Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 23 janvier 2012 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • américain
  • blocage
  • infraction
  • protéger
  • pénal
  • secret

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Michel Hunault, député de Loire-Atlantique, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bernard Carayon visant à sanctionner la violation du secret des affaires (n°s 3985, 4159).

La parole est à M. Bernard Carayon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, mes chers collègues, François Mitterrand, dans sa Lettre à tous les Français, évoquait, en avril 1988, la « guerre économique mondiale », soulignant que « l'économie mondiale » n'est qu'un « champ de bataille où les entreprises se livrent une guerre sans merci », une guerre « totale et générale » où le « relâchement ne pardonne pas ». Ce constat est plus vrai que jamais : l'économie s'est totalement mondialisée, la concurrence est devenue plus conflictuelle et plus déloyale que jamais avec la crise, les États, partout, jouant un rôle accru pour protéger et accompagner leurs entreprises à la conquête des marchés mondiaux. Le patrimoine des entreprises, lui-même, prend de plus en plus la forme d'informations dématérialisées, d'autant plus faciles à dérober que les techniques d'intrusion dans les réseaux, privés comme publics, se sont sophistiquées.

Le sujet que nous abordons, loin d'être partisan, est d'intérêt national : c'est la raison pour laquelle j'ai entamé mon propos par une citation de l'ancien président de la République, François Mitterrand. Protéger le secret des affaires, c'est protéger des emplois, des technologies sensibles, des investissements, lutter contre la désindustrialisation et, dans certains cas, garantir nos indépendances dans les secteurs stratégiques. La sécurité économique des entreprises ne peut d'évidence être laissée au seul ressort contractuel ; elle exige l'intervention des pouvoirs publics.

Beaucoup de pays l'ont bien compris : aux États-Unis, la loi sur l'espionnage économique de 1996 est issue d'une initiative bipartisane, présentée par un représentant républicain et deux représentants démocrates ; dans le même esprit, la proposition de loi adoptée le 8 décembre dernier par la commission des lois du Sénat américain, vise à renforcer cette loi, en portant les sanctions de quinze à vingt ans. Il serait heureux qu'il en soit de même en France. Le vote unanime de ce texte à la commission des lois, et le soutien que lui a apporté notre collègue Jean-Michel Boucheron, ancien président de la commission de la défense, constituent des signes encourageants à cet égard. J'espère qu'ils seront ce soir suivis de nombreux autres !

La présente proposition de loi vise à combler une lacune de notre droit. En effet, face à la multiplication des atteintes au secret des affaires, notre arsenal juridique est inadapté.

Les violations au secret des affaires se sont multipliées au cours des dernières années. Quelques affaires, fortement médiatisées, l'ont illustré : en 2005, une étudiante de nationalité chinoise ayant effectué un stage au sein de l'équipementier Valeo a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de cette société sur son disque dur personnel. En 2007, un ancien ingénieur de Michelin, qui travaillait dans un centre de recherche, pourtant classé « établissement à régime restrictif », a collecté un nombre considérable d'informations confidentielles et a cherché à les vendre à des entreprises étrangères. Ces exemples ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. En effet, dans de nombreux cas, les entreprises préfèrent ne pas porter plainte, afin de ne pas altérer leur image. Dans d'autres, le parquet décide de ne pas poursuivre, parce que l'atteinte en cause ne pourrait être réprimée par les infractions existantes, dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis.

Selon les services de l'État, le nombre de ces attaques est en forte croissance, et s'élèverait à environ 1 000 par an, une large part d'entre elles constituant des atteintes au secret des affaires. Les secteurs les plus touchés sont l'aéronautique, la filière de l'énergie nucléaire, les laboratoires de recherche, le secteur automobile et la sidérurgie. Le préjudice économique causé est évidemment impossible à évaluer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Mais pour donner un ordre de grandeur, la justice américaine a condamné un concurrent coréen du groupe DuPont de Nemours à verser à ce dernier 920 millions de dollars pour lui avoir dérobé des secrets d'affaires relatifs au Kevlar – en d'autres termes, la fibre d'aramide.

L'arsenal juridique français ne permet pas de réprimer efficacement ces violations du secret des affaires. D'abord, parce que ni les textes, législatifs ou réglementaires, ni la jurisprudence, judiciaire ou administrative, ne définissent le secret des affaires.

L'expression est employée fréquemment, dans plusieurs codes – commerce, consommation, postes et communications électroniques –, mais n'est jamais définie.

Ensuite, parce que les infractions existantes, potentiellement applicables, sont inadaptées.

Le vol, par exemple, ne peut être appliqué à un bien immatériel : l'art. 311-1 du code pénal emploie le terme « chose », il ne peut donc porter, en dépit des efforts méritoires de la Cour de cassation, sur une information.

L'abus de confiance a permis certaines condamnations – affaires Valeo et Michelin –, car il peut être appliqué à tout « bien quelconque », mais une « remise préalable », donc un lien contractuel en l'espèce, est requise : c'est loin d'être toujours le cas.

Le secret professionnel ne concerne qu'un nombre limité de professions, et seulement la révélation de faits appris dans l'exercice de l'activité professionnelle.

La révélation de secrets de fabrique ne concerne que les salariés et les directeurs, et seuls sont visés les procédés de fabrication industriels.

Les exemples pourraient être multipliés : les infractions applicables sont très nombreuses, mais elles ne permettent pas de répondre efficacement au phénomène.

Il existe, par ailleurs, des actions civiles en réparation du dommage, fondées sur l'article 1382 du code civil et sur la concurrence déloyale. Elles sont utiles, mais insuffisantes, car elles n'exercent pas d'effet dissuasif : il s'agit de réparer, pas de prévenir ; or, ce que veulent les entreprises, c'est éviter le préjudice. Préjudice qui, une fois réalisé, est difficile à évaluer, car il s'agit souvent d'une perte de chance ou d'un avantage concurrentiel.

Le texte qui vous est proposé vise à combler cette lacune, afin de garantir la sécurité économique des entreprises. Il s'inspire du droit international et européen, très protecteur du secret des affaires.

En droit international, le secret des affaires est protégé par l'article 39 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liées au commerce – dit accord ADPIC –, annexé à l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce – OMC –, signé à Marrakech le 15 avril 1994. Ce texte définit le secret des affaires et impose aux États parties, dont la France évidemment, de le protéger. La proposition de loi répond ainsi à une obligation internationale.

Le droit de l'Union européenne est également très protecteur : le secret des affaires y est protégé au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, par les traités eux-mêmes, en vertu de l'article 339 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La proposition s'inspire également des législations comparables de nos partenaires. Elles sont présentées en détail dans mon rapport. J'ai déjà cité la loi américaine sur l'espionnage économique de 1996 – souvent appelée Cohen Act –, qui prévoit des peines très élevées – quinze ans et 500 000 dollars d'amende –, qui seront peut-être augmentées prochainement. Je me suis également inspiré, en Europe, des législations allemande, autrichienne et italienne.

Le texte est l'aboutissement d'un long travail de réflexion et de maturation, que j'ai engagé depuis 2003, avec la remise de deux rapports à deux Premier ministre successifs sur l'intelligence économique. Il est le fruit de près de 1 500 auditions, en huit ans sur ce thème, ou sur d'autres aspects de notre politique publique d'intelligence économique. Il s'appuie également sur les travaux préparatoires du Gouvernement depuis 2009 – deux groupes de travail ayant été créés à ce titre –, ainsi que sur l'expertise juridique du Conseil d'État, consulté, cette année, par le Gouvernement, sur les principes devant guider l'adoption d'une législation dans ce domaine.

Il comporte trois volets.

Le premier volet est pédagogique et préventif ; il vise à renforcer la prise de conscience, par les entreprises, des menaces existantes et à les inciter – sans obligation, j'insiste sur ce point – à entreprendre une démarche protectrice de leurs informations sensibles. La définition qu'il est proposé d'inscrire dans le code pénal est précise et circonscrite. Elle repose sur la combinaison de cinq critères cumulatifs :

Premièrement, une liste des biens susceptibles d'être couverts par le secret des affaires ;

Deuxièmement, la nature des informations, qui peut être « commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique » ;

Troisièmement, le caractère confidentiel des informations ;

Quatrièmement, le fait que la divulgation non autorisée de ces informations serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise, en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle : cette liste correspond strictement aux recommandations du Conseil d'État, d'après les éléments qui m'ont été transmis.

Cinquièmement, les mesures de protection spécifiques dont ces informations ont fait l'objet, qui sont destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci. Ces mesures seront prises après une information préalable du personnel et déterminées par un décret en Conseil d'État : cela constitue une garantie supplémentaire, indispensable, dès lors que ces mesures font partie des éléments constitutifs d'une infraction pénale. Concrètement, elles devraient inclure, par exemple, l'établissement d'une liste des personnes autorisées à prendre connaissance des informations, un stockage des documents papier dans des coffres ou des locaux sécurisés, la mise en place de dispositifs de cryptage et de codes d'accès. Il conviendra qu'elles ne génèrent pas une lourdeur excessive pour les entreprises concernées.

