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Séance en hémicycle du 15 janvier 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • lisbonne
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  • révision constitutionnelle
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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution (n°s 561 rectifié, 568, 563).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, au moment où le Président de la République exhume cet étrange concept de « politique de civilisation », un véritable projet de civilisation se trouve en danger depuis au moins deux ans alors qu'il mérite toute notre attention : c'est l'Europe. Modèle de civilisation en effet, que d'avoir fait d'un continent divisé par l'histoire, la première et la plus grande communauté de nations et de peuples. Modèle de civilisation que d'avoir réussi pacifiquement à l'installer au coeur de la vie de nos populations. La démocratie, l'État de droit, la protection sociale constituent notre patrimoine. De Brest à Vilnius, de Nicosie à Glasgow, la moitié des législations nationales sont d'origine européenne. L'euro est notre monnaie de tous les jours. L'élargissement a permis aux nouveaux pays membres de combler avec une rapidité stupéfiante l'immense retard économique et social qu'ils accusaient avant leur adhésion. Je pourrais multiplier ainsi les exemples de cette force exceptionnelle d'intégration au quotidien. L'Europe est devenue un mode de vie, un modèle de civilisation. C'est sans doute la plus grande et la plus belle de ses victoires et l'exigence démocratique en est le corollaire. En effet, dès lors que l'Europe intervient dans la vie des gens, quoi de plus normal qu'ils exigent d'avoir leur mot à dire sur ses décisions, sur les directives et sur les traités ?

Partout dans l'Union, les opinions publiques se sont passionnées pour le référendum sur le traité de Maastricht puis pour celui sur la constitution européenne. Des élections nationales dans un pays européen peuvent désormais devenir un enjeu national dans un autre pays membre. Une opinion publique européenne émerge actuellement et exprime massivement son refus de la guerre en Irak ou sa solidarité avec des pays partenaires et amis frappés par des attentats terroristes, comme ce fut le cas de l'Espagne ou du Royaume-Uni. Nous participons désormais d'un débat commun à tous les Européens.

Je ne crois pas que nos gouvernements aient pris la mesure de cette aspiration participative. Ils en sont encore trop souvent à la conception des années soixante où l'Europe était considérée comme un sujet trop complexe pour intéresser les citoyens. Ils en sont restés à ce que j'appellerai le filtre démocratique qui consiste à confier aux gouvernants le soin de négocier, et aux parlementaires celui de ratifier. Ce qui était accepté dans la phase de construction initiale de l'Europe, ne l'est plus dès lors que l'Union est devenue un véritable espace politique et démocratique. À trop souvent refuser d'associer directement les peuples aux grandes décisions européennes, et parce qu'ils ont cru qu'une victoire aux élections nationales valait quitus pour leur politique européenne, les dirigeants de l'Union n'ont pas vu monter la déception des catégories populaires et de la masse des citoyens face à une Europe dont ils ont sous-estimé le manque de réponses aux problèmes structurels du chômage, des inégalités, des délocalisations, de la vie chère et de la précarité. Votre majorité, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, porte à cet égard une responsabilité écrasante. Cette majorité – même si vous n'en faisiez pas encore partie avant 2007, monsieur le secrétaire d'État – n'a cessé de se défausser de ses propres échecs sur le dos de l'Union. C'était tellement pratique quand ça n'allait pas de dire : c'est la faute de l'Europe ! Même si ces propos ne sont pas l'apanage de votre seule majorité, combien de fois les avons-nous entendus de sa part lors de la précédente législature ? Le « non » au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel a été la réponse populaire à cette impéritie politique et démocratique, et nous ne pouvons pas faire comme s'il n'avait pas existé. La plupart des pays européens n'ont pas ratifié le traité constitutionnel par voie référendaire – seule l'Espagne et quelques autres font exception –, ils confient souvent que s'ils avaient convoqué un référendum, le risque d'une réponse négative aurait été important – et c'est le cas pour de grand pays comme l'Allemagne. Il faut en prendre conscience.

Certains commentateurs, en 2005, ont reproché au Parti socialiste d'avoir appelé à l'organisation d'un référendum et d'avoir pris le risque de mettre l'Europe en danger. En tant que fervent militant de l'Europe, je continue d'assumer ce choix collectif. Avec François Mitterrand, avec Jacques Delors, avec Lionel Jospin, nous n'avons cessé de vouloir rendre l'Europe accessible aux citoyens. Nous avons pesé pour qu'elle devienne populaire dans tous les sens du terme, dans ses politiques comme dans ses procédures. C'est le coeur même de notre identité de socialistes et d'Européens, et j'ai la conviction que l'histoire nous donnera raison.

Je me souviens de Maastricht et quelques-uns ici s'en souviennent peut-être mieux que moi. Quand François Mitterrand a pris le risque d'envisager un référendum, nombre de ses conseillers, de ses proches, de ses ministres lui avaient dit : « Vous faites une faute politique, vous prenez le risque de mettre l'Europe en péril. » Mais François Mitterrand avait compris qu'il était essentiel que le peuple français puisse se prononcer, les électeurs ont ainsi pu le faire en répondant « oui » au référendum, à quelques milliers de voix près. Et aujourd'hui, l'euro – l'un des éléments essentiels du traité de Maastricht – est la monnaie de nombreux Européens et elle n'est pas contestée, même s'il y a toujours des nostalgiques du franc ou du mark. C'est en permettant aux citoyens de se prononcer, que ceux-ci pourront s'approprier pleinement l'Europe. En la dissimulant, on finira par rendre l'Europe impopulaire. Voilà pourquoi nous sommes pour le traité de Lisbonne. Voilà pourquoi nous sommes pour la consultation populaire par le référendum.

Les Français ne sont pas gens obtus et fermés. Ils ont parfaitement perçu le poids de leur choix de 2005. Ils ont vu les dirigeants de l'Union prendre conscience des impasses d'un libéralisme échevelé. Ils ont évalué les dégâts engendrés par la paralysie politique de l'Union. Ils voient aussi les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Inde et bien des pays émergents avancer à pas de géant pendant que l'Union se perd dans un débat institutionnel sans fin. Je suis convaincu que, dans leur majorité, les citoyens de notre pays souhaitent sortir de cette crise.

Ce qui manque aujourd'hui à l'Europe, c'est une impulsion politique, une capacité de décider plus vite, plus simplement. La principale vertu du traité de Lisbonne, ce n'est pas la seule, mais elle est essentielle, c'est de sortir l'Union de sa paralysie politique.

En effet, je crois qu'il faut dépasser le clivage entre le « oui » et le « non ». Je n'ignore pas ce qui s'est passé en 2005 et au lendemain du référendum, j'avais d'ailleurs été l'un des premiers à plaider, ici même, en faveur d'un traité plus court et plus lisible reprenant les parties institutionnelles et sociales – je pense à la Charte des droits fondamentaux – du traité constitutionnel qui faisaient consensus. Le même esprit prévalait dans l'idée d' « Europe par la preuve » défendue par Ségolène Royal durant la campagne présidentielle. Réconcilier les Européens du « oui » et du « non », les Français du « oui » et du « non » est une obligation, une ardente obligation démocratique.

Si le résultat de l'élection présidentielle avait été différent, nous aurions sans nul doute négocié un traité plus ambitieux et moins dilué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Oui, sans nul doute, et la différence aurait été plus marquée sur sa dimension sociale. Nous aurions poussé à l'instauration d'un salaire minimum calculé sur la base des PIB nationaux, c'était notre proposition. Nous aurions mieux défendu les protections du monde du travail. Nous aurions affirmé les principes d'une harmonisation fiscale. Nous n'aurions pas abandonné les symboles de l'Europe qui reconnaissait la personnalité politique de son Union. Sans doute n'aurions-nous pas tout obtenu,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…mais nous aurions posé des fondations nouvelles. C'est en tout cas notre conviction et c'était aussi notre engagement.

Par une sorte d'excès de précipitation et en voulant un succès rapide, le Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…a manqué l'occasion d'une « rupture » – pour reprendre sa formule – plus franche et plus audacieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je regrette la lourdeur du traité de Lisbonne, le défaut de clarté de ses principes et son manque de lisibilité. Tout cela reste vrai, et on ne peut pas dire qu'il soit vraiment simplifié si l'on en compte le nombre de pages, reconnaissons-le. Je déplore qu'on n'ait pas avancé sur l'harmonisation sociale et fiscale, sur la politique industrielle, sur la gouvernance économique, sur le tarif extérieur commun. Et je trouve qu'en permettant, par exemple, à la Grande Bretagne et à la Pologne de s'exonérer de certaines nouvelles règles du jeu, on a traité avec beaucoup d'égards les États qui freinent le projet européen.

Mais, pour imparfait que soit ce traité – l'imperfection est le propre de la plupart des compromis politiques, et l'Europe n'avance jamais que par des compromis qui constituent toute son histoire –, je juge que les améliorations qu'il permet l'emportent sur les insuffisances que je viens d'énumérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Pour les socialistes, le traité de Lisbonne constitue un compromis honorable entre l'ancien traité constitutionnel désormais caduc, et le statu quo actuel, qu'il est impossible de maintenir, dans l'intérêt même des Européens.

Ce traité donne à l'Union une meilleure capacité de décision politique. La création d'une présidence stable, la nouvelle pondération des voix au Conseil européen, la réduction du droit de veto et le développement des coopérations entre États construisent l'armature de l'Europe politique que la France n'a cessé de défendre à chaque élargissement.

Nous n'aurons désormais plus l'excuse de la lourdeur du processus de décision pour ne pas avancer dans la coordination des politiques économiques, dans le développement de politiques concrètes en matière d'énergie, d'immigration, de développement durable ou de relations extérieures. Nous n'aurons plus la menace permanente du veto pour justifier l'inaction en matière de politique industrielle ou de défense.

Voilà, à mes yeux, l'une des clefs pour que le projet européen retrouve la confiance des citoyens alors que nous ne pouvons nier que nous traversons une crise en ce domaine. Quels que soient nos points de vue, notre sensibilité et les choix que nous ferons, nous devons prendre conscience de cette exigence et des devoirs qui sont les nôtres. C'est à l'aune de leur volonté d'impulser des politiques nouvelles et concrètes qui répondent aux aspirations populaires que les engagements européens de ce gouvernement et de cette majorité seront jugés.

Je profite de cette tribune pour émettre une réserve concernant la désignation du futur président de l'Union prévue par le traité de Lisbonne. Nous avons souhaité cette innovation, mais avec la plupart des partis socialistes et sociaux-démocrates de l'Europe, je le dis ici solennellement, comme François Hollande il y a quelques jours, nous sommes totalement opposés – madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mesurez bien la portée de ces propos, ne les prenez pas à la légère ou comme des arguments tactiques – à la nomination d'un président de l'Union qui aurait, dans ses fonctions nationales, soutenu et participé à la guerre en Irak.

Ce serait l'assurance de diviser l'Europe à nouveau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous approuvez la guerre en Irak, monsieur le député ? Vous étiez pourtant, comme nous, solidaire de Jacques Chirac lorsqu'il a fait savoir qu'il était contre – un engagement qui n'a pas été sans conséquences sur la réputation de la France. Pourquoi renier vos engagements passés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous rappelle que M. Ayrault est le seul à avoir la parole. Il va d'ailleurs conclure…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce serait, je le répète, le symbole le plus incompatible qui soit avec la volonté d'une Europe émancipée. Et je mets en garde le Président de la République et le Gouvernement : une telle nomination replongerait l'Europe dans une crise dont je ne suis pas sûr qu'elle pourrait se remettre. La création d'une présidence de l'Union va de pair avec l'idée de non-alignement par rapport aux autres grandes puissances mondiales, en particulier par rapport à la superpuissance américaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous ne refusons pas toute relation avec les États-Unis, mais l'Union doit rester elle-même. De grâce, ne vous livrez pas à un jeu tactique qui aurait pour conséquence de détruire ce qui est acquis en matière de non-alignement de l'Union. Les socialistes attachent beaucoup d'importance à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je vais conclure, monsieur le président. Le deuxième apport du traité est d'effacer la fiction constitutionnelle et sa traduction dans le domaine économique. Ainsi disparaît la crainte d'une institutionnalisation du libéralisme, qui reviendrait à graver dans le marbre la concurrence libre et non faussée. Celle-ci redevient ce qu'elle a toujours été depuis la naissance de l'Europe : la règle centrale dans nos relations commerciales, mais à laquelle il est possible de déroger dans certains cas. Nous obtenons enfin la reconnaissance juridique des services publics d'intérêt général, qui constitue l'une de ces bornes indispensables que nous demandions. Il reste toutefois à la concrétiser : la majorité en aura l'occasion en adoptant la proposition de directive-cadre faite par le groupe socialiste au Parlement européen. Il reviendra au Gouvernement de faire la preuve de la réalité de ses intentions sur ce point, notamment lors de la présidence de l'Union par la France qui débutera en juillet prochain. Vous serez alors au pied du mur ! Pour notre part, croyez-moi, nous ne serons pas des béni-oui-oui : au-delà de cette question, nous aurons beaucoup d'autres exigences à exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je vais conclure, mais c'est important, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je vous en remercie, monsieur le président.

Je vais conclure en disant que ce traité n'est pas une fin en soi : comme vous l'avez compris, il est l'instrument d'une sortie de crise, l'opportunité d'une réforme des politiques de l'Europe. Nous n'avons plus le droit de continuer comme avant, et devons assumer l'obligation morale et politique de faire en sorte que l'Union apporte un plus à la vie des citoyens.

En investissant dans une économie de la connaissance porteuse de croissance et d'emplois ; en développant des synergies industrielles ; en négociant, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union, des protections communes contre le dumping écologique et social ; en instituant un salaire minimum à l'échelle de toute l'Union, le traité représente une opportunité de changer les choses en Europe. Cette perspective, qui relève de notre responsabilité collective, peut également constituer la source des divergences qui existent entre nous en matière de politique européenne.

C'est là, en effet, que se situe le clivage fondamental avec votre majorité. Hier, avec Jacques Chirac, vous proclamiez des intentions, mais ne les réalisiez pas. Aujourd'hui, avec Nicolas Sarkozy, vous réalisez le traité – du moins celui-ci est-il signé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…mais vous n'en traduisez pas les opportunités dans votre politique nationale et européenne. J'entends le Président défendre l'idée d'une forme de préférence communautaire, mais je n'en trouve nulle part la trace dans son action européenne. Je relève dans son programme beaucoup de critiques sur le manque de coordination des politiques économiques, mais je ne vois aucune initiative de sa part dans ce domaine. En revanche, je constate que votre gouvernement viole tous ses engagements en matière d'équilibre budgétaire et financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ces contradictions ont terni la réputation de la France et ont été pour beaucoup dans le désenchantement européen de nos compatriotes.

J'ai la conviction que l'adhésion directe des Français à ce traité est nécessaire. Elle marquerait une réconciliation solennelle avec l'Europe, et lui offrirait une validation populaire qui lui fait aujourd'hui défaut et l'empêche de redémarrer. Votre refus de consulter à nouveau le peuple risque de lui donner le sentiment que vous préparez quelque chose dans son dos. Nous sommes pour le traité, mais nous sommes aussi pour le référendum – et j'ai la conviction que la position du Parti socialiste sur ce point est aussi la position de la majorité des Français. Dans cet esprit, les députés socialistes voteront le traité de Lisbonne le 6 février prochain mais, pour marquer leur désaccord avec la procédure choisie par le Président de la République, ils déposeront le même jour une motion référendaire soumise au vote. Quant à la réforme constitutionnelle préalable dont nous débattons aujourd'hui, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, nous vivons un moment important et même historique pour l'Europe et pour la France – la France qui, grâce à Nicolas Sarkozy, a eu un rôle déterminant dans l'élaboration du traité modifié de Lisbonne, qui permettra de sortir l'Union européenne de l'impasse.

Ce nouveau texte, qui actualise les traités ratifiés par la France depuis 1957, est indispensable pour faire évoluer une Europe qui ne peut plus fonctionner à vingt-sept États comme elle fonctionnait à quinze. Sans institutions fortes, il ne peut y avoir de politiques communautaires fortes et la cohésion de l'Europe ne peut être optimale.

La révision constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007, revêt une grande importance, car elle engage le processus de ratification du traité de Lisbonne, dont l'élan avait été brisé après le coup d'arrêt du référendum de mai 2005.

À ceux qui s'attardent encore sur le choix de la voie parlementaire pour la ratification, je rappelle que nous, députés élus par le peuple, représentons les citoyens français de chaque circonscription. Nous sommes par conséquent légitimement habilités et mandatés pour modifier la Constitution française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

En droit constitutionnel, voie parlementaire et référendum populaire ont une égale légitimité, ce que nul ne devrait tenter d'occulter ou de minimiser par pure démagogie partisane ou par sectarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

Par ailleurs, les Français ont été prévenus de ce choix lors de la campagne présidentielle.

À ceux qui s'attardent sur la question du référendum, je rappelle que le 29 mai 2005, huit des neuf collectivités d'outre-mer avaient déjà fait leur choix : plus de 55 % des citoyens européens des régions ultrapériphériques françaises avaient dit oui à des institutions européennes fortes pour mener à bien des politiques communautaires d'envergure. Plus de 58 % des Guadeloupéens avaient déjà fait prévaloir la nécessité de doter l'Europe des moyens nécessaires pour répondre aux attentes de ses citoyens. Ils ont dit oui à l'Europe qui, quelles que soient les distances, fait partie de leur quotidien ; ils ont dit oui à l'Europe de proximité, à celle qui les aide à relever les défis de la mondialisation, oui à une Europe qui met en valeur leurs atouts et leur énergie, déployés au profit de projets ambitieux.

Ces régions ultrapériphériques françaises ont déjà compris que dans un monde qui change, celui qui stagne peine à garder sa place. Elles sont d'autant plus prêtes que le traité modifié de Lisbonne consolide une véritable reconnaissance institutionnelle, avec un renforcement du statut de région ultrapériphérique ; les départements et les nouvelles collectivités d'outre-mer français y sont énumérés comme les régions ultrapériphériques d'Espagne et du Portugal. Notre situation particulière, nos handicaps structurels permanents sont à nouveau pris en compte. Les apports du traité sont essentiels pour l'outre-mer : je citerai l'éligibilité automatique des RUP à la dérogation concernant les aides d'État à finalité régionale, quel que soit leur niveau de développement – une pratique déjà introduite dans les lignes directrices des aides d'État pour 2007-2013 –, la préservation et 1'affirmation de l'identité culturelle, le plan d'action pour le grand voisinage visant à élargir l'espace naturel d'influence des RUP dans le cadre d'une meilleure coopération avec la Caraïbe.

La ratification de ce traité aura aussi pour conséquence de renforcer la dimension mondiale de l'Europe. En effet, à l'heure de la mondialisation, l'outre-mer offre à l'Union européenne une dimension géopolitique enviée, des ressources et une diversité culturelle uniques. Grâce à l'outre-mer, la France dispose d'une zone économique exclusive considérable, la deuxième au monde après celle des États-Unis. Grâce à l'outre-mer, la France permet à l'Union européenne de rayonner dans trois océans : dans l'Océan Atlantique avec la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Saint-Pierre-et-Miquelon, dans l'Océan Indien avec la Réunion et Mayotte, dans l'Océan Pacifique avec la Polynésie Française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les députés, la réalité européenne est partout présente, alors ne perdons plus de temps et passons à l'acte : ratifions ce texte par la voie parlementaire et relançons l'Europe ! Le traité modificatif de Lisbonne n'est ni de droite ni de gauche, il n'est nullement pernicieux : il remet simplement l'Europe en marche. Aussi, je voterai la mise en conformité du titre XV de la Constitution. Donnons-nous rendez-vous à Versailles au mois de février pour confirmer la révision constitutionnelle et entrer de plain-pied dans la ratification ferme et décisive. Après la Hongrie, la France doit donner l'exemple et adresser un signal fort à ses partenaires européens à quelques mois de la présidence française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle soumis à notre vote, visant à modifier le titre XV de la Constitution préalablement à la ratification du traité de Lisbonne, est décisif pour l'avenir de la construction européenne. Plus que le vote ou le rejet du projet de modification constitutionnelle, ce qui est en jeu ici est l'objectif final de la ratification du traité de Lisbonne. La révision constitutionnelle est un préalable nécessaire à la ratification parce que certaines dispositions du traité de Lisbonne ne rentrent pas dans le cadre de notre Constitution, comme l'a constaté le Conseil constitutionnel. Cette première phase constitue un passage technique obligé avant l'ouverture du débat sur le fond du traité modificatif. L'enjeu me paraît fondamental : la construction européenne est aujourd'hui bloquée par la tyrannie de l'unanimité dans une Union comptant 27 membres. Il est indéniable qu'elle nécessite aujourd'hui une très forte impulsion institutionnelle et politique.

Plusieurs questions sont donc en jeu aujourd'hui : la révision constitutionnelle, le débat au fond sur le texte de Lisbonne, bien sûr, mais aussi la forme que prendra le processus de ratification.

J'aimerais tout d'abord rappeler la position du Parti socialiste sur le traité modificatif. Il existe, comme chacun le sait, des points de vue différents chez les socialistes sur cette question – points de vue qui s'exprimeront librement lors du vote sur le traité. Mais il y a aussi, au sein du Parti socialiste, une position majoritaire très claire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Le 6 novembre dernier, nous avons jugé que le traité de Lisbonne était une étape nécessaire à la relance d'une Europe en panne et dont le cadre institutionnel, issu du traité de Nice, est désormais largement inadapté à une Union élargie à 27 membres. Nous avons donc décidé, à la majorité, de voter oui à la ratification en février. Notre approbation n'est pas sans réserves, mais elle est sans ambiguïtés. Le traité actuel n'est pas de même ampleur ni de même ambition que le traité constitutionnel européen, que j'avais pour ma part soutenu avec force.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Ce traité ne marque pas non plus un grand progrès de l'Europe économique et sociale. On ne peut que regretter, par exemple, qu'il ne modifie pas les statuts de la Banque centrale européenne pour y inclure la croissance et l'emploi. Le traité ne prévoit pas non plus le vote à la majorité qualifiée pour les questions fiscales et sociales ; il n'ouvre pas de compétences nouvelles en matière énergétique ou environnementale. Je veux rappeler ces carences pour lever toute confusion : notre position est lucide, mais elle n'est pas béate. Néanmoins, il me semble indispensable, étant donné le blocage actuel de la construction européenne et dans la perspective de la présidence française du second semestre de 2008, de conclure – définitivement, je l'espère – le débat institutionnel récurrent depuis plus de dix ans, c'est-à-dire depuis l'échec du traité d'Amsterdam en 1997.

Le traité contient aussi quelques avancées – modestes, mais réelles – qui vont dans le sens de l'Europe voulue par la gauche. Il exclut ainsi la troisième partie du traité constitutionnel, celle précisément qui avait motivé le non proeuropéen de gauche en 2005. Ensuite, il inclut un protocole sur les services publics ouvrant la voie à une directive-cadre – il reviendra à la présidence française de faire des propositions en la matière. Enfin, et surtout, il reprend l'essentiel des dispositions institutionnelles qui figuraient dans les parties I et II du traité constitutionnel : un président du Conseil européen stable, avec un mandat de deux ans et demi au lieu des six mois actuels ; un rôle des parlements nationaux affirmé ; un président de la Commission reflétant la couleur politique majoritaire issue des élections européennes ; un haut-représentant pour les affaires étrangères – j'aurais pour ma part préféré un ministre – qui coordonnera cette politique au sein de l'Union ; une référence à la charte des droits fondamentaux – j'aurais préféré son inscription dans le traité ; la personnalité juridique de l'Union, l'introduction d'instruments de démocratie semi-directe, comme le droit d'initiative citoyenne – un outil dont nous ne devrons pas nous priver, tant il devrait se révéler utile dans la perspective des élections européennes de 2009, puisqu'il permettra la confrontation des projets dans l'espace public européen.

Lors des précédents débats, j'avais suggéré que le traité de Lisbonne ne méritait ni excès d'honneur, ni indignité : je persiste aujourd'hui dans cet avis. Ce traité constitue une avancée modeste, mais significative, et il serait pour moi incompréhensible de s'en passer.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Pour autant, l'autosatisfaction du Président de la République n'est pas justifiée. L'Europe n'est pas sauvée, a fortiori elle n'a pas de sauveur.

Ce traité a un mérite, limité, mais incontestable : il sort l'Europe à vingt-sept de l'ornière et lui permet de mieux décider. Malgré les insuffisances du texte, seules la réaffirmation et la consolidation des fondements institutionnels de l'Europe pourront donner naissance à l'Europe politique, économique, sociale, environnementale, mondialement puissante que nous appelons de nos voeux : l'Union européenne doit faire du traité modificatif un outil à cette fin.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement la question du référendum – sous un autre angle, toutefois, que celui employé par Jean-Marc Ayrault. Si nous avons, ce matin, choisi d'appuyer la proposition de loi constitutionnelle du groupe GDR complétant l'article 11 de la Constitution, je considère à titre personnel que le traité modificatif n'est pas analogue à l'ancien TCE, même s'il en reprend certains éléments. Le recours au référendum ne constitue donc pas pour moi une obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

La constitution française ouvre en effet deux voies à la souveraineté nationale pour s'exprimer, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

…la voie référendaire et la voie parlementaire. Elles sont aussi légitimes l'une que l'autre. (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

En tant que députés, nous n'avons pas à nier la représentativité du Parlement.

C'est là mon opinion personnelle. J'entends néanmoins tous les jours un argument fort, et je crois que vous devriez l'entendre aussi : les Français ayant été saisis du précédent traité, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne devraient pas se prononcer sur celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous ne nous ferez pas croire que vous entendez cela tous les jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Je vous l'assure : je l'entends dans ma circonscription, d'une cérémonie de voeux à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous avez tout au plus reçu quelques mails…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Les Français vivent cela comme un insupportable déni de démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Ils ont voté en connaissance de cause lors de l'élection présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

C'est pourquoi la majorité des socialistes souhaitent affirmer par leur vote le regret que le Président de la République se soit dérobé à la voie référendaire (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour choisir de recourir au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

C'est le sens de notre vote sur cette modification d'ordre technique rendue nécessaire par l'avis du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Il est cohérent, parce que nous souhaitons majoritairement la ratification du traité de Lisbonne. Nous ne voulons donc pas lui faire obstacle. Or nous savons qu'un rejet de la révision constitutionnelle mettrait fin à la procédure de ratification. Je le dis pour ceux qui se berceraient encore d'illusions : un tel rejet, loin d'ouvrir la voie au référendum, serait catastrophique pour la France et pour l'Europe, car il provoquerait une nouvelle crise à la veille de la présidence française.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Nous ne le voulons pas. Mais nous voulons aussi manifester le mécontentement de la majorité des socialistes face au refus du référendum. Or un vote positif sur la révision serait une forme de satisfecit donné au Président de la République et au Gouvernement. C'est pourquoi, comme l'a dit Jean-Marc Ayrault, nous nous abstiendrons pour marquer notre désaccord sur la procédure suivie.

Pour notre groupe, la question la plus importante est celle de la ratification du traité, à laquelle je suis favorable. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté à propos de l'enjeu du vote sur la modification constitutionnelle. Je le répète, c'est par refus de la voie choisie, par volonté de respecter la consultation référendaire de 2005 que les socialistes ont décidé de s'abstenir, demain et lors du Congrès de Versailles, sans pour autant empêcher la révision constitutionnelle et bloquer le processus. Lorsque le traité de Lisbonne sera soumis aux députés pour ratification, nous déposerons une motion référendaire, en application de l'article 122 du règlement de l'Assemblée nationale. Notre position est donc à la fois cohérente et constructive.

À la suite de Jean-Marc Ayrault, je formulerai une remarque sur la proposition qui pourrait être faite de confier à un Britannique – M. Blair, en l'occurrence – la présidence du Conseil européen. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Sans doute, et nous ne devons pas en arriver là. Personnellement, j'estime M. Blair. J'ai été ministre des affaires européennes pendant cinq ans, entre 1997 et 2002, et je sais qu'il a été le plus proeuropéen des premiers ministres britanniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Mais pour un Européen, il est beaucoup trop britannique. Non seulement, comme l'a dit Jean-Marc Ayrault, il est atlantiste à l'excès, non seulement il a soutenu la guerre en Irak quand la France a dit non, mais sa propre présidence a été marquée par une volonté de démanteler la PAC, par un échec quant à la procédure budgétaire, par le refus d'un budget suffisant pour relancer la croissance et l'emploi, par une défense du chèque britannique pourtant désormais injustifiable, et par la volonté d'instituer en Europe un grand marché sans frontière, sans limite et sans vraie politique commune. Ce n'est pas là le candidat dont nous avons besoin !

Pendant la présidence française de l'Union, il vous reviendra, sur la base des modifications institutionnelles déjà entamées, d'esquisser une politique européenne plus solide sur le plan économique, plus consistante sur le plan social, plus ambitieuse sur le plan environnemental. Nous ne manquerons pas de vous rappeler vos responsabilités en la matière. En attendant, vous connaissez notre vote de demain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Le 16 mai 2007, en prenant ses fonctions, le Président de la République déclarait : « Le peuple français ne veut pas que l'on pense à sa place, le peuple français ne veut pas que l'on décide à sa place ». Et il ajoutait : « Le 6 mai, il n'y a eu qu'une seule victoire, celle de la France qui ne veut pas mourir ».

Or, en signant le traité de Lisbonne, le 18 octobre dernier, le Président de la République a signé la condamnation, à terme, de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Besse

Il a approuvé un traité de 256 pages qui recycle la quasi-totalité des 448 articles de l'ancien projet, avec toute sa complexité, toute sa rigidité et son déficit démocratique.

Les promesses n'ont pas été tenues, ni sur le fond, ni sur la forme.

Sur la forme, tout d'abord, car l'expression du peuple lors du référendum sur le traité constitutionnel va être purement balayée et niée.

Cette nouvelle tentative de relance de la construction européenne s'effectue en l'absence de consentement populaire, et donc de véritable légitimité politique.

Il y a une règle en démocratie : c'est la souveraineté du peuple. Ne pas la respecter constitue un véritable déni de démocratie. En tant que parlementaire, je n'ai pas reçu du peuple mandat pour modifier par voie parlementaire le transfert de la souveraineté de la France, c'est-à-dire son déclassement en simple circonscription administrative de l'Europe.

Sur le fond, on nous a également menti. Ce traité n'est qu'un avatar sommairement déguisé du projet de traité constitutionnel.

Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait certes milité pour un nouveau traité adopté sans référendum. Mais il devait s'agir d'un « texte simple » ne reprenant que des dispositions de la première partie de l'ancien projet constitutionnel. Une telle position était défendable, mais le nouveau traité ne correspond pas à cette description. C'est une constitution remaquillée.

Les mécanismes supranationaux, que plus de 54 % des Français ont rejetés, demeurent.

Pire, nous assistons à la naissance d'un État en devenir, doté de la personnalité juridique, qui permettra aux institutions de l'Union de se substituer aux États sur la scène internationale.

Il y a la supériorité des lois européennes sur les lois nationales – même constitutionnelles. Cela signifie que ni l'énergie d'un Président de la République, ni la volonté d'un gouvernement soutenu par une majorité à l'Assemblée, ni même la constitution française ne peuvent plus s'opposer à des actes européens qui leur sont contraires.

Il y a l'extraordinaire pouvoir tombant entre les mains de la Cour de justice, qui devient juge suprême des droits et libertés fondamentaux.

Il y a les soixante-huit nouvelles compétences qui passent sous la haute main de la Commission de Bruxelles.

Il y a la création d'un «ministre des affaires étrangères » avec de véritables services diplomatiques destinés à évincer la politique étrangère des États.

Il y a, enfin, l'absence de limitation géographique laissant ouverte la porte à la Turquie.

Les parlements nationaux deviennent de ce fait des coquilles vides et sont dotés d'un seul droit, celui de protester. Pendant ce temps, le Parlement européen tend à représenter non plus « les peuples des États » mais un peuple européen parfaitement mythique.

Des parlements nationaux sans pouvoir, un Parlement européen sans peuple : c'est la démocratie qu'on assassine. Voilà ce que l'on pourrait appeler la constitution malgré nous. Joli tour de passe-passe !

Avec Nicolas Dupont-Aignan et François-Xavier Villain, nous en sommes convaincus : si l'on veut vraiment relancer la construction de l'Europe sur des bases solides et démocratiques, il faut l'enraciner dans ses peuples, et pour cela donner un pouvoir plus clair aux démocraties nationales. Pour cela, il n'y a pas d'autre moyen que de donner à chaque peuple le droit de dire « non », le droit de ne pas se voir imposer une politique dont il ne veut pas.

Le rejet de la constitution européenne ne résultait pas seulement d'une manifestation de mauvaise humeur de deux peuples isolés. Il reflétait un refus général, celui d'une Europe bâtie non pas sur la base des nations, mais sans elles, ou même contre elles, contre leurs identités, leurs valeurs, contre les droits des démocraties nationales – bref, une Europe qui se construit contre tout ce qu'elle a précisément pour mission de protéger, contre tout ce qui constitue sa raison d'être.

L'heure viendra où nous devrons rendre des comptes aux Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, comme la majorité des socialistes, je souhaite la ratification du traité de Lisbonne.

Le principal mérite de ce texte est qu'il sort enfin l'Europe de l'ornière institutionnelle où elle est embourbée depuis des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Voilà plus de dix ans que l'on négocie sur les institutions, que l'on a d'ailleurs abusivement confondues avec l'Europe politique. Les institutions ne sont qu'un instrument – certes important – au service des politiques européennes et du projet européen.

Le traité respecte le mandat donné par le Conseil européen de juin 2007, celui d'un traité minimal. Nous avons donc satisfaction sur ce point, même si nous aurions, bien sûr, apprécié plus d'ambition sur la question sociale et sur la gouvernance économique de l'Union. Je ne reviens pas sur ce que Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici ont dit à ce sujet.

Mais malgré ses insuffisances et ses imperfections, ce traité modificatif doit être approuvé, car il permettra à l'Europe de mieux fonctionner en se dotant notamment d'une présidence stable et d'un responsable unique pour la politique étrangère, la défense et l'aide au développement. La charte des droits fondamentaux, avancée remarquable obtenue sous présidence française en 2000, devient obligatoire pour tous les pays sauf le Danemark et le Royaume-Uni. Une base juridique existe enfin pour une directive sur les services publics – encore faudra-t-il la proposer. Les décisions seront rendues plus faciles grâce à la règle de la double majorité et l'extension du champ des décisions prises à la majorité. Enfin, des pouvoirs nouveaux sont attribués au Parlement européen ainsi qu'aux parlements nationaux.

Par ailleurs, le projet de loi de révision constitutionnelle est un préalable nécessaire à la ratification. Il ne faut donc pas faire obstacle à son adoption.

C'est en effet un impératif juridique rendu incontournable par la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007.

Il est en outre naturel de supprimer de la Constitution les références au TCE, désormais caduques, et de procéder aux révisions nécessaires, déjà énumérées par Mme la garde des sceaux.

Deux nouveaux articles sont exemplaires des avancées qu'apporte le traité de Lisbonne en matière de démocratie : l'article 88-6 permet à l'Assemblée nationale ou au Sénat d'être les garants de la subsidiarité, et l'article 88-7 offre au Parlement le droit de s'opposer à la révision simplifiée des traités ou à certaines dispositions dans le domaine de la coopération judiciaire civile.

Je formule cependant le regret que l'article 88-5 qui rend obligatoire un référendum avant toute nouvelle adhésion d'un pays à l'Union européenne n'ait pas été supprimé. Cet article de circonstance, que nous avons fortement combattu lors de la précédente révision, n'a pour but que d'empêcher l'adhésion de la Turquie et risque de rendre plus difficile celle des pays des Balkans quand ils seront revenus à la démocratie. Il faudra revenir sur cette partie du texte.

Le traité de Lisbonne ne pourra être ratifié que s'il est compatible avec notre Constitution. Je suis pour le traité de Lisbonne, il faut donc que la révision de la Constitution soit adoptée. Mais – et ce sera mon dernier point – cette ratification laisse entière la question du projet européen au XXIe siècle. Un traité donne la capacité d'agir, mais il ne peut se substituer à la volonté politique pour mener à bien les politiques communes et les projets européens. Beaucoup reste à faire en matière sociale, de recherche, d'énergie, d'éducation, de santé, de lutte contre le réchauffement climatique. Un traité ne peut non plus tenir lieu de vision politique.

Au siècle dernier, le projet européen a magnifiquement réussi, car il a propagé sur le continent la paix et la démocratie. Celles-ci étant désormais acquises, l'Europe retrouvera du sens pour les citoyens si, comme elle l'a fait au siècle dernier, elle apporte des réponses aux peurs de ce siècle qui se cristallisent sur la mondialisation. Pourrons-nous en maximiser les bénéfices, s'ils sont réels, et en maîtriser les effets pervers, néanmoins incontestables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Les Européens qui ont, pendant deux millénaires, fait l'histoire, continueront-ils à peser dans un monde dominé par d'autres grandes puissances ? La réponse dépendra d'eux seuls.

Si nous nous replions dans nos frontières nationales, la partie est perdue. Si nous laissons l'Europe végéter, le déclin est assuré. Si nous renonçons à maîtriser la mondialisation financière et à imposer le développement durable, la catastrophe est certaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je conclus, monsieur le président.

En revanche, si nous nous donnons pour mission de faire de l'Europe un acteur mondial, qui fait entendre sa voix pour la paix et la solidarité dans le monde et qui tire la rive sud de la Méditerranée et l'Afrique vers le développement et la démocratie, alors l'Europe retrouvera du sens.

Aujourd'hui, ce choix passe par la ratification du traité de Lisbonne, mais – et j'insiste – il demande aussi volonté politique, ténacité et vision. Sur ce point, j'attends des initiatives fortes de la future présidence française de l'Union.

Le Parlement exigera d'être éclairé sur les choix de la France concernant les personnes. Qui présidera le Conseil européen ? Ce n'est pas la même Europe selon que l'on choisit M. Blair ou M. Juncker ; ma préférence va à ce dernier. Qui présidera la Commission ? Qui dirigera la politique extérieure de l'Union ? De ce trio dépendra l'orientation que nous donnons à l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Voulons-nous une Europe forte qui fasse entendre sa propre voix ou une zone de libre-échange adossée à l'OTAN ?

Nous serons vigilants et exigeants, monsieur le secrétaire d'État. Soyez assuré qu'avec la gauche européenne, nous ferons entendre notre projet pour l'Europe aux élections des députés européens de 2009. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, le vote de désapprobation exprimé par le peuple français lors du référendum du 29 mai 2005 a condamné définitivement l'entrée en vigueur de l'alinéa 2 de l'article 88-1, mais aussi les sept articles du nouveau titre XV de la Constitution. Il est donc logique, sur le plan juridique, d'abroger les dispositions de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 et au premier chef bien sûr celles du nouvel alinéa 2 de l'article 88-1.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

De ce point de vue, on ne saurait s'opposer à la révision constitutionnelle proposée.

De même, cette révision marque que le traité signé à Lisbonne est formellement différent du précédent puisqu'il modifie les traités en vigueur, alors que le traité initial avait vocation à les unifier et à s'y substituer. Pour autant, cela signifie-t-il que cette révision puisse être acceptée et que le peuple, souverain en démocratie, en soit écarté ? En la circonstance, une ratification par voie parlementaire n'est acceptable que si, et seulement si, le texte proposé est bel et bien un texte de nature institutionnelle qui ne reprend que les éléments indiqués par le Président de la République lors de la campagne présidentielle. Or ce que beaucoup appellent en France « le traité simplifié », mais que nos partenaires européens qualifient de «traité modificatif » ou « réformateur » n'est pas un « mini-traité », car il compte 410 articles auxquels s'ajoutent les cinquante-quatre articles de la Charte, ce qui en fait finalement un texte aussi long que le traité constitutionnel lui-même. Ce n'est pas non plus un traité « simplifié » si l'on en croit l'un des meilleurs référents, le président Valéry Giscard d'Estaing qui le trouve « long et compliqué » et qui précise que « Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près inchangé, mais il se trouve dispersé en amendements aux traités antérieurs, eux-mêmes réaménagés. On est évidemment loin de la simplification. » Ce traité est encore moins « de nature institutionnelle » si l'on en croit toujours le président Giscard d'Estaing, qui déclarait au Daily Telegraph le 27 juin dernier que « Ce texte est en fait le retour d'une grande partie de la substance du traité constitutionnel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Ce terme est également utilisé par la chancelière allemande Angela Merkel et par le premier ministre espagnol, selon lequel : « Nous n'avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution… C'est sans aucun doute bien plus qu'un traité. C'est un projet de caractère fondateur, un traité pour une nouvelle Europe ».

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Pourquoi n'est il pas uniquement « institutionnel » mais bel et bien « constitutionnel » ? Cela tient d'une part à sa nature : s'il n'avait été qu'un texte « institutionnel » une révision de la Constitution n'aurait pas été nécessaire puisqu'il ne se serait intéressé qu'aux institutions européennes, sans modifier leurs compétences. Quand l'Union européenne reçoit plus de quarante transferts de souveraineté, une révision s'impose, puisque le Parlement national en est destitué. On touche au constitutionnel et non plus seulement à l'institutionnel. D'autre part, le traité modificatif européen a un socle constitutionnel : le traité constitutionnel européen. Le traité dit simplifié n'est donc pas une nouvelle construction ; il s'agit du traité constitutionnel amendé, qui ne se limite pas à reprendre les modifications institutionnelles, mais à apporter quelques corrections basiques à un traité qui ne porte plus le nom de « constitution », mais n'en reste pas moins de « nature constitutionnelle ». Même si les symboles de l'Union et le terme de constitution ont disparu, le traité reste strictement un texte constitutionnel en raison de la nécessaire révision de la Constitution qu'il impose, mais aussi en raison des nombreux points de nature constitutionnelle. Ainsi, la personnalité juridique donnée à l'Union européenne permettra à son « Haut représentant » de s'exprimer au Conseil de sécurité de l'ONU en lieu et place de la France et de la Grande-Bretagne qui y siègent. C'est vrai aussi de la prééminence du droit européen sur le droit national. Rendre le droit européen en toute circonstance supérieur à la Constitution revient finalement à faire primer la Charte des droits fondamentaux sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou sur la Charte de l'environnement. Par exemple, le droit d'exprimer sa foi en public et en privé mettra à mal notre principe de laïcité !

Les compétences définies dans le traité modificatif sont bien celles définies dans le cadre d'une constitution européenne que les Français ont rejetée. Il est donc illégitime, même s'il est légal, de présenter aux élus de la nation que nous sommes des compétences qui ont été déjà repoussées par notre mandant, dont « émane la souveraineté », selon les termes mêmes de notre Constitution, à savoir le peuple.

Enfin, la règle du parallélisme des formes impose qu'un texte de droit, pour être modifié, aboli ou restauré, passe devant le même législateur ou constituant. Ainsi, puisqu'il y a eu référendum sur le traité constitutionnel, doit-il y avoir référendum sur le traité modificatif qui n'est pas, je le rappelle, un nouveau texte, mais bien le précédent amendé. Le parallélisme des formes s'impose pour « dissoudre » le vote des Français avec un nouveau référendum. Sinon, quelle pourrait bien être la crédibilité de notre assemblée, qui a déjà subi un camouflet en ayant approuvé à la quasi-unanimité un texte refusé à 55 % par le peuple dont elle était pourtant la représentante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Je conclus, monsieur le président.

Comme le disait Paul Valéry « La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. » Valéry Giscard d'Estaing l'a confirmé le 14 juin 2007 dans Le Monde – je le cite : « Une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du traité constitutionnel, et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l'objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un traité devenu incolore et indolore. L'ensemble de ces textes serait adressé aux parlements, qui se prononceraient par des votes séparés. Ainsi l'opinion publique serait-elle conduite à adopter, sans le savoir, les dispositions que l'on n'ose pas lui présenter « en direct ». On ne saurait mieux dire !

Le général de Gaulle disait à Alain Peyrefitte : « L'Europe prendra naissance le jour où ses peuples, dans leur profondeur décideront d'y adhérer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

« Il ne suffira pas, poursuivait-il, que des parlementaires votent une ratification. Il faudra des référendums populaires, de préférence le même jour dans tous les pays concernés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Nous en sommes encore loin. En voulant faire l'Europe sans les peuples, c'est peut-être l'idée même de l'Europe que l'on risque d'anéantir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme je l'ai indiqué en commission des lois, notre discussion découle d'un choix fait en 1992, lors de la révision précédant la ratification du traité de Maastricht. Le constituant avait, en effet, prévu de transférer les compétences à l'Union européenne au cas par cas. Il en résulte qu'à chaque fois que la France veut ratifier un nouveau traité, nous sommes obligés de réviser la Constitution. Ce fut le cas pour Maastricht, pour Amsterdam ; ce fut aussi le cas en 2003 avec la décision-cadre portant sur le mandat d'arrêt européen. Ce n'est sans doute pas la dernière fois que nous procédons à ce genre de révision. Cette procédure extrêmement lourde est difficilement compréhensible par l'opinion. Combien de fois nous a-t-on en effet dit que nous allions aujourd'hui ratifier le traité de Lisbonne, alors que nous ne procédons qu'à une révision préalable au traité dont la ratification ne sera autorisée que lorsque le Congrès se sera prononcé. Nous pourrions donc envisager l'hypothèse que la Constitution prévoie une clause générale de transfert de compétences en faveur de l'Union, comme cela existe dans d'autres pays de l'Union européenne. Cela ne tuera pas le débat de fond portant sur l'obligation ou non de ratifier un traité. Sur un plan technique, rien dans la Constitution et dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne s'oppose à ce principe d'une clause générale de transfert de compétences. Il n'y a même pas de risque politique qu'une telle clause permette la ratification d'un traité contre la volonté du peuple ou de ses représentants, puisque, la révision acquise par le Congrès, c'est au moment de la ratification du traité que se noue le vrai débat. Le précédent de 2005 l'a montré : la révision a été largement adoptée, mais la ratification n'a pas été autorisée. Une clause plus générale permettrait donc de se limiter au seul référendum autorisant la ratification dès lors que la révision se contenterait d'indiquer que la Constitution n'est pas contraire au traité dénommé.

S'agissant de l'objet de notre révision, le débat européen me semble gagner en véhémence, mais régresser tout autant en substance. Il suscite des vocations de procureurs et de témoins à charge, plus rarement d'avocats. Certes, en l'espèce, ce traité n'est pas le meilleur possible, mais ce n'était pas davantage le cas de tous ceux qui l'ont précédé. Jean Monnet écrivait dans ses mémoires à propos du traité de Rome : « Je ne me suis pas demandé si le traité pouvait être meilleur. Il correspondait à tout le possible du moment et à la sagesse de l'époque. » Ce n'était donc pas enthousiasmant au moment de la signature du traité. Pourtant, la trace que ce traité a laissée dans l'histoire est bien différente. Il a réalisé concrètement l'utopie européenne de la paix par l'échange, douze ans seulement après un conflit mondial qui avait laissé notre continent exsangue.

Ce qui fut vrai en 1950 l'est toujours. Une aventure aussi ambitieuse que la construction européenne passe forcément par des phases de doute et d'anxiété, par des erreurs et des maladresses, par des contradictions et par des crises. Mais, au final, l'histoire a toujours fini par rendre justice à ces petits pas. Aussi, tentons de prendre un peu de recul. Essayons d'imaginer ce que les générations futures retiendront de ce traité qui nous amène à réviser notre Loi fondamentale. Je crois qu'il pourrait signifier plus qu'une imparfaite tentative d'adaptation des institutions à une union qui compte désormais vingt-sept États membres. Après le traité de Rome qui permit la paix et qui fut le seul traité signé entre puissances belligérantes européennes, après celui de Maastricht, qui fut celui de l'unification de l'Europe après la chute du mur de Berlin, – donnant raison à Willy Brandt qui avait affirmé que « maintenant peut croître ensemble ce qui appartient au même ensemble » – Lisbonne pourrait bien marquer la réunification définitive d'un continent enfin affranchi de l'encombrant héritage de Yalta.

Ce texte est donc un outil, non un aboutissement. Il importe moins pour ce qu'il dit que pour ce qu'il porte en germe. Il autorise enfin la confrontation des projets politiques à l'échelle de notre continent, notamment dans la perspective des élections européennes de 2009. C'est une porte qui s'ouvre. Voilà pourquoi il aurait été normal d'organiser un référendum. M. Lequiller écrit d'ailleurs dans son rapport d'information que, sans la légitimité de l'acquiescement des citoyens, rien n'est possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous sommes un grand pays, qui fait ses choix en conscience, et la France a un message universel à porter en Europe et au-delà.

L'organisation d'un débat référendaire aurait permis de développer ces points en associant toujours plus les citoyens à la construction collective.

Ce traité, à lui seul, ne changera pas fondamentalement l'Europe, qui, telle qu'elle est aujourd'hui, ne peut nous satisfaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…trop marchande dans ses fondations, trop monétaire dans ses représentations, trop anonyme dans ses décisions, mais il a au moins un mérite, pour lequel les socialistes ratifieront le traité, non par réalisme mais par volonté, c'est de mettre fin aux palinodies interminables sur la règle du jeu et de nous permettre de nous consacrer enfin à l'essentiel, aux politiques à conduire au service des Européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Enfin, a dit M. Jouyet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je dirai, moi, trois fois merci à Nicolas Sarkozy, à Angela Merkel et à tous ceux qui ont permis que ce traité aboutisse.

Merci tout d'abord d'avoir permis à l'Europe, et notamment à l'Europe politique, de faire un pas en avant décisif.

Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman avait proposé de construire d'abord une Europe économique, puis une Europe politique. Il faut bien reconnaître que, depuis 1950, nous étions un peu bloqués à l'Europe économique. L'Europe économique s'est faite sans difficultés, nous sommes allés chaque fois un peu plus loin avec la construction du marché commun puis du marché unique européen mais, à chaque fois qu'il a fallu construire l'Europe politique, c'est devenu beaucoup plus complexe, et nous avons sans cesse piétiné et multiplié les difficultés. Avec ce traité, nous franchissons un pas décisif vers cette Europe politique nécessaire, qui était voulue par les Pères fondateurs.

Merci également de permettre à l'Europe de fonctionner à vingt-sept. S'il y a eu une fuite en avant dans la construction de l'Europe économique et une réelle incapacité à construire l'Europe politique, cette fuite en avant était également réelle en ce qui concerne les élargissements. Il y a eu à un moment un débat entre approfondissement et élargissement, et nous avons eu l'élargissement sans l'approfondissement. Après les échecs du traité de 1997 et de celui de 2000, il fallait absolument parvenir à une réforme profonde de nos processus de décision pour permettre enfin à l'Europe élargie de fonctionner de façon efficace.

Enfin, merci d'avoir remis la France au coeur de l'Europe. Le rapport des Français à l'Europe a toujours été ambigu. Les Français veulent l'Europe mais ils ont parfois aussi donné des coups de frein formidables dans la construction européenne. Rappelons-nous du traité de 1954, dit de la CED. Dans la foulée du traité de Paris de 1951, il avait été envisagé de construire une Europe de la défense. C'était un projet français, et ce sont les Français eux-mêmes, dans cet hémicycle, qui l'ont fait capoter, remettant en cause pour très longtemps la construction de l'Europe politique. Pour la constitution européenne, nous avons reproduit le même schéma. Ce sont les Français qui l'ont voulue, c'est un ancien Président français qui l'a imaginée et construite, et ce sont les Français qui, en votant non, l'ont fait échouer.

Fort heureusement, avec le traité de Lisbonne, l'Europe est sur les rails, et c'est grâce à la France qu'elle va à nouveau de l'avant.

Par conséquent, trois fois merci.

Cela étant dit, s'il faut vraiment se réjouir de ce texte, il faut aussi tenir compte des réticences qui s'expriment encore à l'égard de la construction européenne et, sur trois plans, il nous faut être particulièrement vigilant.

Tout d'abord, si nous avons fait un pas décisif dans la voie de l'Europe politique, celle-ci n'a de sens que si elle permet un fonctionnement plus démocratique de l'Union européenne. À cet égard, il faut souhaiter que, dans les années qui viennent, nous soyons capables de transformer le rapport de défiance qui existe parfois entre certains de nos professionnels ou de nos citoyens et l'Europe en un rapport de confiance. Je pense par exemple aux marins-pêcheurs, que j'ai souvent l'occasion de côtoyer. Ils ne sont pas par définition contre la construction européenne, mais un réel malentendu s'est introduit au fil du temps. Nous pourrions aisément le dissiper avec un fonctionnement nouveau de l'Europe, une Europe capable de construire un rapport de confiance avec les Européens.

Deuxième voeu, l'Europe ne doit pas nous exposer mais nous protéger de la concurrence entre États à l'intérieur de l'Union européenne, concurrence vive qu'il faudra atténuer en construisant des règles sociales ou fiscales nouvelles, et de la concurrence mondiale.

Enfin, il faut que cette Europe nouvelle qui s'annonce avec le traité de Lisbonne respecte la devise de l'Union européenne, « unis dans la diversité ». Elle doit respecter les langues, les États et la diversité.

En conclusion, ce traité représente une avancée importante. Vous avez compris que j'y suis favorable, mais tout dépendra de l'usage que l'on en fera. Souhaitons que la France joue à nouveau un rôle majeur dans sa mise en oeuvre et sache en faire l'instrument de la démocratie, de l'équité et de la diversité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après que la montagne constitutionnelle s'est brisée devant le peuple, voici que nous avons à nous prononcer sur la souris dont elle a accouché.

Drapés dans la pourpre prétorienne, certains fins légistes proclament que ce que le référendum a repoussé ne peut être adopté que par le peuple et affirment que rien ne différencie le précédent projet de constitution européenne du traité de Lisbonne.

C'est à mon sens une double erreur.

Aux termes de l'article 3 de la Constitution, « La souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Nos décisions et le référendum sont donc au même niveau et il n'y a pas de différence entre ces deux expressions de la souveraineté nationale. De même, l'article 89 rend définitive une révision constitutionnelle soit par référendum, soit par la majorité du Congrès, plaçant ainsi à égalité la voix du peuple et celle de ses représentants.

En réalité, la Constitution place d'ailleurs le référendum à un degré juridique inférieur à celui du Parlement.

Si, en effet, le Parlement seul peut réviser la Constitution, le référendum, lui, ne peut, en principe, le faire sans le Parlement, par exemple pour la ratification d'un traité qui serait contraire à la Constitution, sur la base de l'article 11. C'est du moins la théorie, puisque cela a été fait au moins une fois. De ce fait, la Constitution de la République française de 1958 place au moins sur ce point le référendum à un degré juridique inférieur à celui qui est reconnu à la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Ce n'est pas contestable dans le texte. On peut en discuter à l'infini dans la philosophie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

La loi référendaire n'est pas soumise au Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Je n'ai pas abordé ce sujet, mais M. Myard le fera certainement avec toute la sérénité qu'on lui connaît.

Nos « prétoriens du référendum », pour lesquels point n'est besoin d'analyse juridique pour l'expression du peuple, ne font que justifier par leurs raisonnements approximatifs une vision plébiscitaire, pour ne pas dire bonapartiste, de la démocratie. Ce n'est évidemment pas la mienne, et, je vous le dis très clairement, il n'est rien de plus insupportable que ces appels démagogiques à une sorte de spontanéisme populiste. D'ailleurs, bien des pays parmi les plus démocratiques se méfient du référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Ainsi, l'Allemagne l'exclut de son dispositif constitutionnel, pour des raisons historiques bien connues. La Grande-Bretagne ne l'a admis que récemment, à propos de l'Europe d'ailleurs, et je ne suis pas sûr qu'elle ne le regrette pas.

Ce qui est dit sur la prétendue identité de la constitution européenne défunte, ou mort-née, et de l'actuel traité est tout aussi erroné.

Sur un point fondamental, le traité de Lisbonne exclut l'unanimité pour les décisions de politique étrangère et de défense, et remet à 2014, parfois 2017, parfois, j'en ai un peu l'impression, aux calendes grecques, l'évolution des règles de majorité qualifiée pour le reste.

Il évacue tout ce qui peut avoir valeur de symbole, et vous savez que cela a une portée considérable : l'existence d'un ministre des affaires étrangères, l'hymne, le drapeau, tout ce qui pouvait faire accroire dans le traité constitutionnel que l'on dotait l'Union européenne des attributs d'un État.

Ce n'est pas sans raison que le nouveau traité a été accepté par les plus sceptiques, des rives de la Vistule à celles de la Tamise.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Il n'y a donc aujourd'hui aucune raison de ne pas aborder avec sérénité ce débat, et vous avez tous remarqué l'émouvante sérénité, à droite comme à gauche, dans laquelle nous nous trouvons dès lors que les questions de l'Union européenne sont abordées.

Sur le texte qui nous est proposé, il n'y a pas grand-chose à dire tant il ressemble au texte de la précédente révision.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

En tout état de cause, les radicaux de gauche seront présents à Versailles et la plupart d'entre eux voteront pour cette révision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous devez avoir la conscience lourde ce soir.

Le 29 mai 2005, le peuple souverain a rejeté par référendum un traité constitutionnel. Aujourd'hui, on nous présente un traité de Lisbonne qui ressemble comme deux gouttes d'eau à feue la constitution. Le Conseil constitutionnel le dit d'ailleurs expressément dans sa décision du 20 décembre 2007 puisqu'il renvoie sur pratiquement tous les points à sa décision du 19 novembre 2004. Il n'y a donc rien de nouveau sous le soleil, et vous reprenez ce que le peuple a refusé de la manière la plus éclatante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Au fond, en dépit de l'abandon de quelques signes extérieurs qui qualifiaient un super-État, ratione materiae, le texte est quasiment le même et vous le savez.

Par conséquent, et je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Giacobbi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…il est clair que ce qu'un référendum a fait, seul le peuple peut le défaire.

Ce soir, il s'agit de la modification de la Constitution. Rassurez-vous, je reviendrai en temps et en heure sur le contenu même du traité lorsque nous en débattrons.

Il me semble que se posent deux questions fondamentales.

Il y a d'abord celle de la souveraineté nationale, que, conformément à la Constitution, le peuple exerce soit par référendum soit par la voix de ses représentants et, en l'occurrence, le Parlement.

Il est tout de même curieux qu'au moment où le Président de la République veut revaloriser le rôle du Parlement et où le comité Balladur fait des propositions en ce sens, on nous présente une modification de la Constitution qui aboutit exactement au contraire.

Il faudra en effet m'expliquer comment on peut transférer à Bruxelles 54 nouveaux chefs de compétence, et donc en déposséder le Parlement, tout en renforçant les prérogatives de ce même Parlement.

Deuxièmement, il est clair que l'article 88-6 n'est en réalité qu'un leurre. Nous, qui sommes une assemblée souveraine, serons désormais autorisés à émettre des avis ? Soyons un peu sérieux, monsieur le ministre ! Mieux encore, nous allons pouvoir saisir la future Cour de justice de l'Union européenne, ce qui revient à assujettir le souverain français à une cour suprême de justice. Vous nous proposez donc, soit d'être un donneur d'avis sans suite, soit un humble requérant qui vient, la corde au cou, réclamer justice : c'est la négation même du principe de la souveraineté nationale.

Comme je vous l'ai déjà dit, vous avez techniquement « monté la subsidiarité à l'envers », commençant par transférer des compétences, et demandant ensuite à la Cour de justice de se prononcer sur le bien-fondé de ces transferts. Aujourd'hui en effet, ce Parlement n'est compétent que pour voter le budget des anciens combattants. Et on s'apprête à nous demander, soit de nous faire hara-kiri, soit de nous taire. Eh bien ! nous ne comptons pas nous taire.

La subsidiarité, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, n'est pas un principe juridique : c'est un principe politique. C'est au politique en effet qu'il appartient de décider de ce qu'il met en commun ou de ce qu'il reprend. Faire de la subsidiarité un principe juridique, c'est commettre une faute structurelle, voire existentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

C'est le Conseil européen qui sortira le carton orange !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est à l'abaissement du rôle du Parlement qu'on est en train d'assister aujourd'hui, et c'est inacceptable.

Une deuxième question se pose : ce texte ne contrevient-il pas à l'article 5 de la Constitution, qui fait du Président de la République le garant de l'indépendance nationale ? En effet, la systématisation du vote à la majorité qualifiée aboutira inéluctablement à la mise en minorité de la France, puisque nos positions ne sont pas forcément majoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Dans ces conditions – et c'est au Président de la République que je m'adresse par votre entremise – allez-vous accepter que la France soit mise en minorité, alors qu'en homme extrêmement actif, c'est pour l'exercer que vous avez voulu le pouvoir, et non pas pour subir les oukases des gnomes de Bruxelles, dont on a vu les résultats en ce qui concerne l'euro ?

Ma conclusion sera très simple, monsieur le président : il est manifeste qu'on nous présente aujourd'hui un texte qui porte atteinte, d'une part au rôle du Parlement, et d'autre part aux pouvoirs du Président de la République. Voilà pourquoi je crois qu'on fait fausse route : loin d'être un texte mineur, ce traité modificatif va précipiter l'Europe dans une impasse. Nous en reparlerons !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui, loin de n'être que technique, est peut-être l'un des plus importants de ces dernières années, puisqu'il touche à la souveraineté populaire, fondement de notre république, à son exercice et à son respect.

Si le traité européen s'avère être le jumeau, le clone, ou même simplement très proche de celui qui a été repoussé par le peuple il y a deux ans, nous sommes alors en présence d'un double déni de démocratie.

Le débat de ratification proprement dit nous permettra d'aller au fond du texte, et nous y reviendrons. Mais si l'on en croit quelques voix parmi les plus autorisées, la démonstration est d'ores et déjà faite. Ainsi, selon Mme Merkel, la substance de la constitution est maintenue. Selon M. Zapatero, nous n'avons abandonné aucun point essentiel de la constitution. Il faut y ajouter la brillante déclaration faite au journal Le Monde par M. Giscard d'Estaing en octobre dernier, selon laquelle le texte des articles du traité constitutionnel était inchangé, seule la répartition de ceux-ci étant différente.

La substance même du texte rejeté il y a deux ans étant maintenue, nous sommes effectivement en présence d'un double déni de démocratie. Premièrement, contrairement à ce qu'on nous avait promis pendant la campagne présidentielle, le vote du 29 mai n'est pas respecté. Si tel était le cas, on nous présenterait aujourd'hui un traité européen profondément différent, qui aurait intégré les aspirations du peuple français. Mais au lieu de s'appuyer sur le « non » français pour renégocier le traité, comme il l'aurait dû, le Président de la République n'a rien demandé : partant, il n'a rien obtenu.

Le déni de démocratie est aussi dans la volonté de faire ratifier par voie parlementaire un texte qui a déjà été repoussé par le peuple. Je sais bien qu'aux termes de l'article 3 de notre constitution, le peuple exerce la souveraineté nationale par ses représentants autant que par la voie du référendum. Mais cela n'autorise pas les parlementaires, qui tirent leur légitimité du peuple, à se prononcer différemment de celui-ci. Seul un référendum peut venir modifier ce que le peuple a décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

C'est cette question, mes chers collègues, que nous pose aujourd'hui le débat sur la révision de la Constitution. C'est aujourd'hui, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, qu'il faut discuter de la procédure de ratification, et non quand elle aura été lancée ici, car alors il sera trop tard. Pour refuser ce que personnellement j'appelle une forfaiture…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Comment appeler autrement le fait de faire adopter par la voie parlementaire ce que le peuple a repoussé à une large majorité ? Nous, parlementaires, ne disposons que d'un seul moyen : voter contre ce texte, à l'Assemblée nationale aujourd'hui et au Congrès dans quinze jours, empêchant ainsi que la révision de la Constitution obtienne la majorité des trois cinquièmes et contraignant le Président de la République à recourir au référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Mais non ! Il faudrait procéder à une autre révision constitutionnelle avant le référendum !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

C'est cette question qui nous est posée, quelle que soit l'appréciation que nous pouvons, les uns et les autres, porter sur ce texte : nous avons entre les mains la possibilité d'imposer le référendum, et je vous invite, mes chers collègues, à saisir cette possibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

En conclusion, monsieur le président, le référendum est une obligation démocratique, non pas seulement pour que la souveraineté populaire soit respectée – ce qui n'est pas rien –, mais aussi pour que la construction européenne emporte l'adhésion des peuples. Je trouve que le Président de la République et le Gouvernement ont pris une lourde responsabilité en négociant ce traité de Lisbonne, qui non seulement reprend le traité repoussé par le peuple il y a deux ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

… mais qui en outre avalise la volonté visiblement largement partagée par les autres États européens qu'aucun référendum n'ait lieu nulle part. (« Scandaleux » sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est là une décision gravissime et lourde de conséquences, pour l'Europe comme pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

J'invite donc notre assemblée à s'y opposer en votant contre la révision de la Constitution qui nous est proposée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat d'aujourd'hui est en réalité double. Il porte d'abord sur la procédure de ratification. Je pense pour ma part que l'alternative entre souveraineté populaire et souveraineté nationale en matière de ratification correspondait aux yeux des constituants à une distinction simple. La procédure du référendum est mieux adaptée à une question claire et précise. C'est pourquoi elle a été retenue en 1972 pour trancher la question de l'entrée de certains de nos partenaires dans l'Union européenne. C'est celle qui aurait pu également être retenue s'agissant de l'entrée dans la zone euro, si cette question s'était posée de façon distincte. La procédure du référendum est la plus adaptée à de tels cas.

Elle ne l'est pas pour des textes complexes, comme l'est ce traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

En effet, il est le fruit de discussions et de compromis. Il suffit pour s'en convaincre de considérer les opting in et les opting out. L'examen d'un tel texte nécessite le travail des commissions et de la délégation à l'Union européenne, ce qui fait de la voie parlementaire la procédure la plus adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Mais derrière ce débat se dessine par anticipation un autre débat, qui porte sur le fond du traité. À mon sens, ce texte permet trois avancées, qui doivent déboucher sur d'autres ambitions.

Il renforce d'abord notre capacité d'agir et de décider, notamment à travers l'extension du vote à la majorité qualifiée à un beaucoup plus grand nombre de domaines. Cette avancée n'a évidemment de sens que si l'Union européenne a la volonté de se doter de la stratégie et des outils qui lui permettront de peser réellement sur la scène internationale. Il est ainsi essentiel que l'Union européenne s'affirme sur des terrains tels que celui des fonds souverains, évoqués récemment par le Président de la République.

Ce texte doit également permettre une certaine personnalisation du pouvoir, qui existe dans toutes les grandes démocraties, à travers l'élection d'un président du Conseil européen. Il faut là encore clarifier le rôle des uns et des autres : ce président coexistera avec une présidence tournante maintenue dans les différents conseils des ministres et la présidence de la Commission. Sans une telle clarification, cette nouvelle institution risquerait de ne pas donner tous les fruits qu'on est en droit d'attendre d'elle.

Troisième avancée essentielle, ce texte permet enfin la montée en puissance des parlements nationaux, trop longtemps ignorés par les institutions européennes. On peut souhaiter qu'elle prendra à terme une forme institutionnelle.

Cette montée en puissance doit avoir pour contrepartie une plus grande présence de l'Europe dans cet hémicycle. En effet, il est exceptionnel qu'on y consacre quasiment toute une journée à l'Europe, comme nous le faisons aujourd'hui. Cette assemblée doit se doter des outils et des procédures qui assurent à l'Europe toute sa place dans nos débats.

Sous réserve de ces observations et de ces aspirations, dont nous sommes nombreux ici à souhaiter qu'elles se concrétisent, je voterai bien évidemment ce projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Permettez-moi d'abord, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, de recourir nuitamment à une citation latine, comme l'a fait cet après-midi un de nos collègues, certes plus éminent, plus ancien et plus expérimenté. Primum non nocere, d'abord ne pas nuire, nous recommande le serment d'Hippocrate.

À l'examen, ce texte révèle un certain nombre de nuisances, qu'un parlementaire a l'obligation morale et politique d'éviter, par respect de la démocratie, et même de la République. Personnellement, je ne me reconnais pas le droit, ni même la légitimité, de revenir sur ce que le peuple souverain a décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

« La souveraineté des citoyens composant la société politique est plus importante que celle de ses représentants », a dit le gaulliste René Capitant, bien avant le référendum du 28 avril 1969.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Pardonnez-moi : je suis encore un jeune député novice. (Sourires.) Le 28 avril, donc, après le rejet du référendum par le peuple français, démission du général. Le 29 mai 2005, rejet par le peuple français d'un autre référendum. Les suites données à ces deux rejets sont, vous en conviendrez, très différentes : d'un côté, une démission, un départ auquel certains trouvent de la grandeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

En effet. De l'autre côté, un déni de démocratie. Il y a un gouffre entre ces deux réactions.

Le référendum, c'est une question de confiance posée au peuple français. C'était dans l'esprit de la ve République : referre rem ad aliquem, s'en remettre au jugement de quelqu'un.

Dans la confiance, il y a l'assurance, qui est une forme de certitude. En l'espèce, l'assurance du peuple souverain qui a décidé n'est pas respectée. Parmi les synonymes de « confiance », on compte aussi « crédulité ». Or, c'est précisément de l'incrédulité que suscite ce qui se passe aujourd'hui dans notre hémicycle. Je souhaite bon courage tous ceux qui pousseront les citoyens à aller voter, à faire leur devoir civique lors du prochain référendum ! Il va vraiment falloir les bousculer.

« Il faut qu'il existe un Parlement destiné à représenter la politique de la nation, à voter des lois, à contrôler l'exécutif sans se permettre de sortir de son rôle ». Ces mots ont été prononcés par Charles de Gaulle le 4 septembre 1958. Or, ici, nous sortons de notre rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Il n'y a plus que les socialistes qui citent de Gaulle !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Je ne suis pas socialiste ! Le Président de la République a cité Jaurès. Je peux le faire aussi : « toute notre histoire proteste aujourd'hui ». Pour ma part, je le rappelle : Primum non nocere. Le seul député du Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement présent dans l'hémicycle ne votera pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Europe a toujours été une aventure, somme toute, assez paradoxale. En effet, alors que la guerre la plus meurtrière venait à peine de s'achever, grâce à des hommes visionnaires, l'idée européenne s'est imposée très rapidement comme la seule voie à suivre pour tourner définitivement le dos aux haines qui ont marqué l'histoire du continent.

Forte de cette soif de paix pour notre continent, une énergie, fédératrice de rapprochements, d'union et de solidarité entre les nations d'Europe a permis les grandes avancées qui ont conduit à l'Union européenne et à la création de l'euro, qui a l'ambition d'être notre monnaie commune.

Forte de cette quête de paix, l'Union européenne a su s'ouvrir à l'est aux pays libérés du joug communiste pour consolider la paix sur l'ensemble du continent et constituer un grand marché capable de rivaliser avec les autres espaces économiques américain et émergents.

Aventure paradoxale disais-je, car c'est au moment où l'esprit de solidarité permettait à l'Europe de concrétiser ses rêves au service de la paix et de la prospérité, que le doute s'est insinué aussi bien dans les rouages de la gouvernance européenne que dans les esprits des citoyens européens, ce doute cédant parfois – notamment chez nous, en France – la place aux peurs : peur du voisin, incarnée par ce fameux plombier polonais qui n'a jamais été pour la France qu'un fantasme instrumentalisé par les démagogues réunis, peur de perdre une souveraineté pourtant bien impuissante au niveau national dans un monde de grands ensembles, peur des changements qui s'imposaient à nous et dont l'Europe était coupable de ne pas nous préserver.

Persévérer sur le chemin du doute et de l'impuissance européenne aurait été un poison mortel si, sous l'impulsion du Président de la République, qui a osé bousculer la résignation ambiante et ouvrir un chemin nouveau, avec la complicité active et méthodique de la chancelière allemande, ce nouveau pas en avant que constitue le traité de Lisbonne n'avait pu aboutir.

Ce nouveau traité sort l'Europe de l'ornière où elle s'enlisait et lui donne enfin une gouvernance qui sera tout à la fois plus efficace, car il faut agir et aller de l'avant dans ce monde en mutation rapide, et plus démocratique, car ce traité confortera le rôle des parlements, européen comme nationaux.

Le Parlement européen est clairement promu dans le champ des compétences européennes et devient un co-législateur à égalité de compétences avec le Conseil dans l'adoption des actes législatifs, dans presque tous les domaines où s'applique la règle de la majorité qualifiée au Conseil. Une quarantaine de nouveaux sujets sont ainsi soumis désormais à la procédure législative ordinaire de l'Union.

Si l'Europe gagne en démocratie avec le poids renforcé du Parlement européen, c'est aussi à travers le rôle nouveau des parlements nationaux que les citoyens de chaque pays pourront le mieux s'approprier les enjeux communs qui donneront plus de sens à l'Union dans l'esprit des Européens.

Le traité de Lisbonne accroît de manière très significative l'implication des parlements nationaux dans la construction européenne. Il leur donne, pour la première fois, une place au sein du processus décisionnel de l'Union, notamment grâce à leur pouvoir de contrôle de la subsidiarité a priori, grâce auquel ils peuvent émettre des avis motivés sur les projets qu'ils estiment non conformes au principe de subsidiarité, la Commission devant réexaminer les projets contestés par un tiers des parlements nationaux et le Parlement européen et le Conseil devant se prononcer sur ceux qui sont remis en cause par la moitié des parlements.

Notre assemblée, il faut que nous en prenions bien conscience, devra s'y préparer pour être efficace dans la vigilance et savoir organiser des consensus à travers l'Europe parlementaire.

Avant de conclure, je voudrais dire ma conviction qu'au-delà du pas en avant que constitue ce traité de Lisbonne pour permettre à l'Europe d'agir et d'avancer, il est primordial que nos concitoyens de France et d'Europe s'identifient mieux à l'idée que l'Europe est d'abord et avant tout un espace de valeurs communes : la solidarité, la démocratie, la justice sociale, la tolérance et une vision humaniste de l'homme, des valeurs qui donnent sens à cette aventure commune, des valeurs qui sont des ferments de civilisation, des valeurs qui exigent que nous osions nous approprier notre histoire, nos racines religieuses, philosophiques et culturelles, dans toute leur diversité, qui ne sont d'aucunes manières des obstacles sur le chemin de la paix et de l'union, mais qui sont la base de la vision commune de l'avenir qui nous rassemble. En ce sens, l'Europe est bien un projet de civilisation que nous devons assumer et porter avec conviction et passion.

En tout cas, je suis fier que l'UMP soit le parti de l'Europe, le parti d'une Europe qui avance. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Je me limiterai à trois observations.

Tout d'abord, notre débat était très intéressant et d'une grande qualité. Tout compte fait, malgré les oppositions, nous parvenons à parler d'Europe avec une véritable élévation de pensée. J'insiste donc, monsieur le président, pour que, lorsque nous aurons à débattre du traité lui-même, au début du mois de février, nous ayons, quel que soit le désir d'aller vite, le temps nécessaire pour en débattre raisonnablement. L'intérêt et l'importance du sujet en valent la peine. Nous l'avons effleuré aujourd'hui en diverses circonstances, mais nous avons des choses à dire, des débats à conduire ensemble et des vues à échanger, en particulier pour aller dans le sens de la construction commune des consensus sur l'Europe, qu'évoquait M. Bur.

Ma deuxième observation est la suivante : il y a évidemment quelque embarras à ne traiter que de la révision constitutionnelle, et c'est précisément dans cette direction que nous allons nous acheminer en votant. Je ne vois pas comment on peut voter contre la révision constitutionnelle – sauf, évidemment, si on souhaite s'opposer au traité de Lisbonne lui-même. La façon la meilleure et la plus rapide d'y parvenir est d'empêcher la révision de la Constitution – moyennant quoi, en effet, il serait impossible de la ratifier. Il était important de le souligner, car certains de nos collègues semblaient penser qu'un vote négatif lors de la révision de la Constitution obligerait le Président de la République à procéder par voie de référendum. Ce n'est pas exact. (« Si ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Assurément non. Une fois que la révision constitutionnelle aura été rejetée, il sera impossible de ratifier un traité contraire à la Constitution.

En troisième lieu, si on souhaite avoir un débat sur la question du référendum, le groupe socialiste a raison de déposer une motion référendaire, qui est prévue dans notre règlement et conforme aux dispositions de la Constitution et qui permettra de délibérer sur le point de savoir si, oui ou non, nous voulons demander au Président de la République de procéder par voie de référendum. Ainsi en dispose la Constitution.

Pour ce qui nous concerne, monsieur Ayrault, nous serons sûrs de nous, je puis le dire dès maintenant, en repoussant une telle motion, et cela pour deux raisons.

Tout d'abord – et je ne reviendrai pas sur ce point, qui a été répété durant toute la soirée –, le traité de Lisbonne, dont nous délibérons, n'est pas le traité constitutionnel. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il s'en inspire, certes, mais il ne s'agit pas du même texte, et cela non seulement pour des questions littérales, mais pour des questions de fond, de structures et de droit. Ce n'est pas le même traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

La troisième raison est que, si notre collègue qui appartient au mouvement de M. Chevènement se disait incapable de voter, il me semble au moins qu'il s'est produit quelque chose de tout à fait nouveau : depuis le traité constitutionnel, il y a eu des élections, et non seulement une élection présidentielle, mais des élections législatives. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous n'êtes pas les mêmes. Vous êtes des hommes et des femmes qui vous êtes présentés devant des électeurs. Quant à nous, nous avons dit clairement, et le Président aussi (Même mouvement), que nous préparerions un nouveau traité et que nous en débattrions devant le Parlement. Il n'y a rien là que de conforme à la règle démocratique et aux lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, je tiens d'abord à remercier le président Warsmann d'avoir rappelé les enjeux de cette révision constitutionnelle. La Constitution doit être modifiée pour transférer des pouvoirs nouveaux à l'Union européenne et en donner au Parlement européen. Je remercie également le président Poniatowski, M. de Charette et M. le président Lequiller d'avoir éclairé les apports majeurs de ce traité.

M. le député Lecoq regrettait que ce traité ne soit pas ratifié par voie référendaire. Vous savez que cette question a été débattue ce matin et le vote de l'Assemblée a été très clair.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Il n'y a donc pas lieu de revenir longtemps sur ce sujet. D'ailleurs, M. Moscovici a rappelé que le traité de Lisbonne n'est pas le traité constitutionnel. De fait, ce n'est pas une constitution.

Je suis également d'accord avec lui sur le fait que la procédure parlementaire est aussi légitime que la procédure référendaire, mais en total désaccord lorsqu'il affirme que les Français attendent un référendum. Comme l'a indiqué M. de Charrette, le Président de la République a annoncé clairement que cette ratification se ferait par voie parlementaire. Nous respectons donc cet engagement.

Monsieur Ayrault, il me faut avouer que je ne comprends pas bien la position du Parti socialiste. Tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un bon traité, qui permettra de sortir l'Europe de la paralysie, vous souhaitez pourtant vous abstenir sur le projet de loi constitutionnelle qui en permettra la ratification. Il y a là une incohérence que, d'ailleurs, les Français ne comprennent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous ne m'avez pas écouté ! Faites un effort pour ne pas caricaturer.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Il ne faut pas refuser à l'Europe la chance que constitue le traité de Lisbonne. M. Moscovici l'a dit : ne pas voter cette révision constitutionnelle, c'est empêcher la ratification du traité, alors que nos partenaires européens, qu'il s'agisse des socialistes espagnols, italiens ou anglais, ne s'abstiendront pas sur ce traité.

Madame Ameline, vous avez rappelé les avancées de ce traité, qui est évidemment bon. Comme vous l'avez rappelé, il diffère, dans sa nature, du traité constitutionnel. Il s'agit, comme l'a souligné M. Rochebloine, d'un traité pragmatique, qui modifie les traités existants pour faire progresser l'Europe et lui donner les moyens de ses politiques.

Monsieur Luca, je ne partage pas pleinement votre analyse selon laquelle s'appliquerait un principe de parallélisme des formes. La création des régions a été rejetée par référendum en 1969 et le Parlement a créé les régions en 1972. En 1988, une amnistie a été décidée par voie référendaire pour la Nouvelle-Calédonie et a été étendue par le Parlement.

Le Conseil constitutionnel a estimé, dans une décision du 9 janvier 1990, que des dispositions prises par voie référendaire pouvaient être modifiées par la voie parlementaire.

Mme Guigou a déploré que la révision constitutionnelle ne modifie pas l'article 88-5, qui prévoit que toute nouvelle adhésion doit être approuvée par référendum. Nous savons que c'est une des préconisations du comité Balladur, mais la ratification du traité de Lisbonne n'a aucune incidence sur cette règle qui concerne l'équilibre de nos institutions. La volonté du Gouvernement, c'est de ratifier le traité de Lisbonne.

Monsieur Urvoas, vous avez évoqué l'instauration d'une clause générale de compétence dans la Constitution. Je vous rappelle que la révision constitutionnelle nécessite de réunir une majorité des trois cinquièmes, alors que la ratification nécessite une majorité simple. Il ne serait donc pas opportun de modifier d'une manière aussi fondamentale l'équilibre de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie beaucoup pour ce débat. Je pense, comme M. de Charrette, qu'il a été de grande qualité. Au-delà des divergences exprimées, il a posé les problèmes de fond, non seulement le mode de ratification, mais aussi tous ceux que Mme la garde des sceaux vient d'évoquer. Sans anticiper sur le débat que nous aurons sur le fond du traité, je voudrais prolonger les propos excellents de M. Yves Bur sur la poursuite de l'aventure européenne …

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

… en disant que ce traité est un pas en avant sur le plan politique, comme l'a indiqué M. Fasquelle, et que c'est également un outil, comme l'a bien dit Élisabeth Guigou. C'est ainsi qu'il faut le prendre, et vaincre les doutes et les peurs. On voit bien – M. Bur a eu raison de le souligner –, deux ans après, combien était infondée l'exploitation du fantasme du plombier polonais – dont on entend plus parler, et c'est heureux.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Le traité est un instrument. Il ne constitue pas un projet. De ce point de vue, il me paraît important que nous ayons un débat sur ce qu'est le projet européen. On peut dire qu'il est libéral, voire ultralibéral, comme certains l'ont soutenu, ou qu'il est financier, ou encore qu'il faudrait élaborer le projet européen du futur ; mais c'est sur des orientations de fond que nous devons débattre, et c'est sur ces orientations que devraient être saisis les Français parce que ce sont des questions qui, pour chacune d'entre elles, sont beaucoup plus concrètes que ce qui est proposé.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mais il faut engager le débat sur les différentes politiques et sur le projet. Or le traité n'est qu'un instrument, monsieur Lecoq, nous l'avons dit.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur Sandrier, les vrais projets portent sur les politiques communes qu'il nous appartient de mettre en oeuvre et sur lesquels nous devons débattre.

J'en viens aux points institutionnels qu'ont soulevés certains orateurs. L'article 88-5 n'est pas concerné par ce projet de loi. J'ai donné, vous le savez, mon sentiment à titre personnel sur la modification de l'article 88-5.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je n'ai pas changé d'avis. Je ne varie pas, moi, sur le référendum. Je pense qu'il faut continuer à mettre sur le même pied les deux voies de ratification existantes, dans le cadre d'une Europe qui sera amenée à s'élargir, notamment vers les Balkans, une fois les problèmes de stabilité politique réglés et les critères d'adhésion remplis. Ensuite, il restera bien évidemment au Président de la République et au Gouvernement à définir la position officielle.

En ce qui concerne l'articulation qui existera au niveau institutionnel, dans le cadre du traité, entre le président du Conseil, le haut-représentant pour les affaires étrangères et le président de la Commission, je vais répondre aux observations du président Ayrault : un, de toute façon, le choix des personnalités est aujourd'hui prématuré ; deux, ce choix sera extrêmement important parce qu'il conditionnera l'efficacité des rapports entre ces trois institutions dans le cadre des différents traités ; trois, il faut également prendre en compte les équilibres politiques et nationaux, et le respect des engagements passés de chacun de ceux qui postuleront ces fonctions par rapport aux solidarités européennes et aux positions adoptées par l'Union sur le plan international.

Sur le fond, cela a été souligné par plusieurs d'entre vous, ce traité marque incontestablement des progrès démocratiques s'agissant de l'initiative citoyenne, du rôle des parlements nationaux, de la prise en compte de la démographie dans le vote au Conseil et la composition du Parlement européen, de l'influence des élections européennes sur la nomination du président de la Commission, et bien évidemment du mode de désignation des membres de la Commission.

En matière économique et sociale, là aussi, le traité reste un outil. Il comporte plusieurs avancées, que je signale au président Ayrault et à ceux qui, comme lui, ont déploré le manque d'avancées en ce domaine. En effet, nous avons un protocole des services publics – qui n'était inscrit dans aucun traité auparavant -, une clause sociale générale qui permet l'évaluation des différentes politiques à l'aune sociale, les droits sociaux contenus dans la Charte des droits fondamentaux, et le dialogue social est institutionnalisé dans le cadre d'un sommet tripartite qui permettra aux syndicats de formuler plus fréquemment des avis sur les accords européens passés. Le traité comporte surtout un objectif nouveau – que je rappelle à M. Lecoq–: celui de la protection des citoyens face à la mondialisation, alors que, dans le même temps, la concurrence libre et non faussée ne figure pas parmi les objectifs. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Non, elle n'y figure pas. Elle ne réapparaît qu'au niveau du protocole. (Même mouvement.) J'ai le regret de vous indiquer que, pour la Cour de justice, le fait que la concurrence libre et non faussée ne soit pas dans les objectifs, mais seulement inscrite dans un protocole,…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…la ramène à ce qu'elle était dans le traité de Rome de 1957, c'est-à-dire un instrument au service de la réalisation du marché intérieur. Dès lors, vous n'aurez pas à apprécier sur le plan juridique les différentes politiques communes à l'aune de la concurrence, mais vous devrez examiner si la concurrence utilisée en tant que moyen est bien véritablement respectueuse de la réalisation des dites politiques.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je souhaitais le dire parce que c'est une différence fondamentale qui n'est pas suffisamment soulignée.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Non, monsieur Dolez ! Le protocole n'a pas la même valeur juridique que le traité. Sinon, il n'y aurait pas d'objectifs dans le cadre du traité et vous n'auriez pas cette différenciation entre les objectifs et les protocoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Les Français auraient-ils donc bien fait de rejeter le traité constitutionnel en 2005 ?

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pour répondre à MM. Luca, Dupont-Aignan et Myard, je tiens à dire que ce traité marque également des progrès en matière de politique de défense grâce à la réalisation de coopérations structurées qui permettront de renforcer la politique européenne de défense. Cela a été brillamment rappelé par M. Dhuicq dans son intervention de cet après-midi. C'est une évolution très importante parce que l'on pourra combiner, sur le plan opérationnel, des coopérations structurées avec l'Organisation de l'alliance atlantique, véritable atout pour l'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je trouve donc tout à fait surprenant que ceux qui souhaitent un rééquilibrage entre l'Union européenne et les États-unis s'en prennent à un traité qui marque une avancée considérable, en termes de coopération s'agissant de la politique de défense.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous aurons un débat au fond, mais voilà les précisions que, dès ce soir, je souhaitais vous apporter sur ce traité qui marque une avancée démocratique, économique et sociale,…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…ainsi qu'en matière de sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat qui s'est tenue ce matin autour de la proposition de loi des députés communistes a prouvé, si besoin était, que les représentants de la majorité présidentielle n'ont pas encore mesuré l'enjeu d'une ratification parlementaire du traité de Lisbonne. Cette surdité persistante me contraint ce soir à défendre ici, au nom de la majorité des Françaises et des Français – plus de 60 % sont favorables au référendum – cette motion de renvoi en commission. Dans le cadre de la procédure parlementaire, ce sera l'ultime tentative, avant le vote du texte, pour faire entendre la voix de la majorité de nos concitoyens.

Mme la garde des sceaux nous accusait ce matin de déconsidérer le Parlement. Pourquoi une telle accusation ? Serait-ce parce que nous considérerions la voie du référendum plus noble que la voie parlementaire ? Dois-je rappeler ici que si la Constitution accorde aux représentants du peuple la même légitimité qu'au peuple se prononçant par la voie du référendum, il arrive aussi que la démocratie représentative soit en complet décalage avec la volonté majoritaire des électeurs. Ainsi, en février 2005, la Congrès avait voté à plus de 80 % le projet de loi constitutionnelle, et, trois mois plus tard, le peuple se prononçait à plus de 54 % pour rejeter le même projet. Cela devrait suffire à vous faire renoncer à l'arrogance de vos certitudes. Chers collègues de la majorité, vous prétendez avoir le pouvoir de sonder le cerveau de chacun des Françaises et des Français qui ont voté au second tour pour Nicolas Sarkozy. Cessez alors de nous répéter, comme ce matin, que les Français qui ont voté pour lui ont accepté dans le même temps une ratification du traité par le Parlement. Vous savez que c'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Votre petit parti est loin de représenter la majorité des Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous savez que nos concitoyens n'ont pas voté pour cette ratification, disais-je, tous les sondages d'opinion en attestent. Souvenez-vous de 2005 : vous en avez eu la démonstration. Vous vous entêtez à ne pas voir la réalité : à la surdité persistante s'ajoute une cécité persistante !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Plus sérieusement, l'argument de poids que vous utilisez pour justifier le recours à une ratification parlementaire du traité de Lisbonne fait valoir que ce nouveau traité et celui établissant une constitution pour l'Europe seraient fondamentalement différents. Le traité modificatif, comme son nom l'indique, amende les traités existants – le traité sur l'Union européenne et celui instituant la Communauté européenne. M. Sarkozy avait annoncé, pendant la campagne présidentielle, qu'il ferait ratifier par la voie parlementaire un mini-traité ou un traité simplifié qui prendrait en considération les attentes des Françaises et des Français qui ont rejeté le TCE. Or, en fait de simplification, le texte amoncelle des amendements apportés aux traités en vigueur, avec des modifications d'articles renvoyant elles-mêmes à d'autres articles. L'ambition initiale de simplification a donc été oubliée. Le mini-traité est ainsi devenu un traité modificatif comprenant douze protocoles, vingt-cinq déclarations diverses et 256 pages. Est-ce cette complexité et cette illisibilité qui avaient été promises aux Françaises et aux Français par le candidat à la Présidence de la République ?

En réalité, le traité de Lisbonne se borne à reprendre pour l'essentiel, mais sous une autre forme, les trois quarts des dispositions du traité établissant une constitution pour l'Europe. Cela permet d'ailleurs – on l'a rappelé à maintes reprises depuis ce matin – àM. Valéry Giscard d'Estaing de dire que tous les outils du traité constitutionnel sont là, mais qu'ils sont simplement agencés de façon différente. Il sait de quoi il parle puisqu'il a été le principal auteur du traité constitutionnel rejeté en 2005. Le traité modificatif et le traité établissant une constitution pour l'Europe sont similaires. Vous le niez, et, ce faisant, vous niez la réalité.

Il n'est guère compliqué de le montrer. La Charte des droits fondamentaux, adoptée en 2000, faisait partie intégrante du traité constitutionnel. Elle a été retirée du corps du texte. Mais, dans son article 6, le nouveau traité indique qu'elle a la même valeur juridique que les traités. Voilà un protocole et voilà un contenu qui ont la même valeur juridique ! C'est écrit dans le texte, et vous ne pourrez pas le nier ! La supercherie est flagrante : un traité affirme qu'une Charte qui lui reste extérieure a, cependant, la même valeur juridique que le traité qu'il modifie. Un professeur de droit public fait d'ailleurs observer que nous n'avons jamais vu de procédé juridique plus tordu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Quant au protocole n° 7, il prévoit que la Charte n'est pas applicable à la Pologne ou au Royaume-Uni. Le « non » français et néerlandais aura au moins servi à d'autres ! Au-delà de ce procédé juridique tordu, pour reprendre l'expression de cette juriste avertie, nous pouvons souligner de nombreuses autres supercheries.

Yves Bur. Un nom !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous la connaissez, elle a déjà été citée trois fois ! Ne me dites pas que vous perdez la mémoire dans l'espace d'une journée, monsieur le président Warsmann ! Elle s'appelle Le Pourhiet, Anne-Marie de son prénom, et elle est l'auteur d'un ouvrage intitulé Droit constitutionnel. Vous voulez d'autres passages ? Je peux vous en citer, mais on risque de perdre beaucoup de temps !

Si le terme « constitution » a été abandonné, de même que la référence aux symboles comme l'hymne ou le drapeau, le déficit démocratique et l'orientation libérale demeurent plus que jamais. Ce matin, Mme la garde des sceaux et M. le secrétaire d'État nous disaient que la concurrence n'est plus un objectif fondant les politiques de l'Union, et qu'en cela, le nouveau traité tenait compte des préoccupations exprimées par les Français. Vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de nous le rappeler ! Pourtant, le nouveau traité reconduit « la concurrence libre et non faussée », car si la mention ne figure plus parmi les objectifs de l'Union, elle est reprise dans un protocole annexé au traité et elle reste la référence de toutes les politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Sinon, vous n'auriez pas eu besoin de la reprendre dans un protocole. Vos objectifs sont ceux-là, admettez-le ! Cette honnêteté vous grandirait. En prétendant avoir fait un geste fort en supprimant cette mention des objectifs de l'Union européenne, vous insultez notre intelligence et celle de notre peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Le nouveau traité ne s'en tient d'ailleurs pas à cela : il reprend intégralement le carcan du pacte de stabilité et retire aux États toute marge de manoeuvre pour conduire des politiques de croissance et d'investissement public. Vous nous promettiez que les services publics seraient protégés par un protocole ayant même valeur que le traité. Mais c'est faux ! L'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union prévoit que les services publics restent soumis à la concurrence.

En revanche, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, vous avez omis de nous parler de la politique de sécurité et de défense commune. Mais s'agit-il vraiment d'une omission, alors que vous prétendez que le nouveau traité prend en compte les préoccupations exprimées par les Français lors du référendum de 2005 ? En effet, le « non » avait été consolidé par la crainte d'une dérive atlantiste de l'Union et d'une subordination directe à l'OTAN. Pourtant, cette allégeance est clairement définie par l'article 42-2 qui prévoit : « la politique de l'Union () respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN, et elle est compatible avec la politique commune de défense et de sécurité arrêtée dans ce cadre ».

Concernant le volet institutionnel, vous prétendez que le traité de Lisbonne rend les institutions de l'Union européenne plus démocratiques et plus efficaces. C'est encore faux ! Rien n'est fait pour combler le déficit démocratique de l'Union. La Commission décidera, et les parlements s'inclineront. Ainsi, la Banque centrale européenne reste indépendante du pouvoir politique et sa seule mission reste de rendre la zone euro crédible pour les marchés financiers. Les élus n'auront aucun pouvoir d'infléchir des politiques aux conséquences sociales dramatiques sur le niveau de vie de nos citoyens et des citoyens européens. Oui, les pouvoirs restent concentrés dans les instances non élues, comme la Commission européenne et la Cour de justice des Communautés européenne. S'agissant de l'évolution du rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel communautaire, si le traité de Lisbonne, comme le traité établissant une Constitution pour l'Europe, semble, à première vue, apporter une évolution positive, elle reste manifestement mineure au regard des enjeux.

Force est de constater que les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont donc gravement insuffisantes. Rappelons, tout d'abord, que les résolutions votées dans le cadre de l'article 88-4 n'ont aucun caractère contraignant. De même, le protocole n° 2, annexé au traité de Lisbonne, ne fait pas des parlements nationaux les nouveaux garants du respect du principe de subsidiarité, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Ajoutons que le pouvoir de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée, reconnu aux parlements nationaux, n'est qu'un pouvoir d'empêchement relatif. Il n'est, en aucun cas, un pouvoir de proposition. Nous sommes donc encore bien loin d'un véritable fonctionnement démocratique de l'Union.

Nul besoin de dresser un inventaire exhaustif des dispositions du traité modifié : les quelques exemples que je viens de donner et la démonstration précédente de mon ami Alain Bocquet montrent, à l'évidence, que le traité de Lisbonne et celui rejeté par les Français lors du référendum de 2005 sont similaires sur l'essentiel. La vérité, c'est que votre refus de consulter notre peuple par la voie référendaire est l'expression de votre peur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous savez, en effet, que malgré toutes vos déclarations, notre peuple n'est pas dupe. Il sait, tout autant que nous tous ici, que le traité de Lisbonne n'est pas un nouveau traité. Il sait que le « non » qu'il a exprimé en 2005 demeure valable. Vous craignez cette lucidité, et c'est pour cette raison que vous le privez de son expression.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Oui, vous le bâillonnez ! Car si tel n'est pas le cas, si vous ne craignez pas le verdict populaire, si vous êtes certains que les électeurs qui ont voté pour Nicolas Sarkozy ont approuvé implicitement le traité modificatif, alors pourquoi avoir peur ? Pourquoi ne pas organiser un nouveau référendum dont vous êtes sûrs du résultat ? Pourquoi une telle défiance vis-à-vis de notre peuple, si vous êtes si sûr de vous ?

Vous auriez même dû être à l'origine de la consultation référendaire, pour l'asseoir sur la souveraineté populaire. Vous auriez pu vous inspirer de la Constitution californienne qui prévoit qu'une norme adoptée par référendum ne peut être abrogée ou modifiée que par une autre décision populaire...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

…ou vous inspirer de la Cour constitutionnelle italienne qui adopte le même principe. Vous ne l'avez pas fait ! Vous refusez au peuple français le droit de s'exprimer sur une question qui engage son avenir. Ne lui dites pas que, désormais, cette question ne le concerne pas, parce qu'il se serait trompé en 2005. Ne le sanctionnez pas, sous prétexte qu'il n'est pas soumis à vos exigences. Ne lui dites pas que la voie parlementaire est plus noble que la voie référendaire. Ne lui dites pas que les élus sont plus légitimes que les citoyens, sous prétexte que les parlementaires, dans leur majorité, approuvent ce traité. Ne l'accusez pas d'être irresponsable, car vous seriez alors coupable de mépris à son égard, et ce serait inacceptable.

Nos concitoyens, dans leur majorité, ont demandé à être consultés. Tous ici, nous les représentons dans notre diversité. Prenons le temps de les écouter un peu mieux, puisqu'il semble que vous ne les entendez pas. Rouvrons donc le débat sur la procédure, et je suis convaincu qu'à son terme, notre peuple exigera, avec plus de force encore, d'être consulté par référendum. Cela pour une raison simple : ce que notre peuple a défait hier, seul notre peuple a le pouvoir de le refaire ou de le défaire à nouveau.

C'est pour ouvrir à nouveau ce débat, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le secrétaire d'État, vous ne dites rien sur votre conception de la démocratie ? C'est dommage ! On aurait aimé connaître votre conception de la démocratie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Yves Bur. Les communistes donnent des leçons de démocratie ! C'est nouveau, ça aussi ! Reportez-vous à l'histoire de votre mouvement, avant de donner des leçons de démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

En effet, les communistes sont bien mal placés pour nous donner des leçons de démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Fraysse, vous avez la parole pour une explication de vote. Je crois qu'il y a déjà eu un large débat sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, mes chers collègues, nous voterons cette motion de renvoi en commission. Pourquoi ? Parce que le sujet dont nous débattons est très important pour le pays et pour la construction européenne. Il ne peut donc pas être traité à la légère, sans un débat de fond permettant à chacun de se forger une opinion et de l'exprimer.

Évidemment, il est toujours important de donner à chacun les moyens de se forger une opinion. Mais, dans le cas présent, c'est essentiel pour le présent et l'avenir. Pour le présent, car après le référendum de mai 2005 qui a conduit au rejet du texte que vous nous proposiez alors, les Français veulent connaître le nouveau texte, qui, selon vous, tient compte de leurs préoccupations. Ils veulent pouvoir apprécier les contenus et en débattre. Ils veulent pouvoir à nouveau se prononcer directement, ce qui est légitime.

Mais au-delà, c'est indispensable pour l'avenir, car on ne construit pas l'Europe sans les peuples concernés, à leur insu, et encore moins contre eux, en essayant de les tromper. Pour aujourd'hui et pour demain, il est donc essentiel que nos concitoyens s'impliquent dans la construction de l'Europe, avec les autres pays, avec conviction et enthousiasme. Cela passe par une appréhension claire des enjeux, c'est-à-dire des avancées comme des obstacles. Comment faire progresser la citoyenneté européenne dans les consciences, en confisquant au peuple son pouvoir de décision, en l'empêchant de se prononcer, alors que 70 % de nos concitoyens déclarent souhaiter un référendum ? C'est une question d'appropriation, mais aussi et surtout, une question de fond, de démocratie.

Nous ne pouvons accepter que vous tentiez de passer en force sur un sujet aussi essentiel. C'est difficile de construire l'Europe, sans aucun doute. Surtout si l'on veut une Europe démocratique et au service de tous les peuples concernés. C'est difficile, comme toutes les grandes ambitions. Mais on ne construit rien de grand en contournant les obstacles, qui, alors, reviennent toujours comme un boomerang. Pour avancer, il ne s'agit pas de contourner mais de surmonter les obstacles : pour cela, il faut expliquer et convaincre.

Pourquoi avez-vous peur à ce point du verdict populaire ? Ne seriez-vous pas sûr de la qualité du texte que vous affirmez avoir modifié en tenant compte du « non » de 2005 ? C'est bien possible, et c'est même fort probable. Ce traité est d'ailleurs si proche du précédent que certains pays, comme l'Espagne, envisagent de ne même pas recourir à la voie parlementaire.

Vous n'êtes donc pas très sûrs. Mais ce n'est pas une raison pour remettre en cause le suffrage universel. On ne connaît pas le résultat d'une consultation avant de l'avoir menée : c'est une évidence. Mais c'est cela, la démocratie ! Et c'est ce que nous vous demandons avec force de respecter : la démocratie la plus élémentaire, la démocratie et rien d'autre. C'est pour l'obtenir que nous voterons la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je ferai trois observations brèves.

Tout d'abord, récuser la voie parlementaire en déposant une motion de renvoi en commission est quelque peu paradoxal, pour ne pas dire contradictoire : par nature, une telle motion vise précisément à s'en remettre à la procédure parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens dont nous disposons !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Deuxième remarque : comme cela a été maintes fois répété aujourd'hui, les élections présidentielles et législatives ont eu lieu ; le suffrage universel s'est exprimé sur les engagements, clairs, qui avaient été pris quant au traité simplifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Que faites-vous des 70 % de Français qui veulent un référendum ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Troisième observation : j'ai bien entendu les craintes de M. Vaxès au sujet d'une dérive atlantiste. Mais c'est précisément en vertu d'une telle crainte qu'il faudrait souhaiter bâtir une défense européenne !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

M. Vaxès déclare par ailleurs craindre les excès de la concurrence. Mais en ce cas, il faut précisément lui donner des limites, et c'est ce que permettra le traité européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

M. Vaxès nous a également dit qu'il fallait un minimum en matière de protection et de garanties sociales. Mais à quoi sert la Charte des droits fondamentaux, sinon justement à assurer de telles garanties ?

Il y a donc un certain paradoxe à refuser un traité qui apporte les outils et les procédures qui permettront de progresser dans le sens que vous souhaitez : si nous restons dans le droit actuel, ces progrès seront impossibles. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je pensais qu'après l'exception d'irrecevabilité défendue tout à l'heure par Alain Bocquet, la motion de renvoi en commission serait retirée. Michel Vaxès l'a tout de même défendue.

Le groupe Nouveau Centre votera bien sûr contre, comme il l'a fait pour l'exception d'irrecevabilité et la question préalable défendue par Nicolas Dupont-Aignan.

Puisque j'ai la parole, je voudrais demander à M. le secrétaire d'État de répondre à la question que je lui avais posée tout à l'heure au sujet de l'article 88-5 de notre Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Rochebloine, nous en sommes aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

J'entends bien, monsieur le président, aussi ai-je expliqué notre vote.

L'article 88-5, disais-je, dispose que toute adhésion d'un État à l'Union doit être soumise par référendum au peuple français. J'ai évoqué le cas de la Turquie, et M. le secrétaire d'État a quelque peu éludé la question. Peut-être pourrait-il nous répondre maintenant ? En tout état de cause, notre groupe, je le répète, votera contre le renvoi du texte en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 110

Nombre de suffrages exprimés 102

Majorité absolue 52

Pour l'adoption 13

Contre 89

La motion de renvoi en commission est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

La parole est à M. Jacques Myard, pour défendre l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Je souhaiterais que nous prenions acte des considérants et des décisions du Conseil constitutionnel.

Dans sa décision du 20 décembre 2007, ce dernier a confirmé la place de la Constitution au sommet de l'ordre juridique interne, auquel est bien sûr intégré l'ordre juridique communautaire. Il me semble en effet qu'il faut clairement énoncer que la Constitution demeure pour la France la norme suprême et qu'elle doit donc toujours primer, quelles que soient les dispositions du traité européen ou les normes dérivées.

C'est pourquoi je propose d'insérer, avant le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, une disposition simple :

« La Constitution prime toute norme de l'ordre juridique interne auquel est intégré l'ordre juridique communautaire. »

Sans cela, des directives ou des règlements pourraient contredire certaines dispositions de notre Constitution, s'agissant notamment des libertés publiques. Je pense par exemple à la laïcité, qui est spécifique à la France et n'est évidemment pas la norme communément admise dans d'autres pays d'Europe. Nous devons donc suivre le Conseil constitutionnel et inscrire ce qu'il a décidé dans notre loi fondamentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La Constitution prime déjà toute norme dans notre pays : la commission des lois a donc considéré que l'amendement était inutile.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Cet amendement est en effet inutile : dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a rappelé que la Constitution était au sommet de l'ordre juridique. Celle-ci tire sa force de ce qu'elle est notre texte fondateur. Le seul fait de devoir la réviser pour y intégrer les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne démontre d'ailleurs qu'elle est au sommet de l'ordre juridique.

Avis défavorable également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 1 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 12 et 13 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 12 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Je signale que nous avons malencontreusement oublié d'inscrire le nom de Simon Renucci parmi la liste des cosignataires de cet amendement.

Le 7 mai 1999, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été signée. Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, a expliqué que nous ne pouvions ratifier cette charte en raison du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution.

Par la suite, lors de l'examen de différents textes, nous avons essayé d'y revenir, regrettant que la démarche engagée en 1999 soit restée lettre morte. Après plusieurs échecs, j'espère donc que, ce soir, nous allons enfin régler ce problème. Si beaucoup le jugent accessoire, il revêt une importance particulière pour tous ceux qui s'intéressent à l'évolution du rapport de la France à ses langues régionales, lesquelles ne mettent pas en danger la République, dont la langue, répétons-le, est le français. Cependant, trop de personnes ont été humiliées parce que, à un moment donné de leur vie – notamment lors de leur entrée en école primaire –, on leur a demandé de renoncer à leur langue maternelle. Nous sommes nombreux à penser que cette humiliation a laissé des traces dans notre société ; il est donc temps de rendre justice à ces personnes. Nous parlons, avec entrain et sérieux, de diversité et d'enrichissement par la culture. Or je crois que la France est riche de ses cultures et de ses langues régionales. Beaucoup de progrès ont été faits : le Président de la République a récemment rappelé que ces langues étaient de plus en plus utilisées sur les chaînes de télévision régionales. Il souhaite que les créneaux horaires qui leur sont réservés soient plus importants.

Nous devrions donc nous réunir sur cet amendement, qui n'enlève rien à la langue française, que nous défendons. Cela permettrait de rendre justice à certaines personnes et contribuerait à l'enrichissement culturel.

L'amendement vise ainsi à compléter le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution par les mots : « dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine ».

Je souhaite que nous puissions enfin modifier notre Constitution en ce sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Le M. Marc Le Fur, pour défendre l'amendement n° 13 .

LeM. Marc Le Fur. Je voudrais que chacun dans cet hémicycle, quelles que soient ses convictions, sache que ce sujet passionne un certain nombre de nos concitoyens.

Certains parmi nous le savent car ils sont élus dans des circonscriptions où les langues, les identités et les cultures régionales ont beaucoup d'importance : je le souligne pour ceux de nos collègues à qui ces préoccupations sont peut-être moins familières. Nos débats de ce soir sont ainsi suivis, et certains de nos concitoyens en attendent beaucoup.

Le sujet concerne non seulement ceux qui parlent les langues régionales, mais aussi ceux qui, sans les parler, y voient un élément de leur identité et de leur culture. Chacun doit savoir qu'il n'y a là aucune nostalgie : ce sont bien souvent les jeunes qui se montrent les plus sensibles à cette question, notamment par le biais de groupes de musique. Internet, parce qu'il est un moyen moderne, est aussi devenu l'un des principaux vecteurs des langues régionales.

Pourquoi aborder cette question à l'occasion de notre débat constitutionnel ? Mme Lebranchu l'a très bien dit : parce que le Conseil constitutionnel, dans une décision de 1999, a en quelque sorte censuré a priori l'adoption par la France de la Charte européenne. Afin que nous puissions en débattre sereinement, il faut donc au préalable que nous levions ce veto : tel est l'objet de l'amendement.

Quels arguments nous opposera-t-on ? Comme souvent, on agitera des mistigris : il faudrait traduire les jugements des tribunaux ou les circulaires administratives... Mais tout cela est sans fondement. Pour qu'un pays ratifie la Charte, il suffit qu'il adopte 35 des 98 dispositions qu'elle contient. Si certaines d'entre elles sont contraires à nos traditions, nous ne les adopterons pas ! Pour autant, nous pouvons adopter certaines dispositions touchant à l'éducation, aux médias et à d'autres domaines dans lesquels nous les appliquons déjà. En Bretagne, en Alsace, au pays Basque, en Catalogne ou en Corse, il y a des réseaux publics, privés et associatifs qui font des choses remarquables en matière d'éducation. Il faut les reconnaître et les encourager.

On va nous dire aussi que ce serait ouvrir grand la porte aux langues de l'immigration – c'est ce que certains nous susurrent. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cette remarque est sans fondement, puisque la Charte ne porte que sur les langues régionales, clairement identifiées comme étant des langues locales d'Europe.

On nous objectera enfin que ce n'est pas l'objet du débat. Mais ne s'agit-il pas d'un débat européen ? Or la Charte est bien un texte européen ! La France est, avec la Turquie, l'un des rares pays à ne pas l'avoir ratifiée. Nous devons savoir évoluer, dans ce domaine, au rythme de nos voisins européens, qui ont abordé cette question sans en faire une question de principe.

Enfin, le Président de la République nous invite à nous enrichir de notre diversité, à la reconnaître et à la favoriser. Les langues régionales étant l'un des éléments de cette diversité, il nous faut donc les promouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Notre pays est suffisamment fort et uni, me semble-t-il, pour reconnaître cette diversité sans remettre en cause ses principes fondamentaux.

Pour toutes ces raisons, à l'occasion de cette révision constitutionnelle qui porte sur des questions européennes, nous vous proposons d'adopter cet amendement – qui ne vise pas à adopter la Charte mais à lever des obstacles constitutionnels, levée qui constitue un préalable à son adoption. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela ne vous étonnera pas, la commission a exprimé un avis défavorable à ces deux amendements, pour une raison très simple : tout le travail que nous avons effectué, depuis plusieurs semaines, a porté sur la révision constitutionnelle indispensable à la ratification par la France du traité de Lisbonne, et seulement sur cette révision. Nous n'avons ouvert aucun autre dossier de nature constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

De plus, comme chacun le sait, le Président de la République a pris l'engagement d'ouvrir un débat sur la réforme de nos institutions, et c'est la raison pour laquelle – et cette raison me paraît la plus importante – l'adoption de ces amendements me paraît tout à fait inopportune.

En revanche, une réflexion au sein de notre assemblée sur la question des langues régionales se justifie pleinement (« Eh oui ! » sur divers bancs) car les langues régionales font partie du patrimoine de notre pays et, à ce titre, elles méritent d'être préservées et transmises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est un débat politique aux niveaux national, régional et départemental, et une question d'identité.

Les langues régionales posent bien d'autres questions, mais faut-il, pour autant, aller jusqu'à modifier notre Constitution ? Je viens d'ailleurs d'entendre dire qu'il faut ratifier la Charte parce que les quelques dizaines d'objectifs visés peuvent d'ores et déjà être atteints. On voit la limite de ce raisonnement. Si l'on est en mesure aujourd'hui d'atteindre ces objectifs, faut-il pour autant ratifier la Charte ? Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait à ce jour ? Pourquoi cette question a-t-elle suscité tant de débats ? Pourquoi beaucoup d'entre nous n'ont pas encore pris de décision ? C'est que le texte comporte une seconde partie qui, si nous en autorisions la ratification, permettrait à une majorité au sein d'une assemblée de donner un jour le droit imprescriptible d'utiliser dans la vie privée ou publique une autre langue que le français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

C'est une question qui se pose ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur le président, pour la commission des lois, la sagesse commande de s'en tenir au chemin tracé, qui est approuvé par un grand nombre d'entre nous, dans la majorité et même au-delà : il s'agit de permettre la révision constitutionnelle, préalable indispensable à la ratification du traité de Lisbonne.

Par ailleurs, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'un débat sur le rôle et la place des langues régionales dans notre pays, dont elles sont une part du patrimoine. Nous attendons sa réponse. Lorsque le débat aura lieu, il nous dira quelle sera sa politique et l'action qu'il entend mener, avec les collectivités. Le cas échéant, il nous proposera une révision constitutionnelle. Mais ne nous abritons pas derrière cette révision : ce n'est pas en inscrivant dans la Constitution la Charte européenne des langues régionales que l'on pourra résoudre les problèmes liés à ces langues. Je pense que les choses sont beaucoup plus compliquées que cela.

En tout état de cause, la commission des lois appelle l'Assemblée à rejeter ces amendements et à rester dans la droite ligne de ce débat en permettant la ratification du traité de Lisbonne, traité qui, je le rappelle, est une grande victoire pour la France et pour le Président de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

J'abonderai dans le sens du président de la commission des lois. Au cours de ce débat, d'autres questions européennes ont été évoquées, mais nous avons choisi de ne pas les traiter aujourd'hui. Nous avons reporté, par exemple, la question de la ratification de l'adhésion de nouveaux pays. Il en va de même de la proposition formulée par le comité Balladur d'étendre la procédure d'examen des textes portant sur l'Union européenne à tous les textes, y compris ceux qui ne relèvent pas de l'article 34. Nous avons donc décidé de nous en tenir strictement à la révision nécessaire à la ratification du traité de Lisbonne. Restons-en là, et examinons ultérieurement la question que vient d'évoquer M. Le Fur.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Ces amendements, en effet, n'entrent pas dans le champ de la révision constitutionnelle qui vous est soumise et qui doit relancer l'Europe en permettant la ratification de ce traité simplifié, qui ne saurait être le cadre adapté à une discussion approfondie et délicate sur les langues régionales.

L'objectif de ce texte est de sortir l'Europe de la crise institutionnelle qu'elle connaît aujourd'hui. Cela dit, le Gouvernement s'engage à ce qu'un débat ait lieu devant le Parlement sur la question des langues régionales. Il est naturellement défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Conscient de l'intérêt que vous portez tous à ce débat, je donnerai exceptionnellement la parole à un représentant de chaque groupe avant d'inviter l'Assemblée à passer au vote des deux amendements.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

À titre personnel, je partage la conviction de ceux et de celles qui jugent nécessaire d'accorder une attention particulière à l'exigence de reconnaissance d'identité et au besoin de racines de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

C'est la raison pour laquelle j'ai signé l'amendement de Marc Le Fur. Mais dans le même temps, prenant acte de l'engagement du Gouvernement, tout en souhaitant voir figurer cette ratification dans un autre traité constitutionnel, je pense que nous ne devons pas brouiller le message européen, et je demande à mes collègues de ne pas le faire. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Lassalle

J'observe que ce n'est jamais le bon moment d'adopter un texte que nous aurions pourtant dû adopter il y a longtemps ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Tantôt pour une raison, tantôt pour une autre…

Cette fois-ci, nous allons modifier la Constitution française pour un fait on ne peut plus majeur : le Parlement va adopter un texte qui ne l'avait pas été par le peuple français. Ne peut-on en profiter pour rattraper ce grand retard et faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps – et que beaucoup de pays voisins ont déjà fait – en levant l'embargo qui, dans notre Constitution, empêche l'apprentissage des langues régionales ? Ce n'est pas un retour vers le passé. Comme vient de l'indiquer excellemment M. Méhaignerie : c'est notre tradition, notre culture, notre histoire, notre patrimoine, et la France n'a pas à en rougir. Si elle a du souci à se faire, c'est plutôt au sujet de l'anglais, qui gagne chaque jour davantage de terrain et qui, d'ici à dix ans, sera la langue unique dans la Communauté européenne !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il y a un sentiment que nous partageons tous : la diversité culturelle est une des richesses de la République. Or, on nous dit toujours que ce n'est pas le bon moment pour légiférer sur cette question. La dernière fois que notre assemblée l'a fait, le 24 janvier 2005, les mêmes amendements avaient été présentés, avec les mêmes arguments, et le Gouvernement de l'époque avait pris le même engagement : « Nous en discuterons plus tard » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Pourtant, il n'y a pas de sujet plus européen que celui des langues régionales, pour une raison très simple : je signale au président Warsmann que, depuis 1993, tout État adhérant à l'Union européenne doit obligatoirement signer la Charte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

À ma connaissance, parmi les anciens États de l'Union, seules l'Italie et la France ne l'ont pas ratifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

La France a elle-même signé la Charte, le 7 mai 1999 à Budapest, comme l'a rappelé Mme Lebranchu.

Pendant que nous discutons et que nous reportons la décision, les langues régionales meurent, faute de protection juridique et de reconnaissance officielle, et sont peu à peu menacées d'extinction. Je plaide donc, en cette année proclamée par l'ONU « année internationale des langues », en faveur de l'adoption par l'Assemblée de notre amendement et de la modification de la Constitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Nous avions effectivement abordé cette question, comme l'a rappelé notre collègue, lors de la discussion sur la composition du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Nous étions alors tous d'accord pour dire l'intérêt que nous portions aux langues régionales, mais la situation était quelque peu différente car les divergences au sein des divers groupes étaient telles que des incertitudes pesaient sur l'aboutissement de la révision constitutionnelle. Aujourd'hui, mes chers collègues, il n'y a aucune incertitude puisque votre majorité, au Sénat comme à l'Assemblée, est en mesure de faire adopter ce texte.

Dans ces conditions, monsieur le président de la commission des lois, quel risque prendrions-nous à soutenir l'amendement de Mme Lebranchu, qui vise simplement à compléter le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution par les mots : « dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine » ? Nous venons par ailleurs d'entendre dire, sur tous les bancs de cet hémicycle, que les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel et qu'à ce titre elles doivent être respectées. Inscrivons-le dans la Constitution, et nous ouvrirons la voie à la ratification du traité européen. Comme les autres élus du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, unanimes, je soutiens l'amendement n° 12 avec beaucoup de conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons procéder au vote sur ces deux amendements.

Je mets aux voix l'amendement n° 12 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur le président, je demande la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis désolé, mais le vote a été annoncé !

Je mets aux voix l'amendement n° 13 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Dans son discours prononcé à Strasbourg, le Président de la République a clairement indiqué que le compromis de Luxembourg restait en vigueur. Il nous faut donc suivre le Président et constitutionnaliser ce compromis. À cette fin, je vous propose de compléter le dernier alinéa de l'article 5 de la Constitution – qui traite de la spécificité et de la mission du Président de la République –, en ajoutant, après les mots : « du territoire », les termes : «, du respect des traités et des intérêts de la France au sein des organisations internationales, et notamment au sein de l'Union européenne. »

Cet ajout, qui donne pour mission au Président de la République de faire respecter les intérêts de la France au sein des organisations internationales, notamment au sein de l'Union européenne, est une réponse à son discours de Strasbourg, dans lequel il a indiqué que le compromis de Luxembourg demeurait en vigueur. Je proposerai plus tard d'insérer, après l'article 88-7 de la Constitution, un article 88-8 pour constitutionnaliser le compromis de Luxembourg.

Le Gouvernement ne peut que nous suivre, faute de quoi, madame la garde des sceaux, il désavouerait le Président de la République ! (Sourires sur divers bancs.) Et je ne puis imaginer que vous osassiez le faire ! (Même mouvement.) Puisque nous soutenons ici la volonté du Président de la République de défendre les intérêts de la France partout où ils sont menacés, je propose à l'Assemblée d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Myard, je vous rappelle que seule la langue française doit être utilisée dans l'hémicycle ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

« Que vous osassiez » est on ne peut plus français, monsieur le président ! (Même mouvement.)

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement en discussion ?

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

L'article 5 de la Constitution rappelle que le Président de la République est « le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. » Il va de soi que cette responsabilité s'exerce également au plan international. L'amendement est donc inutile, et le Gouvernement y est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Ce n'est pas bien de désobéir au Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 2 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Cet amendement a pour objet de systématiser la procédure de contrôle de constitutionnalité et de compléter l'article 54 de la Constitution par deux alinéas. Le premier précise que tout traité modificatif du traité sur l'Union européenne ou du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit, avant l'autorisation de sa ratification, être soumis au Conseil constitutionnel aux fins de vérifier s'il ne comporte pas une clause contraire à la Constitution. Le second alinéa propose que l'autorisation de ratification de tout traité prévu à l'alinéa précédent dont le Conseil constitutionnel a déclaré qu'il comporte une clause contraire à la Constitution est soumise au référendum par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

C'est à mon avis le seul moyen de réconcilier les Français avec la construction européenne, car ils en seront partie prenante. On les appelle à approuver ou à rejeter une proposition. Grâce à cet amendement, nous ferons oeuvre utile : la nation se sentirait concernée, puisque consultée sur une question dont vous cherchez à l'écarter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission des lois défend l'équilibre actuel des institutions de la Ve République, qui permet la procédure en cours.

J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Également défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 3 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Le titre XIV de la Constitution porte sur les accords d'association. Il a d'ailleurs été fortement réduit, puisqu'en 1958, il comportait d'autres clauses.

Cela étant, le Président de la République a récemment parlé, à juste titre, de « politique de civilisation ». Là encore, nous devons suivre ses conseils et inscrire dans la Constitution sa volonté de promouvoir des accords en faveur de cette politique. Je propose donc d'y inscrire la promotion de la langue et de la culture françaises, car il me semble que la francophonie doit figurer dans la Constitution, et ce à l'article 88. D'autre part, je ne comprendrais pas que le Gouvernement refuse d'accéder à la demande forte du Président de la République (Sourires), qui souhaite valoriser les liens avec les pays riverains de la Méditerranée, sous la forme d'une Union méditerranéenne. Un peu d'audace, madame la ministre ! Il faut aller dans ce sens. Aujourd'hui on parle d'Europe. Mais ne vous y trompez pas ! La paix ne se joue ni sur la ligne bleue des Vosges ni sur la Vistule, mais dans les pays du pourtour méditerranéen. C'est là que nous allons être confrontés à des difficultés, et la France doit donner un signal fort à tous ces peuples avec lesquels nous avons des liens multiséculaires, en inscrivant cette Union dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

D'abord, l'article 2 de notre Constitution dit suffisamment l'importance de la langue française.

Ensuite, M. Myard propose de faire figurer l'Union méditerranéenne dans la Constitution. Je partage, bien sûr, l'ambition du Président de la République de construire cette Union, mais elle n'existe pas encore. En outre, il ne serait nécessaire de la faire figurer dans la Constitution que si elle entraînait des transferts de compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

S'il ne s'agit que d'un traité international, il n'est pas utile de le mentionner dans notre Constitution.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis – à mon grand regret, monsieur Myard – un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Et vous avez raison, monsieur Myard.

Plus sérieusement, nous partageons tous vos intentions, mais il n'est pas nécessaire, pour les raisons évoquées par le président de la commission des lois, d'inscrire vos propositions dans la Constitution. L'Organisation internationale de la francophonie, issue de la Convention de Niamey en 1970, a développé l'action que vous souhaitez, sans que cela figure dans la Constitution. Vous pouvez compter sur la présidence française pour veiller à ce que l'usage du français, et plus généralement le multilinguisme, soit développé dans les institutions communautaires, car c'est un objectif important. Nous le ferons également dans le cadre de l'année du dialogue interculturel, que nous clôturerons sous présidence française.

Enfin, s'agissant de l'Union méditerranéenne, je ne peux pas dire mieux que le président de la commission des lois. C'est un objectif important du Président de la République, mais il n'est nul besoin de l'inscrire dans la Constitution. La francophonie et l'Union méditerranéenne feront en leur temps l'objet de nécessaires débats.

C'est pourquoi j'émets sans regrets – s'agissant de l'aspect juridique – un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 4 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Patrick Roy.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Selon notre Constitution, le peuple s'exprime au travers de deux procédures. En premier lieu, par le biais de ses représentants, dont les débats sont parfois vifs, parfois apaisés, ou encore pleins d'humour. En tout cas, c'est au nom du peuple français que nous parlons ici, à l'Assemblée.

La deuxième procédure est le référendum. Celle-ci est si rarement utilisée qu'on peut se rappeler les différents référendums ayant eu lieu sous la Ve République. Nombre d'entre eux ont marqué notre pays, parce que les semaines ou les mois qui précèdent le référendum donnent lieu à un long débat. Le dernier en date n'a pas échappé à la règle : j'ai été surpris de voir à quel point les Français étaient d'abord ignorants du texte qui leur était soumis, et comment ils se le sont ensuite approprié pour voter en pleine connaissance de cause le jour du référendum.

La nature démocratique d'un référendum, utilisé à l'occasion de grands événements, est évidemment supérieure à celle d'un vote du Parlement, même s'il y a égalité juridique entre les deux procédures. Seul le peuple peut défaire ce qu'il a fait. C'est ma conviction profonde, et, que l'on soit pour ou contre ce traité, le Parlement ne peut s'opposer au vote du peuple souverain : il doit s'incliner. Vous nous soumettez, deux ans après le référendum sur le projet de Constitution européenne, un traité de Lisbonne, qui n'en est que le copié-collé. Il y a, bien sûr, quelques différences, mais elles sont minimes, et il ne s'agit en aucun cas d'un nouveau texte. Le remettre en débat devant le Parlement est donc un déni de démocratie, puisque le peuple a déjà tranché.

Enfin, permettez-moi de développer le dernier argument pour vous expliquer mon opposition à l'article 1er et, plus généralement, à l'ensemble du texte dont nous débattons aujourd'hui. On nous fait valoir que le Président de la République avait clairement annoncé ses intentions pendant sa campagne. Le candidat de l'époque, Nicolas Sarkozy, avait en effet affirmé qu'il procéderait ainsi. Mais il avait dit qu'il négocierait un nouveau traité, ce qui n'est pas le cas, puisque le précédent n'a pas été modifié. Faut-il considérer qu'une fois le Président élu, il n'y a plus de débat possible dans notre pays ? À quoi servirions-nous, et à quoi servirait le peuple ? L'argument ne tient pas !

Je le répète, je suis très opposé à l'article 1er et à l'ensemble du texte. Seul un nouveau référendum peut modifier ce que le peuple a décidé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Je profite de cette discussion sur l'article 1er pour répondre à M. de Charette sur une question importante pour notre débat. À la fin de la discussion générale, le rapporteur pour avis a contesté le fait que l'absence d'une majorité des trois cinquièmes déboucherait automatiquement sur l'organisation d'un référendum, thèse que j'ai défendue à la tribune. Je suis désolé, mais je ne partage pas son avis.

À partir du moment où le projet de révision est adopté dans les mêmes termes par chacune des deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat, ce qui est tout à fait envisageable, mais que la majorité des trois cinquièmes n'est pas obtenue, le Président de la République n'a pas d'autre choix, pour mener à bien la ratification, que d'organiser, sur la base de l'article 89 de la Constitution, un référendum sur la révision de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Interrogeant le peuple sur cette révision, il ne pourrait pas faire autrement que de l'interroger aussi sur sa ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Se produirait alors ce qui est déjà arrivé dans l'histoire constitutionnelle française : un référendum comportant deux questions.

La première, sur la base de l'article 89, pourrait être libellée de la manière suivante : « Approuvez-vous le projet de révision de la Constitution nécessaire à la ratification du traité européen ? »

La deuxième question, sur la base de l'article 11,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il ne pourrait pas en poser deux en même temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…serait : « Au cas où la révision de la Constitution serait approuvée, approuvez-vous la ratification du traité européen ? »

Tout cela serait parfaitement conforme à notre Constitution.

Encore une fois, faute d'obtenir la majorité des trois cinquièmes, le Président de la République serait obligé d'emprunter cette voie pour mener à bien la ratification du traité européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

J'ai réécouté attentivement M. Dolez, qui avait déjà exposé sa thèse tout à l'heure. Je ne suis pas devin et je ne prétends pas détenir une compétence infaillible en matière de droit constitutionnel, mais la lecture de l'article 89 de la Constitution me paraît constituer un obstacle déterminant à sa thèse.

Le premier alinéa prévoit que l'initiative de la révision de la Constitution appartient au Président de la République ; le deuxième, que le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. On lit ensuite : « La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum. Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »

La précision selon laquelle « le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès » constitue un obstacle déterminant à la thèse que vient d'exposer brillamment M. Dolez. À mon sens, une fois que le Parlement réuni en Congrès s'y est opposé, la modification de la Constitution devient impossible.

À en croire M. Dolez, le Parlement pourrait être mis en opposition avec le peuple, puisqu'on demanderait au second de contredire ou d'approuver le premier, ce que la Constitution n'envisage à aucun moment dans le cadre de la procédure référendaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

C'est pourtant exactement ce qui s'est produit en 2005 !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Je ne crois donc pas que l'on puisse procéder de la sorte. Quant à savoir si l'on peut poser aux deux questions dans un référendum, le problème ne se posera que dans un second temps. Mais la possibilité, si le Congrès rejette une révision constitutionnelle, de s'adresser à cette instance d'appel que serait le peuple,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il ne s'agit pas d'une instance d'appel, mais bien du peuple, qui est souverain !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je regrette que nous nous écartions un peu du texte.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je partage l'avis de M. de Charette. La procédure de révision de la Constitution comprend deux étapes. Dans un premier temps, les deux chambres doivent voter en termes identiques, et, dans un second temps, on fait le choix, par exemple, du Congrès. Si la majorité obtenue au Congrès est de trois cinquièmes, la révision est acquise ; dans le cas inverse, la procédure est close. Pour la mettre à nouveau en oeuvre, il faut repartir de la première étape, c'est-à-dire saisir les deux chambres et les faire voter ; et on va dans ce cas au référendum. Il n'y a pas d'autre manière de faire.

Raisonnons par l'absurde : imaginez, monsieur Dolez, que les deux chambres votent en termes identiques et que, soumise au référendum, la modification soit repoussée, croiriez-vous un instant possible que le Président de la République déclare que, le peuple ayant émis un vote négatif, il convoque le Congrès ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

C'est exactement ce qui se passe en ce moment !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Non !

Il faut respecter la Constitution. Les deux assemblées émettent un vote identique. Puis, le Congrès se réunit. En cas de refus, c'est l'échec : toute la procédure est arrêtée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Patrick Roy, inscrit sur l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

M. de Charette est un homme charmant, compétent et très intelligent, mais un de ses propos m'a heurté. Sans entrer à nouveau dans le débat technique qui vient d'avoir lieu, je suis choqué par l'idée que le peuple ne puisse pas s'opposer à une décision du Parlement. N'accepte-t-on pas, à l'inverse, que le Parlement s'oppose à une décision prise par le peuple ? Il y a là une asymétrie qui me choque beaucoup.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je me garderai bien de faire remarquer à M. Roy que, dans son intervention, il n'a pas été question de l'article 2. (Sourires.)

Nous en venons à la discussion des amendements déposés sur l'article.

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

J'ai déposé cet amendement en espérant obtenir quelques informations du Gouvernement. Il existe, au sein de la communauté économique, une multiplicité de communautés parmi lesquelles figure une Communauté européenne de l'énergie atomique. Mais, paradoxalement, le texte très substantiel du traité de Lisbonne ne la mentionne pas, contrairement au titre XV du traité constitutif. Aurait-elle disparu ?

Renseignements pris, la Communauté européenne de l'énergie atomique ne serait pas incluse dans l'Union européenne, parce que les États qui en sont membres, soucieux de conserver leur indépendance, ne l'auraient pas souhaité, peut-être pour éviter qu'on se mêle de leurs affaires ou par crainte d'une trop grande complexité. Quoi qu'il en soit, elle possède une personnalité juridique distincte. J'attends quelques explications du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Que M. Myard se rassure : un protocole joint au traité de Lisbonne prévoit précisément cette disposition, qu'il n'est donc pas nécessaire de mentionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Pour être plus précis, le protocole qui modifie le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique précise, dans son article 3 modifiant l'article 106 bis du traité Euratom, que les références du traité sur l'Union européenne sont réputées englober la Communauté européenne de l'énergie atomique et concernent donc ledit traité Euratom. Cette disposition prévue par le protocole est de droit. L'amendement est donc satisfait. S'il n'était pas retiré, je serais désolé d'émettre un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

L'article 88-2 de la Constitution indique actuellement que la France consent aux transferts de compétences « sous réserve de réciprocité ». Or, à l'évidence, cette mention ne figure pas dans l'alinéa 4 de l'article 2, et c'est bien dommage. La réciprocité est, en droit international, le fondement de la mise en oeuvre des traités, et je juge contraire à notre intérêt que cette notion disparaisse.

Par l'amendement n° 6 , je vous propose donc de la rétablir à l'article 88-1, en indiquant, à l'alinéa 4 de l'article 2 : « Sous réserve de réciprocité, la République participe à l'Union européenne et à Communauté européenne de l'énergie atomique… ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

La commission n'est pas convaincue de la nécessité de cet amendement, qui nous paraît satisfait. La réserve de réciprocité n'est pas nécessaire puisque tous les traités antérieurs ont été ratifiés par tous les États membres de l'Union et que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne est subordonnée à la ratification unanime de ces mêmes États.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 6 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Cet amendement propose de substituer, à l'alinéa 6 de l'article 2, aux mots « qui sont », les mots « qui, de l'avis obligatoire du Conseil d'État, préalablement à leur adoption, sont, en droit français, », afin que l'on sache clairement ce qui est de nature législative. Cette modification de l'article 88-4 consacrerait la consultation obligatoire du Conseil d'État.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 7 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Je le retire, compte tenu des explications qui ont été fournies précédemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 14 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir, à moins qu'il ne le retire également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Pas du tout ! C'est un amendement fondamental. L'examen du principe de subsidiarité par le Parlement appelle, non une simple discussion, mais une véritable délibération, comme le précise l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il ne faut pas exagérer : l'Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas des chambres d'enregistrement, mais des assemblées souveraines, qui, à ce titre, ne discutent pas, mais délibèrent… à moins qu'on ne considère que l'on n'y parle beaucoup et qu'on y ment toujours ! Mais il y a des limites à tout !

Je maintiens donc cet amendement qui propose de substituer, dans l'alinéa 11, au mot « discussion », le mot « délibération ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela nous semble être une souplesse que de permettre, hors session, hors séance plénière et même hors commission permanente, un contrôle continu de l'activité de l'Union, comme le prévoit l'article 88-4. Dès lors, pourquoi l'exiger formellement ? La proposition contenue dans l'amendement constituant un recul à l'égard d'un contrôle pouvant s'exercer pendant toute l'année, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Dans ce cas, ce ne sera plus le Parlement qui exercera le contrôle ! Réveillez-vous, chers collègues, c'est fondamental !

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Même observation, même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 8 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 9 .

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir, s'il le souhaite. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Bien sûr que oui ! J'irai jusqu'au bout, et « s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ».

Afin de mettre en musique l'ensemble des dispositifs prévus à l'article 2, l'amendement n° 9 propose qu'une loi organique détermine les conditions de son application. Cela donnerait du corps aux avis délibérés que rend le Parlement français – Assemblée nationale et Sénat – dans le dialogue entre la France et l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Une loi organique votée dans les mêmes termes n'est pas nécessaire. Le règlement de chaque assemblée, souveraine à cet égard, définira ces modalités. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Même avis du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 9 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 10 portant article additionnel après l'article 2.

La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Madame la garde des sceaux, vous avez beaucoup de qualités, sauf une : celle de ne pas savoir désobéir. (Sourires.) C'est ce que le premier lord de l'amirauté disait notamment d'un amiral anglais en 1914 faisant référence à Nelson. Il faut parfois savoir aller au-delà. Je vous demande donc de constitutionnaliser le compromis de Luxembourg. En effet, il ne suffit pas de dire simplement dans un discours, comme l'a fait justement le Président de la République, à Strasbourg, que le compromis de Luxembourg existe. Nous devons le faire figurer dans notre Constitution pour montrer que, lorsque des intérêts fondamentaux sont en jeu, les discussions doivent être poursuivies et que la Constitution française prime. Tel est le sens de cet article additionnel. Croyez-le bien, je continuerai à me battre car, pour moi, la Constitution est la garantie d'un peuple libre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous allons consentir librement à des transferts de compétences, précisant des règles d'unanimité, de clauses passerelles, de majorité qualifiée. Cet amendement va dans le sens contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Oh ! Vous désavouez le Président de la République ! C'est scandaleux ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Cela étant, si notre pays devait accepter d'autres transferts de compétences, un nouveau débat et un nouveau vote auraient lieu dans cet hémicycle.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l'amendement n° 10 .

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur Myard, le Gouvernement partage l'avis du président de la commission des lois. En effet, il appartient à chaque État membre d'invoquer, ou non, des intérêts très importants en application du compromis de Luxembourg, qui est de nature politique. Conformément à l'esprit de la Constitution de la Ve République, le pouvoir d'appréciation en ce domaine relève du pouvoir exécutif, ce qui implique – et je suis conséquent avec les conclusions que j'en tire sur d'autres dispositions – que le Président de la République n'a pas à être lié dans l'exercice de ce pouvoir.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

De surcroît, il n'y a pas de lien entre le compromis de Luxembourg et notre Constitution puisque ce compromis porte sur des modalités de discussion et de vote au sein du Conseil de l'Union européenne, ce qui ne relève pas de l'équilibre des pouvoirs définit par notre Constitution entre pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Enfin, le présent projet de loi constitutionnelle a pour seul objet de ratifier le traité de Lisbonne, ce qui a donné lieu à des débats très intéressants. Nous avons dit que c'était un traité modificatif qui n'affecte pas les engagements antérieurs qui ont pu être pris.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'amendement n° 10 .

(L'amendement n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Cet article ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous avons terminé l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur ce projet de loi auraient lieu le mercredi 16 janvier, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 16 janvier 2008, à zéro heure cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton