Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Pierre-Henri Gourgeon, Directeur général d'Air France et d'Air France-KLM.
Je remercie Pierre-Henri Gourgeon de se présenter devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. C'est la seconde fois que nous avons l'occasion de vous auditionner, M. le directeur général, puisque vous nous aviez déjà rendu visite le 2 juin 2010. Nous avons de nombreux sujets à aborder avec vous, qui tiennent tant aux fondamentaux du secteur aérien qu'à l'actualité et à la conjoncture. Je vous propose de vous livrer à une rapide évocation de la situation d'Air France et du contexte général dans lequel s'inscrit son activité. Une fois que vous aurez planté le décor, les membres de la commission vous questionneront sur les points qui leur semblent les plus pertinents.
Je suis toujours heureux de venir représenter Air France devant la représentation nationale. Votre invitation témoigne à mes yeux de l'intérêt de l'Assemblée nationale pour la compagnie, et je vous en remercie.
Le groupe Air France – KLM comprend aujourd'hui 102 000 salariés. Il transporte 71 millions de passagers par an, dans quelque 600 aéronefs. Nous desservons approximativement 250 destinations dans 124 pays. Le chiffre d'affaires annuel devrait s'établir aux alentours de 25 milliards d'euros. Ceci nous classe parmi les plus grands opérateurs avec Lufthansa, United et Delta. Ces quatre compagnies brassent chacune une trentaine de milliards de dollars américains ; l'alliance de British Airways et d'Iberia est moins importante d'un tiers.
Au nombre de passagers transportés par kilomètre sur des trajets internationaux ouverts à la concurrence – ce qui exclut donc les liaisons intérieures américaines sur lesquelles les opérateurs européens ne sont pas présents – Air France se classe en première position mondiale juste devant le groupe Lufthansa. British Airways et Iberia sont à la troisième place. Emirates se tient au pied du podium : dixième il y a quelques années, il a évincé les sociétés américaines et tout laisse penser que sa progression vers le sommet se poursuivra.
Air France – KLM puise sa force dans son organisation autour de ses deux hubs de Paris et d'Amsterdam, les aéroports de Roissy et de Schiphol. Ces centres névralgiques fonctionnent à parité de façon à offrir davantage d'horaires. Le passager qui part de Barcelone pour se rendre à Shanghai peut indifféremment faire escale en France ou aux Pays-Bas. Une plus grande fréquence, un plus riche choix d'horaires, c'est une plus grande compétitivité.
Au départ de l'Europe, nous sommes les premiers vers toutes les destinations à l'exception du Moyen-Orient. Nous transportons 13,2 % des sièges long-courriers auxquels les Européens peuvent avoir accès contre 10,6 % à Lufthansa et 10,1 % à l'alliance de British Airways et d'Iberia. Or plus un réseau est important, plus il est attractif pour le client qui trouve facilement satisfaction.
La partie Air France de l'entreprise emploie 70 000 salariés dont 65 000 travaillent en France. Contrairement aux sociétés industrielles, nous ne délocalisons pas. Toutes les cotisations afférentes sont acquittées sur le territoire français.
Les règles du transport aérien – notamment la convention de Chicago de 1944 – font que toute notre activité est réputée se dérouler en un lieu unique : un billet vendu à l'étranger est considéré comme délivré à Paris. Les seules activités qui font apparaître une exportation relèvent de notre métier d'entretien et de maintenance, qui génère à peu près 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Toutefois, Air France reçoit annuellement 7,8 milliards d'euros en devises : ceci fait de nous le cinquième exportateur français dans le domaine des services.
L'exercice 200910 s'est avéré difficile en raison de la crise internationale. Une forte mobilisation a permis de repenser l'action de l'entreprise dans le domaine des cargos et des vols moyen-courrier, tout en prenant quelques initiatives au regard des long-courriers. Les résultats fortement négatifs – de l'ordre de 1,3 milliards d'euros – ont été ramenés à l'équilibre. Le retour d'une conjoncture favorable nous a évidemment aidés, mais j'y vois aussi le résultat de notre politique.
Depuis quelques années, le secteur aérien voit s'accélérer le progrès technologique. Les billets autrefois indispensables ont cédé leur place à des titres de transport dématérialisés, délivrés par courrier électronique et maintenant directement sur le téléphone du passager. Le caractère révolutionnaire de cette évolution est évident : comme la réservation s'opère sur internet, comme l'enregistrement est également automatique, comme les personnels de sécurité relèvent de l'autorité aéroportuaire et non du transporteur, le premier contact du passager et d'un agent d'Air France n'a lieu qu'à la porte de l'appareil. Il a fallu intégrer ces innovations. C'est simple en période de croissance, c'est plus complexe en temps de crise. Le reclassement des personnels au sol s'est organisé dans un pacte social satisfaisant, sans heurt majeur. Les effectifs ont diminué de 9,4 % entre septembre 2008 et mars 2001 grâce au départ volontaire – j'insiste : strictement volontaire – de 1 800 personnes.
J'ai mentionné préalablement la progression constante des compagnies du Golfe persique, qui nous livrent une concurrence rude et, il faut le dire, inéquitable. Les commandes passées auprès des avionneurs suscitent l'effroi. Songez qu'Emirates achète 90 A 380 alors que les trois compagnies européennes majeures, ensemble, n'ont réservé que 42 appareils. A partir de ces chiffres, la progression sera automatique : la possession de la moitié du parc donnera mécaniquement la maîtrise de la moitié du marché. Nous n'avons pas une surface financière suffisante pour signer de tels chèques. Évidemment, pour une compagnie dont les engagements sont garantis par les richesses du sous-sol d'Abou Dhabi, les contraintes sont plus légères. Emirates est désormais aussi puissant que les plus grands hors des noeuds de trafic européens, avec 12 % de l'activité contre 4 % seulement à British Airways. Cette compagnie occupe déjà la première position à Milan, à Munich ou encore sur le territoire britannique. Et ses chiffres ne cessent de croître.
La seconde menace qui pèse sur Air France-KLM est constituée par les compagnies low cost. En termes de passagers-kilomètres transportés, Ryan Air nous a d'ores et déjà dépassés et Easy Jet devrait faire de même en 2012.
Air France est un très gros employeur, dont la masse salariale représente de 30 à 32 % des coûts d'exploitation. Si l'on compare avec KLM ou Lufthansa, on constate un différentiel de charges sociales considérable – alors même que les Pays-Bas ne constituent certainement pas un pays qui doit rougir de l'état de sa protection sociale : peut-être celle-ci est-elle même plus avantageuse, sur certains points, que la protection sociale française ! Mais elle est financée de manière totalement différente : si nous étions soumis au droit néerlandais, la partie « Air France » n'économiserait pas moins de 700 millions €. Si nous suivions le régime social allemand, nous économiserions 450 millions € – et 550 millions € selon le régime britannique, 650 millions € en Irlande, 450 millions € en Italie, 550 millions € en Espagne... Il s'agit là d'un simple constat que chacun peut effectuer mais qui s'avère particulièrement sensible au sein d'une entreprise à fort taux de main d'oeuvre. Le poids des charges sociales, extrêmement élevé dans notre pays, pénalise l'emploi.
Il faut y ajouter certaines taxes particulièrement lourdes en France et pratiquement nulles à l'étranger. En France, Air France paie 170 millions € de taxes sur la production et les salaires alors que KLM en paie environ 10 millions €. La comparaison établie par la Cour des comptes sur les taxes à la production montre que la France est assujettie à 24 milliards € de taxes, là où l'Allemagne n'en a pas.
Le financement de la protection sociale par des charges sociales et des taxes sur les salaires soulève de nombreux problèmes dans notre cas, puisque nous subissons un handicap concurrentiel très important. Le défi est d'autant plus difficile à supporter que le transport aérien a fait l'objet d'une libéralisation avant les autres services et que ce qui a été généralement refusé, c'est-à-dire la possibilité pour une entreprise de services opérant dans un autre pays de travailler aux conditions du pays d'origine, a été autorisé pour le secteur aérien. Ce principe s'applique depuis 1993-1995 et a été intensivement mis en oeuvre par les compagnies low cost. Ce sont des compagnies basées essentiellement au Royaume Uni ou en Irlande, qui opèrent des trajets comme Paris-Toulouse, Marseille-Nantes ou Marseille-Lille aux conditions du pays d'origine – avec quelques aménagements, certes, mais avec un avantage de coût considérable. Cette situation constitue une question majeure pour le maintien de notre activité, non seulement pour les courts et moyens courriers, mais également pour les longs courriers : nous sommes en open sky et un long courrier entre l'Europe et les États-Unis bénéficierait de cet avantage comparatif.
Nous avons renoué avec une certaine croissance, qui s'est traduite par des ouvertures de ligne : ainsi un vol direct Paris-Lima et un vol Paris-Phnom Penh via Bangkok. Dans tous les cas, les pays d'accueil sont enchantés de ces créations de ligne, le nom « France » est chaleureusement reçu et nous bénéficions de soutiens au plus haut niveau.
Notre activité internationale se développe également à un rythme soutenu. Le périmètre de l'alliance Sky Team ne cesse d'évoluer, puisque quatre compagnies aériennes chinoises l'ont rejointe et que leur participation renforce notre présence dans ce pays.
Pour résister aux compagnies low cost, nous venons de lancer le projet « Bases de province » qui fait aujourd'hui l'objet d'une consultation parmi les pilotes. Il s'agit, sur la base du volontariat, de proposer aux navigants de travailler différemment ; il est également envisagé de proposer au personnel au sol une activité beaucoup plus soutenue, évitant les périodes de « creux » que nous connaissons aujourd'hui faute de routes efficaces au plan économique. La nouvelle organisation serait très productive et décentralisée ; elle permettrait à certaines villes du Sud de la France de disposer d'une autonomie dans leur développement aérien : les avions, positionnés sur place, pourront tracer des routes qui n'auraient pas été concevables s'il avait été nécessaire auparavant de faire une liaison depuis Paris. Cela permettrait également à certains personnels navigants de prendre directement leur service sans avoir auparavant à se rendre dans la capitale. Ce projet concernera d'abord Marseille, en octobre 2011, Toulouse et Nice au printemps 2012, puis Bordeaux dans un format développé par notre filiale régionale.
Si nous finalisons ce projet, la baisse espérée de nos coûts unitaires de 15 % nous permettra d'ouvrir 54 nouvelles routes – soit 4 millions de passagers supplémentaires.
Plus généralement et pour conclure, nous sommes extrêmement sensibles à la conjoncture économique. Celle-ci présente des signes parfois inquiétants, notamment dans le domaine du cargo – un domaine qui a fait figure d'indicateur avancé des retournements économiques dans le passé et qui a aujourd'hui arrêté sa croissance. Il y a actuellement des excédents de capacité, notamment chez les transporteurs chinois, et nous espérons que ce déséquilibre ne s'étendra pas demain au transport de passagers.
La stratégie de renouvellement de la flotte du groupe – tant dans le segment des longs courriers que dans celui des courts et moyens courriers – a suscité quelque émoi ici ou là, notamment dans un contexte de non réciprocité avec l'industrie américaine. Quelles sont les données qui motivent le choix de tel ou tel avion, en l'espèce le B 787 ou l'A 350 ? La configuration des places n'est pas la même – 200 places pour le premier, 250 pour le second – et le groupe Air France-KLM privilégierait le Boeing sur cet appel d'offres, alors qu'il avait été affirmé auparavant qu'Air France serait la « compagnie de lancement » de l'A 350. Pourriez-vous nous expliquer ce qui guide aujourd'hui votre choix ?
Pendant longtemps, un des « amortisseurs financiers » du groupe a été constitué par une réplication tarifaire incomplète des fluctuations du cours du pétrole. Cette stratégie-là est-elle toujours gagnante et envisagez-vous de la faire évoluer à court ou moyen terme ?
Les alliances ont-elles une influence sur le choix des modèles de flotte, la maintenance et les motorisations n'étant pas nécessairement identiques ?
La réussite d'Air France-KLM s'appuie largement sur une logique de hubs, l'un à Paris-Charles de Gaulle et l'autre à Schiphol. S'agit-il là d'une stratégie que vous considérez comme durable, s'il s'agit de maximiser la circulation d'avions dans un espace-temps réduit ? Ne risque-t-on pas un encombrement à terme, par rapport à une stratégie de point-à-point ? Quelle lisibilité au plan international ?
Avions et aéroports sont synonymes de bruit et d'émissions de gaz à effet de serre. Habitant dans l'axe de l'approche Sud de Roissy, je peux attester d'améliorations réelles en termes de nuisances sonores. L'A 380 représente, de ce point de vue, un progrès tangible. Pour ce qui concerne les émissions de gaz, il faut reconnaître l'existence de pics journaliers d'émission et de concentration, en fonction des pointes d'activité du hub. Seriez-vous favorable, dans le cadre du marché européen des permis d'émission, à faire évoluer le dispositif afin que, dans la concurrence intra-européenne, les compagnies continentales soient placées sur un pied d'égalité avec leurs homologues étrangères ?
Vous avez dressé le portrait d'une compagnie en bonne santé, qui a traversé la crise mieux qu'on aurait pu le craindre. Mais l'évolution du coût du carburant demeure une épée de Damoclès. Quelles sont donc les perspectives en matière de fret, de transport de passagers ou de maintenance au regard de la nécessaire maîtrise des coûts ?
La question du renouvellement de la flotte long-courrier appelle des réponses. Dans le respect du secret commercial, où en êtes-vous des négociations avec Airbus et Boeing ? Il y a des différences techniques entre les appareils proposés : celles-ci occupent-elles une place importante dans les déterminants de votre décision ? Les calendriers de livraison envisagés concordent-ils avec les besoins du groupe ?
S'agissant des compagnies issues du Golfe persique, je crois qu'il y a là un vrai problème. La récente attribution de nouveaux créneaux est loin d'être indifférente. La France, à la différence de l'Allemagne ou d'autres pays, accorde ainsi des droits nouveaux sur des liaisons qu'elles partent de province ou de Paris – une rotation nouvelle par an pour chacun des deux opérateurs, d'après mes informations. Etihad est certes une jeune compagnie, mais sa flotte représente déjà les deux tiers de celle de KLM. On peut donc légitimement s'interroger sur le devenir de nos deux hubs, car les différences paraissent minimes lorsqu'un passager arrive d'un pays très éloigné. Vous avez dénoncé, sans prononcer le mot, la concurrence déloyale de ces compagnies et l'action des États qui les soutiennent : quelle stratégie commerciale envisagez-vous alors de mettre en place pour riposter de manière appropriée ?
Certains se sont interrogés, dans le cadre des débats sur la loi « Grand Paris », sur l'avenir des différentes plates-formes. Quelle est la stratégie du groupe Air France pour la desserte aérienne de la région capitale ? Quelle serait, en particulier, cette stratégie si l'on décidait de « relocaliser » l'aéroport d'Orly ?
Quel sera, par ailleurs, selon vous, l'impact de l'établissement de quatre nouvelles bases low cost à Marseille, Toulouse, Nice et Bordeaux ?
En ce qui concerne l'accident du vol AF447, nous ne connaissons pas encore les conclusions du BEA, mais quel est le retour actuel d'expérience de la compagnie ? Est-il exact, par ailleurs, que des A380 d'Air France auraient récemment été immobilisés en plusieurs endroits du globe ? Enfin, que pouvez-vous nous dire sur la taxe CO2 qui menace plusieurs aéroports et compagnies d'Europe ?
J'ai beaucoup apprécié votre exposé en ce qui concerne le débat BoeingAirbus. Qu'est ce qui peut guider le choix supérieur d'une société comme la vôtre ? Que pensez-vous, par ailleurs, au terme de plusieurs années de débat, de la « taxe Tobin » ?
180 députés de toutes les sensibilités ont exprimé leur attachement à une entreprise européenne d'exception, Airbus, qui a obtenu près de 80 % des commandes au Bourget, rencontre dans le monde un succès considérable et bénéficie d'une attention constante des pouvoirs publics nationaux et communautaires. Or, il apparaît que 70 % des longs courriers d'Air France sont des Boeing. Les parlementaires ne souhaitent pas que cette situation se renouvelle. Les Européens devraient ainsi acheter « européen, » comme le font les dirigeants de la Lufthansa ou d'Iberia. Certes, Air France est indépendante mais il n'y a pas aujourd'hui d'entreprise « hors sol ». Cette compagnie est aussi liée à notre histoire et cela a des conséquences importantes.
Je voudrais vous interroger sur la mise en place des quotas d'émission de CO2prévue par la Commission européenne à partir de 2012. La Commission a prévu un quota de 220 millions de tonnes à partir de 2012. Comment la compagnie Air France remplira-t-elle ses obligations à partir de 2013 ? En ce qui concerne le plan climat Air France, vous avez prévu l'objectif d'une croissance neutre en carbone à partir de 2020 et une réduction de 50 % des émissions de CO2par rapport à 2005 à l'horizon 2050. Vous prévoyez le recours à des biocarburants fabriqués à partir de déchets forestiers ; en avez-vous fait le « bilan carbone » ? Ces biocarburants sont-ils « durables » ?
Quelle est votre analyse du contenu de la proposition de loi de notre collègue Didier Gonzales sur la délocalisation de l'aéroport d'Orly ?
Enfin, pour les aéroports franciliens, il a été prévu un relèvement de 300 mètres de trajectoires des avions (de 900 mètres à 1200 mètres). Cette mesure aura-t-elle, selon vous, un impact sur les nuisances sonores ?
Les taxes sur les salaires sont-elles applicables au transport aérien ? Quelles sont, par ailleurs, les perspectives de développement, à court et moyen termes, du transport aérien, notamment pour le trafic passagers ?
Je souhaite vous interroger sur le développement du trafic domestique et la situation des aéroports de taille moyenne, comme celui de Pau, où Air France est en situation de monopole. Les tarifications que vous pratiquez dans de tels cas sont particulièrement élevées, ce qui ne facilite pas le développement des territoires, pour lesquels les aéroports sont pourtant indispensables.
Quelle a été l'incidence du « printemps arabe » sur le trafic aérien et comment la compagnie Air France a-t-elle géré cet événement ? Vous avez souligné, à juste titre, le développement de l'enregistrement par Internet, mais existe-t-il des dispositifs de réponse, lorsque se produisent des dysfonctionnements ?
L'avenir n'est pas rose… (sourires), du fait notamment du poids des charges qui pèsent sur la situation financière de votre compagnie et de la concurrence des compagnies du Moyen-Orient. Quelle est précisément votre stratégie pour lutter contre cette concurrence ? Il existe, par ailleurs, des marges de progrès dans les aéroports, au sol notamment au niveau de l'accueil des passagers ; c'est l'image de la compagnie qui est souvent en jeu. S'agissant du choix Airbus-Boeing, j'estime qu'il n'appartient pas à un député de s'immiscer dans la stratégie industrielle d'un groupe privé. Quel est enfin votre point de vue sur le contenu de la proposition de loi de M. Didier Gonzales sur la relocalisation d'un aéroport comme Orly qui accueille près de 25 millions de passagers par an ?
Le personnel au sol d'une filiale d'Air France, est actuellement en grève pour obtenir des revalorisations salariales ; ce mouvement entraîne des retards de maintenance préoccupants. Quel est l'état actuel des négociations avec les organisations syndicales ? Quel est, par ailleurs, l'état de la santé financière actuelle de Servair, filiale d'Air France, qui a connu des difficultés importantes en 2010 ?
Vous prévoyez d'ajouter deux avions sur les aéroports de Bordeaux, Marseille Nice et Toulouse et d'augmenter ainsi de 40 % la production en heures de vol de la flotte basée sur ces aéroports. Cette multiplication des transports aériens intérieurs ne pose-t-elle pas de graves problèmes en matière de bilan carbone, notamment dans les villes desservies par le TGV ?
Quelle est la politique d'Air France sur les lignes intérieures généralement sous-traitées à de petites compagnies comme Brittair ou Regional Airlines ? Ces compagnies ont-elles un avenir à l'heure de la concurrence des lignes à grande vitesse ? Quel est l'impact sur le réseau des petits aéroports ?
Comment appréhendez-vous l'articulation entre l'aérien et le ferroviaire, notamment avec les TGV ? Que pensez-vous de l'instauration d'un couvre-feu sur les aéroports européens pour éviter les distorsions de concurrence ?
Je partagerais volontiers le point de vue d'Yves Albarello sur l'impossibilité, pour un député, de s'immiscer dans la gestion d'une entreprise privée, si je n'observais pas, qu'aux États-Unis, de multiples mesures sont prises dans le secteur aérien, pour protéger le marché américain. Quelle est votre analyse de l'éventuelle mise en place d'un troisième aéroport en Île-de-France ? Quel dialogue avez-vous enfin avec ADP pour faire en sorte que la récupération des bagages ne nécessite pas 50 minutes ou une heure ?
Où se situe Air France dans les classements établis au plan international en matière de sécurité ?
Je suis impressionné par la précision des questions des membres de la commission, qui montrent non seulement qu'ils connaissent parfaitement le secteur aérien, mais également qu'ils considèrent l'avion comme un moyen de transport très important pour notre collectivité nationale.
Tout d'abord, je souhaite traiter le sujet qui est le plus d'actualité, celui du prochain renouvellement de la flotte. Il constitue également la motivation indirecte de mon audition aujourd'hui. Il s'agit d'un sujet complexe, qui comporte beaucoup d'aspects non visibles de l'extérieur sauf si la question est véritablement creusée et si on connaît bien la problématique du groupe Air France-KLM.
Nous souhaitons renouveler de 70 à 80 appareils parmi les plus anciens par de nouveaux avions. Pour être précis, en ce qui concerne KLM, dont la flotte est la plus ancienne, les appareils entrants auront pour fonction de remplacer les McDonnell Douglas 11, vieux de vingt ans et un peu plus, et les Boeing 747 « Combi », plus âgés encore, qui avaient la particularité d'avoir le pont passagers coupé en deux afin de ménager un espace dévolu aux activités de cargo. Pour Air France, il s'agit de trouver des successeurs aux Airbus A 340, livrés dans les années 1990, aux Boeing 777-200, qui ont rejoint la flotte en 1997, ainsi qu'aux A 330-200, en service à partir de 2001.
Les deux constructeurs, Boeing et Airbus, ont parallèlement présenté chacun leur nouveau modèle, le premier, avec le Boeing 787 précédant d'ailleurs le second avec l'A 350, fruit d'une forte demande des compagnies aériennes de tous horizons qui a décidé Airbus à se lancer dans la compétition, alors même que le programme A 380 était en cours. Les deux appareils représentent un saut technologique considérable, tant par leur motorisation que, surtout, par leur cellule, et utilisent très largement des matériaux composite. On a pu parler à leur sujet « d'avions plastique », bien que l'expression « avions composite » serait plus justifiée. En nombre de places, ils offrent des capacités complémentaires, la différence étant de l'ordre de 10 à 15 %.
Force est de constater que ces deux constructeurs, sous la pression des clients, des commerciaux et d'un certain enthousiasme, ont surestimé leurs capacités à livrer leurs commandes en temps et en heure. Le Boeing 787 a connu de réelles difficultés et est très en retard. L'A 350 a existé dans plusieurs versions successives, dont la première constituait une amélioration de l'A 330. Lorsque nous avons été pour la première fois sollicités commercialement pour ces nouveaux modèles, - et il s'agit peut-être de la seule conséquence heureuse de la crise économique -, la demande émanant des compagnies européennes et américaines s'est infléchie, et l'essentiel des commandes provenait des compagnies représentant le Golfe persique, l'Amérique latine et l'Asie, principalement sur des avions moyens courriers. Les besoins de déplacement intra-asiatiques, ou au sein du continent sud-américain, peuvent, avec des vols de quelques heures seulement, être quasi-intégralement satisfaits par des A 320 ou des Boeing 737. Cette demande n'apparaît que comme le corollaire des progrès de la mondialisation par laquelle les besoins d'échange connaissent un accroissement sans précédent. N'oublions que notre capacité de croissance se trouve entre autres sur ces marchés en fort développement.
Devant procéder au renouvellement d'une partie de leur flotte, Air France et KLM ont groupé leurs commandes pour peser face à deux constructeurs uniques en faveur desquels le rapport des forces joue favorablement, leur capacité de production s'élevant à des centaines, voire à des milliers d'avions, alors que la capacité d'achat d'une compagnie aérienne se chiffre seulement en dizaines. Je rappelle que, si la part du groupe Air France - KLM est de 13 % des sièges longs courriers entre l'Europe et le reste du monde, elle est par exemple quasiment nulle dans le trafic intra-asiatique, entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, ou entre l'Amérique et le Pacifique ! Les deux compagnies restent donc petites face à deux constructeurs : faire jouer la concurrence paraît essentiel. Si nous ne battons pas avec la dernière énergie, nous n'obtiendrons pas les meilleurs prix.
Une contrainte supplémentaire vient de la motorisation : si Boeing offre le choix entre un moteur Rolls-Royce et un moteur General Electric, Airbus a, malheureusement pour nous car il est toujours préférable d'avoir le choix, pris le parti sur l'A 350 d'un moteur unique, fabriqué par Rolls-Royce, le Trent XWB.
La question du prix n'est pas indifférente : les compagnies aériennes ne sont pas très profitables sur le long terme, au fil des crises successives du transport aérien, alors que les constructeurs aéronautiques le sont. Il suffit d'observer les résultats depuis quelques années de Boeing, d'Airbus et d'EADS. Le risque existe bien pour des compagnies aériennes de n'avoir d'autres choix que d'acquérir les appareils dont elles ont besoin au « prix fort ». C'est pour cette raison que nous avons souhaité mettre fortement en concurrence Boeing et Airbus.
Je ne vous cacherais pas que, pour faire jouer cette concurrence, le contexte médiatique a constitué un élément d'inconfort… Je ne suivrai pas les recommandations qui ont été faites par M. Bernard Carayon dans son souhait de voir les Européens acheter « européen », comme les Américains achètent « américain ». Suivre cette logique reviendrait à demander à la compagnie US Air de se défaire de ses avions Airbus, à Delta Airlines de faire de même et de renoncer à commander des A 350 si des parlementaires américains lui demandaient de se fournir exclusivement chez Boeing. De même, l'exemple d'United Airlines, qui a choisi de commander à la fois des Boeing 787 et des Airbus A 350, me paraît dicté uniquement par ses besoins. D'autres grandes compagnies internationales, comme Aeroflot, Qatar Airways ou Singapour Airlines, lui ont emboîté le pas.
Il s'agit pour notre groupe, je viens de m'en expliquer, d'obtenir des prix, mais surtout des avions. En tant que citoyen français et européen, je suis très fier du succès industriel d'Airbus. Mais en tant que responsable d'une compagnie aérienne, je ne peux que constater que l'A 350 n'existe encore qu'à l'état de maquette, mais pas de prototype, et que son premier vol n'aura lieu que dans deux ans. Cet avion a pourtant d'ores et déjà fait l'objet de 600 commandes fermes, et celle que nous sommes susceptibles de passer portera, en étirant les délais au maximum, sur quelques dizaines tout au plus. Et quand nous demandons à quel moment auront lieu les livraisons, Airbus, tout comme Boeing d'ailleurs, nous font valoir que les commandes déjà passées seront servies prioritairement, et que les autres devront patienter dans la file d'attente.
Le premier vol du Boeing 787 devrait avoir lieu en 2013, même s'il est vrai qu'une version plus petite, le 787-8, existe déjà. Pour être honnête, cette version connaît quelques aléas. Nous nous trouvons donc en présence de deux programmes qui n'ont jamais volé et qu'il faudra attendre six ou sept ans ! Se pose donc avec acuité la question des délais de livraison : Boeing ne devrait être en mesure de livrer ses premiers appareils que fin 2015, début 2016, et Airbus qu'en 2017, pour un faible nombre d'appareils, peut-être deux, et plus vraisemblablement début 2018. Pour quelle raison, me direz-vous, avez-vous attendu pour passer commande ? La réponse tient en deux mots : la crise. Les difficultés que nous avons traversées et notre niveau d'endettement parlent d'eux-mêmes.
Nous avons pris la décision de retarder la commande de dix Boeing 777 destinés à Air France, sans retarder celle des A 380, et ce pour des raisons non de préférence nationale mais uniquement pour des questions liées à nos besoins en termes de passagers. Il nous est apparu que les 747 anciens pouvaient voir leur exploitation prolongée jusqu'en 2016. J'ajoute, à l'adresse de ceux qui, comme M. Carayon, critiquent la composition actuelle de notre flotte de longs courriers, que nous n'avions pas d'autre choix que d'opter pour Boeing, Lockheed, ou McDonnell Douglas, Airbus ne disposant pas à cette époque de modèle long courrier en catalogue.
Lorsque nous avons envisagé de passer commande de nouveaux appareils auprès de Boeing et d'Airbus, en 2005-2006-2007, nous pensions recevoir les premiers avions Boeing en 2012 et Airbus en 2013, et avoir ainsi un peu de temps pour conclure ces achats. Or, plusieurs autres difficultés les ont rendu difficiles à concrétiser, outre la crise que j'ai évoquée : les difficultés considérables de Boeing ainsi que celles d'Airbus liées au programme A 380.
En résumé, nous sommes confrontés à des problèmes de calendrier - car si les constructeurs pouvaient nous livrer leurs avions plus tôt, nous les intègrerions plus tôt à notre flotte -, de taille différente des deux modèles, de longueur du rayon d'action, de leur adaptation respective au réseau ainsi qu'à la stratégie de notre groupe en matière de maintenance. Nous allons étirer au maximum la durée de vie des aéronefs les plus anciens des flottes d'Air France et de KLM. L'un des avantages de cette option serait de permettre, en prolongeant la durée d'exploitation des 747-400 d'Air France, d'éviter de faire la jonction en achetant des avions de la même taille comme les 777-300, pour faire le pont avec les nouveaux avions d'Airbus.
Nous avons également une logique de mainteneur : vous le savez, cette activité représente 15 000 emplois, dont 8 500 en France. Cette activité a besoin pour son développement rapide, de proposer ses services à des compagnies autres que celles du groupe Air France – KLM, ce qui représente un tiers de son activité. Il s'agit bien d'exportations de services. Nous traversons à ce sujet une période assez difficile, dans notre relation avec le motoriste Rolls-Royce, car, s'il a accepté que nous assurions la maintenance sur les moteurs de notre flotte, il n'apprécie pas que nous puissions opérer de même pour d'autres compagnies, estimant que cette activité fait partie de son business model. Je reste persuadé que nous trouverons un terrain d'entente, en dépit du fait qu'à l'heure actuelle, les négociations traversent une période de tensions, avec cet inconvénient que je rappelais tout à l'heure que sur l'A 350, le moteur est imposé.
En conclusion, je dirais qu'en raison de besoins très différents en matière de calendrier et de taille d'avions, et pour tenir compte des risques possibles, nous allons nous orienter vers une commande mixte, dont le contenu exact ne sera dévoilé qu'après la prochaine réunion du conseil d'administration, à qui revient de prendre la décision finale. Ce dernier exercera une vigilance particulière à l'égard des prix des appareils, et veillera à ce qu'en aucune manière nous ne soyons considérés par l'un ou l'autre des constructeurs comme une clientèle captive, car, dans ce cas, nos coûts et nos tarifs seraient impactés.
Dernière remarque : vous savez qu'un décompte d'aéronefs reste la chose la plus difficile à réaliser pour une compagnie aérienne. Je voudrais battre en brèche une idée reçue : Air France n'a jamais par le passé privilégié Boeing par rapport à Airbus. Après avoir commandé des 747 au temps où, je l'ai dit, Airbus ne proposait pas de modèle long-courrier, nous avons été clients de lancement de l'A 340, de l'A 330-200, de l'A 380, que nous avons été les premiers à mettre en service en Europe, et de l'A 318.
Il ne faut pas considérer le moyen courrier comme de la « petite monnaie ». J'ai d'ailleurs été l'artisan par le passé, à partir de 1997, d'une uniformisation de la flotte de moyens courriers, qui repose désormais sur des modèles Airbus, l'A 318, l'A 319, l'A 320 alors qu'auparavant elle était mixte puisque composée d'A 320, d'A 319, de Boeing 737 et aussi de Fokker 100. L'A 318, dont la capacité est de 130 places - alors que l'A 321 en compte 210 - inaugure d'ailleurs le nouveau concept « d'avion-élastique », avec divers modules. On peut imaginer qu'un équipage arrivant en heure de pointe à Toulouse à bord d'un A 321, puisse, après son repos, embarquer le lendemain, en période creuse, à bord d'un A 318. L'équipage technique, comme les moteurs, pourront passer sans inconvénient de l'un à l'autre appareil. Nous sommes, à ma connaissance, la seule compagnie disposant d'une flotte de moyens courriers aussi homogène. Le seul inconvénient de ce choix, dont je reconnais qu'il n'est pas négligeable, réside dans le coût de toute modification demandée au constructeur qui sait que la structure d'une flotte ne se modifie pas du jour au lendemain. Nous nous trouvons à cet égard en meilleure position s'agissant des longs courriers.
Nous l'avons découvert lors de la fusion, KLM méritait, elle, pour le coup, le qualificatif de « compagnie Boeing ». À la suite des discussions que nous avons eues à ce moment-là, KLM a décidé de faire l'acquisition d'une dizaine d'A 330, imitant en cela la compagnie Northwest Airlines, qui avait décidé de procéder dans le même temps à une acquisition de même nature. Lorsqu'Airbus a réussi donc à vendre à KLM une dizaine d' A 330, les responsables de l'époque de l'avionneur européen ont estimé à juste titre qu'il s'agissait d'une victoire commerciale très importante. Une décision de KLM, compagnie réputée pour son sérieux, donnait une orientation au marché. Airbus attache une réelle importance à ce que cette expérience ne constitue pas une exception, et qu'elle soit poursuivie, dans cette entreprise de tradition orientée, je l'ai dit, vers des avions Boeing, grâce à l'A 350. Nous verrons ce qu'il en est à l'issue de nos travaux sur la commande à venir.
Nous nous trouvons donc dans une situation inédite de demande très forte pour deux avions qui n'ont jamais volé, dans un contexte de tension si forte sur la demande qu'il faudra attendre six ou sept ans avant les premières livraisons. Même les compagnies en difficulté financière, comme American Airlines, doivent envisager le renouvellement de leur flotte, et cela représente une commande 250 avions moyens courriers. Pendant la seule semaine du salon du Bourget, Airbus a vendu 700 A 320 Neo et quelques longs courriers A 350. Chacun aura remarqué que le constructeur européen a enregistré des résultats commerciaux bien supérieurs à ceux de son concurrent nord-américain. Ce succès est extraordinaire, et, comme je l'indiquais, je m'en réjouis en tant que citoyen.
En conclusion, je dirais que nous choisirons les avions dont nous avons besoin, qui nous plaisent, dont les performances techniques sont bonnes, et bien sûr au meilleur prix.
En ce qui concerne les préoccupations relatives à la sécurité qui ont été évoquées par deux fois, elles tiennent évidemment une place fondamentale aux yeux de la compagnie. Le BEA achève actuellement son étude de l'accident du vol qui reliait Rio de Janeiro à Paris, son rapport final nous indiquera les dernières pistes d'amélioration à suivre. D'ores et déjà, nous savons que plusieurs éléments expliquent la catastrophe : aucun n'a été décisif, mais leur enchaînement s'est révélé fatal. C'est d'ailleurs souvent ce scénario qui se produit, car il est plus facile de prévenir les dysfonctionnements uniques que leur combinaison. Tous les acteurs de la filière aéronautique s'emploieront – et s'emploient déjà – à rendre hautement improbable une redite de l'histoire. Beaucoup de modifications ont déjà été apportées à partir de ce que l'accident nous a enseignés. Nous avons beaucoup appris. Les passagers peuvent être rassurés.
Air France s'est lancée dans une vaste recherche des meilleures pratiques mises en oeuvre pour garantir la sécurité. Nous cherchons dans tous les pays et sur tous les segments. Ainsi, la méthodologie LOSA prévoit la présence d'un observateur dans le cockpit. Nous y associons les navigants à travers des assises qui se tiennent plusieurs fois par an.
La compagnie est tout à fait consciente des impératifs qui découlent de la lutte contre le changement climatique. Elle soutient le système européen de quotas d'émission de gaz à effet de serre, car le fonctionnement du marché apparaît plus acceptable qu'une taxe qui frapperait l'activité. En réalité, l'obligation d'acheter aux enchères 15 % de nos quotas – et bientôt davantage – s'apparente à nos yeux à un mécanisme de taxation. L'ambition de l'Union européenne d'assujettir au mécanisme tous les appareils qui transitent par un aéroport européen risque de nuire à la compétitivité de nos hubs. Les opérateurs américains s'y opposent ; ils ont introduit un recours auprès de la Cour de Justice. La Chine interdit à ses compagnies de prendre langue avec Airbus tant que le projet n'est pas abandonné. Cette situation n'est pas satisfaisante.
Louis Gallois a proposé de limiter l'assujettissement aux vols intracontinentaux et de reconduire la démarche qui a fait ses preuves dans la réduction des émissions de bruit : l'édiction de normes drastiques de valeur internationale. Ce fut un succès historique. L'aéroport Charles-de-Gaulle est deux fois plus actif que vingt ans auparavant, mais le bruit qu'il occasionne a diminué. Un A 380 est cinq fois plus silencieux qu'un 747-200 alors même qu'il transporte plus de passagers. Suivant la même logique, nous pourrions définir des normes environnementales pour les nouveaux aéronefs qui seraient ensuite étendues aux flottes existantes. C'est le meilleur moyen de provoquer le saut technologique qui nous fait défaut dans la gamme des moyen-courriers, où l'A 320 a très peu évolué depuis la fin des années 1980.
Comme je parlais de la lutte contre les nuisances sonores, je profite de l'occasion pour rappeler qu'Air France respecte un couvre-feu nocturne pour éviter de gêner les riverains. Nous entendons parfois des récriminations qui nous sont adressées alors que d'autres opérateurs en sont responsables.
En ce qui concerne l'avenir d'Orly, ma réponse est évidente : déplacer l'aéroport serait un drame, car déplacer signifierait fermer sans perspective de nouvelle installation. Le feuilleton du troisième aéroport parisien, qui s'est étalé tout au long des années 1990, nous a montré quelles réactions nous pouvions attendre de la part des riverains quand bien même les terrains seraient idéaux. Plus personne n'est disposé à accepter un aéroport dans son voisinage en Europe. D'ailleurs, aucune nouvelle structure n'est prévue chez nos voisins.
Par conséquent, il convient d'utiliser au maximum les infrastructures actuelles. Le programme européen SESAR permettra une continuité des descentes. Très coûteux mais efficace, il permettra de connaître à 10 secondes près l'heure d'atterrissage à partir du moment où l'appareil entame sa descente. On sait aussi qu'il est possible de voler à plus haute altitude et de descendre plus tardivement.
Par conséquent, pour Air France, il faut garder Orly, qui est un bon aéroport, même s'il n'offre que 250 000 créneaux.
Le projet « Bases de province » fait souvent l'objet de critiques qui prônent le transport ferroviaire de préférence à l'aérien. Je veux éviter les confusions. Il ne s'agit pas d'accroître les vols intérieurs, sinon de renommer des liaisons qui existent déjà et qui sont aujourd'hui à la charge de Régional ou de Brit Air – ce qui nous permettra, au passage, de mieux concurrencer Ryan Air et ses deux lignes opérées aux conditions irlandaises. Mais il n'y a pas de TGV entre Nantes et Marseille, et seul l'avion permet un aller-retour dans la journée entre Marseille et Lille dans de bonnes conditions. Les bases de provinces offriront des vols au départ de Marseille à destination de l'Espagne, de la Grèce ou de la Turquie : ce seront des lignes nouvelles, qui ne sont pas substituables au train.
Pour terminer, j'aimerais rappeler notre stratégie pour résister à une concurrence toujours plus rude. Il y a notre politique en direction de la province ; il y a notre stratégie en faveur du secteur moyen-courrier ; il y a notre alliance avec la Chine et les États-unis aujourd'hui, l'Inde et l'Amérique latine demain ; il y a, enfin, notre projet Embark pour remettre le client au centre de notre dispositif, pour répondre à ses attentes et pour lui faire réaliser que notre qualité de service nous distingue de nos concurrents plus sûrement que leur politique tarifaire. C'est un véritable besoin, c'est aussi la base de toute activité commerciale.
Je vous remercie de la clarté de vos propos et j'excuse nos collègues qui ont été appelés à se rendre en séance publique pour prendre part à des scrutins. Je me réjouis des réponses fouillées que vous avez apportées sur la flotte et sur le déploiement territorial. Comme la commission du développement durable est aussi celle de l'aménagement du territoire, je suis sûr que nous sommes destinés à nous revoir très prochainement.
C'est certain, car Air France est particulièrement sensible à l'accessibilité du transport aérien sur les territoires. Nous pensons que le système des hubs constitue le meilleur moyen de desservir toutes les destinations dans les délais les plus raisonnables. Pour les villes de province, la concentration des connexions offre une gamme importante à des tarifs attractifs. Au contraire, la persistance de vols long-courrier disséminés sur tout le territoire national interdit les économies d'échelle, sans parler des émissions induites de gaz à effet de serre.
C'était une précision importante. Je vous remercie d'avoir favorablement répondu à l'invitation de la commission du développement durable.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 5 juillet 2011 à 17 heures
Présents. - M. Yves Albarello, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Paul Durieu, M. Daniel Fidelin, M. Jean-Claude Fruteau, M. Alain Gest, M. Daniel Goldberg, M. François-Michel Gonnot, M. Didier Gonzales, M. Serge Grouard, M. Pierre Lang, M. Jean Lassalle, M. Jacques Le Nay, Mme Christine Marin, M. Gérard Menuel, M. Philippe Meunier, M. Bertrand Pancher, M. Yanick Paternotte, Mme Marie-Line Reynaud
Excusés. - M. Jérôme Bignon, M. Christophe Bouillon, M. Frédéric Cuvillier, M. Stéphane Demilly, M. André Flajolet, M. Michel Havard, M. Thierry Lazaro
Assistaient également à la réunion. - M. Bernard Carayon, Mme Sophie Delong, M. Franck Gilard, Mme Martine Lignières-Cassou