La séance est ouverte à 9 h 30.
Présidence de M. Sébastien Huyghe, vice-président
La Commission examine en deuxième lecture, sur le rapport de M. Jean-Luc Warsmann, le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 1487).
Le Sénat, pour l'essentiel, s'en est tenu au texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture. Il a apporté trois modifications principales au projet de loi organique.
La première, sur les propositions de résolution, a consisté à donner plus de liberté dans l'examen de ces propositions, en permettant aux règlements des assemblées de prévoir éventuellement un examen en commission avant l'examen en séance.
La deuxième modification, sur les études d'impact, a consisté en une réécriture d'ensemble de l'article 7, qui a conduit le Sénat a supprimer trois dispositions introduites à l'Assemblée : l'exigence d'une analyse de l'impact de la législation proposée en termes d'égalité entre les hommes et les femmes ; la mention spécifique de la catégorie des petites et moyennes entreprises pour le renseignement des coûts et des bénéfices attendus de la réforme proposée ; la production d'un calendrier prévisionnel d'évaluation de la législation.
La troisième modification a concerné la question de la présence du Gouvernement en commission, le Sénat ayant souhaité à l'unanimité que chaque assemblée ait la liberté de décider dans son règlement les modalités de cette présence.
Je vous propose en conséquence une adoption conforme du texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat.
Le Sénat ayant adopté conformes six articles de ce projet de loi organique dont nous contestons toujours les fondements, il nous revient d'en examiner en deuxième lecture les quatorze restants.
À ce stade, j'aimerais formuler trois remarques.
Sur le calendrier, tout d'abord, j'observe que la deuxième lecture de ce texte est inscrite dans la semaine réservée au contrôle de l'action gouvernementale par notre Assemblée, prévue à l'alinéa 4 de l'article 48 de la Constitution. Si l'on peut admettre que nous nous trouvons dans ce que le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement appelle « une période grise », vous conviendrez que la demande par le groupe majoritaire de l'inscription de la seconde lecture de ce texte à l'ordre du jour d'une semaine de contrôle que maîtrise notre Assemblée constitue un symbole pour le moins regrettable. À l'instar de notre président de groupe, M. Jean-Marc Ayrault, en conférence des présidents, je proteste contre le procédé et je me réjouis que le président François Sauvadet ne soit pas loin de partager nos contestations sur ce point.
Pour ce qui concerne les sujets dont nous ne pourrons plus débattre lors de cette deuxième lecture, du fait notamment du vote conforme de l'article 13 de ce projet de loi organique, je souhaite attirer l'attention de nos collègues sur une réflexion du professeur Jean Gicquel lors de son audition par la commission des Lois du Sénat, au sujet de la possibilité pour le Sénat de s'exonérer de la procédure de temps global. Cet universitaire aux compétences reconnues en matière de droit constitutionnel et parlementaire s'est en effet montré sceptique sur la capacité du Conseil constitutionnel à accepter des différences procédurales à ce point marquées entre règlements des deux assemblées parlementaires.
D'ailleurs, la traduction concrète de cette limitation du temps de débat sur certains textes, telle qu'elle est envisagée par les pistes du groupe de travail présidé par le Président de notre Assemblée, M. Bernard Accoyer, s'annonce pour le moins complexe. Ce qui se prépare pour permettre l'application de l'article 13 de ce projet de loi organique est totalement hermétique et soulève beaucoup d'interrogations concrètes.
Point positif à nos yeux, le droit commun de l'examen des textes restera le fonctionnement actuel. Seuls certains textes particuliers pourront faire l'objet d'un temps global programmé.
Dans ce dernier cas, la durée globale des débats se situera à 30 heures, comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de résolution préparée par le Président de l'Assemblée nationale. Cela conduira les groupes à disposer de respectivement 11 heures et 25 minutes pour le groupe SRC, 8 heures et 30 minutes pour le groupe UMP, 5 heures et 45 minutes pour le groupe GDR, 4 heures et 20 minutes pour le groupe Nouveau Centre. En effet, chaque groupe d'opposition se verra attribuer un temps forfaitaire de 4 heures, tandis que les groupes de la majorité disposeront chacun de 3 heures. À ces durées s'ajoutera un temps proportionnel supplémentaire, représentant 60 % du temps restant pour l'opposition et 40 % pour la majorité.
Pour certains textes particulièrement importants à leurs yeux et de manière exceptionnelle, les présidents de groupe auront la possibilité de réclamer un temps global exceptionnel de 50 heures.
Confrontées à la réalité de certains débats récents, ces modalités laissent perplexes. Prenons, à cet égard, l'exemple du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dont l'examen a donné lieu à de nombreux amendements de la majorité et a duré 103 heures et 47 minutes. Peut-on raisonnablement penser que, dans le cadre d'un temps global programmé, le temps accordé en séance aurait été prolongé à plusieurs reprises ?
Nonobstant cette illustration, plusieurs questions de bon sens n'ont actuellement pas de réponse :
– comment informer les groupes en continu du degré de consommation du temps qui leur est alloué pour le débat ?
– comment sera examiné un sous-amendement relatif à un amendement non défendu par son auteur du fait de l'expiration de son crédit temps ?
– à quoi rattacher le temps pris par le rapporteur pour l'examen en séance des amendements non examinés en commission, sachant que dans cette configuration il s'exprime en son nom personnel ? Faudra-t-il imputer ce temps de parole à son groupe d'appartenance ?
De manière plus générale, le groupe SRC n'est pas satisfait de la manière dont se prépare la réforme du Règlement de notre Assemblée. À nos yeux, la dissociation de certaines questions, notamment celles relatives au contrôle de l'action gouvernementale et au fonctionnement du comité d'évaluation et de contrôle, de la prochaine proposition de résolution du Président de l'Assemblée nationale ne s'imposait pas et nuit à la cohérence d'ensemble de la réforme.
S'agissant enfin des articles du projet de loi organique restants en discussion, relatifs aux études d'impact et aux résolutions pour l'essentiel, nos critiques demeurent. Ceci explique que notre groupe dépose notamment quarante-cinq amendements reprenant des suggestions formulées en première lecture et tenant compte également de certaines idées utilement avancées par nos collègues sénateurs.
À nos yeux, trois aspects méritent d'être précisés.
Figure en première place la question des sous-amendements. Je rappelle que le Gouvernement a procédé à deux reprises, en première lecture, à une interprétation discutable des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 44 de la Constitution, en les invoquant à l'encontre de sous-amendements non examinés par la commission des Lois alors même qu'elles s'appliquent aux amendements seulement. Cette interprétation extensive est de nature à nuire au droit des parlementaires de sous-amender en séance et il est heureux que le Sénat ait souhaité préciser, à l'article 11 du projet de loi organique, que les sous-amendements ne sont pas soumis à des contraintes de délais de dépôt.
En deuxième lieu, la question de la présence des ministres en commission a fait l'objet de longs débats au Sénat. Un amendement de notre rapporteur avait déjà essayé d'encadrer le dispositif et, demain, c'est au règlement de notre Assemblée qu'il appartiendra d'organiser cette présence. Je note que, au sein du groupe de travail présidé par le Président de l'Assemblée nationale, des divergences d'appréciation existent entre présidents de commissions.
L'article 86, alinéa 5, de notre règlement prévoit déjà une participation de droit, mais aux débats et non aux votes. Rien dans la révision constitutionnelle n'oblige de modifier ce point. Pour mémoire, les constitutions des IIIème et IVème Républiques, qui prévoyaient elles aussi l'examen en séance des textes dans leur version adoptée par les commissions, n'autorisaient pas une telle présence de l'exécutif.
Pour notre part, nous considérons que cette présence appelle de sérieuses objections, notamment en ce qu'elle réduira la spécificité de la séance publique en en faisant un décalque de la réunion des commissions.
En dernier lieu, le droit de défendre un amendement déposé constitue pour nous un élément consubstantiel du droit d'amendement. Dans son rapport, en première lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, notre rapporteur Jean-Luc Warsmann se demandait dans quelle mesure le droit de défendre un amendement déposé ne participe pas de la protection de l'exercice du droit d'amendement. Nous partageons son analyse d'alors et souhaitons améliorer le projet de loi organique sur ce point.
En conclusion, je dirai qu'il est heureux que le Gouvernement n'ait pas déclaré l'urgence sur ce texte, contrairement à une habitude qui s'est généralisée depuis 2007. Sur trente-quatre projets de loi importants examinés, vingt, notamment les plus polémiques, n'ont ainsi fait l'objet que d'une seule lecture dans chaque assemblée. Cette exception apparaît d'autant plus bienvenue que le projet de loi organique comporte de nombreuses malfaçons, que nous aurons à coeur de corriger.
Il est vrai que le Gouvernement n'a pas utilisé l'urgence sur ce texte, mais le rapporteur nous demande de voter conforme le texte du Sénat ! Cela signifie donc que tous nos amendements seront rejetés par la Commission, ce que je regrette.
Or, dans le texte du Sénat, ne figure plus une disposition importante adoptée à l'Assemblée nationale : celle sur la présence obligatoire dans les études d'impact d'une évaluation de l'impact des projets de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant, cette préoccupation a été inscrite à deux reprises dans notre Constitution : tout d'abord en 1999 s'agissant de la parité en politique, puis lors de la dernière révision constitutionnelle s'agissant de la parité dans la sphère professionnelle et sociale. Ces dispositions constitutionnelles auraient donc mérité de trouver leur prolongement dans la présente loi organique. En adoptant dans les mêmes termes le texte du Sénat, nous allons nous priver de la possibilité de le faire : sommes-nous vraiment si pressés d'adopter ce projet de loi organique ?
Par ailleurs, au cours des débats au Sénat, le 12 février, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement s'est engagé à donner dans les huit à dix jours le calendrier d'examen des autres projets de loi organiques d'application de la révision du 23 juillet 2008. Plus d'un mois après cet engagement, le rapporteur dispose-t-il de précisions sur ce calendrier ?
Enfin, je voudrais aborder la question de la création de deux nouvelles commissions permanentes car elle va entraîner la redistribution des compétences entre les commissions. J'ai à ce sujet quelques inquiétudes concernant les compétences de la commission des Lois dans le domaine des collectivités locales car il semble que la commission des Finances souhaite devenir compétente sur les dotations aux collectivités locales. J'estime que la commission des Lois doit rester pleinement compétente sur l'ensemble des questions qui concernent les collectivités locales. Je rappellerai ainsi que lorsque l'on a voté la révision des valeurs locatives, en 1990, le texte a été examiné par la commission des Lois : c'est d'ailleurs à cette occasion que je suis devenu membre de cette commission afin de rapporter le projet de loi. Le rapporteur général avait dû se contenter d'être rapporteur pour avis.
Je suis heureuse de rejoindre la commission des Lois pour l'examen de ce projet de loi organique. Venant de la commission des Affaires économiques, je regrette d'ailleurs la scission de cette commission qui va entraîner des incohérences dans l'examen des textes.
J'en viens maintenant à l'amendement que j'ai déposé sur les études d'impact dans le domaine de l'égalité entre les hommes et les femmes, supprimées par le Sénat. En première lecture, cet amendement a été soutenu largement sur tous les bancs. Il avait été déposé par M. Guy Geoffroy, à la demande de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Marie-Jo Zimmermann. Ensuite, l'amendement, qui n'avait pas pu être discuté, avait été repris dans la nouvelle rédaction de l'article 7 proposée par le rapporteur. Au nom du groupe SRC et de la délégation aux droits des femmes, je vous demande de réinscrire cette disposition dans le projet de loi, ce qui est cohérent avec l'inscription dans la Constitution du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. Si l'on veut que l'égalité progresse concrètement, il faut que les projets de loi soient accompagnés d'études d'impact qui évaluent leur répercussion en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Les propos de Jean-Jacques Urvoas sur les temps de parole me paraissent devoir être appréciés au regard des nouvelles règles applicables aux questions au Gouvernement. En effet, désormais nous n'avons plus que deux minutes pour poser notre question et, avec l'installation de chronomètres, nous sommes contraints de respecter ce temps de parole. Or, j'estime que tout le monde est gagnant de l'application de ces nouvelles règles : l'intervenant, le ministre qui lui répond et les auditeurs. D'ailleurs, ces séances étant télévisées, nous constatons dans nos circonscriptions une satisfaction à l'égard de ces nouvelles règles.
Il a été fait référence au projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, qui a effectivement fait l'objet de davantage d'amendements issus de la majorité. Mais, nous avons su éviter tout propos démagogique ou inutile, en nous contraignant à l'essentiel dans nos propos. Cet assainissement honore notre Assemblée.
Je tiens d'abord à souligner que si je propose une adoption conforme, cela s'explique notamment par le travail qui a été mené en amont avec le Sénat, en particulier avec le Président de la commission des Lois, avant que cette assemblée n'examine le projet de loi organique en séance publique.
Concernant le calendrier des textes de mise en oeuvre de la révision constitutionnelle, je n'ai malheureusement pas reçu de réponse, à ce jour, à la demande écrite que j'avais transmise au Gouvernement. Je peux seulement vous dire que le projet de loi organique relatif à la question préjudicielle de constitutionnalité est en cours d'examen au Conseil d'État.
Pour la répartition des compétences entre les commissions permanentes, je ne suis pas favorable à l'attribution de l'ensemble des finances locales à la commission des Finances. D'autre part, il est envisagé de céder la compétence de la commission des Lois en matière de propriété intellectuelle. Je dois avouer que l'examen récent du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet m'a montré l'intérêt qu'il peut y avoir à ce qu'une commission comme la nôtre intervienne sur ces sujets juridiquement difficiles. Toutefois, dès lors que l'on souhaite créer une commission dédiée aux affaires culturelles, il peut paraître logique de lui céder les questions de droit d'auteur, et cela ne nous empêchera pas, à l'avenir, de nous saisir pour avis.
J'aurais souhaité que l'analyse des conséquences des dispositions législatives proposées en termes d'égalité entre les femmes et les hommes figure dans l'article relatif aux études d'impact. À défaut, je demanderai au Gouvernement, en séance, qu'il prenne l'engagement de faire figurer, au titre des conséquences sociales du projet de loi, l'analyse en termes d'égalité entre les sexes à chaque fois que cette analyse est pertinente.
En ce qui concerne la présence du Gouvernement, l'article 31 de la Constitution est très clair : « Les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent. » Il ne faudrait pas que l'on prenne le risque de s'en éloigner. Je crois que la pratique qui se mettra en place sera celle d'une audition du ministre, puis d'un travail de la commission hors sa présence, comme aujourd'hui. Mais, au fur et à mesure du débat, si des articles posent un problème d'interprétation particulier, il sera possible de les réserver, de demander au ministre de s'expliquer sur ces articles, après quoi la commission pourrait voter, hors sa présence, en toute connaissance de cause. La présence d'un ministre en commission ne pourra avoir lieu que dans le consensus et afin d'obtenir des éclaircissements. Je ne crois d'ailleurs pas que les ministres ni leurs conseillers n'aient l'envie ni le temps d'être présents à chaque stade de la procédure parlementaire.
L'urgence a en effet été déclarée pour beaucoup de textes depuis le début de la législature, dans certains cas avec raison, lorsqu'il s'agit par exemple de répondre à la crise économique. J'ai regretté que le Gouvernement ait eu recours à la déclaration d'urgence pour le projet de loi pénitentiaire, quelques jours avant que l'urgence soit remplacée par la procédure accélérée, à laquelle il est possible de s'opposer. Si la procédure accélérée avait été engagée sur ce texte, la Conférence des présidents s'y serait sans doute montrée défavorable. Le Gouvernement a d'ailleurs déclaré depuis que la déclaration d'urgence n'impliquait pas qu'il convoque une commission mixte paritaire dès la fin de la première lecture. Nous avons également obtenu que l'Assemblée dispose de plus d'un mois pour examiner ce texte, ce qui semble légitime alors qu'il a été déposé au Sénat sans être inscrit pendant neuf mois. Car, derrière l'urgence, il y a le problème encore plus important des délais d'examen des textes, auquel je suis très attaché.
Le projet de réforme du Règlement de l'Assemblée nationale prévoit un calcul des temps attribués à chaque groupe dans le cadre du temps législatif programmé, avec un temps forfaitaire, afin d'avantager les groupes minoritaires, et un temps proportionnel, réparti à raison de 60 % pour l'opposition et 40 % pour la majorité, afin d'avantager les groupes d'opposition. Mais on calcule déjà des temps aujourd'hui, par exemple pour organiser la discussion générale, et cela ne pose pas de problème. Jacques Alain Bénisti a eu raison, à ce titre, de citer l'exemple des questions d'actualité, pour lesquelles le chronométrage et la limitation à deux minutes ont permis de revenir à une répartition de ces questions à égalité entre majorité et opposition, comme entre 1974 et 1981.
J'ai demandé que l'ensemble des modifications qu'il est envisagé d'apporter à notre Règlement fasse l'objet d'un dépôt rapidement, pour avoir le temps d'en débattre. Si une proposition de résolution ayant un objet limité et une proposition de résolution portant sur l'ensemble sont déposées, je n'exclus pas que notre commission se saisisse directement de l'ensemble. En effet, dès lors que la présente loi organique aura été votée et contrôlée par le Conseil constitutionnel, il sera possible de réformer l'ensemble du Règlement de l'Assemblée nationale.
La Commission passe ensuite à l'examen des articles restant en discussion dans le texte du Sénat.
Avant l'article 1er:
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant le régime du référendum d'initiative partagée.
J'estime qu'il est nécessaire d'intégrer dans le projet de loi organique des dispositions sur le référendum d'initiative partagée. Le texte adopté en première lecture n'y fait pas référence. Mais, dans la mesure où nous n'avons aucun calendrier sur l'examen des autres projets de loi organiques d'application de la révision constitutionnelle, il nous faut anticiper la mise en oeuvre de cette disposition. J'ajoute que cet amendement portant article additionnel, bien que déposé en deuxième lecture, est recevable car il correspond à l'exception prévue par la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2006 concernant les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution.
J'émets un avis défavorable à cet amendement qui a déjà été rejeté par les deux assemblées en première lecture.
La Commission rejette l'amendement.
Chapitre Ier Dispositions relatives aux résolutions prises en vertu de l'article 34-1 de la Constitution
Article 1er: Dépôt des propositions de résolution :
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant que le dépôt d'une proposition de résolution est un droit individuel des parlementaires.
Le texte de l'article 1er souffre d'une imprécision. Il est écrit que les parlementaires peuvent déposer autant de propositions de résolution qu'ils le souhaitent, mais le Sénat a donné aux présidents de groupe la possibilité de déposer des propositions de résolution au nom de leur groupe. Dans ces conditions, il semble nécessaire de préciser que le droit de déposer une proposition de résolution est un droit individuel.
Avis défavorable. Cet amendement est déjà satisfait par le texte actuel de l'article premier qui dispose que les propositions de résolution peuvent être déposées par un ou plusieurs membres d'une assemblée et que leur nombre n'est pas limité. À l'inverse, l'adoption de cet amendement viendrait en contradiction avec la possibilité offerte par le Sénat à un président de groupe de déposer une proposition de résolution.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant que les propositions de résolution doivent être déposées sur le bureau d'une des assemblées.
Il s'agit là encore d'un amendement de précision car le texte de l'article 1er ne permet pas de savoir où seront déposées les propositions de résolution. Il faut préciser que cela sera sur le bureau de chaque assemblée.
Avis défavorable car cette précision n'est pas utile. Elle n'est d'ailleurs inscrite ni à l'article 81 du règlement de l'Assemblée nationale, ni à l'article 24 de celui du Sénat qui traitent du dépôt des projets et propositions.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que les règlements des assemblées fixent les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution.
Cet amendement renvoie aux règlements des assemblées le soin de préciser les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution, le Sénat ayant fait le choix d'une rédaction sommaire.
Là encore, cette précision n'est pas utile en loi organique. D'ailleurs, l'avant proposition de résolution de modification du Règlement, qui vous a été transmise, précise les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution, qui seraient fixés par l'article 136.
Je constate que l'avis du rapporteur concernant la portée organique ou non d'une disposition varie selon les sujets… Il serait préférable qu'il adopte une position constante sur cette question.
Mon avis dépend de ce qu'indique la Constitution. Lorsque celle-ci précise qu'une disposition organique est nécessaire, il faut la prendre. Quand elle ne le précise pas, il faut s'abstenir d'adopter des dispositions organiques.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 : Transmission des propositions de résolution au Premier ministre – Possibilité de les envoyer à une commission permanente ou spéciale :
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à prévoir l'information de chaque membre des assemblées du dépôt de toute proposition de résolution.
Cet amendement de précision vise à prévoir l'information de chaque parlementaire lorsqu'une proposition de résolution est déposée. Par ailleurs, il me semble que lorsqu'un texte soumis au Parlement n'est pas examiné par une commission, il doit être qualifié de « motion » et non de « résolution ».
L'information du Premier ministre est nécessaire pour lui permettre d'exercer son droit d'opposition aux propositions de résolution. Les parlementaires sont suffisamment informés du dépôt de ces propositions, par la publication au Journal officiel et au Feuilleton, ainsi que par l'impression et par la distribution de celles-ci.
Le Sénat a modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale pour prévoir que « les règlements des assemblées peuvent prévoir qu'une proposition de résolution est envoyée à une commission permanente ou une commission spéciale ». Je sais que le rapporteur est défavorable à l'examen des propositions de résolution en commission, mais je souligne qu'il est en désaccord sur ce point avec M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur au Sénat. Celui-ci a écrit dans son rapport que « la compétence des commissions permanentes ne se fonde pas seulement sur leur pouvoir d'amendement mais aussi sur leur vocation à informer tous les parlementaires -ainsi la commission des affaires étrangères examine les projets de loi tendant à autoriser ou ratifier les accords internationaux qui ne peuvent en tant que tels être modifiés ». Le fait que la commission ne puisse pas amender le texte de la proposition de résolution ne doit pas en soi exclure l'examen en commission.
Le désaccord avec le Sénat a été réglé par une rédaction de compromis autorisant, sans l'imposer, le renvoi à une commission permanente ou spéciale. La porte est ouverte pour une inscription dans le Règlement d'une disposition prévoyant le renvoi à une commission : cette question sera débattue le moment venu.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est ensuite saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à prévoir que le Gouvernement doit se prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution dans un délai de trois jours francs après sa réception.
Cet amendement a pour objet de rétablir dans l'article 2 un parallélisme des formes : en effet, il est prévu que « le président de chaque assemblée transmet sans délai toute proposition de résolution au Premier ministre », mais aucun délai de réponse n'est prévu pour le Gouvernement. Le présent amendement propose que le Gouvernement dispose de trois jours pour faire connaître sa position. Par ailleurs, la question de savoir ce qui se passe en cas de silence du Gouvernement doit être posée.
La réponse à la question posée par M. Jean-Jacques Urvoas se trouve dans les articles 3 et 3 bis : si le texte n'est pas inscrit à l'ordre du jour, il continue d'exister, que le Gouvernement ait opposé l'irrecevabilité ou qu'il ne se soit pas prononcé. En revanche, lorsqu'un président de groupe demande l'inscription à l'ordre du jour, il doit en informer le président de cette assemblée quarante-huit heures avant qu'elle ne soit décidée. Le président de l'assemblée en informe sans délai le Premier ministre, qui peut alors opposer l'irrecevabilité jusqu'à la décision d'inscription à l'ordre du jour. S'il ne le fait pas, l'irrecevabilité est purgée et ne pourra plus être opposée, sauf si la proposition de résolution est rectifiée par son auteur.
Cette possibilité pour le Gouvernement de ne pas se prononcer sur la recevabilité des propositions de résolution déposées conduira à leur enterrement. Si la majorité ne souhaite pas l'inscription de la proposition de résolution à l'ordre du jour, celle-ci ne sera jamais examinée.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a augmenté le temps réservé aux groupes parlementaires. Un groupe d'opposition pourra donc faire inscrire toute proposition de résolution à l'ordre du jour, à condition que celle-ci ne soit pas irrecevable. Le mécanisme de purge de l'irrecevabilité garantit que, si le Gouvernement n'a pas opposé cette irrecevabilité avant l'inscription, la proposition de résolution pourra être discutée.
Je connais l'attention que porte M. le rapporteur à l'efficacité du travail parlementaire. La demande de réponse du Gouvernement sur la recevabilité des propositions de résolution a uniquement pour but d'accroître cette efficacité.
Une réponse systématique du Gouvernement n'est pas possible, personne ne pouvant prédire le nombre de propositions de résolution qui sera déposé. L'imagination des parlementaires pour le dépôt de propositions de loi montre que le nombre de propositions de résolution pourrait être très élevé. Le mécanisme doit donc être souple et ne pas contraindre le Gouvernement à se prononcer sur chaque proposition de résolution déposée.
La rédaction de l'article 3 n'est pas claire. L'Assemblée nationale pourra-t-elle inscrire à l'ordre du jour une proposition de résolution si le Gouvernement ne s'est pas prononcé sur sa recevabilité ?
Le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité jusqu'à l'inscription à l'ordre du jour. Lorsque celle-ci est décidée, il ne peut plus le faire.
La Commission rejette cet amendement.
Le second alinéa du texte adopté par le Sénat prévoit la possibilité d'envoyer le texte à une commission permanente ou à une commission spéciale, mais ne mentionne pas la possibilité de le renvoyer à la commission chargée des affaires européennes, qui n'est pas une commission permanente. Je présenterai donc en séance publique un amendement tendant à prévoir le renvoi à cette commission.
La Commission adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Irrecevabilité d'une proposition de résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement ou contenant une injonction :
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas de réécriture de l'article 3.
Cet amendement a pour objet de réécrire l'article 3, en y intégrant plusieurs éléments utiles : le Gouvernement devra informer chaque président de groupe de sa décision d'opposer l'irrecevabilité à une proposition de résolution ; il devra opposer l'irrecevabilité dans un délai maximal de trois jours à compter de la réception de la proposition ; il devra motiver sa décision d'opposer l'irrecevabilité ; enfin, un mécanisme prévoyant l'audition du Premier ministre est mis en place en cas de désaccord entre le Parlement et le Gouvernement sur la recevabilité de la proposition.
Cet amendement, présenté en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, avait déjà été rejeté. L'article 34-1 de la Constitution ne prévoit pas de mécanisme de résolution en cas de désaccord, car le pouvoir d'opposer l'irrecevabilité appartient au Gouvernement. Lorsqu'un mécanisme de résolution des différends est prévu, il doit l'être par la Constitution, à l'image de celui mis en place par l'article 39, alinéa 4, qui permet à la Conférence des présidents de s'opposer à la discussion d'un projet de loi ne remplissant pas les conditions de présentation des projets de loi : en cas de désaccord, le Conseil constitutionnel est saisi. Le droit d'opposition du Gouvernement aux propositions de résolution doit lui permettre d'empêcher un détournement des mécanismes constitutionnels d'engagement de responsabilité. Si le Parlement estime l'irrecevabilité injustifiée, il pourra le faire savoir.
La révision constitutionnelle devait revaloriser le rôle du Parlement. Il devient clair qu'il n'en est rien, puisque le Gouvernement peut opposer sans motivation l'irrecevabilité à toute proposition de résolution.
La possibilité d'adopter des résolutions constitue un accroissement du pouvoir du Parlement, mais celles-ci ne doivent pas être détournées de leur objet et permettre un affaiblissement du Gouvernement en dehors des mécanismes d'engagement de responsabilité.
L'amendement présenté n'a pas pour objet de permettre d'engager la responsabilité du Gouvernement par une résolution, mais seulement d'obtenir une motivation de la décision d'irrecevabilité.
Lors de l'examen de la révision constitutionnelle, j'avais souligné que la possibilité d'adopter des résolutions était un « faux nez » destiné à laisser croire à une revalorisation du rôle du Parlement. Le fait que le Gouvernement doive s'expliquer lorsqu'il opposera l'irrecevabilité me paraît justifié, même si le mécanisme prévu, conduisant à l'audition du Premier ministre, va trop loin.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission rejette trois amendements de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant, le premier, que les présidents de groupes sont informés de la décision du Gouvernement de soulever l'irrecevabilité d'une proposition de résolution, le deuxième, que le Gouvernement ne peut soulever l'irrecevabilité que par une décision motivée et rendue publique et, le troisième, une saisine du Conseil constitutionnel en cas de désaccord sur l'irrecevabilité.
Puis elle rejette deux amendements du même auteur permettant au président de l'assemblée ou à un président de groupe de demander une audition publique du Premier ministre lorsque la décision du Gouvernement d'opposer l'irrecevabilité n'est pas motivée.
Elle rejette également un amendement du même auteur accordant au Gouvernement un délai de trois jours francs pour opposer l'irrecevabilité.
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Conditions d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution :
La commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant qu'une proposition de résolution peut être inscrite à l'ordre du jour moins de six jours après son dépôt en cas d'urgence.
Il peut arriver que le dépôt d'une résolution fasse suite à un évènement de grande ampleur. Dans ce cas, la résolution perd tout intérêt si elle n'est pas discutée dans un délai très bref.
Le Sénat a trouvé un bon équilibre en réduisant de huit à six jours le délai minimum avant l'inscription d'une proposition de résolution à l'ordre du jour.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant l'impossibilité d'inscrire à l'ordre du jour les propositions de résolution « rédigées en termes identiques » à ceux d'une proposition de loi antérieure, plutôt que les propositions de résolution « ayant le même objet » qu'une proposition de résolution antérieure.
Lors du débat que nous avions eu en première lecture sur ce sujet, nous n'avions pas été convaincus par les arguments du rapporteur. La notion d'« objet » reste ambiguë ; on pourrait lui préférer un terme plus précis, comme « dispositif ». Sinon, on pourrait interdire d'inscrire à l'ordre du jour d'une même session, par exemple, deux propositions de résolution relatives à l'éducation nationale ! La notion d'objet est large, ce qui restreint la possibilité pour les parlementaires de déposer des propositions de résolution.
Le but de cette limitation est d'éviter une « course à l'échalote » entre les groupes sur le même sujet, qui décrédibiliserait le Parlement en l'amenant à débattre d'un même sujet à intervalles très rapprochés. L'« objet » d'une proposition n'est pas un thème général ou l'intitulé d'un ministère. C'est bien plus précis ; par exemple, la situation des élèves sortant du système éducatif sans qualification.
Qui juge qu'une proposition de résolution a le même objet qu'une proposition antérieure ? Quelles sont les voies de recours contre cette décision ?
J'ai hâte de voir quelle sera la première proposition de résolution qui réussira à franchir tous les obstacles prévus par cette loi organique !
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas précisant qu'une proposition de résolution ne peut être inscrite à l'ordre du jour si elle a le même objet qu'une proposition de résolution antérieure de la même assemblée.
Cet amendement précise que l'impossibilité de déposer une proposition de résolution ayant le même objet qu'une proposition antérieure ne s'applique qu'entre propositions d'une même assemblée.
Une résolution n'a d'existence juridique que dans l'assemblée dans laquelle elle a été déposée. L'amendement est donc satisfait par le texte du projet de loi organique.
La Commission rejette cet amendement, puis elle adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 : Conditions d'examen et de vote des propositions de résolution :
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant un examen en commission des propositions de résolution.
Nous souhaitons réintroduire l'examen en commission des propositions de résolution. Sinon, elles seraient les seuls actes parlementaires qui ne feraient pas l'objet d'un vote en commission.
La rédaction adoptée par le Sénat, qui laisse la possibilité aux règlements des assemblées de prévoir un examen en commission, est préférable.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas permettant d'amender les propositions de résolution.
La loi organique doit être plus précise. Le texte du projet permet seulement de rectifier les propositions, ce qui signifie les modifier à la marge. La possibilité de les amender permettrait d'aller plus loin. Mais il semble que, lors de cette réunion, nous ne faisons qu'entériner l'accord conclu entre le rapporteur et le président de la commission des Lois du Sénat !
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à supprimer l'interdiction d'amender une proposition de résolution.
S'il était possible d'amender, la majorité pourrait modifier une proposition de résolution de l'opposition ; la proposition soumise à la discussion en séance publique serait alors dénaturée. Cela retirerait à l'opposition la faculté de faire débattre ses propositions dans l'hémicycle.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que les travaux et les auditions en commission sont publics.
Il est souhaitable de rendre publics les travaux des commissions, dans un souci de transparence.
Il n'est pas utile de définir un dispositif spécial pour les propositions de résolution. Nous avons aujourd'hui un bon équilibre, avec l'ouverture de toutes les auditions à la presse.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant l'audition publique des membres du Gouvernement à la demande du rapporteur ou des signataires de la proposition de résolution.
Il est anormal que le Gouvernement ne soit pas entendu s'il ne le souhaite pas. Il doit être entendu si le rapporteur le demande.
Le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission rejette cet amendement.
Puis elle rejette un amendement du même auteur permettant aux signataires d'une proposition de résolution de retirer cette dernière à tout moment.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas indiquant que les résolutions sont adoptées à la majorité absolue des suffrages exprimés.
Cet amendement avait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, mais il a été supprimé par le Sénat. Cette précision vise à empêcher que le Règlement ne prévoie une adoption à la majorité qualifiée.
Cet amendement avait été adopté en séance publique après avoir été repoussé en commission. Le Sénat a fait valoir qu'il serait impossible d'exiger une majorité qualifiée puisque la Constitution ne le prévoit pas. C'est également l'analyse du Gouvernement.
La Commission rejette cet amendement, puis elle adopte l'article 5 sans modification.
Chapitre II Dispositions relatives à la présentation des projets de loi prises en vertu de l'article 39 de la Constitution
Article 7 : Étude d'impact jointe aux projets de loi. Contenu de l'étude d'impact :
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que les projets de loi font l'objet d'une enquête publique.
Cet amendement reprend une idée défendue par le rapporteur devant le comité Balladur, consistant à consulter la population sur les projets de loi.
Je suis toujours favorable à l'idée de mettre en ligne le texte du projet. Cependant, le calendrier permet rarement de le faire au stade de l'élaboration par le Gouvernement, car il faudrait organiser la consultation entre la saisine du Conseil d'État et l'examen en conseil des ministres. Je propose donc que la mise en ligne du texte se fasse plutôt après son dépôt dans la première assemblée saisie. Puisque la Constitution prévoit un délai de six semaines avant son examen, ceci devrait permettre au rapporteur de prendre en compte les remarques des internautes. Je suis donc défavorable à l'amendement.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant que les autorités administratives compétentes rendent un avis public sur les projets de loi avant leur dépôt.
Le projet de loi organique ne mentionne pas le rôle des autorités administratives indépendantes, alors que leur avis peut être utile. Il convient de préciser les conditions de leur saisine car il arrive qu'elles ne soient pas consultées.
C'est à la loi qui définit le statut de chaque autorité administrative indépendante de prévoir les modalités de consultation sur les projets de loi.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie de deux amendements de M. Jean-Jacques Urvoas tendant, le premier, à prévoir que le Parlement est informé de l'évolution de la réalisation de l'étude d'impact, le second, à supprimer la mention selon laquelle l'étude d'impact est réalisée dès le début de l'élaboration d'un projet de loi.
Quand commence « le début de l'élaboration » d'un projet de loi ? Est-ce quand le ministre en a l'idée ou quand les services du ministère commencent à travailler sur le projet ? On pourrait supprimer cette disposition.
Le but de cette disposition est d'éviter que les études d'impact soient réalisées a posteriori, par exemple pendant l'examen par le Conseil d'État, pour justifier le projet de loi. À cette fin, il est prévu, d'une part, que l'étude d'impact doit être jointe au projet de loi transmis au Conseil d'État et, d'autre part, qu'elle commence dès l'élaboration du projet de loi. Ainsi, on n'écrira pas de projet de loi sans faire d'étude d'impact. On promeut une nouvelle manière de travailler.
C'est logique, mais l'expression « début de l'élaboration » n'est pas précise.
La Commission rejette ces deux amendements.
La Commission est ensuite saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas prévoyant la transmission au Parlement des avis rendus par le Conseil d'État simultanément au dépôt des projets de loi sur lesquels ils portent.
Dans la rédaction actuelle de l'article 7, les avis rendus par le Conseil d'État sont connus du seul Gouvernement. Notre amendement propose qu'ils soient portés à la connaissance de tous ceux qui sont intéressés par le texte, dès lors placés à égalité d'information. Rappelons qu'en pratique aujourd'hui, ces avis ne restent inconnus que de ceux qui ne souhaitent pas les connaître…
Le secret des avis du Conseil d'État se justifie par la fonction même de celui-ci en la matière qui est de conseiller le Gouvernement.
L'amendement ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, il est rejeté par la Commission. Celle-ci est ensuite saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à supprimer la mention des objectifs poursuivis par le projet de loi au sein des études d'impact.
Les objectifs poursuivis par le projet de loi figurent, par essence, dans l'exposé des motifs de celui-ci. Point n'est besoin qu'ils soient rappelés par l'étude d'impact qui l'accompagne.
Il ne doit pas être exclu que l'étude d'impact rappelle les objectifs poursuivis par le texte.
L'amendement ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, la Commission le rejette. Elle est ensuite saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à préciser que l'étude d'impact doit rendre compte des opinions, réserves et critiques collectées durant la phase préalable d'enquête publique.
Cet amendement s'inscrit dans nos propositions, dont malheureusement vous semblez ne pas vouloir, tendant à faire précéder le dépôt d'un projet de loi d'une phase d'enquête publique.
Cet amendement, auquel je ne suis, par cohérence, pas favorable, n'est pas sans me rappeler de récentes démarches de démocratie participative…
Après avoir rejeté l'amendement, la Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à préciser que l'étude d'impact rend compte de la lisibilité du projet de loi.
Cet amendement s'inscrit dans la lignée du rapport public pour 2006 du Conseil d'État qui a plaidé pour une meilleure clarté et une plus grande lisibilité de la loi. De fait, pour être appliquée, la loi doit être compréhensible. Or, la lisibilité de la loi n'est assurément pas la caractéristique première des lois que nous votons à marche forcée…
Je ne peux vous laisser dire que le présent texte est examiné « à marche forcée ». En outre, je souligne que c'est la fonction même du Parlement que d'amender les textes qui lui sont soumis pour les rendre plus lisibles. Je suis, comme je l'étais en première lecture, défavorable à cet amendement.
Après avoir rejeté l'amendement, la Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Jacques Urvoas tendant à élargir au droit international en vigueur ou en cours d'élaboration la présentation, dans l'étude d'impact, de l'articulation du projet de loi avec le droit européen.
Rien ne justifie à nos yeux de cantonner l'étude d'impact à une présentation de l'articulation du projet de loi avec le droit en vigueur ou en cours d'élaboration au niveau européen. De fait, la France est partie à de nombreuses conventions internationales auxquelles l'article 55 de notre Constitution confère force de lois. Il serait donc cohérent que les études d'impact présentent l'articulation des projets avec l'ensemble des conventions internationales approuvées et ratifiées par notre pays qui relèvent du champ d'application de ceux-ci.
Je ne suis pas favorable à cet amendement pour deux raisons : d'une part, le Sénat a notablement enrichi le volet international en complétant l'article 10 du projet de loi organique pour les documents à joindre aux projets de loi autorisant la ratification de traités et, d'autre part, la complexité particulière du droit européen, notamment les évolutions des textes au cours de leur élaboration, justifie une attention particulière et donc une information spécifique du Parlement.
Après avoir rejeté l'amendement, la Commission est saisie d'un amendement de Mme Catherine Coutelle tendant à prévoir que les études d'impact comprennent une analyse de l'impact des projets en termes d'égalité hommes-femmes.
Je rappelle que l'Assemblée nationale avait retenu ce principe en première lecture. Pourtant, le Sénat a jugé bon de revoir notre formulation : désormais, cette question n'apparaît plus en tant que telle, noyée au sein des « conséquences économiques, financières, sociales et environnementales ». Je rappelle que la révision constitutionnelle, à l'initiative de notre collègue Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des Femmes, soutenue par l'opposition – une partie de la majorité ayant fait défaut… –, a élargi la portée du principe de l'égalité entre les hommes et les femmes aux responsabilités professionnelles et sociales. Je suis très inquiète des dernières déclarations du ministre du Travail des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville qui s'est déclaré défavorable au dépôt d'un texte sur le sujet par Mme Marie-Jo Zimmermann. Où va désormais pouvoir s'exprimer la délégation aux droits des Femmes de notre Assemblée si elle ne peut plus déposer de propositions de loi ? Je rappelle que la situation des femmes est parfois dramatique : ainsi en est-il depuis la réforme du calcul des retraites. La question de l'égalité hommes-femmes constitue un objectif en soi et doit figurer en tant que telle dans les études d'impact.
Je partage votre avis qui sonne à mon oreille comme une défense des études d'impact, qui je le rappelle pourront être contestées par l'opposition : le débat deviendra moins technique et sera plus tourné vers l'évaluation. Nous avions souhaité en effet en première lecture que la question de l'égalité hommes-femmes figure en tant que telle dans la loi. Le Sénat a simplifié l'écriture de l'alinéa, faisant disparaître cette mention expresse. Pour autant nos convictions n'ont pas changé. Je prends devant vous l'engagement de demander au Gouvernement de faire figurer dans ses études d'impact une évaluation de l'impact des dispositions nouvelles sur cette question particulière dès lors qu'elle se posera. Je citerai expressément votre exemple relatif aux retraites. Je rappelle enfin que la Conférence des Présidents sera amenée à donner son avis sur les études d'impact : ce sera l'occasion pour les présidents des groupes d'opposition de veiller au respect de cet engagement.
Je tiens à compléter mon propos par un autre exemple : la récente proposition de loi sur le travail dominical aurait sans doute fait l'objet d'une plus grande réserve de la part des députés de la majorité s'ils avaient su que le travail du dimanche concerne à 70% des femmes, qui travaillent souvent dans le commerce, le plus souvent à temps partiel et sont dans la majorité des cas contraintes de travailler le dimanche…
Vous pointez là un « angle mort » du dispositif : si des études d'impact accompagneront les projets de loi et, grâce à un amendement de notre assemblée, les amendements, à la demande de leur auteur ou du rapporteur, rien n'est en revanche prévu pour les propositions de loi. L'outil nouveau sera assurément perfectible. Je pense qu'il est utile de le laisser fonctionner quelque temps et de saisir la première occasion qui nous sera donnée de l'améliorer au regard du bilan tiré de cette première application. Je souligne enfin que la délégation aux droits des femmes peut se saisir de tous les textes.
Demande de vérification du quorum
Au nom des commissaires du groupe SRC, représentant plus du tiers des membres présents, M. Jean-Jacques Urvoas demande la vérification du quorum en application de l'article 43, alinéa 1°, du Règlement.
Je regrette la posture systématique prise par notre rapporteur qui semble avoir conclu un accord avec le Sénat pour un vote conforme du texte. Je demande donc, en application de l'article 43, alinéa 1er de notre Règlement, la vérification du quorum.
Votre demande de vérification du quorum plaide pour une utilisation effective de cette faculté. La prochaine révision de notre Règlement nous donnera l'occasion de rendre plus facile son utilisation.
Je constate que le quorum n'est pas atteint. En conséquence, la suite de la discussion est renvoyée à une prochaine réunion de la commission, qui ne peut se tenir moins de trois heures après la demande de vérification du quorum. La prochaine réunion se tiendra donc à 14 h 15.
La séance est levée à 11 h 15.