des raisons que nous connaissons tous. La population a-t-elle été consultée ? Non. Aujourd'hui se pose toujours la question de savoir si la France s'est assurée l'entière coopération des responsables politiques polynésiens en empêchant toute expression de l'identité politique polynésienne, incarnée notamment, à l'époque, par le sénateur Pouvanaa a Opaa.

À ceux qui se demandent pourquoi la Polynésie française, avec tous les transferts financiers, a des difficultés à assurer son autonomie économique et son développement endogène, je rappelle qu'en quelques années, les Polynésiens ont dû s'adapter à une véritable révolution économique et sociale, passant d'une économie rurale et autosuffisante à une société moderne et artificielle de consommation.

Depuis l'arrêt des essais nucléaires en 1996, la Polynésie se trouve à un nouveau tournant de son histoire. Signée en octobre 2002, la convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française concrétise l'engagement de l'État de maintenir de façon permanente le niveau des flux financiers qui résultaient de l'activité du CEP, le Centre d'expérimentation du Pacifique. Il s'agit donc bien d'une dette morale plutôt que d'une rente nucléaire. Les essais nucléaires font peut-être partie de l'histoire et du passé pour les militaires et le Gouvernement français, mais pour nous, dans le Pacifique, c'est un souci permanent de savoir si les essais ont été propres ou s'ils ont eu des effets néfastes sur la santé des populations.

À l'heure où la Polynésie est en proie au doute, avec des réformes menées tambour battant qui menacent ses fragiles équilibres économiques et sociaux ; à l'heure où l'on nous annonce, et cela vous concerne directement, monsieur le ministre, le retrait de deux tiers des effectifs militaires de Polynésie pour faire de la Nouvelle-Calédonie, je vous cite, « la nouvelle base militaire de la France dans le Pacifique »,…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Non, la base de défense !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Buillard

C'est pareil à mes yeux.

À l'heure, disais-je, du retrait des hélicoptères Super Puma et du retrait total de brigades de gendarmerie dans certaines îles, notamment à Raivavae et Rimatara, la Polynésie française veut être rassurée. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous adopterez une position, non pas de circonstance mais d'ouverture, en bon humaniste que vous êtes.

Je vous demande donc de rassurer les personnes concernées et leurs descendants en accordant réparation aux malades qui ont été exposés, et ce quel que soit le moyen politique ou juridique envisagé. Ce serait une première compensation dans le cadre du respect des engagements de l'État envers la Polynésie.

Le texte qui nous est proposé aujourd'hui a le mérite de poser clairement la responsabilité de l'État en matière d'indemnisation. On peut toujours débattre des moyens financiers pour l'assurer,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Buillard

…mais les crédits alloués par la défense pour compenser l'arrêt des essais nucléaires ne peuvent en aucun cas être détournés de leur objectif et servir à financer le fonds d'indemnisation.

J'espère enfin que les parlementaires, notamment ceux de Polynésie, seront associés à l'élaboration de votre projet de loi, ainsi que les associations, notamment Moruroa e tatou, que je salue ici pour son engagement sans faille en faveur de nos vétérans et de leurs familles. Mauruuru ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Marc Nesme, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Nesme

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme des différentes interventions, la question qui se pose est la suivante : l'omerta sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires va-t-elle enfin être levée ?

Depuis des décennies, la droite et la gauche, la majorité et l'opposition, ont alternativement déposé des propositions de loi tendant à donner un cadre juridique pour sécuriser l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Et depuis des décennies, les gouvernements qui se sont succédé, toutes tendances confondues, ont refusé de prendre en compte les légitimes demandes de ces victimes, sous des prétextes fallacieux, alors que les pays anglo-saxons ont réglé l'affaire depuis longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Nesme

Lorsque j'ai appris le dépôt de la proposition de loi de Christiane Taubira, j'avais décidé de la voter pour marquer, au-delà des clivages politiques, lesquels n'ont rien à faire dans ce dossier sensible et douloureux, ma volonté de répondre positivement aux victimes des essais nucléaires. Toutefois, si le fond du texte ne me choque en rien, la forme prévue risque de poser davantage de problèmes, au plan juridique, qu'elle n'apportera de solutions aux victimes, représentées par différentes associations telles que l'AVEN ou Les Sacrifiés des essais nucléaires, créé il y a deux ans.

Vous avez annoncé hier, monsieur le ministre, que le Gouvernement déposerait, au début de 2009, un projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des expérimentations nucléaires. Je suis en possession de l'avant-projet, et le dispositif prévu me paraît mieux adapté aux demandes des victimes que la présente proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Tout cela ne se discute-t-il qu'au sein de l'UMP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Nesme

J'attends donc avec impatience, monsieur le ministre, de voter votre texte, lequel répondra à un engagement pris par le Président de la République au cours de la campagne électorale en 2007, ainsi qu'aux pressions de la représentation nationale, tous groupes politiques confondus, depuis de nombreuses années.

Il est vraiment dommage d'avoir attendu des décennies pour qu'un gouvernement règle enfin cette affaire particulièrement sensible et douloureuse ; mais mieux vaut tard que jamais. Je me félicite donc que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, ait décidé, contrairement à tous ceux qui l'ont précédé – quelle qu'ait été leur couleur politique –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Nesme

…d'apporter une réponse cohérente et sécurisée, sur le plan juridique, aux demandes légitimes des victimes des essais nucléaires.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, la représentation nationale est vraiment en colère,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Nesme

… – et je pèse mes mots –, qu'aucune solution n'ait été apportée à ce problème depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP, NC et SRC.) Votre projet de loi est attendu avec impatience, pour une adoption au début de 2009. Ne nous décevez pas : le temps est vraiment venu de régler ce dossier, je le répète, sensible et douloureux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous débattons en effet d'un sujet essentiel, qui dépasse largement les sensibilités politiques.

Il existe un consensus, ou presque, sur la nécessité de la dissuasion nucléaire. De la même manière, comme le montre ce débat, il existe un consensus sur la nécessité d'indemniser les victimes éventuelles des essais nucléaires. Cette réparation est justice. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'indemniser ces victimes, dès lors que le lien de causalité entre la maladie ou les troubles dont elles souffrent et les essais nucléaires est avéré.

Presque tous les États le font, et la France ne doit pas déroger à la règle. Il nous faut trouver une solution juste et le faire avec rigueur, avec sérieux, et aussi avec le souci de l'humanisme, de la justice et de l'équité, comme vous l'avez tous dit.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

C'est dans cet esprit que, depuis mon arrivée au ministère de la défense, j'ai mené un certain nombre d'actions. Lorsque j'étais président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, j'étais, comme vous, sensible à cette question et, pour tout dire, très perplexe, sinon troublé par le comportement de l'État. Permettez-moi donc de rappeler les actions que j'ai menées depuis mon arrivée au ministère.

Nous avons créé à Papeete, en novembre 2007, le centre médical de suivi. Les anciens travailleurs polynésiens des sites d'expérimentations et les populations des îles ou atolls des Gambier, de Tureia, de Reao et de Pukarua peuvent y consulter, pour un bilan médical individuel, un médecin militaire mis à la disposition du ministère polynésien de la santé.

Ensuite un bilan médical complet, assorti d'un suivi médical, a été proposé aux huit personnes irradiées lors de l'accident Béryl du 1er mai 1962. Elles ont été examinées à l'hôpital d'instruction des armées de Percy et leurs dossiers sont en cours de révision.

Par ailleurs, j'ai donné des consignes au service de santé des armées afin que l'ensemble des services médicaux d'unités des forces armées et de la gendarmerie reçoivent toute personne ayant participé aux essais qui se présenterait à eux, et ce quel que soit son statut actuel. Ces personnes sont examinées par un médecin militaire qui peut proposer, en lien avec le médecin traitant, des examens complémentaires. Elles sont informées sur les services et les administrations à contacter pour obtenir leurs dossiers médicaux et, le cas échéant, leurs relevés dosimétriques.

À cet égard, madame Adam, je précise que les dossiers médicaux ne sont pas classés « secret défense », et que les intéressés y ont librement accès.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Ils ne comportent aucun relevé dosimétrique !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

En outre, trois experts de l'Académie des sciences et de médecine ont été habilités et ont désormais accès à toutes les archives classées « secret défense ». Enfin, en cas de demande des juridictions, les documents protégés sont déclassifiés, selon la procédure classique et après saisie de la commission consultative du secret de la défense nationale, dont je continuerai de suivre les avis.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Un numéro vert a été mis en place pour délivrer toutes les informations utiles à l'établissement des dossiers.

À ma demande, mon cabinet a reçu à plusieurs reprises les associations et les parlementaires concernés par cette question.

En outre, j'ai confié à un organisme indépendant, SÉPIA Santé, une étude épidémiologique concernant les anciens travailleurs du centre d'expérimentation du Pacifique, dont les résultats seront connus à la fin de l'année prochaine, mais je m'efforcerai de raccourcir encore ce délai.

