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Séance en hémicycle du 20 octobre 2008 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • fiscalité
  • prélèvement
  • prélèvements obligatoires
  • taxe

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (nos 1128, 1155), après déclaration d'urgence, et du projet de loi de finances pour 2009 (nos 1127, 1198).

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2009.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, comme chaque année, la discussion du projet de loi de finances commence par la défense, de la part de l'opposition, de motions de procédure. Et, comme chaque année, j'interviens, au nom de mes collègues Verts pour défendre une question préalable. Je reconnais volontiers que l'exercice est un peu formel – comme en témoigne la faible affluence dans notre hémicycle – et que de telles motions ne sont souvent que des prétextes pour disposer d'un temps de parole et défendre nos idées.

Je crois néanmoins pouvoir dire que, cette année, la question préalable est bel et bien fondée. Non qu'il n'y ait pas lieu, bien entendu, de débattre d'un projet de budget, mais on peut dire sérieusement qu'il n'y a vraiment pas lieu de débattre de ce projet-ci. Cette année, l'examen du budget prend en effet une tout autre dimension en raison de la crise économique et financière que nous traversons, crise qui bouleverse les agendas, qui multiplie les annonces contradictoires, les reprises et les rechutes sur les places boursières, crise qui fait tournoyer les milliards jusqu'au vertige, y compris dans ce que vote notre assemblée.

On aurait pu s'attendre à ce que cette crise, malheureusement prévisible à défaut d'avoir été anticipée par le Gouvernement, donne lieu, madame la ministre, à une remise en cause profonde de votre politique économique, et ce tant sur le volet recettes que sur le volet dépenses. Aurait-il été impensable que le Gouvernement prenne le temps de mettre tout le monde autour de la table, les responsables politiques bien sûr, mais aussi les représentants des entrepreneurs comme ceux des salariés ?

Le Premier ministre a affirmé un temps qu'il souhaitait une sorte d'union nationale. Je vous le dis franchement : pourquoi pas ? Pourquoi pas, en pareille circonstance, sortir du classique affrontement entre droite et gauche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

En tout cas, les députés de votre groupe ne sont pas venus vous l'entendre dire ! Ce n'est pas très sympa…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Laissez-moi poursuivre, cher collègue : la suite vous réjouira peut-être moins.

Pourquoi pas, disais-je, mais il aurait fallu que le Président de la République et le Gouvernement s'en donnent les moyens ; il aurait fallu qu'ils associent vraiment toutes les forces politiques mais aussi sociales et économiques pour redéfinir une politique économique, financière et budgétaire adaptée à la crise que nous vivons. Certes, nous avons droit depuis quelques semaines à des discours aussi ronflants qu'inefficients sur la moralisation du capitalisme. Mais en fait, il semble bien qu'une fois de plus la montagne accouchera d'une souris, puisqu'il n'est plus question que d'encadrer les parachutes dorés.

Madame la ministre, vous avez vous-même dit dans votre intervention que nous entrions dans une nouvelle ère. Nous ne pouvons que partager cet avis. Mais quelles conclusions concrètes en tirez-vous ? Tel est le vrai débat. Il semble bien, là aussi, que vous vous contentiez de continuer comme avant. En l'occurrence, il s'agira une fois de plus, même si vous ne le dites pas ouvertement, de laisser filer les déficits, et donc d'augmenter encore la dette, comme l'a confirmé notre collègue Lefebvre et, un peu moins clairement, M. le ministre du budget et des comptes publics. Cette fuite en avant n'apportera rien de bon aux Français, qui auront tôt ou tard à payer la facture. C'est d'autant plus insoutenable que vous aviez déjà fait exploser le déficit et la dette, notamment par le paquet fiscal voté en juillet 2007.

Contrairement aux gouvernements d'autres pays européens – je pense notamment à l'Espagne –, vous n'avez plus aucune marge de manoeuvre. Vous avez désarmé l'État, alors qu'il serait aujourd'hui utile que celui-ci soit à même de faire face à la crise, y compris par du déficit supplémentaire, si la dette n'était pas si élevée. Comment allez-vous expliquer qu'il n'y a pas d'argent pour les politiques de solidarité, pour le logement, la santé – tous ceux d'entre nous qui ont un établissement hospitalier dans leur circonscription savent de quoi je parle – ou l'éducation, par exemple, alors que vous aviez trouvé 15 milliards pour offrir des cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus il y a dix-huit mois ? Comment allez-vous expliquer cela, alors que vous dites aujourd'hui trouver près de 40 milliards d'euros pour renflouer des banques qui ont pris des risques inconsidérés sur les marchés financiers ? Alors que les difficultés vont s'amonceler pour les Français, il aurait été logique de prévoir des dépenses supplémentaires dans les domaines qui relèvent de la solidarité nationale.

Votre politique est d'autant plus intenable que vous ne pouvez plus vous raccrocher à cette croyance quasi religieuse en la croissance. Je ne suis pas un partisan de la décroissance, mais qui peut sincèrement prétendre qu'une forte croissance est possible pour demain ? Nous savons en effet que, derrière la crise financière, se profile une crise économique, laquelle vient elle-même s'ajouter à une crise écologique majeure : si les prix du pétrole et des matières premières ont momentanément baissé du fait des prévisions de récession économique, tout le monde sait bien que les ressources continuent à diminuer, ce qui ne manquera pas de renchérir leur coût demain. On n'échappe pas à l'adage selon lequel tout ce qui est rare est cher.

Revenons aux chiffres sur lesquels vous fondez le projet de loi de finances pour 2009. Vous nous annoncez une dette publique de 66 % et un déficit public identique à celui de 2008, soit 2,7 % du PIB, ce qui correspond à plus de 52 milliards d'euros, tout cela reposant sur une prévision de croissance située entre 1 % et 1,5 %. Qui peut croire à de tels chiffres aujourd'hui ? Lorsque le texte est passé en Conseil des ministres à la fin du mois de septembre, nous avions déjà du mal à y ajouter foi, et nous n'étions pas les seuls : beaucoup de commentaires insistaient sur le caractère très optimiste de vos prévisions. À chaque intervention du Gouvernement ou du Président de la République, tout le champ lexical de la vérité est convoqué pour qualifier les vertus de ce nouveau projet de loi de finances : « sincérité », « véridique », etc. Mais plus vous en rajoutez dans les superlatifs, plus on peut se dire que vos prévisions sont malheureusement fictives, comme le sont les néologismes que vous utilisez pour ne pas voir la réalité en face, le sommet ayant été atteint avec l'expression de « croissance négative », que beaucoup de Français ont sans doute eu bien de la peine à comprendre. Tout cela, bien sûr, pour éviter de parler de récession, mot utilisé depuis longtemps par tous les économistes et hommes politiques.

Fondé sur des pronostics déjà optimistes il y a quelques mois, ce projet de budget nous paraît caduc avant même d'être voté. Voilà pourquoi je disais que la question préalable prend vraiment tout son sens aujourd'hui. Il n'y a en effet pas lieu de débattre d'un projet de loi de finances qui mériterait d'être entièrement revu et corrigé.

M. Fillon a reconnu que le plan de sauvegarde décidé la semaine dernière ne nous prémunissait pas de la crise en affirmant : « La crise n'est pas derrière nous. » Il a également évoqué, avec le même sens de l'euphémisme, une « panne de croissance » qui affecterait l'emploi. La Banque de France a estimé que nous serions encore en récession – puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom – lors du dernier trimestre de 2008, avec un recul du produit intérieur brut de 0,1 %.

Dépassons nos frontières : si l'on parle d'économie, il faut aussi regarder ce qui se passe chez nos voisins. Le mot « récession » a été lâché aux États-Unis par une responsable de la Réserve fédérale, et l'Irlande a été le premier pays de la zone euro à s'être officiellement déclaré en récession. L'Allemagne, elle, revoit ses prévisions de croissance à la baisse et l'Italie a également signalé une contraction de la demande et une réduction des investissements des entreprises. Quant au Japon, il connaît les difficultés que l'on sait avec le krach boursier.

À quelque chose malheur est bon, pourrait-on dire. Cette crise provoque, du moins pour l'instant, le réveil de l'Union européenne. Elle montre que l'Europe a du sens et fournit une meilleure protection que l'addition des intérêts nationaux. Si un nouveau Bretton Woods a lieu, ce sera grâce à la pression des États européens. Cela montre d'ailleurs que si les gouvernements européens, à commencer par le gouvernement français, puisque la France préside l'Union, se battaient vraiment pour la mise en place d'une taxe sur les mouvements de capitaux, la fameuse taxe Tobin, celle-ci pourrait être mise en oeuvre. On tirerait enfin les conséquences pratiques, non seulement de la crise financière, mais aussi tout simplement de la mondialisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous riez, cher collègue, mais le problème est que cette idée n'a pas été suivie d'effets.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Forcément : vous l'avez votée en fixant son taux à 0 % !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Comment pouvez-vous expliquer aux Français que les transactions financières, qui font passer des milliards d'un continent à l'autre en quelques secondes et ont entraîné tant d'instabilité de par le monde, échappent complètement à la fiscalité ? Quand on ajoute à cela le bouclier fiscal ou les nombreuses exonérations d'impôt de solidarité sur la fortune, comment parler encore de solidarité nationale ou tout simplement de justice fiscale ?

Comme je l'ai dit la semaine dernière lors du débat relatif au plan de sauvetage des banques, je trouve qu'il y aurait eu une certaine décence à abroger, ou au moins à suspendre le bouclier fiscal. Cela aurait été un signe, certes modeste, mais un signe tout de même, d'abord pour dire que vous n'étiez pas enfermés dans votre idéologie, mais aussi pour signifier clairement que l'effort demandé aux Français doit être partagé, comme le veut notre pacte républicain.

De même, on peut sérieusement s'interroger sur le bien-fondé du soutien au dispositif sur les heures supplémentaires. Déjà, en juillet 2007, lorsque vous avez fait voter cette mesure, nous avions été nombreux à douter de sa pertinence, au moment même où le ralentissement de l'économie commençait à se faire sentir. Des mesures pour soutenir la création d'emplois ou le niveau de vie des classes moyennes auraient sans aucun doute été plus adaptées à la situation, en dehors même de toute considération sur votre slogan : « Travailler plus pour gagner plus ». Vous savez ce que nous en pensons : nous ne faisons pas partie de ceux qui considèrent que les Français sont des fainéants.

Le problème est que vous êtes prisonniers de ce slogan, et davantage pour des raisons idéologiques qu'économiques. Nous avions déjà, à l'époque, soulevé la question de l'efficacité économique des mesures votées dans la loi TEPA : comme l'a dit Michel Sapin, si elles étaient efficaces, on pourrait peut-être accepter qu'elles soient un peu injustes. Mais ce n'est même pas le cas.

En outre, la crise financière ne doit pas faire oublier d'autres crises, notamment la crise écologique. D'autant plus que, sans tomber dans la formule simpliste de la « croissance verte », dont je ne sais trop ce qu'elle veut dire, il est évident que c'est aujourd'hui qu'il faut encourager, par des réglementations adaptées mais aussi par des incitations fiscales ou des investissements publics, les entreprises ou les particuliers qui innovent pour réduire notre « empreinte écologique » : au-delà de cette expression, tout le monde voit bien l'utilité de lutter contre toutes les formes de gaspillage. C'est utile pour l'avenir de la société tout entière, mais aussi pour tout un chacun ; cela signifie bien souvent des économies en espèces sonnantes et trébuchantes, lesquelles sont autant de gains durables de pouvoir d'achat.

Ce sont, enfin et surtout, autant d'emplois durables, car ancrés sur nos territoires, en un mot non délocalisables. L'exemple du logement est extrêmement éloquent. Ce secteur contribue de façon très forte à l'effet de serre, en raison des gaspillages d'énergie liés au chauffage : il crée donc une perte de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. On pourrait agir là sur les trois fronts en même temps.

Les États-Unis eux-mêmes se sont mis à la stratégie environnementale. Les parlementaires démocrates ont d'ailleurs lié l'adoption du plan Paulson à une condition qui, chez nous, est passée inaperçue, en obtenant un crédit d'impôt de 17 milliards de dollars pour financer, pendant huit ans, les énergies solaire et éolienne.

En présentant le rapport de l'Organisation internationale du travail, « Pour un travail décent dans un monde durable, à faibles émissions de carbone », publié le 24 septembre dernier, Peter Poschen, conseiller pour le développement durable à l'OIT, a expliqué : « C'est notre contribution à la négociation internationale sur le climat. Ce rapport montre qu'une mutation vers une économie pauvre en carbone n'est pas un danger pour l'emploi. » Ainsi, les gouvernements ne peuvent invoquer cet argument pour se soustraire à l'effort collectif que réclame la lutte contre le changement climatique.

Concrètement, selon ce rapport, l'économie verte représente un marché évalué à plus de 1 370 milliards de dollars par an. En Allemagne, le secteur des technologies de l'environnement devrait quadrupler pour atteindre 16 % de la production industrielle d'ici à 2030. Il fournirait alors plus d'emplois que les secteurs de l'automobile et de la machine-outil réunis, les deux vitrines de l'industrie allemande. Voilà des réponses concrètes et, surtout, durables à la crise qui touche déjà l'emploi.

Le plan de sauvegarde des banques était utile – et nous ne nous y sommes pas opposés –, mais il se limitait à une vision de court terme et montrait aussi à quel point il peut être coûteux de laisser l'économie soumise à la financiarisation. Ce plan n'aura d'utilité réelle que s'il est la première étape d'une remise à plat de la pensée économique qui sous-tend votre politique. Finalement, en présentant un budget quasi inchangé par rapport à l'année dernière, vous donnez l'impression de rester prisonniers des schémas politico-économiques du passé.

En disant cela, je n'entends pas prôner une sorte de révolution anticapitaliste – je laisse ça à d'autres. Je ne vais pas clamer devant vous qu'il suffirait de renverser la table pour que tout aille bien.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mon cher collègue, vous en parlerez sans aucun doute après moi. Dans le fond, de tels discours, tenus à l'extérieur de l'hémicycle, arrangent bien la majorité : ils sont tellement caricaturaux et inefficaces qu'ils l'autorisent à continuer à ânonner de son côté ses sempiternels discours sur la croissance, le travail et les cadeaux aux riches qui profiteront aux pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Rappelez-vous, en effet, le discours assez étrange que nous avait tenu Mme la ministre, il y a un an, quand elle avait dit que les riches seraient les bienvenus en France et que cela profiterait un jour à l'économie générale. La réalité économique dément cette idéologie.

Nous voulons poser ici les questions que les Français se posent, qu'ils nous posent. Peut-on s'en remettre à un hypothétique retour à une croissance qui, comme par enchantement, réglerait tous les problèmes ? Évidemment, personne ne souhaite que nous nous enfoncions dans la récession. Mais qui ne voit que la croissance de ces dernières années s'est accompagnée d'une baisse du niveau de vie pour des millions de gens ? Qui ne voit qu'en rognant sur les dépenses de santé, de logement ou d'éducation, comme vous l'avez fait ces dernières années, c'est l'accès à ces droits fondamentaux qui recule ?

Autre question concrète : peut-on continuer à s'en remettre au laisser-faire et à la déréglementation tous azimuts ? C'est pourtant le discours que vous nous tenez depuis un an et demi sur le droit du travail, c'est la loi dite de modernisation de l'économie. Là aussi, peut-on discuter sérieusement des régulations utiles au progrès économique et social sans être tout de suite renvoyé au fantasme de l'étatisation de l'économie ? N'est-ce pas le moment de travailler concrètement aux cadres législatifs et fiscaux stables qui garantissent que l'économie sera facteur de progrès durables ?

Prenons l'exemple du droit du travail. Xavier Bertrand nous a expliqué qu'il fallait le déréglementer pour relancer l'activité. Tout récemment, le ministre du travail et son collègue chargé de la consommation – curieux attelage ! – n'ont rien trouvé de mieux que de prôner l'ouverture des magasins le dimanche. Ils ont, bien sûr, choisi un dimanche pour faire cette annonce devant les caméras de télévision. Qui peut sérieusement croire que le pouvoir d'achat des ménages s'améliorerait et, donc, que la consommation progresserait si les magasins étaient ouverts le dimanche ? J'ai interrogé des directeurs de magasins, dont ceux de grandes enseignes de ma circonscription, et tous m'ont dit que cela ne ferait pas progresser leur chiffre d'affaires d'un centime. Certes, si un seul magasin était autorisé à le faire, il aurait un avantage sur la concurrence. Toutefois, si tout le monde s'y mettait, cela aurait un effet strictement nul sur la consommation et le pouvoir d'achat, mais un effet concret de dégradation de la vie des salariés – ce sont des directeurs, des propriétaires de magasins eux-mêmes qui le disent.

En fait, derrière cela, il y a une question de fond : faut-il tout tirer vers le bas au prétexte de la concurrence internationale et de la mondialisation ? Dans le cas des commerces, par exemple, je ne vois pas en quoi la concurrence internationale est en cause. S'il est un secteur qui n'y est pas directement exposé, c'est bien celui-ci : qui peut croire qu'un Nantais, un Parisien ou un Savoyard va aller faire ses courses dans un autre pays sous prétexte que les magasins y sont ouverts le dimanche ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cela ne pourrait jouer, peut-être, que dans les zones frontalières.

Il est vrai que la question de la concurrence des pays à bas coût de main-d'oeuvre se pose dans l'industrie. La commission des affaires économiques a récemment auditionné le président de Renault, Carlos Ghosn : il estime que le coût d'une heure de travail, en France, est de 25 euros, cotisations sociales incluses – cette moyenne assez élevée doit intégrer les cadres –, alors que, en Roumanie, où est construite la Logan, ce coût est de 2,50 euros. Mais n'est-il pas temps de se demander s'il est économiquement rationnel d'importer des produits fabriqués à l'autre bout du monde ? N'est-il pas temps de se demander si cette concurrence est vraiment loyale ? Comment ne pas voir que, en mettant en concurrence l'entreprise chinoise avec l'entreprise européenne, on va non seulement tirer vers le bas les systèmes européens de protection sociale et environnementale, mais empêcher les salariés chinois d'accéder aux mêmes droits ?

Une concurrence fondée sur l'innovation, sur la qualité des produits, me paraît tout à fait saine et souhaitable. Mais une concurrence fondée sur le seul critère du coût du travail ne peut qu'être destructrice non seulement de centaines de milliers d'emplois, mais aussi, à terme, de notre droit du travail, de nos systèmes de protection sociale et des progrès environnementaux pourtant encore balbutiants.

La discussion budgétaire devrait être le moment où l'on discute de ces orientations politiques et économiques, car elles sous-tendent toute construction budgétaire, y compris la vôtre. En effet, comment, dans ce contexte, s'étonner de la baisse des recettes fiscales et, de l'autre, de la hausse des besoins en matière de santé ou de logement ? Quand les conditions de travail se détériorent dans les entreprises, ce sont évidemment les dépenses de santé qui augmentent. De récents rapports concernent ce phénomène. Quand les parents ne sont plus là pour s'occuper de leurs enfants à cause d'horaires complètement déstructurés, ce sont évidemment les conditions éducatives qui se dégradent. Comment pouvez-vous ensuite aller culpabiliser les parents défaillants ou tout simplement dépassés, tant il peut être difficile de tout assumer à la fois, horaires déstructurés et éducation ? Lorsque le travail ne garantit même plus un revenu décent, cela devient tout simplement impossible pour des millions de familles, comme nous en rencontrons tous dans nos circonscriptions. On ne leur offre aucun avenir meilleur.

Ce qu'il faut revoir, ce sont les fondamentaux qui sous-tendent vos choix, ce sont les priorités de dépenses publiques. Le comble, c'est que, loin de revoir ces fondamentaux et de réorienter votre politique, vous persévérez dans l'erreur. Alors que le chômage repart à la hausse – 40 000 chômeurs supplémentaires en août dernier, cela ferait presque un demi-million de chômeurs de plus en rythme annuel –, vous prévoyez de réduire le budget de l'emploi, avec des dépenses qui passent de 12,5 milliards en 2008 à 11,8 milliards en 2009.

Autre secteur touché par la rigueur de ce budget 2009 : le logement et la ville, qui devraient perdre 500 millions d'euros malgré les difficultés de la construction et la multiplication des demandes de logement social. Je peux en témoigner, la moitié des demandes que nous recevons, dans nos circonscriptions, concerne le logement.

Comment justifier votre obstination à réduire aveuglément le nombre de fonctionnaires ? On peut discuter du redéploiement d'une administration à une autre, de l'opportunité de réduire les effectifs de certains ministères à la suite de changements de priorités ou d'améliorations de la productivité. Mais, alors que le premier texte de retranscription du Grenelle de l'environnement vient d'être débattu, le ministère de l'écologie perd 1 400 postes. Comment justifier cela ?

Vous prétendez que c'est la suite logique des baisses d'impôts que vous avez fait voter. J'ai déjà dit ce que nous pensions de ces mesures aussi injustes qu'inefficaces. Mais, en réalité, il convient de dire que, pour la très grande majorité des Français, les impôts augmentent bel et bien.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Depuis que vous avez fait voter le paquet fiscal au mois de juillet 2007, vous n'avez cessé de créer de nouvelles taxes, secteur par secteur. Les franchises médicales, par exemple, ne sont pas facultatives, car personne n'est facultativement malade. C'est un véritable impôt sur les malades. Vous avez également créé un impôt nouveau sur les cotisations aux complémentaires maladies, qu'acquittent tous ceux qui souscrivent une mutuelle : on ne peut tout de même pas le leur reprocher, au moment où des millions de Français n'y ont toujours pas accès. On a vraiment l'impression que, en matière de protection sociale vis-à-vis de la santé, c'est la double peine.

Quant au revenu de solidarité active, vous n'avez rien trouvé de mieux que de le financer par une taxe sur les petits épargnants, car ce n'est pas, comme on le dit, une taxe sur le capital, puisque les bénéficiaires du bouclier fiscal en sont exonérés. Au moment où l'on parle de plafonner les niches fiscales – et nous souscrivons tout à fait à ce projet, en souhaitant même qu'il aille beaucoup plus loin –, vous créez une super-niche fiscale. Décidément, ces contribuables-là ont tous les droits, toutes les faveurs, tous les privilèges.

Votre imagination pour taxer les classes moyennes est d'ailleurs sans limite. L'an dernier, vous avez tenté d'imposer une hausse de la redevance audiovisuelle. Le rapporteur général avait défendu cette mesure qui prévoyait de reprendre dans la poche des contribuables de plus de soixante-cinq ans non imposés sur le revenu l'exonération à laquelle ils avaient droit. Nous avons mené la bataille et, pour une fois, nous avons été entendus. Mais vous ne désarmez pas. Comme M. le Président de la République a dit qu'il fallait faire un gros chèque à Bouygues et à tous ses amis de la télévision privée,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…on va priver la télévision publique de ses ressources publicitaires. Comment s'y prendre ? M. Copé avait lâché le morceau : il a bien été question d'augmenter la redevance. Ce serait le plus simple, car tout le monde la paie, surtout si l'on supprime l'exonération pour les retraités. Mais la ficelle était trop grosse. Je pense, cependant, qu'on y reviendra d'ici à 2012. Vous avez donc finalement décidé de créer une nouvelle taxe sur les factures de téléphone.

Quelle sera la prochaine étape ? Le livret A, dans lequel vous avez déjà commencé à piocher puisqu'il est question de l'utiliser pour financer le RSA ? Les billets de bus ? La baguette de pain ? Quelle nouvelle taxe allez-vous donc encore imposer aux classes moyennes ?

Puisque le Gouvernement persévère dans ses erratiques et injustes analyses économiques, j'invite l'Assemblée à adopter en masse cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Il m'est difficile de répondre à cette question préalable qui s'apparente davantage à un vaste tour d'horizon au cours duquel de nombreux sujets ont été abordés.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Je remarque néanmoins, monsieur de Rugy, que votre discours n'a pas changé.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

C'est une preuve de constance, en effet : vous prononcez les mêmes discours que l'année dernière.

Je rappellerai tout de même certains des axes de notre politique qui ne manqueront pas de recueillir votre soutien. Ainsi, le Grenelle de l'environnement, que vous avez discuté la semaine dernière, fera l'objet d'un financement de plusieurs milliards d'euros…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Oui, plusieurs milliards, qu'il s'agisse de crédits budgétaires, de recherche ou de mesures fiscales, par exemple. Les moyens mis en oeuvre sont considérables, à la hauteur de cette bonne politique qui placera la France à la pointe du combat écologique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

C'est l'honneur de ce Gouvernement et de sa majorité de l'avoir initiée. Le Grenelle a toute sa place dans ce projet de loi de finances, ainsi que dans la programmation pluriannuelle des finances publiques.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

J'en viens au travail du dimanche. M. Bertrand a rappelé que le Gouvernement ne souhaitait pas l'interdire, même s'il fallait permettre une certaine souplesse dans les départements. Pourquoi l'interdire, en effet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Et le travail des enfants, pourquoi l'interdire ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Cela n'a pas grand sens : bien des pays pourtant très modérés autorisent le travail du dimanche. Nous en débattrons donc, mais il va de soi que la souplesse est préférable à l'interdiction absolue pour tous. Nombreux sont ceux qui ont envie de travailler le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

S'ils touchaient des salaires corrects, ils en auraient certainement moins envie !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Ayons donc ce débat, y compris au sein même de la majorité, en évitant le biais de l'idéologie.

À vous écouter, vous appelez en quelque sorte à une meilleure coordination des politiques économiques en Europe. En effet, c'est essentiel : Mme Lagarde vous expliquera mieux que moi combien la crise financière a révélé l'importance de l'unité européenne pour le reste du monde. Première puissance économique de la planète, l'Europe, lorsqu'elle est unie, peut apporter des solutions aux problèmes du monde. Pourquoi donc ne pas aller plus loin, sous l'impulsion du président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

S'il n'existait pas, celui-là, il faudrait l'inventer !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

… et de tous ceux qui ont à coeur d'améliorer la situation ?

Vous estimez que la réduction du nombre de fonctionnaires est une horreur absolue. Au contraire : c'est une politique réaliste. Vous savez bien que de nombreux fonctionnaires partent en retraite ; ne pas se poser la question de leur remplacement serait faire preuve de mauvaise gestion. Les entreprises, les associations, les collectivités locales le font : pourquoi l'État ne s'interrogerait-il pas sur la qualité du service public rendu et les moyens d'en améliorer l'efficacité ? La diminution du nombre de fonctionnaires est une manière de repenser l'organisation des administrations, non plus seulement en termes de moyens, mais selon le rapport entre la qualité – essentielle dans un pays comme le nôtre – et le prix, c'est-à-dire nos impôts.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

La réduction du nombre de fonctionnaires est une question légitime et un axe de la politique gouvernementale qui, loin d'être un simple acte de foi, illustre la modernisation de nos politiques publiques. En outre, en réduisant leur nombre, on rend aux fonctionnaires eux-mêmes la moitié de l'économie réalisée, et leurs revenus peuvent ainsi augmenter.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Enfin, vous nous accusez de manquer d'imagination dès qu'il s'agit de taxer les classes moyennes. C'est faux : si Bercy donnait dans la créativité fiscale, nous emporterions la médaille haut la main ! Pourtant, nous nous gardons bien de faire preuve d'imagination, car nous estimons qu'il ne faut pas augmenter les impôts. Mme Lagarde vous a expliqué comment à de puissantes réductions d'impôt répondait parfois la création de tel ou tel dispositif fiscal pour satisfaire à un besoin ponctuel. Quoi de plus normal que de créer une fiscalité juste et équilibrée pour financer le revenu de solidarité active ? Ce type de mesure ne se finance pas par un chèque en blanc ou davantage de déficits. Le Gouvernement, quant à lui, ne souhaite pas augmenter la fiscalité mais, au contraire, renforcer la justice, financer tel ou tel besoin ponctuel et diminuer les prélèvements obligatoires.

En somme, je suis tenté d'inviter ceux qui le souhaitent à rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie

Au contraire, ils sont loin de l'être. Je profite de cette occasion, puisque M. de Rugy a apporté son soutien au plan de sauvegarde du secteur financier, pour porter à la connaissance de l'Assemblée une mesure que nous venons de rendre publique et qui concerne la mise en oeuvre du texte que vous avez voté la semaine dernière sous forme de loi de finances rectificative. Le dispositif prévoit deux mécanismes, l'un de financement de l'économie et l'autre de recapitalisation des établissements financiers.

La société de financement de l'économie a été constituée vendredi après-midi et sera en mesure de procéder à des émissions dès cette semaine, afin de refinancer les établissements bancaires et de dégripper le système.

Ce soir, le second volet du dispositif – la recapitalisation – est en place. L'objectif est de s'assurer que les réseaux bancaires pourront continuer de financer l'économie tout en maintenant le haut niveau de solvabilité dont toutes les banques françaises disposent aujourd'hui. J'ai reçu tout à l'heure les représentants des six réseaux bancaires et leur ai indiqué que l'État était prêt, d'ici la fin de l'année, à souscrire à des émissions de dettes subordonnées pour un montant de 10,5 milliards. Je rappelle que les dettes subordonnées interviennent certes en dessous du capital, mais constituent toutefois des fonds propres. Elles ne donnent pas le droit de vote à l'État.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie

Précisément parce que ce sont des titres supersubordonnés, des emprunts qui permettent de s'intercaler en tant que créancier privilégié.

D'autre part, dans le cadre des projets de convention – qui doivent encore être soumis à la revue de la Commission européenne et des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat –, j'ai prévu d'imposer aux banques des engagements de nature économique et d'autres de nature éthique. Les premiers consistent à financer l'ensemble des agents économiques, qu'il s'agisse des ménages, des entreprises ou des collectivités locales, et à en rendre compte tous les mois. Les seconds concernent les questions de rémunération : plafonnement des indemnités de départ, non cumul du contrat de travail et du statut de mandataire social, obligation de constituer un comité des rémunérations et d'élaborer des politiques de rémunérations applicables dans tous les établissements visés. C'est une fois revus par la Commission européenne et les commissions des finances que ces projets seront mis en application.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Nous prenons acte des précisions que vous nous apportez. J'insiste sur l'importance qu'il y a à mettre sur pied dans les meilleurs délais le comité de surveillance au Parlement. Les mesures ont été prises rapidement, et il le fallait. Nous devons toutefois pourvoir suivre l'évolution de la situation, en liaison étroite avec vous, qu'il s'agisse des projets de convention ou des contreparties exigées des institutions financières. À cet égard, je souligne l'urgence qu'il y a à trouver la bonne formule que nous évoquions la semaine dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je tiens à saluer une fois de plus la réactivité du Gouvernement et la rapidité avec laquelle il a pris ces mesures, face à une crise dont personne n'aurait pu imaginer l'ampleur – sauf peut-être vous, monsieur de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement a montré sa capacité d'entraînement à l'égard de nos voisins et amis européens, ainsi que de nos partenaires américains.

À écouter M. de Rugy, je me suis cru dans un débat d'orientation budgétaire plus que dans la discussion du projet de loi de finances lui-même, tant il a abordé de nombreux sujets. Certains, telle l'écologie verte, sont intéressants ; d'autres sont de vieilles lunes – la taxe Tobin, par exemple. N'est-ce pas votre majorité qui l'avait votée à 0 % en son temps ? Quelle rare preuve de courage politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Êtes-vous certain que le moment soit bien choisi pour activer ladite taxe, compte tenu du niveau actuel des profits financiers ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Justement ; tout le monde s'accorde à dire qu'il faut freiner les mouvements financiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La solution ne me semble pas idéale pour fluidifier ces mouvements… C'est affaire de philosophie politique, sans doute. Quoi qu'il en soit, tout cela vous a éloigné, dans votre intervention, des propositions que vous auriez pu faire concernant les recettes à majorer ou les dépenses à diminuer pour atteindre l'équilibre. Un jour vous reprochez au Gouvernement de laisser filer les déficits et, peu après, vous déplorez un budget de rigueur : difficile de s'y retrouver !

Je me contenterai de revenir sur les dispositions relatives au logement : elles sont bel et bien au rendez-vous ! Le Gouvernement, en s'engageant aux côtés des organismes de logements social pour la reprise de 30 000 logements et en décidant de majorer la garantie pour des catégories d'accédants à la propriété qui n'étaient pas couvertes, a pris des mesures immédiates et réactives.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Quid des familles qui ont souscrit un prêt à taux variable ou des prêts relais ? Rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ainsi, il soutient le marché du logement, essentiel à l'économie française, et répond aux besoins locatifs des Français.

En somme, cette question préalable n'a rien apporté au débat. Il est grand temps de passer à la discussion générale et au vote des amendements. Le groupe UMP vous invite donc à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

À mon tour, je tiens à remercier Mme la ministre pour l'annonce qu'elle vient de nous faire. En effet, il était important de préciser ce que nous avions appris quelques minutes avant le début de la séance. Voilà qui démontre une fois de plus la responsabilité et la réactivité du Gouvernement dans cette crise pourtant compliquée et majeure. Dans le contexte actuel, les dispositifs qu'il a mis sur pied contribueront utilement à relancer l'économie dans la bonne direction.

S'agissant de la question préalable, Michel Bouvard a dit l'essentiel. Notre collègue de Rugy a fait un florilège de constats et de propositions. Ces dernières sont particulières et ne sont pas toujours liées les unes aux autres au regard de l'équilibre des comptes publics. En tout état de cause, il y a lieu d'en débattre. À n'en pas douter, M. de Rugy a montré en la matière certaines qualités.

Je rappelle toutefois que l'objet de la question préalable est de savoir s'il y a lieu ou non de délibérer. Vous avez démontré, mon cher collègue, tout au long de votre intervention, qu'il y avait matière à délibérer, et nous allons, dans quelques minutes, pouvoir commencer cette discussion. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre demande à l'Assemblée de rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce qui est formidable, avec M. le ministre, c'est que l'on ne risque pas une sécrétion excessive d'adrénaline ! Il est toujours placide, et pratique un peu l'idolâtrie dans ses propos : « sous l'impulsion du Président de la République », « sous la direction de…»…Cela me faisait penser au grand Kim ! Après le grand Kim, le grand Nicolas !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget

Et le grand Georges, à une certaine époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut respecter la Constitution qui, en son article 5, définit les pouvoirs du Président de la République, et en finir avec ces références incessantes. Faute de quoi, on pourrait croire que vous ne pouvez pas penser sans lui, ce qui serait tout à fait désobligeant pour vous !

Le ministre a cité le Grenelle de l'environnement : un milliard d'euros, nous a dit Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Si bien qu'on est en train de reléguer le Grenelle de l'environnement au rayon des farces et attrapes, sous la houlette du Harry Potter du Valenciennois ! Vous consacrez 1,5 milliard au RSA : il faut comparer ce chiffre à ce que vous donnez aux riches ! Il y certes une vieille tradition dans la bourgeoisie française, qui consiste à faire l'aumône. Mais ce n'est pas d'une aumône que nous avons besoin : c'est de rupture. D'ailleurs, le Président de la République, auquel vous obéissez au doigt et à l'oeil, a supprimé le bonus-malus, qui devait pourtant s'imposer.

Monsieur le ministre, vous dites qu'il ne faut pas interdire le travail du dimanche. Dites plutôt que vous ne voulez rien interdire à ceux qui ont le pouvoir d'imposer ! Or le travail du dimanche est interdit dans certains pays, en Allemagne, par exemple, où la tradition impose le respect de la vie de famille. Le fait d'aller se promener le dimanche à Paris-Nord, par exemple, n'améliore pas selon moi le niveau culturel de nos enfants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne sais pas si c'est de l'élitisme, mais vous, vous représentez le niveau zéro de la culture, il suffit de vous entendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le ministre affirme qu'il ne faut pas placer le débat sur un plan idéologique. Mais que faites-vous ? Il y a trop de fonctionnaires, trop de dépenses. Vous n'avez aucune imagination en ce qui concerne la fiscalité. Mme Lagarde et vous, monsieur le ministre, déclarez que vous avez réduit les impôts. Oui, mais pour les plus riches !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Or pour l'immense majorité des gens, la fiscalité principale, c'est la TVA, c'est-à-dire l'impôt qui porte sur les produits de consommation courante et qui diminue le pouvoir d'achat.

Madame Lagarde, vous nous parlez d'éthique et de banquiers : ce sont deux termes qui ne vont pas très bien ensemble ! À moins que vous ne pensiez à M. Bouton, à l'époque où il présidait le comité d'éthique des banquiers, alors même qu'il était mis en examen pour l'affaire du Sentier, par exemple ; ou à M. Milhaud – le ci-devant M. Milhaud, faut-il dire maintenant ! – membre du groupe UMP, et président du directoire des Caisses d'Épargne, lequel va peut-être également démissionner du conseil municipal de Marseille… Ne parlons donc pas d'éthique sur ce sujet ! Et que dire des parachutes dorés et des rémunérations excessives ? Quant à la rémunération de M. Ghosn, vous ne voulez pas en entendre parler, car, pour vous, c'est de la propagande. Il faut supprimer les rémunérations excessives et les parachutes dorés.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Mallié

Vous avez dépassé les cinq minutes qui vous sont imparties !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais c'est l'arbre qui cache la forêt, car ce dont crève notre économie, c'est de votre logique en faveur de l'actionnaire. Ainsi, chez M. Ghosn, avec un taux de marge de 6 % , la rémunération des actionnaires a augmenté de 9 %, et l'on a réduit d'autant la masse salariale, laquelle représente moins de 15 % du prix d'une voiture. Mais vous ne voulez pas régler le problème et vous nous annoncez triomphalement la mise en place de la société de financement de l'économie. Non ! On ne finance pas l'économie, car il s'agit de l'économie réelle !

Il y a quelques jours, au moment où tombaient les dépêches annonçant la rechute de la Bourse de New York, vous nous disiez que les banques allaient recommencer à créer de la valeur. Non, les banques ne créent pas de la valeur, elles vivent et engraissent grâce à la valeur créée dans l'économie réelle. En l'occurrence, vous avez un problème conceptuel, théorique : vous ne comprenez pas comment marche l'économie. Je vous renvoie aux classiques de l'économie politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

À Marx, entre autres ! Ce n'est pas par hasard si le succès éditorial de Marx est reconfirmé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne suis pas sûr que vous ayez jamais lu une seule ligne de Marx ou que vous connaissiez la théorie de la valeur, de la suraccumulation du capital ou de sa destruction. Pourtant, vous devriez, car nous en sommes là aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, je suis en train d'expliquer à nos collègues des choses fort utiles, afin qu'ils disent moins de sottises !

Le projet de loi de finances est caduc. Madame la ministre, vous avez dit cet après-midi que vous observiez des cycles. En vous entendant me venait à l'esprit une image : les cycles du début du XXe siècle, avec une roue de petit diamètre et une autre de grand diamètre. Et je me disais : « Voilà sur quel vélo nous sommes embarqués, et la chute n'est pas loin ! » Car à force d'observer des cycles comme vous le faites, on se retrouve le nez dans le fossé ! S'il n'y avait que vous pour y aller, j'aurais de la compassion pour vous. Le problème, c'est que vous y entraînez le pays. C'est pourquoi il faut voter la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Nous devons nous prononcer sur la question préalable développée par François de Rugy.

Monsieur le ministre, j'ai été très surpris tout à l'heure lorsque vous avez commencé votre réponse en vous demandant comment répondre à ce vaste tour d'horizon. C'était bel et bien un aveu d'impuissance de votre part, car, lorsqu'on parle d'un acte fondateur comme le budget, il n'est pas anormal qu'on le développe, comme cela a été fait par François de Rugy et par les intervenants précédents, dans les motions de procédure que nous avons entendues en fin d'après-midi.

Oui, la discussion budgétaire est bel et bien à refaire, et il n'est pas anormal que nous abordions cette question dans toutes les motions de procédure. Monsieur le ministre, il est pour le moins curieux que vous en appeliez à l'idéologie dès que nous développons un argument. Il est étrange d'appeler « idéologie » tout ce qui diffère de ce que vous voulez appliquer. Nous pourrions dire que c'est votre idéologie qui nous conduit à une situation budgétaire pour le moins curieuse, où nous démarrons un exercice sur des bases économiques erronées.

François de Rugy a développé quelques arguments sur la révision générale des politiques publiques. Il a dit à juste titre que l'on ne pouvait la réduire à la diminution du nombre de fonctionnaires. Il a également abordé la question de la créativité fiscale, qui avait déjà été évoquée cet après-midi. J'y reviendrai lors du débat sur les prélèvements obligatoires. On n'augmente pas les impôts, mais on crée des taxes, on diminue les impôts des plus riches en faisant peser sur les classes moyennes de nouveaux impôts et de nouvelles taxes.

Madame Lagarde, vous avez évoqué le texte voté la semaine dernière en faveur des banques, pour leur permettre de se recapitaliser. Or nous constatons, ce soir, que les décisions prises en faveur de six banques privées, à hauteur de 10,5 milliards d'euros, consomment déjà un quart de l'enveloppe prévue à cet effet. Il y a donc lieu de délibérer sur les problèmes posés. Didier Migaud, président de la commission des finances, a souligné la nécessité et l'urgence de mettre en place un comité de suivi. Notre collègue Michel Sapin, quant à lui, a affirmé que le plan de sauvetage des banques aurait un coût, ce que vous venez de nous annoncer ce soir.

Il faudra donc débattre plus avant, et nous dire, à moins de laisser de côté l'argument de la sincérité budgétaire, où vous allez prendre les crédits nécessaires pour faire face à cette injection de 10,5 milliards d'euros dans les banques privées. Sur quels budgets allez-vous ponctionner ces crédits ? La dette ne sera-t-elle pas alourdie du fait de ces mesures ?

Nous estimons que la question préalable de François de Rugy est tout à fait justifiée et qu'il y a bien lieu de délibérer sur les problèmes posés. Pour notre part, nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

La Conférence des présidents a décidé que les premiers orateurs inscrits s'exprimeraient sur le thème des prélèvements obligatoires.

La parole est à Mme Martine Billard.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le rapport sur les prélèvements obligatoires présente un côté irréel, lorsqu'on y lit que « les prélèvements obligatoires des organismes de sécurité sociale devraient progresser spontanément à un rythme supérieur à celui du PIB, du fait d'une masse salariale plus dynamique que le PIB en valeur. »

Certes, les prévisions gouvernementales ont été arrêtées au 19 septembre dernier, mais tout de même… Les chiffres donnés par le rapporteur général pour l'année 2008 auraient dû amener le Gouvernement à plus de prudence. Je cite le rapport : « Les résultats du premier semestre 2008 révèlent un net fléchissement de la croissance française. Au deuxième trimestre, le PIB a reculé en volume, ce qui n'était plus survenu depuis le deuxième trimestre 2003, et dans des proportions qui n'avaient pas été constatées depuis le dernier trimestre 2001. ». Avec ces chiffres, il est donc surprenant d'avoir présenté un scénario aussi optimiste pour ce qui est du rendement des prélèvements obligatoires.

Malgré la crise actuelle, le Gouvernement s'obstine à maintenir un objectif de croissance de 1 % pour 2009, en le justifiant par une consommation qui devrait rester soutenue, car bénéficiant de la baisse de l'inflation. Mme la ministre reconnaît – enfin ! – que cet objectif est assez peu probable, mais nous propose d'attendre le mois de novembre. Pourtant, le FMI évalue la croissance à 0,2 % pour la France, et les prévisions les plus optimistes ne dépassent pas les 0,5 %. Il n'est donc pas possible de faire l'impasse sur la nette détérioration du marché du travail et les inquiétudes des ménages face aux risques de licenciements et de relance du chômage.

Mme la ministre nous a expliqué que les prévisions de dépenses resteraient maîtrisées et que le Gouvernement tiendrait son engagement de ne pas augmenter la fiscalité. Dans ces conditions, on voit mal comment le déficit public pourrait se stabiliser à 2,7 % du PIB en 2009, tout en faisant jouer « les stabilisateurs automatiques », comme cela a été annoncé cet après-midi.

Ainsi, comme l'indique le rapporteur général dans son rapport, la fourchette moyenne des prévisions de déficit public s'étend de 3 % à 3,5 % du PIB, et seuls deux instituts voient le déficit public demeurer inférieur à 3 % en 2009. Pourtant, le ralentissement économique mondial assombrit sérieusement les perspectives budgétaires.

En effet, même en restant à un chiffre de croissance de 1 %, chiffre qui peut se révéler plus qu'optimiste, le déficit du budget de l'État s'aggraverait de près de 14 milliards d'euros d'ici à la fin 2009, selon le rapporteur général. Dans ces conditions, l'évolution des prélèvements obligatoires, telle qu'elle nous est proposée par le rapport, est peu crédible.

Entre les conséquences du « paquet fiscal » de la loi TEPA de 2007 et celles des mesures fiscales adoptées en 2008, ce sont des milliards d'euros qui manquent aujourd'hui pour faire face à la crise. Et ces mesures, prises précédemment, ont surtout favorisé ceux qui ont les plus hauts revenus, comme le bouclier fiscal, totalement inique, qui ne favorise que les plus aisés dont il est néfaste pour la planète d'augmenter la consommation de luxe.

La France est le pays de l'Union européenne où la part des recettes fiscales environnementales est la plus faible, et de très loin. Et ce ne sont pas les quelques mesures provenant du Grenelle et intégrées dans ce projet de loi de finances qui modifieront en profondeur l'orientation budgétaire pour en faire un « budget vert », comme vous vous en êtes vantée, cet après-midi, madame la ministre. Du reste, selon le Gouvernement, « l'impact des différentes mesures environnementales prévues devrait être limité ». Il est aussi surprenant de se féliciter du succès du bonus-malus sur l'achat de véhicules motorisés et, dans le même temps, de refuser de l'étendre à d'autres produits, comme les études en avaient montré la possibilité. C'est encore une occasion ratée pour réorienter un certain nombre de mesures vers l'efficacité environnementale.

Avec vos allégements fiscaux improductifs, vous ne pouvez aujourd'hui investir dans des actions bonnes pour la planète et créatrices d'emplois. Les niches fiscales sont tout juste égratignées. D'ailleurs, le rapporteur général reconnaît lui-même qu'il ne s'agit pas de mesures de rendement budgétaire. Pourtant, toutes ces niches ajoutées au bouclier fiscal, comme le considère aussi M. Carrez, permettent à de riches contribuables d'échapper à l'impôt et à d'autres d'en payer très peu.

Le Président de la République entonne désormais des couplets contre le capitalisme financier débridé, à la Besancenot, mais une des façons de lutter contre de tels excès ne serait-elle pas de taxer les stock-options, selon le régime fiscal et social commun de tout revenu d'activité, comme le proposait l'an dernier la Cour des comptes, de supprimer le bouclier fiscal ou de recréer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, afin de limiter les superprofits de quelques-uns ?

La libéralisation des heures supplémentaires permet certes à quelques salariés d'augmenter leur salaire, mais elle envoie des milliers d'intérimaires au chômage et, en cette période de crise, elle amènera de nombreuses entreprises à renvoyer à plus tard les embauches. Cela aura donc pour effet d'augmenter le chômage et donc le besoin de financement de l'Unedic. Il est absurde de s'obstiner à vouloir transférer 0,3 point de cotisation Unedic vers la CNAV alors que le chômage repart à la hausse.

Est-il responsable de continuer à envisager de nouvelles exonérations de cotisations sociales, comme le propose le ministre du travail, s'agissant des cotisations chômage des seniors, ou d'étendre la liste des exonérations non compensées par l'État comme le prévoit le PLFSS pour 2009 ? Votre politique fiscale est totalement injuste et contreproductive en termes économique, social et environnemental. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution prend, cette année, une dimension évidemment particulière, tout d'abord, parce que la conjoncture actuelle aura un impact lourd – un impact aigu, avez-vous dit, madame la ministre tout à l'heure – sur les comptes de l'État, ensuite, parce qu'il intervient avec, en point de mire, la révision générale des politiques publiques et la revue générale des prélèvements obligatoires, toutes deux inscrites dans votre lettre de mission.

Il y a beaucoup de chose à dire s'agissant du taux des prélèvements obligatoires. C'est toujours un instrument imparfait de mesure parce que l'on compare souvent l'évolution dans le temps, mais les paramètres sont si complexes qu'il est évidemment difficile de parvenir à les lire correctement, et parce que la comparaison avec les autres pays se fait rarement avec le même périmètre d'action et rend donc évidemment assez obsolètes les chiffres que l'ont peut donner pour la France.

Nous devons souligner, une fois encore, dans l'évolution de ce taux, un phénomène, dont on a d'ailleurs souvent parlé ici, la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux. Je citerai un exemple chiffré : sur les près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens. Dans ce contexte, nous devons nous féliciter du tassement des taux de prélèvements obligatoires, car les charges croissantes qui résulteront du vieillissement de la population nous obligeront à dégager de nouvelles marges de manoeuvre.

L'évolution de notre fiscalité impose, au-delà du débat sur les prélèvements obligatoires, un principe impératif. Le principe directeur de toute réforme fiscale doit résider dans la combinaison d'une assiette d'imposition large et de taux bas. Il convient donc, pour cela, vous l'avez compris, de tenter de moderniser nos prélèvements obligatoires. Je m'appuierai, pour étayer mon propos, sur trois exemples. Le premier exemple concerne la fiscalité locale, souvent évoquée dans cet hémicycle ou au sein de la commission des finances. Beaucoup d'experts présents ce soir s'accordent à penser que la structure de notre fiscalité locale est devenue archaïque parce que les bases locatives pour la taxe d'habitation, le foncier bâti ou non bâti n'ont pas été révisées depuis plus de trente ans. Il faudra d'ailleurs résister, cette année, à la tentation d'augmenter les bases un peu plus que prévu, comme nous avons commencé à en discuter en commission. Ce serait selon moi une erreur. Les taux et leur évolution relèvent en effet de la responsabilité des élus locaux. De plus, la substitution de dotations à des impôts locaux équivaut de plus en plus à nationaliser la fiscalité locale et donc à dédouaner les élus locaux de leurs responsabilités. Enfin, les réformes à venir, notamment celle de la taxe professionnelle, nous imposent de créer un impôt moderne pour les grandes collectivités entre autres, avec sans doute une assiette plus large. Nous aurons, je l'espère, cette discussion dans le cadre de l'évolution des institutions locales.

Deuxième exemple : le financement de la protection locale repose essentiellement – pour près de 65 % – sur le travail. Nous avons concédé aux grandes entreprises des allégements de charges sans impact durable sur l'emploi, comme vient de le souligner un récent rapport de la Cour des comptes. Il faudra, demain si on le peut, concentrer les exonérations de charges sur les petites et moyennes entreprises.

Je dirai enfin un mot du système fiscal. On parle, depuis trois semaines maintenant, d'une nécessaire moralisation de la finance mondiale, il doit en aller de même du système fiscal français. Les impôts doivent être économiquement efficaces et socialement justes. En effet, les taux sont aujourd'hui trop élevés, l'assiette souvent trop étroite et les niches beaucoup trop nombreuses. Ce sujet, vous le savez – et je parle au nom des députés du groupe Nouveau Centre –, nous tient particulièrement à coeur. Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez finalement beaucoup de chance, je tiens à vous le dire. En effet, dans le grand jardin des prélèvements obligatoires dont vous avez la charge, on trouve des choses merveilleuses : les grands arbres de la TVA devraient rapporter, cette année près de 187 milliards, vous avez chiffré les jolis bosquets de l'impôt sur le revenu à 59,6 milliards, les belles fleurs de l'impôt sur les sociétés représentent 63 milliards, le tout arrosé par une très belle TIPP qui rapporterait 15,6 milliards. Si on y regarde de plus près, madame la ministre, on trouve, au milieu de ce beau jardin, quelques mauvaises herbes : les niches fiscales. On a souvent essayé de les couper à la main ou à la binette, de les arracher çà et là, ce qui n'a pas été couronné de succès. Je me félicite pour ma part que vous ayez enfin pris la décision cette année de traiter le mal, l'herbe folle, à la racine…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

… et de faire en sorte que l'on puisse enfin commencer à plafonner ces niches.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

C'est un préalable à l'évolution de nos prélèvements obligatoires, car il faudra évidemment veiller à ce que ce plafonnement global aille un peu plus loin.

Pour conclure, vous l'avez compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra d'abord le retour à l'équilibre de nos finances publiques, et permettra, par la suite, de baisser les prélèvements obligatoires afin de restaurer la compétitivité de notre économie. La crise financière actuelle ne doit d'ailleurs pas nous détourner de cet objectif d'équilibre. Mais plus que le niveau, c'est la structure de ces prélèvements obligatoires qui pose problème aujourd'hui. Le Nouveau Centre souhaite que, dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, aucun impôt ne soit écarté, car il existe un lien évident entre l'évolution des taux des prélèvements obligatoires et le retour à l'équilibre des comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours très utile de débattre des prélèvements obligatoires, en préalable à la discussion budgétaire pour fixer dans les esprits, soit comme vient de le faire Nicolas Perruchot, quelques préférences de certains collègues de groupes parlementaires – je pense aux dépenses fiscales –, soit quelques sujets fondateurs qui méritent une attention soutenue. J'en citerai très brièvement trois.

Premièrement, la revue générale des prélèvements obligatoires a été évoquée par le Président de la République française, Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

M. Brard l'apprécie et il ne manque pas de nous le rappeler ! Cette revue générale des prélèvements obligatoires a été entamée par Christine Lagarde qui a mis en place un groupe de travail. Si aujourd'hui d'autres sujets nous préoccupent incontestablement – la crise financière, le plan de sauvetage des banques, et je tiens à saluer l'annonce que vous venez de faire, madame la ministre, qui me semble absolument capitale par sa rapidité et son efficacité –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Capitale et principale, c'est le cas de le dire ! La Fontaine le disait déjà à peu près !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…je ne voudrais pas, pour autant, que l'on oublie la revue générale des prélèvements obligatoires. Dans ce cadre, je tiens à mettre l'accent sur un prélèvement qui me semble fondamental, je veux, bien sûr, parler d'un sujet qui m'est cher : le taux de TVA dans le secteur de la restauration.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il y a longtemps que l'on n'en a pas entendu parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Cela me fait plaisir que mes collègues du groupe socialiste et du groupe communiste l'approuvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Ne dialoguez pas entre vous, s'il vous plaît ! Poursuivez votre propos, monsieur Chartier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Mes collègues m'interrompent, madame la présidente, je suis obligé de leur répondre !

Le passage à 5,5 % du taux de TVA dans le secteur de la restauration a été demandé à maintes reprises. Un débat s'est engagé, comme chacun le sait, et a été suivi d'une réflexion. Madame la ministre, il serait, à mon sens, peut-être plus prudent de fixer un taux intermédiaire à 12 %. Quel en serait l'intérêt ? Cela permettrait de réunir l'ensemble du secteur de la restauration. Le taux dans le secteur de la restauration à emporter pourrait passer de 5,5 % à 12 % et celui de la restauration sur place de 19,6 % à 12 %. J'ai consulté des restaurateurs et nombre d'entre eux ne croient pas au magnifique cadeau qui consisterait à abaisser ce taux de 19,6 % à 5,5 %. Je les comprends parfaitement. J'estime, de surcroît, que la situation financière de l'État ne le permettrait que très difficilement. Aussi, réunir l'ensemble de la restauration en faisant converger le taux moyen à 12 %, taux que nous pourrions parfaitement créer, me semble être une excellente démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Il est vrai que c'est fondamental pendant la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je souhaiterais donc, madame la ministre, que cette réflexion puisse se poursuivre.

Ma deuxième réflexion rapide – Nicolas Perruchot l'a évoquée – porte sur les allégements de charges pour les petites et moyennes entreprises. M. Perruchot voulait bien sûr parler des allégements entre un SMIC et 1,6 SMIC, c'est-à-dire les 26 % qui s'appliquent sur les temps complets et les temps non complets. Il conviendrait, madame la ministre, de réfléchir sur les allégements de charges pour les temps non complets. Aujourd'hui, nombre de sociétés, que ce soit la grande distribution ou les sociétés professionnelles de nettoyage, recourent à plein régime aux temps non complets et bénéficient d'allégements de charges importants : jusqu'à 26 % pour un niveau de SMIC. J'ai entamé une discussion avec les professionnels de ce secteur. Il est vrai qu'ils sont plutôt rétifs, s'agissant aujourd'hui des conditions de l'emploi. J'estime pour ma part, comme Nicolas Perruchot, qu'une bonne politique, s'agissant des prélèvements obligatoires, consisterait à réserver ces aides aux petites et moyennes entreprises. Pour ce qui est, en revanche, des temps complets, je maintiendrais le système actuel, qui bénéficie à toutes les personnes qui souhaitent reprendre un emploi et aux entreprises qui les y aident.

Enfin, j'ai beaucoup entendu parler de l'impôt sur le revenu et de la CSG, M. Muet nous expliquant qu'ils étaient tous les deux des prélèvements sur le revenu. Je suis d'accord. Aujourd'hui, le travail continue à être fortement imposé. Je souhaite personnellement que l'on allège toute l'imposition qui pèse sur le travail, en compensant par un élargissement de l'assiette de la CSG.

Voilà les trois pistes, madame la ministre, qu'il faudrait explorer à propos des prélèvements obligatoires. J'insiste sur l'importance de poursuivre la réflexion autour de cette revue générale que vous avez engagée et à laquelle vous avez associé notamment le rapporteur général et le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la LOLF adoptée le 1er août 2001 était un puzzle. En voici une pièce nouvelle : ce rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution présenté avant l'examen et le vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Si l'on ajoute que ce rapport vient en même temps que la programmation des finances publiques pour 2009 à 2012 prévue dans la dernière loi constitutionnelle, reconnaissons qu'il y a là une cohérence de forme utile pour une compréhension globale de nos finances publiques.

Qu'avions-nous entendu durant la campagne électorale présidentielle ? La promesse de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires. Et qu'observe-t-on depuis le début du quinquennat ? Que les nouvelles impositions se multiplient : l'accélération de la créativité fiscale est une réalité.

Oui, celui qui se présentait comme le Président qui allait redonner du pouvoir d'achat aux Français est devenu le Président de la République qui ponctionne les Français aux revenus moyens et modestes pour aider largement les plus favorisés.

Des taxes nouvelles pour le plus grand nombre, le processus est entamé depuis quinze mois : franchises médicales, 850 millions d'euros payés par les malades ; malus automobile, 470 millions d'euros payés par les automobilistes, et, même s'il répond à l'objectif de préserver l'environnement, il n'est pas assorti d'un système de bonus à hauteur de l'enjeu ; taxe sur les poissons, 80 millions d'euros payés par les consommateurs ; rémunération pour copie privée des disques durs externes et des clés USB, 30 millions d'euros payés par les utilisateurs.

Ces injustices et ces incohérences seront accentuées demain par plusieurs éléments :

La taxation de 1,1 % sur les revenus du capital et du patrimoine qui, avec 1,5 milliard d'euros de rapport, financera le RSA – ce n'est pas en contester le principe que de contester une fois de plus le fait que les contribuables les plus aisés y échapperont totalement par le biais du bouclier fiscal plafonné à 50 % des revenus ;

Une augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires des mutuelles et des assurances de santé : un taux qui passe de 2,5 à 5,9 % dans le PLFSS 2009, ce sont un milliard d'euros en plus payés par les assurés sociaux ;

Une taxation de la participation et de l'intéressement à 2 %, pour alimenter les caisses de sécurité sociale : pourquoi pas ? mais d'autres revenus liés à la participation, comme ceux issus de la détention de stock-options ou ceux la pratique des golden parachutes vont échapper à toute contribution sociale ;

Une taxation du chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d'accès à Internet à hauteur de 0,9 %, qui fera peser 400 millions d'euros en cascade sur les consommateurs pour financer partiellement la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ;

L'augmentation du droit de timbre perçu sur les demandes de passeport ;

Enfin, la hausse du ticket modérateur hors du parcours de soins, qui constituera un déremboursement supplémentaire payé par les malades.

Voilà tout ce qui attend les Français pour les semaines qui viennent.

Parallèlement, les baisses de recettes fiscales, d'une part, nous ont privés de marges de manoeuvre et, d'autre part, bénéficient en fait aux privilégiés. Dans la conjoncture morose, de décroissance et de récession – c'est ainsi que j'appelle la « croissance négative », madame la ministre –, nous constatons que ces cadeaux fiscaux faits aux plus aisés n'ont pas d'effet sur l'activité économique, sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat.

La baisse de 15,7 % des recettes d'impôt en capital est due principalement à l'allégement des droits de donation et de succession voté dans le texte relatif au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat, uniquement pour les 20 % de successions les plus importantes puisque les autres bénéficiaient déjà de l'exonération.

Ces mesures touchant aux droits de succession, ajoutées à la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune et à l'instauration d'un bouclier fiscal à 50 %, contribuent effectivement à diminuer les prélèvements obligatoires de 3 milliards d'euros en 2008, mais pour qui ?

Il est aussi nécessaire de rappeler que la loi de finances initiale de 2008 avait mis en place la suppression de l'imposition des dividendes au taux marginal, ce qui signifie une baisse pour les plus gros contribuables puisque le taux marginal était supérieur au taux des prélèvements obligatoires.

Madame la ministre, ce n'est pas seulement la crise qui vous contraint – et pas assez, nous l'avons dit – à revoir vos objectifs. La programmation pluriannuelle qui avait été transmise à la Commission européenne en décembre 2007 reposait sur une baisse de 0,6 % du taux des prélèvements obligatoires pour 2008 et sur une stabilisation à compter de 2010.

Au début de ce débat, vous nous avez confirmé que la stabilisation du taux à 43,2 % devait être lue à l'horizon 2012.

Nous constatons et nous dénonçons le fait que, pour atteindre cet objectif de stabilisation, vous êtes contraints, après avoir massivement les impôts pour les plus aisés, à multiplier les taxes qui affectent le plus grand nombre des Français dans leur vie quotidienne. Derrière la stabilité affichée, c'est donc à des transferts massifs que nous assistons, tous allant dans le sens d'une diminution du pouvoir d'achat du plus grand nombre et d'une augmentation de la précarité.

Pour conclure sur ce point, si nous sommes d'accord sur le constat du niveau atteint par les prélèvements obligatoires dans notre pays, il n'apparaît plus possible de créer des impositions dans l'unique objectif d'augmenter les ressources de l'État. L'acceptabilité fiscale et sociale par le citoyen nécessite d'assigner un objectif populaire et consensuel aux impositions de toute nature.

Je souhaite, pour terminer, m'appesantir spécialement sur la troisième partie du rapport, qui consacre l'un de ses deux chapitres à la fiscalité environnementale.

Je me félicite tout d'abord du constat sur le passé. Ce constat, que je partage, consiste à reconnaître que notre pays a été un précurseur en matière de fiscalité environnementale avec la loi-cadre sur l'eau du 16 décembre 1964.

Celle-ci a mis en place les agences de bassin, dotées des moyens que sont les redevances, outils leviers des actions visant à une meilleure gestion qualitative et quantitative de l'eau, confirmées, au fil des transpositions des directives cadres européennes, par l'objectif de bon état écologique de l'eau et des milieux aquatiques.

Rétrospectivement, on peut donc dire que notre pays a été précurseur dans le domaine des redevances et taxations sur l'eau, une des quatre masses de la fiscalité de l'environnement française, qui représente aujourd'hui 22 % des prélèvements, soit 10,9 milliards d'euros.

La masse la plus importante, en termes financiers, c'est la taxation sur les carburants, qui pèse 24,4 milliards d'euros, soit 49 % des prélèvements. Encore faut-il reconnaître que cette taxe, même si elle porte sur la consommation de carburants et même si son impact sur les comportements est avéré, n'a pas été créée à des fins environnementales mais plus certainement pour des raisons financières et budgétaires.

Les deux autres masses sont quasiment égales, à hauteur de 4,5 milliards d'euros, soit 9 % des prélèvements, et concernent la taxation de l'énergie hors carburants et les redevances ou taxes pour la collecte des déchets ménagers.

De manière résiduelle, les taxes portant sur les transports, à hauteur de 8 %, et diverses nuisances, sur l'air, les paysages, les bruits, les risques, pour un total d'environ 2 %, portent, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, à un total de moins de 50 milliards d'euros la fiscalité environnementale en 2006.

Notre pays est donc, pour la fiscalité environnementale, en dessous de la moyenne des pays développés, en retrait par rapport aux autres pays de l'OCDE, en particulier par rapport aux autres pays de l'Union européenne.

Si je concède au rapport que l'efficacité de la fiscalité environnementale ne peut être appréhendée par le seul poids de ses recettes dans le PIB, il n'en demeure pas moins que la France pourrait avoir davantage recours à cet outil pour réussir sa mutation écologique et entraîner nos concitoyens à modifier progressivement leurs comportements, et provoquer ainsi une réduction des pollutions. La fiscalité écologique doit avoir, y compris au départ, par des taux suffisamment élevés, un effet pédagogique, et générer une réduction progressive des recettes.

Nous en sommes loin, et ce ne sont pas les faibles apports du Grenelle, y compris les premières mesures introduites dans le projet de loi de finances pour 2009, qui vont changer fondamentalement les choses : 401 millions d'euros pour les aménagements du soutien aux biocarburants, 88 millions d'euros de relèvement de la TGAP sur les déchets mis en décharge, 54 millions d'euros dus à l'instauration d'une TGAP sur les déchets incinérés, 40 millions d'euros pour le relèvement de la TGAP sur les granulats, 15 millions d'euros dus au relèvement des taux de la redevance pour pollutions diffuses. Tout cela est relativement peu.

Si l'on ajoute la diminution contestable de 50 millions d'euros due à l'abaissement des tarifs de la taxe à l'essieu au motif de la compétitivité des transporteurs français, on ne voit globalement pas poindre un quelconque changement dans les comportements des agents économiques susceptible d'améliorer significativement notre environnement. La capacité de mobilisation de la fiscalité comme moteur de changement reste largement sous-employée et sous-expliquée.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous m'opposerez l'écoprêt à taux zéro pour la rénovation thermique des logements, le verdissement du dispositif de prêt à taux zéro destiné aux primo-accédants dans le logement neuf, le dispositif de crédit d'impôt développement durable sur les économies d'énergies et les énergies renouvelables dans le bâtiment, la taxe poids lourds à venir à partir de 2011, et leurs effets cumulés à venir.

J'en prends acte mais, avec l'éclairage que nous apporte la crise financière, je veux vous dire ma conviction qu'il nous faudrait avant tout et collectivement déboucher sur une réappropriation politique de la notion de valeur, ce qu'Emmanuel Giannesini, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, décrit comme une nécessaire « révision complète du mode de comptabilisation et de tarification de l'ensemble de nos activités ».

Je veux conclure avec lui, tout en vous donnant acte de cet aspect du débat sur les prélèvements obligatoires : « De la comptabilité patrimoniale des ressources naturelles entrant dans le cycle de production à la généralisation de la fiscalité verte, c'est tout notre système de prix et de valeur qu'il faut renouveler en redonnant un sens durable à la notion de richesse. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, sur la forme, je regrette que le débat sur les prélèvements obligatoires prévu par la loi organique relative aux lois de finances soit un peu abîmé par la manière dont il se déroule cette année, même si je sais que le calendrier est chargé. Un tel débat est important, toute la réflexion engagée autour de la révision générale des prélèvements obligatoires est essentielle, et il serait bien qu'une autre fois, on lui donne une vraie place, avant la discussion budgétaire.

Sur le fond, je me réjouis naturellement que soit réaffirmé le choix de notre majorité que, cette année et les années qui viennent, les prélèvements obligatoires représentent un pourcentage du produit intérieur brut. C'est un élément majeur de notre engagement politique et cet engagement doit être respecté.

Les cadres qui sont les nôtres prévoient, et vous l'avez proposé dans le projet de loi de programmation des finances publiques, que, s'il y avait augmentation des recettes, le taux des prélèvements obligatoires ne devant pas augmenter, cela se traduirait dans les années qui viennent par une baisse des déficits. C'est un engagement politique important, cohérent avec nos objectifs de rétablissement des finances publiques et les orientations que nous définissons pour leur trajectoire.

Monsieur le ministre, vous avez dit cet après-midi qu'une diminution des recettes impliquerait un accroissement du déficit. Je fais partie de ceux – assez nombreux, je pense, dans la majorité – qui considèrent que, s'il ne faut pas être trop dogmatique en la matière, il vaudrait mieux, cependant, que cet accroissement du déficit ne soit pas à due concurrence de la diminution des recettes. En effet – j'y reviendrai dans la discussion générale sur le projet de loi de finances –, s'il est important de prendre aujourd'hui les mesures qui nous permettront d'assurer la meilleure régulation conjoncturelle, il est tout aussi important, dans les choix que nous faisons, de ne pas insulter l'avenir, et si nous devons garantir à notre pays une bonne stabilité économique, nous devons également préparer les conditions d'un rebond.

Vous avez prévu, à partir de 2009 et les années suivantes, de réduire le déficit de 0,5 point par an. Si, par malheur, le déficit devait s'accroître dans le très court terme, cela signifie – mais je ne l'ai pas entendu dire – qu'il faudrait, par la suite, tendre à une réduction plus ambitieuse. J'aimerais donc que l'on dise clairement qu'au cas où nous serions aujourd'hui moins performants que ce que nous espérions – et j'espère que nous serons tout de même relativement performants –, nous nous engagerons, dès que les circonstances nous le permettront, à accélérer le rythme.

Je fais partie de ceux qui regrettent que nous n'ayons pas été plus vertueux dans le projet de loi de finances pour 2008. Je ne sais pas exactement de quoi seront faits l'exécution pour 2008 et l'exercice 2009, mais je souhaite que nous soyons plus vertueux par la suite.

En ce qui concerne l'évolution de la fiscalité, vous avez évoqué tout à l'heure, madame la ministre, les choix principaux de la révision générale des prélèvements obligatoires. En ce qui me concerne, je préfère l'expression de « justice fiscale » à celle d'« équité fiscale »…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

…, car si je comprends bien ce que veut dire le mot « équité » en soi, l'expression d'« équité fiscale » me paraît moins précise et moins claire que celle de « justice fiscale ».

S'agissant, plus précisément, de la fiscalité environnementale, je me permets d'appeler votre attention sur le danger qu'il peut y avoir à trop jouer de l'ambiguïté existant entre taxe et redevance. Il ne faudrait pas que la classification de telle initiative en redevance – je pense, par exemple, à la redevance sur le trafic des poids lourds – revienne à créer une fiscalité supplémentaire qui ne serait pas complètement retracée dans les taux. Si la fiscalité environnementale est un choix politique intelligent, je tiens absolument à ce qu'elle respecte le niveau des prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Monsieur Mariton, merci de vous diriger vers votre conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Je conclus, madame la présidente.

Il est bon que nous mettions davantage de discipline et d'ordre dans les niches fiscales. Toutefois, au moment où nous le faisons, il n'est pas interdit de rappeler la raison d'être de ces politiques. En cherchant à en corriger les excès, il ne faut pas tomber dans l'autoflagellation au sujet du concept lui-même, qui a bien des fois répondu utilement à des objectifs de politique publique. En matière de prélèvements obligatoires, il convient, à la fois dans les évolutions que nous traçons et dans les niveaux que nous définissons, de faire preuve de beaucoup de sagesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Nous allons à présent entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune aux deux projets de loi. Je souhaite que chacun respecte son temps de parole.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le choc de la crise financière et économique est en train de frapper de plein fouet les collectivités territoriales.

Entre les difficultés pour trouver des financements à des taux acceptables, l'explosion du coût des remboursements d'emprunts, la diminution des dotations d'État, notamment la suppression de la dotation de solidarité urbaine pour 238 communes, les baisses des ressources fiscales du fait du ralentissement économique et, surtout, la perspective d'une forte croissance des besoins sociaux de la population dans la période de récession où nous entrons, l'effet de ciseaux sur les finances locales s'annonce destructeur car, quand la pauvreté et la précarité augmentent, les collectivités sont appelées à l'aide par les habitants. Or, dans ma circonscription, à Montreuil, avec la suppression de la DSU, plus de 2,32 millions d'euros manqueront, c'est-à-dire 1 % du budget de la ville.

Tout cela est si vrai que M Fillon a fait, en début de soirée, des annonces, comme Mme Lagarde – chacun les siennes. Il a promis une enveloppe de 5 milliards d'euros pour les collectivités, octroyés sous forme de prêts par la Caisse des dépôts et les banques, pour moitié via des adjudications lancées par la Caisse…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…, ce qui est positif à la condition que les taux en soient modérés et les conditions intéressantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous connais trop, à droite, pour vous faire confiance !

Par ailleurs, de plus en plus de collectivités territoriales sont confrontées aux effets profondément pervers des produits financiers sophistiqués dont les banques leur avaient vanté les supposés avantages…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

… et dont elles découvrent aujourd'hui les dangers, à telle enseigne que l'on peut aujourd'hui parler d'emprunts toxiques. Il s'agit en particulier des produits dits structurés, sur les risques desquels notre collègue Michel Bouvard vous a alertés mardi soir, en séance. En réponse à cette alerte, madame la ministre, vous avez indiqué votre volonté de garantir la profitabilité de Dexia. Cette formule m'a frappé ; pour tout vous dire, elle m'a même choqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comment ? Lisez le Journal officiel !

De Dexia nous attendons seulement qu'elle accomplisse sa mission au service des collectivités territoriales et qu'en contrepartie du refinancement public dont elle a bénéficié, elle accorde aux collectivités locales des emprunts à taux privilégiés pour garantir les investissements publics, dont elles assurent près des trois quarts.

Dexia a été l'un des inventeurs des produits structurés et a donc, aujourd'hui, le devoir de les renégocier pour alléger la charge qu'ils représentent pour les collectivités ! Vous connaissez la confiance des collectivités envers Dexia. Il y a eu tromperie et, même, vol, d'une certaine manière ! Il faut donc que Dexia rende gorge ; c'est d'autant plus légitime que l'État lui a consenti un milliard et que la Caisse a avancé deux milliards.

Mais il semble que tel ne soit pas l'avis de M Fillon, qui a renvoyé les collectivités à leurs « responsabilités » dans les erreurs du passé. C'est-à-dire que non seulement l'État refinanceur n'exigera de Dexia aucune contrepartie favorable aux collectivités, mais qu'il s'en lave les mains ! Tiendrez-vous le rôle de Ponce Pilate, madame la ministre ? Nous ne pouvons qu'inviter le Premier ministre à revenir à une position plus réaliste ; il serait très dangereux de mettre des collectivités au bord de la faillite, quelle qu'en soit la couleur politique.

Dans un contexte extrêmement difficile pour nos collectivités territoriales, on aurait pu attendre de l'État qu'il crée des conditions financières plus favorables pour leur gestion sociale et leurs investissements. La lecture du rapport joint à la loi de programmation des finances publiques montre qu'il n'en est rien, bien au contraire. Le point 45 du rapport annonce, en effet, que « les dépenses des collectivités locales devraient aussi être moins dynamiques à l'avenir, compte tenu notamment des effets d'un cycle d'investissement moins marqué que le précédent, d'une inflexion significative de la masse salariale et des dépenses sociales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la présidente, vous aurez remarqué que le compteur tournait avant que je ne commence à parler. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je termine donc.

Ainsi, au moment où la récession frappe, le Gouvernement prévoit une réduction des investissements locaux qui ne peut qu'aggraver le ralentissement économique, ainsi qu'une baisse de la masse salariale et des dépenses sociales, ce qui aggravera les difficultés des agents territoriaux et des populations, en freinant les salaires des premiers et en réduisant les services aux secondes. C'est une terrible cure d'austérité qui va être infligée aux collectivités, d'autant plus que, pour donner satisfaction au MEDEF, vous prévoyez de vous attaquer à nouveau à la taxe professionnelle, tout cela au risque d'acculer certaines collectivités à des situations inextricables. Chacun a en mémoire les trémolos dans la voix du Président de la République quand, sous la protection de plusieurs centaines de CRS, il est venu expliquer aux ouvriers tout le mal qu'il pensait de la taxe professionnelle…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce que vous dites des trémolos dans la voix est vrai, mais non ce que vous dites au sujet des CRS !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…, comme si l'ancien maire de Neuilly ne se rappelait pas l'injustice de la taxe professionnelle qui, si elle pèse peu dans les villes bourgeoises, pèse lourd dans les villes plus populaires, parce qu'il faut bien financer la politique sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Nous avons appris ce soir que l'État injecterait un peu plus de 10 milliards d'euros dans les six plus grandes banques françaises afin qu'elles puissent continuer de financer l'économie et rester au niveau de leurs concurrentes européennes. J'ai été un peu surpris de la volte-face de ces banques. Le directeur de l'une d'entre elles, Frédéric Oudéa, ne déclarait-il pas, il y a quelques jours, qu'il n'aurait pas besoin de faire appel, à court terme, à l'État ? Madame et monsieur les ministres, vous nous direz peut-être comment il se fait que les banques en soient venues, en si peu de temps, à avoir besoin de la possibilité que vous leur offrez et qui nous paraît indispensable, tant la tension sur les crédits aux entreprises est forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La loi de programmation pour les années 2009 à 2012 représente une avancée majeure dans la maîtrise des comptes publics. Elle s'inscrit dans le nouveau cadre défini par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Vous vous rappelez certainement que c'est un amendement du Nouveau Centre, adopté lors de la réforme constitutionnelle, qui a créé, à l'article 34 de la Constitution, l'obligation de déposer un projet de foi de programmation permettant la fixation par le Parlement de la trajectoire des finances publiques vers l'équilibre des comptes des administrations publiques. C'est une démarche nouvelle, qu'il convient de saluer.

L'inscription constitutionnelle de l'équilibre des comptes publics constitue une double avancée. La première, c'est qu'il est désormais fait référence au principe d'équilibre des comptes de l'ensemble des administrations publiques, ce qui englobe l'État, les organismes de sécurité sociale, mais aussi les collectivités territoriales. Ensuite, pour la première fois est affirmée dans la Constitution la nécessité de concilier deux exigences : celle de la pluriannualité budgétaire et celle de l'objectif d'équilibre des comptes publics.

Cette loi de programmation est ainsi le support de la stratégie du retour à l'équilibre d'ici 2012 que nous appelons de nos voeux depuis très longtemps : c'est une stratégie proposée et défendue par le groupe Nouveau Centre. Elle est claire : le redressement de nos finances publiques doit être atteint sans augmentation du poids des impôts et des charges, donc entièrement grâce à la maîtrise des dépenses.

Le Nouveau Centre propose trois volets d'améliorations.

Tout d'abord, il faut que la loi de programmation ait des conséquences pratiques sur la gestion de nos finances publiques. Le Conseil constitutionnel doit pouvoir s'y référer pour censurer, le cas échéant, des lois de finances votées en déficit, qui témoigneraient d'une politique budgétaire laxiste. Plus rien ne sera comme avant, quand on voyait, année après année, des budgets votés en déséquilibre. C'est la moindre des choses alors que l'équilibre budgétaire est, on le sait, exigé des communes. Et puis le Gouvernement et les parlementaires doivent pouvoir faire référence à cette innovation constitutionnelle pour mettre en oeuvre et justifier des mesures budgétaires et comptables de redressement des finances publiques.

Ensuite, nous avons fait des propositions d'économies – certaines, déjà évoquées l'an dernier, ont été approfondies cette année – dans deux directions, afin d'atteindre l'objectif d'équilibre en 2012.

Il s'agit, d'une part, du plafonnement global et analytique des niches fiscales. Vous savez combien nous sommes attachés, Charles de Courson, Michel Perruchot et moi-même, à l'idée que l'on puisse, enfin, avancer sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Après le rapport sur le plafonnement, cette loi de finances doit être la traduction positive d'un véritable effort de maîtrise, y compris dans ce domaine. Un chiffre : 93 milliards d'euros. C'est le montant des niches fiscales. À comparer avec ce que rapporte l'impôt sur le revenu : seulement 58 milliards d'euros. Nous demandons donc le plafonnement global des niches fiscales.

Il s'agit, d'autre part, de l'inscription, dans la loi de programmation, du principe de l'encadrement du coût des niches fiscales et sociales, avec une évaluation de leur efficacité. Ce doit être l'exigence du Parlement de savoir quel est le rendement réel de chacune des niches.

Nous pensons cependant qu'il faut aller plus loin dans nos propositions d'économies sur les niches car, à l'heure où nous sommes, chaque centaine de millions d'euros aura une importance majeure. À cette fin, le groupe Nouveau Centre défendra un amendement proposant un paquet de mesures d'économies destinées à diminuer le niveau du déficit public. L'une d'entre elles vise notamment à modifier le régime de la demi-part supplémentaire, en la limitant, après le départ des enfants, aux contribuables ayant élevé seuls leurs enfants pendant au moins dix ans et ne dépassant pas un certain niveau de revenu. Alors que l'on parle de politique familiale, je crois qu'il serait judicieux d'établir ainsi un bon équilibre entre les familles, et que ces contribuables bénéficient de cet avantage jusqu'à la fin de leur vie.

Autre mesure d'économie : l'abaissement du plafond de certaines niches sociales. Nous avions déjà déposé des amendements l'an dernier en ce sens. Nous souhaitons abaisser à 1,5 SMIC le seuil en dessous duquel les allégements généraux de cotisations sociales patronales s'appliquent. Chacun connaît le rapport de la Cour des comptes sur ce sujet ; certains le contestent, d'autre trouvent qu'il a beaucoup de vertus. En tout cas, on ne pourra pas faire l'économie d'une évaluation précise de l'incidence des abaissements de charges sociales sur les entreprises et sur l'emploi.

Enfin, madame la ministre, monsieur le ministre, nous souhaitons insister sur un sujet majeur qui constitue une vraie difficulté pour les collectivités : l'intégration dans le périmètre global des dotations du fonds de compensation de la TVA. Une telle intégration est une profonde erreur. Les modalités de calcul et de versement du FCTVA ne sont pas modifiées par le projet de loi de finances pour 2009, mais son montant a été intégré au périmètre global des dotations de l'État aux collectivités locales, si bien que, vu son dynamisme actuel, la progression de ce remboursement de fiscalité va représenter plus de la moitié de l'évolution des transferts financiers. L'objectif est bien de demander aux collectivités de financer, sur les dotations dont elles disposent, l'évolution de ce remboursement de fiscalité sur les investissements des deux dernières années. Il est donc indispensable de modifier le PLF pour 2009 afin de neutraliser l'impact de cette mesure.

Trois raisons justifient notre volonté de sortir le fonds de compensation de la TVA du périmètre global des dotations.

D'abord, le FCTVA intégré pénalisera l'investissement…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

…car le remboursement sera financé par les collectivités sur leurs autres dotations. Dès 2009 – et ce n'est vraiment pas le moment, compte tenu de la situation de l'emploi –, cette perte de ressources incitera les collectivités à stabiliser, voire à réduire les investissements qu'elles avaient programmés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Or chacun sait que les collectivités locales financent 75 % des investissements publics civils de la nation. Sortir le FCTVA de l'enveloppe normée constituerait une mesure d'encouragement à l'investissement, donc une mesure de soutien à l'activité économique, aux entreprises et à l'emploi.

Deuxième raison qui justifie notre volonté de sortir le FCTVA du périmètre global : ce remboursement partiel de fiscalité devrait faire l'objet d'un traitement spécifique. En effet, plus les collectivités investissent, plus elles versent de TVA à l'État. Il ne s'agit donc ni d'une subvention, ni d'une dotation globale, ni d'un remboursement intégral. Je rappelle que les collectivités payent la TVA au taux de 19,6 %, et sont remboursées à 15,50 %, l'État prenant 4 % au passage. Nous ne pouvons donc pas accepter que le FCTVA soit inscrit dans le périmètre des dotations. Il doit donc faire l'objet d'un traitement spécifique. L'intégration de ce transfert dans l'enveloppe normée des dotations de l'État aux collectivités est un véritable non-sens juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Troisième raison : l'intégration du FCTVA dans le périmètre global des dotations aura de graves conséquences financières pour les collectivités territoriales. Il signifiera pour elles une perte de plus de 663 millions d'euros, et donc une moindre capacité d'épargne en section de fonctionnement pour financer les investissements – puisque les autres dotations vont automatiquement diminuer –, et ce au moment même où les collectivités connaissent d'importantes pertes de recettes fiscales : par exemple, les droits de mutation, dans les conseils généraux, sont en chute libre. Modifier un tel dispositif serait un signe positif de confiance, cette confiance que nous recherchons tous. Certes, je comprends que l'on dise aux collectivités : « Cette année sera difficile. Pour vos dotations générales, l'État ne mettra peut-être que 1 %. » C'est un discours que l'on peut entendre au moment où l'État s'applique à lui-même la norme zéro croissance des dépenses en volume. Il fait lui-même un effort particulier, et les collectivités peuvent entendre ce message. Mais elles ne peuvent pas comprendre que plus elles investissent, plus elles sont pénalisées car, derrière l'investissement, il y a le soutien à l'activité, ne l'oublions jamais.

Par ailleurs, l'intégration du FCTVA aura aussi pour conséquence le gel des autres prélèvements sur recettes au titre des dotations de fonctionnement et d'investissement, et donc une baisse substantielle d'une partie des dotations de compensation de fiscalité.

Le Nouveau Centre mènera donc le combat pour que le rôle du FCTVA dans la participation au financement des investissements des collectivités soit préservé.

En conclusion, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous soutenons cette loi de programmation que nous avons appelée de nos voeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Avec le Nouveau Centre, ça se termine toujours bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Elle va dans le sens de la responsabilisation. Il y a eu un effort particulier des services de l'État pour mettre au point ce texte. Nous, Français, pouvons en être fiers, car c'est la première fois que nous parvenons à faire une telle loi de programmation. Je sais qu'elle s'appliquera quelles que soient les alternances politiques. Mais n'oublions pas que, s'agissant des capacités d'investissement des collectivités et de leur autonomie financière, il nous faudra faire un pas important dans les prochaines années. Cette autonomie financière est en effet mise à mal, année après année, quelles que soient, là encore, les alternances politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Or il importe que ceux qui mènent une action politique locale au service de leurs concitoyens soient responsabilisés davantage, c'est-à-dire qu'ils aient la capacité de lever un impôt juste, puis de rendre des comptes sur les actions qu'ils ont conduites. Il n'appartient pas à l'État d'amputer les collectivités dans leur capacité d'action sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de la loi de finances pour 2009 intervient quelques jours seulement après l'adoption par notre assemblée d'un projet de loi de finances rectificative permettant la mise en place des mesures d'urgence destinées à répondre à la crise financière et bancaire la plus sévère que nous ayons connue depuis plusieurs décennies.

Dans ces conditions, certains, ici et là, appellent à une révision du budget. Aussi voudrais-je d'emblée dire que le budget qui nous est présenté reçoit mon total soutien car ce n'est pas un budget de circonstance, mais un budget adapté au traitement des difficultés structurelles dont souffre notre pays et qu'il importe de traiter quelles que soient les circonstances. Ce budget consolide de nombreuses mesures en faveur des entreprises et de la préparation de l'avenir, mesures adoptées par notre assemblée et qui s'avèrent particulièrement utiles dans le contexte actuel. Il s'inscrit dans la démarche de la loi de programmation pluriannuelle, présentée pour la première fois, qui fixe la perspective du rétablissement de nos finances publiques.

Il constitue donc un équilibre entre la nécessaire rigueur permettant le redressement à terme de nos comptes, qui lui fait refuser le laxisme, et l'excès de rigueur, qui aggraverait la situation économique.

La nécessaire rigueur, c'est tout d'abord le maintien d'une norme de dépense exigeante, limitée à l'inflation, et élargie puisque la dépense normée porte dorénavant sur 341 milliards d'euros. Cela est d'autant plus méritoire et responsable que l'évolution des pensions, au travers de leur revalorisation et de l'augmentation du nombre des fonctionnaires retraités, comme l'accroissement de l'annuité de la dette, notamment sous l'effet des taux d'intérêt, consomment l'essentiel des ressources supplémentaires.

Dans ce contexte difficile, madame la ministre, monsieur le ministre, vous faites preuve de responsabilité et de courage en ne dissimulant pas une partie des dépenses, comme cela a pu se faire dans le passé dans des circonstances similaires, mais, au contraire, en assumant la nécessaire revalorisation de dépenses chroniquement minorées. C'est le cas notamment pour les OPEX et les opérations de maintien de la paix : plus 90 millions ; pour l'aide médicale d'État : plus 107 millions ; pour l'hébergement d'urgence : plus 140 millions, pour ne citer que ces trois exemples souvent mis en avant par la commission des finances. Si nous ne sommes pas encore au niveau des sommes constatées en loi de règlement, il faut souligner cette marche vers un budget plus sincère. C'est aussi le cas pour d'autres dossiers chroniquement évoqués par notre assemblée, par exemple la reprise du FIPPSA.

Vous faites également preuve de responsabilité et de courage dans la gestion des effectifs publics en approchant le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Avec 30 529 équivalents temps plein non remplacés pour 68 470 départs, nous marquons une rupture avec une fuite en avant qui conduisait à dépenser plus, chaque année, pour financer les emplois actifs et retraités, au détriment des moyens de fonctionnement et de l'investissement. Nous nous engageons résolument dans la voie d'une amélioration de nos comptes puisque l'économie attendue représente plus de 3 milliards d'euros sur la période 2009-2012.

À ceux qui s'inquiètent de cette évolution, il convient de préciser qu'elle n'est pas mise en oeuvre aveuglément – contrairement à ce que disait M. de Rugy – puisque les effectifs des ministères prioritaires, comme celui de la justice, s'accroissent, ou sont stabilisés, comme celui de l'enseignement supérieur. L'effort principal porte sur des ministères où la RGPP permet de dégager des économies grâce aux réformes de structures : agriculture, budget, affaires étrangères. Au total, et ceci doit relativiser l'émotion feinte devant un désengagement de l'État, c'est une diminution de 6 % des effectifs totaux d'ici à 2012, inférieure à la croissance des effectifs observée, malgré la décentralisation, depuis 1981.

Toujours à propos de la gestion des effectifs, je tiens à exprimer ma satisfaction pour la présentation transparente, dans le plafond des autorisations d'emplois, des transferts liés à la décentralisation : 14 182, mais aussi des transferts vers les opérateurs : 35 810.

S'agissant des opérateurs, auxquels la mission LOLF s'est particulièrement intéressée dans son dernier rapport, je constate que l'article 64 de la loi de finances pour 2008 est mis en oeuvre avec un plafond global de 265 759 ETP. Il y a donc une diminution réelle par rapport à 2008, à périmètre constant, de 1 108 ETP. Il s'agit d'une première ! J'appelle toutefois à distinguer les opérateurs relevant du secteur industriel et commercial, qui peuvent avoir des fluctuations d'effectifs liées à leur activité, et les autres, dans la mise en oeuvre de la règle du non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Il restera, madame la ministre, monsieur le ministre, à progresser encore pour amener le budget de l'État à décliner les effectifs des opérateurs, dans chaque mission et programme, en ETPT, mais je salue le réel progrès effectué. Il conviendra également de rester attentifs aux emprunts mobilisé par les opérateurs. C'est l'objet d'un récent rapport de la MILOLF.

Dans cette avancée vers plus de lisibilité demeure une zone d'ombre, celle des économies réalisées grâce à la RGPP. En effet, il faut bien reconnaître que leur traçabilité est limitée. Or c'est, avec la faiblesse de l'association du Parlement à leur élaboration, un regret constant car le pouvoir de contrôle que nous entendons exercer pleinement passe aussi par la connaissance des chiffres qui nous permettraient d'assurer le suivi de la mise en oeuvre de la RGPP, politique dont les résultats sont essentiels pour le rétablissement de nos comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Cette responsabilité que j'évoquais dans la construction du budget se manifeste aussi du côté des recettes, qui sont évaluées raisonnablement. Plusieurs exemples l'attestent : le budget prévoit un montant de l'impôt sur les sociétés – 52 milliards d'euros net – inférieur à celui de 2008, pour tenir compte de la situation économique, notamment dans le secteur bancaire et financier ; le produit attendu de l'ISF est fixé à 3,9 milliards d'euros – alors que le réalisé prévisible pour 2008 se situe à 4,17 milliards – afin de répercuter l'effet de la baisse des prix de l'immobilier et des mesures votées en faveur des PME ; certaines recettes indirectes s'inscrivent aussi en baisse : ainsi la contribution de la CDC passe de 2,1 milliards à 950 millions d'euros.

Autre disposition qui traduit le caractère responsable de ce budget sur la durée : la première étape vers une mise sous plafond de la dépense fiscale. À la constance du discours de plusieurs d'entre nous – à commencer par notre rapporteur général – sur la préservation de la recette, répond enfin une information globale sur la dépense fiscale. Le rapport sur les voies et moyens intègre les variations de périmètre, non seulement celles liées au passé, mais aussi celles proposées pour l'exercice budgétaire. Le tableau présente une balance des plus et des moins de la dépense fiscale, ramenant la progression à 538 millions d'euros pour 2009 et 731 millions pour 2012.

Toutefois, à mon sens, ces progrès ne constituent qu'une étape. Tout d'abord parce que les éléments à notre disposition, permettant d'évaluer la dépense fiscale et son efficacité, ne sont encore que partiels, y compris dans le tableau récapitulatif. Cette absence d'informations, pour ne citer que quelques exemples, touche ainsi les réductions d'impôts au titre des dons – article 140 de la LME – ; les réductions d'impôts pour les tuteurs de chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise – article 69 de la LME – ; les exonérations des suppléments de rémunérations versés aux salariés et mandataires sociaux – article 121 de la LME – ; les exonérations d'impôts sur les revenus heures, les jours supplémentaires et heures complémentaires de travail ; les cinq mesures de l'article 24 de la loi sur les archives et de l'article 33 de la LME sur les sommes consacrées par les entreprises au rachat d'un trésor national.

Ce total, présenté dans le tableau de la loi pluriannuelle, en ressort affaibli. Cette insuffisance de l'information en matière de dépense fiscale a déjà été signalée à l'occasion de la publication des RAP 2007. Malheureusement, on la retrouve trop fréquemment encore dans les projets annuels de performances.

Cependant, il faut signaler un autre progrès : la mise en place d'indicateurs pour quinze dépenses fiscales. Cette évolution intéressante devrait nous permettre de mieux apprécier l'efficacité de ces dépenses fiscales à l'avenir.

Cela étant, je pense qu'il faudra surtout s'interroger sur la manière de rendre l'objectif de coût de la dépense fiscale contraignant. Actuellement, il n'y a pas de vote. L'objectif de meilleure connaissance et de chiffrage suppose donc, à terme, une intégration à la loi organique sur les lois de finances, afin que le Parlement puisse voter sur un objectif de dépense fiscale.

En dehors de la dépense fiscale, il existe un autre moyen d'affaiblir les recettes de l'État : le transfert de recettes vers les opérateurs, dont la Cour des comptes a rappelé à juste titre qu'il portait atteinte à l'universalité budgétaire.

Dans ce domaine, il n'y a pas de mesures nouvelles cette année, et nous vous en remercions. Cependant, il faut bien constater qu'au travers des droits de timbre pour l'Agence nationale du titre sécurisé, de la TGAP pour l'ADEME et la redevance Barnier pour le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, 370 millions d'euros de recettes nouvelles échappent au périmètre budgétaire.

Dans ces conditions, je souhaite dire mon opposition totale à l'élargissement du nombre des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle. J'ai déposé un amendement de suppression de cette disposition qui aurait nécessité un débat préalable sur le périmètre de l'audiovisuel public.

Dernier point que je souhaite évoquer, trop brièvement compte tenu du temps qui m'est imparti, celui de la mise en oeuvre de la réserve de précaution. Le PLF 2009 en fixe le taux à 5 %, contre 6 % en 2008, et à 1,5 % des dépenses de personnels, taux inchangé par rapport à 2008, ce qui correspond à un montant total de 6,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 6,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Cette diminution est une mesure positive, rendue possible par la mise en oeuvre du budget triennal. Nous en attendons beaucoup pour que les responsables des budgets opérationnels de programme sur le terrain, comme les responsables des programmes budgétaires, puissent avoir plus de souplesse de gestion et pour que joue enfin réellement la fongibilité asymétrique.

Il faut aussi améliorer l'information du Parlement sur l'utilisation de la réserve. À cet égard, notre première demande date de 2006 ; le Premier ministre d'alors, M. de Villepin, avait fait une promesse d'information, non tenue. Notre demande a été renouvelée, sans plus de succès, en 2007. Cette année aura marqué une première avancée, puisque nous avons eu une information le 5 mai 2008, à la demande du président de la commission des finances et du rapporteur général du budget.

Budget courageux qui, dans un environnement économique difficile, maintient le cap de la maîtrise de la dépense ; budget de transparence qui permet d'améliorer le contrôle parlementaire ; pluriannualité qui s'inscrit dans une démarche de retour à l'équilibre des comptes : autant de bonnes raisons d'apporter notre soutien au projet présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de budget présente une double difficulté, notamment en ce qui concerne les relations de l'État et des collectivités territoriales : en raison de la complexité des mécanismes qu'il met en oeuvre ; pour les collectivités qui auront à en gérer les effets.

Les divers et nombreux concours financiers de l'État aux collectivités territoriales apparaissent à plusieurs endroits de la loi de finances. Certains figurent dans les dépenses, notamment aux missions «Remboursements et dégrèvements d'impôts », « Relations avec les collectivités territoriales », « Travail et emploi » ou encore « Culture ». D'autres sont inscrits dans les prélèvements sur recettes de l'État et regroupent les principales dotations de fonctionnement, dont la DGF.

Pourtant, il en va des lois du budget et de l'impôt comme de celles de l'économie : il faut de la clarté et de l'intelligibilité. Paul Krugman, le récent prix Nobel d'économie, rappelait dans un de ses ouvrages : « Ce dont le monde a besoin maintenant, c'est d'agir en étant bien informé ; et, pour ce faire, les idées doivent être présentées de façon à être accessibles à un large public et non pas aux seuls docteurs en économie. » S'agissant de ce qui nous occupe ce soir, je dirai que le budget doit être présenté de façon à ne pas être accessible aux seuls spécialistes des finances publiques et locales.

Or, sans entrer dans le détail, on doit noter l'existence d'une grande variété de dotations, de concours financiers – certains ont leurs propres règles de variation ou servent de variables d'ajustement –, ou encore de compensations d'exonérations, dont certaines évoluent à la baisse en contrepartie de l'augmentation d'autres concours. Ainsi va la complexité qui rend difficile le repérage d'importants enjeux politiques masqués derrière des dispositions techniques.

Mon propos peut vous sembler déconnecté des grands enjeux de ce budget. Il est pourtant en prise directe avec eux, car l'absence d'intelligibilité de la loi conduit au désintérêt des citoyens et donc, in fine, à l'affaiblissement de la transparence de la discussion budgétaire et des décisions prises.

Revenons aux grands enjeux du budget 2009. Il est et sera difficile pour les collectivités qui auront à en gérer les effets. En 2009, l'insuffisance de ressources conduit l'État à transférer aux collectivités territoriales une partie de ce qu'il devrait financer. À défaut de ressources, il diminue sa contribution. À défaut de recettes, il sollicite celles des collectivités locales. Comme le disait François Villon – le poète français du Moyen-Âge ayant vécu près d'Angers, et non François Fillon, qui pourtant n'habite pas loin (Sourires) – : « En grande pauvreté ne gît pas grande loyauté. »

De 1996 à 1999, dans le cadre du pacte de stabilité financière, la dotation globale de fonctionnement était indexée sur l'inflation. Puis, de 1999 à 2007, dans le cadre du pacte de croissance et de solidarité, elle était indexée sur l'inflation augmentée du tiers de l'évolution de la croissance. Depuis 2008, elle est indexée uniquement sur l'inflation. En fait, il s'agit de l'inflation retenue par le projet de loi de finances, c'est-à-dire l'inflation prévisionnelle.

En 2008, le taux d'évolution retenu a été de 1,6 %, alors qu'en glissement annuel, il est proche de 3 %. Pour 2009, le montant de la DGF atteindra 40,855 milliards d'euros, ne progressant donc qu'au rythme du niveau d'inflation retenu par le gouvernement, soit 2 %. Par rapport à 2008, cette hausse représente 800 millions d'euros supplémentaires pour les collectivités locales. Cependant, l'inflation sera certainement plus élevée. Selon nos calculs, la différence représentera un manque de ressources pour les collectivités territoriales d'environ 400 millions d'euros. Ainsi, le maintien du pouvoir d'achat des collectivités ne sera pas assuré.

En outre, les éléments de calcul de la dotation forfaitaire de la DGF restent insatisfaisants pour certaines communes qui ont significativement évolué depuis 1993, notamment en termes de population.

Autre difficulté évoquée tout à l'heure par Philippe Vigier : la vraie fausse augmentation du FCTVA. Au sein de l'enveloppe de l'État, il existe d'autres concours financiers ayant leur propre régime d'évolution, parfois plus favorable. Pour que l'indexation globale soit respectée, certains concours servent de variables d'ajustement et sont orientés à la baisse.

Ainsi, le fonds de compensation de la TVA est intégré à l'enveloppe normée, c'est-à-dire qu'il fait désormais partie des concours de l'État dont l'évolution globale est plafonnée en suivant la seule inflation prévisionnelle. Cette année, il croît bien en fonction du niveau des investissements des collectivités réalisés il y a deux ans, passant de 5,19 à 5,85 milliards d'euros, soit une augmentation de 660 millions – un peu moins de 12 %. Néanmoins, l'inscription du fonds dans l'enveloppe normée a conduit l'État à diminuer les compensations d'exonérations, qui passent de 3,432 à 3,191 milliards d'euros, soit près de 300 millions d'euros en moins.

Ainsi, par ces deux seules premières mesures, le recul de la DGF et l'encadrement du FCTVA, l'État impose aux collectivités locales de supporter un manque à gagner de 700 millions d'euros qui leur auraient été acquis s'il n'y avait pas eu de modification des règles en vigueur.

Venons-en à la remise en cause de la dotation de solidarité urbaine, qui n'a pas encore été évoquée, autrement dit à l'invention de la solidarité entre les seules communes défavorisées. L'objet de la DSU est de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources au regard des charges élevées et particulières qui sont les leurs.

Sur un peu moins de 1 000 communes de 10 000 habitants, 715 bénéficiaient – il faut en effet parler au passé – de la DSU, étant considérées comme défavorisées par rapport à la moyenne des communes de la strate. Pour juger de leur situation et de leur capacité, différents critères étaient pris en compte : le potentiel financier par habitant, le nombre de logements sociaux, le pourcentage de la population couverte par des prestations logement et le revenu moyen par habitant.

D'un montant de près de 1,1 milliard d'euros augmenté de 70 millions d'euros en 2009, la DSU a pourtant vécu ! En effet, le nombre des communes bénéficiaires va passer de 715 à 477. Des communes considérées comme défavorisées hier, c'est-à-dire en 2008, vont perdre près de 350 millions d'euros et, au nom de la solidarité entre les moins favorisées, vont devoir aider les plus fragiles.

Face à cette nouvelle restriction, certains argueront qu'aux 70 nouveaux millions d'euros s'ajouteront 50 autres millions constituant la nouvelle dotation de développement urbain. Cependant, cette DDU aura la particularité d'être ponctuelle pour chaque bénéficiaire, et donc pas forcément reconductible.

Ces expédients, c'est-à-dire ces « moyens ingénieux auquel on recourt pour sortir d'une situation délicate » selon la définition du dictionnaire, représentent plus d'un milliard d'euros, et ils ne suppriment pas les causes de la situation délicate.

Cela étant, je voudrais poser quatre questions à Mme la ministre, dont deux sont relatives aux conséquences du Tchernobyl financier que nous venons de connaître, et les deux autres à l'actualisation de la fiscalité des collectivités territoriales.

Le Gouvernement dispose-t-il d'estimations quant aux effets de la crise financière sur les budgets des collectivités territoriales, dont l'endettement s'accroît, notamment sous l'effet de la hausse des taux variables des emprunts qu'elles ont contractés ? Quel sera l'impact du ralentissement économique sur le produit des impôts locaux et des autres produits de fiscalité indirecte attribués aux départements et aux régions ? Comment le Gouvernement entend-il soutenir l'effort d'investissement que réalisent les collectivités locales ? Réfléchit-il à la possibilité d'aller au-delà des baisses de dotations et de stimuler leur contribution au développement économique par des investissements publics, si nécessaires pour améliorer les infrastructures et préparer notre pays à la nouvelle donne énergétique ?

L'accusation habituellement adressée aux relances économiques par le biais des dépenses publiques, c'est qu'elles prennent trop de temps pour être mises en oeuvre et ne démarrent que lorsque la récession est déjà terminée. Mais, s'il apparaît que cette récession dure – ce qui est vraisemblable –, ce n'est pas un problème et cela peut même être la solution.

Enfin, concernant la nécessaire évolution de la fiscalité locale, ma question est simple : le Gouvernement compte-t-il mener à bien la réforme de la fiscalité locale et notamment les chantiers de l'actualisation des valeurs locatives et de la taxe professionnelle, dans la perspective de rendre la fiscalité locale plus lisible et plus juste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

« Que faire ? » demandait Lénine. (Rires.) Que faire pour sortir de la crise ? (Rires prolongés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Ne vous laissez pas interrompre par votre propre hilarité, monsieur Mariton !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Sortir de la crise, c'est d'abord en avoir conscience. Si l'on peut tirer un parti de la situation actuelle, c'est en faisant en sorte que nos concitoyens comprennent la gravité du moment dans lequel nous nous trouvons.

À la différence d'autres pays ayant traversé depuis dix ou quinze ans des crises plus localisées – je pense au Japon ou à la Finlande – et dans lesquels la conscience de la crise a été très aiguë, ce qui a aidé le Gouvernement et les Parlements à proposer et à faire partager des solutions, dans notre pays, le diagnostic et les solutions qui l'accompagnent ont toujours suscité beaucoup de doutes sur l'état des finances publiques et la fragilité de l'économie. De larges cercles de l'opinion ont toujours affiché leur scepticisme devant l'alerte et les solutions exigeantes qu'elle requérait.

Que faire pour sortir de la crise ? Faire en sorte, d'abord, que nos concitoyens prennent avec nous conscience de la crise. C'est une circonstance nouvelle dans notre pays, et la responsabilité pédagogique du Gouvernement et de la représentation nationale est majeure.

Pour sortir de la crise, il faut ensuite que des mesures soient prises. Ces mesures ont été conçues par l'exécutif, proposées à la représentation nationale et, vous l'avez annoncé tout à l'heure, madame la ministre, mises en oeuvre dès aujourd'hui.

Il fallait trouver, pour rétablir le système financier, un juste équilibre. Ne pas mobiliser des moyens excessifs sous peine de laisser croire que le système était plus fragilisé qu'on ne le disait ; en mobiliser suffisamment pour que le dispositif soit efficace et que l'économie ne soit pas plus gravement pénalisée qu'elle ne l'est. Vous avez conçu et nous avons voté ce dispositif. Vous avez décidé avec les banques des premières conditions de mise en oeuvre. Vous avez notre pleine confiance pour l'application de ces mesures.

Voilà pour l'urgence. Mais la question principale qui se pose en ce début de discussion sur le budget et la loi de programmation touche à l'avenir. Nous vous faisons confiance pour l'urgence, nous voulons aussi vous faire confiance pour l'avenir et nous souhaitons en discuter.

Et si, pour une fois, la France ne loupait pas le coche de la reprise, lorsque celle-ci surviendra ? Il peut paraître curieux d'évoquer la reprise en pleines difficultés économiques et financières, mais la discussion budgétaire sur la programmation des dépenses publiques doit nous y conduire.

L'histoire de ces dernières années nous montre qu'à chaque récession la France a été touchée comme les autres pays, qu'à chaque mouvement de reprise, en revanche, elles est repartie plus tard et moins bien que ses partenaires. Pour que cette fois, la France ne loupe pas le coche, il faut que le budget, cette année et pour les trois années qui suivent, permette à l'État d'être performant. Et pour cela, il faut toujours garder à l'esprit que la réduction des déficits et la maîtrise de la dette sont nécessaires à la crédibilité de la signature de l'État, à sa capacité d'action et à son efficacité.

Je le disais tout à l'heure, il ne s'agit pas d'être confit en bigoterie devant tel ou tel chiffre mais de rappeler qu'il existe une ligne jaune : elle ne nous est pas imposée, c'est celle de la sagesse, de l'intelligence et de la cohérence de notre politique.

La crédibilité du budget passe aussi par des choix. Vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre, qu'il fallait stabiliser les prélèvements obligatoires – je suis d'accord – mais que cela n'interdisait pas de créer des prélèvements nouveaux, quitte à en diminuer d'autres. Vos exemples n'étaient pas très convaincants, si vous m'autorisez à le dire, qu'il s'agisse de la réforme de l'audiovisuel public –dont nous sommes beaucoup à penser que nous aurions pu nous en dispenser – ou du financement du RSA. Comme le disait Pierre Mendès France, gouverner, c'est choisir, et le financement du RSA aurait pu passer par d'autres choix.

La performance de l'État dépend de sa crédibilité budgétaire mais aussi de sa réforme, de la réforme de la France dans une perspective de développement durable. Si l'on veut aujourd'hui anticiper sur les bonnes conditions du rebond de notre pays, il faut y insister. Pour cela, on peut certes mobiliser l'outil fiscal, mais en veillant à ne pas déraper, à ne pas dériver et à respecter l'engagement pris par notre majorité de stabiliser l'impôt, ce qui vaut tout aussi bien pour notre politique environnementale.

Le développement durable, ce doit être un choix raisonnable de la dépense. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il s'est dit des choses passionnantes et que des voies importantes ont été ouvertes la semaine dernière avec le projet de loi sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Il n'empêche que l'addition des dépenses évoquées n'est pas raisonnable, qu'elle n'est pas cohérente avec notre trajectoire financière. Or le développement durable suppose avant tout des finances publiques durables et ne dispense pas d'une politique de choix.

Réformer l'État, c'est aussi envisager une réforme territoriale hardie. Or jusqu'ici, s'agissant des services de l'État, elle ne l'est pas assez.

C'est enfin définir des priorités, au premier rang desquelles la recherche. J'évoquais tout à l'heure la Finlande qui, lorsqu'elle s'est redressée, a fait de la recherche une de ses priorités, au détriment des dépenses connexes. Il faut savoir déterminer ce qui, dans la recherche, est prioritaire, débattre du crédit d'impôt recherche et poser la question du ciblage.

Nous devons mettre le pays en mouvement. Moins que jamais, même dans la situation de crise que nous connaissons, nous ne devons nous contenter de demi-réformes. C'est de pleines réformes que la France à besoin.

Alors que faire ? La majorité, en responsabilité, soutient le Gouvernement dans la gestion de crise. Pour être utile, elle entend aussi formuler toutes ses exigences pour la préparation de notre pays au rebond. C'est le sens que nous donnons à la loi de finances pour 2009 et à la loi de programmation des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'abord d'associer à mon intervention mes collègues du Mouvement Démocrate, François Bayrou et Jean Lassalle.

Notre débat sur le projet de loi de finances pour 2009 intervient dans un contexte bien précis. C'est la deuxième loi de finances de cette législature ; c'est donc, madame et monsieur les ministres, votre deuxième budget, celui par lequel vos choix politiques commencent à s'inscrire dans la réalité. Ce budget relève pour la première fois de la démarche pluriannuelle prévue par la réforme constitutionnelle. Nous en saluons le principe, source d'une meilleure lisibilité. Il se situe, enfin et surtout, à un moment de notre histoire économique où, selon les dires de M. le Premier ministre, « le monde est au bord du gouffre ».

Ces éléments étant rappelés, nous avons trois grandes observations à faire sur la première partie, relative aux recettes, de ce projet de budget.

La première est que votre hypothèse de croissance n'est pas réaliste. Je le disais et chacun le sait, nous sommes entrés dans la crise. Nous reconnaissons volontiers le bien-fondé de l'action du Président de la République et du Gouvernement en la matière. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à appuyer le plan de soutien aux banques, même si nous aurions souhaité une dimension européenne encore plus forte.

Il n'en reste pas moins que votre projet de budget est, passez-moi l'expression, construit sur du sable : une hypothèse de croissance dont tous les experts économiques s'accordent à dire qu'elle ne sera pas au rendez-vous. Vous prévoyez 1 %, lorsqu'ils attendent 0,5 % au mieux ! La question de la sincérité de ce budget est donc posée.

La deuxième observation tient à ce que cet irréalisme a une conséquence : la sous-évaluation du déficit. En effet, le différentiel entre votre prévision et la réalité qui se dessine a pour résultat une surévaluation des rentrées fiscales d'au moins 5 à 10 milliards d'euros, ce qui amènera le déficit entre 55 et 60 milliards en 2009. Nous allons donc entrer dans la zone rouge des critères européens et approcher, voire dépasser les 3 % du PIB.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que les responsabilités sont partagées entre l'ensemble des gouvernements qui se sont succédé depuis le vote du dernier budget équilibré : celui de 1980. Hélas, vous n'avez pas échappé à cette fatalité !

La troisième observation est que, dans ce contexte, vos choix fiscaux ne sont que plus critiquables. Vous le savez : nous avons exprimé notre désaccord avec le paquet fiscal. Vous soulignez aujourd'hui, pour la regretter, la faiblesse de vos marges de manoeuvre ; mais vous les avez vous-mêmes anéanties en faisant le choix d'accorder prioritairement 17 milliards d'euros par an à une catégorie très limitée de nos concitoyens, alors qu'il aurait fallu tourner ces crédits vers l'emploi. Vous avez donc commis, selon nous, une erreur économique doublée d'une erreur sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Nous avons d'ailleurs, dans le même esprit, regretté votre décision relative aux modalités de financement du RSA, réforme dont par ailleurs nous soutenons totalement le principe.

Permettez à un parlementaire d'outre-mer, permettez au député de Mayotte, porte-parole d'une France lointaine mais viscéralement attachée à notre triptyque républicain, d'insister sur ce point : l'égalité républicaine, et notamment l'égalité devant l'impôt, la justice sociale, la justice fiscale, le sentiment que les efforts sont partagés équitablement, sont des conditions absolues de la confiance de nos concitoyens vis-à-vis de leurs gouvernants, surtout en période de crise.

Permettez-moi encore, toujours en qualité de député de Mayotte, de souligner que cette année 2009 sera l'année d'un choix crucial pour l'avenir de ce territoire. Au mois de mars, nos compatriotes mahorais devront se prononcer sur leur avenir institutionnel et sur la transformation de Mayotte en un département, en un vrai département oserai-je dire, garant de cette égalité républicaine dont je parlais à l'instant. Je vous donne donc rendez-vous dans un an pour la discussion du budget d'une France qui, nous l'espérons, comptera alors dans ses rangs un cent-unième département.

D'ici là, et pour conclure, nous serons attentifs à ce débat budgétaire pour 2009 et nous ferons des trois éléments que j'ai soulignés – prévision de croissance, déficit et justice fiscale – des critères déterminants de notre position au moment du vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Prochaine séance, mardi 21 octobre à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;

Suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et du projet de loi de finances pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma