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Commission de la défense nationale et des forces armées

Séance du 18 février 2009 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Audition du général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014

La séance est ouverte à dix heures.

PermalienPhoto de Michel Voisin

J'ai le très grand plaisir d'accueillir aujourd'hui le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 – puisque la gendarmerie appartient toujours à la communauté militaire et qu'elle effectue certaines de ses missions dans un contexte interarmées.

Vous nous donnerez aussi votre opinion sur le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale dont nous sommes également saisis : certaines dispositions, qui diffèrent légèrement entre les deux textes, gagneraient à être harmonisées.

Vous nous direz également si la gendarmerie dispose des moyens nécessaires pour faire face à la réorganisation du dispositif de souveraineté outre-mer.

Permaliengénéral Roland Gilles

Je suis très heureux d'avoir été invité à m'exprimer devant vous sur ces deux textes. Depuis le 1er janvier, la gendarmerie est de fait placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, mais reste bien sûr pleinement concernée par la loi de programmation militaire. Cette dernière est en effet la traduction du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, lequel rappelle clairement que la gendarmerie est une force armée, remplit des missions de défense militaire et participe aux dispositifs de sécurité dans tous les contextes envisageables, en temps de paix comme en situation de conflit armé sur le territoire national ou en opérations extérieures.

Le processus d'intégration organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur se déroule de manière satisfaisante, mais les bases de son attachement à la communauté militaire restent parfaitement solides. Si le projet de loi est adopté en l'état, les gendarmes seront sous la tutelle organique du ministère de l'intérieur, mais continueront de relever du statut général des militaires. La communauté militaire ne pourra simplement plus s'envisager comme relevant du seul ministère de la défense. Entre la défense et la sécurité nationale en effet, les frontières tendent à s'effacer.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur participe de la nouvelle architecture de la sécurité intérieure voulue par le Président de la République. Le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale doit mettre à la disposition du ministre de l'intérieur tous les moyens nécessaires pour concevoir sa politique et la mettre en oeuvre. Cela permet de prendre en compte plusieurs impératifs. Le premier est opérationnel : la mobilité de la délinquance et sa dimension de plus en plus internationale imposent un décloisonnement qui doit procéder d'une seule autorité, clairement identifiée. Le deuxième est budgétaire : seule une autorité unique peut dégager des synergies entre police et gendarmerie. La future architecture améliorera donc la cohérence des forces de sécurité, dans le domaine budgétaire – le programme 152 intègre une mission « Sécurité », désormais ministérielle –, mais aussi du point de vue organisationnel et opérationnel.

Mais ce projet de loi rappelle aussi les fondamentaux qui sont à la base de l'identité de la gendarmerie – et donc de son efficacité sur le terrain. Il affirme dès son article premier que la gendarmerie est une force armée : c'est un concept défini par le protocole additionnel à la convention de Genève de 1949, qui le rend bien distinct d'un service de police. Une force armée est capable de couvrir tout le spectre d'une crise. Elle est mobilisable au-delà de son activité courante autant que nécessaire. Cette affirmation du caractère de force armée met la gendarmerie à l'abri d'une fusion avec la police nationale. Les gendarmes relèvent du statut général des militaires, dont les dispositions s'imposent à l'ensemble de la communauté militaire : elles ne peuvent être distinctes selon les corps – je pense notamment aux modes d'expression et de représentation des militaires au sein des instances qui leur sont propres. Ce qui n'empêche naturellement pas un dialogue interne très vivant. Nos instances de concertation, si elles doivent évoluer, le feront au sein de la communauté militaire.

Le projet de loi rappelle également que la gendarmerie assume un spectre de missions très large : missions de police – sécurité publique, ordre public et police judiciaire -, missions militaires, missions de renseignement mais aussi participation à la politique internationale de la France. S'agissant des activités de police, les sénateurs ont rappelé l'importance de la police judiciaire dans les missions de la gendarmerie. Cela figurait déjà dans le décret du 20 mai 1903, mais je suis heureux de voir souligner le caractère essentiel de cette mission qui concerne aujourd'hui 40 % de son activité. La gendarmerie ne réclame l'exclusivité dans aucune de ces missions : la clef de l'efficacité de la sécurité intérieure repose sur un bon équilibre entre les attributions des deux forces disponibles. C'est le but de ce projet de loi.

Ce texte donne au ministre de la défense la tutelle organique sur les missions militaires de la gendarmerie. Elle continuera à les exercer en même temps que les armées ou indépendamment d'elles. Elle conservera aussi la mission de prévôté et continuera à participer aux opérations extérieures. Elle est présente aujourd'hui en Côte-d'Ivoire, au Kosovo, en Géorgie, en Irak et en Afghanistan. Elle mène en outre actuellement en Guyane des actions de police administrative ou judiciaire à forte connotation opérationnelle avec des modes d'action de type militaire, le cas échéant en collaboration avec les forces armées, pour lutter contre l'orpaillage clandestin par exemple.

La gendarmerie reste liée au monde de la défense. C'est d'abord le statut des personnels qui détermine cet ancrage. Ce statut, ainsi que la discipline, resteront directement de la responsabilité du ministre de la défense. Le recrutement, la formation des gendarmes, les modes de gestion de la gendarmerie resteront proches de ceux des armées, notamment en ce qui concerne la concertation et les droits et devoirs des gendarmes. Il est en particulier parfaitement clair que le syndicalisme n'est pas envisageable. Le recrutement continuera à être partagé : nous ne voulons pas nous priver de ce creuset. La gendarmerie recrute déjà des officiers des armées. Dès cette année, elle ouvre ses portes à une centaine de sous-officiers à travers une procédure de changement d'armée et reconduira cette démarche les années suivantes. La culture militaire de la gendarmerie ne peut qu'en être confortée. Le maintien des spécificités militaires de la formation, la poursuite des échanges et de la formation continue avec les armées nourrissent ce lien avec elles. Des mutualisations peuvent être envisagées avec la police nationale, par souci d'économie, pour des formations techniques – de motocyclistes ou de plongeurs par exemple – mais il est exclu de mutualiser la formation initiale des gendarmes et des policiers. C'est leur identité qui est en jeu.

Les soutiens logistiques de la gendarmerie contribuent aussi à son ancrage dans la communauté militaire. Le 28 juillet, les ministres de la défense et de l'intérieur ont signé un accord cadre comprenant 35 annexes qui sont autant de domaines dans lesquels le ministère de la défense soutiendra la gendarmerie, sur le territoire ou en opérations extérieures (OPEX), sans aucun changement par rapport à ce qui se faisait auparavant. Les services de santé et des essences des armées sont notamment concernés. Nous garantirons également l'interopérabilité entre les armées et la gendarmerie, notamment à l'étranger, dans le domaine des télécommunications, des véhicules et des aéronefs. Des mutualisations existent également pour le maintien en condition opérationnelle de nos aéronefs à l'étranger. Nous continuerons aussi d'avoir recours au service d'achat spécialisé du ministère de la défense et à assurer la compatibilité entre nos moyens NRBC pour les interventions en milieu contaminé.

Les missions de souveraineté et de défense contribuent à cet ancrage. Vous m'avez interrogé sur le transfert d'une partie des missions de souveraineté outre-mer de l'armée à la gendarmerie, qui figure dans le projet de loi de programmation militaire. Les missions militaires de la gendarmerie, si elles ne représentent que 5 % de son activité en chiffres, sont loin d'être négligeables. Il s'agit notamment de la sécurité des armements nucléaires, de la prévôté, qui garantit l'application du droit international partout où les armées sont engagées, ou des gendarmeries spécialisées. Pour assurer ses nouvelles missions outre-mer, la gendarmerie aura besoin de dotations particulières, qui ne proviendront pas de la loi de programmation militaire mais de la future LOPPSI. Nous avons évalué nos besoins à deux cents agents supplémentaires et quatre hélicoptères de manoeuvre, l'investissement pour ces derniers étant estimé à environ 70 millions d'euros. Il est vrai que le transfert n'est pas encore effectif, mais lorsque ce sera le cas, ces moyens seront absolument indispensables. En Guyane, ces appareils servent dans la lutte contre l'orpaillage clandestin, considéré comme une mission prioritaire.

Enfin, pour être complet sur les missions militaires de la gendarmerie, il faut évoquer les OPEX. Intervenant en complément des armées en particulier dans les opérations de sortie de crise où le rétablissement et le maintien de l'ordre en situation dégradée sont primordiaux, elle y trouve toute sa place. 450 gendarmes sont aujourd'hui déployés. Une cinquantaine d'entre eux sont présents en Géorgie parmi les observateurs internationaux mais s'il en avait été besoin, il aurait été possible d'y envoyer sans délai jusqu'à 180 gendarmes.

PermalienPhoto de Michel Voisin

Pouvez-vous dresser un bilan succinct de l'exécution de la LOPSI depuis 2002 ?

Le fait que la future loi ne prévoie pas le financement des VBRG et des hélicoptères EC 135 obère-t-il les capacités opérationnelles et la sécurité de la gendarmerie ?

Permaliengénéral Roland Gilles

Du point de vue des effectifs, la LOPSI attribuait à la gendarmerie 7 000 postes supplémentaires. Sur la période d'exécution, entre 2002 et 2008, 6 050 ont été créés, soit un taux de réalisation de 86 %. Nous sommes donc tout près des prévisions – la police nationale, elle, a obtenu 6 200 postes sur les 6 500 prévus.

En revanche, du point de vue des investissements, il manquait, fin 2007, 292 millions d'euros sur les 1 020 que prévoyait la LOPSI. Un complément de 88 millions d'euros a été ouvert en LFI 2008, portant le montant total à 816 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui donne un taux d'exécution de 80 %.

Nous avons en outre l'ambition de mener un effort particulier dans le domaine immobilier puisque le logement des gendarmes, tout autant que leur statut militaire, garantit leur disponibilité et leur efficacité. En effet, si les logements locatifs, qui représentent 58 % du parc immobilier de la gendarmerie, sont globalement bien entretenus par les collectivités locales, la qualité du parc domanial est bien moins bonne.

Pour ce qui est du matériel, les prévisions triennales de Bercy m'ont conduit à repousser la confirmation du marché de 92 engins blindés ainsi que celle de la tranche conditionnelle de 25 EC 135, qui ont vocation à remplacer les Ecureuils. Il n'y a pas la possibilité financière de les réaliser d'ici 2011. Cela ne fait pas pour l'instant peser de risque sur les capacités opérationnelles de la gendarmerie mais dès que ce sera possible, il faudra mener à bien ces projets. Les événements de Guadeloupe et de Martinique montrent que la gendarmerie a besoin de ces engins pour intervenir en sécurité et avec efficacité.

Le parc d'engins blindés est vieillissant. Il date des années 1970. La disponibilité opérationnelle est aujourd'hui d'une petite centaine d'engins, contre 130 à l'origine. Dans les trois ans qui viennent, nous pourrons préserver une capacité de 75 à 80 engins, suffisante pour intervenir tant sur le territoire métropolitain et outre-mer qu'à l'extérieur. Un peloton est présent aujourd'hui au Kosovo. En Géorgie, Panhard, qui travaille avec l'armée de terre, a mis à disposition une dizaine de petits véhicules protégés. Mais le renouvellement reste nécessaire après cette échéance, d'autant que l'approvisionnement en pièces détachées est difficile et que les ateliers de la gendarmerie doivent en fabriquer certaines.

Pour ce qui est des hélicoptères, l'objectif est d'une cinquantaine d'appareils au total. La réglementation européenne impose de passer aux biturbines. Quinze EC 145 sont déjà financés, pour remplacer les Alouettes III qui assurent le secours en montagne, mais il faudra aussi trente-sept hélicoptères légers d'observation et de liaison, les EC 135, en remplacement des Ecureuils. Douze vont arriver dans les unités d'ici 2011 ou 2012. Quant à la tranche conditionnelle de 25 EC 135 qui était programmée, le contexte budgétaire oblige à la différer d'au moins trois ans. Les Ecureuils vont pouvoir être prolongés, avec un surcoût en termes de maintien en conditions opérationnelles, mais sans difficulté technique. Il n'y aura donc pas de baisse des capacités opérationnelles.

J'ajoute que c'est la troisième année que je mets à disposition de la police nationale notre parc d'hélicoptères, pour lui permettre de mieux gérer certains événements ou troubles à l'ordre public, y compris de nuit, et d'acquérir des renseignements. La police nationale bénéficie d'un « droit de tirage » de 800 heures par an, mais la gendarmerie pourrait sans difficulté aller au-delà si nécessaire.

Le fait de différer l'achat de véhicules blindés ou d'hélicoptères de deux ou trois années ne se traduit donc pas par des pertes de capacités opérationnelles.

PermalienPhoto de Alain Moyne-Bressand

Merci d'avoir rappelé votre optimisme concernant le projet de loi relatif à la gendarmerie – le premier depuis la création de la gendarmerie. Il est toutefois regrettable que cette réforme ait pris effet au 1er janvier sans figurer officiellement dans les textes. Cela crée des inquiétudes, notamment chez les sous-officiers et il faudra réaffirmer que le statut du gendarme reste militaire. D'autres inquiétudes s'expriment, concernant notamment le fait que les préfets commandent aux directeurs des groupements départementaux. Mais globalement, ce texte bénéficie sans aucun doute à notre sécurité nationale.

Quant à la loi de programmation militaire, elle fait de l'interopérabilité entre l'intérieur et la défense en matière de risque nucléaire, radiologique, biologique et chimique une priorité. Quel est l'état des mutualisations, et quels sont les conditions et moyens de la compatibilité ? La gendarmerie participera-t-elle au système intégré qui coordonnera l'ensemble des moyens du ministère de la défense à partir de 2015 ? Des passerelles sont-elles prévues ?

Quelles sont les mutualisations existantes ou souhaitables concernant les équipements utilisés en OPEX ? La programmation donne-t-elle les moyens de l'interopérabilité en OPEX ?

Enfin, le transfert de certaines missions outre-mer à la gendarmerie s'accompagne-t-il des moyens suffisants ?

Permaliengénéral Roland Gilles

Il est vrai qu'en l'état actuel de la loi, la gendarmerie continue à relever clairement du ministère de la défense, même si le ministre de l'intérieur a la tutelle sur l'emploi depuis 2002 et si la loi de finances pour 2009 lui confie le budget de la gendarmerie. C'est un petit problème de calendrier des textes.

J'ai bien conscience des inquiétudes qui s'expriment concernant la compatibilité entre l'autorité du préfet et le commandement de la gendarmerie. Le débat sur ce sujet a été riche au Sénat mais à vrai dire, dans notre réalité, c'est un faux problème. Dès lors qu'un bon équilibre entre les acteurs s'est instauré – et les équations personnelles comptent également – il n'y a pas d'interférence dans la chaîne de commandement. Le texte issu du Sénat préserve l'architecture et l'organisation militaire que nous connaissons depuis la nuit des temps. Napoléon écrivait déjà que les chefs hiérarchiques de la gendarmerie rendaient compte au ministre de l'intérieur. L'ordonnance de 1820 plaçait la gendarmerie, en matière d'ordre public et de sécurité, dans les attributions de ce dernier. Le décret du 20 mai 1903 évoque cette tutelle d'emploi du ministre de l'intérieur sur les responsables de la gendarmerie, en même temps que la culture du commandement et l'ordre hiérarchique interne de la gendarmerie.

Le projet de loi prévoit que le préfet a autorité sur la gendarmerie dans ses compétences d'ordre public et de police administrative. Les sénateurs, pour préserver l'équilibre nécessaire, ont prévu que cette autorité s'exerçait sur les responsables départementaux alors que le projet initial mentionnait les responsables locaux. Cela répond au souci que la chaîne de commandement puisse régler elle-même son fonctionnement interne. Qu'un préfet donne des ordres au commandant de groupement ne nous choque pas : c'est ce que nous avons toujours vécu. Il n'y a pas aujourd'hui de responsable qui conteste l'autorité d'un préfet, dès lors que l'équilibre nécessaire est préservé.

La disposition de la loi du 21 janvier 1995 concernant les zones de compétences pose bien sûr question. Elle doit recevoir une application stricte. Les forces ont été dimensionnées pour effectuer leur travail dans leur zone de compétence. Certes, dans les cas exceptionnels, le concours réciproque va de soi, mais, au quotidien, chaque force assure la sécurité de la population dont elle a la charge. L'intégration au ministère de l'intérieur ne doit pas se traduire par un changement de ces principes.

En ce qui concerne l'interopérabilité des moyens NRBC, les équipements de protection individuelle et collective sont aujourd'hui communs à la gendarmerie et aux forces armées. En revanche, la gendarmerie a mis au point des moyens uniques, au premier rang desquels la cellule nationale NRBC. Celle-ci dispose du véhicule unique Biotox Piratox, projetable, qui peut conduire partout dans le monde des évaluations d'ambiances contaminées. Ce véhicule, inventé pour nous par la DGA, peut être engagé dans une crise et a été par exemple mis à la disposition de l'État du Qatar au moment des Jeux asiatiques de 2006. En matière de coopération, nous participons aux études en amont de la DGA sur plusieurs programmes d'équipements NRBC et à tous les exercices communs touchant à la vulnérabilité NRBC. Cela permet de lever les difficultés de compatibilité. La cellule nationale de Satory et l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie vont par exemple bientôt participer à un exercice de prélèvement d'échantillons en zone contaminée, avec les armées, au centre de recherches du Bouchet. Quant au futur système intégré du ministère de la défense, la gendarmerie ne sera pas directement partie prenante de la filière NRBC interarmées mais nous multiplions les contacts et apportons notre expertise.

Pour ce qui est de la mutualisation en OPEX, nos équipements sont identiques à ceux des armées. Nos véhicules projetables sont totalement interchangeables et sont homologués pour le transport par aéronefs militaires. Toute la structure de soutien et de transport nous est ouverte. L'économat des armées nous aide, que nous soyons en mission avec l'armée ou seuls, tant dans la gestion de camp que pour l'acheminement de nos forces. Il nous aide également pour le transport outre-mer, comme c'est le cas en ce moment en Guadeloupe et en Martinique, et fait preuve d'une réactivité remarquable. J'ai par ailleurs déjà évoqué le concours de l'armée de terre en Géorgie pour une dizaine de petits véhicules protégés.

Enfin, pour se substituer aux armées pour les missions de souveraineté outre-mer, la gendarmerie a besoin de 200 personnels et de quatre hélicoptères de manoeuvre (HM) – deux pour la zone Antilles – Guyane, les deux autres étant destinés à la Nouvelle-Calédonie. Si je dispose bien des autorisations d'engagement pour passer commande dès cette année de quatre HM, en revanche, je ne suis pas certain d'en assurer la couverture en crédits de paiement à partir de 2012. Je veillerai à ce que la gendarmerie ait les moyens d'assumer ces missions, mais, pour l'instant, je n'ai pas de visibilité budgétaire au-delà de la période triennale.

PermalienPhoto de Christian Ménard

Lors du séminaire de la direction centrale de la police judiciaire du 27 janvier dernier, Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, a affirmé que parmi les missions de police judiciaire, deux ne devraient pas être partagées : le terrorisme et la criminalité organisée, qui devraient relever de la compétence exclusive de la direction centrale de la police judiciaire, ainsi que de celle du renseignement intérieur pour ce qui concerne le terrorisme. Je suis extrêmement inquiet pour le devenir de la gendarmerie nationale qui risque de voir son rôle réduit à des tâches subalternes.

PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Je suis moi aussi très inquiet, tant sur le fond que sur la méthode. Vous avez évoqué la situation qui existe « de fait » depuis le 1er janvier, et M. Moyne-Bressand semble considérer que la réforme a déjà pris effet… Mais les situations de fait ne peuvent primer sur le droit. Tant que la loi n'est pas votée, elle ne peut s'appliquer, sauf pour la publicité à France Télévisions. Si le Gouvernement souhaite s'affranchir définitivement du vote de la loi pour conduire ses réformes, il doit le dire. Mais s'il respecte le Parlement, rien ne peut avoir changé entre le 31 décembre et le 1er janvier. La responsabilité organique de la gendarmerie a-t-elle évolué entre ces deux dates – je ne parle pas de l'autorité d'emploi, qui est déjà chose entendue ? La ministre de la défense, avec laquelle nous travaillions dans un climat bien différent de celui d'aujourd'hui, avait dit il n'y a pas si longtemps que cette évolution institutionnelle n'était ni opportune, ni justifiée. Cette analyse vaut-elle encore ? C'est une question politique qui doit être posée.

Je ne reviens pas sur le sujet de la chaîne hiérarchique : les modifications de nos collègues sénateurs sont un premier rempart à conforter.

S'agissant de la loi de programmation militaire, vous avez rappelé que le taux de réalisation de la LOPSI pour la gendarmerie est inférieur de plus de 20 % à l'objectif. Dès lors, on peut se demander, si la loi est votée, comment se fera en matière d'investissement le partage entre défense et intérieur pour permettre à la gendarmerie de remplir ses missions. Ainsi, alors que les hélicoptères de la gendarmerie doivent être renouvelés, non seulement la commande est reportée, mais, de plus, la gendarmerie doit partager les moyens qui lui restent ! Sans parler du corps européen de gendarmerie : de quoi a-t-il besoin, et comment est-il financé ?

Enfin, la loi de programmation militaire est accompagnée par la révision générale des politiques publiques, qui cause de telles inquiétudes que vous avez fait une tournée sur le terrain pour expliquer les restructurations à venir. Seul le départ d'un gendarme sur deux sera remplacé et l'on prévoit des réorganisations lourdes : fermetures d'écoles et d'escadrons de gendarmerie mobile, évolution des effectifs de la garde républicaine, réduction de brigades territoriales… Ceci est-il compatible avec l'ouverture aux armées ? Il faudra être vigilant.

J'ai soutenu la démarche des communautés de brigades, sans états d'âme mais sans cesser de rappeler que la réforme, en toute matière, ne peut pas être subie ni consentie mais doit être partagée. Les gendarmes ne sont pas les seuls à se poser des questions : les élus font de même, tant au niveau local que national. Nombreux sont en effet ceux qui pensent, comme un ministre précédent, que la responsabilité organique des forces chargées de l'ordre public doit être répartie entre les autorités gouvernementales.

PermalienPhoto de Marguerite Lamour

Cette loi suscite des inquiétudes chez les gendarmes, très attachés au statut militaire et qui attendent avec impatience de voir le texte définitif, mais aussi chez les élus locaux. Nous avons vécu la mise en place des communautés de brigades : nous étions inquiets, et nous savons que désormais le dispositif fonctionne correctement. Mais notre inquiétude touche aujourd'hui au logement des gendarmes, facteur d'efficacité dans leurs missions. Dans la commune dont je suis maire, les locaux de la gendarmerie sont déclarés insalubres. Ne voulant pas perdre mes gendarmes ni être confrontée à un turn over incessant, j'avais décidé de financer la construction de logements et locaux de service, avec pour seule aide une subvention de 20 % de l'État. Mais peut-être les jours de la gendarmerie sont-ils comptés ? Vous me répondrez que la sécurité sur mon territoire sera alors assurée par les policiers, mais ils n'auront pas d'obligation de casernement. Est-il donc raisonnable de construire une gendarmerie ?

Permaliengénéral Roland Gilles

Toutes ces interventions montrent un grand attachement à la gendarmerie.

Pour répondre à M. Ménard d'abord à propos de la police judiciaire, je dois rappeler que mon ami Frédéric Péchenard parlait au conditionnel : il a exposé sa vision de l'architecture de la police judiciaire en expliquant que les investigations relatives au terrorisme et à la criminalité organisée devaient relever de la DCPJ. Je fais une lecture différente du code de procédure pénale et je revendique pour la gendarmerie la capacité d'être saisie de l'ensemble du spectre infractionnel. Ce sont des situations qu'elle connaît au quotidien – je le sais pour avoir commandé trois ans en Corse. Il n'est pas de semaine sans que la gendarmerie ne démantèle des réseaux de criminalité organisée, dans le domaine des stupéfiants par exemple. Les magistrats doivent pouvoir choisir l'un ou l'autre des services spécialisés en matière judiciaire. La gendarmerie, depuis 1983 puis l'affaire Grégory, a consenti de très importants efforts en matière de formation et d'investigation scientifique et technique. Son institut de recherche criminelle est un fleuron, avec 57 démarches de procédures d'expertise aidant à la preuve matérielle de l'infraction certifiées au niveau européen. Elle doit pouvoir couvrir la totalité du spectre infractionnel, ainsi que je l'ai constamment soutenu publiquement.

PermalienPhoto de Christian Ménard

Tant mieux. Il ne faut pas laisser s'instaurer des idées fausses dans la pensée des gens.

Permaliengénéral Roland Gilles

Sur l'ordonnancement des textes, ce qui a changé au 1er janvier est que le budget de la gendarmerie est devenu la pleine prérogative du ministre de l'intérieur. Toutefois, j'ai clairement indiqué que le ministre de la défense demeure, tant que la loi n'est pas modifiée, le ministre organique de la gendarmerie. Les 35 protocoles de soutien signés le 28 juillet 2008 n'entreront en application qu'après le changement par la loi de la tutelle de la gendarmerie.

Pour ce qui est des moyens de la gendarmerie, c'est au titre des investissements que les prévisions 2002-2007 n'ont pas été entièrement réalisées. Pour l'avenir, ces investissements figureront-ils dans la LPM ou la LOPPSI ? Le Gouvernement a choisi la LOPPSI, étant entendu que le ministre de la défense devra disposer des moyens en effectifs et en matériel qu'il demandera pour les OPEX.

En cas de conflit entre les deux ministres, Matignon tranchera, comme il se doit – Matignon suit d'ailleurs au quotidien l'engagement de nos escadrons de gendarmerie mobile. J'ai à connaître d'engagements de la gendarmerie en OPEX tous les jours, et je n'ai jamais connu de conflit d'intérêt entre les deux ministres. Tant que nous n'en serons pas à racler les fonds de tiroir, et ce n'est pas le cas, je mettrai à la disposition du ministre de la défense ce qu'il me demandera. La disponibilité des forces mobiles, facilement manoeuvrables, est un véritable enjeu.

PermalienPhoto de Michel Voisin

Ne serait-il pas possible que les équipements spécifiques à la gendarmerie fassent partie des marchés de la loi de programmation militaire au titre du ministère de la défense, avec une convention avec le ministère de l'intérieur ?

Permaliengénéral Roland Gilles

Pourquoi pas ? Mais seules les procédures pourraient effectivement être intégrées, puisque nous partageons souvent celles des armées. Pour ce qui est de la disponibilité financière en revanche, il ne peut y avoir qu'une ressource.

PermalienPhoto de Jean-Claude Viollet

Mais si le ministre de l'intérieur a la main sur le budget de la gendarmerie, il a la main sur les priorités. Le ministère de la défense sera certes en charge du statut et du régime disciplinaire, mais il ne pourra pas faire valoir ses priorités dans l'équipement des forces de gendarmerie. Ce n'est pas un problème d'arbitrage dans l'utilisation, mais d'investissement. La proposition que vient de vous faire notre président y remédierait quelque peu, en garantissant une intervention du ministère de la défense à la commande. La situation actuelle n'était pas vraiment insatisfaisante. Aujourd'hui, nous nous préparons à un saut dans l'inconnu.

Permaliengénéral Roland Gilles

Les sénateurs ont exprimé leur voeu de voir l'équilibre actuel se perpétuer et ont demandé à ce que le Parlement puisse faire le point deux ans après la promulgation de la loi sur l'évolution de la gendarmerie. Mme Alliot-Marie est allée plus loin en proposant que cet équilibre soit revu par le Parlement tous les deux ans. Cela me paraît aller dans votre sens. Plus concrètement, et puisque nous sommes en plein plan de relance, peut-être les engins blindés dont nous avons besoin pourraient-ils en faire partie.

Quant aux hélicoptères, il ne s'agit pas d'une ressource qui me serait comptée et que je serais obligé de mettre à la disposition d'autrui. Les hélicoptères de la gendarmerie sont utilisés environ deux heures par jour. Je consomme environ 17 500 heures par an, sur les 24 000 que me permet le budget affecté à leur maintien en condition opérationnelle. Je ne subis donc aucun préjudice à les prêter à mes camarades de la police nationale.

La force de gendarmerie européenne conserve ses ambitions et ses capacités. Nous pouvons si nécessaire constituer avec nos partenaires une force de 800 militaires projetable à l'extérieur de nos territoires. Cette force participe à l'opération Althéa en Bosnie-Herzégovine. Le dernier conseil international a émis le voeu de la voir engagée ailleurs, peut-être au Kosovo. Cela a soulevé quelques réticences de la part de l'Espagne, mais nous continuons à réfléchir à un deuxième théâtre qui crédibiliserait cette force, outil de l'Europe dans la gestion des crises internationales.

À propos des efforts que la gendarmerie doit consentir au titre de la RGPP, vous êtes plusieurs à vous inquiéter que les réductions d'effectifs et de moyens affectent ses capacités, voire sa présence dans certains territoires. J'ai fait une tournée des régions pour expliquer la situation aux gendarmes, et j'ai constaté qu'ils comprenaient l'effort qui leur est demandé.

La gendarmerie va devoir rendre 3 500 postes entre 2009 et 2011 sur les 100 000 qu'elle compte aujourd'hui. J'ai demandé à ce que le tissu opérationnel soit préservé le plus possible. Nous pouvons trouver des postes ailleurs : 480 par exemple par la suppression, décidée par le Premier ministre, des quatre écoles de Montargis, le Mans, Châtellerault et Libourne. Cela n'atteint pas notre capacité de formation. En effet, au moment de la chute du mur de Berlin, les effectifs de la gendarmerie, contrairement à ceux des armées, étant en pleine croissance, le ministre de la défense lui avait demandé de reprendre certaines casernes des armées pour qu'elles ne soient pas abandonnées. C'était une démarche de solidarité. Les rendre aujourd'hui n'est pas gênant : nos besoins de recrutement sont de 3 000 personnes par an. Au cours des deux années à venir, les réductions d'effectifs ajoutées à d'autres réorganisations vont même les ramener à 1 000 par an. Nous retrouverons le flux normal en 2012 ou 2013. Nos quatre écoles restantes seront amplement suffisantes pour former les gendarmes, ainsi que les gendarmes adjoints volontaires.

Vous avez aussi évoqué les escadrons de gendarmerie mobile. Au début des années 2000, la gendarmerie a participé à la création de centres de rétention administrative. La plus grande réactivité étant nécessaire, nous avons engagé la gendarmerie mobile. Or, dans le cadre de la RGPP, il a été décidé que la gestion de ces centres serait assumée par la police nationale. Le transfert aura lieu entre 2009 et 2011. Étant donné nos contraintes d'effectifs, je ne trouve pas vraiment illogique de libérer les postes correspondant aux sept escadrons qui se consacrent à cette charge, même si aucune décision formelle n'est encore prise.

Pour le reste, il n'y a aucun plan concernant la gendarmerie mobile ni la présence dans les territoires. La politique que j'ai à mettre en oeuvre est extrêmement claire : le maillage territorial demeure en l'état. Des ajustements peuvent bien sûr être nécessaires pour suivre les évolutions démographiques sur le territoire, mais pas plus qu'auparavant. La gendarmerie va garder ses 3 500 points de contact avec la population et le principe des communautés de brigades demeure inchangé.

Quant à votre cas particulier, madame Lamour, je vous apporterai une réponse dès que je l'aurai examiné.

Une précision sur les brigades territoriales : la gendarmerie a toujours été présente dans les villes. Aujourd'hui que nous comptons nos effectifs, je vais bien sûr réduire au maximum la présence de nos brigades territoriales dans les zones de pleine compétence de la police nationale pour la renforcer notamment dans la périphérie des grandes agglomérations – selon l'INSEE, la gendarmerie comptera dans sa zone de compétence 1 300 000 résidents de plus d'ici à 2012. Mais il n'est pas question d'abandonner complètement le coeur des villes : nous y avons besoin de relais pour mener à bien les enquêtes judiciaires qui nous tiennent tant à coeur.

PermalienPhoto de Françoise Olivier-Coupeau

Certes, réduire la présence dans les zones de compétence de la police est nécessaire, mais n'y aurait-il pas moyen d'améliorer la méthode ? Le 24 novembre 2008, vous avez pris un arrêté de dissolution pour quatre brigades de Meurthe-et-Moselle situées en zone de police. L'annonce a été faite le 30 novembre et mise en oeuvre le 1er janvier, sans aucune concertation avec les élus. Comment est-ce possible ? Par ailleurs, pouvez-vous confirmer que l'école de Rochefort fait partie des quatre qui seront préservées ?

Permaliengénéral Roland Gilles

Il est vrai que la dissolution des quatre brigades de Meurthe-et-Moselle a connu un contretemps malheureux. La suppression avait été discutée en juin 2008 entre le préfet, le commandant de groupement et les élus locaux. Ces derniers ont été donc été informés dès ce moment. Mais ensuite, le traitement du dossier entre ministères a pris du retard sans que la date d'application prévue soit repoussée. J'assume ce dysfonctionnement.

Désormais, nous laissons au minimum un grand trimestre entre la date de prise de l'acte et la date d'effet. Par ailleurs, il est bien clair qu'aucun projet de restructuration de la présence de la gendarmerie ne viendra de Paris, même s'ils se font bien sûr dans le cadre de la politique nationale. Les projets sont bâtis et portés localement, par les préfets et avec l'appui de la chaîne de commandement de la gendarmerie. L'expérience de la dernière décennie montre qu'un projet venant de Paris n'a pas beaucoup de chances de succès. Et il n'existe aucun projet concernant Rochefort.

PermalienPhoto de Christophe Guilloteau

Je me dois moi aussi de relayer l'inquiétude qui s'exprime dans ma circonscription depuis le 1er janvier. Les gendarmes restent militaires, emploient 40 % de leur temps pour le ministère de la justice mais relèvent désormais de la compétence du ministre de l'intérieur. Ils souhaitent rester militaires et sont très fiers de leur engagement.

Par ailleurs, j'attire l'attention sur le fait que le domaine du renseignement est multiple et épars. Khaled Kelkal venait de ma circonscription. Sans le renseignement de la gendarmerie, l'affaire aurait pu prendre une tournure encore plus dramatique.

Enfin, concernant l'immobilier, le dossier du transfert de la gendarmerie à Sathonay est-il finalisé ? Je suis aussi en négociation pour transférer la brigade motorisée de Lyon – mais qui n'a pas compétence sur Lyon – en zone rurale, à Brignais. Le foncier y est très cher. S'agissant d'une BMO, qui a compétence départementale, la gendarmerie pourrait-elle contribuer à ce financement ?

PermalienPhoto de Patrick Beaudouin

Une manière de rassurer sur le maintien du statut militaire des gendarmes est d'inscrire dans la loi les responsabilités du ministre de la défense. Or les deux textes dont nous discutons contiennent deux versions différentes de ces responsabilités. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Par ailleurs, si le Livre blanc traite des réserves opérationnelles, la loi de programmation militaire passe rapidement sur le sujet et les crédits alloués sont modestes. C'est pourtant un soutien important pour vos missions. Qu'en pensez-vous ?

Le secrétariat d'État chargé de la défense et des anciens combattants a demandé à l'état-major des armées une réflexion sur le renforcement de l'utilisation des réserves dans les OPEX.Y êtes-vous associé ?

PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Je suis élu du Nord, où de nombreuses gendarmeries ont disparu, et je ne suis pas le seul à craindre une absorption rapide de la gendarmerie dès lors que les deux forces de sécurité relèveront du ministère de l'intérieur. Les différences de statut, les disparités en termes de logement, de salaire, de disponibilité et de mode d'expression ne sont-ils pas autant de risques de conflits, de mouvements sociaux, d'autant que la police nationale dispose du droit syndical ?

PermalienPhoto de Alain Marty

Les bases de défense qui se mettent en place ont-elles une incidence sur le maintien logistique de la gendarmerie ? Lorsqu'une base est créée, y êtes-vous associé et en bénéficiez-vous ? Est-il envisagé que le pilotage d'une base soit assuré par la gendarmerie ?

Permaliengénéral Roland Gilles

J'entends bien les inquiétudes qui s'expriment, et qui sont normales en période de changement. Mais lorsque je détaille aux gendarmes le contenu de la loi et les fondamentaux qu'elle pose, lorsque je leur montre combien je suis attaché à l'équilibre entre les deux forces, notamment à ce que la gendarmerie conserve sa mission de police judiciaire, je vois leurs défiances s'effacer. La crainte est récurrente, et de la part de chacune des deux forces d'ailleurs, de se faire « dévorer » par l'autre mais l'objet de ce texte est bien de confirmer, 210 ans après la loi de Germinal an VI, les fondamentaux de la gendarmerie.

Reste qu'il faut faire coexister deux types d'agents de statut différent, avec des modes d'organisation et de fonctionnement également différents, sous l'autorité du même décideur. En 2008, un rapport commandé par le Président de la République a mis en exergue les différences et les points de convergence entre les deux conditions afin de tendre vers une parité globale dès l'arrivée de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Ce travail de comparaison n'avait jamais été fait depuis l'instauration des nouvelles grilles indiciaires de la fonction publique en 1948. Il a été présenté par les deux directeur généraux et validé par deux personnalités extérieures hautement qualifiées. Les différences, qui existent assurément, ont été identifiées mais l'équilibre global ne paraît pas trop difficile à obtenir. Les correctifs qui doivent être apportés dans chaque corps à certains grades sont mis au point.

J'ai pu constater dans mon tour de France que les gendarmes étaient rassérénés par les choix qui ont été faits. Le premier est de suivre jusqu'en 2012 les évolutions indiciaires du plan corps et carrières de la police nationale. Cette mesure est provisionnée. Fin 2011, il y aura un équilibre global au plan indiciaire entre les agents en tenue des deux forces. Le second concerne les rythmes de carrière : les gendarmes comptent environ cinq ans de retard par rapport aux policiers. Le PAGRE, plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, prévoit donc, par un repyramidage du corps des sous-officiers, d'accélérer leur parcours de carrière.

Quant à la représentation, il est clair qu'il n'y a pas de droit syndical dans la gendarmerie. Si un gendarme a envie de se syndiquer, ce n'est pas difficile : il quitte la gendarmerie pour aller dans la police nationale. Ce qui n'empêche pas de faire vivre la concertation et le dialogue social dans notre maison. Je consulte notamment le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie sur les grandes évolutions de l'institution – celle du fonctionnement de la gendarmerie départementale par exemple, ou la nouvelle circulaire sur le logement. Il faut faire vivre ce dialogue social, mais dans la tradition militaire, que nous partageons avec les autres armées.

Les deux textes dont vous êtes saisis en même temps se télescopent sur les attributions des deux ministres. Le projet de loi sur la gendarmerie pose les attributions nouvelles du ministre de l'intérieur à l'endroit de la gendarmerie. Le projet de loi de programmation militaire précise celles du ministre de la défense. Le projet de loi sur la gendarmerie prévoit que le ministre de la défense a en charge la politique de défense, sous réserve des attributions du ministre de l'intérieur vis-à-vis de la gendarmerie. Votre travail devra aboutir à une harmonisation, sachant que la loi de programmation militaire prime dans la définition des missions du ministre de la défense mais qu'il n'y a pas de conflit entre les deux ministres sur leurs compétences respectives.

Pour ce qui est de la réserve, notre objectif reste de 40 000 réservistes. Nous en avons 27 000 qui, en 2008, ont donné vingt jours à la gendarmerie. La montée en puissance du dispositif est retardée faute de moyens. 41 millions d'euros étaient consacrés à la réserve en 2008 ; ils ont été reconduits en 2009. Le format actuel donne satisfaction. Nos 27 000 réservistes apportent une aide importante à nos unités territoriales au quotidien. Ils créent un lien très fort avec la population et représentent une capacité importante en cas de crise.

Dans le domaine du renseignement, la réforme de la police nationale, avec la création de la DCRI, ne touche que la lutte contre les visées terroristes. Le rôle de la gendarmerie départementale est confirmé. L'article 1er du projet de loi relatif à la gendarmerie mentionne le renseignement dans ses missions et une circulaire du 25 juillet 2008 de Mme Alliot-Marie réaffirme son rôle dans ce domaine. La présence de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire lui permet en effet de collecter de l'information en permanence. Les deux forces de sécurité dans le département partagent leurs informations et rendent compte, séparément et concomitamment, au préfet.

Vous avez aussi évoqué les brigades motorisées. Les unités compétentes en matière de sécurité routière, qui regroupent 8 300 gendarmes, sont largement présentes le long des autoroutes, qui, à leur création, étaient très accidentogènes mais qui sont devenues les axes les plus sûrs, avec moins de 5 % des accidents. Nous cherchons donc à rééquilibrer le dispositif vers les routes nationales et départementales. La BMO de Lyon pourrait en principe être concernée par de tels changements, mais il faut étudier son cas particulier.

En dehors de notre participation d'ensemble à la politique du ministère de la défense, nous sommes assez peu concernés par les bases de défense, qui n'affectent pas notre implantation territoriale. Nous conservons nos 3 500 brigades territoriales – et à ce propos, je voudrais dire à M. Candelier qu'il n'y a pas de disparition, mais seulement des ajustements : sur un siècle, la gendarmerie a perdu en tout une petite dizaine de brigades ! Son organisation va perdurer. Les bases de défense ne devraient avoir d'impact sur nous que du point de vue du soutien en matière de santé : je suis très attentif à ce que le recentrage du service de santé des armées sur les bases ne se traduise pas par une trop grande distance avec la gendarmerie départementale. Nous sommes en discussion à ce sujet avec le ministère de la défense. Par ailleurs, la gendarmerie n'a pas vocation à exercer le commandement d'une base de défense.

PermalienPhoto de Michel Voisin

Il me reste, mon général, à vous remercier pour cette audition. Mes collègues ont démontré leur attachement pour la gendarmerie et la place qu'elle tient dans le coeur de nos concitoyens.

Permaliengénéral Roland Gilles

Merci pour l'intérêt que vous portez à notre maison. J'oeuvre chaque jour pour améliorer encore son travail.

La séance est levée à douze heures quinze