Enfin, chaque dossier contentieux est examiné au cas par cas, en toute objectivité et dans le plus grand souci de transparence. Un mémoire complet, comportant un rappel des états de service et des éventuels bilans radiologiques, est ainsi constitué.

Par ailleurs, conformément à la ligne de conduite que j'ai fixée, le ministère de la défense ne conteste plus systématiquement toute décision de justice qui lui est défavorable.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Après une étude individuelle des dossiers concernés, j'ai donc décidé de ne pas pourvoir le ministère en cassation dans l'affaire Cariou et l'affaire Geneix, contre l'avis des services.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Certes, je conviens qu'il faut aller plus loin et modifier le dispositif législatif existant, conformément aux orientations tracées par le Premier ministre. Toutefois, sur un sujet aussi complexe et délicat, une proposition de loi au contenu très général, qui ne repose pas sur des études scientifiques approfondies, me semble inadaptée, d'autant que les connaissances ne cessent d'évoluer. Ainsi, madame la rapporteure, j'adhère à votre démarche, mais pas à votre texte.

Vous nous y proposez notamment d'affirmer la présomption de lien de causalité entre les pathologies radio-induites et les essais nucléaires. Or ce n'est pas au législateur mais aux autorités scientifiques et médicales d'établir un tel lien. De surcroît, ce serait mettre sur un pied d'égalité d'une part, les personnes qui ont été réellement exposées et d'autre part, celles qui sont malades pour des raisons incontestablement extérieures à l'exposition. Une telle assimilation serait irrecevable, car elle serait injuste.

À cet égard, les tribunaux ont refusé d'accorder une indemnisation dans les cas de maladies dont la cause était liée à d'autres risques tels que le tabac ou l'alcool, par exemple.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je ne veux poser le principe d'un droit à l'indemnisation des victimes que pour celles qui ont été exposées de façon significative lors des essais, en fonction de l'état des connaissances scientifiques et médicales.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Pour cela, il nous faut introduire dans le décret d'application un seuil d'exposition à partir duquel les personnes pourront bénéficier de l'indemnisation.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Certains médecins estiment ce seuil à 50 millisieverts, d'autres à 100 ; pour ma part, je considère que 50 millisieverts pourraient constituer un seuil adapté, puisqu'il correspond à la limite annuelle d'exposition des professionnels du nucléaire à l'époque des essais. C'est aussi au-delà de ce seuil que les autorités envisagent 1'évacuation des populations civiles en cas d'accident nucléaire.

Nous devons également nous appuyer sur une liste des maladies radio-induites qui sont effectivement liées à l'exposition nucléaire et, partant, qui justifient l'indemnisation, liste qu'il faudra dresser en fonction des connaissances scientifiques et médicales. J'ajoute que la liste du code de pensions militaires doit être la même que celle de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Telles sont les conditions d'un droit à l'indemnisation juste pour les éventuelles victimes des essais nucléaires. Au moment des essais, chaque membre du personnel exposé disposait d'un dosimètre individuel mesurant son exposition, et des relevés d'ambiance ont été effectué dans les zones environnant le site des explosions pour, là encore, en mesurer l'exposition. Ces données figurent dans nos archives.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Elles permettront d'évaluer chaque cas individuel, civil ou militaire, y compris parmi les populations locales qui auraient été exposées.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Vous proposez aussi, madame la rapporteure, de reconnaître les effets héréditaires des irradiations. Je ne suis pas médecin, et vous non plus ; la science n'a pourtant jamais mis ces effets en évidence, y compris parmi les irradiés d'Hiroshima et de Nagasaki.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Les effets des radiations sont congénitaux – ils peuvent se manifester au cours d'une grossesse – mais ils ne sont pas héréditaires : tel est le consensus scientifique actuel.

Enfin, dans la perspective du futur projet de loi, j'ai lancé une étude d'impact pour évaluer le nombre potentiel de personnes réellement concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

C'est une obligation : tout projet de loi suppose une étude d'impact !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

À ce jour, 355 demandes de pensions militaires d'invalidité ont été déposées depuis 1995. Cette étude permettra de mettre en place un financement adapté aux besoins.

J'ai entendu M. Ménard nous proposer la création d'un fonds d'indemnisation.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Peut-être serait-il préférable d'imputer ces indemnisations aux crédits que l'État consacre aux pensions civiles et militaires. Néanmoins, si, à l'issue des travaux préparatoires que nous mènerons ensemble, vous préférez la solution du fonds d'indemnisation, nous pourrons en débattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

La création d'un fonds d'indemnisation serait plus sûre !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

De grâce, n'inventons pas des structures nouvelles pour le seul plaisir de les créer.

Je précise, monsieur Gremetz, que si j'ai présenté l'avant-projet de loi au groupe UMP, c'est parce qu'il me l'a demandé.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'aurais été ravi que vous m'invitiez à le faire auprès de vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Si vous étiez encore député, vous auriez été le premier à protester solennellement ! Vous le savez aussi bien que moi puisque nous avons travaillé ensemble !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

En effet, j'ai siégé à vos côtés pendant neuf ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Excusez-moi, mais M. le ministre nous répond, ce qui est normal puisque nous sommes dans un dialogue courtois !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

J'insiste donc : si le président du groupe GDR m'y invite, je viendrai avec plaisir vous présenter l'avant-projet. En l'occurrence, c'est le groupe UMP qui m'a sollicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Encore fallait-il savoir que le projet existait ! Même les associations n'ont pas été mises au courant !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ce texte créera une commission nationale d'indemnisation des conséquences sanitaires des expérimentations nucléaires chargée de vérifier que les conditions d'indemnisation sont bien réunies. Elle sera, madame la rapporteure, composée d'experts reconnus et indépendants ; je souscris sur ce point aux propos de M. Lellouche.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Écarterait-on les parlementaires de la législation ?

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Nous pourrons éventuellement débattre d'y inclure un ou deux représentants du Parlement.

Les travaux de cette commission sont avant tout affaire d'expertise scientifique. En démocratie, les pouvoirs sont séparés : certains exécutent, d'autres contrôlent et légifèrent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

La législation est faite par les parlementaires !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je propose donc d'associer la représentation nationale, majorité et opposition comprises, au sein d'un groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

On associe le Parlement à l'élaboration de la loi ! Quelle nouvelle !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ce groupe de travail achèvera la préparation du texte que j'espère présenter en conseil des ministres en début d'année prochaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Ce texte répondra à vos préoccupations, qui sont aussi les miennes depuis mon arrivée au ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Bel exemple de coproduction législative ! C'est ce que nous voulons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Enfin l'unité nationale sur un sujet aussi important !

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Il s'appliquera aux militaires, mais aussi à tous les personnels ayant participé aux essais et, naturellement, aux populations polynésiennes. (« Très bien ! » sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Je saisirai dès ce soir le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale afin qu'ils consultent les groupes politiques et m'indiquent lesquels des parlementaires seront associés à ces travaux.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Grâce à ce projet de loi, nous mettrons fin à une ère de procès aléatoires, longs et coûteux pour enfin faire valoir un droit à l'indemnisation des victimes malades des essais nucléaires qui soit le même pour tous nos compatriotes, qu'ils soient civils ou militaires, ultramarins ou métropolitains.

La France doit être exemplaire en matière nucléaire ; j'y suis très attaché. Le Président de la République l'a rappelé à Cherbourg le 21 mars dernier : nous avons un bilan « unique au monde » en ce domaine. Nous respectons nos engagements internationaux, y compris le traité de non-prolifération nucléaire. Nous sommes le premier État, avec le Royaume-Uni, à avoir signé et ratifié le traité d'interdiction des essais nucléaires. Nous sommes le premier État à avoir décidé la fermeture et le démantèlement de nos installations de production de matières fissiles à des fins explosives. Nous sommes le seul État à avoir démantelé, de manière transparente, notre site d'essais nucléaires situé dans le Pacifique. Nous sommes le seul État à avoir démantelé nos missiles nucléaires sol-sol. Nous sommes le seul État à avoir réduit volontairement d'un tiers le nombre de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, et le Président de la République vient en outre de décider la réduction d'un tiers de la composante aéroportée.

En matière nucléaire, la France applique le principe de la stricte suffisance, en vertu duquel elle maintient l'arsenal au niveau le plus bas possible compte tenu du contexte géostratégique, tout en pratiquant le degré le plus élevé possible de transparence. Ainsi, les sites de Pierrelatte et de Marcoule ont été visités le 16 septembre dernier par un groupe d'experts venus de 44 pays pour constater le démantèlement de nos installations.

Il nous restait à engager la France dans cette même voie s'agissant des victimes de radiations liées aux essais nucléaires. C'était à mon sens un devoir pour l'État et pour la France.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

La France s'honore d'assumer les fautes qu'elle a pu commettre par le passé. Je suis fier d'être le ministre de la défense qui, au nom du Gouvernement, vous le déclare de cette tribune.

Je vous demande donc d'interrompre la discussion à ce stade, pour la reprendre une bonne fois pour toutes dans les premiers mois de l'année 2009 afin d'aboutir à une solution sérieuse et rigoureuse…

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

… mais aussi juste, humaniste et apaisante. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Je remercie le ministre pour les éclaircissements qu'il vient de nous donner, ainsi que chacun des orateurs qui se sont exprimés à la tribune. Les arguments échangés et les efforts accomplis ont contribué à faire de notre discussion un débat de haute tenue.

Pour la plupart cela est particulièrement vrai dès que les habitants de nos circonscriptions sont concernés – nous sommes engagés sur le terrain depuis plusieurs années. Nous le sommes, en fait, tout simplement, au nom d'un idéal humaniste, pour défendre une grande cause. La fracture partisane n'a alors plus lieu d'être. J'avais déjà constaté qu'il en était ainsi lors des travaux de la commission, puisque les députés du groupe UMP avaient joint leurs voix à celles de tous les autres commissaires pour que je sois désignée à l'unanimité comme rapporteur de cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, nous avions remarqué que vous ne faisiez pas systématiquement appel des décisions de justice défavorables au Gouvernement. Ce geste montre que le ministère de la défense est sensible au fait que les personnes qui saisissent la justice sont dans leur droit. Si cette dernière leur donne raison, il n'y a alors pas lieu de perdre temps, énergie et moyens dans des procédures judiciaires interminables.

Je veux maintenant revenir sur les propos de certains orateurs afin de rectifier plusieurs points.

Si M. Lellouche était encore parmi nous, je l'aurais interrogé – mais sans doute aurait-il été bien en peine de me répondre (Sourires) – sur la différence qu'il fait entre la présomption de causalité et le droit à l'indemnisation. En réalité, la première crée la seconde.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

La liste des pathologies radio-induites constituera le cadre dans lequel cette causalité sera reconnue. Elle permettra d'exclure les cas pour lesquels il n'y a pas de lien de causalité entre une pathologie et l'exposition aux essais nucléaires.

Monsieur le ministre, au sein de la commission qui doit être mise en place et à laquelle participeront des parlementaires, nous aurons le loisir de revenir sur la question des seuils d'exposition.

Sans aucune polémique, un certain nombre d'autres sujets devront être réglés. Ainsi, selon vous, le nombre des personnes concernées serait inférieur à 100 000, alors que, selon nos chiffres, il s'agit plutôt de 150 000 personnes. Il faudra aussi résoudre la question du nombre de dosimètres et celle de leur relevé.

La science évolue – c'est tout le sens des efforts de la puissance publique en matière de recherche –, cependant la conscience de la limitation des connaissances scientifiques à un instant donné ne doit pas interdire d'agir. Ainsi, en 1988, les États-Unis ont publié une première liste de treize maladies, puis, une fois révisée en tenant compte des progrès de la médecine nucléaire, y ont été incluses vingt-neuf maladies supplémentaires.

Nous pouvons donc légiférer, dès aujourd'hui, sur la base des connaissances scientifiques actuelles. L'absence de données irréfutables ne peut pas servir de prétexte à l'inaction. Cela est d'autant plus vrai que les études épidémiologiques et radiobiologiques n'ont même pas été menées. La responsabilité politique, et singulièrement celle du Parlement, exige que la nation prenne ses responsabilités. Même en l'absence d'éléments indiscutables, même si certains doutes subsistent, elle doit agir, comme elle l'a fait pour les maladies professionnelles ou l'amiante.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Non ce n'est pas le même texte ! N'affirmez pas ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Voilà ! Ce n'est pas le même texte ; on a rompu le consensus !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

…non pas dans la clandestinité, mais plutôt par loyauté envers des personnes qui sont, elles aussi, victimes de pathologies.

Est-il décent de répéter que l'ajout, dans cette proposition de loi, de dispositions relatives aux accidents nucléaires est l'obstacle majeur à son adoption ? Il est certes incontestable que le nucléaire militaire ne peut-être confondu avec le nucléaire civil, mais du point de vue de la santé publique, la situation des victimes touchées par des maladies radio-induites doit bien être prise en considération.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

J'ai demandé au Gouvernement si la loi de 1968, deux fois modifiée, était applicable. Les cabinets d'avocats et les magistrats que nous avons consultés considèrent que ce n'est pas le cas, faute de décrets d'application. Le Gouvernement peut-il s'engager à les prendre ? Quarante ans après la loi, nous attendons toujours : c'est un record ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En tout état de cause, on ne peut justifier une interruption de l'examen de cette proposition de loi par ce problème. Si nous passions à l'examen des articles il serait en effet possible d'adopter un amendement supprimant les alinéas en question. L'UMP voterait un tel amendement, tout comme le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, à en croire Jean-Patrick Gille.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Mais nous, nous le voterions ; ne nous oubliez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

J'ai trop de respect pour nos travaux en commission et dans l'hémicycle pour ne pas penser qu'il est dommage d'accepter de se dessaisir de cette proposition de loi. Je veux croire que le débat n'est que différé ; en fait, monsieur le ministre, je le crois vraiment. La poursuite de l'examen de cette proposition de loi aurait pourtant permis de régler tous nos désaccords et d'arbitrer en faveur des uns ou des autres.

Tous ceux qui sont présents ici ne pourront pas participer aux travaux de la commission que vous nous avez annoncée. Je suis aujourd'hui votre rapporteure, mais je dois ce privilège et cet honneur aux militants associatifs, à la population, aux élus locaux, aux parlementaires, qui ont conjugué leurs efforts, toutes tendances confondues, pour que ce débat ait lieu. Je salue leur travail.

Je suis heureuse qu'une dynamique ait été enclenchée, même si je l'aurais été encore plus si nous avions poursuivi l'examen de la proposition de loi.

Le Gouvernement est aujourd'hui tenu de respecter son engagement de déposer un projet de loi, et il doit se conformer à un calendrier. Je ne doute pas que le Parlement veillera à ce qu'il remplisse ses obligations. Le président de l'Assemblée nationale, qui m'a reçue, m'a assuré qu'il usera de toutes les nouvelles prérogatives du Parlement pour imposer l'inscription du texte à l'ordre du jour si d'aventure le Gouvernement avait quelque retard. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR, et sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je tiens d'abord à remercier Mme Taubira, car cette discussion s'est engagée dans un climat de sérénité. De nombreux députés du groupe UMP, Christian Ménard, Georges Colombier,Yannick Favennec et bien d'autres, se sont d'ailleurs saisis de ce sujet ; la volonté de travailler ensemble a caractérisé ce débat.

La plupart d'entre nous considèrent cependant que la complexité du dossier exige que notre discussion se déroule à partir d'un projet de loi plutôt que sur la base d'une proposition de loi, même si Mme Taubira a fait un travail considérable. La commission des affaires sociales prend donc date avec le Gouvernement pour deux rendez-vous. Nous pourrons ainsi débattre d'un projet de loi dans le courant du deuxième trimestre 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Auparavant, avant le début de l'année prochaine, un groupe de travail mixte devra être mis en place en tenant compte de l'ensemble des sensibilités politiques du Parlement, afin de montrer que nous voulons tous résoudre ce problème. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion de l'article, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Madame Taubira, retirez la proposition de loi, ce sera plus simple !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Guillaume Garot.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Trois raisons devraient nous convaincre de passer à la discussion des articles de cette proposition de loi.

Tout d'abord, ce texte respecte les victimes et leur souffrance. Il reconnaît la légitimité, trop longtemps niée, du combat tant judiciaire que scientifique et médical mené par toutes les victimes des essais nucléaires. Cette proposition de loi reconnaît ainsi le lien de causalité existant entre les essais et les pathologies développées par les victimes. Des dizaines de milliers de personnes irradiées entre 1966 et 1996 sont concernées. Quel soulagement pour tous ceux qui sont fatigués et usés d'avoir eu à se battre, non seulement contre la maladie, mais aussi, durant des années, contre la surdité de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Ce texte aura l'immense mérite d'inverser la charge de la preuve et de permettre aux victimes de sortir de ces années de plomb pendant lesquelles l'État niait la réalité du drame qu'elles vivaient.

Ensuite, ce texte est pragmatique. Il prévoit la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes, à l'instar de ce qui existe déjà dans de nombreux grand pays comme les États-Unis, et ce n'est que justice au regard du préjudice subi.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Il fallait y penser avant ! Quand on a le pouvoir, il faut décider !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

C'est l'honneur de notre République de reconnaître ses actes et d'indemniser les victimes, en se donnant, évidemment, toutes les garanties médicales et scientifiques nécessaires. C'est l'honneur de la République de porter secours à toutes celles et à tous ceux qui souffrent aujourd'hui d'avoir servi la nation hier ou d'avoir été victimes de radiations sur les lieux où ils résident.

Enfin, nous examinons un texte de compromis positif : il s'agit d'une réelle avancée. La proposition de loi défendue par Christiane Taubira résulte d'un long travail transpartisan qui a mobilisé des parlementaires de toutes les sensibilités politiques. Il ne s'agissait, après tout, que du dix-huitième texte sur le sujet ! Pourtant, alors qu'un consensus s'était enfin fait jour sur l'analyse, les objectifs et, à peu de choses près, sur les moyens, le Gouvernement met un coup d'arrêt à notre examen.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Il a trop peur que des victimes veuillent être indemnisées !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Il recule même, avec ses arguments sur la causalité réelle, la confusion possible entre les victimes des essais et celles des accidents ; la distinction indispensable entre les victimes et les ayants droit, ou encore en nous mettant en garde sur la délicate composition de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, nous vous proposons précisément de discuter maintenant de ces questions à partir de cette proposition de loi ; avançons donc ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

Je suis convaincu que nous trouverons le moyen de nous entendre pour aboutir à un texte clair et précis.

Peut-être votre attitude s'explique-t-elle aussi par la volonté du Gouvernement de s'approprier ce sujet, au risque de perdre encore du temps. Nous estimons, nous, que nous en avons déjà perdu suffisamment et que cette méthode n'est pas la bonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Vous n'avez pas écouté le ministre ! Il a répondu à cette objection !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Garot

En effet, les parlementaires ont fait la preuve de leur esprit de responsabilité et de leur implication déjà ancienne sur ce dossier. Nous avons une occasion unique de participer ensemble, députés de tous les groupes et Gouvernement, à l'élaboration d'un texte utile, et même indispensable, qui fera la fierté de notre assemblée. Passons donc à la discussion des articles ; nous marquerons ainsi notre volonté commune d'apporter une réponse humaine à la douleur des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Colombier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, cette proposition de loi, qui traite d'un véritable sujet de société, soulève un problème d'équité. Nos débats, au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ont confirmé la volonté, partagée sur l'ensemble de ces bancs, d'avancer sur cette question avec humanisme et esprit de justice. Mes collègues du groupe UMP l'ont d'ailleurs rappelé dans la discussion générale, en faisant des propositions précises et objectives.

Je souhaite à mon tour souligner que le travail parlementaire qui a été réalisé est positif et qu'il permettra d'enrichir l'avant-projet de loi de M. Morin. Il ne s'agit pas de remettre en cause le bien-fondé de notre politique nucléaire – nous nous accordons presque tous sur ce point –, mais il faut reconnaître que celle-ci a eu des conséquences sur la santé de certains de nos concitoyens, qu'ils soient militaires ou civils.

Nous partageons votre constat, madame Taubira – c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vous a fait confiance pour être la rapporteure de cette proposition de loi –, mais nous ne sommes pas d'accord sur les réponses que vous préconisez. Il nous paraît en effet nécessaire de poursuivre une concertation approfondie avec les pouvoirs publics et les associations de victimes, afin d'aboutir à un texte consensuel et complet.

Monsieur le ministre, le groupe UMP prend acte de vos propositions. Nous vous demandons, comme vous vous y êtes engagé, d'associer des représentants de chaque groupe parlementaire de l'Assemblée nationale et du Sénat à la finalisation de votre projet de loi et de faire en sorte que celui-ci soit examiné et voté au cours du premier trimestre 2009.

Je vous demande donc, mes chers collègues, à la suite de Pierre Méhaignerie, le président de notre commission, de voter contre le passage à la discussion des articles de la proposition de loi. Si les engagements du Gouvernement ne sont pas tenus, nous reverrons notre position, mais nous avons bien entendu les déclarations de M. le ministre et nous lui faisons confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je tiens à remercier notre rapporteure, Mme Taubira, pour avoir accompli un travail remarquable et, surtout, pour avoir remis sur la table ce sujet douloureux et délicat, qui devrait être traité rapidement.

Le groupe Nouveau Centre se voit dans l'obligation de voter contre le passage à la discussion des articles. Nous le regrettons, car nous estimons qu'il serait plus sage que, sur un sujet aussi sensible qui nous rassemble, toutes sensibilités confondues, ses auteurs retirent leur proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Le ministre s'est engagé à ce que ce sujet consensuel fasse l'objet d'un débat approfondi au cours du premier semestre 2009. Il est tout de même dommage que nous ne puissions faire la démonstration de notre unité.

Si la proposition de loi était maintenue, le groupe Nouveau Centre voterait contre le passage à la discussion des articles, mais, compte tenu du travail que vous avez effectué, chers collègues, je le regretterais. Aussi, je vous appelle à retirer cette proposition de loi. Tous ensemble, nous en ressortirons encore plus forts. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, je pense au contraire que nous devons voter le passage à la discussion des articles et la proposition de loi elle-même. Cette démarche serait d'ailleurs conforme à la volonté du Gouvernement de renforcer les pouvoirs du Parlement, qui s'est traduite par la réunion du Parlement en Congrès à Versailles. Il nous faut saisir cette opportunité. Au-delà de nos préférences partisanes, nous avons en effet été très nombreux à vouloir accélérer, après tant d'années d'attente, l'indemnisation nécessaire des victimes des essais nucléaires, qu'il s'agisse des travailleurs qui y ont participé ou des populations civiles. Pas moins de dix-huit propositions de loi consacrées à ce sujet ont été déposées.

Nous nous accordons sur la nécessité de reconnaître et d'indemniser les victimes de maladies liées à l'exposition aux rayonnements ionisants et les réponses du Gouvernement confortent cette exigence collective. Dès lors, le vote de cette proposition de loi serait un très beau symbole.

Je m'exprime surtout en tant que Vert. En effet, les Verts se sont toujours opposés au nucléaire militaire comme au nucléaire civil. À ce propos, je me félicite que Mme Taubira ait étendu le dispositif prévu aux victimes d'éventuels accidents nucléaires. Sans revenir sur la polémique qu'a déclenchée la catastrophe de Tchernobyl, je rappelle que M. Pellerin, qui était alors responsable du SCPRI s'était exprimé dans tous les médias pour déclarer, à peu de choses près, que le nuage nucléaire n'avait pas franchi les frontières de la France.

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire qu'il y a eu, sinon mensonge d'État, du moins rétention d'information. Nous savons notamment que ce nuage a survolé certaines parties du territoire français, en particulier la Corse, où quelques rares études épidémiologiques – notre pays n'étant pas un champion en la matière, contrairement aux Anglo-Saxons – ont constaté un certain nombre d'anomalies.

Les journalistes qui ont tenté d'enquêter sur ce sujet ont éprouvé de grandes difficultés à faire diffuser leurs reportages, y compris sur les chaînes du service public. Cette censure prouve bien qu'il s'agit d'un sujet problématique et que l'on veut maintenir une certaine opacité, pour ne pas dire l'omerta, sur les conséquences de l'exposition aux rayons ionisants, qu'elle soit due à des essais nucléaires militaires ou à des accidents dans des centrales nucléaires civiles. Nous serions d'ailleurs intéressés de savoir si ce qui s'est passé récemment dans la centrale du Tricastin fait actuellement l'objet d'études épidémiologiques.

Nous savons également que l'on a très souvent recours à la sous-traitance pour la construction des centrales nucléaires. Or les employés de ces sociétés n'ont jamais été badgés. Aujourd'hui, ils sont donc peut-être porteurs d'affections dont ils ne pourront pas prouver qu'elles sont liées à leur exposition à des rayons ionisants.

L'AVEN réclamait, à juste titre, une telle proposition de loi, mais je rappelle que la France ne fut pas la seule à réaliser des essais nucléaires en Océanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, vous avez peut-être reçu, en tant que député, les vétérans de l'association AVIGOLFE (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Pour vous, il n'y a donc pas de rapport entre ce débat et l'utilisation de l'uranium appauvri durant la guerre du Golfe ! Nous parlons pourtant bien ici d'essais nucléaires militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Oui, mais votre temps de parole est limité à cinq minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il faut donc voter cette proposition de loi. Ce serait un signe fort envoyé à toutes les associations de vétérans et à tous ceux qui réclament aujourd'hui une juste indemnisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienHervé Morin, ministre de la défense

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie d'avoir participé à ces débats. Je confirme que, dès ce soir, j'adresserai une lettre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat afin de leur proposer la constitution d'un groupe de travail. Je réunirai celui-ci avant la fin de l'année, afin que le projet de loi soit bouclé au plus tard à la fin du mois de janvier et qu'il soit examiné, en fonction du calendrier parlementaire, dans des délais qui permettent que la loi entre en vigueur avant la fin du premier semestre 2009. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Merci à tous pour ce débat extrêmement intéressant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma