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Séance en hémicycle du 24 mars 2010 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant réforme du crédit à la consommation (nos 1769, 2150, 2139, 2129, 2131).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures treize minutes pour le groupe UMP, six heures trente-huit pour le groupe SRC, trois heures quarante-huit pour le groupe GDR, trois heures dix pour le groupe Nouveau Centre et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ma chère collègue, je vous remercie pour votre amabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut toujours juger après, et je vous recommande de faire la même chose avec sa majesté impériale, cela vous éviterait les déceptions auxquelles vous êtes régulièrement confrontés, dimanche dernier encore, alors que, en fin de compte, vous, vous n'y êtes pour rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, mais l'Alsace est un peu le placebo dont on se sert dans les expériences médicales : d'une certaine manière, cela permet de comparer avec ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certes. Toutefois, vous en conviendrez, les réalités des territoires d'outre-mer sont un peu spécifiques.

Mais nous ne sommes pas là pour commenter les élections de dimanche dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela dit, à défaut de les commenter, vous devriez en tirer les leçons, au risque de connaître d'autres déconvenues.

Mais venons-en au projet de loi.

Vous dites, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, « vouloir développer le crédit responsable ». Si la raison de ma demande de renvoi en commission tout à l'heure était de nous laisser la possibilité d'étudier d'autres solutions, la crainte de vous voir éprouver quelque difficulté à comprendre et à accepter ce que je vous disais m'a amené à déposer, par précaution, soixante-quinze amendements.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela répond à la remarque de M. le rapporteur qui réclamait des propositions. Des propositions, vous en aurez donc et j'aurai le temps de vous les expliquer.

Votre projet, en fin de compte, fait disparaître ce qui est le plus scandaleux, le plus inacceptable et on ne peut pas mettre de côté ces améliorations, même si elles ne traitent pas le fond du problème. Mais si vous supprimez ce qui est le plus détestable pour les personnes qui sont en situation de surendettement, vous contribuez aussi à protéger les banquiers dont l'image est si dégradée. Chaque fois que vous faites apparaître un banquier pour ce qu'il est, c'est-à-dire un usurier,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…vous ne contribuez pas à la valorisation de son image.

Vous dites également, madame, vouloir « renforcer l'encadrement de la publicité afin de supprimer les pratiques agressives qui empêchent les ménages de prendre un engagement réfléchi lorsqu'ils sont sollicités ». En réalité, vous vous contentez d'attaquer uniquement les formules publicitaires les plus fallacieuses, du type « améliorez rapidement votre pouvoir d'achat ». Or le recours massif aux crédits à la consommation, qui sont, je le rappelle, excessivement chers, provoque des drames humains. L'ampleur inquiétante des phénomènes de surendettement devrait nous inciter, chers collègues, à considérer ce dossier comme une question de santé publique.

Nous ne pouvons en effet accepter que quelques grands groupes s'enrichissent démesurément sur le dos de la santé financière de nos concitoyens en exploitant une faiblesse, le plus souvent passagère. La publicité mensongère et le matraquage permanent s'apparentent à du harcèlement. Les personnes qui connaissent des difficultés de paiement sont souvent tyrannisées par l'agressivité du démarchage. Or, comme le disait le grand auteur portugais Fernando Pessoa : « C'est la liberté de tyranniser, qui est le contraire de la liberté. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous en convenez, ma chère collègue.

Nous demanderons donc que les publicités à la télévision, à la radio, sur internet, ainsi que le démarchage par téléphone soient tout simplement interdits.

Ce projet de loi vise également à « rendre le crédit renouvelable plus responsable en mettant fin aux pratiques qui en font un crédit permanent qui ne se rembourse pas ou trop lentement ».

Si l'on peut effectivement considérer que cette mesure va dans le bon sens, force est néanmoins de constater que vous méconnaissez totalement la gravité de la situation. Le crédit revolving doit, selon nous, être interdit !

J'entends, bien sûr, celles et ceux qui me disent que l'interdiction de ce crédit, tout comme l'abaissement des taux de l'usure, priverait de fait les ménages les plus modestes de l'accès au crédit, les banques et autres vendeurs de crédits étant obligés de « rémunérer » le risque qu'ils prennent en prêtant à des pauvres en appliquant des taux d'intérêt prohibitifs. Ces pauvres banquiers feraient donc acte de charité quasiment au sens des Évangiles en prêtant aux ménages modestes ! Je vous rappelle à ce sujet le mot de Voltaire, qui avait la dent dure – Voltaire avait l'humour qui mord : « Si vous voyez un banquier se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui : vous pouvez être sûr qu'il y a quelque profit à prendre. » (Sourires.) Vous devriez révérer cet homme à genoux car Voltaire était l'un des idéologues de la bourgeoisie s'affirmant à la veille de la Révolution française. Voltaire, qui a participé à la défense de grandes causes, avait bien vu ce qu'était un banquier : une personne uniquement attirée par l'appât du gain, du lucre, de l'enrichissement sans cause, et même de l'enrichissement en dormant, comme aurait dit un Président de la République.

Ces contradicteurs doivent être partisans de la double peine que j'évoquais déjà dans la motion de procédure. En effet, commet appeler cela autrement lorsqu'on voit que les ménages pénalisés par un niveau de salaire indécent doivent en plus supporter les taux d'intérêt les plus élevés du marché ? Il faudrait en réalité parler de « triple peine » puisque, comme le notait le rapport de la Banque de France que je citais, 75 % des personnes surendettées ont été victimes d'un accident de la vie.

Plutôt que d'exploiter la détresse des gens, la solidarité nationale devrait donc jouer en leur faveur. C'est le sens d'un amendement présenté par le groupe de la gauche démocrate et républicaine qui vise à instituer un crédit social, proposé à un taux extrêmement faible par les banques qui contribueraient ainsi à réparer les dégâts qu'elles ont provoqués. J'entends bien ce que peut avoir de choquant pour certains la juxtaposition du substantif « crédit » et de l'adjectif « social » mais, précisément, il s'agit de rompre avec ce qui existe actuellement et qui mène tant de familles à la détresse et à la misère.

Ce crédit social s'adresserait à ceux de nos concitoyens qui, à la suite d'un accident de la vie, auraient besoin d'un petit coup de pouce passager afin de rebondir. Il s'agit d'une mesure fondée sur le principe de la solidarité nationale et inspirée des principes assurantiels qui ont présidé à la création de la sécurité sociale par le Conseil national de la Résistance.

Votre projet de loi, madame la ministre, prétend aussi « renforcer les obligations et les responsabilités des prêteurs, notamment en matière d'évaluation de la solvabilité des emprunteurs ». Là encore, votre texte ne tire pas toutes les conséquences de la situation du pays. Il n'est pas à la hauteur.

Afin de réellement responsabiliser les prêteurs, il faudrait notamment que les banques qui ont accordé un crédit à un emprunteur dont la solvabilité était manifestement insuffisante à la date de conclusion du contrat ne puissent exercer de procédure de recouvrement à l'encontre de l'emprunteur défaillant. Autrement dit, si la capacité de remboursement du client n'a pas été correctement vérifiée par la banque, celle-ci ne pourra réclamer le remboursement de cet argent. Je me permets de vous rappeler l'exemple de cette concitoyenne de Montreuil qui a continué à faire l'objet de harcèlement de la part de sa banque alors que celle-ci connaissait parfaitement les difficultés auxquelles elle devait faire face.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Mme Monique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, ce n'est pas Mme Michu, c'est Mme Monique L.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous avions bien suivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Remiller

Mais l'argent n'appartient pas à la banque, il appartient à ses clients !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, je voudrais raisonner un instant par analogie.

Bien sûr, dès que vous voulez prendre un petit sou à un banquier, celui-ci pousse des cris comme un cochon qu'on va égorger. Mais, rappelez-vous les cartes de crédit. Certains collègues étaient déjà présents dans cet hémicycle dans la période 1997-2002. À l'époque, j'avais fait voter une vingtaine d'amendements antifraude car, vous vous en souvenez, les cartes de crédit étaient très fraudées – elles le sont un peu moins aujourd'hui. Comment avons-nous fait pour convaincre les banquiers de combattre efficacement la fraude, mes chers collègues ? C'est très simple : en mettant la fraude à leurs charges. Cela a été formidable : dès lors, ils ont sécurisé le système beaucoup plus qu'ils n'avaient consenti à le faire auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les cartes de crédit portaient déjà une puce et les titulaires d'un compte dans une banque pensaient être protégés par cette puce. Ce que ces personnes ne savaient pas, c'est que, pour certains banquiers, la puce n'avait qu'un rôle décoratif et que le distributeur automatique de billets n'était capable de lire que la bande magnétique.

Par charité, madame la ministre, je tairai le nom du grand établissement que vous avez renfloué en 2008 et qui était le plus coupable de telles pratiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, il ne s'agit pas du Crédit agricole. Mais ne jouons pas à la bataille navale, sans quoi on finira par identifier le coupable – punition méritée, mais un peu tardive. (Sourires.)

Raisonnons par analogie, madame la ministre. Les banquiers ont fait preuve d'un zèle extraordinaire pour éviter la fraude aux cartes de crédit depuis qu'on en a imputé la charge à leur débit. Je propose donc, monsieur le rapporteur, que, exactement de la même façon, lorsqu'un établissement prête à une personne dont il est prouvé qu'elle est insolvable, le prêt soit à la charge de l'établissement prêteur. La moralisation serait alors très rapide.

Enfin, madame la ministre, par ce projet de loi, vous prétendez accélérer les procédures de surendettement en renforçant les pouvoirs des commissions de surendettement. La réalité, mes chers collègues, la voici : ce texte réduit considérablement le rôle du juge dans les procédures de désendettement. Écarter les juges devient pour vous une véritable obsession : on l'a vu lors de l'affaire HADOPI, où vous avez confié la responsabilité de la répression à des personnes qualifiées – ou dont vous avez décidé qu'elles l'étaient –, en éliminant les juges. Heureusement, le Conseil constitutionnel, plus sage que le Gouvernement, a rétabli une situation plus normale.

Par le présent texte, vous vous attaquez une fois encore à l'institution judiciaire, mettant un peu plus à mal le fonctionnement de l'État de droit. Dois-je vous rappeler que le juge est, dans ces commissions, un garant d'indépendance, d'objectivité et de compétence juridique ? En supprimant le juge, vous faites en réalité un cadeau aux établissements de crédit qui, eux, sont bien représentés dans ces commissions.

Vous prétendez accélérer les procédures de surendettement : vous ne croyez pas si bien dire, car c'est le surendettement de nos concitoyens que vous allez accélérer en limitant fortement les remises de dettes légitimement consenties jusqu'ici. Si votre texte va parfois dans le bon sens, quoique bien trop timidement, c'est sur ce point – le rôle du juge – qu'il va sceller une véritable régression par rapport à la législation actuelle.

Un dernier point, madame la ministre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) …

Plusieurs députés du groupe UMP. Il y en a un paquet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous l'ai dit, la répartition des richesses dans le pays vous pose un problème conceptuel. En définitive, le surendettement résulte pour l'essentiel de la ringardise des salaires : les gens ne sont pas payés à proportion du travail qu'ils fournissent effectivement, surtout relativement aux actionnaires.

Mais, madame la ministre, bien que nous dialoguions depuis près de trois ans, je vois que je ne suis pas parvenu à vous convaincre. (Mme la ministre sourit.) Comme je vous l'ai dit, ainsi qu'au Premier ministre, je suis persuadé que cela est dû non pas à de la mauvaise volonté de votre part, mais à un défaut de formation (Sourires), un déficit intellectuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je mets en cause non pas votre capacité intellectuelle – je ne me le permettrais pas, monsieur Dionis du Séjour –, mais les connaissances accumulées : il vous manque le socle formé par la connaissance des bases de l'économie politique, en particulier de la formation de la valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela vous conduit à des partis pris qui vont toujours dans le même sens : en faveur du capital…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

… et du travail mort plutôt que du travail vivant, comme disait Marx.

Aussi, madame la ministre, ai-je une proposition à vous faire, puisque vous avez saucissonné la discussion, que nous devons reprendre le 1er avril ; j'espère que cette date n'est pas symbolique et que le débat sera aussi sérieux que nous l'escomptons.

On dit que votre capacité de travail est grande, et je ne doute pas que ce que vos maîtres ne vous ont pas appris, vous ne puissiez l'acquérir par vous-même afin d'enrichir notre débat. (Sourires.) Ainsi, vous qui portez la politique économique de notre pays, vous défendrez des propositions justes quant à la répartition des fruits du travail.

Voilà pourquoi, madame la ministre, puisque les petits cadeaux entretiennent l'amitié, je vous offre le livre II du Capital, du grand Karl. (M. Brard remet un livre à Mme la ministre. – Rires sur tous les bancs et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce n'est pas une édition chère : je ne vous l'offre pas sur papier bible !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Merci, monsieur Brard. L'heure des cadeaux étant passée, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je suis désolé, madame la ministre : je n'ai rien à vous offrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Il est vrai que, depuis hier, vous êtes fâchés…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Madame la ministre, madame la présidente, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, notre assemblée se saisit aujourd'hui de la réforme du crédit à la consommation.

Le débat sur l'opportunité et la moralité du crédit est aussi vieux que le monde ; il a fallu attendre le Moyen Âge pour que les grandes religions atténuent leurs condamnations à son endroit. Il n'est donc pas inutile, alors que le présent débat commence, de souligner que le crédit à la consommation peut être opportun d'un point de vue économique et sain d'un point de vue tant social que moral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Bien avant : j'ai cité le Moyen Âge.

Dans une économie moderne, les ménages ne devraient pas être obligés de préfinancer tous leurs achats de biens durables. Une telle situation où, selon les économistes, les ménages sont contraints en liquidité, n'est ni souhaitable ni optimale. Elle prévaut encore dans certains grands pays émergents où les systèmes financiers sont peu développés. On en connaît les conséquences : moindre bien-être, nécessité d'accumuler préalablement les encaisses nécessaires à tout achat important et, en conséquence, excédent structurel de l'épargne.

Il va donc falloir faire le tri entre le bon grain et l'ivraie du crédit à la consommation – je n'ai pas les mêmes références que M. Brard, madame la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'ivraie, c'est, à l'évidence, une partie de ce crédit à la consommation, accessible, à des conditions qui frôlent l'usure, à des personnes à qui leurs ressources ne permettent manifestement pas de se l'offrir.

Madame la ministre, le surendettement entraîne des situations de détresse qui ne laissent pas les députés indifférents. En effet, dans le cadre de notre travail parlementaire, nous jouons tous, de façon plus ou moins prononcée, le rôle d'un travailleur social – ce qui explique que nous soyons sensibles à ce texte –, notamment auprès de nos concitoyens les plus fragiles,

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Vous vous adressez donc à des parlementaires qui, tous, touchent du doigt presque quotidiennement, dans leurs permanences, le caractère très sensible du surendettement d'un point de vue humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous autres députés sommes bien placés pour constater les ravages de la crise économique dans ce domaine.

Nous sommes bien placés pour savoir que la Cour des comptes a raison d'affirmer, dans son rapport annuel pour 2010, que « la politique française de lutte contre le surendettement est déséquilibrée, le dispositif légal visant à traiter la situation individuelle des surendettés plutôt qu'à prévenir le surendettement ».

Nous sommes bien placés pour savoir que la crise que connaît notre pays depuis l'hiver 2008 a fait exploser le nombre des personnes en surendettement : la crise, c'est 18 % de personnes surendettées en plus.

Cette crise a transformé le texte, qui n'est plus seulement l'incontournable transposition de la directive européenne du 23 avril 2008 ; il est devenu urgent et socialement prioritaire.

Pourtant, en matière d'épargne, la France et le peuple français possèdent une culture séculaire de prévoyance et de prudence. Cette culture, qui plonge ses racines dans la psychologie paysanne de notre peuple, se traduit par des arbitrages entre épargne et consommation parmi les plus prévoyants et les plus prudents des pays développés.

Ainsi, en France, le taux d'épargne est l'un des plus élevés d'Europe, atteignant 16 %, exactement comme en Allemagne, soit plus qu'en Italie – 14 % – ou en Espagne – 10 % –, et nettement plus que dans les pays anglo-saxons, celui des Anglais ne dépassant pas 2,5 %.

Les économistes caractérisent la situation française par trois éléments : un taux d'épargne élevé, un taux d'endettement à court terme assez bas et des fluctuations relativement limitées des dépenses de consommation. Loin de constituer un archaïsme, cette signature française est manifestement une chance, madame la ministre. Et, si la crise pousse les plus fragiles de nos concitoyens à des modes de consommation étrangers à notre culture nationale, nous devons naturellement en prendre acte, mais sans encourager le moins du monde la propension à consommer de manière artificielle.

En effet, si, malgré la dégradation de nos finances publiques, l'État peut encore emprunter dans des conditions très favorables – vous êtes bien placée pour le savoir, en tant qu'autorité de tutelle de l'Agence France Trésor –, c'est parce que les prêteurs institutionnels savent que les ménages français disposent d'une épargne élevée et pourront encore assumer des augmentations d'impôts en cas d'absolue nécessité.

Nous vous avons souvent entendu dire – cet après-midi encore – que 14 millions de Français avaient contracté un crédit à la consommation, que, pour la plupart d'entre eux, ces crédits ne posaient pas de problème et que la consommation, et les outils qui la soutiennent, faisaient partie des moteurs encore actifs d'une croissance française fragile. Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu'il était hors de question d'interdire ce type de crédit, indispensable à la croissance.

Nous comprenons bien que les crédits à la consommation et les crédits renouvelables favorisent la croissance, mais laquelle ? N'est-ce pas là une vision à court terme ? En effet, les intérêts d'emprunt sont si élevés que, à moyen terme, ils nuisent à la consommation future des ménages qui ont contracté le prêt. Ces crédits à la consommation peuvent donc nuire à moyen terme à la consommation elle-même et, par conséquent, à une croissance durable. Autrement dit, lorsque la solvabilité n'est pas vérifiée, de tels produits ne sont bien souvent que des soutiens conjoncturels et artificiels à une croissance à très court terme.

Nous, centristes, sommes donc favorables au crédit à la consommation amortissable lorsqu'il est raisonnable, et considérons le crédit renouvelable comme un produit généralement toxique. Tel est notre état d'esprit au moment d'entamer ce débat.

Pour en revenir au texte, celui-ci nous inspire deux convictions fortes.

Tout d'abord, il contient des avancées réelles qui changeront concrètement et rapidement la situation des consommateurs français. C'est en effet un texte normatif qui, comme l'a dit notre collègue Brottes en commission des finances, ne se contente pas de principes. À cet égard, les députés du Nouveau Centre soutiennent pleinement la volonté du Gouvernement d'être proche de la vie quotidienne des Français.

Nous pensons que plusieurs dispositions auront une portée véritable ; nous songeons notamment à l'allongement du délai de rétractation, à la séparation des destinations de la carte de fidélité ou au remboursement imposé d'une partie du capital – autant de mesures dont les familles françaises pourront bénéficier rapidement.

Toutefois, soyons clairs : l'enjeu fondamental de ce débat, de cette réforme, a trait à l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur. Pour le Nouveau Centre, dans ce domaine comme en matière de santé, le préventif est préférable au curatif. De ce point de vue, votre texte va-t-il assez loin ? La question est légitime. Elle revient, encore et toujours, à poser celle de l'instauration en France d'un fichier positif de l'endettement.

Le Nouveau Centre propose ainsi, depuis de longues années, de créer un répertoire national du crédit recensant tous les crédits, et non les seuls incidents. Sans répertoire du crédit, l'obligation de vérification de la solvabilité restera un voeu pieux ; Jean Gaubert l'a démontré dans son intervention.

Nous proposons que ce répertoire, détenu par la Banque de France à l'intention des organismes prêteurs, soit consultable, après autorisation de l'emprunteur, pour une période d'un mois, et ce sous un format non numérique, afin d'éviter toute constitution de dossier pérenne sur les personnes susceptibles de contracter ce type de crédit. Aux détracteurs d'un tel fichier, je réponds donc que son utilisation commerciale est a priori exclue.

Par ailleurs, la consultation de ce répertoire serait subordonnée à un dédommagement financier qui permettrait d'équilibrer son coût, évalué par la Cour des comptes à 220 millions d'euros. Cette pratique est déjà en vigueur dans la majeure partie des pays européens. Voici, madame la ministre, un tableau dressant le bilan de l'installation des fichiers positifs dans chaque pays d'Europe. L'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande, l'Italie, les Pays Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède : tous ont adopté le fichier positif. Posons-nous une question simple et humble : s'ils avaient raison et si nous avions tort dans notre entêtement à ne pas l'adopter ?

Non seulement les pays européens basculent un à un vers ce système, mais certaines banques et certains établissements de crédit – pas tous, bien sûr, car le jour où toutes les banques seront favorables au fichier positif, nous pourrions avoir des doutes sur l'eau qui coule sous les ponts de la Garonne ! – tels que Cofinoga ou la banque Accord, banque du groupe Auchan, ainsi que la grande distribution par l'intermédiaire de son délégué général, Jérôme Bédier, sont désormais favorables au fichier positif.

Les temps changent, comme un grand chanteur l'a dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Ils changent aussi pour les consommateurs. La plus importante de leurs associations de défense, l'UFC-Que choisir, auparavant farouchement opposée à ce système, émet aujourd'hui de simples réserves.

Alors oui, les banques doivent aujourd'hui engager leur responsabilité. Vous les avez beaucoup aidées, madame la ministre, et il fallait le faire. Mais, entre nous, leur résistance est aujourd'hui indécente.

Même si nous reconnaissons bien volontiers qu'il ne s'agit que d'une réponse partielle au problème du surendettement, les avantages du dispositif du fichier positif sont clairs. Celui-ci permettrait de diviser par deux le nombre de familles qui basculent dans le surendettement. Si les ménages confrontés à un accident de la vie se retrouvant en rupture de paiement constituent les deux tiers des emprunteurs en situation de surendettement, le tiers restant – 60 000 à 70 000 personnes chaque année – est composé d'emprunteurs de type acheteurs compulsifs, coeur de cible du dispositif du fichier positif. Ce fichier constituerait une alerte préventive du surendettement et permettrait à chaque ménage de disposer, sur simple demande, d'un panorama global de son encours d'endettement.

Pour le Nouveau Centre, contracter un crédit est un engagement non seulement pour l'emprunteur, mais aussi pour le prêteur. Il faut privilégier une co-responsabilisation des deux acteurs du prêt. On voit bien trop souvent des organismes peu regardants accorder des crédits à des personnes dont la situation financière n'offre manifestement aucune garantie de remboursement.

Dès 2007, le groupe Nouveau Centre a déposé, parmi d'autres, une proposition de loi visant à lutter contre le surendettement et à instaurer un fichier positif. Conscients que les situations de surendettement sont en augmentation dramatique et constante depuis l'hiver 2008, nous avons pris la mesure du phénomène et choisi d'agir en faveur de la prévention du surendettement.

En 2007, date de notre première intervention législative, le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement était de 183 000, il atteint aujourd'hui 220 000. Qu'attendons-nous ?

Pour le Nouveau Centre, notre assemblée ne peut plus faire l'économie d'un véritable débat sur l'instauration d'un fichier positif qui recenserait l'ensemble des crédits des particuliers. Le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, même amélioré, ne permet pas d'anticiper le surendettement des ménages car il ne donne pas un aperçu préalable de leur état de « mal-endettement ». Or, le traitement du surendettement coûte cher au contribuable. L'instauration d'un répertoire national recensant les crédits souscrits par les particuliers, centralisé par la Banque de France, serait de nature à mieux prévenir les risques.

Madame la ministre, vous m'opposerez sans doute la solution de la création d'une commission chargée de rendre un rapport d'évaluation dans dix-huit mois. Mais l'ombre tutélaire de Clemenceau plane sur cet hémicycle : « Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission ». Cela fait sept ans que je suis député et c'est la cinquième fois que l'on nous fait le coup ! Je vous en supplie, ne nous le faites plus : le moment est venu de traiter ce problème sur le fond, complètement. Même si l'installation d'un fichier positif prendra du temps, sa création s'impose.

En conclusion, nous nous félicitons que ce sujet qui nous tient à coeur soit enfin en discussion dans l'hémicycle. Au nom des députés du Nouveau Centre, j'ai salué la qualité des propositions concrètes que contient ce texte. Mais, pour nous, la question de l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur domine ce débat. Aussi les députés du Nouveau Centre seront-ils particulièrement attentifs à la décision de notre assemblée sur cet enjeu central. Notre vote final en dépendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Labrette-Ménager

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise économique mondiale à laquelle nous sommes confrontés contribue-t-elle à augmenter le surendettement des ménages ou, au contraire, ce surendettement peut-il constituer un vecteur supplémentaire de transmission de la crise financière à l'économie réelle ?

La question mérite d'être posée, même si, à l'image de la question existentielle de l'oeuf et de la poule, il apparaît difficile, compte tenu de l'interpénétration des phénomènes et de leur mondialisation, d'en tirer une conclusion scientifique que je préfère laisser aux experts de l'économie.

L'examen du projet de loi sur le crédit à la consommation qui nous est soumis doit nous amener à nous interroger sur les raisons de l'inflation de dossiers de surendettement, mais surtout à proposer des solutions pour enrayer ce phénomène inquiétant pour un grand nombre de ménages.

Près de 14 millions, soit 52 % des ménages français, ont aujourd'hui au moins un crédit. Plus d'un ménage sur trois est endetté au titre des différents types de crédits à la consommation, sans compter les 10 % des ménages qui recourent de préférence au découvert bancaire plutôt qu'au crédit à la consommation.

Nul ne peut nier le rôle important du crédit qui permet aux familles d'effectuer certaines dépenses lorsqu'elles sont le plus utiles sans attendre d'avoir atteint un niveau d'épargne suffisant. Vu sous cet angle, le crédit joue incontestablement un rôle de soutien à la consommation des ménages. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit aussi d'un acte qui engage : ses conséquences doivent être comprises et mesurées par le souscripteur et clairement rappelées par l'organisme prêteur.

Depuis une douzaine d'années, le crédit à la consommation est utilisé majoritairement par des ménages modestes en vue de l'achat de biens de consommation, mais il faut souligner aussi le phénomène du recours au crédit dit revolving ou renouvelable de la part de personnes retraitées confrontées à des difficultés de trésorerie. C'est ce type de crédit qui, bien entendu, pose problème dès lors que les prêteurs ont tendance à le proposer systématiquement à l'emprunteur, là même où un prêt personnel ou un crédit affecté serait, le plus souvent, bien mieux adapté.

Pour prendre la mesure du phénomène, l'association de consommateurs UFC-Que choisir a mené une enquête via son réseau d'associations locales en sollicitant un prêt pour l'achat d'un bien électroménager. Il est effarant de constater que sur 1 118 propositions de financement obtenues, 72 % étaient des crédits renouvelables, étant précisé que le TEG pour ce type de crédit est de 13 % à 21 %, alors que pour un crédit affecté, parfaitement adapté pour ce type d'acquisition, le TEG est de 4,5 % à 9,5 % en moyenne. Qui plus est, cette étude a démontré que dans près de neuf cas sur dix, la solvabilité de l'emprunteur n'était même pas vérifiée. Ce constat est d'autant plus inquiétant que c'est à cause de ce comportement des organismes prêteurs que l'on aboutit à des situations souvent catastrophiques.

Ainsi, dans ma circonscription, j'ai eu à connaître, voici quelques mois, le cas d'un couple, récemment retraité, qui a pu souscrire, en quatre ans, trente-neuf contrats de prêts à la consommation pour un montant total de 350 000 euros. Avec des mensualités cumulées équivalentes à près de deux fois le revenu du ménage, il s'agit bel et bien d'une situation aberrante. Le pire tient au fait que certains organismes prêteurs ont accordé au couple un nouveau crédit à la consommation alors même que deux autres crédits délivrés par le même organisme en étaient déjà au stade du contentieux.

Certes, la responsabilité de l'emprunteur reste, en l'espèce, pleine et entière, mais que devons nous penser de la responsabilité ou plutôt, devrais-je dire, de l'irresponsabilité des prêteurs ?

Plus jamais ça ! C'est à tout le moins l'objectif que nous devons nous fixer à travers ce projet de loi proposé par Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, projet dans lequel s'était aussi particulièrement investi Martin Hirsch, ancien Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Nous devons donc, mes chers collègues, clairement encadrer les règles de la publicité en faveur du crédit. Celui-ci n'est pas un produit comme un autre et il n'est pas acceptable de chercher à faire rêver le consommateur devant une offre de crédit quand on sait pertinemment qu'après le rêve, le réveil peut être brutal et virer au cauchemar !

À cet égard, il n'est pas acceptable de laisser croire que « recourir au prêt améliore le budget de l'emprunteur ». Cette mention, que l'on trouve parfois à l'appui de certaines publicités, doit être interdite. C'est d'ailleurs l'objet d'un amendement qu'avec mon collègue Serge Poignant nous vous soumettrons.

En outre, une information claire en direction de l'emprunteur doit être assurée à travers l'indication lisible et visible du TEG. Elle doit s'accompagner d'un exemple chiffré et standardisé qui permette au consommateur de disposer d'un véritable moyen de comparaison entre les offres qui lui sont faites.

Comme je vous l'indiquais, le crédit est un acte responsable, un acte qui engage et, au premier rang des engagements de l'emprunteur, figure celui de rembourser le prêt souscrit.

Dans le cadre d'une mission sur l'encadrement du crédit à la consommation et la prévention du surendettement qu'avec Denis Jacquat nous avions menée au sein de notre groupe, nous avions proposé que dans toutes les publicités relatives à un crédit figure la mention « un crédit vous engage et doit être remboursé ». Cette proposition, reprise dans le projet de loi, me semble indispensable, de même qu'en matière de crédit renouvelable, nous devons rendre obligatoire le fait qu'à chaque échéance, dès la première mensualité, une part du capital emprunté soit remboursée.

Cette responsabilisation de l'emprunteur ne saurait être exclusive et nous devons mettre les prêteurs devant leurs propres responsabilités.

Ainsi que je le soulignais tout à l'heure en évoquant l'étude réalisée par l'UFC-Que choisir, il est inadmissible que 87 % des offres de prêts faites aux consommateurs le soient sans vérification a priori de la solvabilité du demandeur. Si l'on s'en tient à l'inflation du nombre de dossiers de surendettement qui sont aujourd'hui soumis aux commissions de surendettement dans chaque département, force est de constater que ces vérifications en amont du contrat de prêt sont mal faites ou non faites.

Je suis convaincue que le seul recours au fichier négatif, celui qui recense les incidents de paiement, ne saurait suffire. En effet, seuls les demandeurs déjà confrontés à un incident apparaissent dans ce fichier alors que n'y figurent pas les ménages dont le taux d'endettement est déjà tel que la délivrance d'un nouveau crédit risquerait de les faire basculer dans une situation de surendettement.

C'est la raison pour laquelle, après avoir personnellement eu l'occasion d'auditionner des représentants non seulement des consommateurs, des banques, des organismes de crédit, mais aussi de la grande distribution, il m'a semblé utile de créer un répertoire national des crédits aux particuliers.

C'est en effet l'interrogation systématique et obligatoire de ce fichier qui permettra de prévenir des situations de surendettement et il vaut bien mieux offrir la possibilité aux prêteurs de disposer des moyens nécessaires pour dire non à un emprunteur plutôt que de continuer à les laisser dire oui sans contrôle et laisser certains ménages plonger dans des situations dramatiques.

Cette création d'un fichier dit « positif » doit aujourd'hui être envisagée au plus tôt. L'un de mes amendements vise ainsi à ramener de dix-huit à douze mois le délai de remise du rapport portant sur l'opportunité de la création de ce répertoire national, compte tenu des recommandations déjà faites par la Cour des comptes.

Doté de cet outil de vérification et d'une liste élargie des documents exigibles auprès de l'emprunteur à l'appui de sa demande de crédit, le prêteur disposera dorénavant de tout un arsenal qui lui permettra de mesurer la capacité réelle de remboursement de l'emprunteur. Si les organismes financiers ont des droits supplémentaires en matière d'instruction des demandes de prêt, ils n'en ont pas moins des devoirs. Nous devons veiller à ce que le prêteur garantisse à l'emprunteur une information claire et précise sur les conditions et le coût du crédit consenti.

Lorsque l'emprunteur est marié ou pacsé, le contrat de prêt pour les deux conjoints doit être signé en présence du prêteur, afin d'éviter les cas d'imitation de signature qui sont parfois lourds de conséquences. Cette double signature se révèle d'autant plus indispensable lorsque les mensualités sont prélevées sur un compte joint.

Madame la ministre, à travers le présent texte, vous avez clairement démontré la volonté du Gouvernement de remédier aux situations de surendettement souvent très lourdes que connaissent les commissions départementales. L'an passé, avec 22 000 nouveaux dossiers déposés, c'est une augmentation de 30 % qu'ont enregistrée ces commissions de surendettement.

Il était grand temps de réformer ce domaine pour mieux encadrer les conditions de délivrance des crédits à la consommation. Sur ce dossier, comme à votre habitude, vous avez su consulter les différentes parties et, mieux encore, vous avez démontré que vous les aviez entendues. Votre réforme sait mettre chacun, prêteur comme emprunteur, devant les responsabilités qui sont les siennes en accordant à chacun une panoplie d'outils d'information.

Vous avez su prendre à bras-le-corps un dossier difficile et je ne doute pas de l'efficacité de votre projet de loi pour réduire très sensiblement les cas de « mal-endettement » et de surendettement. Je me réjouis de l'écoute attentive que vous avez réservée aux mesures proposées par les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Madame la ministre, nous sommes ce soir devant vous pour discuter d'un problème particulièrement difficile qui frappe un nombre toujours plus important de nos concitoyens. Mais le sujet n'est pas nouveau puisque le crédit renouvelable a fait son apparition dans les années 30, aux Galeries Lafayette, afin de faciliter et d'augmenter la consommation, après avoir été mis en application aux États-Unis bien avant. Puis ce crédit s'est développé. Or on s'est aperçu, depuis plusieurs années, qu'il causait des dégâts importants chez les plus faibles et les plus modestes.

Pour tenter de résoudre ce problème, douze lois ont été votées depuis 1989. Nous ne sommes pas contre le crédit à la consommation, comme on a voulu le faire croire. Bien au contraire, nous y sommes favorables, à condition qu'il soit régulé, permette à certains de consommer sans les entraîner dans une spirale de dette qu'ils ne peuvent plus maîtriser.

Madame la ministre, nous avons vécu une crise financière qui a débouché tout naturellement sur une crise économique, puis sociale. Chacun peut constater que la crise sociale est déjà dépassée et que nous sommes dans l'urgence sociale, voire dans l'exaspération sociale. Certains de nos compatriotes ont des revenus indécents – un Français sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté avec moins de 800 euros par mois – tandis que d'autres se gavent avec des millions d'euros. Et encore avez-vous la chance, vous qui êtes aux responsabilités de l'économie, que les Français ne sachent pas forcément compter en euros, sinon la situation leur paraîtrait bien plus insupportable encore.

À l'origine, le crédit à la consommation avait été mis en place pour aider une partie de nos concitoyens à acheter certains biens de consommation et d'équipement. Mais aujourd'hui, avec la crise, ces mêmes concitoyens sont en situation de détresse – je doute, madame la ministre, que vous arriviez jusqu'au 30 du mois si vous n'aviez que 800 euros par mois pour vivre. Pour nombre de ces familles, le mois se termine le 15 ou le 20. Pourtant, il faut continuer à faire manger les gosses. Dorénavant, le crédit à la consommation permet d'assurer les dépenses courantes d'alimentation. Mes chers collègues, en disant cela, je ne fais pas du Zola car je suis certain que vous rencontrez dans vos permanences de telles situations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous constatons les uns et les autres que certains de nos concitoyens ne peuvent plus payer les dépenses d'énergie ou de cantine scolaire et qu'ils sollicitent de plus en plus les CCAS. Or, vous le savez, nos concitoyens ont la volonté d'assurer la solidarité entre les générations. Quand ils commencent à ne plus pouvoir payer la cantine scolaire, c'est que la situation est encore plus dramatique qu'on le croit et cela remet en cause psychologiquement tout leur être. Ils vivent cette situation comme une perte de dignité car ils savent bien que le maire sera au courant. En tout cas, c'est ce qui se passe dans une commune comme la mienne qui compte 1 300 habitants. Tout homme souhaite conserver sa dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous abordons l'examen de ce texte en considérant qu'une réforme radicale est nécessaire. Voilà pourquoi nous avions déposé une proposition de loi, le 15 octobre 2009, visant à supprimer le crédit revolving pour le remplacer par un crédit à la consommation régulé et encadré. À l'époque, M. Loos nous avait répondu qu'un projet de loi était en préparation et que d'ici à la fin de l'année le problème serait réglé. Mais nous sommes déjà aux Ides de Mars dont il faut se méfier, comme vous avez pu le constater dimanche dernier. Nous sommes en situation d'exaspération sociale. Aussi est-il plus que temps de se pencher sur ce problème. On a perdu six mois, ce qui n'est pas rien, madame la ministre. On aurait pu éviter le surendettement à certains ménages. Toute journée perdue a représenté une journée de détresse supplémentaire pour des familles.

Il faut donc aller vite et trouver des solutions. Si votre texte représente un progrès par rapport à la situation actuelle, il reste encore bien timide. Vous n'avez pas voulu qu'on retourne en commission pour discuter notamment de la proposition que nous faisons, de même que le président de la commission des affaires économiques, à savoir l'instauration du fichier positif. Il faudra pourtant bien avancer clairement sur ce point.

(Mme Danielle Bousquet remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Comme je l'ai déjà dit, le crédit revolving c'est le crédit revolver braqué sur la tempe des plus faibles, des plus modestes, voire des plus pauvres. Derrière ce crédit, il y a souvent à la fois abus de confiance et abus de faiblesse.

Abus de confiance, car on vous vend du rêve en quelques minutes, on vous fait miroiter des choses extraordinaires. Et lorsque vous vous réveillez, vous constatez avec amertume qu'on vous a vendu un cauchemar pour des décennies.

Sur le contrat, il est écrit que vous allez pouvoir emprunter à un taux de 4,90 %. Mais quand on tourne la page, on s'aperçoit que le taux d'usure est de 20,70 %. Les personnes qui sont prises à la gorge n'ont d'autre solution que d'accepter de tels prêts. C'est en ce sens qu'il y a abus de faiblesse.

Je citerai Cofidis, mais je pourrais tout autant mentionner Cofinoga ou Finaref car ils fonctionnent de la même façon. Et ces organismes sont presque tous situés à Roubaix. Sur un simple coup de fil, vous pouvez obtenir immédiatement 2 000 euros et personne ne se préoccupe de savoir si vous pourrez rembourser ou non.

D'autres vont plus loin encore. L'autre jour, j'ai entendu cette publicité à la radio : « Tu as des difficultés ? Tu ne partirais pas en vacances quelques jours ? » disait une première personne. « Non, je ne peux pas, je n'ai plus d'argent », répondait l'autre. « Fais comme moi, prend ton téléphone portable et appelle. Tu obtiendras tout de suite 1 000 euros », rétorquait le premier. Qu'est-ce que c'est sinon de l'abus de confiance ?

Madame la ministre, nous ne pouvons pas supporter de tels abus de confiance ni de tels abus de faiblesse.

Il faut également faire en sorte que les cartes de fidélité et les cartes de crédit soient découplées. On dit qu'une carte de fidélité est un acte de reconnaissance. Mais on tombe automatiquement dans l'engrenage si c'est aussi une carte de crédit. Voilà pourquoi je souhaite que l'on dissocie la carte de crédit de la carte de fidélité.

Comme le dirait M. Brard, l'enfer est pavé de bonnes intentions. Reconnaissez avec moi que quand on fait ses courses dans un supermarché et que l'on voit tous ces produits, on est tenté. Tout est fait pour que l'on succombe à la tentation, mais sans nous délivrer du mal, bien au contraire. Voilà pourquoi je souhaite que la carte de crédit ne puisse pas être vendue sur le lieu de l'achat et que le temps de réflexion passe de sept à quatorze jours.

Nous ne pouvons pas accepter que les prêteurs désengagent leur responsabilité trop rapidement car celui qui n'a pas d'argent est tenté et ne prend donc pas toujours le temps de la réflexion. Le prêteur devrait donc demander à l'emprunteur s'il aura les moyens de rembourser son crédit et lui indiquer que le taux d'usure est de 20 %.

Il faut faire en sorte que ce soit tant pis pour les prêteurs qui ne prennent pas suffisamment de garanties et ne demandent pas à l'emprunteur quelle est sa situation financière exacte. C'est dans cet ordre d'idées que nous vous proposons d'établir le fichier positif, sorte de casier judiciaire mais sans connotation péjorative. On y mentionnerait les différents prêts contractés et, au moment de solliciter un nouveau prêt, le prêteur consulterait ce fichier afin de mesurer votre niveau d'endettement. Un tel fichier serait sous la responsabilité de la Banque de France et ne serait communicable qu'à l'intéressé, seul à même de l'envoyer au prêteur. Nous accomplirions un grand pas en adoptant un tel dispositif.

Nous pensons que si le crédit à la consommation est indispensable pour stimuler la croissance, il doit être régulé.

Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que nous devrions nous concentrer sur un autre sujet ? Faites donc la même expérience que moi. Vous arrivez dans un supermarché et remplissez votre caddie – vous aurez remarqué au passage qu'ils sont de plus en plus grands, ce qui augmente la tentation de les remplir – et, quand vous arrivez à la caisse, la caissière, qui n'est pas en cause, la brave fille…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Il en reste chez moi parce que l'Auvergne n'est pas encore parvenue au bout du progrès, ou plutôt de la régression sociale.

Cette caissière me demande si je veux payer dans trois mois seulement, mais sans me préciser combien cela me coûtera ! On ne peut plus supporter de telles pratiques.

Tentez une autre expérience, madame la ministre, que j'ai faite moi-même, là encore. J'ai changé de voiture. Vous ignorez sans doute, vous, à Paris, combien nous sommes amenés à faire de kilomètres pour sillonner nos circonscriptions. Ma voiture avait parcouru 220 000 kilomètres ; il s'agissait d'une Clio – voyez donc comme les Renault, production française, sont solides – équipée de pneus Michelin – ce qui me permet d'évoquer Clermont-Ferrand. (Sourires.) Le vendeur se met à discuter des conditions de la reprise. Je lui demande alors : « Et si je paie comptant ? » C'est une vieille habitude, dans nos vieux terroirs, de bénéficier d'un avantage lorsque l'on paie comptant.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

« Vous n'y pensez pas ! » m'a-t-il répondu, me proposant un crédit. Pourquoi cela ? Tout simplement – et c'est vrai autant pour le secteur automobile que pour ceux du mobilier et de l'électroménager – parce que le vendeur a une marge plus forte sur le crédit que sur l'objet qu'il nous vend.

Il y a bien quelque chose qui ne marche plus dans le royaume de France, si le républicain convaincu que je suis peut s'exprimer ainsi ! Il faut donc revoir à la baisse les marges bénéficiaires sur les crédits. Il faut en outre séparer le lieu de vente de celui où l'on demande un crédit.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous allons vous proposer des amendements et j'espère que vous y serez favorable. Notre souci – et je ne doute pas que vous le partagez – est de rendre service à nos concitoyens. Seulement, j'ai l'impression que certains éléments que je viens d'évoquer vous ont échappé. Peut-être, en effet, sommes-nous plus que vous en contact avec une certaine population qui souffre et qui mérite plus que jamais qu'on s'intéresse à elle. Nous aurons ainsi non seulement répondu à des situations de détresse, mais bien travaillé pour la République et la démocratie, en renforçant le lien social et la considération entre les citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, 9 millions de ménages en France ont recours au crédit à la consommation. Il est indispensable de parvenir à éviter les excès et les abus. D'un côté, nous subissons une publicité agressive et, de l'autre, nous devons faire face à un drame social.

Nous connaissons les chiffres : 16 000 foyers supplémentaires sont concernés chaque mois. Le rapporteur a très bien décrit l'accès à l'argent facile et la légitime aspiration à consommer. Il a également fort bien évoqué les situations de détresse auxquelles nous sommes confrontés dans nos permanences.

Si nous devions établir une échelle, elle partirait des familles qui viennent de contracter un crédit pour payer les mensualités des crédits antérieurs et aboutirait aux familles qui vivent des situations dramatiques liées très souvent à des accidents de la vie – je pense notamment aux procédures de relogement.

Si nous évoquons souvent le sujet et si la Cour des comptes l'a examiné, on ne peut que constater l'effet amplificateur de la crise : augmentation de 15 % des dossiers au cours des douze derniers mois.

Le rappel de ce contexte permet de mesurer à quel point, madame la ministre, votre projet est bien venu puisque d'une brûlante actualité. Je soutiens votre démarche et toutes les avancées que vous proposez. Il était notamment important de revenir sur l'encadrement de la publicité pour écarter toutes ces offres agressives – qui, parmi nous, n'en a d'ailleurs reçu, proposant pour demain des sommes très variables sans qu'on ait, ou presque, à payer d'intérêt, comme peut le faire croire une lecture rapide ? Or, quand on lit les petites lignes en bas de la page, on découvre une réalité bien différente.

La réponse repose notamment sur la prévention. À cet égard, nous agissons en matière d'encadrement du crédit et travaillons avec l'ensemble des associations, de nos concitoyens. Nous avons tendance, depuis des années, à tourner autour du sujet. Nous avons voté de nombreux textes. J'ai noté avec intérêt le travail du Sénat, en particulier sur ce fameux fichier positif. Mais il est temps de prendre des décisions. Le rapport montre bien que presque tous nos voisins européens ont mis en place un tel dispositif. Je suis parfaitement consciente qu'il ne constitue en rien l'alpha et l'oméga de la solution au problème du surendettement et vous avez déjà eu l'occasion de dire, madame la ministre, que cette mesure ne résoudra pas à elle seule l'ensemble des difficultés. Pour autant, la mise en place d'un tel outil ne permettra-t-elle pas d'incontestables avancées ?

Je connais votre efficacité et sais à quel point, une fois que vous avez pris une décision, vous souhaitez sa rapide application. Je ne suis pas là pour vous inciter à sa mise en oeuvre dans dix-sept mois au lieu de dix-huit – je vous laisse choisir le bon moment. Reste que nous devons engager résolument cette démarche pour que notre pays dispose de ce fichier grâce auquel nous connaîtrons la solvabilité des consommateurs et grâce auquel, donc, les différents acteurs prendront conscience de la réalité. Une mesure plus aisée à appliquer et plus symbolique consisterait, afin d'éviter des drames, à demander au conjoint de l'emprunteur de signer le contrat.

J'insiste : le texte sera équilibré et apportera de vraies réponses si nous mettons en place ce fichier dans les plus brefs délais.

J'en viens à un autre domaine et vous verrez à cette occasion que je ne suis en rien opposée au crédit à la consommation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

D'ailleurs, d'après l'immense majorité des professionnels, ces crédits sont remboursés sans incidents. Reste une catégorie parfois oubliée : celle des seniors. Je ne cherche pas, bien sûr, à faire de tous les seniors des surendettés en puissance. Je souhaite seulement appeler votre attention, madame la ministre, sur la difficulté qu'éprouvent les personnes de plus de soixante-dix ans à acquérir des biens de la vie quotidienne. On m'a ainsi rapporté, dans ma circonscription, qu'il était difficile pour elles de payer une machine à laver en trois fois. Vous arrivez en effet dans le magasin et l'on vous répond qu'on va s'informer – ce qui est toujours agréable – et l'on finit par vous expliquer, avec plus ou moins de délicatesse, qu'à votre âge cela risque d'être difficile.

Alors que l'espérance de vie atteint les chiffres que nous savons, et puisque les systèmes assurantiels existent, nous devons permettre à nos concitoyens d'effectuer des actes de la vie quotidienne. Les seniors sont des consommateurs comme les autres et il est important de répondre à leur attente.

Vous avez donc en face de vous un parlementaire qui n'est pas du tout opposé à l'accompagnement du crédit, mais qui souhaite l'encadrer pour que le consommateur soit mieux informé, mieux protégé et prenne donc sa décision en conscience après avoir mesuré sa solvabilité. En mettant en place ce fichier, nous accomplirons un pas qui nous évitera de revenir sur ce sujet environ une fois par an. Merci, madame la ministre, de nous avoir entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Comment faut-il le demander ? Dans quelle langue faut-il l'exprimer ? Quels arguments faut-il encore trouver ?

Madame la ministre, vous l'entendez depuis le début de la séance, il est urgent d'arrêter le massacre. Il est urgent d'en finir avec un dispositif de crédit à la consommation destructeur de vies, un crédit de marchand d'illusions perdues et répétées. Alain Néri le rappelait à l'instant : chaque jour qui passe aggrave le nombre des victimes qui ne s'en remettront jamais.

Le 23 février dernier, donc presque trois mois après notre débat en commission des affaires économiques, autour du président Patrick Ollier, neuf mois après que le texte a été voté au Sénat, je recevais cette lettre : « Monsieur le député, je sais que vous luttez farouchement contre le crédit revolving qui est pour moi “la peste” du XXIe siècle, et qu'il faut éradiquer. Il y va de la vie des personnes concernées. »

Cette lettre a été envoyée, parmi des dizaines – et même des centaines – d'autres, par une dame que j'appellerai Hélène, une habitante de ma circonscription dans la jolie ville de Pontcharra. Je poursuis :

« Ma petite soeur, mariée, mère d'un enfant, s'est laissée prendre par le crédit revolving : c'est une proie facile, elle souffre d'une addiction à la dépense – uniquement pour des dépenses personnelles. »

Cette dame a souscrit, en cinq semaines – et oui, c'est possible ! –, un crédit revolving chez Accord de 2 500 euros, un crédit revolving et un prêt personnel chez AXA pour 7 800 euros, deux crédits revolving Banque Casino de 16 500 euros, un crédit revolving chez C2C de 3 000 euros, un crédit revolving chez CDGP de 1 500 euros, deux crédits revolving et trois prêts personnels CETELEM pour un total de 21 000 euros, un crédit revolving et un prêt personnel chez Cofidis pour 15 600 euros, un crédit revolving Cofinoga de 18 560 euros, un crédit revolving Creatis de 4 500 euros, un crédit revolving chez DIAC de 7 000 euros, un crédit revolving de 6 000 euros chez Disponis, deux crédits revolving FIDEM pour 7 000 euros, un crédit revolving de 4 000 euros chez Financo, trois crédits revolving Finaref pour un total de 14 000 euros, deux prêts personnels et un crédit revolving chez Franfinance pour 10 600 euros, deux crédits revolving GE money Bank pour 10 600 euros, deux crédits revolving Médiatis de 15 500 euros, un crédit revolving Ménafinance de 3 500 euros, un crédit revolving Monabanq de 9 000 euros, deux crédits revolving Oney pour 6 000 euros, deux prêts personnels et un crédit revolving chez S2P Pass pour 21 000 euros, un crédit revolving SEDEF de 9 100 euros, deux prêts personnels et un crédit revolving de 23 300 euros chez Sofinco.

Eh oui, c'est possible : plus de trente crédits revolving et plus de dix prêts personnels auprès des mêmes organismes en cinq semaines, dont le total est de 240 000 euros ! Je sais bien que ce n'est pas un record, puisque l'une de nos collègues a cité le chiffre de 350 000 euros. Mais c'était en cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Là, en cinq semaines, cela tient de l'exploit. Et la réactivité des banques, irresponsables, est absolument impressionnante, vous en conviendrez.

Eh oui, c'est possible. Cette personne doit aujourd'hui rembourser plus de 8 000 euros par mois, quand le revenu du foyer est de 3 200 euros mensuels.

Eh oui, c'est possible – et pourtant je me bats sur ce point, avec d'autres, depuis des années –, son conjoint n'a découvert l'ampleur des dégâts, dont il est de fait solidaire, que lorsqu'il était déjà trop tard. Le conjoint se trouve co-rembourseur, alors qu'il n'a rien signé.

Cet exemple ne vise pas à stigmatiser. D'autres cas montrent que c'est le mari qui a pu, en toute légalité, cacher à son épouse des dépenses impossibles à rembourser.

Dans son courrier, Hélène, nous interpelle très clairement : « Mais comment se fait-il qu'il n'y ait pas de fichier centralisé ? Vous l'aurez compris, nous sommes une famille aux abois. Mais je continue à considérer ma soeur comme une victime. Les sociétés de crédits se sont basées uniquement sur du déclaratif et n'ont pas cherché à savoir si elles étaient les seules sur le coup. Il faut faire quelque chose, et vite, monsieur le député. Je considère ce cas comme un cas d'école ! »

« Les sociétés de crédits ont perdu, pour moi, sur ce coup-là. Elles ont joué, pensant gagner. Mais vous imaginez bien que seuls, nous ne pesons pas lourd face à ces mammouths du crédit et de l'argent. C'est pourquoi je me tourne vers vous, vos relations, pour que ce dossier soit réglé au mieux, humainement, et que plus jamais quelqu'un ne puisse vivre cette situation et que ma petite soeur, son mari, sa fille puissent se tourner vers l'avenir de façon plus sereine. Ils sont jeunes. Ils ont trente-huit ans ! »

Madame la ministre, je vous le dis solennellement, en matière de sécurité, les lois se succèdent, sans d'ailleurs apporter beaucoup d'efficacité, à chaque fois qu'il y a un drame, meurtre ou assassinat « marquant ».

Face au retard pris à réformer le crédit à la consommation, le groupe socialiste vous a proposé d'instaurer un crédit social universel bien encadré, pour garantir un droit à consommer des plus fragiles. Car nous ne sommes pas opposés par principe au crédit à la consommation. Il faut simplement qu'il soit adapté et encadré.

Nous vous avons proposé la création d'un fichier positif d'endettement, qui donne les moyens à chaque emprunteur de plaider sa bonne foi,

Nous vous avons proposé, et moi depuis plusieurs années – peut-être six ans –, de faire obligation au prêteur d'obtenir l'accord des deux conjoints avant d'accorder un prêt.

Nous vous avons proposé de séparer le lieu de vente du bien du lieu de vente du crédit, pour éviter le « tournis » de l'achat compulsif.

Nous vous avons proposé de responsabiliser les prêteurs abusifs.

Nous vous avons proposé de supprimer le crédit revolving, ce revolver sur la tempe de ceux qui dérapent souvent malgré eux, parce que la précarité, le chômage ou la maladie aggravent toujours les choses.

Vous avez toujours balayé nos propositions d'un revers de main, arguant du fait que votre projet de loi – celui dont nous discutons – arriverait à la mi-novembre 2009. Le temps passe, le temps presse, et les dégâts continuent !

Le retard pris dans cette réforme du crédit à la consommation est criminel. Le refus de la majorité d'affronter une remise en cause totale de ce crédit de l'arnaque relève, j'ose le dire, de la non-assistance à personne en danger.

Oui, nos propositions visent à assainir franchement le caniveau des illusions perdues profitant à ceux qui encaissent des taux d'intérêt supérieurs à 20 %.

Je veux vous dire ma colère, madame la ministre, lorsque les bonus distribués par les banques se calculent toujours en milliards d'euros, même après la crise et après le soutien public aux banques, alors que, dans le même temps, nos concitoyens les plus dans la galère sont les plus sollicités pour dégager des profits bancaires. Je pense que nous atteignons là le seuil de l'indécence absolue !

Votre intention de moraliser tout cela est certainement sincère. Je ne la mets pas en doute. Mais l'ambition de votre texte est timorée. Celui-ci crée l'illusion de protéger les consommateurs, mais en aucun cas l'ambition de votre réforme n'est à la hauteur pour limiter les abus qui mènent au surendettement et à la misère, pour responsabiliser ceux qui poussent à la faute.

Nous avons collectivement la responsabilité d'agir ensemble, sur tous ces bancs, pour arrêter le massacre que génère le crédit revolving. C'est une loi pour la dignité et pour la survie dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Catherine Vautrin remplace Mme Danielle Bousquet au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est à la fois nécessaire et urgent. Il transpose une directive européenne qui doit entrer dans notre droit avant le 11 juin prochain. Il moralise le crédit à la consommation, qui a connu ces dernières années des dérives inacceptables.

Ce texte est difficile, car il doit concilier des nécessités contraires : protéger les consommateurs sans les exclure de l'accès au crédit ; contraindre les prêteurs sans les empêcher de travailler ; maîtriser l'endettement privé sans compromettre la consommation si nécessaire à la reprise économique.

Il fallait donc trouver un juste équilibre. Et pour l'essentiel, le texte y parvient. Je tiens, madame la ministre, à vous en féliciter.

Qu'il me soit toutefois permis de soulever un point particulier, qui me paraît pouvoir comporter des conséquences que ni le Gouvernement ni le législateur ne peuvent souhaiter. Il s'agit de la responsabilité qui serait désormais confiée au prêteur de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. Le projet déposé par le Gouvernement prévoyait l'obligation pour le prêteur de communiquer à l'emprunteur les éléments lui permettant de s'assurer que le crédit demandé est adapté à ses besoins, de mener une étude de sa solvabilité, et, pour les opérations conclues sur le lieu de vente, de lui délivrer une fiche d'information. Le prêteur devait en outre, le cas échéant, mettre en garde l'emprunteur contre un risque d'endettement excessif.

Les amendements adoptés par le Sénat modifient profondément ce dispositif, au risque, me semble-t-il, de compromettre le délicat équilibre auquel le Gouvernement était arrivé entre les responsabilités respectives du prêteur et de l'emprunteur.

D'abord, il appartiendrait désormais au prêteur, non plus d'évaluer mais de « vérifier » la solvabilité de l'emprunteur. Cette rédaction, qui va d'ailleurs au-delà de la directive européenne, me paraît soulever une difficulté majeure. Alors que l'appréciation de la solvabilité d'un emprunteur comporte inévitablement une part de subjectivité, la vérification est au contraire une notion objective. Dès lors, que devient l'appréciation discrétionnaire, traditionnellement reconnue au prêteur ? Pourra-t-il refuser un prêt s'il n'est pas en mesure d'établir objectivement l'insolvabilité du demandeur ? Et qu'adviendra-t-il si le prêt est accordé et que l'emprunteur est en définitive insolvable ? Le juge n'en déduira-t-il pas que la vérification a été imparfaite, et que donc la responsabilité du prêteur se trouve ipso facto engagée ? N'y a-t-il pas là le risque d'enfermer les organismes de prêt dans un dilemme en fait impossible, et donc de les inciter à un attentisme qui serait préjudiciable à la fois à leur activité, aux besoins des ménages et au soutien de la conjoncture ?

Par ailleurs, la rédaction du Sénat prévoit que, lorsque le contrat est conclu sur le lieu de vente, une fiche d'information sur les ressources et les charges de l'emprunteur doit être établie. Cette fiche, authentifiée, doit être également signée par l'emprunteur. La rédaction ajoute que seules les informations figurant dans la fiche, corroborées par des justificatifs, peuvent être opposées à l'emprunteur de bonne foi. En d'autres termes, les autres informations, celles qui ne figureraient pas sur la fiche et qui ne seraient pas assorties de justificatifs, ne lui seraient pas opposables, même si elles sont signées par lui.

Ce dispositif me paraît soulever bien des difficultés. Un client souhaitant souscrire un crédit sur le lieu de vente ne disposera jamais de tous les justificatifs nécessaires. Le prêteur ne pourra donc jamais assumer pleinement la fonction qui lui est assignée par la loi. Et l'emprunteur, sachant que sa propre signature ne lui sera jamais opposée, peut être incité à des comportements peu responsables.

La responsabilisation, à la fois des prêteurs et des emprunteurs, est, me semble-t-il, au coeur même de la réforme que propose le Gouvernement. Je souhaite donc, madame la ministre, que, sur ce point, la rédaction du Sénat puisse être rediscutée. Je crois sincèrement que le stricte logique voudrait que l'on en revienne à un dispositif plus proche de celui initialement prévu par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Madame la ministre, scandalisée, qualifiant de mensongères et harcelantes les publicités du crédit à la consommation, jugeant que le crédit est un tunnel au bout duquel on ne sort jamais, vous n'avez pas de mots assez forts pour dénoncer le crédit à la consommation et ses pratiques commerciales.

Et pourtant, à la force de vos propos, nous sommes contraints d'opposer la trop grande faiblesse de votre texte sur de nombreux points.

La transposition de la directive européenne du 23 avril 2008 a introduit des avancées, notamment en termes de protection du consommateur.

Cependant, comme nos collègues l'ont précédemment fait au Sénat, nous considérons qu'il appartient au législateur national d'aller plus loin pour encadrer le crédit à la consommation et protéger nos concitoyens des pratiques abusives de ces organismes de crédit.

En effet, chacun s'accorde à reconnaître la dangereuse spirale du surendettement dont nul n'est à l'abri. Si l'unanimité est de mise pour décrire ce mal, on ne peut néanmoins que déplorer l'absence d'outils de prévention du surendettement et du mal-endettement.

Votre rapport revient très justement sur les causes qui conduisent à ces situations : la survalorisation de la consommation immédiate et impulsive – n'oublions pas, au passage, que c'est votre majorité, avec des textes comme celui relatif au travail du dimanche, qui vante cet idéal de vie ! –, l'agressivité des organismes de prêts, les accidents de la vie, et surtout, la perte de pouvoir d'achat.

Les causes sont donc multiples. Et ainsi, à partir d'un incident lié à un manque de liquidité ponctuel, rapide est l'escalade vers le surendettement. Il est donc impératif de travailler à la mise en place de moyens et d'outils permettant de venir concrètement en aide à ces personnes et de les protéger avant que leur situation ne dérape véritablement.

Autre grande absente de ce texte, l'action de groupe. En commission, lorsque je vous ai interrogée à ce sujet, vous m'avez répondu que ce n'était pas l'objet de ce projet de loi. Pas le moment, pas le sujet, c'est la sempiternelle réponse que votre gouvernement nous fait depuis des années.

Sans remonter au déluge, je voudrais tout de même rappeler qu'en 2008, alors que nous examinions la loi de modernisation de l'économie, le ministre de l'époque, Luc Chatel, avait annoncé qu'un texte serait présenté avant la fin de l'année. Nous sommes en 2010, et toujours pas l'ombre d'un projet de loi.

En attendant, la complexité et le coût des procédures dissuadent nos concitoyens d'attaquer ces organismes de prêts, dont nous reconnaissons tous que les méthodes sont répréhensibles. La mise en place de l'action de groupe participerait donc à l'encadrement de ces pratiques.

Pratiques abusives que l'on retrouve également du côté des établissements bancaires, épinglés en septembre dernier par un rapport de la Commission européenne sur le niveau élevé des frais qu'ils pratiquent et pour leur opacité.

Ainsi, vous avez annoncé, madame la ministre, vouloir traquer ces abus, notamment à travers une nouvelle mesure introduite dans ce projet de loi visant à supprimer les pénalités libératoires. Si cela s'inscrit dans le bon sens, il ne faudrait pas que cette décision occulte le reste, à savoir tout le volet traitant du crédit revolving.

Ainsi, je voudrais insister, à l'instar de mes collègues, sur l'absence de cohérence entre vos discours et vos actes. N'est-il pas aberrant de dénoncer avec autant de véhémence le crédit rechargeable sans pour autant en annoncer la suppression ? À cela, vous nous répondez que votre proposition de loi prévoit de l'encadrer, mais nous considérons que vous n'allez pas assez loin. Il faut, par exemple, prévoir une vérification régulière de la solvabilité de l'emprunteur, et interdire la possibilité d'effectuer des retraits ou des paiements sous forme de crédit rechargeable.

En effet, ces derniers mois, on a vu apparaître des cartes bancaires offrant au consommateur la possibilité de choisir, au moment du paiement, entre un paiement comptant ou un paiement à crédit, véritable piège pour le consommateur et véritable effet d'aubaine pour les banques.

Par ailleurs, il faut élargir l'offre de crédit. De récentes enquêtes sur la distribution de crédit ont permis de mettre en exergue certaines pratiques des organismes bancaires ou de crédit. En dessous d'un seuil plancher avoisinant les 3 000 euros – ce qui est relativement élevé –, ces organismes ne proposent que du crédit rechargeable au détriment du prêt personnel.

En conclusion, madame la ministre, ce texte propose des avancées, mais aucune réforme structurante. Nous avons l'opportunité de mettre un terme à des pratiques abusives dont les conséquences sont souvent dramatiques pour certains de nos concitoyens.

J'espère que les débats et l'examen des amendements nous permettront d'aller plus loin dans la protection du consommateur qui, aujourd'hui plus qu'hier, s'affiche en impérieuse nécessité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Ce texte est déterminant pour l'avenir d'un grand nombre de nos concitoyens.

Depuis plus d'un an, madame la ministre, vous avez travaillé d'arrache-pied pour réformer un système ô combien précieux pour notre économie, mais parfois pervers et responsable du surendettement de milliers de nos concitoyens. La spirale du surendettement, comme on l'appelle, est le plus souvent le fruit d'accidents de la vie, quand elle ne les provoque pas, plongeant un grand nombre de Français dans la pauvreté. Une réforme est donc vitale, certes, mais l'issue de ce grave problème ne réside pas dans un aveuglement un peu primaire qui voudrait jeter un discrédit inutile sur le crédit à la consommation, allant parfois jusqu'à la caricature.

Évitons les pièges prônant des solutions hâtives et extrêmes qui voudraient bannir de notre vie quotidienne un outil essentiel, utile pour notre consommation. Certains de nos collègues ont proposé, il y a peu, la suppression pure et simple du crédit renouvelable. Je leur réponds que ce n'est pas en coupant les vivres à des milliers de Français que l'on peut espérer les sortir de la pauvreté. Ce n'est pas en supprimant un secteur d'activité que l'on améliore l'emploi.

À quoi bon supprimer le crédit renouvelable, et surtout par quoi le remplacer ? En effet, 40 % des Français n'ont pas accès au crédit et la grande majorité des surendettés ont recours au crédit renouvelable comme une solution alternative pour faire face au refus des banques. Plus de neuf millions de ménages y ont aujourd'hui recours et cette consommation est un moteur essentiel de notre économie. Pour les entreprises de vente par correspondance, auxquelles je suis très attaché, car elles sont très nombreuses dans ma circonscription et ma région, le crédit renouvelable représente 40 % des achats. Le supprimer, c'est condamner toute une partie de la distribution par vente à distance et c'est retirer un moyen de financement qui est utilisé à bon escient par bon nombre de consommateurs qui en ont besoin. C'est fragiliser des dizaines de milliers d'emplois.

J'ai été surpris que l'on stigmatise les employés de ces entreprises, qu'elles soient à Roubaix ou ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais pas du tout ! Qu'est-ce que vous dites-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

J'ai entendu des choses qui me paraissent extrêmement choquantes, les mots d'« abus de confiance. » Les salariés de ces entreprises sont inquiets. Ils font simplement leur travail et ils ont droit au respect de leur activité.

Dans le contexte actuel et alors que les mesures de la relance sont principalement axées sur l'investissement, il serait catastrophique de fermer le robinet des crédits à la consommation, qui constituent un excellent stimulant de l'économie. Nous avons le plus faible taux d'endettement des ménages d'Europe et nous détenons pourtant le record du taux de surendettement : ne nous trompons pas de cible. Il serait injuste de stigmatiser le crédit renouvelable et toute l'activité économique qui repose sur cet outil. C'est au mauvais recours au crédit qu'il faut s'attaquer. Pour cela, il faut améliorer la solvabilité des emprunteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

S'ils avaient un salaire décent, nous n'en serions pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

C'est bien l'ambition voulue par ce texte, à sa sortie du Sénat et après l'énorme travail réalisé en commission.

C'est pourquoi, madame la ministre, si je suis favorable à la création d'un FICP en temps réel, première étape, je considère qu'il est indispensable d'instaurer le fichier positif dans le délai le plus rapide possible. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La clé de la lutte contre le surendettement se trouve à la racine de l'acte de contrat de crédit, par l'obligation faite au prêteur de vérifier la solvabilité de l'emprunteur et par la responsabilisation de ce dernier, en lui faisant comprendre qu'un crédit « engage ». Si, en France, l'accès au crédit est largement inférieur aux moyennes européennes, le coût du surendettement est pourtant bien plus élevé que celui de nos voisins, dont la plupart disposent du fichier positif. En France, l'absence de consultation du fichier rend le traitement du surendettement trop tardif, donc plus coûteux. Ce fichier constitue par conséquent une solution nécessaire et responsable pour promouvoir un marché du crédit moralement et financièrement acceptable. C'est cet effort de responsabilisation des deux parties qui, seul, peut contribuer à transformer le crédit vu comme un recours désespéré en un outil sain d'enrichissement économique.

Sur ce point, le projet est sage, efficace. Mais il faudrait encore faire un pas, madame la ministre, pour parvenir, le plus vite possible, au fichier positif.

Le changement de perception du crédit passe également par le comportement du prêteur, notamment de certains établissements de crédits dont les pratiques de démarchage agressif relèvent parfois de beaucoup d'excès.

Je soutiens les réglementations du projet de loi, notamment celles conduisant à un encadrement plus strict de la publicité, qui obligent le prêteur à plus de transparence, de loyauté envers son client.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Le rôle des établissements de crédit est primordial dans la lutte contre le surendettement, et ce texte contribue à renforcer leur engagement éthique et moral.

Cependant, j'en appelle au pragmatisme dans l'application de telles mesures, certes fondamentales mais qui pourraient contraindre certaines entreprises, notamment celles de la vente par correspondance, à rééditer l'ensemble des catalogues pour mettre en conformité leurs publicités avec la loi, compte tenu des délais d'application prévus pour cette loi.

Il faut savoir que les catalogues automne-hiver sont, aujourd'hui, déjà tous imprimés. Si l'on ne veut pas qu'ils soient tous mis au pilon, il faudra trouver une solution. La réalisation d'un catalogue représente le coût de création d'un hypermarché. C'est donc un sujet très important. Il faut ajuster le délai de mise en application de la loi et trouver une solution.

Je salue l'équilibre d'un texte qui traduit l'esprit de la politique gouvernementale, une politique d'équité, de transparence, non partisane, qui tient compte des réalités sociales et économiques. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre approche de ce dossier. Je suis, comme vous le savez, extrêmement attaché au secteur de la vente à distance. Des hommes et des femmes y luttent pour leur survie. Nous devons être attentifs à tous ces problèmes, notamment à Roubaix où le nombre de chômeurs est élevé. Nous avons des responsabilités à l'égard des salariés de ce secteur d'activité.

Je considère que ce projet de loi est très bon. C'est pourquoi je le soutiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Madame la ministre, il y a, dans le débat amorcé depuis quelques heures, deux éléments partagés qui pourraient paraître contradictoires, mais qui sont au coeur du débat qui nous anime.

Le premier, c'est la reconnaissance du principe du crédit comme porteur de croissance économique, outil indispensable à certains ménages pour l'acquisition de biens de première nécessité ou de biens de loisirs.

Le deuxième, c'est la nécessité de réguler ce crédit pour éviter de se trouver dans les situations difficiles rappelées par les orateurs précédents.

Pour parvenir à cette régulation, nous devons savoir de quoi nous parlons. Nous sommes passés, en quelques décennies, d'une vertu qui voulait qu'on épargnât d'abord pour n'acheter qu'après, à la généralisation massive de l'emprunt. Nous sommes dans une société complexe. Comment ne pas emprunter lorsque posséder est la norme sociale ? Comment rester au bord de la société de loisirs lorsqu'il suffit pour y accéder de s'endetter ?

Mais si ce constat a marqué les années passées, nous n'en sommes plus là aujourd'hui. Pour beaucoup, le recours au crédit n'est plus cette mécanique permettant de réduire l'attente avant d'accéder à un bien ou à la position sociale qu'il octroie. Les années 90 ont vu le crédit à la consommation se transformer, pour les ménages les plus précaires, en crédit de soudure.

Parallèlement à ce mouvement dans lequel les débiteurs cherchaient ainsi le financement de leur fin de mois, des établissements se spécialisaient dans le développement d'un crédit générateur de profits. L'activité de prêteur s'autonomisait de celle du banquier et du commerçant. Le crédit pour le crédit était né.

C'est sur ce crédit-là que nous devons nous attarder, travailler. C'est celui qu'il nous faut encadrer, ce crédit devenu un produit à part entière, celui pour l'octroi duquel un vendeur est commissionné alors même que sa fonction affichée est de vendre le produit acquis grâce au crédit.

Le premier article du texte que vous nous proposez, madame la ministre, est emblématique du reste. Pourquoi fonder les seuils de l'usure sur des tranches par montants ? Vous faites deux calculs.

En espérant augmenter le nombre d'opérateurs, vous pensez que le réseau bancaire consentira à se pencher sur les prêts dits populaires et que, la concurrence aidant, certains taux baisseront.

En étendant le périmètre auquel s'applique le taux d'usure à 20 %, en allant jusqu'à des prêts de 3 000 euros, au lieu de 1 524 euros comme le code de la consommation l'autorise aujourd'hui, on pourrait imaginer que des prêteurs feraient accéder financièrement des personnes plus faibles à des prêts plus importants. Ces intentions sont sans aucun doute louables. Mais, concrètement, que va-t-il se passer ?

Sans préjuger d'ententes illicites entre les opérateurs, il faut concevoir que les acteurs du crédit à la consommation se sont répartis la clientèle de façon parfaitement rationalisée. Leur processus de segmentation utilise une terminologie précise. Les candidats au crédit à faible capacité de remboursement s'appellent des near prime ou des subprime. Ceux qui montrent une forte capacité de remboursement sont des prime, voire des upper prime. Imaginer que les réseaux bancaires vont se positionner sur les premières catégories, c'est ignorer le cloisonnement social qui s'opère au moment du choix du prêteur par l'emprunteur.

Les pratiques d'endettement diffèrent en effet selon la position sociale des emprunteurs. Il ne s'agit pas que d'une question de montant. Les ménages les plus précaires choisissent, nous le savons, des établissements spécialisés de crédit sans domiciliation de comptes personnels, sans relation durable, avec les modes de souscription les plus impersonnels, exigeant le moins de justificatifs. Des établissements dans lesquels ils paient très cher, sans le savoir, la liberté de ne pas avouer des fins de mois difficiles ou des dépenses exceptionnelles. L'absence de jugement moral et d'obligation de justifier la légitimité de leurs dépenses est décisive dans leur choix.

Si nous prenons en compte cet élément, que restera-t-il de cette réforme de l'usure ? Un élément particulièrement inquiétant : les consommateurs qui payaient un taux d'usure de 10 % pour des prêts compris entre 1 524 euros et 3 000 euros paieront dorénavant, eux aussi, un taux d'usure de 20 % d'intérêt. Au lieu de plafonner le taux de l'usure à un seuil acceptable, ce texte va augmenter le nombre de crédits qui lui sont soumis.

On sait pourtant que le Médiateur de la République – plusieurs orateurs l'ont rappelé – fixe à 10 % le seuil d'intérêt au-dessus duquel les ménages ne parviennent plus à rembourser. Il faut cesser de faire peser tout le risque sur les clients.

Notre deuxième point d'achoppement est évidemment le crédit renouvelable : 21 % des encours de crédit à la consommation en 2007, très majoritairement souscrits par une clientèle populaire, représentant, avec les découverts bancaires, 70 % de l'ensemble des crédits dénombrés dans les dossiers de surendettement en 2009, contre 26 % pour les crédits affectés et les prêts personnels.

La majorité de cette assemblée a refusé de voter une proposition de loi du groupe socialiste relative à la suppression du crédit revolving et voilà qu'aujourd'hui ce projet de loi vise à encadrer ce type de crédit et à désamorcer les risques de surendettement qu'il porte. On peut très sincèrement se réjouir qu'une fraction d'amortissement et une durée dans le temps viennent contrecarrer la mécanique retorse du crédit renouvelable. Pour autant, rembourser une part des intérêts et limiter le crédit renouvelable à trois ou cinq ans ne résoudra pas le problème du surendettement si ce crédit est rechargeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Substituer au crédit renouvelable une succession de crédits amortissables est une opération en trompe-l'oeil.

Parce qu'il est un crédit désaffecté, le crédit renouvelable est celui qui sert à boucler les fins de mois, nous le savons tous. Une étude du CREDOC montre qu'en 2001, seuls 15 % des allocataires des minima sociaux recouraient au crédit, contre 43 % de l'ensemble des ménages. Et pourtant, ils souscrivaient des crédits renouvelables à part égale, c'est-à-dire à hauteur de 6 %.

Outre que ce type de crédit sert à pallier le problème de l'insuffisance des revenus – dont il faudra bien parler – sans le résoudre, il est souvent contracté en toute ignorance. Les conseillers des établissements de crédit sont commissionnés au prorata du nombre de crédits renouvelables souscrits sans se soucier de la rencontre libre de l'offre et de la demande.

Comment se fait-il qu'aucun justificatif de solvabilité ne soit demandé à l'emprunteur ? Tous les établissements spécialisés de crédit le savent : ce n'est pas en visant le taux d'impayé le plus bas qu'ils feront des affaires. Ils connaissent parfaitement le pourcentage de risque d'impayé de chaque dossier. Le surendettement d'une fraction de leur client est intégré à leur calcul de rentabilité.

En raison de sa mécanique, le crédit renouvelable n'est même pas intégré dans le FICP. Quelle protection le projet de loi offrira-t-il si l'acte de vente d'un produit et l'acte d'ouverture ne sont pas séparés physiquement, si la signature du conjoint – lorsque le crédit souscrit est adossé à un compte joint bancaire – n'est pas exigée, si le démarchage et le harcèlement ne sont pas interdits ?

Je souhaiterais que le Gouvernement mette en adéquation le discours et les pratiques, et supprime le crédit renouvelable.

Venons-en à la question du surendettement. Il ne s'agit pas d'un microphénomène. Le premier semestre 2009 a vu un bond de 17 % de dépôts de dossiers supplémentaire, 15 % sur l'année. Le surendettement touche aujourd'hui près de 800 000 ménages.

On a parfois pu entrevoir dans les débats le reflet d'une moralisation du surendettement qui concernerait des acheteurs au comportement compulsif, faisant preuve d'un excès de convoitise. On a même entendu parler de familles multipliant les écrans plats.

Rappelons que les conseillers de ces établissements confient parfois sous le manteau que les crédits renouvelables servent à financer des dettes, des impôts, des meubles, des réparations automobiles ou encore des pierres tombales. Les abus existent, il ne faut pas le nier, mais rappelons que le surendettement passif, dû à une diminution de ressources, concerne 75 % des cas ; 32 % résultant d'une perte d'emploi, 15 % d'un divorce et 11 % étant liés à une maladie ou à un accident.

Concernant les cartes multiservices ou les cartes de fidélité sur lesquelles les conseillers parviennent à adosser des crédits renouvelables non sollicités par le client, le projet de loi que nous examinons opère une avancée que je salue. La fonction paiement comptant devra être activée à l'exclusion de toute autre, sauf choix exprès du consommateur. Mais lorsque l'on sait qu'une partie des souscripteurs s'ignore et que la démarche faite à leur insu est une étape dans un processus de captation de clientèle, ne vaudrait-il mieux pas exiger la séparation du support servant à l'achat de celui servant à la souscription du crédit et avoir le courage de le reconnaître ?

Concernant les regroupements ou rachats de crédit, et contrairement à ce qu'exprimait Mme la ministre de l'économie en commission des lois, je ne crois pas qu'ils puissent être utiles. La baisse des mensualités se paie par un montant global exorbitant et un allongement de la durée de remboursement proprement scandaleux. Nous dépassons ici le stade du crédit de soudure pour entrer dans la phase terminale où le prêteur vend une dette supplémentaire aux ménages pour permettre la gestion technique de leurs dettes. C'est comme si l'on vendait de l'alcool à un alcoolique au motif de le soigner.

Au rang des démarches d'endettement de dernier recours, le prêt sur gage fait l'objet d'une disposition que je comprends mal, à savoir supprimer la possibilité d'échelonner ou d'effacer les dettes contractées par prêt sur gage. N'y a-t-il pas contradiction entre l'esprit des crédits municipaux et la réforme proposée ?

Enfin, l'hypothèque rechargeable me semble une pratique d'endettement particulièrement pernicieuse. Il faut abroger ce dispositif introduit en 2006, car s'il se distingue du mortgage américain en ce qu'il permet de réutiliser une hypothèque pour obtenir un nouveau crédit à hauteur des remboursements effectués, il reste que recharger une hypothèque constitue déjà un pas vers le surendettement.

L'approfondissement de la démarche de responsabilisation des prêteurs doit s'accompagner d'une amélioration des propositions du texte sur la protection de l'emprunteur.

Six éléments me semblent sujets à caution dans notre débat. Le premier concerne le répertoire national des prêts à la consommation. Géré par la Banque de France et délivré par extrait sur le modèle de la délivrance d'une attestation de casier judiciaire, il peut avoir son utilité, nous souhaitons travailler en ce sens. Diffusé aux établissements de crédit, il constituerait une grave atteinte à la vie privée. Connaissant l'agressivité du démarchage de ces établissements, qui peut affirmer que ce fichier ne constituerait pas un véritable terrain de chasse pour eux ?

Le deuxième élément est la dilution de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, laquelle augure mal des intentions réelles du Gouvernement. Et ce n'est pas l'Observatoire des prix et des marges qui la compensera.

Le troisième élément est l'absence criante de l'action de groupe, véritable arlésienne. Celle-ci a toujours été repoussée au motif dilatoire qu'elle méritait un texte à elle seule, mais lorsque la gauche a présenté un tel texte, vous ne l'avez pas voté.

Quatrièmement, rien n'est prévu, me semble-t-il, pour faciliter la saisine bien compliquée de la commission consultative sur les taux de prêt d'argent, habilitée à traiter des problèmes d'écart entre le taux annoncé et le taux effectif global.

Cinquième élément, le nerf de la guerre : l'assurance. Je ferai à cet égard deux remarques. D'une part, les primes d'assurance doivent pouvoir être calculées non plus sur la totalité du capital, mais sur le reste à payer. D'autre part, les prêteurs présentent généralement la prime comme « transparente », ce qui ne signifie pas « gratuite » comme le fait remarquer la sociologue Hélène Ducourant. Cette prime est, certes, comprise dans la mensualité, mais la durée de remboursement est rallongée d'autant. Il faut donc obtenir la transparence non sur le prix de l'assurance, mais sur la communication des conseillers.

Sixième et dernier élément, le crédit social. Mis en place par de nombreuses collectivités de toutes appartenances politiques, il doit trouver une dimension nationale à la faveur du texte qui nous rassemble aujourd'hui.

Madame la ministre, ce projet de loi propose des avancées, mais il doit être encore amélioré en empêchant la saisie de la caution des parents ou des grands-parents lorsqu'un débiteur rembourse ses dettes suivant un échéancier fixé par la commission de surendettement ; en supprimant la condition de bonne foi du débiteur, fréquemment contestée par les créanciers ; en évitant que les contentieux retardent l'entrée en plan de redressement ; en évitant les disparités fortes sur le calcul du reste à vivre qui, s'il doit prendre en compte les spécificités des territoires, notamment les prix de l'immobilier, ne peut pas aboutir à un reste à vivre de 680 euros en Moselle contre 260 euros dans le Territoire de Belfort par exemple.

Au final, ce texte me donne l'impression d'une demi- réponse à un grave problème, d'un arrêt au milieu du gué, comme si vous étiez consciente, madame la ministre, que la situation n'est plus tenable, mais que votre croyance en une économie de marché libre vous empêche de faire quelques avancées, le pas supplémentaire qui serait pourtant salutaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la réforme du crédit à la consommation est devenue une véritable nécessité. Les chiffres sont alarmants : 2 190 000 personnes sont enregistrées au fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers, soit un million de plus qu'en 2000.

Seuls 9 millions de ménages français accèdent au crédit contre 27 millions en Allemagne, et 62 % des jeunes qui ont des revenus d'activité et qui démarrent dans la vie professionnelle sont exclus du crédit en raison de méthodes de scoring inadaptées à leur situation.

Les personnes en surendettement ne sont pas seulement des personnes qui sont tombées dans les pièges de la société de consommation, ce sont souvent des personnes qui connaissent des accidents de parcours, comme la perte d'un emploi ou encore le décès d'un conjoint. En outre, dans la situation de crise que nous connaissons, il est malheureusement aisé de constater que l'augmentation du chômage fragilise la situation financière de nombreuses familles.

Le surendettement a battu des records ces derniers mois et les prévisions ne sont pas optimistes : plus de 15 millions de ménages seront concernés d'ici à la fin de l'année, selon le Médiateur de la République.

Il est donc urgent de s'attaquer à ce problème, de responsabiliser les établissements de crédit et les emprunteurs qu'il faut par ailleurs protéger.

Cette réforme a pour objectif de développer le crédit responsable afin de lutter contre le surendettement. Elle répond autant à une nécessité sociale qu'à une nécessité économique. Le texte va incontestablement dans la bonne direction. Toutefois, et c'est mon plus grand regret, je regrette – comme le président Ollier notamment – qu'il ne prévoie pas de fichier positif.

Certes, l'article 4 du projet de loi prévoit la consultation du fichier recensant les incidents de remboursement des crédits pour les particuliers avant l'octroi des prêts, mais cette mesure n'est pas suffisante.

Il me semble nécessaire de centraliser les engagements financiers souscrits par les particuliers. Ni les sociétés de crédits ni les établissements bancaires n'ont une bonne connaissance des prêts en cours et de l'historique bancaire du demandeur d'un crédit. Faute d'instrument adapté, cela oblige les banques à prendre leurs décisions d'octroyer ou non un crédit en utilisant la méthode du scoring – nature du contrat de travail, origines sociales, ancienneté chez l'employeur. Or ce processus est particulièrement discriminant.

Néanmoins, le texte comporte de nombreux points positifs qui vont dans le sens d'une meilleure prévention. Il permettra, entre autres, d'encadrer la publicité pour empêcher les pratiques agressives qui ne permettent pas aux ménages de prendre un engagement pleinement réfléchi lorsqu'ils sont sollicités ; de renforcer les obligations et responsabilités des prêteurs, notamment pour encadrer la distribution de crédit sur le lieu de vente ; de renforcer les règles de protection des emprunteurs ; de vérifier périodiquement la solvabilité de l'emprunteur au cours de la vie d'un crédit renouvelable. Qu'il me soit, à ce propos, permis de féliciter vivement nos collègues de la commission des affaires économiques d'avoir inséré cette disposition.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il me semble primordial de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant réforme du crédit à la consommation est un texte « sensible » car il concerne la plupart des Français, en tant que consommateurs et agents économiques.

Sa signification est d'autant plus grande qu'il vient en discussion à un moment où le pouvoir d'achat des plus modestes reste désespérément limité et que nombre d'entre eux ont recours au crédit à la consommation non pour investir, mais tout simplement pour boucler leurs fins de mois et acheter des produits de première nécessité.

Alors qu'une loi de protection pourrait changer un peu la vie quotidienne de nombre d'entre eux, le Gouvernement a choisi volontairement d'en limiter le caractère protecteur. Ce projet appelle donc des modifications que les députés socialistes entendent bien faire valoir.

Mon intervention s'articulera autour de trois points.

En premier lieu, le crédit à la consommation a longtemps servi à financer des achats importants dont on ne pouvait assurer le financement en une seule fois, ce qui nécessitait que la banque dont on était client en avance le prix et en fasse payer le coût. Aujourd'hui, le crédit permet de financer quasiment tout achat et apparaît facilement accessible au plus grand nombre. Il est donc utilisé pour l'achat de biens et de services qui ne requièrent pas automatiquement un échelonnement des paiements : vêtements, petits équipements, voire alimentation. En temps de crise, les familles modestes y ont malheureusement recours pour acheter des produits de consommation courante. Le crédit est donc désormais utilisé, non comme un prêt mais comme une sorte d'avance sur revenu, revenu qu'on ne touchera évidemment jamais, mais qu'il faudra néanmoins rembourser.

La relation qui existe entre la stagnation des revenus du travail, victimes d'un partage inéquitable avec les revenus du capital, et l'augmentation du recours au crédit, si elle est peu étudiée, n'en est pas moins réelle. Ce changement de perspective devrait nous conduire à renforcer drastiquement la protection des consommateurs, d'autant qu'il survient dans un contexte de crise. Malheureusement ce texte ne fait que créer l'illusion d'une relation plus équilibrée entre prêteurs et consommateurs.

Il convient par conséquent, dans le contexte actuel, de défendre les plus faibles, donc les consommateurs. Ce sera mon deuxième point.

Si l'on entend beaucoup parler d'endettement public on entend beaucoup moins parler de l'endettement privé. Pourtant celui-ci est grand et touche souvent de façon dramatique les individus et les familles les plus modestes. Si l'on parle moins de l'endettement privé excessif c'est que, comme le dit l'économiste James Galbraith, certains ont tout intérêt à dire que cette dette est productive et qu'elle est stable, car ils en profitent. Sur ce point, je note que, lors de la discussion en commission, on a évoqué, à tort me semble-t-il, « un outil puissant de soutien de la croissance. »

Je ne donnerai que quelques chiffres sur la situation en France : les établissements de financement spécialisé qui n'ont statutairement le droit de commercialiser que des produits bancaires en rapport direct avec le crédit à la consommation représentent 60 % du marché ; près de 90 % des contrats renouvelables souscrits ont un taux d'intérêt contractuel supérieur à 16 %, et 43 % ont un taux supérieur à 19 %.

C'est donc au regard de cette tendance lourde et dans ce contexte particulier que nous examinons ce texte qui a, certes, le mérite d'exister mais qui n'apporte pas de réponses adaptées.

J'en viens au projet de loi lui-même, que je considère comme limité et timoré.

Sur trois sujets, le projet ne va assez loin au regard des pratiques contestables constatées pour les crédits à la consommation.

D'une part, il ne fait qu'encadrer mollement le recours au crédit renouvelable, alors même que, d'après la Banque de France, en 2007, 85,5 % des ménages en surendettement détenaient au moins un crédit renouvelable et que ces mêmes dossiers comportaient en moyenne cinq comptes de crédit renouvelable, ce qui donne un nombre de trois millions de comptes de crédit renouvelable en surendettement cette année-là c'est-à-dire avant la crise de 2008.

Concrètement le projet de loi n'interdit pas le crédit renouvelable dans les lieux de vente ni n'en limite l'appariement avec une carte de fidélité, facteur de confusion. Ainsi les produits proposés, malgré leur simplicité apparente, atteignent « un niveau de technique financière tel que les consommateurs n'en ont pas la maîtrise » selon un rapport du comité consultatif du secteur financier.

D'autre part, l'obligation de mesurer la solvabilité des emprunteurs est réduite aux maigres acquis d'une pratique professionnelle qui devrait être la norme, à savoir la vérification d'un « nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur », et la consultation du fichier prévu à l'article 27, celui des incidents de paiement liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Autrement dit, on va prendre en compte l'absence d'incident survenu sans se préoccuper de la probabilité que le nouveau crédit soit de nature à en créer un !

Enfin, le placement des crédits comme source de rémunération des conseillers-clientèle n'est d'aucune façon encadré, ni limité. À tout le moins, l'interdiction du terme de conseiller-clientèle lorsque le vendeur est rémunéré de la sorte aurait dû être introduite, et le principe de la responsabilité de l'organisme prêteur explicitement posé.

Sur trois sujets au moins, le gouvernement aurait pu faire oeuvre de plus d'innovation, et anticiper un certain nombre de mesures d'ores et déjà discutées au niveau de l'Union européenne.

En premier lieu, tous les risques liés à une offre de crédit concrète devraient être portés à l'attention du consommateur dans une fiche d'information précontractuelle. Le projet de loi ne prévoit que la fourniture des informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur d'appréhender clairement l'étendue de son engagement compte tenu de ses préférences.

En deuxième lieu, un système de consolidation du crédit contenant des données de tous les prêts et crédits aux consommateurs aurait pu être mis en place, géré par la banque centrale avec obligation de toutes les banques de fournir des données sur tous les prêts en cours. Cette proposition est d'ores et déjà soutenue par les associations de consommateurs européennes.

Enfin, l'initiative américaine de créer une agence indépendante de protection financière des consommateurs aurait pu servir de base à la création ou à l'amélioration d'un organe similaire dans notre pays et à la création d'un organe de coordination à l'échelle de l'Union européenne.

Autant de raisons qui font que le projet de loi qui nous est soumis est en retrait de la réalité et des enjeux de protection du consommateur français, ce que je ne peux que regretter ! Et autant de pistes portées à notre discussion pour corriger ce texte lors des débats à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Gallez

Aujourd'hui 750 000 dossiers de surendettement en cours concernent deux millions de personnes ; 200 000 dossiers par an concernent 450 000 personnes placées hors du circuit économique pendant dix ans ; six millions de personnes, nous dit le rapport du Médiateur de la République, ont des difficultés à rembourser leurs dettes. Ces chiffres ne cessent de croître et les associations tirent la sonnette d'alarme car elles craignent une explosion du nombre de dossiers en 2011. Par ailleurs, 40 % des Français sont exclus du crédit.

Nous sommes dans une situation de véritable urgence sociale. Il nous faut donc promouvoir une politique dynamique du crédit tout en l'encadrant de manière à lutter contre le surendettement ; je crois qu'il y a unanimité parmi nous sur ce point.

Tel est, certes, l'objectif que veut poursuivre le Gouvernement avec ce projet de loi, qui présente indiscutablement des avancées notables en matière de surendettement, mais je crains que ce texte ne soit beaucoup trop timoré en ce qui concerne l'instauration d'un fichier positif, puisqu'il la soumet aux conclusions d'un rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Gallez

Il importe peu que ces conclusions soient rendues dans un délai de trois ans ou de dix-huit mois, car c'est maintenant que ce fichier positif doit être créé. J'espère que l'amendement que j'ai déposé en ce sens sera adopté par tous ceux qui, confrontés dans leur circonscription à ce fléau du surendettement, sont bien conscients de l'urgence de la création d'un tel fichier.

Vous savez bien que, sur le terrain, nous constatons tous l'inadaptation des procédures de surendettement. L'absence de mécanismes de régulation, de prévention et d'accompagnement sérieux se révèle économiquement, humainement et socialement improductive. Or le fichier positif permet tout à la fois de prévenir le surendettement et de développer, sur des bases saines, le crédit à la consommation.

En centralisant les engagements financiers réels souscrits par les particuliers qui permettent aux sociétés financières d'avoir une bonne connaissance de la clientèle et de l'historique bancaire au demandeur d'un crédit, le fichier positif responsabilise les organismes de crédit, qui seraient désormais en possession d'éléments leur permettant d'évaluer la situation de l'emprunteur.

Il contribue à la prévention du surendettement individuel, puisqu'il limite l'empilement non maîtrisé des crédits, phénomène aggravant du surendettement constaté dans 70 % des dossiers.

Il permet une plus grande fluidité du marché puisque tous les offreurs potentiels de crédits ont une égalité d'information. Il réduit donc, à terme, le taux du crédit. Il ouvre l'offre de crédit à des populations qui en sont actuellement exclues par manque supposé de solvabilité.

Je connais bien les arguments qui s'opposent au fichier positif.

On objecte tout d'abord que la plupart des dossiers de surendettement proviennent d'un accident de la vie, et non pas d'un excès de consommation. Pourtant, contrairement à une idée reçue, c'est bien le recours non maîtrisé au crédit qui est le premier facteur explicatif du surendettement, et le fichier positif contribuerait à limiter les effets du surendettement en identifiant des situations de fragilité et en apportant des solutions plus adaptées que le crédit revolving ou l'accumulation de crédits pour des personnes prêtes à tout pour éviter l'inscription au FICP.

Deuxième argument opposé à la création du fichier positif : il faut moderniser ce qui existe déjà. Je suis tout à fait d'accord pour améliorer le fonctionnement du FICP, à condition que cela ne soit pas un argument pour retarder la création du fichier positif. En effet l'inscription au FICP intervient beaucoup trop tard – c'est-à-dire quand la maison a brûlé et qu'il n'y a plus grand-chose à sauver – et elle s'achève par des procédures brutales qui enfoncent la tête sous l'eau de celui qui est en train de se noyer. Travaillons en amont et non lorsqu'il est trop tard.

Troisième argument : le fichage des particuliers et l'utilisation du fichier à des fins commerciales. Il faut effectivement, afin de garantir les données personnelles et éviter tout détournement commercial, que l'utilisation du fichier s'inscrive dans un cadre législatif, avec, à mon avis, la Banque de France, comme autorité de contrôle du respect des règles législatives. Je ne crois pas que, dans les pays ayant adopté le fichier positif, on ait relevé de problèmes significatifs dans ce domaine.

Pour en terminer avec le fichier positif, je rappelle qu'une douzaine de pays en Europe l'ont déjà adopté et que, dans ces pays, il a fait la preuve de son efficacité. Depuis sa création en Belgique en 2003, on a constaté une baisse constante du nombre de contrats défaillants parallèlement à une augmentation du nombre de crédits octroyés. Sachons regarder ce qui se passe ailleurs avec succès et ne restons pas campés sur des positions qu'il serait tout à notre honneur de faire évoluer.

Depuis vingt ans, douze lois ont tenté de réformer le crédit à la consommation, sans enrayer la progression du surendettement. Mettons en place dès maintenant un outil qui, j'en suis convaincue, nous permettra d'en inverser la tendance. Engageons ce processus sans délai.

J'ai voulu consacrer l'essentiel de mon intervention concernant ce projet de loi à la création d'un fichier positif car, pour moi, ce devrait être, effectivement, la mesure la plus importante de ce texte. Je terminerai sur deux autres points qui me tiennent à coeur et qui jouent un rôle important lorsqu'il y a surendettement.

Le premier concerne les taux usuraires : pouvez-vous, madame le ministre, nous préciser vos intentions en ce domaine ? Je rappelle qu'actuellement, par exemple, ce taux est à 19,71 % pour le crédit revolving.

Je veux ensuite évoquer le problème des cautions, qui génère tant de situations dramatiques. J'ai déposé un amendement précisant que les cautions ne seront pas poursuivies quand le débiteur est en plan de surendettement puisque celui-ci rembourse déjà ses dettes, et qu'il n'est donc pas admissible de saisir parallèlement la caution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Nous sommes tous d'accord sur le fait que ce texte comporte certaines avancées et nous nous en félicitons. Cependant, force est de constater que ces avancées ne concernent pas ou peu le crédit revolving. Le surendettement des ménages explose et les naufragés du crédit revolving sont toujours de plus en plus nombreux.

Dans votre projet de loi, vous ne concédez qu'une place minime au surendettement. Réduire les délais du traitement des dossiers, c'est bien, mais ne vaudrait-il pas mieux s'attaquer à la cause plutôt que d'appliquer un simple pansement sur une plaie à vif ? En effet vous n'êtes pas sans savoir que 84 % des dossiers déposés aujourd'hui en commissions de surendettement comportent un crédit revolving, souvent plusieurs : six en moyenne.

Vous avez taxé notre proposition de loi visant à supprimer le crédit revolving de solution de facilité. Mais aujourd'hui, dans ce texte, je ne vois pas de solution du tout !

Trente et un crédits revolving pour une femme seule avec trois enfants à charge, oui, c'est possible ! La commission de surendettement de Nîmes a traité ce dossier récemment et il ne s'agit pas d'un cas isolé. Il y a quatre mois, cette même commission a examiné le cas d'un couple qui avait souscrit cinquante-neuf crédits revolving ! C'est l'effet cascade : on souscrit un crédit revolving pour rembourser le précédent, et ainsi de suite, sans que, bien entendu, aucun établissement de crédit n'y voit jamais rien à redire.

Le 11 mars, à Nîmes, j'ai pu assister à la réunion d'une commission de surendettement. Durant cette matinée, treize dossiers examinés ont fait l'objet d'une procédure de rétablissement personnel, la plupart d'entre eux revenaient devant la commission après un moratoire de deux ans.

Il y avait celui de cette femme de quarante-six ans qui élève seule ses quatre enfants. Pendant son moratoire, elle a décroché un CDI comme vendeuse, mais elle a été licenciée au bout de quelques mois. Il y avait ces jeunes retraités de soixante-trois ans dont les ressources ont brutalement chuté pendant le moratoire, ou bien encore cette femme de quarante-trois ans en CDD : elle a respecté son premier plan, mais elle ne percevra plus d'allocation chômage à partir du mois de juin prochain.

Tous ces travailleurs pauvres ou anciens travailleurs sont de bonne foi. Pourtant ils se retrouvent aujourd'hui dans l'incapacité de régler leurs loyers et leurs factures d'eau, d'électricité ou de gaz. Voilà le visage du surendettement : des travailleurs pauvres qui ne peuvent plus faire face au quotidien.

À ce jour, 43 millions de crédits renouvelables sont ouverts en France. Ils s'adressent en particulier aux classes populaires. Dans 42 % des cas, ce crédit est supporté par des ménages ayant un revenu mensuel situé entre 960 et 1 750 euros.

Madame la ministre, si tout le monde s'accorde à dire que le crédit revolving peut constituer une incitation dangereuse à la surconsommation, voire au surendettement, votre projet de loi n'aura qu'une portée limitée sur le phénomène. Dois-je vous rappeler que, depuis 1995, le nombre de dépôts de dossiers en commission de surendettement augmente de 20 % par an ? On en compte 216 396 pour la seule année 2009 !

Les établissements qui vendent du crédit revolving ont dans leur ligne de mire les ménages financièrement fragiles qui constituent une cible particulièrement influençable.

Aujourd'hui, 54 % des ouvertures de crédits renouvelables sont réalisées sur le lieu de vente, comme les grandes surfaces, sans qu'aucun conseil ne soit donné aux consommateurs, et sans vérification approfondie de leur situation. Votre projet de loi précise que le prêteur veille à ce qu'une fiche d'information soit remise à l'emprunteur. Il me semble qu'il devrait plutôt s'agir d'une obligation. Par ailleurs, cette, fiche devrait être cosignée par l'emprunteur et le prêteur afin de responsabiliser ce dernier. Ce document pourrait aussi faire état de l'obligation de fournir, lors de la souscription d'un crédit revolving, trois relevés de compte bancaire afin que la situation financière de l'emprunteur puisse être examinée.

Finalement, la seule réelle avancée de ce texte, nous la devons aux sénateurs qui ont introduit l'obligation, au-delà d'un certain seuil, de proposer un crédit amortissable alternatif à l'offre concomitante d'un crédit revolving. Reste à savoir quels seront les taux d'intérêt alors pratiqués.

Actuellement, l'astuce de nombreuses sociétés de crédit revolving consiste à affecter une grande partie des remboursements mensuels à des frais divers et variés, ce qui diminue d'autant la part du capital remboursé, laquelle devient ainsi parfois insignifiante. La durée de remboursement du crédit revolving, quand on puise dans la réserve disponible, peut alors être extrêmement longue puisque, dans ce cas, le crédit est automatiquement réactivé.

À cet égard, l'article 5 me paraît être trop timide. Il pose bien le principe fondamental d'un amortissement minimum du capital emprunté, dit « remboursement minimal du capital emprunté », à chaque échéance, mais il laisse un décret en prévoir les modalités. Personnellement, j'estime que le capital amorti devrait représenter au moins 40 à 50 % de la mensualité, et je souhaite que ces précisions soient apportées par le projet de loi que nous examinons, et non par un décret.

Comme nous l'avons décidé en commission, nous ferons un bilan d'étape en 2011. Si, malgré cette loi, la situation reste identique, il faudra sérieusement et rapidement se pencher sur la mise en place d'un fichier positif réclamé par tous les parlementaires de l'opposition, mais aussi par de nombreux députés de la majorité. Aujourd'hui, madame la ministre, vous jugez que ce fichier n'est pas utile ; malheureusement, je pense que, demain, il faudra le mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Straumann

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la presse s'en est fait l'écho : la crise fait flamber le surendettement.

En Alsace, comme ailleurs le nombre de dossiers déposés auprès de la Banque de France a progressé de près de 16 % l'an dernier, et les chiffres du mois de février confirment cette tendance. Nous avons tous reçu dans nos permanences des emprunteurs pris au piège du surendettement.

Ce projet de loi doit permettre d'éviter les excès et les abus. L'obligation d'amortir les crédits renouvelables va dans le bon sens. Il faut aussi lutter contre les publicités agressives et trompeuses, notamment en ce qui concerne les taux.

Pour ma part, je pense qu'il faudra se montrer attentif à la diffusion des cartes de fidélités assorties d'un crédit renouvelable. Ces cartes connaissent un énorme succès car elles offrent des avantages commerciaux parfois significatifs.

Je vous lis un témoignage trouvé sur un blog : « C'était, aujourd'hui, l'inauguration d'un nouveau magasin à Brest et, pour l'occasion, il reste ouvert jusqu'à minuit. L'offre est alléchante : remise de 15 % toute la journée. Comme l'on s'y attendait, il y avait foule ; Brest et sa région s'étaient donné rendez-vous. Tout se passait très bien jusqu'à ce que j'entende la voix de l'animateur vanter les mérites de la carte de fidélité en parlant de remises et de cadeaux valables aujourd'hui même. Comme j'avais beaucoup d'achat à effectuer, je passe donc au bureau pour faire établir la fameuse carte de fidélité qui allait me donner 20 % de remise aujourd'hui. Dans la file d'attente, une autre personne me dit de préparer mon RIB bancaire. Aussitôt je lui réponds qu'il n'est pas nécessaire de présenter un RIB pour une carte de fidélité. Et là, surprise : la carte de fidélité devient carte de crédit. » Finalement, ce consommateur a refusé une carte de crédit dont il n'avait pas besoin.

Pourtant, les avantages commerciaux proposés prennent la forme de points cadeaux, mais aussi de ristournes et de remises sur certains produits. Des conditions préférentielles sont proposées, par exemple certains jours de moindre affluence. L'obtention d'une remise de 20 % à certains moments ou l'accès prioritaire aux soldes avant leur généralisation à l'ensemble de la clientèle sont autant d'arguments qui encouragent de nombreux consommateurs, soucieux de la maîtrise de leur budget, à souscrire ce type de carte, même s'ils ne souhaitent à aucun moment avoir accès au crédit dont le taux est souvent très élevé. Il reste que, pour bénéficier d'avantages commerciaux, ils acceptent de souscrire à cette offre alors qu'ils paieront ensuite leurs achats comptant. En effet, cette carte, dont le crédit n'est pas utilisé, constitue également un moyen de paiement simple puisque le montant des achats du consommateur est prélevé sur son compte bancaire.

Le projet de loi prévoit, à juste titre, que le bénéfice des avantages commerciaux et promotionnels ne peut être subordonné à l'utilisation du crédit attaché à la carte. Le prêteur aura l'obligation de proposer au consommateur la possibilité de payer comptant avec celle-ci.

Je vous propose d'aller encore plus loin. Je souhaite que le prêteur ou l'intermédiaire, qui est souvent l'entreprise de distribution avec sa filiale bancaire, propose, au moment de la souscription de la carte, la possibilité de renoncer définitivement au crédit, en prévoyant que l'ensemble des paiements se fera au comptant. Le consommateur ne sera donc pas tenté d'utiliser la réserve de crédit pour réaliser un achat d'impulsion puisqu'il aura décidé de manière réfléchie, dès la souscription du contrat, de renoncer à cette possibilité.

Certains voient dans la création d'un fichier positif la solution à la problématique du surendettement. L'exemple belge ne semble pas être très convaincant puisqu'il n'a pas empêché l'augmentation du nombre de cas. Un tel fichier risque même de restreindre l'accès au crédit des personnes qui n'ont pas de dettes, mais parfois plusieurs cartes de fidélité avec une réserve d'argent.

Ce fichier ne pourrait résoudre le problème du surendettement dans la mesure où il ne donne que des informations partielles concernant le seul endettement bancaire. Or seulement 19 % des dossiers de surendettement seraient dus à l'endettement bancaire.

Par ailleurs, le coût du fichier estimé à 40 millions d'euros se répercutera sur celui des crédits.

Enfin, la mise en place de ce fichier constitue, à mon avis, une atteinte à la protection des données personnelles et aux libertés individuelles qui n'est pas proportionnée aux avantages supposés de sa mise en place.

Je pense qu'il est préférable de réformer le FICP, le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, pour le rendre plus réactif. L'obligation de consultation pour les prêteurs constitue également un net progrès.

Je voterai évidemment pour ce projet de loi qui apporte des avancées concrètes en ce qui concerne la protection des consommateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le médiateur de la République a récemment déclaré : « J'estime à 15 millions le nombre personnes pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près. » Nous savons également que près de six millions de Français reconnaissent aujourd'hui avoir des difficultés à rembourser leurs dettes ou à boucler leurs fins de mois. Plus d'un million d'entre eux ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création.

La crise fait flamber le surendettement. En Alsace, après une progression de 15,9 % l'an dernier, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France a de nouveau fortement augmenté en février 2010.

Crédits revolving ou crédits à taux variable, les tentations sont nombreuses et faciles d'accès pour ceux qui veulent consommer sans en avoir forcément les moyens. Une descente aux enfers est provoquée par la multiplication de tels crédits : les gens finissent par en souscrire de nouveaux pour rembourser les anciens ainsi que d'autres dettes. Cette fuite en avant est accablante, et de nombreux surendettés doivent rembourser simultanément huit crédits revolving en moyenne.

L'offre commerciale de ce type de crédits est malheureusement concentrée sur une catégorie de personnes particulièrement vulnérables : celles qui sont exclues du crédit bancaire classique ; celles dont les ressources sont jugées insuffisantes pour souscrire un prêt bancaire. Elles n'ont qu'un recours : le crédit revolving si facilement accessible.

Un véritable traquenard guette nos concitoyens comme nous l'apprend l'association CRESUS qui accueille chaque jour des ménages englués dans des situations d'endettement, qui ne savent plus comment faire pour s'en sortir.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Contrairement aux allégations du lobby des banques – encore ne sont-elles pas unanimes sur le sujet – je considère que le garde-fou idéal, face à cette dérive inquiétante, serait la mise en place d'un fichier positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

A l'inverse de ce qui a pu être répété ici même, il a déjà prouvé son efficacité dans d'autres pays européens comme la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume-Uni.

En retardant la mise en place d'un tel fichier, qui permettrait pourtant de s'assurer de la solvabilité des ménages et de développer le crédit dans des conditions morales, économiques et sociales acceptables, vous risquez de conduire de nombreux ménages dans une impasse.

En France, le montant moyen d'un dossier de surendettement a explosé. Il s'élève aujourd'hui à 41 700 euros alors qu'il n'est, par exemple, que de 15 000 euros en Belgique, pays qui a adopté le fichier des crédits aux particuliers.

La rénovation du fichier des incidents de paiement qui nous est proposée ne va pas assez loin car cet outil interviendra toujours trop tard, lorsque tout est déjà perdu.

Le fichier positif, quant à lui, permettrait de mieux distribuer le crédit et de responsabiliser les établissements financiers, tout en supprimant le risque du « crédit de trop » qui, demain, fera plonger des millions de nos concitoyens dans le surendettement.

Les difficultés du traitement du surendettement des ménages, l'absence de prévention et d'accompagnement ainsi que l'exclusion financière qui en résulte sont malheureusement contre-productifs. Ces phénomènes d'exclusion alimentent une attitude du « plus rien à perdre » ou produisent un grand découragement. Ne faudrait-il pas prévenir plutôt que sanctionner trop tardivement par des procédures aux conséquences brutales qui alourdissent la dette de ceux qui sont déjà en grande difficulté ?

On entend souvent dire que le surendettement trouve son origine dans un « accident de la vie ». Une récente étude conduite par l'association CRESUS auprès des ménages surendettés nous montre au contraire que 65 % des cas de surendettement trouvent leur origine dans le recours à un nombre trop important de crédits : les accidents de la vie ne sont qu'un élément déclencheur.

Cette enquête nous apprend également que 80 % des ménages français demandent la mise en place d'un fichier positif. Nous avons aujourd'hui la possibilité de répondre à leur attente ; ne les décevons pas.

La procédure de la faillite civile, inspirée du droit local alsacien-mosellan, nous permet déjà de lutter, souvent efficacement, contre les dérives du surendettement. Il faut toutefois mettre un bémol à ce constat. En effet, si la faillite civile est utile et salvatrice dans la grande majorité des cas, elle n'empêche malheureusement pas les rechutes. Ainsi, en Alsace, 941 rechutes ont été enregistrées en 2009.

Compte tenu de l'expérience réussie menée dans les pays voisins qui ont déjà adopté un fichier positif, des études réalisées par des associations de terrain sérieuses et des limites de la faillite civile, il semble aujourd'hui plus que jamais nécessaire de mettre en place un outil innovant, plus performant et plus protecteur.

Responsabiliser les prêteurs ne suffira pas. Ne manquons pas l'opportunité de mettre en place un fichier positif en France, car seul un tel instrument pourra juguler efficacement le problème du surendettement, qui fait des ravages depuis trop longtemps dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Philippe Maurer

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a urgence à réformer le crédit à la consommation.

Urgence, car le nombre de familles touchées s'élève à près de 750 000, soit plus de 2 millions de personnes.

Urgence, car le montant moyen de la dette finale des surendettés en France s'élève à près de 40 000 euros, soit bien plus que chez nos voisins belges et allemands, où le montant de ce boulet qu'est le surendettement n'atteint même pas la moitié de cette somme.

Urgence, enfin, car les difficultés économiques présentes vont accroître le nombre de personnes surendettées.

Bien des échanges ponctueront l'examen de ce projet de loi. Il s'agit pour nous de rendre la meilleure copie possible car nous n'allons pas légiférer tous les ans sur ce thème. Quoique !

Je souhaite, pour ma part, mettre l'accent sur un aspect particulier du surendettement : l'engagement des associations qui aident les personnes et les familles touchées à faire face à ce problème.

Le nombre de personnes surendettées ne cesse d'augmenter, avec les drames humains qui s'y attachent. Toute la chaîne du travail social est ainsi mobilisée, notamment les associations qui se sont spécialisées dans ce domaine particulier. Or la spécialisation nécessite de réelles compétences et des moyens pour les mettre en oeuvre. Les activités de prêt étant rémunératrices, il ne semblerait pas inconsidéré d'inciter les organismes de crédit à soutenir les associations qui prennent en charge les personnes surendettées. L'idéal serait même, me semble-t-il, de leur imposer le versement d'une contribution, modeste mais obligatoire, aux associations de lutte contre le surendettement. Les flux financiers liés aux crédits devraient permettre à ces organismes de s'accommoder d'une telle contribution, qui compléterait utilement les moyens publics alloués à ces associations.

L'engagement de ces dernières devrait d'ailleurs être mobilisé, en leur reconnaissant une véritable place dans la formation à la gestion budgétaire des ménages touchés par le surendettement, afin de favoriser l'adoption de comportements en rapport avec leur situation financière. Les ménages inscrits au fichier central des incidents de paiement – le FCIP – devraient pouvoir bénéficier en priorité d'une telle formation. L'assiduité à ces stages pourrait même être bonifiée par une réduction de la durée d'inscription au fichier. Avec 745 000 ménages d'ores et déjà concernés, le besoin existe. Une territorialisation de ces actions correspondrait aux besoins déjà avérés.

La mise en oeuvre d'une telle formation donnerait une véritable dimension pédagogique, éducative et constructive à ce texte. Ainsi, l'amélioration du crédit à la consommation ne se limiterait pas aux conditions de conclusion du contrat, mais consisterait également à permettre à nos concitoyens d'être des consommateurs avertis. J'ajoute qu'une telle mobilisation ne pourra avoir que des effets positifs pour les personnes qui ne sont pas encore considérées comme surendettées, mais qui s'approchent dangereusement de cette situation.

L'égalité des cocontractants reste une chimère et toute amélioration visant à équilibrer la relation vendeur-client ne peut que s'inscrire dans la mise en place pérenne d'une relation plus équitable. Ainsi, la sécheresse des pourcentages et des ratios serait atténuée par un projet d'édification du consommateur comme acteur et non comme sujet, qui lui offrirait le moyen de s'éloigner de la spirale infernale du surendettement.

Endiguer le flot du surendettement, réhabiliter les familles, moraliser le crédit à la consommation tout en conservant le financement des acteurs économiques que sont les ménages : telle est l'ambition que doit avoir ce texte. Le système actuel me fait malheureusement penser à un parachute qui ne s'ouvre qu'à dix mètres du sol : l'impact est fatal. Avec ce texte, nous gagnons quelques dizaines de mètres, mais l'atterrissage sera encore rude, car l'ouverture du parachute restera trop tardive. Mes chers collègues, encore un effort : dans ce domaine, chaque anticipation sera salutaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le crédit à la consommation est utile et nécessaire dans une économie moderne, et personne ne remet en cause cette épargne anticipée utilisée par 9 millions de nos concitoyens, bien au contraire. Toutefois, la distribution débridée de crédits, sans garde-fou, a des effets pervers. Je pense notamment aux crédits revolving, qui conduisent nombre de familles au surendettement.

Le surendettement, véritable phénomène social, ne pourra pas être totalement éradiqué. Néanmoins, des dispositions peuvent être prises pour limiter celui-ci et les drames qu'il fait naître. Nous ne pouvons en effet traiter de la même façon les problèmes liés au surendettement consécutif à un accident de la vie et celui dû à une distribution sans précaution d'enveloppes financières.

Le projet de loi entend remédier aux excès du système actuel, et nous ne pouvons qu'être d'accord sur sa finalité : mieux informer et conseiller les emprunteurs, responsabiliser les organismes prêteurs, diversifier les formes de crédits et favoriser leur accessibilité à tous. Pour autant, votre texte correspond-il aux objectifs affichés ?

Il comporte des éléments positifs, mais nous considérons qu'il peut être amélioré sur divers points. En effet, il ne va pas assez loin, notamment en ce qui concerne le crédit revolving, la distribution du crédit sur les lieux de vente, la création d'un fichier positif, la renégociation à travers le regroupement de crédits et le rôle des intermédiaires financiers.

En outre, vos propositions concernant le nouveau mode de calcul du taux usuraire sont désarmantes. En effet, elles auront un effet pervers sur le niveau global des taux de crédit affectés, alors que les taux des crédits revolving resteront quasiment identiques. J'ajoute que certains articles du projet de loi, notamment celui précisant qu'un crédit doit être remboursé, frisent la naïveté.

Je prends un autre exemple : l'information précontractuelle de l'emprunteur sera indispensable, mais le contenu des éléments qui doivent y figurer sera précisé par un décret en Conseil d'État. Pourquoi ne pas les inscrire dans le texte lui-même ? Par ailleurs, pratiquement plus aucun délai de réflexion n'est imposé lorsque le consommateur sollicite un crédit sur le lieu de vente et se fait livrer immédiatement le bien qu'il a acquis.

J'en viens au chapitre Ier du projet de loi et à son article 1er A, qui organise la réforme du calcul du taux de l'usure.

Cette disposition aura, j'en suis certain, pour principal effet une hausse du taux des petits crédits, c'est-à-dire ceux qui sont souscrits par les plus démunis. Ma conviction a été confirmée par une institution qu'on ne peut soupçonner de partialité, la Banque de France, dont les services ont publié une étude sur la réforme que vous nous proposez aujourd'hui. On y lit notamment que « [...] l'étude montre qu'une des conséquences de cet article serait que le taux de l'usure ne baisserait que d'un demi-point pour les prêts renouvelables – c'est-à-dire les crédits revolving – et que le taux de l'usure se trouverait rehaussé de 9,5 % à plus de 20 % pour les prêts personnels compris entre 1 524 et 3 000 euros. » Cette citation se passe de commentaires. Rendre le crédit à la consommation plus coûteux pour la majorité de nos concitoyens, est-ce bien là l'objectif que vous vous étiez donné ?

Par ailleurs, vous proposez de fixer un deuxième seuil à 6 000 euros. Or une telle mesure aboutirait à rehausser le taux de l'usure d'environ six points pour les prêts personnels et à diminuer de cinq points le taux de l'usure pour les crédits renouvelables d'un montant supérieur au seuil.

Votre réforme du mode de calcul du taux de l'usure revient donc à admettre, à terme, une augmentation des taux de crédits personnels afin de diminuer la pression sur les crédits renouvelables.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Goua

Or, s'ils sont extrêmement dangereux, ceux-ci représentent moins de 24 % des encours de crédits. Ce qui attend nos concitoyens, c'est donc une augmentation importante des intérêts payés pour 75 à 78 % des crédits à la consommation contractés.

J'en viens à l'un des éléments essentiels de votre projet de loi : les conditions de formation du contrat, regroupées au sein de l'article 4 du présent texte.

Cet article impose une obligation d'information au vendeur de crédits, notamment sur le lieu de vente. Or j'estime que la vente concomitante d'un bien et d'un crédit est perverse. Il convenait donc de séparer strictement la vente du financement ; vous n'êtes malheureusement pas allés jusque-là.

Une légère avancée est constituée par l'obligation de proposer de façon concomitante un crédit amortissable et un crédit revolving. Cependant cette avancée ne va-t-elle pas se traduire par une hausse des taux d'intérêts des crédits amortissables – comme le laissent entendre les calculs que je viens de vous exposer – afin de rendre l'offre concurrentielle moins attractive ? C'est un travers à éviter, que votre projet de loi ne semble pas anticiper.

Quant à l'article L.311-9, il pose le problème primordial de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur. Certes, il constitue une avancée juridique, mais il correspond pratiquement à ce qui se fait aujourd'hui, car la consultation du FICP est quasiment automatique. Du reste, certains établissements bancaires et financiers qui avaient omis de prendre cette précaution ont été condamnés par les tribunaux pour défaut de conseil. Toutefois, l'inscription au FICP, qui fait suite à des incidents de paiements constatés, n'a qu'un caractère préventif limité. Seul le fichier positif constituerait un garde-fou efficace, comme en atteste l'exemple belge. Sa mise en place, avec un accès subordonné à l'accord de l'emprunteur, permettrait d'éviter la multiplicité des crédits, souvent liés à des achats d'impulsion réalisés à l'aide des multiples cartes privatives qui existent dans notre pays et dont M. Brottes nous a dressé la liste.

Par ailleurs, des avancées non négligeables sont proposées dans l'article 5, qui concerne notamment la formation du contrat de crédit. En effet, il porte le délai de rétractation à 14 jours et interdit de subordonner des avantages commerciaux à l'utilisation du crédit de la carte de fidélité.

S'agissant du crédit renouvelable, dont nous demandons toujours la suppression et l'interdiction, l'article 5 pose le principe fondamental d'un amortissement minimum du capital emprunté, dit « remboursement minimal du capital emprunté », à chaque échéance. L'augmentation de la réserve obtenue doit faire l'objet d'un nouveau contrat. Toutefois, l'efficacité de cette disposition est illusoire, car le prolongement des délais de remboursement se fait par « tacite reconduction ». Pour que cette mesure sur l'amortissement obligatoire soit opérante, il eût fallu préciser que la part de capital amorti comprise dans chaque échéance est proportionnelle à l'autorisation initiale de crédit. Cette précision est en effet décisive pour que la mesure ait du sens et un effet, car elle détermine l'échéance finale du crédit, qui ne serait pas ainsi reporté aux calendes grecques.

Le chapitre VI du présent projet comporte des dispositions relatives aux intermédiaires de crédit. Le rôle de ces derniers se limite souvent à réussir à obtenir des prêts au profit d'emprunteurs déjà en difficulté. La mise en concurrence est le plus souvent illusoire et l'habileté de l'intermédiaire a souvent pour conséquence un renchérissement du coût global. La plupart du temps, les intermédiaires regroupent les crédits en cours en allongeant leur durée pour les rendre plus « supportables ». Cependant, ces regroupements destinés aux emprunteurs qui se sont laissés déborder sont consentis à des taux très élevés et le coût global de l'opération est le plus souvent très pénalisant, avec des taux proches de l'usure et des durées sans rapport avec la valeur des biens et leur revolving.

Il apparaît donc, madame la ministre, que vous ne vous êtes pas donné les moyens de vos objectifs : d'une part, vous n'allez pas au bout de votre logique en refusant la création immédiate du fichier positif et en n'interdisant pas le crédit revolving ; d'autre part, vous proposez une réforme du mode de calcul du taux de l'usure qui aura des conséquences déplorables et dont la logique paraît incompréhensible.

Le groupe socialiste a de nombreuses propositions constructives à vous soumettre. Nous espérons que vous en tiendrez compte, car, sans de profonds remaniements, ce texte ne responsabilisera ni les emprunteurs, ni les organismes prêteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans notre pays, le crédit finance 10 % de la consommation des ménages. Parallèlement, ce sont 750 000 ménages qui vivent la terrible situation du surendettement. Avec la crise mondiale qui a frappé tous les pays, le nombre de foyers surendettés a crû de 15 %. Nous avons donc à répondre aux questions suivantes : comment conserver ce nécessaire outil qu'est le crédit à la consommation – et le crédit revolving – tout en apportant des garanties suffisantes aux personnes susceptibles d'y avoir recours ?

En 2008, le président Ollier m'avait chargée, dans le cadre de la commission des affaires économiques, de réfléchir à la question de la création d'un fichier positif et, plus généralement, à la prévention du surendettement. Je note avec plaisir que le projet de loi répond, avec des mesures équilibrées et intelligentes, aux interrogations qui avaient été les miennes à l'époque. L'examen par le Sénat et le passage en commission à l'Assemblée nationale ont également permis d'apporter des avancées majeures, notamment en ce qui concerne l'obligation d'amortissement d'une partie du crédit renouvelable, ou encore la décorrélation entre la promotion d'un produit et la souscription d'un crédit renouvelable.

Plusieurs orateurs sont intervenus, avant moi, pour défendre la mise en place du fichier positif comme remède à la fois au surendettement et au malendettement. Je veux revenir sur ce point, car je ne partage pas leur enthousiasme quant à la création d'un fichier positif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Il me semble qu'il s'agit là d'une fausse bonne idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Certes, il existe des arguments en faveur de la mise en oeuvre d'un tel fichier : une meilleure protection des compulsifs du crédit ou de ceux qui surestiment leur capacité d'endettement, un repérage des futurs surendettés en fonction de leur nombre d'emprunts en cours et de leur volume – un mode d'estimation assez médiocre…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Oui 240 000 euros en cinq semaines ! Ça ne marche pas, votre truc !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

…mais également une meilleure connaissance de l'emprunteur et une facilité d'accès au crédit pour certaines personnes qui en sont aujourd'hui exclues.

Néanmoins, les exemples étrangers ne sont pas convaincants. Même le fichier positif belge cité en exemple n'a pas fait ses preuves en matière de surendettement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, seul Mme de La Raudière a la parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

S'il a permis de réduire les défaillances en matière de crédits immobiliers, donc de crédits affectés, de 30 %, il n'a en rien empêché celles concernant le crédit renouvelable, que vous dénoncez tout au long de vos interventions, de progresser de 10 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Si la centrale des crédits belges a effectivement sécurisé le crédit immobilier, elle ne l'a pas nécessairement fait pour le crédit renouvelable.

Par ailleurs, reconnaissons-le, le fichier positif n'est qu'un moyen partiel de déterminer la capacité d'endettement des demandeurs de crédit…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est vrai, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

…puisqu'il ne comprendrait pas l'ensemble des éléments nécessaires pour retracer leur actif et leur passif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous avez raison : tout va bien, ne faisons rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Enfin, il paraît disproportionné de ficher la quasi-totalité de la population pour protéger une petite fraction des ménages. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Il me semble donc plus judicieux, mes chers collègues, de mieux vérifier sur pièces la solvabilité des emprunteurs à partir d'un certain montant de crédit. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui sera l'objet d'un amendement que je proposerai. Il s'agira de vérifier sur pièces, à partir des relevés bancaires, la solvabilité des emprunteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Non ! Sur présentation des justificatifs des revenus de l'emprunteur, à partir d'un certain montant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Parallèlement, une amélioration du fichier des incidents de paiement, son enrichissement par la mise en évidence de certaines situations montrant une fragilité des emprunteurs, par exemple les actions de regroupement de crédits, une mise à jour en temps réel, seraient plus judicieux que la création d'un nouveau fichier.

En ce qui concerne le malendettement, je pense que la solution ne réside pas non plus dans le fichier positif, mais plutôt dans la réforme du taux de l'usure.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est une bonne piste, mais combien ? Donnez un chiffre !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

La part des crédits renouvelables est plus élevée en France que dans certains pays étrangers : 20 % en France contre 7 % en Allemagne, 12 % en Espagne, 13 % en Italie. Cependant, le taux de l'usure peut être diversement défini : il est de 28 % au Royaume-Uni et de 56 % aux Pays-Bas. Cela montre que la réfection de ce taux de l'usure est majeure dans la résolution du malendettement.

Le taux élevé de crédits renouvelables s'explique par deux raisons : premièrement, les frais de dossier conduisent les banques à limiter l'octroi de crédits personnels pour les prêts de faible montant ; deuxièmement, la volonté des banques d'utiliser les prêts à la consommation de type « crédit personnel » comme produit d'appel les amène à proposer des taux attractifs sur ces produits. Or, comme vous le savez, les taux d'usure sont calculés en fonction des taux moyens constatés au cours du trimestre précédent. Les taux d'appel des crédits personnels font mécaniquement baisser le taux d'usure, et empêchent de proposer des prêts à taux intermédiaire pour la fraction de la population qui présente un risque de défaillance moyen. Sachez, mes chers collègues, que 40 % de la population française se trouve ainsi exclue de l'accès au crédit personnel.

Il était donc absolument nécessaire de réformer le mode de calcul du taux d'usure, ce à quoi le Sénat s'est attelé. La disposition adoptée à l'article 1er A est essentielle, car elle aboutit à une refonte des catégories de prêts sur le seul critère du montant. Le taux ne sera donc plus différencié selon la nature du prêt, ce qui n'incitera plus à favoriser la distribution du crédit renouvelable par rapport à un crédit amortissable.

La réforme du mode de calcul du taux de l'usure est donc majeure, madame la ministre. Elle va faciliter l'accès des plus démunis au crédit amortissable, c'est-à-dire l'accès à un taux moyen d'une partie des ménages français qui en étaient exclus.

Tels sont les deux principaux points sur lesquels je souhaitais revenir avant de poursuivre la discussion de ce projet de loi. Ce texte et ses améliorations apportées ou à venir permettront de réduire le nombre de situations dramatiques dont nous avons tous à connaître dans nos permanences. C'est pourquoi je le soutiens avec conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Marsac

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de crédit à la consommation, nous sommes confrontés à trois questions majeures auxquelles ce texte ne répond visiblement pas à la dimension nécessaire. Premièrement, y a-t-il aujourd'hui égalité dans les conditions d'accès au crédit pour tous les particuliers qui en ont besoin pour améliorer leurs conditions de vie ? Deuxièmement, met-on fin aux abus considérables du crédit revolving ? Troisièmement, avons-nous ici des propositions qui permettent de limiter le nombre de ménages surendettés et d'aider ceux qui sont très endettés à s'en sortir ?

Sur les conditions d'accès au crédit, force est de constater que l'exclusion bancaire pour incidents ou pour incapacité à obtenir un crédit faute de garanties jugées suffisantes par les banques ne fait que s'amplifier. Chacun voit bien que les effets sociaux de la crise vont accroître encore les difficultés d'accès au crédit pour un nombre croissant de nos concitoyens ; pourtant, votre texte n'anticipe pas cette évolution néfaste.

Le Sénat a ouvert un nouveau chapitre sur le microcrédit en renforçant le fonds de cohésion sociale amené à garantir des prêts personnels dans le cadre de projets d'insertion. Aujourd'hui, le fonds de cohésion sociale garantit à hauteur de 50 % les prêts accordés par les banques à des personnes habituellement exclues des circuits bancaires, pour financer leurs projets personnels d'insertion sociale ou professionnelle. Malheureusement, cette action reste très confidentielle.

Notre groupe a proposé, lors du débat sur l'évolution de La Poste, la mise en place d'un « crédit universel » ; vous avez refusé cette perspective.

Le Crédit agricole lui-même affirmait, dans un rapport de décembre 2007, que « la microfinance suscite de grands espoirs et engage des évolutions qui sont au coeur du développement économique » ; il constate aussi que « les services financiers destinés aux pauvres, souvent regroupés sous l'appellation de microfinance, peuvent aider à placer des ressources et des moyens entre les mains des pauvres et des personnes à faible revenu, leur donnant ainsi la capacité de prendre des décisions et de négocier eux-mêmes leur sortie de la pauvreté ». Prenez au mot le Crédit agricole et les autres organismes bancaires pour qu'ils mettent en pratique leurs déclarations apparemment généreuses.

Sur le crédit renouvelable, vous vous contentez de poser quelques garde-fous et quelques exigences dans les contrats de prêt. Chacun voit bien que votre texte est rédigé sous la pression des groupes financiers, qui exploitent ce gisement de la difficulté croissante des ménages dans l'accès au crédit bancaire traditionnel. Vous ne rédigez pas un texte qui renforce les droits du citoyen pour le libérer d'un système qui le rend captif ; vous cherchez simplement à adoucir les conditions de son très injuste enfermement.

Les quelques précautions introduites par le texte ne remettent pas en cause le principe honteux qui amène les plus pauvres à contribuer plus fortement aux profits bancaires que ceux qui peuvent négocier leurs prêts, leurs agios et leurs intérêts. Cette dérive du système bancaire n'est tout simplement pas compatible avec nos valeurs républicaines ; elle ne respecte ni la liberté réelle du citoyen, enserré dans une logique implacable qui le rend captif et qui le broie, ni le principe d'égalité en droits des citoyens, puisque les conditions de négociation introduisent une véritable ségrégation entre une nouvelle aristocratie financière, les citoyens ordinaires réduits à des marges de manoeuvre de plus en plus étroites, et les plus pauvres privés de tout soutien bancaires ou condamnés au taux de 20 %.

En matière de surendettement, il est impératif qu'un véritable fichier positif soit mis en place, afin que nos concitoyens puissent s'informer précisément sur leur situation et que les banquiers aient une vision détaillée de la situation des emprunteurs.

Bien entendu, la véritable sortie du surendettement nécessite une autre politique de soutien au pouvoir d'achat des salariés, des retraités, des plus pauvres et des personnes privées d'emploi, pour se loger, pour se nourrir et se déplacer. Comment, en effet, imaginer une relance économique si une population de plus en plus nombreuse s'enfonce dans la précarité et la misère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, réformer le crédit à la consommation est indispensable. La crise n'a fait qu'accélérer les problèmes de surendettement. Je souhaite donc que ce texte entre en vigueur le plus rapidement possible. Le nombre d'ouvertures de dossiers de surendettement a fortement augmenté en 2009, montrant la grande fragilité des ménages français, que le moindre accident de la vie peut plonger dans la spirale du surendettement.

On se rend compte qu'en matière de crédit à la consommation, nous manquons de garde-fous solides. Les statistiques des dernières années n'auront fait qu'entretenir une illusion qui tenait tant que la situation économique n'était pas trop mauvaise. Néanmoins l'on sentait déjà que tout cela était bien fragile, ce qui est désormais confirmé. Il est donc plus qu'urgent d'agir vigoureusement ; il est plus que temps d'encadrer sérieusement le crédit renouvelable pour le ramener à sa place, c'est-à-dire une avance de trésorerie de courte durée. Pour nombre d'achats, notamment pour des biens d'équipement, c'est le crédit amortissable qui doit primer.

Il est aussi nécessaire de responsabiliser davantage les organismes prêteurs, qui accordent parfois des crédits avec une légèreté qui doit leur être opposable : il faut un minimum de vérifications, ce qui nécessite des outils efficaces. Avant même de créer un fichier positif, dont nous débattrons, commençons par faire fonctionner correctement le FICP et assurons un suivi correct des personnes surendettées pour éviter qu'elles ne retombent dans la spirale de l'endettement.

Il faut mettre un frein aux pratiques pousse-au-crime comme la publicité ou le démarchage, et informer davantage le consommateur sur la réalité du crédit à la consommation.

On voit bien que, sur certains sujets, la loi doit intervenir, même sur des questions de détail, comme la taille et la police des caractères dans les publicités, sinon rien ne bougera. C'est bien la preuve que l'autorégulation en matière publicitaire est loin d'être une solution satisfaisante.

Je suis heureux que l'on se préoccupe enfin de prévenir le surendettement plutôt que de se contenter de recoller les morceaux, une fois que la faillite est arrivée, mais ce n'est qu'un début, et la loi ne réglera pas tout. Il va falloir l'appliquer, en relation avec les associations qui oeuvrent déjà dans ce sens et qui attendent ce soutien de l'État.

Enfin, une sérieuse révision du fonctionnement des commissions de surendettement s'imposait. Le dernier rapport de la Cour des comptes traite d'ailleurs de ce sujet et nous montre qu'il y a beaucoup de travail, pas tant pour le législateur que pour l'administration, qui doit davantage coordonner et piloter la politique publique de lutte contre le surendettement.

Ce texte va dans le bon sens et le reproche que je pourrais faire à certaines dispositions est de ne pas aller assez loin.

Je pense ainsi qu'il est nécessaire d'interdire des procédures qui conduisent, par défaut, vers le crédit renouvelable. Aujourd'hui, en effet, tout est fait pour que le consommateur soit amené à payer à crédit plutôt qu'au comptant, à prendre un crédit renouvelable plutôt qu'un crédit amortissable, à renouveler plutôt qu'à arrêter son crédit.

Je pense également qu'il faut interdire que les cartes de fidélité puissent servir de cartes de paiement et de support à un crédit renouvelable. Nombre de clients ne savent même pas, ou réalisent à peine qu'ils ont souscrit un crédit renouvelable, ce qui est totalement anormal. Ce couplage entraîne une véritable incitation à recourir au crédit dans les moments difficiles, alors qu'une saine gestion imposerait de diminuer ses achats.

On le voit dans nos permanences, beaucoup de dossiers de surendettement concernent des personnes qui souhaitaient avant tout palier une perte temporaire de revenu, liée très souvent à une perte d'emploi. Ils ont alors utilisé un crédit à la consommation pour maintenir leur train de vie ou tout simplement survivre et, finalement, les difficultés financières se révélant moins temporaires que prévues, ils se sont retrouvés pris dans la spirale du surendettement sans même s'en rendre compte.

Je pense qu'il faut aussi interdire le démarchage hors des lieux de vente pour les crédits à la consommation. Le consommateur qui en a besoin peut très bien se renseigner tout seul, il n'aura aucun mal, sur internet ou sur un lieu de vente, à trouver le bon guichet. Il faut cesser de harceler les gens, notamment les plus fragiles, en leur proposant du crédit alors qu'ils ne sont pas demandeurs. Nous-mêmes recevons dans nos permanences parlementaires des publicités pour du crédit renouvelable.

Il faut que contracter un crédit reste un acte réfléchi, impliquant une démarche, un effort de la part de l'emprunteur, qui sera davantage conscient de l'engagement qu'il prend et de ses conséquences.

Ce texte est donc positif car il contient un certain nombre d'avancées notables. C'est pourquoi je le voterai sans la moindre hésitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le tant attendu projet de loi portant réforme du crédit à la consommation arrive enfin devant notre assemblée. Prévue depuis longtemps mais retardée et reportée à chaque fois, la réforme du crédit à la consommation ne semble pas être la priorité du Gouvernement. Vous nous présentez en effet ce texte près de neuf mois après son examen au Sénat.

Vous avez également balayé d'un revers de main notre proposition de loi relative au crédit revolving et au crédit à la consommation, avec laquelle vous étiez pourtant en accord.

Véritable urgence sociale, cette question de société très importante est un défi majeur pour nous tous, élus de la République. L'offre actuelle de crédit est inadaptée. Faute de moyens suffisants, quatre Français sur dix n'y ont pas accès, alors même qu'ils en auraient besoin.

Elle est inadaptée également car elle crée du « mal-endettement », causé par un mauvais conseil, un choix restreint de la part des distributeurs de crédit. Aussi, plusieurs paramètres méritent-ils d'être revus afin de corriger les dérives que nous connaissons tous et que nous déplorons unanimement.

Le premier paramètre porte sur la distribution des crédits et le démarchage des clients. Deux aspects méritent notre attention : d'une part, la publicité, souvent trop belle pour être vraie, et, d'autre part, la distribution en elle-même du crédit. Celle-ci doit être encadrée. Nous devons éviter qu'un vendeur d'électroménager ou de voiture, vende également du crédit. Pour augmenter sa prime ou sa commission, il risque en effet d'orienter le consommateur vers un crédit assorti d'une carte de paiement avec une réserve d'argent relativement importante. Or nous savons tous que ce crédit est très souvent inadapté au profil du consommateur, qui se retrouve sacrifié au profit du chiffre de vente.

Le paramètre suivant porte sur l'information du prêteur. Souvent, dans les cas de crédit revolving, il apparaît que le prêteur n'a pas pris la peine de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. Nous avons tous connaissance de cas dans nos permanences de personnes qui se retrouvent avec plusieurs crédits qui courent en même temps. Le prêteur devrait être obligé de s'informer sur le profil de l'emprunteur à travers la consultation du fichier positif.

Le troisième paramètre concerne le taux d'usure. Celui-ci est élevé pour les crédits revolving et bas pour les crédits amortissables. Ne faut-il pas repenser ce dispositif ?

Madame la ministre, où en est l'étude que vous aviez demandée à M. Hirch lorsqu'il était en responsabilité au sein du Gouvernement ? Quelles propositions de réformes avez-vous reçues ?

Le quatrième paramètre est la mise en place d'un fichier positif. Certains remettent en cause sa pertinence alors même que l'exemple belge contredit ses détracteurs.

Pour rappel, ce fichier doit permettre à des organismes bancaires d'avoir plus de sécurité et de donner du crédit là où ils n'en auraient pas distribué. Il donnera à un instant T l'état de l'endettement d'une personne, même si, et nous en sommes conscients, la situation de cette personne peut se dégrader.

Le cinquième et dernier paramètre porte sur le micro-crédit. Quel n'a pas été mon étonnement lorsque j'ai découvert que ce dispositif ne figurait pas dans la version du texte que vous aviez déposé au Sénat et qu'il s'agissait d'un rajout voté en commission. J'ai donc été surprise tout à l'heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, quand vous avez indiqué que le micro-crédit faisait partie de vos préoccupations. Pourquoi alors ne pas l'avoir fait figurer dans votre projet initial ?

Le micro-crédit est un dispositif ambitieux permettant l'attribution d'un prêt dont le montant n'est pas très élevé et dont le taux d'intérêt est faible à des emprunteurs qui n'ont pas accès aux autres formes de prêts. Ce dispositif est malheureusement très peu répandu alors qu'il a fait ses preuves ailleurs. Que ce soit outre-mer ou en métropole, cet instrument gagnerait à être connu et utilisé.

Par exemple, plusieurs DOM et TOM bénéficient déjà de ce dispositif mais tel n'est pas le cas des îles Wallis et Futuna ainsi que de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui ne doivent pourtant pas en être écartées. Aussi, dans la perspective du soutien par l'AFD à l'ADIE de son activité dans les collectivités d'outre-mer pendant les années 2009-2011, quelles garanties pouvez-vous donner que l'ensemble des TOM en bénéficiera ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est particulièrement attendu par nombre de nos concitoyens. Ce texte comporte des mesures intéressantes visant à lutter efficacement contre les dérives du crédit à la consommation.

Les statistiques montrent que le surendettement touche les plus modestes : plus de 50 % des surendettés sont des ouvriers et des employés. C'est un phénomène qui ne trompe pas mais qui se développe à présent aussi dans les classes moyennes.

Près de 14 millions de Français ont recours au crédit, dont 9 millions au crédit à la consommation. Si ce secteur est essentiel pour soutenir la consommation dans notre pays, il donne lieu cependant à trop d'abus dont les victimes sont les utilisateurs eux-mêmes. Dans ce cas, le recours à un crédit à la consommation va à l'encontre du but recherché et enfonce le preneur dans les difficultés.

Le surendettement est devenu un mal récurrent dans les sociétés modernes. On compte près de 726 000 ménages surendettés et les dossiers de surendettement déposés en 2009 sont en hausse sensible de 18 %.

Ce projet de loi a précisément comme objectif le développement d'un crédit responsable. La responsabilisation de l'ensemble des acteurs – organismes de crédit ou utilisateurs – constitue un préalable obligatoire.

L'accompagnement des personnes surendettées est également visé par ce texte : le fait de ne pas porter ce fardeau durant trop d'années apparaît louable et c'est tout le sens de la réduction de dix à cinq ans du délai d'inscription au fichier des incidents de paiement.

L'accélération de la mise en place des procédures de surendettement devrait permettre à nombre de ménages d'apercevoir plus rapidement le bout du tunnel. Dans nos permanences, nous sommes en effet tous confrontés à des situations dramatiques de personnes assurément démunies, perdues dans le maquis administratif et les procédures multiples et variées. Dans un courrier du 9 mars, une aulnaysienne m'indiquait que, bien que ses problèmes de surendettement aient été réglés, elle avait été préalablement déclarée interdit bancaire et n'avait donc plus de chéquier. Pourtant, un simple chéquier lui permettrait, pour reprendre ses termes, de « redevenir civique » et de payer son loyer dignement. Le fait de devoir le payer en espèces montre à tous ses problèmes financiers, qu'elle doit à un abus d'utilisation de crédit.

Nombre de ménages ont par ailleurs des difficultés à comprendre les subtilités du crédit. Le jargon est trop technique et, là aussi, une simplification est plus que nécessaire.

Il y a également un problème avec les cartes de crédits qui sont aussi des cartes de fidélité. Il est parfois difficile de s'y retrouver et ce sont de véritables pièges pour les plus vulnérables. Le paiement en plusieurs fois sans frais est souvent accompagné d'une réserve d'argent renouvelable que le client n'a même pas demandée.

La question des « stages » de sensibilisation à la gestion d'un budget ne doit plus être taboue.

Le projet de loi vise également à encadrer davantage la publicité pour l'accès au crédit. Ces dernières années, beaucoup de familles, séduites par les messages simplistes de certains organismes, cédaient à la facilité pour effectuer un achat par un simple clic ou un appel téléphonique à des conditions de remboursement qui n'avaient d'attractives que les couleurs de l'affiche publicitaire. L'instauration d'une mention obligatoire, claire et précise, compréhensible par tous sur la proposition de crédit est fondamentale.

Les établissements de crédit doivent être davantage responsabilisés. La vérification de la solvabilité des emprunteurs doit être la règle et non l'exception. Il ne faut pas non plus occulter le fait que les banques tirent le plus grand profit de toutes ces opérations. Certaines personnes ayant accumulé crédit sur crédit se retrouvent prises dans des spirales infernales, les derniers crédits servant à rembourser les premiers !

Par ailleurs, la prolongation du délai de rétractation va dans le bon sens, quatorze jours semblant un délai de réflexion raisonnable.

Les débats en commission se sont centrés sur la nécessité, ou non, de mettre en place un fichier positif recensant l'ensemble des crédits aux particuliers. Comte tenu du choix proposé avec le FICP, il conviendra d'observer si le renforcement du fichier des incidents est suffisant. Comme beaucoup d'entre nous, je ne le crois pas.

La question du taux d'usure est également importante. Son mode de calcul est réformé, notamment parce qu'il est inacceptable de voir pratiquer des taux avoisinant les 20 %. Sans vouloir stigmatiser les banques, il faut souligner une fois de plus que ce sont elles les grandes bénéficiaires de ce système.

En conclusion, ce projet de loi est nécessaire, mais nous ne saurions faire ici le procès du crédit à la consommation, par ailleurs indispensable à la bonne marche de notre économie. Il importe néanmoins impérativement de protéger les utilisateurs du crédit. Il fallait réformer le crédit à la consommation et le rendre plus vertueux. Il conviendra de rester vigilant sur l'après-vote du texte, pour vérifier si les personnes concernées bénéficient des effets positifs du projet de loi.

Des attentes fortes exigent des réponses fortes : c'est là toute l'ambition du texte que vous nous proposez et que nous voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fera autour d'un témoignage. J'évoquerai à la fois ma fonction de députée et les situations que celle-ci m'amène à rencontrer. Vous le savez, nous sommes souvent considérés comme un ultime recours quand toutes les possibilités se sont révélées inefficaces.

C'est bien évidemment le cas pour les problématiques de surendettement. Dans le cadre des mes permanences, j'ai été confrontée à trois types de situation.

Tout d'abord, j'ai été amenée à recevoir des personnes en situation de surendettement que je qualifierai de passif. Licenciement économique, accident, maladie, divorce : nombreux sont les cas qui débouchent sur la spirale de l'endettement pour simplement « tenir », ou survivre, tenir, en attendant un nouvel emploi, une nouvelle situation, un nouveau signe positif du destin. Bien sûr, dans un contexte de crise économique et sociale aussi lourde que celle que nous subissons actuellement, cet espoir est souvent voué à l'échec.

J'ai également rencontré des entrepreneurs à la recherche de fonds pour lancer ou relancer une affaire. Le problème pour eux, c'est leur situation personnelle. En position de surendettement personnel, ils se sont vus refuser des microcrédits par des établissements bancaires.

Permettez-moi, mes chers collègues, d'apporter une précision et un coup de griffe en évoquant la situation de ces personnes.

D'abord, une précision : être surendetté personnellement ne veut pas dire que l'on sera incapable de bien gérer son entreprise. Nous l'avons vu, les accidents de la vie sont nombreux et peuvent amener une situation temporaire et subie de surendettement. Il serait bon de découpler la situation personnelle d'un individu et sa situation d'entrepreneur.

D'ailleurs, le sénateur UMP Hugues Portelli vous avait proposé un amendement allant dans ce sens lors de l'examen de ce texte au Sénat, le 17 juin 2009. Le Gouvernement lui avait répondu qu'il fallait être prudent et qu'il menait une expérimentation de microcrédit social, garanti par le fonds de cohésion sociale, afin de mesurer l'efficacité d'un tel dispositif. Qu'en est-il aujourd'hui de cette expérimentation ?

Mon coup de griffe concernera les banques.

Comment voulez-vous avoir de l'espoir en l'avenir, avoir foi en l'entreprenariat, oser vous engager dans la création de services ou de produits quand vous êtes confronté au cynisme du système bancaire actuel ? Je dis cynisme, mais le mot est presque faible par rapport à la réalité du mal. Voir des établissements refuser de véritables prêts qui pourraient sortir des individus ou des familles de situations précaires, alors même qu'ils bénéficient de larges subsides de l'État,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…qu'ils ont une vision uniquement financière de leur fonction, qu'ils continuent à procéder à une distribution honteuse de dividendes à leurs actionnaires, c'est proprement scandaleux, madame la ministre !

J'en viens au troisième et dernier type de situation que j'ai eu l'occasion de rencontrer, à la fois terriblement rageant et dramatique : c'est ce que j'appellerais le surendettement actif.

Nous vivons dans une société où l'accessoire est élevé au rang d'essentiel, où l'accumulation de biens est assimilée au bonheur, où posséder toujours plus, c'est tout simplement exister. Que de désastres provoque cette société ! Que de comportements suicidaires, encouragés par l'existence d'outils de torture pour les petits revenus, ces fameux crédits à la consommation, que nous avons déjà voulu contraindre mais que vous n'aviez pas jugé utile de modifier à l'époque !

Trois types de situation, trois types de drame et je ne pense pas être la seule à y être confrontée. Pour autant, ces situations touchent souvent le même type de population. Il s'agit des ménages à faibles revenus, des personnes seules, sans patrimoine : ouvriers, employés, chômeurs ou encore retraités.

Mes chers collègues, ce témoignage que je souhaitais vous apporter n'a qu'un seul objectif : nous appeler à la raison. Nous sommes donc ici pour apporter une réponse forte sur le sujet du crédit à la consommation. Si le texte, tel qu'il nous est présenté, comporte quelques avancées, il nous faut poursuivre plus avant la lutte contre ce fléau, afin de débarrasser notre société du surendettement actif et ainsi mieux nous préparer à soutenir les personnes en situation de surendettement passif, ainsi que les entrepreneurs.

Mes chers collègues de la majorité, l'audace n'est pas un défaut ; la justice face à une situation inacceptable et dramatique non plus. Il est temps de faire preuve d'audace et de justice pour lutter concrètement contre le surendettement, gangrène de notre société de consommation, et c'est en acceptant nos amendements que l'on y parviendra. Je vous remercie donc d'avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j'irai très vite car ceux qui m'ont précédé ont largement enrichi le débat et manifesté, notamment les intervenants du groupe socialiste (Sourires), un certain nombre de préoccupations que je partage.

Je me livrerai donc à quelques observations d'ordre général et je citerai des exemples pratiques qui me conduiront à formuler le souhait que vous acceptiez certains de nos amendements.

Pour ce qui est des observations d'ordre général, je n'apporterai rien de nouveau, mais je me sens l'obligation de dire un certain nombre de choses. En soi – je le dis calmement et objectivement –, le crédit à la consommation est un atout, pour les consommateurs comme pour la croissance. Le crédit est non seulement utile, mais indispensable, notamment pour les personnes n'ayant aucune épargne ou aucun moyen de faire jouer une quelconque solidarité de leur entourage.

Néanmoins – et nous sommes d'accord sur ce point – il est nécessaire d'encadrer certaines pratiques qui poussent inexorablement le consommateur vers une situation de « mal-endettement » qui constitue à l'heure actuelle un véritable désastre social.

Pire, ce crédit, qui permettait autrefois aux ménages modestes de faire des achats de biens de consommation conséquents, comme la voiture ou des biens immobiliers – des achats que l'accumulation d'épargne n'aurait pu soutenir – est aujourd'hui consacré, vous le savez, à des dépenses de la vie courante. Selon le rapport du Conseil économique et social, 26 % des ménages utilisent des crédits à la consommation pour financer des dépenses de la vie courante.

Je ne voudrais pas, madame la ministre, que vous pensiez, en raison de ces propos, que les socialistes défendent un modèle économique qui reposerait essentiellement sur le crédit, alors même que nous privilégions depuis toujours la juste et vraie valorisation du travail. Toutefois – et je le dis sans aucun esprit de polémique ni volonté de provoquer – depuis quelques années, les gouvernements successifs – de droite – ont installé les ménages les plus modestes dans une épouvantable précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Aujourd'hui – c'est la triste réalité de notre société – beaucoup de ceux qui travaillent ne peuvent même pas avoir une vie décente. C'est d'ailleurs depuis 2002 qu'est apparu le fameux vocable de « travailleurs pauvres » pour désigner des gens qui travaillent et qui, malgré un dur labeur, ne peuvent effectivement pas finir le mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Alors, je le dis, là encore sans aucun esprit de provocation : avant de gagner en 2012 et de mettre fin à votre système économique qui repose sur cet injuste, voire infâme « boulet fiscal », il est de notre devoir d'encadrer certaines pratiques qui poussent chaque jour de plus en plus de ménages modestes vers des situations inextricables.

En attendant, madame la ministre, non pas le grand soir, mais ce grand jour (Sourires), il nous appartient de mettre effectivement en place ces garde-fous. En ce qui me concerne, je ne reprendrai pas l'ensemble des points qui ont été développés par ceux qui m'ont précédé. Je vais simplement évoquer un sujet particulier, auquel je suis spécialement attaché parce que je considère qu'il pourrait effectivement apporter une certaine garantie.

Il conviendrait de soumettre obligatoirement l'ouverture des opérations de crédit à la consommation engagées par un couple marié à la signature conjointe des époux. L'absence de cette double signature entraînerait automatiquement l'inopposabilité de la créance à l'égard de la communauté ou de la division patrimoniale.

Pour vous faire prendre conscience de la nécessité d'approuver nos amendements sur cette notion de double signature, je vais vous faire part de quelques exemples précis qui témoignent des hésitations des tribunaux et de la jurisprudence en la matière.

Un certain nombre d'informations m'ont ainsi été communiquées concernant des décisions récentes, rendues soit par le tribunal d'instance du département du Tarn, soit par la cour d'appel de Toulouse. Les unions de consommateurs, telles l'Union nationale des associations familiales et l'Union française des consommateurs – Que choisir, sont particulièrement informées de ces questions et y sont tout à fait sensibles.

Il apparaît par exemple, dans tel dossier, que les prélèvements sont potentiellement effectués par l'organisme prêteur sur un compte joint, sauf si le conjoint s'y oppose. Cependant, très souvent, notamment dans un dossier récent, la cour d'appel a rejeté l'application de la solidarité, d'une part parce qu'il n'y avait pas la double signature, d'autre part – et surtout – lorsque les sommes empruntées ont servi aux besoins de la vie courante. Il existe donc une série de décisions qui justifient en quelque sorte cette non application de la solidarité au motif qu'il s'agissait de dépenses de la vie courante.

Toutefois, dans le même temps, et souvent par les mêmes tribunaux, sont prises d'autres décisions qui appliquent la solidarité en invoquant le fait qu'il ne s'agit pas de dépenses absolument indispensables.

Il y a donc une hésitation qui bénéficie aux créanciers et qui ne permet en aucune façon aux débiteurs de s'en sortir ou de ne pas assumer des engagements que l'un des deux époux n'a pas signés.

Je le dis donc haut et fort : il est aujourd'hui impératif d'informer suffisamment les époux de la possibilité pour eux de s'opposer au principe de la solidarité dès lors que le consentement des deux époux n'a pas été donné.

Un autre cas – et j'en aurai presque terminé avec mes explications – témoigne des hésitations des tribunaux.

Deux couples se trouvaient dans une situation identique : ils avaient souscrit des prêts revolvingdestinés à financer des jeux de hasard. Dans l'un des cas, le couple s'étant séparé, le conjoint non emprunteur n'a pas été sollicité pour le paiement. Autrement dit, le créancier n'a pas poursuivi celui qui n'avait pas signé. Dans le second cas, il s'agissait d'un couple resté uni. Eh bien, le principe de solidarité a été appliqué par le créancier et – plus fort ! – celui qui n'avait pas signé était le seul à être solvable. On a ainsi saisi le salaire de la femme, qui n'avait pas signé le contrat souscrit par le mari, lequel avait contracté des dettes de jeu.

Je ne dis pas qu'il y a là incitation au divorce (Rires),…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Ce n'est quand même pas généralement ce qui coûte le plus cher dans le divorce !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…mais vous avez tout de même une preuve flagrante des hésitations de nos tribunaux, qui ont besoin aujourd'hui que la loi soit claire.

La confusion en la matière est volontairement maintenue par des créanciers qui brandissent l'arme de la solidarité, même lorsque celle-ci n'est pas censée s'appliquer. Nombreux sont donc les débiteurs mal informés qui sont persuadés d'être redevables de prêts auxquels ils n'ont même pas donné leur consentement.

Il s'agit tout simplement, par l'exigence de cette double signature, de prévenir des situations dramatiques résultant notamment de l'inconduite de l'un des conjoints, et ainsi de ne pas entraîner toute une famille dans un marasme économique.

C'est pour cela, madame la ministre, que je défendrai avec force, lors de la discussion des articles, des amendements sur la double signature qui visent à éviter certaines situations catastrophiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Vous le voyez aujourd'hui : les socialistes, non seulement ont des idées, mais sont capables de faire des propositions ! (Sourires.) Ils ne demandent donc qu'à être entendus et suivis, notamment sur ces propositions qui sont essentiellement constructives. Je vous remercie donc d'avance de bien vouloir nous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, il est presque une heure du matin et il reste l'équivalent d'une heure de discussion, si j'en crois le nombre d'orateurs inscrits dans la discussion générale figurant sur le dérouleur. En effet, je dispose d'un temps indicatif de cinq minutes pour chacune de vos interventions. J'ai bien sûr pris note du fait que nous sommes sous le régime du temps programmé, ce qui signifie que chacun intervient autant qu'il le souhaite, mais je dois vous informer qu'au rythme actuel, et dès lors que nous siégeons demain matin à neuf heures trente, nous ne pourrions pas permettre à chacun des orateurs présents dans l'hémicycle de s'exprimer ce soir si des orateurs dépassaient ce temps indicatif.

Je tenais à ce que chacun le sache, de façon à ce que, si vous souhaitez que tout le monde puisse s'exprimer, vous vous donniez les moyens de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en matière de crédit revolving, tout ce que l'emprunteur connaît en général, c'est sa carte d'adhérent qui lui ouvre droit, lui a-t-on expliqué, à des facilités de paiement.

Quelquefois, parce qu'il figure sur les fichiers, il trouve dans sa boîte à lettres des publicités pour des établissements de crédits. « Puisez dans votre réserve d'argent à votre gré », dit l'un ; « Faites-vous plaisir dès aujourd'hui », propose l'autre. « Besoin d'argent ? Rapidement ? », s'inquiète un troisième.

On découvre ainsi combien il est facile de persuader les pauvres que, même eux, ils peuvent s'acheter une machine à laver, une voiture, une console de jeux pour les enfants ou simplement de quoi manger, qu'ils rembourseront plus tard et que cela ne leur coûtera, pour ainsi dire, rien de plus que s'ils réglaient comptant.

À la différence des prêts plus contrôlés et moins coûteux consentis par les banques classiques, dont les établissements de crédits sont d'ailleurs des filiales, ces contrats se concluent en un clin d'oeil : il suffit de signer au bas de l'imprimé. Cela peut se faire à la caisse du magasin ; c'est valable tout de suite, reconduit tacitement ; on tire ce que l'on veut, quand on veut et cela donne l'agréable impression qu'il s'agit d'un argent gratuit. Cette agréable impression, le libellé des offres ne fait rien pour la dissiper. On ne parle pas d'emprunt, mais de réserve d'argent : ce n'est pas un crédit, mais une facilité de paiement.

Le coût extrêmement élevé de ce crédit figure en tout petits caractères, au verso de l'offre. Même si l'on en a pris connaissance, ce qui n'est pas souvent le cas, on signe : c'est le seul moyen, quand on n'a pas d'argent, de s'acheter ce dont on a besoin, ou, d'ailleurs, ce dont on n'a pas besoin mais simplement envie. Même quand on est pauvre, on a des envies, et c'est là le drame. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Là où la banque aurait la prudence de dire non, l'établissement de crédit dit presque toujours oui. Si vous êtes déjà lourdement endetté, il ne tient pas à le savoir. Il ne contrôle rien. Tout va bien tant qu'on rembourse sa mensualité, ou plutôt ses mensualités, car le propre de ce genre de crédits est de se cumuler. On se retrouve en un clin d'oeil avec une dizaine de cartes, et on ne peut plus faire face. Fatalement, arrivent les incidents de paiement.

Près de 6 millions de Français reconnaissent aujourd'hui avoir des difficultés à rembourser leurs dettes ou à boucler leurs fins de mois, et plus d'un million de personnes ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création.

Le nombre de dossiers soumis à ces commissions ne cesse de croître – il y a environ 190 000 dossiers par an, et près d'un dossier sur trois a déjà fait l'objet de mesures de traitement du surendettement, ce qui montre l'ampleur des difficultés pour sortir de cette situation. Cette facilité de paiement, qui séduit un public de plus en plus large, et pallie la faiblesse des revenus, possède ainsi un revers : elle plonge parfois le consommateur dans le surendettement.

L'objectif du projet du Gouvernement est clair : développer l'accès au crédit mais à un crédit plus responsable, et ce par la création de garde-fous à l'entrée dans le crédit, et par l'amélioration de l'accompagnement des personnes qui connaissent des difficultés d'endettement.

Je souhaite insister sur la volonté du Gouvernement de mettre en place des propositions pour un système de crédit et de prêt d'argent plus humain, plus personnalisé et plus singulier, s'adaptant à chaque cas.

Dans cette optique et, je le répète, de manière à développer un crédit plus responsable, un crédit qui aide l'emprunteur à obtenir un minimum de garanties, voire les lui assure, le texte prévoit, avant tout octroi de prêt, l'obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur, via le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP. La consultation en devient obligatoire, sous peine de déchéance des intérêts.

Le fonctionnement de ce fichier sera aussi plus efficace, grâce à une mise à jour plus réactive.

Un crédit responsable est un crédit qui se rembourse. Afin de faciliter le remboursement des crédits renouvelables, chaque échéance d'un tel crédit devra obligatoirement comprendre un remboursement minimum du capital emprunté.

Le texte veut aussi responsabiliser le recours aux cartes de fidélités : leur utilisation sera totalement dissociée des cartes de crédit ; autrement dit, la carte devra obligatoirement comprendre une fonction paiement au comptant. Le système actuel est ainsi renversé.

Afin d'empêcher les pratiques agressives et les informations confuses et trompeuses relatives au coût des crédits, la publicité est encadrée.

Un allongement du délai de rétractation sur les crédits de sept à quatorze jours est prévu.

Pour la première fois, la loi définit des règles spécifiques applicables aux opérations de regroupement ou de rachat de crédits.

Afin de mieux accompagner les ménages surendettés – plus de 720 000 ménages sont actuellement concernés – une simplification et une accélération des procédures doit permettre une certaine déjudiciarisation.

Enfin, afin de faciliter le rebond des personnes qui ont connu des difficultés d'endettement, les durées d'inscription au FICP sont raccourcies, de huit à cinq ans pour les personnes en procédure de rétablissement personnel, de dix à cinq ans pour celles engagées dans un plan de remboursement d'une commission de surendettement.

Il est nécessaire de prendre en compte non seulement l'évolution de la société dans des domaines aussi divers que la famille, les droits des consommateurs, le besoin de transparence et d'accès au droit, mais également ce contexte économique général de crise. C'est, je crois, ce à quoi s'attache ce projet, encore une fois en humanisant, responsabilisant, aidant les consommateurs face au crédit à la consommation.

Madame la ministre, je connais votre engagement sur ce dossier, vous l'avez prouvé par vos multiples visites sur le terrain, notamment en Seine-Saint-Denis, département que je représente et où la présence du surendettement est forte. J'invite donc mes collègues à voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Chacun souligne l'urgence d'agir ; pourtant la directive européenne d'avril 2008, que nous transposons aujourd'hui, était en discussion depuis 2002.

Si la maturation fut lente, c'est sans doute, comme l'écrit le rapporteur de la commission des lois, parce que « la conciliation entre les intérêts des établissements de crédit et la préservation personnelle des consommateurs est un art délicat. »

Le crédit est un instrument à double face. S'il dope la demande intérieure, au service de l'économie, il n'est pas exempt de risques pour les consommateurs, notamment les plus précaires, ceux que des périodes difficiles que nous appelons pudiquement des accidents de la vie – chômage, maladie, divorce, etc. – fragilisent.

Or, en période de crise, protéger les consommateurs et les ménages du surendettement est un impératif. C'est notre responsabilité.

Parmi les différents types de crédit, le crédit renouvelable doit retenir toute notre attention. C'est celui dont on a le plus parlé ce soir, parce qu'il est celui qui conduit le plus souvent à la surconsommation et au surendettement. Les sommes à rembourser par mois sont souvent faibles : cela paraît donc accessible. Pourtant c'est, en réalité, le crédit le plus cher.

Conçu au départ comme un instrument pour faire face aux dépenses de faible montant, ce crédit est redoutable. C'est dans les années 2000 que son utilisation a explosé. Les ménages ne se rendent pas toujours compte qu'ils s'acquittent seulement des intérêts – calculés à un taux usuraire – et ne remboursent pas, ou très faiblement, le capital. Le crédit revolving devient alors un crédit revolver, braqué sur la tempe des plus fragiles.

Je souligne que les femmes sont davantage concernées par le surendettement que les hommes, non pas parce qu'elles seraient plus dépensières, mais parce qu'elles sont plus précaires, et plus souvent chefs de famille : le nombre des familles monoparentales a fortement augmenté ; et il est bien difficile de faire vivre une famille avec 1 000 euros par mois.

J'avais, lors de nos débats du 15 octobre, pris des exemples pour souligner les conséquences parfois dramatiques dans le couple de ces crédits revolving qui peuvent être souscrits par l'un des conjoints. Nous avons tous vu dans nos permanences des gens concernés par ce problème. La double signature apparaît donc indispensable.

En France, l'encours de ces crédits renouvelables représente 22 % du total des crédits à la consommation. Par comparaison, en Grèce, c'est 50 %, et en Allemagne, 6 %. Dans ce domaine, madame la ministre, regardons vers l'Allemagne plutôt que vers la Grèce !

Si je me focalise sur ce crédit revolving, c'est parce qu'il est un facteur aggravant de surendettement. Les sollicitations ne manquent pas, la publicité est trompeuse, et parfois au bord du harcèlement.

C'est un crédit qui s'obtient facilement. Nous recevons tous ces courriers, que nous avons cités les uns et les autres : « vous pouvez demander maintenant la formule libravou : une réserve de 500 à 5 000 euros avec, pendant deux mois, des mensualités de dix euros. »

Proposé au consommateur, il n'a pas été sollicité et ne correspond à aucun besoin précis. Si le 15 du mois vous êtes étranglé, si votre compte est vide, la tentation est forte. C'est devenu pour certains une solution de survie, mais qui vous enfonce un peu plus. Vivre à crédit signifie désormais pour nombre de ménages s'endetter à un taux de plus de 20 % pour se nourrir, pour vivre. Ainsi 90 % des dossiers présentés à la commission de surendettement comprennent ce que l'on appelle des accidents de la vie.

En 2006, le Médiateur de la République avait déjà interpellé le Gouvernement sur l'urgence de lutter contre le malendettement.

Annoncé depuis longtemps, ce texte tardif va dans le bon sens, mais il ne va pas assez loin. Nous avons, les uns et les autres, souligné ce que nous aimerions voir améliorer. Nous souhaitons que le taux d'usure soit abaissé. Nous demandons aussi la mise en place du fichier positif ; nous avons déjà beaucoup insisté sur ce point, et je note que ce souhait semble être partagé sur de nombreux bancs. Il s'agit, dans notre esprit, d'un instrument de prévention, d'un outil pédagogique pour mieux maîtriser ses dépenses et assainir le marché des crédits.

Il serait d'ailleurs peut-être moins coûteux pour les finances publiques de prévoir, par le biais de la Banque de France, une aide pour ceux qui rencontrent des difficultés dans la gestion de leurs crédits, plutôt que de les laisser aller jusqu'à la commission de surendettement. La Cour des comptes a montré combien nous mesurons mal aujourd'hui le coût du surendettement pour les finances publiques. Elle demande d'ailleurs qu'il y ait des clarifications dans ce domaine.

Vous semblez vouloir faire un pas en faisant un essai de dix-huit mois ; je souligne seulement, madame la ministre, que, pendant ces dix-huit mois, 300 000 nouveaux dossiers seront instruits dans les commissions de surendettement.

La lutte contre le surendettement doit être accentuée. À la fin de l'année 2009, le surendettement touchait 1,1 million de ménages. Le nombre de dossiers de surendettement est passé à 215 000 et la Banque de France a constaté que les crédits renouvelables se retrouvaient dans 70 % de ces dossiers. Le crédit n'est pas toujours, en soi, à l'origine du surendettement, mais le crédit revolving a manifestement un rôle aggravant. À l'occasion de la transposition de cette directive, il faut avoir le courage d'assainir la situation et d'abandonner ce type de crédit comme nous vous le demandions dans notre proposition de loi au mois d'octobre 2009.

Pour faire disparaître, non pas le crédit à la consommation, mais le crédit usuraire, il faut aujourd'hui avoir le courage et la volonté d'encadrer le crédit, de renforcer les devoirs des organismes prêteurs, et de protéger le consommateur.

Le rapport de la Cour des comptes de 2010 vous incite fortement à lutter contre le surendettement, car tout le monde est perdant : les ménages, les établissements de crédit, les finances publiques. La montée massive du chômage doit nous obliger à renforcer cette lutte, à la fois pour éviter les accidents de paiement et pour aider les personnes concernées à mieux s'en sortir, et le plus vite possible. La loi est faite pour tous mais elle est destinée en priorité à protéger les plus faibles.

Ne restons pas au milieu du gué. Ayons le courage de prendre des mesures protectrices efficaces. Le surendettement est, de l'avis de tous, une priorité.

Ce texte est aussi l'occasion de s'interroger sur la surconsommation, sur la consommation à crédit, immédiate voire impulsive. La crise devrait nous obliger à changer non seulement notre regard sur l'économie, mais aussi nos modes de production et de consommation. Comme l'a dit Jacques Delors, la société de consommation privilégie l'avoir : plaçons plutôt l'être au coeur de nos sociétés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Il était temps que le Gouvernement et la majorité parlementaire avancent sur ce sujet du crédit à la consommation. Nous aurions pu aller bien plus vite. Alors que ce projet a été déposé il y a un an au Sénat, l'Assemblée nationale ne commence à l'examiner qu'aujourd'hui. Et si plus d'un texte sur deux est examiné depuis 2007 selon la procédure accélérée, paradoxalement, vous n'avez pas décidé que sur ce sujet, l'urgence se justifiait.

Pourtant il y a bien urgence à légiférer, car dans quelle France sommes-nous aujourd'hui sinon dans celle de la crise, des déficits publics, des salaires bas, de l'endettement des plus faibles, et du malendettement de très nombreux Français ?

La crise économique et le chômage aggravent de façon dramatique l'ensemble des situations financières des ménages les plus fragiles. Dans son rapport du mois de juin 2009, le sénateur Dominati rappelle que « dans les années à venir, les ménages seront appelés à emprunter davantage pour contrecarrer les effets récessifs du rétablissement attendu des comptes publics, avec moins de dépenses, et probablement des prélèvements accrus sur les ménages. » Le déficit public abyssal que vous avez laissé s'installer et que la crise a aggravé a un effet direct sur la situation des ménages les plus faibles économiquement, et cela ne fera que s'aggraver à l'avenir.

Aujourd'hui s'est installé le modèle de l'endettement comme facteur du maintien du pouvoir d'achat des ménages : les plus faibles paient l'addition des déficits accumulés et de la dette publique ; on remplace la dette publique par la dette privée, via les ménages les plus modestes. Chacun se retrouve seul face à ses crédits.

Dans un rapport consacré en 2007 au surendettement des particuliers, le Conseil économique et social a rappelé que le recul de l'État-providence a pour conséquence une augmentation de l'endettement des ménages. Certains établissements financiers proposent maintenant des crédits pour faire face aux dépenses de santé : soins dentaires, prothèses auditives, dépenses d'optique…

Quand on parle du crédit à la consommation et de sa réglementation, il faut garder à l'esprit ce contexte économique général.

Il y a me semble-t-il quelque chose de contradictoire dans la société que vous construisez. D'un côté, vous creusez les déficits publics, vous encouragez les bas salaires et vous modifiez en permanence le droit du travail ; de l'autre, vous promouvez la concurrence, la publicité, les jeux en ligne et le culte de la consommation, même le dimanche.

Le malendettement est le résultat de la société que vous avez participé à construire. Cette société est celle de la loi de modernisation de l'économie et des excès des mètres carrés commerciaux. C'est aussi la société de la loi sur le travail du dimanche, celle du consommer toujours plus, celle enfin d'un pouvoir d'achat des Français de plus en plus faible, à mesure que la fin du mois approche. Dans les dossiers de surendettement recensés aujourd'hui par la Banque de France, 55 % des personnes concernées ont un salaire inférieur au SMIC, alors qu'elles n'étaient que 42 % en 2001.

Cette France-là est celle décrite par Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, dans son dernier rapport. Celui-ci estime à 15 millions le nombre de personnes en France pour lesquelles les fins de mois se jouent à 50 ou 150 euros près.

Aujourd'hui, dans cette société si abîmée, vous nous proposez de réformer le crédit à la consommation mais ce projet de loi est un projet a minima, qui ne résoudra pas les problèmes essentiels.

Pour lutter contre le surendettement, nous avons proposé, il y a quelques mois, plusieurs solutions simples et efficaces. Ce projet sera l'occasion pour nous de vous proposer à nouveau, madame la ministre, d'avancer enfin sur la voie d'une meilleure protection des ménages, avec notamment la suppression du crédit renouvelable, la création d'un fichier positif d'endettement, l'amélioration des conditions d'information des emprunteurs et la prévention du surendettement ou la séparation des lieux de ventes des biens et des crédits.

Ce texte, très attendu des associations de consommateurs, déçoit. Il ne comporte rien sur le découplage cartes de crédit – cartes de fidélité, rien ou presque sur la réforme du taux de l'usure, rien enfin sur la création d'un fichier recensant les crédits aux particuliers, celui-ci étant renvoyé à plus tard et au travail d'une commission.

Malgré ses manques et lacunes considérables, reconnaissons à ce texte quelques avancées, notamment en matière d'encadrement de la publicité et de la distribution des crédits renouvelables. Il y a en effet une certaine urgence. J'ai à l'esprit la publicité abusive diffusée encore ce soir sur une chaîne publique faisant la promotion d'un crédit dont le taux affiché est à 2,9 %, alors qu'il est écrit en tout petit en dessous, que ce taux avoisinera plutôt les 20 % au bout de deux ou trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Il est urgent d'avancer sur la question du crédit à la consommation, du crédit renouvelable en particulier, car les dossiers de surendettement se multiplient. La Bretagne, où je vis, n'est pas épargnée : 16 % de dossiers en plus ont été enregistrés entre 2008 et 2009. Désormais, de plus en plus de Français ont recours aux crédits renouvelables pour assumer les charges du quotidien comme l'eau, le gaz ou la nourriture, quand ils ne sont pas totalement dépendants de la seule solidarité familiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la popularité du crédit à la consommation, l'importante publicité qui en est faite et la situation économique dans laquelle nous nous trouvons actuellement ont conduit de nombreux Français à se placer en état de dépendance vis-à-vis de ce type de crédit, voire à se trouver dans une situation de surendettement.

En 2009, chaque mois, plus de 20 000 personnes ont déposé un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. Cela représente, comparativement à l'année 2008, une augmentation de 14,8 % du nombre de dossiers. Parmi les personnes concernées par cette situation de détresse, 85 % avaient contracté au moins un crédit à la consommation. C'est dire toute l'importance qu'aura la future loi portant réforme du crédit la consommation dans la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment parmi les plus fragiles.

Dans nos fonctions, nous avons tous, un jour ou l'autre, été confrontés à l'une de ces familles qui souscrivent un crédit à la consommation pour pouvoir s'en sortir ou vivre un peu mieux, et dont ils deviennent finalement les victimes. On peut comprendre l'attitude de certaines de ces personnes, qui se débattent dans d'importantes difficultés, alors qu'à grands renforts de publicité, des organismes de crédit leur promettent des sommes d'argent versables immédiatement et remboursables suivant des taux d'intérêt faussement bas.

Malgré cela, le crédit renouvelable a pris une place importante dans notre pays et, parallèlement, d'inévitables dérives sont apparues. Le harcèlement publicitaire, les commissions parfois excessives appliquées par les organismes prêteurs justifient notamment l'adoption de ce projet de loi.

Ces agissements, auxquels nous devons mettre fin, entraînent des pratiques de regroupement et de rachat de crédit qui aggravent les situations de surendettement. En s'attaquant à la racine du problème, nous limiterons ces dérives et réduirons, j'en suis persuadé, le nombre de ces ménages fragilisés par l'endettement.

Cette lutte est prioritaire. Afin de la mener en toute objectivité, dans le souci de réformer de la manière la plus profitable à nos concitoyens, il faut également garder à l'esprit l'importance du crédit à la consommation pour notre économie. Aujourd'hui, 34 % des ménages, soit 9 millions de personnes, ont recours à un crédit à la consommation. Pour une immense majorité d'entre eux, aucune défaillance n'interviendra dans leur remboursement. Les banques indiquent que le taux de défaillance ne représente pas plus de 2 % des crédits accordés. En ces temps de crise économique, le crédit est un moyen de faire vivre notre économie ; il est un moteur essentiel de la consommation. Le crédit à la consommation a aidé notre pays à maintenir, malgré le contexte de crise, le fonctionnement de certaines filières industrielles. Près de 40 % de la vente par correspondance s'appuient notamment sur ce type de crédit.

Je suis l'élu d'un département particulièrement sensible à cette problématique. Comme nous avons pu le rappeler durant l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la protection des consommateurs en matière de vente à distance, la situation de ce secteur d'activité est particulièrement difficile, notamment dans le Nord. Certaines des entreprises qui sont implantées dans ce département, contraintes de composer avec la fin d'un modèle économique dans lequel elles ont autrefois prospéré, réalisent leur chiffre d'affaires grâce aux crédits à la consommation. Je veux donc mettre en garde contre les risques pour la survie des entreprises de ce secteur, donc pour les très nombreux emplois concernés – 30 000 dans le Nord – qu'induirait le vote d'un texte déséquilibré.

Au contraire, pour lutter contre les dérives, nous devons légiférer avec mesure et vision à long terme.

Dans cette perspective, le texte qui nous a été transmis par le Sénat me semble soucieux des intérêts tant des victimes des excès du crédit à la consommation que de notre économie et de notre industrie.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre de l'économie, permettra de garantir une distribution plus responsable du crédit et d'en finir avec les crédits renouvelables « pour toujours », qui ne comportent pas d'amortissement. Il mettra fin aux publicités agressives qui trompent le consommateur. Il clarifiera l'emploi de ces cartes confuses, qui sont adjointes à des cartes de fidélité ou de paiement. Il imposera également aux sociétés de financement de mieux s'informer sur la solvabilité de l'emprunteur. Surtout, le projet de loi aidera ceux qui ont connu des difficultés en limitant les délais d'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, et en raccourcissant les procédures de surendettement.

L'examen de ce projet de loi nous donne l'occasion de mieux encadrer le crédit à la consommation. Il permettra d'en préserver les bienfaits pour notre économie et les ménages et d'en écarter les excès, les dérives et les principaux points noirs qui facilitent le surendettement.

Enfin, il nous faut réfléchir à long terme. Les débats, au Sénat comme au sein de la commission des affaires économiques saisie au fond, mais également dans la commission des lois saisie pour avis, se sont notamment focalisés sur la création d'un fichier positif.

Aujourd'hui, en toute illégalité, de nombreuses banques ont constitué leurs propres fichiers ; elles se les échangent même parfois entre elles. En 2009, dans plus de 80 % des dossiers de surendettement, six crédits à la consommation en moyenne avaient été contractés. Ne serait-il pas nécessaire de créer un fichier positif pour lutter contre cette flagrante réalité ? Lorsque nous traitons de ce sujet, l'opportunité de créer un fichier positif encadré revient toujours dans nos débats. Comme cela a été évoqué, la manière de consulter et de communiquer ce fichier pourrait être comparable à celle du permis à points ou du casier judiciaire : c'est le ménage qui y aurait accès et qui le communiquerait librement en vue d'obtenir un crédit à la consommation.

Le FICP est une première réponse. Cependant, je crois que nous sommes nombreux à considérer qu'il faudra, un jour ou l'autre, en venir au fichier positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Si nous voulons travailler aujourd'hui à une réforme non seulement utile mais également d'avenir, je crois qu'il est temps d'avoir le courage de nos opinions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, puisque le temps nous est compté, j'évoquerai simplement trois points.

Nous montons tous à cette tribune avec le sentiment que le surendettement est un fléau social. Il est à la fois une cause et une des conséquences de la crise. Nous avons tous en tête le visage de ces hommes et de ces femmes qui viennent dans nos permanences, et je ne peux m'empêcher de penser à ces deux femmes que j'ai reçues la semaine dernière, une mère de soixante-quinze ans endettée à hauteur de 85 000 euros, uniquement en crédits revolving, et condamnée, si l'on peut dire, à rembourser 944 euros par mois pendant huit ans sur ses 1 200 euros de revenus, et une fille, endettée à hauteur de 35 000 euros avec des cartes de fidélité de grandes surfaces alors qu'elle ne dispose que d'une allocation d'invalidité de 400 euros par mois.

Avec ces visages, nous avons une illustration de ce que peut être la misère sociale et la précarité, mais aussi l'occasion et la responsabilité de pouvoir avancer sur le texte que vous nous proposez.

D'abord, je veux dresser un constat un peu amer sur le temps qu'il a fallu entre l'adoption de la directive en avril 2008, le premier examen du texte au Sénat, votre refus de notre proposition de loi du 15 octobre dernier qui aurait permis de gagner du temps sur ce processus et finalement, aujourd'hui, l'examen de ce projet de loi, dix mois après sa discussion au Sénat.

Ensuite, je tiens à émettre un souhait, qui semble largement partagé, celui de la création d'un fichier positif.

L'article 27 bis instaure le principe d'étudier la création d'un fichier positif sur la base d'un rapport qui devra être rédigé dix-huit mois après la promulgation de la présente loi. Le texte issu du Sénat prévoyait trois ans. La commission des affaires économiques de l'Assemblée a ramené ce délai à dix-huit mois. Il nous reste à connaître la date de promulgation. Nous espérons que cela sera plus rapide que les dix mois évoqués plus tôt entre le passage au Sénat et notre lecture ici.

La création d'un tel fichier paraît s'imposer comme une évidence sur l'ensemble des bancs de notre assemblée et j'espère, madame la ministre, que, à l'issue de cette discussion générale, votre position aura évolué et que vous aurez été acquise à cette cause.

Cela permettrait de prévenir les situations de surendettement à condition évidemment que ce fichier soit géré par la Banque de France et uniquement par elle et qu'il soit accessible au demandeur, qui pourra ainsi faire la preuve de sa solvabilité. Ainsi, nous aurons une responsabilité totalement partagée entre le prêteur et celui qui emprunte.

Enfin, je dois exprimer un regret sur le fait que, en refusant la proposition de loi que nous avons examinée le 15 octobre dernier, vous avez écarté sa mesure principale, je veux parler de la suppression du crédit revolving.

On l'a dit, le crédit revolving est un fléau, qui amène des ménages souvent les plus fragiles dans des situations de surendettement intenables, inacceptables. Ces hommes et ces femmes qui sont endettés à vie n'ont plus le moindre horizon d'amélioration de leur situation.

J'ai entendu que ceux qui avaient le moins revendiquaient la possibilité de consommer et que c'était peut-être là leur tort. En vérité, c'est aussi le mode de consommation, le mode de publicité, les démarchages, qui incitent à cette forme d'endettement. En proposant d'interdire le crédit revolving, nous voulons aussi interdire des pratiques qui s'apparentent le plus souvent à des abus de faiblesse auprès de personnes âgées ou de personnes n'ayant pas forcément ni la capacité ni la solidité, au moment où cela leur est proposé, de refuser cet apport d'argent, assimilé à un pouvoir d'achat supplémentaire alors qu'en réalité, cela représente moins de pouvoir d'achat et plus d'endettement.

Je m'arrêterai là pour laisser le temps à mes collègues de s'exprimer. Je voulais simplement appeler votre attention sur ces deux points : pouvez-vous faire évoluer votre position sur la question de la création d'un fichier positif et acceptez-vous, ce serait une avancée importante, d'envisager la suppression du crédit revolving ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en France, aujourd'hui, 120 000 plans de surendettement sont mis en place par an, pour un montant moyen de 41 700 euros par dossier, soit deux fois plus qu'aux Pays-Bas et presque trois fois plus qu'en Belgique. Si l'on voit donc toute l'urgence à lutter contre le surendettement, premier objectif affiché de ce projet de loi qui constitue, en grande partie, la transposition en droit français de la directive 2008 48CE, on voit mal toutefois l'urgence qu'il y aurait à « réformer le crédit à la consommation afin de le rendre plus accessible », deuxième objectif concurrent qui inspire ce texte.

Je ne suis pas certaine, mes chers collègues, que ces deux objectifs soient compatibles. Est-il cohérent d'abaisser le taux de l'usure de cinq points sur les crédits revolving, et de l'augmenter de six points sur les prêts personnels ? Pour nous, radicaux de gauche, humanistes, entre la prévention des nombreuses situations dramatiques de surendettement que nous connaissons aujourd'hui et la promotion d'une économie à crédit dont nous avons tous constaté les dégâts, le choix est tout fait !

Malgré cette ambivalence, ce vice dans la conception du texte, le projet de loi regroupe toutefois un certain nombre de dispositions intéressantes, qu'il faut saluer.

Il prévoit d'abord, des outils de lutte contre le surendettement, avec notamment cette baisse d'environ cinq points du taux de l'usure sur les crédits revolving, même si cela reste insuffisant.

Par ailleurs l'encadrement de la publicité pour ce type de crédit particulièrement dangereux progresse, même s'il peut encore être renforcé ; tel est le sens de l'un des amendements proposés par les députés radicaux de gauche et apparentés, qui impose la mention explicite dans la publicité des dispositifs législatifs de lutte contre le surendettement dont la personne concernée est susceptible de bénéficier.

Les nouvelles procédures de vérification de la solvabilité des emprunteurs, dont la consultation obligatoire du fichier des incidents de paiement des particuliers, tout comme le renforcement des procédures de traitement du surendettement, contribueront à lutter contre les drames humains que celui-ci engendre et qui se multiplient ces dernières années, particulièrement dans la période de crise que nous connaissons. À ce propos, je souhaite, madame la ministre, que nous tombions tous d'accord pour instaurer le fichier positif.

Malheureusement, les effets potentiellement bénéfiques de ces nouvelles mesures risquent, je l'ai dit, d'être contrecarrés par les dispositions visant à rendre le crédit plus accessible, dont l'augmentation du taux de l'usure sur les prêts personnels et la facilitation des regroupements de crédits.

Cependant, si le texte comporte des dispositions intéressantes visant à développer le micro-crédit, je ne peux que déplorer la manière dont leur application outre-mer, notamment dans les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, a été négligée. Pour cette raison, et à l'initiative de notre collègue de Wallis et Futuna Albert Likuvalu, les députés radicaux de gauche et apparentés défendront un amendement tendant à rendre ces dispositions applicables dans les collectivités françaises du Pacifique.

Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, les nouvelles dispositions y seront applicables de droit mais inapplicables en fait, puisque les opérateurs du micro-crédit, dont l'association pour le droit à l'initiative économique, l'ADIE, ne sont pas présents sur le territoire. Au-delà des considérations législatives, l'État doit intervenir d'urgence et assurer un accompagnement afin que Saint-Pierre-et-Miquelon ne soit plus le seul territoire de France où les acteurs économiques n'ont pas accès au micro-crédit. Certes, en volume, les enjeux sont peu importants en raison de notre petite taille ; mais nous sommes en pleine reconversion économique et, proportionnellement, la demande locale est forte. Un partenariat doit donc être conclu avec les organismes locaux afin de trouver une solution adaptée au territoire qui permette d'instaurer chez nous le micro-crédit. Je vous propose, madame la ministre, que nous commencions de travailler ensemble en ce sens.

D'autres l'ont dit avant moi : les députés socialistes et radicaux de gauche ont longuement travaillé sur les questions relatives au crédit et ont formulé de nombreuses propositions visant à lutter efficacement contre le surendettement et à protéger les personnes. Je songe bien sûr à notre récente proposition de loi relative à la suppression du crédit revolving, à l'encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l'action de groupe, examinée dans cet hémicycle le 15 octobre dernier.

Nos propositions, rejetées par la majorité, sont en partie reprises dans ce texte ; tant mieux. Les amendements défendus par notre groupe permettront de compléter cette démarche. Ainsi, leur adoption permettrait d'éviter que ce texte ne reste, pour reprendre une expression employée ce soir par plusieurs de mes collègues, au milieu du gué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je tiens à réaffirmer, après de nombreux orateurs, que le secteur du crédit à la consommation n'est pas un secteur comme les autres : c'est l'un des rouages de notre vitalité économique. En moyenne, le crédit finance 10 % de la consommation des ménages, qui sont du reste 14 millions à recourir à ce type de financement.

Nous le savons, la consommation est le premier levier de notre croissance nationale. Ce point est d'autant plus important que cette croissance est fragile et notre économie convalescente.

Ce projet de loi était attendu par tous les acteurs, au premier rang desquels les consommateurs, et, dirais-je même, nos concitoyens. En effet, ceux-ci sont en droit d'exiger de la clarté dans la publicité, de la diversité dans l'offre et de la responsabilité dans les conduites.

Réguler les pratiques sans entraver la consommation, encadrer les comportements sans imposer de carcans : tels étaient les points d'équilibre qu'il nous fallait dégager. Bien que le crédit renouvelable ait trop longtemps favorisé la spirale de l'endettement, il eût été absurde de l'interdire totalement. Mieux valait trouver des solutions pour responsabiliser tous les acteurs, de l'établissement de crédit au consommateur.

Ce projet de loi comporte des avancées notables, madame la ministre.

En matière de crédit à la consommation, il constitue une sorte de charte des bonnes pratiques. Je tiens du reste à saluer votre travail, celui du rapporteur François Loos, celui de la commission saisie au fond et des deux commissions saisies pour avis. J'espère que le débat, qui va se poursuivre dans cet hémicycle, restera aussi constructif qu'il l'a été jusqu'à présent. Je tiens également à saluer les avancées issues de l'examen du texte par le Sénat, notamment la réforme du mode de calcul du taux d'usure, désormais déterminé en fonction du montant du prêt.

Parmi les nombreux volets de ce projet de loi, certains me semblent essentiels.

Le premier est l'encadrement des pratiques publicitaires. En effet, il fallait en finir avec les comportements irresponsables. Voilà pourquoi, comme l'a rappelé le président de la commission des affaires économiques, la mention suivante sera rendue obligatoire : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. » D'aucuns y verront une infantilisation de la société ; mais, honnêtement, mieux vaut prévenir que guérir.

Sur ce point, il me semble qu'il eût fallu aller plus loin et interdire aux établissements de crédit d'appâter le consommateur en proposant des lots promotionnels liés à l'acceptation d'une offre. Je défendrai du reste des amendements à ce sujet.

Je note toutefois que le projet de loi comporte des mesures utiles relatives aux cartes de fidélité. Il en est ainsi de l'interdiction de subordonner les avantages commerciaux de la carte à l'utilisation de sa fonction de crédit.

Le deuxième axe est le renforcement de la responsabilité du prêteur. À cet égard, les nouveaux articles L. 311-9 et L. 311-10 sont extrêmement importants. Il s'agit de ne pas octroyer un crédit à une personne qui ne serait pas capable de l'assumer financièrement. Cela suppose aussi que ceux qui proposent un crédit soient sensibilisés à la prévention du surendettement. Voilà pourquoi la commission des affaires économiques a adopté un amendement instituant une obligation de formation des vendeurs, introduite à l'article L. 311-8. Il s'agit d'une disposition clé.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

En effet, ce n'est que si les acteurs sont éclairés que cette loi sera efficace, et c'est en modifiant les mentalités et des pratiques que nous améliorerons durablement la situation.

En ce qui concerne l'évaluation de la solvabilité, je crois, comme le président de la commission des affaires économiques, qu'il faudra en venir à la création d'un registre national des crédits aux particuliers, c'est-à-dire du fichier positif. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

Le Sénat a introduit un article 27 bis, qui prévoit qu'un rapport placé sous la responsabilité de la Banque de France sera remis au Gouvernement et au Parlement dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi. En imposant ce délai de réflexion, la représentation nationale a en quelque sorte – pardonnez-moi l'expression – botté en touche. Cet outil me semblait pourtant pertinent, d'autant que, malheureusement, le surendettement explose dans notre pays. Ainsi, en 2009, 217 000 dossiers ont été déposés en commission de surendettement, soit 13,5 % de plus qu'en 2008. De plus, chaque dossier comptabilise en moyenne sept crédits, contre quatre en 2008.

Le troisième axe est l'amélioration de l'accompagnement des ménages surendettés. Dans cette perspective, certaines mesures me paraissent particulièrement bienvenues. Tel est le cas du raccourcissement des délais de recevabilité des dossiers par les commissions de surendettement, et de l'obligation incombant à ces dernières de mentionner le montant du reste à vivre et le plan conventionnel de redressement, dont la durée passera de dix à huit ans.

Nonobstant ces progrès, certains aspects auraient pu, me semble-t-il, être approfondis. Ainsi, sans doute eût-il fallu instaurer une résiliation de plein droit au bout d'une année en cas de non-utilisation des fonds. En effet, nous le savons bien, c'est la multiplication des contrats et leur durée qui sont souvent à l'origine des situations de surendettement. Cette question fera également l'objet d'un amendement.

Enfin, en ce qui concerne les sanctions encourues par les prêteurs qui ne respectent pas leurs obligations légales, il me semble opportun d'établir une déchéance totale du droit aux intérêts. À l'évidence, si nous voulons inciter les établissements de crédit à rompre avec leurs mauvaises habitudes, les sanctions doivent être véritablement dissuasives. De plus, la déchéance partielle, c'est-à-dire fixée par le juge au cas par cas, est source de complexité juridique autant que de difficultés pratiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Gisèle Biémouret, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Biémouret

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi sur la réforme du crédit à la consommation que nous examinons aujourd'hui est l'occasion de transposer dans le code de la consommation la directive communautaire du 23 avril 2008.

En France, neuf millions de ménages en France ont recours au crédit. Cette pratique s'est progressivement substituée au pouvoir d'achat des ménages fragiles. De ce point de vue, les consommateurs français souffrent des nombreuses lacunes de notre législation, qui s'est laissée dépasser.

Dans le contexte actuel de crise économique et sociale, il paraît primordial de conforter les droits des consommateurs pour mieux les protéger. En effet certaines pratiques commerciales tendent à produire toujours un peu plus de précarité et de misère car, pour nombre de nos concitoyens, le crédit a trop tendance à devenir un tunnel dont on ne sort jamais.

Dans un récent rapport, la Cour des comptes, s'intéressant justement à la lutte contre le surendettement des particuliers, a surtout épinglé une politique incomplète et insuffisamment pilotée. En l'espace d'une quinzaine d'années, le nombre de dossiers a plus que doublé ; le surendettement a concerné 200 000 nouveaux foyers au cours de la seule année 2009. Ces chiffres traduisent l'échec incontestable de la prévention du surendettement.

Afin d'améliorer cette dernière, la juridiction financière préconise de responsabiliser les prêteurs, d'éviter de semer la confusion chez les consommateurs, de créer un fichier positif et d'instaurer un suivi social des surendettés. Face à la diversité et à la complexité des situations, les dispositions pratiques du projet de loi doivent réserver une place fondamentale à la prise en considération de la dimension humaine du problème.

Tel est le sens d'une initiative locale menée dans le département du Gers : la création d'une médiation bancaire. L'espace « médiation bancaire » informe et oriente toute personne connaissant des difficultés bancaires, puis instaure une médiation avec les établissements financiers.

Ce service du conseil général du Gers est régulièrement confronté aux situations de surendettement, dont relèvent 67 % des 2 134 interventions recensées par le bilan pour 2008. Le chiffre augmentera en 2009. Les Gersois sollicitent le service à propos de problèmes relatifs au remboursement de leurs crédits à la consommation.

Depuis le début de cette année 2010, on a noté une forte augmentation du nombre de personnes y ayant recours pour la première fois. Au cours des trois dernières années, l'activité du service n'a pas connu d'accalmie. Les usagers sont de plus en plus nombreux à solliciter directement l'espace médiation bancaire pour obtenir informations et conseils à propos d'un surendettement consécutif à l'ouverture de crédits à la consommation.

Or le texte ne parvient ni à satisfaire les revendications légitimes des associations de consommateurs ni à reprendre les recommandations formulées par la Cour des comptes. Dans ces conditions, il ne mettra qu'en partie fin à l'engrenage dans lequel des milliers de Français se trouvent pris.

Les résultats des dernières enquêtes et études montrent qu'il devient urgent d'agir, par des mesures visant à assainir un marché devenu la source d'une plus grande misère. Les défauts de notre droit nous obligent à faire preuve de volontarisme : il faut le réformer d'urgence. Tel est le sens de la transposition de la directive ; il s'agit de moraliser définitivement ces pratiques. Tel est l'objectif de nos amendements. Il faut également insister sur la prévention et l'information des consommateurs.

Face aux faiblesses du texte, les députés du groupe socialiste ont présenté en octobre dernier une proposition de loi tendant à encadrer plus strictement la distribution du crédit renouvelable. Cette initiative, rejetée par la majorité, avait pourtant l'intérêt de protéger le citoyen. N'est-ce pas la priorité du législateur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, la discussion générale est close.

La suite de la discussion de ce projet de loi est renvoyée à une prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, jeudi 25 mars, à neuf heures trente :

Proposition de loi sur la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue ;

Proposition de loi sur le droit de vote des étrangers ;

Proposition de résolution sur la situation du ressortissant tchadien disparu ;

Proposition de loi pour la modernisation du congé de maternité.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 25 mars 2010, à une heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma