M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial, procède à une communication sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour les années 2011-2015.
Grâce à une initiative parlementaire qui doit beaucoup à notre Rapporteur spécial Patrice Martin-Lalande, nous avons été saisis du projet de contrat d'objectif et de moyens de France-Télévisions pour la période 2011-2015. La période de six semaines dont nous disposons pour rendre notre avis préalable prendra fin dans quelques jours.
Je veux souligner que le secteur de l'audiovisuel public est pionnier en matière de relations contractuelles avec l'État. Les contrats d'objectifs et de moyens sont un outil de gestion public qu'il importe de généraliser le plus rapidement possible à l'ensemble des opérateurs de l'État.
M. le Rapporteur spécial, nous vous écoutons.
En application de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un contrat d'objectifs et de moyens – COM –, d'une durée comprise entre trois et cinq ans, doit être conclu entre l'État et les sociétés et établissement de l'audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France – AEF –, Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel – INA –.
Avant sa signature, tout projet de COM doit être transmis aux commissions parlementaires compétentes – commissions des Finances et des Affaires culturelles, et, pour le cas de l'AEF, commissions chargées des Affaires étrangères –, ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Les commissions parlementaires disposent alors d'un délai de six semaines pour, le cas échéant, formuler un avis sur le projet de COM.
L'importance des missions de l'audiovisuel public et des sommes en jeu justifie une attention particulière du Parlement. Je rappelle qu'il est prévu d'allouer quelque 2,5 milliards d'euros de fonds publics à France Télévisions l'an prochain. C'est pourquoi, en tant que Rapporteur spécial, j'ai régulièrement veillé à l'amélioration de l'information et du contrôle du Parlement sur ces COM. Cette procédure de transmission pour avis aux commissions est le fruit de plusieurs amendements que j'ai défendus et qui furent adoptés par le Parlement à l'occasion des projets de loi de finances pour 2006 et 2007.
Guidé par les mêmes préoccupations, j'ai également porté, dans le cadre du projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision, un amendement visant à étendre à Radio France et à l'AEF une disposition jusqu'alors applicable à la seule société France Télévisions : dorénavant, les dirigeants de ces trois sociétés rendent compte chaque année de l'exécution de leur COM devant les commissions parlementaires compétentes. Pour l'AEF, faute de conclusion d'un premier COM, cette disposition n'a pas encore été mise en oeuvre.
À titre liminaire, je souhaiterais effectuer un court rappel sur l'état des relations contractuelles entre l'État et les organismes de l'audiovisuel public :
– l'activité de Radio France est couverte par son deuxième COM, relatif aux années 2010-2014 ;
– Arte-France a signé son troisième COM, valable pour les années 2012-2016 ;
– l'INA a conclu l'an dernier son troisième COM, couvrant les années 2010-2014 ;
– quant à l'AEF, la conclusion d'un contrat se fait toujours attendre. Il est vrai toutefois qu'il s'agit d'une jeune société, en cours de constitution par réorganisation de ses composantes. Les tutelles comme l'entreprise envisagent une signature au printemps 2012, sachant que ce premier COM couvrira une période très limitée, jusqu'en 2013, année de renouvellement de la direction.
Le projet de COM pour France Télévisions se divise en trois chapitres et comprend 14 objectifs auxquels sont associés 33 indicateurs. Chaque indicateur pouvant mesurer plusieurs grandeurs, c'est en tout une soixantaine de paramètres qui sont suivis dans le COM.
Ses grandes orientations sont les suivantes :
– le renforcement de la capacité des chaînes à s'adresser à tous les publics en s'appuyant sur des identités plus affirmées et plus complémentaires ;
– l'enrichissement de l'offre régionale de programmes en métropole et outre-mer ;
– le déploiement d'une stratégie numérique ambitieuse avec le développement de l'offre éditoriale sur tous les supports ;
– la poursuite des engagements du groupe dans le financement de la création audiovisuelle et cinématographique ;
– l'achèvement de l'entreprise commune dans son volet organisationnel – avec la convergence des systèmes d'information et la mutualisation des fonctions support – et social, avec l'harmonisation des statuts.
Pour plus de commodité, je m'appuierai sur la trame du projet de COM en consacrant à chacun de ses chapitres un développement dédié.
Le chapitre 1 a trait à la diffusion des programmes du groupe sur tous les supports du nouvel environnement technologique, en direction de tous les publics.
Il s'ouvre avec un objectif en forme de rappel sur l'identité et la vocation de chaque chaîne du groupe :
– France 2 : la « chaîne généraliste de référence », en pointe sur l'information ;
– France 3 : la « télévision des racines » et la « chaîne des régions » ;
– France 4 : la « chaîne jeunesse » du groupe, qui cible plus particulièrement les 15-34 ans ;
– France 5 : la chaîne découverte, dont les trois piliers éditoriaux sont les documentaires, l'animation, et les magazines d'information, de découverte, culturels ou scientifiques ;
– France Ô : la « chaîne métisse », qui s'appuie sur son identité ultramarine.
Ainsi que le souligne, à juste titre, le projet de COM, « il est nécessaire que les identités renforcées de chaque chaîne soient plus complémentaires, notamment s'agissant des publics visés ». Un tel rappel peut d'analyser comme une invitation à réaliser davantage de synergies en matière éditoriale afin d'éviter de coûteuses redondances dans l'offre de programmes, notamment en matière d'information nationale.
L'objectif 1.2 est relatif à la dimension régionale des programmes de France Télévisions, à la fois outre-mer – avec les chaînes Outremer 1ères –, et en métropole – avec France 3.
Un premier indicateur permet d'apprécier la montée en charge des chaînes Outremer 1ères sur la période du COM. Il est notamment centré sur le volet éditorial, en prévoyant une croissance progressive, dans la grille de ces chaînes, du volume de programmes spécifiques – c'est-à-dire non issus des chaînes nationales du groupe – ou produits localement.
Concernant France 3, le projet le COM indique à raison que « les enchaînements entre sessions locales, régionales et nationales doivent être étudiées à l'aune de la pertinence éditoriale, de la disponibilité du public mais aussi de la cohérence avec l'offre des autres chaînes de France Télévisions, notamment France 2 ». Une fois encore, une telle déclaration semble ouvrir la voie à des mutualisations plus poussées, voire des fusions, entre les rédactions des différentes chaînes du groupe afin de produire une offre éditoriale riche, pertinente et non redondante.
L'objectif 1.3 a trait à la présence des programmes du groupe sur l'ensemble des nouveaux médias de diffusion disponibles dans l'univers numérique :
– en déclinant l'offre éditoriale sur l'internet – via la vidéo à la demande et la création de plateformes thématiques dédiées à l'information et au sport –, les réseaux sociaux, les smartphones et les tablettes numériques ;
– et en anticipant les modes de consommation de demain avec, notamment, le développement de la télévision connectée.
Afin de mesurer les progrès réalisés en la matière, cet objectif est assorti de plusieurs indicateurs quantitatifs ayant vocation à mesurer l'audience sur ces nouveaux supports.
À cet égard, l'indicateur relatif à la télévision de rattrapage pourrait être amélioré : une mesure du pourcentage des programmes du groupe proposés en télévision de rattrapage serait plus pertinente, plus lisible et plus révélatrice des efforts du groupe en la matière qu'une mesure en valeur absolue du nombre des programmes disponibles sur ce support.
L'objectif 1.4 aborde la question technologique à travers le prisme de la qualité technique des programmes offerts aux téléspectateurs. Il traite prioritairement de la montée en puissance de la haute définition HD et, plus marginalement, de la télévision en 3D.
Le projet de COM rappelle que France 2 est déjà disponible en HD et assigne comme objectif un passage de France 5 dans ce mode de diffusion entre 2012 et 2015.
On aurait pu penser que France 3 serait, après France 2, la prochaine chaîne à bénéficier de ce saut qualitatif. Si le groupe confirme ce passage, il souligne que, pour des raisons techniques, celui-ci ne saurait a priori s'opérer à l'échéance du COM. En effet, les deux signaux d'émission de France 3 – le signal national et le signal régional – doivent impérativement être traités concomitamment. Or, d'après le groupe, un tel réaménagement suppose une ressource en fréquence hertzienne qui ne sera « vraisemblablement pas disponible à l'horizon de ce COM », ce qui explique la priorité donnée à une chaîne plus modeste.
Recevables, ces arguments ne doivent toutefois pas empêcher France 3 de se préparer dès à présent à cette échéance en mobilisant ses équipes et ses moyens techniques, afin que la transition s'opère le plus rapidement et le plus efficacement possible dès que la ressource hertzienne nécessaire aura été libérée.
France Télévisions se veut prudent quant à l'essor de la télévision en 3D et se contentera d'« engager une réflexion sur l'opportunité, les moyens techniques et financiers, et le calendrier de développement d'une telle offre ». Une telle attitude paraît raisonnable dès lors que cette technologie n'en est qu'à ses balbutiements.
L'objectif 1.5 entend notamment évaluer l'adéquation de l'offre éditoriale proposée par le groupe à la demande du public, en analysant les résultats de manière fine, par cibles regroupant les différentes générations de téléspectateurs.
L'étude de la structure de l'audience par cible permettra ainsi d'apprécier la pertinence et le succès des programmes de France Télévisions et, le cas échéant, de rééquilibrer les audiences en direction d'un public plus jeune. Je rappelle que l'âge moyen d'un téléspectateur de France 2 est de 55 ans.
Les indicateurs associés à cet objectif appellent les remarques suivantes :
En premier lieu, il s'avère que seul l'indicateur relatif à la mesure de l'audience cumulée hebdomadaire comporte des cibles détaillées. Il conviendrait de prévoir des objectifs pour les autres indicateurs, afin que ceux-ci ne soient pas de simples instruments de suivi mais constituent un aiguillon utile pour adapter et améliorer, le cas échéant, l'offre éditoriale du groupe. A minima, un objectif de part d'audience pourrait être assigné, si ce n'est à chaque chaîne prise individuellement, du moins au groupe dans son ensemble.
En outre, concernant le suivi de la structure de l'audience, l'indicateur proposé regroupe les données pour l'agrégat France Télévisions dans son ensemble hors France Ô. Afin de disposer de données plus précises et d'affiner l'analyse, et pour que l'ensemble des antennes du groupe participent à un meilleur ciblage du public, la création d'un sous-indicateur dédié à chaque chaîne pourrait être envisagée. La question des audiences reste primordiale, eu égard à la vocation du service public audiovisuel, qui est de s'adresser à tous les publics, et à l'importance des fonds publics affectés à France Télévisions.
Le chapitre 2 du projet de COM affirme un positionnement éditorial en phase avec les missions de service public du groupe.
L'objectif 2.1 et ses quatre indicateurs associés sont relatifs à l'effort de France Télévisions dans le financement de la création cinématographique et audiovisuelle.
Au-delà des indicateurs quantitatifs renseignant l'évolution des investissements correspondants sur la période couverte par le COM, il convient de saluer la reconduction et la création d'indicateurs qualitatifs permettant d'apprécier le succès rencontré par ces productions aidées auprès du public et, par conséquent, la pertinence du soutien qui leur est accordé.
La note de satisfaction des oeuvres de fiction diffusées permettra notamment d'évaluer le résultat des efforts entrepris par France Télévisions en faveur du renouvellement de la fiction française, dont les succès d'audience ou à l'exportation reste mitigés. Le projet de COM précise que l'indicateur mesurant cette satisfaction reste « à construire ». La prise en compte de l'audience moyennerecueillie par les productions concernées permettrait certainement de rendre ce baromètre pleinement opérant.
L'objectif 2.2 confirme la poursuite du « virage éditorial » entamé sous la précédente présidence.
Le projet de COM souligne ainsi que le groupe « continuera de proposer chaque soir en première partie de soirée, sur au moins l'un des ses chaînes, un programme de transmission culturelle qui aborde régulièrement tous les champs de la culture : la musique, le théâtre, la littérature, le cinéma, la danse, les arts plastiques mais aussi la découverte ». Il convient de saluer la poursuite des efforts du groupe en la matière, conformes aux ambitions de la nouvelle télévision publique.
Dans ce cadre, France Télévisions entend renforcer la présence de la musique dans ses programmes ainsi que « l'offre de partage culturel » comprise comme les programmes, diffusés à une heure de grande écoute, visant l'éveil, la connaissance, et le débat d'idées.
Les trois derniers objectifs associés à ce chapitre n'appellent pas de remarque particulière et visent respectivement à moderniser l'offre d'information du groupe, élargir le spectre des disciplines sportives retransmises, et améliorer l'accessibilité des programmes diffusés, notamment auprès des personnes atteintes d'un handicap visuel ou auditif.
Le troisième et dernier chapitre du COM est relatif à l'organisation, la gestion et le financement du groupe.
L'objectif 3.1 a trait au renforcement de la cohésion sociale au sein de l'entreprise. À cet égard, il est notamment proposé de faire de la santé et de la qualité de vie au travail l'une des priorités du COM, ce qu'il convient de saluer dès lors que les salariés du groupe connaissent une mutation inédite et profonde de leur entreprise et de leurs métiers, provoquée par une réforme ambitieuse sans équivalent depuis 35 ans et par une révolution technologique qui modifie profondément le média télévisuel et les professions qui lui sont associées.
En ce sens, la mise en place d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et la réalisation d'une cartographie des métiers et des compétences sera un élément de visibilité supplémentaire pour l'entreprise comme pour les salariés dans le contexte d'une évolution sans précédent des métiers de l'audiovisuel. Elle permettra de favoriser l'adaptation des compétences aux changements technologiques et organisationnels du secteur, et de mieux apprécier les trajectoires professionnelles et les besoins de formation des salariés du groupe.
L'unification des statuts permise par la renégociation des conventions collectives et accords d'entreprise constituera l'un des grands chantiers du COM. Si un tel effort mérite d'être souligné, il convient toutefois de s'assurer que l'harmonisation de ceux-ci ne s'opère pas systématiquement « par le haut », avec un alignement sur les dispositions les plus favorables, ce qui se traduirait par une inflation des dépenses de personnel incompatibles avec les exigences de bonne gestion que France Télévisions s'engage par ailleurs à respecter.
Le groupe entend en outre promouvoir l'égalité des chances, en menant une politique active en faveur de la diversité sociale et culturelle, en s'inscrivant résolument dans le renforcement de l'égalité hommes-femmes, et en accordant une attention particulière aux publics fragiles, notamment les personnes en situation de handicap et les seniors.
Dernier objectif figurant au projet de COM, mais non des moindres, l'objectif 3.3 traduit la volonté de France Télévision d' « assurer une gestion efficace et responsable ».
Celle-ci passe en premier lieu par la maîtrise des coûts et des synergies. Il convient d'en accepter l'augure et de saluer l'engagement du groupe en la matière, tout en faisant preuve d'une prudence constructive.
Ainsi l'entreprise s'engage :
– d'une part à assurer une stabilité des effectifs en 2011-2012 puis, à partir de 2013, une « inflexion du volume global de l'emploi rendue possible par les gains de productivité » ;
– d'autre part à poursuivre les synergies dans plusieurs domaines : avec notamment la convergence des systèmes d'information, la poursuite de la mutualisation des fonctions support, et la réorganisation de l'information et des moyens des antennes.
Toutefois, il apparaît qu'aucun indicateur dédié n'est prévu pour suivre, sur la période du COM, une trajectoire d'économies résultant de telles mesures et de l'approfondissement desdites synergies.
Dans un contexte de constitution et de consolidation de l'entreprise unique et d'unification des statuts, il semble difficile d'assigner au groupe des objectifs contraignants en termes d'économies. Toutefois, et sans ignorer les éventuelles difficultés techniques de construction d'un tel indicateur, je recommande la création d'un indicateur de suivi consolidé des économies et des synergies dégagées sur la période afin d'apprécier les efforts réalisés par le groupe en la matière à l'horizon 2015. Je rappelle que, à l'occasion de son rapport public thématique d'octobre 2009 intitulé France Télévisions et la nouvelle télévision publique, la Cour des comptes avait recommandé l'élaboration d'un « plan d'action précis et chiffré des synergies et économies attendues de l'entreprise commune ».
De la même manière, je propose la création d'un indicateur de suivi de l'évolution des effectifs au niveau du groupe, complété par des sous-indicateurs dédiés à chaque chaîne.
Enfin, eu égard à la place éminente qu'elle occupe tant en termes d'audiences que de moyens dédiés à sa production, je recommande la création d'un indicateur de suivi du coût horaire de l'information, en distinguant information nationale et information régionale. Un indicateur de suivi du coût horaire des programmes régionaux est prévu par le projet de COM : il convient de saluer cette avancée, mais il semble également légitime d'étendre cette mesure à l'information, voire à l'ensemble des principaux genres de programmes : fictions, documentaires, jeux et divertissements. La Cour des comptes partage la même préoccupation puisqu'elle avait également préconisé, dans le rapport précité, de procéder au « chiffrage "au premier euro" du coût de l'offre d'information » du groupe.
Je tiens à souligner les efforts du groupe quant au pilotage des coûts de production des programmes. En effet, celui-ci a décidé de la création d'une banque de données permettant le suivi de tels coûts. Il est nécessaire de poursuivre dans cette voie et de renforcer ce pilotage, le cas échéant en créant un indicateur relatif aux audits des productions, avec une cible renseignant le pourcentage des dépenses de programmes auditées sur la période du COM. Le COM d'Arte-France comporte un tel indicateur. Or les dépenses de programmes de France Télévisions représentent un enjeu financier sans commune mesure avec celles d'Arte-France. Il paraît donc d'autant plus nécessaire d'étendre cette mesure utile à France Télévisions, afin que le groupe dispose d'instruments de pilotage lui permettant de maîtriser l'évolution de ces dépenses. La Cour des comptes avait recommandé la « systématisation » de tels audits.
Dernier point – essentiel – que je souhaiterais évoquer, il concerne le plan d'affaires, qui présente la trajectoire financière du groupe pour les années 2011-2015.
Celui-ci fait état d'un taux de croissance annuel moyen de la ressource publique de 2,2 % sur la période couverte par le contrat. Sans y être directement liée – France Télévisions bénéficiant également de crédits budgétaires –, cette trajectoire est cohérente avec l'indexation de la contribution à l'audiovisuel public sur l'indice des prix à la consommation hors tabac, mesure prévue par la loi du 5 mars 2009 relative au nouveau service public de la télévision : ainsi la CAP a progressé en moyenne de 2,2 % sur les 12 derniers mois. Le taux de croissance annuel moyen des ressources nettes totales disponibles, incluant les ressources publiques et les ressources propres – publicité notamment –, serait de 2 % sur la période 2011-2015.
Parallèlement, le coût de grille – ou coût des programmes –, qui représente plus de 80 % des charges d'exploitation du groupe, progresse de 2,8 % en moyenne annuelle sur la période du COM, soit une croissance supérieure à celle de la ressource publique et à celle des ressources totales disponibles. Cette évolution, qui traduit les engagements du groupe en matière éditoriale, implique donc que France Télévisions parvienne à dégager une partie des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de sa stratégie.
Par ailleurs, le projet de COM fait état d'une clause de rendez-vous avant la mi-2013, afin, le cas échéant, de prévoir les modalités de compensation, par la ressource publique, d'une éventuelle baisse des recettes publicitaires due à la réorientation des investissements des annonceurs, en anticipation de la suppression des messages commerciaux en journée à partir du 1er janvier 2016.
Inversement, et ce principe vaut pour l'ensemble de la période couverte par le COM, il est précisé que si le niveau de recettes publicitaires du groupe s'avérait supérieur aux prévisions, « le complément de ressources en résultant serait conservé par France Télévisions » pour consolider le financement des priorités inscrites au COM.
Le groupe est donc, dans une certaine mesure, doublement assuré contre les aléas du marché publicitaire :
– si celui-ci se contracte à partir de 2013 et entraîne une moins-value de recettes par rapport aux évaluations inscrites au COM, une compensation serait prévue dans le cadre du budget pour 2014. Une telle mesure ne serait d'ailleurs pas illégitime si une chute brutale des recettes publicitaires mettait en péril l'équilibre financier du groupe et le bon accomplissement de ses missions de service public. Il conviendra toutefois de s'assurer, le cas échéant, d'un partage équitable du fardeau entre l'État et France Télévisions. L'État n'a pas vocation à compenser automatiquement l'éventuelle perte au premier euro. Aussi, il serait sans doute utile que la tutelle et l'entreprise s'accordent, avant cette clause de rendez-vous, sur le seuil au-delà duquel l'État interviendrait, et en deçà duquel il reviendrait à France Télévisions de consentir des efforts en termes de redéploiements de moyens, de productivité et de réorientation de ses investissements ;
– inversement, si le marché s'avère dynamique et profitable à la société, celle-ci conserve l'intégralité des recettes dépassant les prévisions initialement arrêtées.
Or, il convient de rappeler que, d'une part, la dotation publique a uniquement vocation à couvrir les charges de service public qui incombent à la société et que, d'autre part, dans un contexte de tensions sur les finances publiques impliquant la participation de l'ensemble de la sphère publique à l'effort de rééquilibrage des comptes nationaux, un reversement au moins partiel des surplus de recettes publicitaires au budget général de l'État paraît légitime et souhaitable, via une réduction de la dotation budgétaire en gestion ou un recalibrage de celle-ci à l'occasion du plus prochain projet de loi de finances.
À l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, j'avais défendu et fait adopter par notre commission des Finances, à une large majorité, un amendement encadrant les modalités de partage d'un éventuel surplus de recettes publicitaires. Je n'avais malheureusement pas été suivi en séance publique. En tout état de cause, puisque le problème demeure, mes préoccupations demeurent.
En conclusion, j'invite notre Commission à exprimer un avis favorable à ce projet de COM. Toutefois, cet avis ne constituera pas un blanc-seing pour l'entreprise et ses tutelles puisque je vous propose de l'assortir des onze recommandations précédemment évoquées.
Je vous remercie.
Je voudrais revenir sur deux points.
Tout d'abord concernant France 3, on observe un processus de recentralisation qui affaiblit la chaîne dans les régions. Ne serait-il pas possible de mesurer son audience région par région afin de distribuer les moyens en fonction des résultats ?
Ensuite, vous avez émis un diagnostic réservé sur la 3D alors qu'ailleurs, notamment dans les pays scandinaves, elle connaît un grand développement. N'y aurait-il pas un risque de passer à côté ?
Enfin, une petite remarque. Vous nous dites que l'âge moyen d'un téléspectateur de France 2 est de 55 ans. Mais, cela dépend des programmes que l'on diffuse. En effet, si on remplaçait Télé Matin par des dessins animés, nous rajeunirions sensiblement le public…
Concernant l'âge moyen des téléspectateurs de France 2, il s'agit d'un simple fait.
En ce qui concerne la 3D, son développement va dépendre de la technologie que nous ne pouvons actuellement appréhender. Il sera toujours temps d'adopter un avenant au COM pour prévoir des actions dédiées, si cela était rendu possible et nécessaire par l'évolution technologique. À l'heure actuelle, le projet n'est pas mûr.
Enfin, concernant une recentralisation aux dépens de France 3, je constate que le président Pflimlin s'est engagé à renforcer l'identité de chaque chaîne et que cet engagement trouve un traduction concrète en matière éditoriale dans le projet de COM, puisque la part de l'offre régionale dans les programmes de France 3 doit progresser de 16 000 heures en 2011 à 20 000 heures en 2015, soit une augmentation non négligeable de 20 %. Sur l'audience, je préconise d'assigner un objectif de part d'audience, a minima au groupe France Télévisions dans son ensemble, dans l'idéal à chaque chaîne prise individuellement. Il pourrait être intéressant d'affiner cet indicateur région par région, sous réserve de sa faisabilité technique.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur spécial et la rigueur de ses recommandations. Je souhaiterais l'interroger sur la recommandation n° 11 : « Poser le principe d'un reversement au moins partiel des surplus de recettes publicitaires au budget général de l'État, via une réduction de la dotation budgétaire en gestion ou un recalibrage de celle-ci à l'occasion du prochain projet de loi de finances ». Cette recommandation pourrait-elle trouver une traduction budgétaire dès 2012 dans le cadre de notre recherche d'un milliard d'euros d'économies supplémentaires, notamment sur les opérateurs de l'État ?
J'avais déposé l'année dernière un amendement qui prévoyait que toute ressource supplémentaire issue des surplus de recettes publicitaires qui ne serait pas affectée au financement d'un besoin nouveau objectivement identifié soit reversée au budget général. Il avait été adopté en commission des Finances mais rejeté en séance publique. En effet, je suis contre cette automaticité qui permet aux opérateurs de conserver le surplus de recettes qu'ils pourraient enregistrer du fait du dynamisme de certaines ressources. En l'espèce, celle-ci signifie qu'il est plus important de garantir des ressources supplémentaires à France Télévisions que de réduire le déficit public. Toutefois, il serait délicat d'écrêter, dès la loi de finances initiale, la dotation budgétaire allouée à France Télévisions puisque l'éventuel surplus de recettes par rapport aux prévisions ne pourra s'apprécier qu'en cours de gestion. En tout état de cause, il s'agit de renverser le principe : tout surplus est reversé au budget général, sauf s'il s'avère nécessaire pour le financement d'une charge justifiée et clairement identifiée par l'entreprise et la tutelle, au besoin via la conclusion d'un avenant au COM.
Êtes-vous prêt à redéposer un tel amendement cette année, avec le plein soutien de la Commission ?
Une question de programmation sur Soir 3 : comment expliquer le fait que ce journal ne soit pas diffusé à horaires fixes, ceci entraînant sans doute une dispersion de l'audience au profit d'autres programmes ?
Par ailleurs, disposez-vous d'informations quant aux conséquences de la suppression de la publicité après 20 heures sur les rédactions régionales et sur la charge supplémentaire qu'elle a pu faire peser sur celles-ci, dès lors que des décrochages viennent remplir le « vide » laissé par les annonces commerciales ?
Enfin, vous proposez la création d'un indicateur de suivi du coût horaire de certains types de programmes. Je ne vois pas apparaître le cas des sports, alors que France Télévisions est un diffuseur majeur d'événements sportifs via une politique volontariste d'acquisition des droits. Acceptez-vous un amendement en ce sens à votre proposition n° 8 ?
Avait été évoquée l'idée de fusionner les rédactions de France 2 et France 3 en matière d'information nationale : est-elle toujours d'actualité ?
Sur la proposition n° 7 à laquelle je souscris totalement, je me permettrai de vous poser trois questions. Estimez-vous disposer d'informations complètes sur les effectifs de France Télévisions ? Quelles est l'évolution de ceux-ci sur ces dernières années ? Quelles sont les perspectives à venir ?
Je souhaiterais évoquer les éventuelles conséquences du déploiement de la TNT sur les décrochages régionaux de France Télévisions. Certains craignaient la perte d'accès à certains programmes à cette occasion. Par ailleurs, concernant la télévision sur Internet et malgré les schémas de développement du haut et très haut débit mis en place par les collectivités territoriales, ne redoutez-vous pas une certaine fracture territoriale, notamment aux dépens des zones rurales et de montagne ?
Sur les horaires de diffusion de Soir 3, il conviendrait d'interroger le directeur des programmes ou le directeur général de France 3. Je souligne toutefois que l'engagement pris par France Télévisions de diffuser en première partie de soirées des émissions de qualité conformes à la vocation et à l'ambition du service public peut entraîner des fluctuations dans la grille horaire, dès lors que les formats de ces programmes sont très divers. Par ailleurs la suppression de la publicité après 20 heures enlève une sorte « d'amortisseur » sur lequel il était éventuellement possible de jouer pour calibrer les horaires de diffusion. Enfin, grâce à la télévision de rattrapage, il est possible de visionner une émission dont le téléspectateur aurait manqué tout ou partie.
Sur le coût de l'information et les nouvelles charges qui pèseraient éventuellement sur les rédactions, nous avons posé plusieurs questions dans le cadre de la préparation du futur rapport spécial dont nous attendons les réponses.
Je souscris totalement à la proposition de notre collègue Louis Giscard d'Estaing concernant le sport et ma recommandation pourra être modifiée en ce sens si notre Commission l'accepte.
Sur l'évolution des effectifs entre 2007 et juin 2011, quelques chiffes. Les permanents étaient 8 533 en 2007, 8 549 en 2008, 8 555 en 2009, 8 444 en 2010, et 8 336 en juin 2011. Sur la même période, le nombre de non permanents a été réduit de 2 045 à 1 952. Les effectifs globaux du groupe auront décru de 10 578 en 2007 à 10 288 en juin 2011. Je rappelle que le projet COM prévoit une stabilité des effectifs sur en 2011 et 2012, suivie d'une « inflexion » à partir de 2013. Afin de disposer d'une information claire et précise en la matière, je recommande d'ailleurs la création d'un indicateur de suivi des effectifs au niveau du groupe, mais également pour chacune des chaînes.
Ces données comprennent-elles également les intermittents du spectacle, dont les industries des médias sont très friandes ?
Les intermittents du spectacle employés par France Télévisions étaient 653 en 2007, ils sont 673 en juin 2011. Sur la même période, le nombre de cachetiers a été de 571, puis de 479. Quant aux pigistes, ils étaient 140 en 2007 et sont 132 actuellement. Certaines évolutions du média audiovisuel nécessitent le recours à des personnels extérieurs à titre temporaire.
Sur les conséquences du déploiement de la TNT sur les décrochages régionaux, je n'ai pas eu connaissance de difficultés majeures. J'ajouterai que le basculement sur le numérique est sans conteste un succès, l'opération s'étant déroulée dans un laps de temps réduit et sans rencontrer de réels problèmes, contrairement à d'autres pays. Encore une fois, la télévision de rattrapage permet, le cas échéant, au téléspectateur de visionner les programmes dont il aurait été privé.
Notre collègue Yves Censi a évoqué la question de l'Internet très haut débit. Des schémas départementaux sont élaborés pour son déploiement, avec un objectif de 75 % de couverture en 2020 et de 100 % en 2025. Je rappelle que le très haut débit ne passe pas uniquement par la fibre, qui est une technologie assez coûteuse. Une solution d'attente est la montée en débit sur les réseaux ADSL actuels, en ajoutant de la fibre passant d'un répartiteur à un sous-répartiteur. Le débit atteindrait 20 à 30 mégabits, ce qui est largement suffisant, y compris pour recevoir la télévision. Grâce aux lois essentielles que nous avons votées, la fracture numérique devrait être efficacement réduite.
Je mets aux voix les onze recommandations de notre rapporteur spécial, la proposition n° 8 ayant été amendée afin d'y inclure les sports.
La Commission émet un avis favorable au projet de contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour les années 2010-2015[, assorti de onze recommandations].
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 octobre 2011 à 16 h 15
Présents. - M. Dominique Baert, M. Gérard Bapt, M. Gilles Carrez, M. Yves Censi, M. Jérôme Chartier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Henri Emmanuelli, M. Marc Francina, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Marc Goua, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Alain Rodet
Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Michel Diefenbacher, Mme Arlette Grosskost, M. Nicolas Perruchot