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Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 24 mars 2010 à 21h30
Réforme du crédit à la consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Chacun souligne l'urgence d'agir ; pourtant la directive européenne d'avril 2008, que nous transposons aujourd'hui, était en discussion depuis 2002.

Si la maturation fut lente, c'est sans doute, comme l'écrit le rapporteur de la commission des lois, parce que « la conciliation entre les intérêts des établissements de crédit et la préservation personnelle des consommateurs est un art délicat. »

Le crédit est un instrument à double face. S'il dope la demande intérieure, au service de l'économie, il n'est pas exempt de risques pour les consommateurs, notamment les plus précaires, ceux que des périodes difficiles que nous appelons pudiquement des accidents de la vie – chômage, maladie, divorce, etc. – fragilisent.

Or, en période de crise, protéger les consommateurs et les ménages du surendettement est un impératif. C'est notre responsabilité.

Parmi les différents types de crédit, le crédit renouvelable doit retenir toute notre attention. C'est celui dont on a le plus parlé ce soir, parce qu'il est celui qui conduit le plus souvent à la surconsommation et au surendettement. Les sommes à rembourser par mois sont souvent faibles : cela paraît donc accessible. Pourtant c'est, en réalité, le crédit le plus cher.

Conçu au départ comme un instrument pour faire face aux dépenses de faible montant, ce crédit est redoutable. C'est dans les années 2000 que son utilisation a explosé. Les ménages ne se rendent pas toujours compte qu'ils s'acquittent seulement des intérêts – calculés à un taux usuraire – et ne remboursent pas, ou très faiblement, le capital. Le crédit revolving devient alors un crédit revolver, braqué sur la tempe des plus fragiles.

Je souligne que les femmes sont davantage concernées par le surendettement que les hommes, non pas parce qu'elles seraient plus dépensières, mais parce qu'elles sont plus précaires, et plus souvent chefs de famille : le nombre des familles monoparentales a fortement augmenté ; et il est bien difficile de faire vivre une famille avec 1 000 euros par mois.

J'avais, lors de nos débats du 15 octobre, pris des exemples pour souligner les conséquences parfois dramatiques dans le couple de ces crédits revolving qui peuvent être souscrits par l'un des conjoints. Nous avons tous vu dans nos permanences des gens concernés par ce problème. La double signature apparaît donc indispensable.

En France, l'encours de ces crédits renouvelables représente 22 % du total des crédits à la consommation. Par comparaison, en Grèce, c'est 50 %, et en Allemagne, 6 %. Dans ce domaine, madame la ministre, regardons vers l'Allemagne plutôt que vers la Grèce !

Si je me focalise sur ce crédit revolving, c'est parce qu'il est un facteur aggravant de surendettement. Les sollicitations ne manquent pas, la publicité est trompeuse, et parfois au bord du harcèlement.

C'est un crédit qui s'obtient facilement. Nous recevons tous ces courriers, que nous avons cités les uns et les autres : « vous pouvez demander maintenant la formule libravou : une réserve de 500 à 5 000 euros avec, pendant deux mois, des mensualités de dix euros. »

Proposé au consommateur, il n'a pas été sollicité et ne correspond à aucun besoin précis. Si le 15 du mois vous êtes étranglé, si votre compte est vide, la tentation est forte. C'est devenu pour certains une solution de survie, mais qui vous enfonce un peu plus. Vivre à crédit signifie désormais pour nombre de ménages s'endetter à un taux de plus de 20 % pour se nourrir, pour vivre. Ainsi 90 % des dossiers présentés à la commission de surendettement comprennent ce que l'on appelle des accidents de la vie.

En 2006, le Médiateur de la République avait déjà interpellé le Gouvernement sur l'urgence de lutter contre le malendettement.

Annoncé depuis longtemps, ce texte tardif va dans le bon sens, mais il ne va pas assez loin. Nous avons, les uns et les autres, souligné ce que nous aimerions voir améliorer. Nous souhaitons que le taux d'usure soit abaissé. Nous demandons aussi la mise en place du fichier positif ; nous avons déjà beaucoup insisté sur ce point, et je note que ce souhait semble être partagé sur de nombreux bancs. Il s'agit, dans notre esprit, d'un instrument de prévention, d'un outil pédagogique pour mieux maîtriser ses dépenses et assainir le marché des crédits.

Il serait d'ailleurs peut-être moins coûteux pour les finances publiques de prévoir, par le biais de la Banque de France, une aide pour ceux qui rencontrent des difficultés dans la gestion de leurs crédits, plutôt que de les laisser aller jusqu'à la commission de surendettement. La Cour des comptes a montré combien nous mesurons mal aujourd'hui le coût du surendettement pour les finances publiques. Elle demande d'ailleurs qu'il y ait des clarifications dans ce domaine.

Vous semblez vouloir faire un pas en faisant un essai de dix-huit mois ; je souligne seulement, madame la ministre, que, pendant ces dix-huit mois, 300 000 nouveaux dossiers seront instruits dans les commissions de surendettement.

La lutte contre le surendettement doit être accentuée. À la fin de l'année 2009, le surendettement touchait 1,1 million de ménages. Le nombre de dossiers de surendettement est passé à 215 000 et la Banque de France a constaté que les crédits renouvelables se retrouvaient dans 70 % de ces dossiers. Le crédit n'est pas toujours, en soi, à l'origine du surendettement, mais le crédit revolving a manifestement un rôle aggravant. À l'occasion de la transposition de cette directive, il faut avoir le courage d'assainir la situation et d'abandonner ce type de crédit comme nous vous le demandions dans notre proposition de loi au mois d'octobre 2009.

Pour faire disparaître, non pas le crédit à la consommation, mais le crédit usuraire, il faut aujourd'hui avoir le courage et la volonté d'encadrer le crédit, de renforcer les devoirs des organismes prêteurs, et de protéger le consommateur.

Le rapport de la Cour des comptes de 2010 vous incite fortement à lutter contre le surendettement, car tout le monde est perdant : les ménages, les établissements de crédit, les finances publiques. La montée massive du chômage doit nous obliger à renforcer cette lutte, à la fois pour éviter les accidents de paiement et pour aider les personnes concernées à mieux s'en sortir, et le plus vite possible. La loi est faite pour tous mais elle est destinée en priorité à protéger les plus faibles.

Ne restons pas au milieu du gué. Ayons le courage de prendre des mesures protectrices efficaces. Le surendettement est, de l'avis de tous, une priorité.

Ce texte est aussi l'occasion de s'interroger sur la surconsommation, sur la consommation à crédit, immédiate voire impulsive. La crise devrait nous obliger à changer non seulement notre regard sur l'économie, mais aussi nos modes de production et de consommation. Comme l'a dit Jacques Delors, la société de consommation privilégie l'avoir : plaçons plutôt l'être au coeur de nos sociétés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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