La précision de cette définition en assure la conformité au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines. J'ai été particulièrement vigilant sur ce point. Les éléments retenus correspondent, je l'ai signalé, aux recommandations du Conseil d'État. J'ai également consulté un pénaliste, le professeur Didier Rebut, de l'Université Panthéon-Assas, qui me l'a confirmé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Le deuxième volet est la création du délit de violation du secret des affaires. L'infraction est précisément définie. L'élément matériel consiste dans la révélation d'une information protégée relevant du secret des affaires. La révélation est une notion déjà employée à plusieurs reprises dans le code pénal, et encadrée par la jurisprudence. La tentative ne sera pas incriminée. Seules les personnes dépositaires de l'information, ou les personnes en ayant eu connaissance, comme des mesures de protection qui l'entourent, pourront être sanctionnées : il s'agit d'une infraction intentionnelle, ne pouvant être commise par imprudence.

D'importantes garanties sont prévues : ce n'est en aucun cas l'entreprise qui déterminera le champ d'application de l'infraction. L'adoption de mesures de protection n'est en effet qu'un critère, indispensable, mais secondaire. Elle ne suffira pas à conférer la nature d'« informations protégées » à l'information en cause. Il n'en sera ainsi que si toutes les autres conditions sont réunies, et c'est le juge pénal, et lui seul, qui sera compétent sur ce point. C'est un élément clé selon l'avis du Conseil d'État.

Le secret des affaires sera inopposable à la justice – à la différence du secret de la défense nationale –, de même qu'aux autorités administratives dans l'exercice de leur mission de surveillance, de contrôle ou de sanction, ce qui inclut notamment les services de police, de douane, de renseignement, et les autorités administratives indépendantes, telles que l'Autorité de la concurrence, l'Autorité des marchés financiers ou encore la CNIL, y compris dans l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête.

Trois faits justificatifs sont prévus : aucune sanction n'est applicable si la divulgation répond à un ordre ou à une permission de la loi, à la dénonciation de faits susceptibles de constituer une infraction ou un manquement, ou si le juge a ordonné ou autorisé la production de la pièce concernée. Aucune sanction disciplinaire ne pourra être prononcée en cas de signalement aux autorités compétentes dans ces conditions.

Illustrons l'importance de ces garanties : un salarié d'une entreprise qui dénoncerait des pratiques contraires au code de la santé publique, par exemple, – est-il besoin de nommer les entreprises auxquelles je songe ? – n'encourrait aucune sanction, ni pénale, ni disciplinaire, même si l'entreprise considérait que le procédé de fabrication de ses prothèses médicales, par exemple, relevait du secret des affaires.

Ces garanties ont été renforcées, à mon initiative, par la commission des lois, afin de répondre à une préoccupation exprimée par le syndicat de la presse nationale quotidienne, concernant l'impact de ce texte sur les journalistes. L'une de leurs suggestions, visant à permettre à une personne poursuivie pour diffamation de produire pour sa défense des pièces couvertes par le secret des affaires, afin d'établir sa bonne foi ou la vérité des faits, sans être poursuivie pour recel, a été intégrée à l'article 3 de la proposition. C'est ce qui est déjà prévu, depuis la loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources des journalistes, pour le secret de l'enquête ou de l'instruction et le secret professionnel.

Les peines prévues dans le texte initial que j'ai déposé étaient celles prévues en cas de violation du secret professionnel : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Tous les praticiens que j'ai auditionnés ayant souligné le caractère très insuffisant de ces peines et préconisé leur alignement sur celles prévues en cas d'abus de confiance, soit trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, la commission des lois a adopté un amendement procédant à cette modification. Les peines seront ainsi adaptées à la nature de cette infraction, qui relève de la délinquance économique. J'approuve d'ailleurs entièrement le nouvel emplacement au sein du code pénal que propose par le Gouvernement : il correspond davantage à ce nouveau délit.

Le troisième volet est la réforme de la loi dite de blocage. Cette loi, oubliée et largement méconnue, est la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques morales ou étrangères, modifiée par la loi du 16 juillet 1980. Elle est appelée « loi de blocage » parce que son objectif était, lors de son adoption, de fournir une excuse légale aux entreprises françaises confrontées à des demandes d'informations émanant d'autorités étrangères et d'obliger ces dernières à faire usage des canaux de coopération judiciaire qui font l'objet de la convention de La Haye du 18 mars 1970. Étaient visées, en particulier, les procédures américaines dites de discovery, qui ont trop souvent pour objet d'aller à la pêche à la preuve et aux informations confidentielles détenues par nos entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Cet objectif n'a pas été atteint : cette loi est jugée par tous, et partout dans le monde, inefficace et obsolète. Les juridictions américaines – les principales visées – mais aussi britanniques ont en effet jugé que cette loi ne pouvait faire obstacle à ces procédures, le risque pénal invoqué par les entreprises françaises n'étant pas réel. La jurisprudence américaine, établie dans la décision Aérospatiale de la Cour suprême de 1987, est très claire sur ce point.

Cette position de la justice américaine n'est du reste pas dénuée de fondement, il faut bien le reconnaître : depuis plus de trente ans, cette loi n'a conduit qu'à une seule condamnation pénale, en 2007. Son champ d'application est trop large et insuffisamment précis car elle interdit la communication de tout renseignement d'ordre économique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives.

La réforme proposée vise à refonder cette loi de blocage en ce qui concerne exclusivement son article 1er bis. La rédaction initialement proposée sur ce point ayant suscité quelques réserves, notamment lors de son examen par la commission des lois, j'ai élaboré, en collaboration avec les administrations concernées, une nouvelle rédaction répondant précisément à ces préoccupations, sur laquelle je reviendrai lors de la discussion des articles.

La rénovation proposée redonnerait une crédibilité à ce dispositif en démontrant l'importance que les pouvoirs publics lui accordent, d'une part, et en resserrant le dispositif autour des seules informations méritant réellement d'être protégées, d'autre part.

L'enjeu est, vous le voyez, de permettre à la France de lutter à armes égales dans la compétition internationale et, ce faisant, de mieux protéger, sans naïveté ni paranoïa, ses intérêts économiques, sociaux et politiques.

Voilà donc les raisons pour lesquelles la commission des lois, à l'unanimité, vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi examinée ce soir doit permettre de renforcer la protection du patrimoine économique, scientifique et technologique de nos entreprises.

Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par Bernard Carayon. À travers ce texte, vous avez su, monsieur le député, bâtir un consensus transpartisan et synthétiser votre expertise personnelle en matière d'intelligence économique avec les réflexions conduites depuis plusieurs années par le Gouvernement.

Depuis 2007, le Gouvernement a multiplié les initiatives pour protéger nos entreprises, nos usines, nos emplois et nos territoires.

Nous avons adopté une stratégie assise sur quatre priorités.

Premièrement, nous avons structuré nos douze filières stratégiques.

Deuxièmement, nous avons stimulé l'innovation.

Troisièmement, nous avons aidé nos entreprises à mieux financer leur développement : en renforçant les moyens d'OSEO, en créant la Médiation du crédit, en mettant en place le Fonds stratégique d'investissement, lequel a déjà investi quatre milliards d'euros dans nos entreprises stratégiques.

Enfin, nous avons voulu développer l'emploi : en misant sur la formation professionnelle, en créant les aides à la réindustrialisation des territoires, en venant en aide aux entreprises en difficulté grâce au Comité interministériel de restructuration industrielle qui a encore permis, l'an dernier, de sauvegarder plus de 120 000 emplois.

Donner à cette stratégie toute sa portée, c'est aussi, pour reprendre le titre devenu célèbre de votre rapport, monsieur Carayon, permettre à nos entreprises de se battre « à armes égales » dans la mondialisation. Or, nul ne peut ignorer le rôle que joue, dans une économie globalisée et concurrentielle, la maîtrise de l'information économique stratégique.

Pour accélérer notre croissance, nous avons besoin d'une France conquérante dans la mondialisation. S'il faut être conquérant, il faut aussi être lucide sur la nécessité de protéger l'information économique stratégique.

Nous partageons avec vous, monsieur le député, la conviction qu'il n'y a aucune raison d'être en France moins volontaristes que nos partenaires américains, allemands, asiatiques ou latino-américains.

C'est le sens de la politique inédite d'intelligence économique mise en place au cours des dernières années. Ses contours sont aujourd'hui exposés dans une circulaire du Premier ministre publiée le 15 septembre 2011. Cette politique repose sur trois objectifs clairs.

Premier objectif : mener une veille stratégique sur les évolutions économiques d'intérêt majeur et sur les risques et menaces qui pèsent sur les entreprises et les établissements de recherche.

Deuxième objectif : soutenir la compétitivité des entreprises en favorisant une meilleure valorisation de la recherche publique et une plus grande influence de la France dans les enceintes de normalisation et les forums économiques étrangers.

Troisième objectif : garantir la sécurité économique, en prévenant les risques d'ingérence pesant sur les entreprises françaises et les établissements de recherche.

Dans ce contexte, le Gouvernement tient à exprimer son entier soutien à cette proposition de loi qui apporte une protection opportune au secret des affaires et doit permettre une meilleure prise en compte de la loi dite de blocage.

Vous l'avez rappelé dans votre rapport, monsieur le député, la protection de la sécurité économique des entreprises françaises est aujourd'hui insuffisante. Les services de la délégation interministérielle à l'intelligence économique, dirigée par Olivier Buquen, ont recensé en 2011 près de 1 000 atteintes économiques aux entreprises, dont un quart constituait des violations au secret des affaires. Les filières les plus touchées sont nos fleurons industriels : l'aéronautique, l'énergie, les laboratoires de recherche, le secteur automobile, la métallurgie et la sidérurgie.

Permettre à nos entreprises de lutter « à armes égales », c'est leur offrir une protection du secret des affaires au moins équivalente à ce qui peut exister à l'étranger, notamment aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche ou en Italie.

La création en France d'une infraction spécifique de divulgation du secret des affaires répondra donc opportunément à une lacune de notre droit. Certes, le droit existant prévoit plusieurs sanctions en lien avec le secret des affaires. Mais qu'il s'agisse de l'abus de confiance, du vol, de la divulgation du secret de fabrique, de la violation du secret professionnel, de la violation du secret des correspondances, il existe à chaque fois de telles restrictions ou circonstances particulières que nombre d'entreprises sentent leurs savoir-faire insuffisamment protégés.

Le présent texte permettra de couvrir les cas de divulgations d'informations sensibles que le droit existant appréhenderait mal.

Les articles 226-15-1 à 226-15-3 du code pénal créés par cette proposition de loi définissent strictement, au plan législatif, les caractéristiques et la nature des informations relevant du secret des affaires d'une entreprise et susceptibles à ce titre de faire l'objet de mesures de protection. Ils établissent l'élément matériel de l'infraction consistant en une révélation volontaire sans autorisation. En outre, ils précisent l'élément moral de l'infraction ou son caractère intentionnel, qui s'analyse en la connaissance du caractère secret des informations et des mesures de protection mises en place par leur auteur. Enfin, ils prévoient plusieurs faits justificatifs et situations dans lesquelles le secret des affaires sera heureusement inopposable. L'infraction n'est pas constituée dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret, par exemple, aux instances représentatives du personnel. Elle ne l'est pas non plus en cas de communications à certaines autorités, par exemple, les autorités juridictionnelles, les agents de la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers.

Au total, le texte examiné ce soir réussit à être à la fois pédagogique et préventif. Pour être protégées au mieux, les entreprises devront définir quels sont leurs secrets d'affaires et prévoir des mesures de protection spécifiques. Dans le même temps, ce texte sait être dissuasif. Si, malgré les mesures de protections prises, des informations stratégiques sont divulguées, des sanctions pénales pourront être infligées par le juge à l'encontre des auteurs et bénéficiaires du méfait.

Par ces équilibres, ce texte reprend bien l'intégralité des recommandations formulées dans l'avis juridique du Conseil d'État sur la protection du secret des affaires du 31 mars 2011.

J'ajoute qu'à l'initiative du rapporteur, le travail réalisé en commission a permis d'enrichir le texte d'un amendement important pour protéger solidement les journalistes. En cas de poursuite pour diffamation, les journalistes qui présenteraient pour leur défense des informations couvertes par le secret des affaires ne pourraient pas être accusés de recel. C'était sans doute souhaitable.

Le relèvement du quantum de la peine, adopté en commission, ferait parfaitement sens si les dispositions liées à la violation du secret des affaires étaient rattachées dans le code pénal aux atteintes aux biens.

C'est le sens du premier amendement déposé par le Gouvernement. Il vise à transférer le délit d'atteinte au secret des affaires du livre II du code pénal, qui porte sur les « atteintes à la personne humaine », au livre III du même code portant sur les « crimes et délit contre les biens ».

Voilà pour le secret des affaires.

J'en viens à la réforme de la loi dite de blocage. Vous le savez, cette loi a pour objectif de protéger les ressortissants français contre le contournement des mécanismes de coopération judiciaire qui font l'objet de la convention de La Haye du 18 mars 1970. La loi du 26 juillet 1968 interdit, sous peine de sanction, la demande et la communication à des autorités étrangères de documents ou de renseignements de nature économique, commerciale, industrielle, financière ou technique, en dehors des cas prévus par les traités internationaux, y compris ceux couverts par la convention de La Haye. En l'état du droit, la loi de blocage n'est pas toujours suffisamment respectée, au motif que certaines autorités étrangères jugeraient son champ trop large.

Vous avez donc repris à votre compte, monsieur le député Carayon, une proposition du groupe de travail présidé par Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation. Son rapport préconisait de procéder à l'adaptation de la loi de blocage, une fois que le secret des affaires aura reçu une définition législative.

Le nouveau texte de l'article 1er bis de cette loi dite de blocage, tel qu'il résulterait des amendements du rapporteur, permettrait, d'une part, de limiter l'interdiction de demande et de communication aux documents et renseignements portant gravement atteinte aux intérêts de l'entreprise, notamment aux informations couvertes par le secret des affaires, d'autre part, de conserver le principe de l'interdiction de demande et de communication de documents touchant à la souveraineté, à la sécurité et aux intérêts économiques nationaux à toute personne en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères.

L'article 1er de la loi du 26 juillet 1968, qui interdit la communication de documents touchant à la souveraineté nationale à des autorités publiques étrangères, serait en revanche maintenu inchangé.

Le Gouvernement a déposé également un amendement qui permet de modifier les dispositions de la loi de blocage sans pour autant les transférer dans le code pénal.

Ainsi, au vu des amendements déposés par votre rapporteur sur cette modification de la loi de blocage, le Gouvernement émet sur la réforme envisagée un avis favorable.

Mesdames et messieurs les députés, grâce aux dispositifs examinés aujourd'hui, nous faisons un pas supplémentaire dans la défense des intérêts économiques français. Nous nous donnons ainsi les moyens de renforcer et protéger notre compétitivité, de développer l'emploi et la croissance dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Bodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de féliciter notre collègue et ami Bernard Carayon pour tout le travail accompli ces dernières années afin de trouver un dispositif propre à sécuriser les informations économiques sensibles des entreprises. Son engagement et sa connaissance de la vie quotidienne des entreprises ont permis d'aboutir à la rédaction de cette proposition de loi que le groupe UMP a souhaité inscrire à l'ordre du jour de cette semaine d'initiative parlementaire.

Bernard Carayon s'est emparé d'un vrai sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Vous êtes jaloux ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

En effet, les atteintes au secret des affaires se sont multipliées au cours des dernières années, causant un préjudice économique considérable aux entreprises françaises. L'utilisation croissante et les progrès rapides des nouvelles technologies de l'information et de la communication fragilisent ce patrimoine malgré l'amélioration des moyens de défense technique.

Selon une récente étude, présentée dans le rapport de la commission des lois, 61 % des entreprises françaises ont déclaré avoir subi au moins un incident de sécurité en 2011, contre 39 % en 2010. En outre, 17 % des entreprises auraient été victimes de vol de propriété intellectuelle en 2011, contre 6 % en 2008.

Ces situations peuvent avoir des conséquences d'autant plus graves qu'elles concernent des secteurs stratégiques, tels que l'aéronautique, l'automobile, la filière de l'énergie nucléaire, les laboratoires de recherche, la métallurgie et la sidérurgie.

Face à ces attaques de plus en plus nombreuses, l'arsenal juridique français apparaît inadapté, faute d'une définition précise de la notion d'information économique protégée et d'une infraction réprimant efficacement ces comportements.

Si plusieurs textes protègent déjà les savoirs de l'entreprise – comme les droits d'auteur, les brevets, le secret professionnel, les logiciels ou encore les secrets de fabrication – il n'existe pas de protection globale et appropriée des informations à caractère économique, alors même que cette protection existe chez nos partenaires.

Les États-Unis ont ainsi adopté, en 1996, l'Economic Espionage Act. En Allemagne, trois infractions relatives au secret des affaires sont définies et réprimées par la loi sur la concurrence déloyale dite « UWG ». En Autriche, la violation du secret d'affaires est réprimée par la loi contre la concurrence déloyale. En droit italien, enfin, la protection du secret des affaires a été renforcée en 1996.

Ainsi, l'écart de protection entre notre législation et celles de nos partenaires économiques désavantage lourdement les entreprises françaises au nom du principe de la libre concurrence.

Une réflexion s'est donc engagée depuis plusieurs années sur l'opportunité de modifier notre législation et d'apporter une protection suffisante au secret des affaires. Un groupe de travail, présidé par Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, a formulé, au mois d'avril 2009, plusieurs propositions. Les représentants des administrations et des entreprises ont travaillé en 2010 et 2011 sous l'égide de la délégation interministérielle à l'intelligence économique afin de préparer un dispositif législatif et réglementaire de protection des informations économiques stratégiques des entreprises. L'expertise juridique du Conseil d'État a également été sollicitée.

La proposition de loi que nous examinons est l'aboutissement de toutes ces réflexions.

Elle énonce ainsi une définition précise des informations économiques protégées et sanctionne leur divulgation. La définition exhaustive – dont je vous épargne la lecture – est d'ailleurs proche de celle de l'Economic Espionage Act américain, et de ce qui caractérise les informations « secret défense » dans notre législation.

Par ailleurs, il apparaît que la protection du secret des affaires des entreprises dans le cadre des procédures judiciaires – notamment dans le cadre de la procédure américaine dite de discovery – n'est pas efficace. En effet, la loi du 26 juillet 1968, dite « loi de blocage », complétée en 1980, qui voulait protéger les ressortissants français contre le contournement des mécanismes de coopération judiciaire qui font l'objet de la Convention de La Haye du 18 mars 1970, s'est révélée une source de difficultés pour les entreprises françaises confrontées à des demandes de renseignements émanant de la justice américaine. C'est pourquoi la proposition de loi de notre collègue Carayon vise également à répondre à l'application imparfaite de la loi de blocage.

Je ne peux m'empêcher de faire référence à une autre proposition de loi que le Parlement examine actuellement, celle du président de notre commission des lois Jean-Luc Warsmann, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives. En effet, qu'il s'agisse de la rationalisation des déclarations sociales au sein d'une déclaration sociale unique, de la création d'un coffre-fort numérique, afin de permettre aux PME de ne déclarer qu'une seule fois ce qui faisait jusqu'à présent l'objet de déclarations multiples et redondantes à l'administration, ou encore de l'extension du rescrit dans le champ social qui permettra aux entreprises d'obtenir de l'administration sociale des réponses opposables, toutes ces mesures ont une seule et même finalité : répondre de manière concrète aux difficultés des entreprises dans leur vie quotidienne.

S'il y a parfois des textes qui divisent sur les bancs de cette Assemblée, je crois – ou du moins j'espère – que celui-ci fera au contraire l'unanimité, comme ce fut le cas en commission des lois.

Jean-Michel Clément n'a-t-il pas qualifié cette proposition de loi « d'heureuse initiative » ? Jean-Jacques Urvoas n'en a-t-il pas salué la « pertinence » ? Ils auront l'occasion tout à l'heure, je crois, de rappeler leur propos. Cette position des groupes socialiste et GDR semble confirmée, puisque aucun amendement n'a été déposé en séance publique.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera cette proposition de loi avec la certitude d'agir au service des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'initiative est bonne, nous allons voir maintenant si le contenu l'est aussi. (Sourires.) Le texte que nous examinons ce soir est le reflet d'un monde sans scrupules dans lequel tous les moyens sont bons pour espérer accaparer toujours plus de profit.

Nous connaissons depuis toujours l'espionnage industriel et ses épisodes parfois rocambolesques : le cinéma américain en témoigne, et même le cinéma muet. Mais, avec le développement des technologies de l'information et de la communication, la dématérialisation des informations et leur circulation rapide et fiable exigent qu'un nouveau regard soit porté sur l'intelligence économique et son corollaire, le secret des affaires.

C'est l'objet du texte qui nous est proposé.

D'autres pays avant nous s'en sont préoccupés, sans pourtant que nous soyons restés l'arme au pied, puisque vous-même, monsieur le rapporteur, y travaillez depuis longtemps. Plusieurs rapports et propositions de loi se sont succédé, sans suite jusqu'à aujourd'hui.

On peut d'ailleurs dans un premier temps s'interroger sur ce long délai nécessaire pour parvenir à l'examen d'une proposition de loi. Le sujet est-il si important, et le cadre juridique de cette protection ne trouvait-il pas dans le droit commun les sources d'une protection suffisante ?

Certaines incriminations du code pénal, dont les peines sont lourdes, ont déjà pu être utilisées, dès lors qu'il s'agissait de punir une atteinte aux biens. Certes, la notion de secret des affaires n'est pas expressément visée, vous l'avez dit, mais elle est très largement sous-jacente.

Je pense par exemple à la notion d'abus de confiance, dont les conditions sont strictement définies pour l'auteur de l'indélicatesse, c'est-à-dire la personne à qui a été confié le secret ; souvenons-nous de l'affaire Valeo, que vous avez évoquée tout à l'heure. Je pense au recel, notion bien définie, qui implique d'avoir eu connaissance de l'origine frauduleuse du bien : ici, il s'agirait de l'information et ses conséquences économiques. Je pense au vol, réprimé par l'article 311-1 du code pénal et applicable au vol d'informations confidentielles : la chambre criminelle de la Cour de Cassation a tout à fait normalement adapté sa jurisprudence à l'évolution du monde des affaires, en affirmant que le vol du « contenu informationnel » de disques informatiques est constitutif du vol de biens incorporels et doit être qualifié pénalement de vol. Je pense encore à la violation du secret professionnel, à la divulgation d'un secret de fabrique, ou aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, infractions toutes réprimées par le code pénal.

Pour autant, il peut arriver que ces sanctions ne soient pas suffisantes parce que la justice est parfois instrumentalisée par des entreprises indélicates, qui utilisent des procédures judiciaires afin d'accéder à des secrets d'affaires de leurs concurrents. D'indélicate, la procédure devient alors agression.

Ce n'est pas le cas de la procédure française, mais c'est celui des procédures dites de discovery employées par la justice américaine ; or notre rempart législatif, c'est-à-dire la loi dite « loi de blocage », s'est révélé inefficace : ne prévoyant pas de sanction précise, elle est décrédibilisée. Dans ces cas-là, le recours à la justice est dévoyé, en tout cas selon l'idée que l'on se fait de la procédure judiciaire en France : une justice qui protège. En effet, le recours devient moyen de « captation judiciaire » de secret d'affaires, puisque le défendeur devra produire des éléments inhérents à ses propres secrets pour rapporter la preuve de ses dires.

Enfin, on nous dit que le contrat n'assure pas une sécurité juridique suffisante. Il faut donc légiférer pour l'assurer.

Il conviendra d'être précis et exhaustif dans cette loi, sauf à laisser des zones d'ombres, qui seront sans nul doute utilisées par ceux-là même qui, hier, savaient utiliser la captation judiciaire pour justifier leurs demandes. Le risque existe alors que notre remède amplifie le mal qu'il est censé soigner.

Nous avons besoin d'une loi efficace. Qu'en est-il du texte qui nous est proposé ?

La définition proposée à l'article 1er est à la fois large et floue. Elle peut surprendre, lorsqu'on pense à la conception libérale traditionnelle de l'entreprise, laquelle vit souvent l'intervention de la loi comme une intrusion dans leur gestion. Si les entreprises se montrent opposées à toute contrainte – et l'exemple du primat de l'économie sur l'environnement est là pour en témoigner – elles en appellent aussi au législateur pour se protéger. Il y a là matière à réflexion.

Les critères proposés sont apparemment clairs, mais en réalité ils ne le sont pas et laissent place à des interprétations qui seront forcément du ressort du juge.

En revanche, les moyens pour sanctionner les salariés sont évidents. Ils ne le sont jamais assez pour les salariés indélicats. Mais dans certaines situations, le lien de subordination pourrait conduire ceux qui ne sont pas indélicats, malgré eux, à des incriminations de complicité.

Je pense ici à des domaines où la connaissance du support de l'information est en décalage avec l'information elle-même. La question du discernement sera inévitablement posée lorsque la mesure du risque d'atteinte au secret des affaires ne pourra être maîtrisée par celui qui sera chargé de surveiller les supports dématérialisés.

De plus, sur le plan technique, c'est bien l'entreprise elle-même qui définira d'abord ce qu'elle considère comme des informations couvertes par le secret des affaires.

Vous comptez sur la jurisprudence pour préciser la notion d'informations protégées. En attendant, quelle sera l'incidence du secret des affaires sur le statut des salariés ? Si cet encadrement constitue l'étape complémentaire nécessaire, il ne saurait laisser les salariés dépendant d'un lien de subordination dans des rapports de droit aux contours incertains pour l'exécution de leurs relations de travail.

La soumission au secret professionnel est aujourd'hui bien définie, y compris dans les clauses inscrites dans un contrat de travail. Imagine-t-on, demain, y inscrire de la même manière une clause relative au secret des affaires, alors que celui-ci reste à parfaire par l'autorité judiciaire, créatrice de droit a posteriori ?

Cette insécurité déséquilibrerait, à n'en pas douter, le contrat de travail qui ferait référence à une telle clause.

Par ailleurs, et le point est essentiel, les entreprises ne sont pas égales dans le monde des affaires. Qu'y a-t-il de commun entre une entreprise française cotée en Bourse et une PME innovante susceptible de connaître un développement rapide ? Pourront-elles sécuriser leurs secrets de la même manière ? Quels moyens seront dédiés à cette sécurité par les plus petites et moyennes entreprises ?

Si elles n'y pourvoient pas, elles s'exposeront au risque du déni de délit pénal. Faute de pouvoir faire valoir leurs droits, leur situation se trouvera dégradée.

En créant une infraction spécifique, n'affaiblit-on pas le domaine des infractions de droit commun ? La question mérite d'être posée. Specialia generalibus derogant dit l'adage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Clément

Merci, monsieur Brard ! Venant de vous, je considère que c'est un compliment !

Ce qu'il faut, c'est que les entreprises françaises se responsabilisent en développant une culture du secret et de la sécurité. Est-ce que cette loi va les inciter à le faire ?

En examinant les différents textes mis en place chez nos voisins, il nous semble que l'exemple allemand est le mieux éprouvé. La définition des infractions que donnent du secret des affaires tant la loi sur la concurrence déloyale que la Cour constitutionnelle ou la Cour administrative fédérale m'apparaît plus claire que le texte que vous nous proposez. Pourquoi ne pas s'en être aussi inspiré ?

Toutefois, ce texte constitue une avancée, au moins pour ce qui concerne la volonté de remettre sur le métier la loi dite loi de blocage dont on a dénoncé l'insuffisance.

Ce texte, même s'il est perfectible, est utile puisqu'il inscrit dans notre droit une définition du secret des affaires. Cependant, les zones d'ombre restent trop importantes. Voilà pourquoi, en l'état, il n'emporte pas notre totale adhésion. Nous espérons que les débats qui auront lieu dans cette assemblée et au Sénat nous permettront d'éclairer totalement le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le ministre, comme vous l'avez dit, avec cette proposition de loi nous sommes aujourd'hui invités à débattre d'un sujet d'intérêt national, celui de la protection du secret des affaires, dont dépend la protection effective de nos entreprises face à la concurrence.

Dans un contexte de crise et face à la dématérialisation des échanges, nous devrions être tous d'accord pour dire que les entreprises françaises doivent disposer d'un arsenal juridique suffisant, susceptible de les défendre et de les préserver des risques d'espionnage industriel. C'est tout le sens de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur. Au nom du groupe Nouveau Centre, je souhaite saluer votre travail et surtout votre détermination à oeuvrer en ce sens depuis plusieurs années. Soyez-en félicité et remercié.

Monsieur le ministre, protéger les entreprises, c'est renforcer leur compétitivité et garantir leur sécurité économique. Du reste, tout à l'heure vous avez commencé votre intervention en rappelant la volonté du Gouvernement depuis plusieurs années de soutenir nos entreprises. Vous avez rappelé un certain nombre de mesures qui ont précédé cette proposition de loi, notamment la création du Fonds stratégique d'investissement. Sans ce fonds, le chantier que vous avez visité ce matin en Loire-Atlantique, qui représente des milliers d'emplois et de sous-traitants, n'existerait plus.

Le rapporteur a rappelé deux affaires récentes, Valeo en 2005 et Michelin en 2007, qui démontrent que les atteintes au secret des affaires se font de plus en plus nombreuses et causent aux entreprises un préjudice économique important.

Ce préjudice peut se manifester de plusieurs façons : par un impact sur la confiance que les entreprises placent dans le niveau de sécurité de leur système d'information, par des pertes financières ou encore par une atteinte à l'image de marque de l'entreprise.

La question de la protection du secret des affaires, fruit d'un long travail de réflexion, a déjà fait l'objet d'un certain nombre de rapports. Tous convergent vers un même constat, souligné par le rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation : « l'inadaptation de notre dispositif juridique et technique actuel pour lutter contre les déviances observées dans les relations commerciales internationales, et l'impuissance des services de l'État comme de l'institution judiciaire pour accompagner et soutenir avec succès nos entreprises dans le domaine de la sécurité et de la protection des informations ». C'est bien pour répondre à ce défi que nous allons voter la présente proposition de loi.

Cette situation place nos entreprises dans un état de vulnérabilité et de fragilité face aux États étrangers qui disposent, pour la plupart, d'un arsenal législatif adapté pour faire face aux défis de la concurrence internationale. Ainsi, dans un monde où l'exigence de transparence prédomine, il convient de rappeler la nécessité de préserver le secret des affaires lorsque l'intérêt national le justifie.

Partant de ces constats, l'ambition première de cette proposition de loi, à laquelle le groupe Nouveau Centre adhère, consiste à combler les lacunes de la législation française pour faire de la protection du secret des affaires un principe de notre droit.

Le texte comprend trois volets. Le premier définit la notion de secret des affaires ; le deuxième, dissuasif et répressif, crée un délit de violation du secret des affaires ; le troisième réforme la loi du 26 juillet 1968, dite loi de blocage.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre, à l'heure actuelle le secret des affaires ne fait pas l'objet d'une définition suffisamment claire et précise permettant d'assurer une protection effective de nos entreprises. L'article 1er du texte soumis à notre examen propose de pallier ce manque en insérant dans le code pénal une définition des informations protégées relevant du secret des affaires.

M. Clément, que j'ai écouté avec attention, a rappelé certaines notions qui existent déjà, comme l'abus de confiance, le recel, le vol. C'est, je crois, la spécificité du droit français que d'avoir un certain nombre de nuances qui ont toute leur importance dans la définition des délits. La présente proposition de loi vient compléter cet arsenal en créant un délit spécifique sans remettre en cause les définitions et incriminations existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Cette définition est plus étroite que celle prévue en droit international par l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce. Elle est conforme aux recommandations du Conseil d'État. Il doit s'agir d'informations confidentielles, ayant fait l'objet de mesures de protection spécifiques et dont la divulgation, non autorisée, serait susceptible de compromettre gravement les intérêts de l'entreprise concernée. II appartiendra au juge pénal de déterminer ensuite si les informations ayant fait l'objet de mesures de protection remplissent les critères fixés par la loi.

En second lieu, il nous est proposé de créer une infraction nouvelle : le délit de violation du secret des affaires. À ce titre, la commission des lois a relevé la peine applicable à cette infraction. La révélation d'une information protégée relevant du secret des affaires serait ainsi punie de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, dans un souci d'harmonisation avec les peines réprimant l'abus de confiance.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous proposez de réviser la loi du 26 juillet 1968. Cette loi couvre un champ trop large. Elle sanctionne la communication de tout renseignement, quelle qu'en soit la nature. Elle n'est, en définitive, pas suffisamment efficace pour lutter contre les procédés utilisés par les autorités étrangères. La nécessité de réviser la loi de 1968 fait donc consensus.

Dans un monde de compétition où tous les coups bas sont permis, les entreprises doivent être protégées. C'est ce que fait le présent texte. C'est pourquoi je vous apporte, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre, tout mon soutien.

Cela dit, il est dommage qu'il ait fallu attendre la fin de la législature pour trouver des sujets consensuels. Mais il n'est jamais trop tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir un texte cher à son auteur et rapporteur, Bernard Carayon. Je ne suis pas sûr qu'il mérite toutes les louanges dont il a été l'objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On était un peu sur le mode : « passe-moi le séné, je te passe la rhubarbe ».

Bernard Carayon milite depuis des années pour la reconnaissance du droit au respect du secret des affaires et la sanction de sa violation.

Le renforcement de la protection juridique de nos grandes entreprises est un enjeu d'intérêt général, en particulier face à ceux de leurs concurrents qui instrumentalisent le droit ou les procédures juridictionnelles à des fins déloyales ou dans les cas cités où d'anciens dirigeants et salariés indélicats tentent de vendre des données sensibles au plus offrant.

Faut-il créer une infraction spécifique aux contours aussi larges, au risque de porter atteinte au droit à l'information ? C'est là que réside notre principal point de désaccord avec vous.

Pour être plus clair, monsieur le rapporteur, s'agit-il de protéger M. Carlos Ghosn, qui en toute impunité jette aux chiens l'honneur de trois de ses salariés dans une rocambolesque affaire d'espionnage digne d'un mauvais feuilleton américain ?

Vous fondez une grande partie de votre argumentaire sur les insuffisances de notre législation et les lacunes de la jurisprudence en matière de protection du patrimoine immatériel des entreprises. Il faut pour le moins nuancer ce constat. Nous disposons d'ores et déjà d'un arsenal juridique conséquent et la jurisprudence s'est considérablement assouplie depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2008, dans lequel « est reconnu le vol d'information indépendamment du vol de son support ».

De plus, de nombreuses dispositions pénales protègent un large spectre d'informations, qu'il s'agisse d'un secret de fabrication breveté, du secret professionnel, de l'intrusion dans un système informatique ou même de l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Les tribunaux font surtout fréquemment usage en la matière de la qualification d'abus de confiance, qui consiste « dans le détournement ou la dissipation, frauduleusement commise, de choses remises au délinquant, à charge pour lui de les rendre ou représenter ou d'en faire un emploi déterminé ».

Là où vous voyez le verre à moitié vide et soulignez à l'excès les insuffisances de notre législation, nous le voyons pour notre part aux trois quarts plein.

Quel dommage, monsieur le rapporteur, que vous ne fassiez preuve du même entrain et du même enthousiasme pour combattre les paradis fiscaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…ou pour rattraper les délocalisés fiscaux comme Yannick Noah, Alain Delon, Sébastien Loeb ou Charles Aznavour...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce n'est pas une marotte mais la réalité ! Je sens bien, à force, que j'égratigne vos chastes oreilles dès lors qu'il s'agit de dénoncer les voleurs. Mais il faut appeler un chat un chat. Alors que tous les citoyens doivent payer l'impôt, certains s'en dispensent.

Je reviens à notre sujet. Les cas de divulgation d'informations ou renseignements non couverts par l'arsenal juridique existant sont en pratique très peu nombreux : on nous parle d'un millier de cas, mais sans nous en donner le détail. Il aurait été en tout état de cause parfaitement envisageable de remédier à ces lacunes par un toilettage à la marge des dispositions en vigueur.

Vous avez privilégié la création d'une nouvelle infraction pénale visant à sanctionner l'atteinte au secret des informations protégées à caractère économique, dont vous proposez une définition particulièrement large puisqu'il s'agit selon vous des « procédés, objets, documents, données ou fichiers, de nature commerciale, industrielle, scientifique, technique ou stratégique (...) dont la divulgation serait de nature à porter gravement atteinte aux intérêts de l'entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle ».

Nous ne sommes pas certains qu'il soit nécessaire de faire usage d'une massue pour occire un moustique et nous ne pouvons nous défendre du sentiment que vous tirez aujourd'hui argument des quelques lacunes de notre droit pour tenter, en réalité, de sanctuariser le secret des affaires et lui donner la valeur d'un principe fondamental.

Or c'est bien là que gît pour nous la difficulté.

En vous écoutant tout à l'heure, monsieur Carayon, et en entendant le ministre vous tresser des lauriers, je me disais que, pourtant, Noël était passé…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Faites attention, le Père Noël va bientôt revenir ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et que les contes d'Alice au Pays des Merveilles n'étaient plus d'actualité. Et quand nous assistons à un tel échange de politesses, vous savez bien, monsieur Jacob, vous qui êtes un vieux routier plein d'expérience, que c'est immédiatement suspect : la mariée est trop belle pour qu'il n'y ait pas un défaut quelque part.

Nous savons en effet que s'opère en droit européen un rapprochement de plus en plus fréquent entre le secret des affaires, reconnu par la charte des droits fondamentaux, et le droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

C'est ainsi que la Cour européenne – par ailleurs suppôt du libéralisme et du droit anglo-saxon plus que de la transparence et de la justice sociale – a pu explicitement souligner, dans un arrêt de 2003, que « la vie privée peut s'étendre aux activités professionnelles et commerciales ». On en perçoit bien les dérapages possibles : pour dissimuler le secret des affaires, on mettra en avant le secret de la vie privée. On sait qu'il s'agira par là de protéger les intérêts des privilégiés.

Il nous paraît excessivement dangereux qu'une personne morale puisse se prévaloir du droit au respect de la vie privée en dehors des actes soumis à publicité légale. C'est particulièrement vrai pour les grands groupes dont le poids économique ou l'importance stratégique interdit de considérer qu'ils pourraient seuls décider du périmètre de leur obligation d'information.

Quand on constate de quelle manière ces grands groupes – et vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre –, ces grands capitaines d'industrie qui ne doivent ce qu'ils sont qu'au manque de vigilance des pouvoirs publics, ne respectent pas l'État, on perçoit bien le mésusage qu'ils pourraient faire de votre texte.

Le droit de savoir et la manifestation de la vérité ne sont pas moins des principes fondamentaux que le respect du secret des affaires.

Curieusement, c'est la logique inverse qui doit selon vous primer dans le droit des affaires. Priorité est accordée au droit des entreprises personnes morales sur le droit à l'information. Les quelques garanties auxquelles vous consentez ne sont guère que les exceptions à un principe de portée générale qui affirme le droit à la vie privée des entreprises.

Nous sommes donc légitimement inquiets.

Vos mesures ne risquent-elles pas de modifier le périmètre des informations que les membres du comité d'entreprise ou les représentants syndicaux seront autorisés à diffuser dans l'intérêt des salariés qu'ils représentent et auxquels ils doivent pouvoir rendre compte ? Vous n'apportez sur ce point aucune réponse convaincante, monsieur le rapporteur. Le droit à l'information des salariés ne fait l'objet dans votre texte d'aucune mesure de protection spécifique alors qu'ils sont en première ligne pour révéler les scandales du monde des affaires.

Par ailleurs, la commission a ajouté le secret des affaires à la liste des secrets figurant au dernier alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette modification permettra à toute personne poursuivie pour diffamation de produire pour sa défense des pièces couvertes par le secret des affaires afin de prouver sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires, sans courir le risque d'être condamnée pour recel. Nous doutons qu'une telle mesure soit suffisante pour garantir le secret des sources des journalistes et l'information du public. Nous aimerions que vous dissipiez tout malentendu sur ce point. Et peut-être devriez-vous consulter, au préalable, M. Guéant ou M. Squarcini…

Si nous pouvons approuver vos propositions en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles déloyales, nous sommes réservés et même hostiles à la reconnaissance d'un droit de portée générale au secret des affaires des entreprises.

Il y a donc, si j'ose, dire, monsieur Carayon, à boire et à manger dans votre rapport. C'est pourquoi les députés de mon groupe s'abstiendront et, monsieur Hunault, sachez que l'abstention ne vaut pas consensus. Nos collègues du groupe SRC ont également annoncé leur abstention. Je sens bien, certes, qu'en fin de législature vous souhaitez que nous nous embrassions tous mais nous défendons des positions tellement différentes sur tant de sujets ! Au reste, les Français seront appelés à nous départager, au printemps prochain, pour choisir des projets de société conformes à la vision, aux ambitions que nous avons pour notre peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Patrice Verchère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le patrimoine des entreprises est en grande majorité composé par des biens immatériels que sont les informations telles que des fichiers fournisseurs ou clients, des organigrammes, des procédés de fabrication, des informations de stratégie économique, du savoir-faire, des recettes, des méthodes de commercialisation, des informations financières…

Ces informations représentent un intérêt économique particulièrement important. Depuis plusieurs années, les entreprises françaises s'approprient de plus en plus les techniques de l'intelligence économique par des opérations de veille, de lobbying et de protection de leur patrimoine.

Le cadre légal a évolué avec l'instauration du secret des affaires qui permet de garantir la protection du potentiel scientifique et économique des entreprises françaises et de garantir leur compétitivité. Ce texte a été la première pierre d'un édifice aujourd'hui susceptible d'être complété par cette proposition de loi, fruit d'un travail remarquable du rapporteur Bernard Carayon.

La loi relative au secret des affaires est allée dans le bon sens car elle permet de mettre en place des règles communes aux entreprises et de développer en leur sein une culture et un cadre communs à tous les salariés. Cette législation a répondu à un vide juridique qui permet de qualifier un délit.

Quant aux « violation du secret professionnel », « violation du secret de fabrique », « concurrence déloyale » ou encore « abus de confiance », ces qualifications sont inadaptés à la protection du secret des affaires.

La législation actuelle ne permet donc pas de protéger en amont l'ensemble des secrets des entreprises et, quand elle s'applique, elle a davantage vocation à réparer un dommage commis qu'à réprimer un agissement préjudiciable à l'entreprise.

Racine disait : « Il n'est point de secret que le temps ne révèle. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Je crois davantage à des moyens pour retarder au maximum la sortie de l'information. Dire que rien ne filtrera est bien sûr une illusion.

Néanmoins, ces informations offrent un intérêt économique particulièrement élevé dès lors qu'elles sont propres à chaque entreprise et qu'elles marquent leur faculté à se distinguer de leur concurrent et à survivre dans un marché donné. Il est donc incontestable que le caractère secret qu'elles présentent le plus souvent doit être garanti au sein de l'entreprise.

La violation de ces secrets des affaires doit être sanctionnée afin de donner aux entreprises tous les outils juridiques pour se protéger et donc pour protéger leurs emplois ainsi que les armes pour poursuivre ceux qui auraient volé des informations stratégiques ou les auraient utilisées au détriment de ces entreprises.

C'est la raison pour laquelle ce texte sur la violation du secret des affaires se révèle pleinement efficace car il est accompagné de mesures renforçant les droits de la victime sur le plan de la procédure et sur celui de l'indemnisation.

Il ne faut pas se faire d'illusion : les juridictions pénales sont surchargées et il n'est pas certain que leurs impératifs soient ceux de la protection des entreprises. Dès lors, il faut, comme cela existe pour la propriété intellectuelle classique, laisser la possibilité à la victime de choisir tant la voie pénale que la voie civile.

Pour permettre une répression des atteintes au secret des affaires, il apparaît nécessaire de prévoir la possibilité d'une saisine rapide, comme cela se pratique en matière de logiciels et de confier à des juridictions spécialisées le traitement des dossiers.

Le contentieux de la propriété intellectuelle est désormais confié au tribunal de grande instance. On estime à juste titre que, compte tenu de la complexité de certaines affaires, il faut le confier à des magistrats spécialisés. Il devrait en être de même pour le secret des affaires. En outre, compte tenu de la publicité des débats, il faudrait prévoir la possibilité d'un « huis clos ».

Rappelons que le directeur juridique de Michelin, s'exprimant sur l'abus de confiance dont sa société a été victime, a expliqué qu'exposer son affaire devant une juridiction revenait à aggraver son préjudice puisqu'il était contraint d'exposer le contenu du secret de ses affaires pour obtenir une condamnation de l'auteur.

Enfin, il conviendrait peut-être de prévoir des mesures complémentaires comme la retenue en douane des biens créés à partir d'une infraction au secret des affaires.

Quoi qu'il en soit, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, est pertinente et nécessaire pour protéger nos entreprises, nos emplois et préserver les intérêts économiques de notre pays. J'espère qu'elle sera adoptée à l'unanimité comme lors de son examen en commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les louanges ayant déjà été tressées je me limiterai aux préventions que peut susciter le texte. Je ne reviendrai pas, du reste, sur celles que j'avais évoquées en commission le 11 janvier dernier sur la loi de blocage ; aussi vous livrerai-je quatre observations.

La première, Jean-Michel Clément l'a déjà souligné, concerne la lourdeur d'un dispositif qui apparaît plus accessible pour les grandes entreprises que pour les PME et les PMI. La rigidité des mécanismes qu'il recèle – c'est la CGPME qui le souligne – peut aller à rebours des exigences du monde des affaires.

Il est rare qu'une petite entreprise innovante, en pointe sur un marché, totalement engagée dans la compétition internationale, dispose de moyens juridiques, économiques ou tout simplement humains pour mobiliser et mettre en oeuvre le dispositif de classification et donc de protection que vous suggérez.

On peut par conséquent craindre que ce genre d'entreprise ne puisse y recourir, ce qui paradoxalement pourrait se révéler une circonstance aggravante pour elle. En effet, dans une procédure judiciaire, la partie défenderesse aurait beau jeu de signaler au juge l'absence de classification et de mettre en doute la nature sensible de l'intérêt économique source de litige.

Ainsi, l'impossibilité de recourir à un système de classification, en raison non pas de son défaut de pertinence mais de sa lourdeur et son coût, se transformerait en handicap aggravant la fragilité de l'entreprise.

Deuxième remarque : le dispositif que vous proposez ne fait pas disparaître ce qui m'apparaît comme la source du problème. En effet, plus que d'une carence législative, les entreprises souffrent d'un défaut de culture de sécurité économique.

Ainsi, de grandes entreprises, bien que sensibilisées aux menaces majeures, n'en négligent pas moins des règles élémentaires de sécurité ; le plus souvent, des PME et des PMI ignorent même cette question de la sécurité économique.

Aussi pourrait-on presque soutenir que votre texte revient à fournir des outils à des entités qui ne sauraient pas s'en servir ou qui ne comprendraient point leur utilité. Incidemment, cela souligne la nécessité de réaliser un travail considérable de sensibilisation et de créer une structure destinée à répondre à ces besoins latents, l'Agence pour la diffusion de l'information technologique, l'ADIT, ayant désormais d'autres objectifs et la délégation interministérielle à l'intelligence économique laissant, semble-t-il, les entreprises très insatisfaites.

En sus, votre texte et notre débat ne doivent pas exonérer les entreprises d'une réflexion sur la manière dont circule l'information dans et en dehors des murs. À quoi bon se protéger si, comme Apple en a fait l'expérience en septembre 2011, le projet de l'iPhone 5 est divulgué par un salarié qui en oublie un prototype sur le comptoir d'un bar de San Francisco ?

De surcroît, votre proposition ne semble pas tenir compte de la carence de notre organisation policière. Ainsi, quel service policier enquêterait en matière de compromission du secret des affaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Certes, la DCRI le ferait pour les ingérences étrangères. Mais pour les problèmes nationaux ? Les services de police et de gendarmerie ?

Une entreprise accepterait-elle de confier son sort à des policiers profanes en matière économique ou sur des sujets sensibles ? Je pense au cas de Renault, par exemple.

Se pose donc à nouveau la question de l'existence d'une filière de renseignement économique à vocation également judiciaire.

Enfin, quel débouché judiciaire ces enquêtes connaîtraient-elles ? N'importe quel tribunal pourrait-il être compétent pour juger des affaires particulières ? Et j'ose à peine évoquer ici l'absence de culture économique au sein de la magistrature, que reconnaissent d'ailleurs les magistrats eux-mêmes.

Je crains donc que cette loi n'ajoute un étage à une fusée branlante, faute d'un réel investissement des autorités publiques en matière de culture économique et de culture de sécurité économique.

Enfin, il convient de dire un mot de la liberté de la presse. Vous proposez un quantum des peines élevé dans le but de dissuader la divulgation d'un secret des affaires. C'est naturel, la peine doit être dissuasive. Il est légitime, cependant, que des voix s'élèvent pour appeler notre attention sur la complexité accrue qui en découlerait pour des journalistes économiques voulant simplement faire leur métier.

Je sais bien que vous répondez que le droit commun continuera de s'appliquer et que la loi prévoit de sanctionner celui qui divulgue l'information, et non celui qui la publie. Mais l'argument peut laisser sceptique, puisque, si l'on peut certes évacuer le principe de complicité, le journaliste pourra néanmoins être poursuivi pour divulgation.

En revanche, je vous donne acte du fait que ce dispositif n'est pas de nature à inciter les entreprises à classifier des documents afin de dissimuler certaines turpitudes car, dans le cadre d'une procédure judiciaire, le juge appréciera le caractère abusif ou non de la classification. Vous l'avez parfaitement dit.

Au final, ma réserve essentielle tient donc au fait que, quel que soit le contenu du texte, il risque de ne servir à rien si l'on n'a pas réfléchi en amont à la manière de le rendre efficace dans sa mise en oeuvre.

Nous avons déjà connu un exemple avec l'introduction dans le livre IV du code pénal, à la suite d'une loi votée en 1992, de la notion juridique d'« intérêts fondamentaux de la nation ». Le texte était intelligent, et même en avance sur son temps. Pourtant, sa mise en oeuvre fut difficile, tout simplement parce que, par la suite, l'encadrement réglementaire, la discussion doctrinale, la formation des magistrats n'avaient pas suivi.

Il nous semble qu'en matière de secret des affaires, on pourrait se trouver, si l'on n'y prend pas garde, mutatis mutandis, dans le même genre de situation. Cela justifiera l'abstention de notre groupe, que mon collègue Jean-Michel Clément a évoqué tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 4 rectifié .

La parole est à M. le ministre

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Cet amendement consiste à transférer, au sein du code pénal, le délit d'atteinte au secret des affaires du titre III du livre II, portant sur les atteintes à la personne humaine, au livre III, regroupant les crimes et délits contre les biens.

Il s'agit d'un amendement de cohérence, l'atteinte au secret des affaires ne pouvant pas s'analyser comme une atteinte à la personne humaine. Elle constitue bien, en revanche, une atteinte aux biens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Favorable. Le dispositif proposé par le Gouvernement m'apparaît tout à fait judicieux. L'insertion au sein du livre III, consacré aux crimes et délits contre les biens, est beaucoup plus cohérente. Elle a aussi l'avantage de consacrer un chapitre entier, spécifique, à la protection du secret des affaires.

(L'amendement n° 4 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 rectifié et 2 .

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 5 rectifié .

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est favorable à une adaptation de l'article 1er bis de la loi du 26 juillet 1968, dite loi de blocage. Pour autant, il ne nous paraît pas nécessaire d'aller jusqu'à une intégration dans le code pénal, à la suite des dispositions relatives au seul secret des affaires. Cet amendement permet de préserver la cohérence d'ensemble du dispositif de blocage et de conserver un champ d'application suffisamment protecteur pour les entreprises. Il permet de modifier le texte de la loi de blocage sans l'intégrer au code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous pouvons considérer, monsieur le rapporteur, que M. le ministre vient de défendre par là même l'amendement n° 2 de la commission, qui est identique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 1 rectifié de M. Carayon, qui fait l'objet de deux sous-amendements nos 8 et 7 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 1 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Cet amendement récrit intégralement l'article 2 de la proposition de loi afin d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 1er bis de la loi de blocage, pour les raisons qui ont déjà été évoquées.

J'indique par avance que la commission est favorable au sous-amendement n° 7 du Gouvernement à cet amendement, qui tire les conséquences de l'insertion du dispositif relatif au secret des affaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je souscris tout à fait à la logique générale voulue par notre excellent rapporteur. Il faut protéger nos entreprises, abandonner toute naïveté. Mais c'est parce que je veux appliquer complètement cette logique que je me suis permis de rédiger ce sous-amendement.

De quoi s'agit-il ? Ne soyons pas naïfs à l'égard des Américains. Il y a un véritable impérialisme juridique américain. Ce n'est pas une information que je vous livre. La moindre occasion est saisie par le juge américain pour s'emparer d'une affaire. Alors même qu'elle concerne deux pays complètement étrangers aux États-Unis, et qu'elle n'a aucun rapport avec les États-Unis, il suffit que des transactions aient été libellées en dollar pour que le juge américain se saisisse de cette affaire. Nous avons des exemples de contentieux de cette nature. Alors même qu'une affaire concerne deux entreprises situées en Europe, porte sur des biens en Europe, avec des clients en Europe, il suffit que ces entreprises aient rédigé leur contrat sous forme de courriels localisés dans des entreprises américaines pour que le juge américain s'autorise à s'emparer de cette affaire.

Nous devons donc nous donner les moyens de protéger nos entreprises. Nous disposions, à cette fin, de la loi de 1968, dite loi de blocage. Je comprends parfaitement, monsieur le rapporteur, que nous devons la moderniser. Ma conviction, malgré tout, est que nous devons garder le filtre du juge français. Quand un juge pénal américain, quand un juge civil américain, quand une autorité administrative indépendante américaine – je pense à la Securities and Exchange Commission, par exemple, qui est une autorité considérable – veut obtenir une information quelconque concernant une entreprise française, elle doit transiter par un juge français, par exemple dans le cadre d'une commission rogatoire. Des traités organisent cette pratique, qui se fait quotidiennement.

Ma crainte est que l'on déroge à cette règle. Elle devrait redevenir la norme, monsieur le ministre. Je propose donc, dans ce sous-amendement, qu'on en revienne à cette règle simple : le juge français est le filtre nécessaire, et il ne peut pas y avoir d'exception. Cela n'interdira pas au juge américain d'agir. Simplement, il devra passer par un juge français.

Or, l'amendement n° 1 rectifié de notre excellent rapporteur a pour effet que le filtre du juge français deviendra occasionnel, défini dans les conditions très précises qu'il décrit.

Ce que je vous propose, c'est de revenir au principe selon lequel il faut passer par le juge français. Il ne s'agit absolument pas d'aller à l'encontre de la logique générale voulue par notre rapporteur. Il s'agit au contraire d'y être fidèle, et de nous donner les moyens de veiller à ce que nos entreprises, en particulier celles qui sont le plus exposées à la concurrence américaine – il y en a – aient tous les moyens de se protéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et sur le sous-amendement n° 8  ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1 rectifié , mais défavorable au sous-amendement n° 8 , même si l'on peut comprendre et respecter la préoccupation de M. Le Fur.

Pour dire les choses simplement, la loi de blocage est jugée aujourd'hui trop large par les autorités étrangères, qui nous reprochent, en définitive, de trop protéger. L'un des objets de la proposition de loi est justement de sanctuariser ce que nous voulons protéger, en essayant de le préciser. Or, le sous-amendement aboutit à élargir à nouveau le champ de la protection, nuisant ainsi à l'intérêt même de la proposition de loi et décrédibilisant, vis-à-vis de nos partenaires extérieurs, la protection que nous entendons instaurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 8  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Je partage tout à fait l'analyse de notre collègue Marc Le Fur sur le caractère impérialiste du droit américain. Nous savons comment les autorités ou les juridictions américaines procèdent parfois pour obtenir en quelque sorte ultra petita des informations, dans le cadre d'un rapport de forces, sur des entreprises concurrentes, notamment européennes.

Par contre, je ne peux pas partager les conséquences que notre collègue en tire. Comme l'a très bien souligné M. le ministre, le dispositif de la loi de 1968, modifiée en 1980, est extrêmement large. Il encourt même peut-être un risque d'inconstitutionnalité, puisqu'il vise tout renseignement, de quelque nature que ce soit. C'est précisément pour éviter cet écueil, qui s'est traduit par un manque de crédibilité de ce dispositif juridique – à une exception près, il n'y a pratiquement jamais eu de sanctions pénales –, que nous avons voulu resserrer le champ d'application de la loi de 1980 sur l'information économique protégée. C'est à ce prix que le texte retrouvera sa crédibilité et son efficacité. Nous faisons naturellement le pari, collectif, que ce dispositif sera assez dissuasif pour ne pas être utilisé. Mais en tout état de cause, nous avons pu faire ensemble le bilan de la loi de 1968 : il nous vaut les moqueries du monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'apprécie beaucoup le sous-amendement de notre collègue Le Fur. C'est dommage qu'il attende la fin de la législature pour faire preuve de résistance face à ce qu'il a appelé – quelle audace ! – « l'impérialisme américain », terme qui a été repris par notre collègue Carayon. C'est une vraie conversion révolutionnaire à laquelle nous assistons là.

Ma foi, notre collègue Le Fur part d'un constat très simple : le mépris des États-Unis pour les autorités étatiques étrangères, et en particulier pour les décisions judiciaires. Je trouverais fort pertinent que notre Assemblée nationale affirme un point de vue qui préserve l'intérêt national.

Après le terrible drame qu'a été la mort de quatre soldats français en Afghanistan, par qui avons-nous appris que la France ne changerait pas de position ? Pas du tout par les autorités françaises, mais par Mme Clinton. Monsieur Le Fur, j'aurais apprécié que vous fassiez preuve du même dynamisme pour défendre l'intérêt national lorsque le Président de la République a décidé de nous faire réintégrer l'OTAN sans même en discuter les conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais non, je ne m'égare pas, au contraire, j'éclaire M. Jacob, ce qui peut parfois lui être utile.

Je note que M. Carayon finit par s'effrayer de ses propres audaces. Il dit que les Américains nous reprochent de trop nous protéger, mais cela prouve bien que nous avons raison, puisqu'ils nient aux autres États le droit de se protéger.

Je trouve que le sous-amendement de notre collègue Le Fur apporte un bon équilibre qui mérite d'être salué. Je ne doute pas que sur les bancs de l'UMP, il y en ait encore quelques-uns ayant un peu de la fibre du Général de Gaulle, et qu'ils rejoindront ainsi notre collègue Le Fur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Bur, vous êtes issu de la filiation centriste, qui n'a jamais vraiment été gaulliste, et que le Général de Gaulle lui-même a dénoncée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous dites que la protection est tellement exigeante et tellement large qu'elle risque d'être décrédibilisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mais il y a régulièrement des demandes formulées par des juges américains qui parviennent à des juges français et qui donnent lieu à des enquêtes et à des communications diverses d'entreprises françaises pour des procédures menées aux États-Unis. Il y a tous les jours des commissions rogatoires. Le seul problème est que ces démarches transitent par des traités et des accords internationaux que nous, Français, négocions avec les Américains, et c'est très bien ainsi ! Le système fonctionne donc depuis 1968.

De plus, imagine-t-on qu'un juge français puisse effectuer des enquêtes aux États-Unis sans solliciter ses homologues américains ? C'est inconcevable ! C'est pourtant exactement ce que l'on nous propose ici, au moins dans certains cas.

Je ne sollicite les mânes de personne, mon cher collègue Brard, mais dans une économie mondialisée, nous nous devons d'être moins naïfs, d'être plus exigeants, et savoir que de bonnes intentions cachent parfois des intérêts multiples, variables, et souvent très importants.

Mon sentiment est donc que nous devons nous donner le temps, avant de mettre en cause le dispositif de blocage de 1968, d'examiner toutes les possibilités. C'est pour cela que je propose un sous-amendement limitant l'évolution, tout en allant dans le sens du rapporteur. L'évolution a lieu, nous dépoussiérons le dispositif de blocage, mais en nous donnant les moyens d'éviter un certain nombre d'abus, fussent-ils de nos amis américains.

(Le sous-amendement n° 8 n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 7 est adopté.)

(L'amendement n° 1 rectifié , sous-amendé, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 3 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 6 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Cet amendement de clarification vise à préciser que la définition du secret des affaires à laquelle il est fait référence à l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tel que modifié par l'article 3 de la proposition de loi, est celle figurant à l'article 226-15-1 du code pénal, devenu l'article 325-1 du code pénal suite à l'adoption de l'amendement n° 4 du Gouvernement. Excusez-moi si cela semble compliqué, mais il convient d'être précis.

Cet amendement permet de lever toute ambiguïté susceptible de naître de l'usage de la notion de secret des affaires dans d'autres branches du droit, comme le droit de la concurrence, le droit financier ou le droit des télécommunications.

Je profite de cette occasion pour donner un avis favorable au sous-amendement n° 6 présenté par le Gouvernement. Il tire les conséquences de la nouvelle numérotation des articles insérés par la proposition de loi dans le code pénal résultant de l'adoption de l'amendement n° 4 du Gouvernement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le sous-amendement a été présenté, et sur l'amendement n° 3 , le Gouvernement émet un avis favorable.

(Le sous-amendement n° 6 est adopté.)

(L'amendement n° 3 , sous-amendé, est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Personne ne demande plus la parole ?

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Prochaine séance, mardi 24 janvier à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution ;

Prestation de serment d'un juge suppléant élu à la Cour de justice de la République ;

Proposition consacrant le droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés ;

Proposition relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers ;

Proposition permettant aux salariés de faire don d'heures de réduction de temps de travail ou de récupération à un parent d'un enfant gravement malade.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron