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Intervention de Éric Besson

Réunion du 23 janvier 2012 à 21h30
Sanction de la violation du secret des affaires — Discussion d'une proposition de loi

Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi examinée ce soir doit permettre de renforcer la protection du patrimoine économique, scientifique et technologique de nos entreprises.

Je tiens d'abord à saluer le travail accompli par Bernard Carayon. À travers ce texte, vous avez su, monsieur le député, bâtir un consensus transpartisan et synthétiser votre expertise personnelle en matière d'intelligence économique avec les réflexions conduites depuis plusieurs années par le Gouvernement.

Depuis 2007, le Gouvernement a multiplié les initiatives pour protéger nos entreprises, nos usines, nos emplois et nos territoires.

Nous avons adopté une stratégie assise sur quatre priorités.

Premièrement, nous avons structuré nos douze filières stratégiques.

Deuxièmement, nous avons stimulé l'innovation.

Troisièmement, nous avons aidé nos entreprises à mieux financer leur développement : en renforçant les moyens d'OSEO, en créant la Médiation du crédit, en mettant en place le Fonds stratégique d'investissement, lequel a déjà investi quatre milliards d'euros dans nos entreprises stratégiques.

Enfin, nous avons voulu développer l'emploi : en misant sur la formation professionnelle, en créant les aides à la réindustrialisation des territoires, en venant en aide aux entreprises en difficulté grâce au Comité interministériel de restructuration industrielle qui a encore permis, l'an dernier, de sauvegarder plus de 120 000 emplois.

Donner à cette stratégie toute sa portée, c'est aussi, pour reprendre le titre devenu célèbre de votre rapport, monsieur Carayon, permettre à nos entreprises de se battre « à armes égales » dans la mondialisation. Or, nul ne peut ignorer le rôle que joue, dans une économie globalisée et concurrentielle, la maîtrise de l'information économique stratégique.

Pour accélérer notre croissance, nous avons besoin d'une France conquérante dans la mondialisation. S'il faut être conquérant, il faut aussi être lucide sur la nécessité de protéger l'information économique stratégique.

Nous partageons avec vous, monsieur le député, la conviction qu'il n'y a aucune raison d'être en France moins volontaristes que nos partenaires américains, allemands, asiatiques ou latino-américains.

C'est le sens de la politique inédite d'intelligence économique mise en place au cours des dernières années. Ses contours sont aujourd'hui exposés dans une circulaire du Premier ministre publiée le 15 septembre 2011. Cette politique repose sur trois objectifs clairs.

Premier objectif : mener une veille stratégique sur les évolutions économiques d'intérêt majeur et sur les risques et menaces qui pèsent sur les entreprises et les établissements de recherche.

Deuxième objectif : soutenir la compétitivité des entreprises en favorisant une meilleure valorisation de la recherche publique et une plus grande influence de la France dans les enceintes de normalisation et les forums économiques étrangers.

Troisième objectif : garantir la sécurité économique, en prévenant les risques d'ingérence pesant sur les entreprises françaises et les établissements de recherche.

Dans ce contexte, le Gouvernement tient à exprimer son entier soutien à cette proposition de loi qui apporte une protection opportune au secret des affaires et doit permettre une meilleure prise en compte de la loi dite de blocage.

Vous l'avez rappelé dans votre rapport, monsieur le député, la protection de la sécurité économique des entreprises françaises est aujourd'hui insuffisante. Les services de la délégation interministérielle à l'intelligence économique, dirigée par Olivier Buquen, ont recensé en 2011 près de 1 000 atteintes économiques aux entreprises, dont un quart constituait des violations au secret des affaires. Les filières les plus touchées sont nos fleurons industriels : l'aéronautique, l'énergie, les laboratoires de recherche, le secteur automobile, la métallurgie et la sidérurgie.

Permettre à nos entreprises de lutter « à armes égales », c'est leur offrir une protection du secret des affaires au moins équivalente à ce qui peut exister à l'étranger, notamment aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche ou en Italie.

La création en France d'une infraction spécifique de divulgation du secret des affaires répondra donc opportunément à une lacune de notre droit. Certes, le droit existant prévoit plusieurs sanctions en lien avec le secret des affaires. Mais qu'il s'agisse de l'abus de confiance, du vol, de la divulgation du secret de fabrique, de la violation du secret professionnel, de la violation du secret des correspondances, il existe à chaque fois de telles restrictions ou circonstances particulières que nombre d'entreprises sentent leurs savoir-faire insuffisamment protégés.

Le présent texte permettra de couvrir les cas de divulgations d'informations sensibles que le droit existant appréhenderait mal.

Les articles 226-15-1 à 226-15-3 du code pénal créés par cette proposition de loi définissent strictement, au plan législatif, les caractéristiques et la nature des informations relevant du secret des affaires d'une entreprise et susceptibles à ce titre de faire l'objet de mesures de protection. Ils établissent l'élément matériel de l'infraction consistant en une révélation volontaire sans autorisation. En outre, ils précisent l'élément moral de l'infraction ou son caractère intentionnel, qui s'analyse en la connaissance du caractère secret des informations et des mesures de protection mises en place par leur auteur. Enfin, ils prévoient plusieurs faits justificatifs et situations dans lesquelles le secret des affaires sera heureusement inopposable. L'infraction n'est pas constituée dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret, par exemple, aux instances représentatives du personnel. Elle ne l'est pas non plus en cas de communications à certaines autorités, par exemple, les autorités juridictionnelles, les agents de la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers.

Au total, le texte examiné ce soir réussit à être à la fois pédagogique et préventif. Pour être protégées au mieux, les entreprises devront définir quels sont leurs secrets d'affaires et prévoir des mesures de protection spécifiques. Dans le même temps, ce texte sait être dissuasif. Si, malgré les mesures de protections prises, des informations stratégiques sont divulguées, des sanctions pénales pourront être infligées par le juge à l'encontre des auteurs et bénéficiaires du méfait.

Par ces équilibres, ce texte reprend bien l'intégralité des recommandations formulées dans l'avis juridique du Conseil d'État sur la protection du secret des affaires du 31 mars 2011.

J'ajoute qu'à l'initiative du rapporteur, le travail réalisé en commission a permis d'enrichir le texte d'un amendement important pour protéger solidement les journalistes. En cas de poursuite pour diffamation, les journalistes qui présenteraient pour leur défense des informations couvertes par le secret des affaires ne pourraient pas être accusés de recel. C'était sans doute souhaitable.

Le relèvement du quantum de la peine, adopté en commission, ferait parfaitement sens si les dispositions liées à la violation du secret des affaires étaient rattachées dans le code pénal aux atteintes aux biens.

C'est le sens du premier amendement déposé par le Gouvernement. Il vise à transférer le délit d'atteinte au secret des affaires du livre II du code pénal, qui porte sur les « atteintes à la personne humaine », au livre III du même code portant sur les « crimes et délit contre les biens ».

Voilà pour le secret des affaires.

J'en viens à la réforme de la loi dite de blocage. Vous le savez, cette loi a pour objectif de protéger les ressortissants français contre le contournement des mécanismes de coopération judiciaire qui font l'objet de la convention de La Haye du 18 mars 1970. La loi du 26 juillet 1968 interdit, sous peine de sanction, la demande et la communication à des autorités étrangères de documents ou de renseignements de nature économique, commerciale, industrielle, financière ou technique, en dehors des cas prévus par les traités internationaux, y compris ceux couverts par la convention de La Haye. En l'état du droit, la loi de blocage n'est pas toujours suffisamment respectée, au motif que certaines autorités étrangères jugeraient son champ trop large.

Vous avez donc repris à votre compte, monsieur le député Carayon, une proposition du groupe de travail présidé par Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation. Son rapport préconisait de procéder à l'adaptation de la loi de blocage, une fois que le secret des affaires aura reçu une définition législative.

Le nouveau texte de l'article 1er bis de cette loi dite de blocage, tel qu'il résulterait des amendements du rapporteur, permettrait, d'une part, de limiter l'interdiction de demande et de communication aux documents et renseignements portant gravement atteinte aux intérêts de l'entreprise, notamment aux informations couvertes par le secret des affaires, d'autre part, de conserver le principe de l'interdiction de demande et de communication de documents touchant à la souveraineté, à la sécurité et aux intérêts économiques nationaux à toute personne en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères.

L'article 1er de la loi du 26 juillet 1968, qui interdit la communication de documents touchant à la souveraineté nationale à des autorités publiques étrangères, serait en revanche maintenu inchangé.

Le Gouvernement a déposé également un amendement qui permet de modifier les dispositions de la loi de blocage sans pour autant les transférer dans le code pénal.

Ainsi, au vu des amendements déposés par votre rapporteur sur cette modification de la loi de blocage, le Gouvernement émet sur la réforme envisagée un avis favorable.

Mesdames et messieurs les députés, grâce aux dispositifs examinés aujourd'hui, nous faisons un pas supplémentaire dans la défense des intérêts économiques français. Nous nous donnons ainsi les moyens de renforcer et protéger notre compétitivité, de développer l'emploi et la croissance dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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