COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 22 juin 2011
La séance est ouverte à 11 heures quinze.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
À la suite de l'audition du Premier président de la Cour des comptes, je vous propose d'autoriser la publication du rapport d'information de M. Yves Bur sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2012.
La Commission autorise le dépôt du rapport d'information sur le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques en vue de sa publication.
Nous abordons maintenant l'examen du rapport de la mission d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance. Je vais naturellement donner la parole à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la mission, puis je la donnerai à M. Gérard Bapt, son président.
Mes chers collègues, la mission d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance que vous avez créée le 12 janvier dernier a donc achevé ses travaux, après plus de cinq mois de travail. Ce rapport est intitulé « Mediator : comprendre pour réagir ». Il a été adopté lors de la réunion de la mission du 15 juin dernier, à l'unanimité, moins une abstention.
Le rapport s'est efforcé d'éviter deux écueils.
Le premier aurait consisté à refaire l'analyse historique effectuée par l'Inspection générale des affaires sociales en janvier dernier. Plutôt que de risquer la redite, nous avons préféré faire référence aux faits qui ont marqué l'histoire du benfluorex, lorsqu'ils illustraient la nécessité de réformer le système de santé sur un point particulier. Mais nous avons annexé une chronologie relatant les trente-trois années de vie du Mediator, tant en France qu'à l'étranger, pour rassembler tous les éléments dans un document synthétique.
Le deuxième écueil aurait été de prendre parti dans les débats qui ne regardent qu'indirectement la réforme du système du médicament. Tout en rappelant les discussions contradictoires portant sur le nombre de victimes – sachant que toute victime est évidemment une victime de trop – ou celles relatives à la nature exacte de la molécule, la mission s'est donc gardée d'adopter une position tranchée sur ces points. De la même manière, il ne lui appartenait pas de se substituer à la justice pour déterminer l'étendue des responsabilités des Laboratoires Servier ou l'implication exacte de tel ou tel individu. La justice a été saisie et des experts scientifiques, particulièrement en toxicologie, ont été nommés.
Au total, on n'attendait de la mission ni un rapport bis de l'Inspection générale des affaires sociales ni une étude de chimie ni un réquisitoire. On pouvait en revanche exiger de sa part une juste compréhension des causes du drame du Mediator dans le but de définir ensemble les réformes indispensables. Ce rapport se veut donc un rapport, non de condamnation, mais de proposition.
Il n'invite en aucune manière, comme d'aucuns s'y sont essayés avec des formules à l'emporte-pièce, à un bouleversement du système issu des lois de 1993 et 1998, ayant créé l'Agence du médicament, puis l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Ce serait en effet une erreur que d'imputer au dispositif actuel l'ensemble des défaillances dont a profité le benfluorex, commercialisé en 1976, pour se maintenir sur le marché pendant trente-trois ans. Une analyse juste du drame du Mediator doit se garder de tout anachronisme. Il ne s'agit pas de passer par pertes et profits tous les progrès qui ont marqué la décennie des années 90 lorsqu'on est passé du système exsangue de la Direction de la pharmacie et du médicament au système des agences. En 1998, le Mediator se trouvait déjà sur le marché, dans les pharmacies françaises, depuis vingt-deux ans !
Quelques ajustements institutionnels paraissent certes nécessaires. La mission propose de mettre en place, au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, une commission plénière, composée pour moitié d'experts issus de la commission d'autorisation de mise sur le marché et pour l'autre de la commission de pharmacovigilance, qui serait chargée d'évaluer la balance bénéficesrisques des principaux médicaments.
Le rapport suggère de confier au collège de la Haute Autorité de santé, dans le cadre de sa mission médico-économique, les tâches actuellement dévolues à la commission de la transparence en matière de service médical rendu ou d'amélioration du service médical rendu, la commission de la transparence étant appelée à émettre seulement des avis circonstanciés.
Surtout, le rapport souhaite montrer qu'il est impératif de changer les façons de travailler des autorités sanitaires, en y introduisant plus de transparence par le biais de déclarations bilatérales et détaillées, mais aussi plus de collégialité et plus de coordination. À ce sujet, la mission propose de mettre en place, à la manière anglo-saxonne ou américaine, une véritable « task force », une réunion régulière rassemblant le directeur général de la santé, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, celui de l'Institut national de veille sanitaire, un représentant des caisses d'assurance maladie, un membre du cabinet du ministre et les présidents des commissions d'autorisation de mise sur le marché, de pharmacovigilance et de la transparence. Cette réunion aurait pour objet de veiller aux échanges d'information sur la sécurité des médicaments et d'apprécier l'opportunité de saisir le ministre d'une question. Il n'est en effet pas normal que le politique soit tenu dans l'ignorance des sujets les plus sensibles concernant le médicament, et ne soit appelé que lorsque la crise a éclaté.
Il convient aussi de développer les moyens d'action des autorités de santé qui ne doivent pas hésiter, par exemple, à se servir de l'outil du remboursement pour influer sur la prescription de certains produits surtout lorsqu'ils ont été autorisés par l'échelon européen. Le développement des moyens d'action passe aussi par un renforcement de la représentation française à cet échelon, donc à l'Agence européenne du médicament. Tout ceci fait l'objet de la première partie du rapport.
La deuxième partie traite de la mise sur le marché des médicaments, en trois points : la pré-autorisation de mise sur le marché, la post-autorisation de mise sur le marché et le hors-autorisation de mise sur le marché. Elle insiste sur la nécessité d'une réévaluation, réactive et régulière, de la balance bénéficesrisques de l'ensemble de la pharmacopée.
Dans un troisième temps, le rapport aborde la pharmacovigilance. Il souligne la pertinence du dispositif des centres régionaux actuels, mais aussi la nécessité de développer de nouveaux outils tels que les études de cohorte ou les études épidémiologiques.
La quatrième partie enfin s'intéresse aux moyens de redonner confiance en notre système de santé. Le rapport souligne l'urgence de renforcer la formation des professionnels en matière de pharmacologie, de pharmacoépidémiologie et de pharmacovigilance, dans le cadre de leurs études mais également au cours de leur carrière. Il formule également un certain nombre de propositions en matière d'information du public et d'indemnisation des victimes d'accidents médicamenteux.
Comme vous le savez, deux contributions intéressantes au sujet du médicament viennent d'être rendues publiques : un rapport de l'Académie nationale de médecine et un second rapport de l'Inspection générale des affaires sociales ce matin même. Ces deux documents sont riches de propositions.
S'agissant plus particulièrement du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, j'en partage largement les conclusions, par exemple sur la prise en compte du critère de la valeur ajoutée thérapeutique dans la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché ou encore sur la publicité conférée à toutes les données des essais cliniques. Cela fait partie aussi de nos recommandations.
En revanche, j'émettrai des réserves sur un nombre limité de points. Je ne suis pas convaincu par la suggestion de supprimer la visite médicale et de la remplacer par un organisme public d'information. Elle me semble conserver une utilité, à côté d'autres moyens d'information, dès lors qu'elle est strictement encadrée et accompagnée d'efforts en matière de formation. Je ne suis pas sûr, en outre, de la constitutionnalité d'une telle mesure de suppression dès l'instant où on touche à un domaine commercial où la concurrence n'est pas simplement française.
Je n'adhère pas non plus à la proposition d'implanter les centres régionaux de pharmacovigilance dans les agences régionales de santé. Les uns et les autres ne font pas le même métier. En revanche, on peut parfaitement imaginer de développer les échanges d'information entre les centres régionaux de pharmacovigilance et les cellules de veille sanitaire qui sont présentes dans les agences régionales de santé. Ceci rejoint ma préoccupation d'éviter tout cloisonnement des acteurs du système de santé.
Pour conclure, je tiens à souligner que le rapport de la mission a été le fruit d'un travail collectif.
Tout d'abord, les membres de la mission, tous groupes confondus, ont fait preuve d'une grande fidélité au cours des auditions, lesquelles – je le rappelle – sont consultables, en vidéo, sur le site de l'Assemblée nationale. En multipliant les questions souvent incisives, ils ont permis à nos invités de rappeler leurs souvenirs, d'expliquer leurs décisions ou leur indécision et d'exprimer leur point de vue.
Ensuite, je n'ai pas hésité à faire miennes les propositions qui me semblaient justes, qu'elles viennent de nos invités, du ministre, de rapports précédents tels celui de Mme Catherine Lemorton au nom de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (n° 848) ou encore de plusieurs membres de la mission sur le Mediator.
En ma qualité de rapporteur, j'ai aussi tenu à faire figurer dans le rapport plusieurs observations du président de la mission, M. Gérard Bapt. Pour ne citer qu'un exemple, j'ai ajouté, à sa demande, une suggestion concernant la mise en place de centres interrégionaux de pharmacovigilance.
Au cours de notre réunion du 15 juin, nous avons aussi décidé d'un commun accord d'opérer plusieurs ajouts. Nous avons complété la liste des propositions. Le besoin de conforter le rôle des délégués de l'assurance maladie a été mentionné, de même que la nécessité de prévoir des sanctions à l'appui des règles encadrant la publicité des liens d'intérêt. Nous avons aussi évoqué l'octroi aux associations représentatives de patients de la faculté de demander en justice réparation au nom de leurs mandants.
Enfin, naturellement, chaque groupe politique a pu rédiger une contribution ; celles qui ont été transmises figurent à la fin du rapport. Certaines bien entendu font part d'approches différentes, d'autres, comme celle que j'ai reçue du groupe SRC, paraissent à mon sens peu compréhensibles au regard du vote favorable au rapport qui a été émis lors de la dernière réunion de la mission.
Si, bien entendu, ce rapport ne prétend pas à l'exhaustivité totale, pas plus qu'il ne réclame une adhésion sans réserve, il a l'ambition d'apporter simplement une pierre utile à la rénovation du système de santé. Il me semble que nous devrions pouvoir nous retrouver sur l'essentiel des propositions de la mission et surtout sur le changement d'état d'esprit auquel il invite.
En conclusion, je souhaite remercier à nouveau les membres de la mission pour leur travail alors que les auditions pouvaient être particulièrement techniques.
Je tiens tout d'abord à remercier moi aussi mes collègues pour leur travail d'écoute et leurs questions lors de nos auditions. Je souhaiterais prolonger les propos du rapporteur relatifs à la transparence de nos auditions pour regretter que nous n'ayons pas pu disposer de comptes rendus écrits. Il a été pénalisant de ne pouvoir disposer de comptes rendus écrits. Même si nous étions dans le cadre d'une mission d'information et non d'une commission d'enquête, il aurait été souhaitable de disposer de comptes rendus en raison de l'importance majeure de ce drame sanitaire et de l'émotion suscitée.
Je souhaiterais rendre hommage au travail et au livre du docteur Irène Frachon. Sans elle, il est probable que nous n'aurions pas réalisé ce travail et que nous ne serions pas dans la nécessité de réformer par voie législative notre système de sécurité sanitaire.
Monsieur le rapporteur, vous avez trouvé la contribution du groupe SRC surprenante. Le rapport vous appartient, mais permettez-moi de le trouver un petit peu tiède et en retrait. Nous avons commencé nos travaux à partir du premier rapport de l'Inspection générale des affaires sociales qui pointait clairement la responsabilité des Laboratoires Servier. Le débat scientifique qu'il faudra avoir devant la justice a déjà été réglé, me semble-t-il, par les documents qui figurent dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales. Ensuite, nous avons écouté des experts qui ont tous affirmé qu'il était évident que la molécule du benfluorex appartenait à la famille des fenfluramines et des amphétamines.
Les propositions qui sont faites doivent maintenant être confrontées à celles du Sénat, aux conclusions des Assises du médicament et au rapport de Mme Catherine Lemorton, resté en grande partie lettre morte jusqu'à présent.
Je voudrais insister sur un point qui me tient à coeur : la possibilité d'aller enfin vers des actions de groupe à la française, diligentées par les associations représentatives. Les victimes confrontées à la puissance des firmes pharmaceutiques n'ont en effet souvent ni les moyens financiers ni la force physique ou psychique pour obtenir réparation.
Vous avez bien voulu mettre en exergue les délégués de l'assurance maladie qui délivrent une information scientifique sur les médicaments aux médecins prescripteurs. Il convient de les différencier des visiteurs médicaux qui se livrent à la promotion des produits.
Le rapport plaide pour un changement profond de culture. Permettez-moi d'exprimer cependant mes craintes. Malgré les changements intervenus à la direction de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, la composition de sa commission d'autorisation de mise sur le marché est restée inchangée. La façon dont on a travaillé en plein conflit d'intérêt dans cette commission n'a donc pas été sanctionnée. Le fait que des experts aient pu travailler au sein de la commission alors que leurs épouses travaillaient dans les laboratoires concernés par les produits en cause n'a pas non plus été sanctionné.
Le Laboratoire Takeda, profitant du retrait d'un antibiotique dangereux, l'Avandia, du Laboratoire GSK, a instauré des primes d'intéressement à l'intention de ses visiteurs médicaux pour encourager la vente de l'Actos alors qu'il était en cours de réévaluation par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé en raison des surrisques de cancer de la vessie liés à son utilisation : il reste donc beaucoup à faire en matière de changement de culture. Quand on voit de la même façon que la directrice de la communication des Laboratoires Servier est membre du Conseil d'analyse de la société du Premier ministre, je me dis là aussi qu'il faudra que des changements importants interviennent.
Je suis sensible néanmoins, monsieur le rapporteur, à votre souhait de vouloir travailler sur l'élargissement des procédures d'indemnisation des victimes de l'aléa thérapeutique en général. Je regrette que les victimes de l'Isoméride et de la fenfluramine n'aient pas été traitées comme les victimes du Mediator. En cet instant, je pense à toutes ces associations qui se battent pour faire reconnaître la causalité d'une molécule dans leur affection.
Je souhaite que le travail législatif permette donc de passer d'une dimension d'imputation à celle d'implication.
Tout d'abord, je souhaiterais féliciter le rapporteur et le président pour le bon déroulement de cette mission. Cependant, nous avons entendu plus de non-dits que de dits, et j'ai posé de nombreuses questions qui malheureusement sont restées sans réponses. Je les mentionne dans ma contribution figurant en annexe du rapport.
J'aurais préféré qu'avant de proposer des transformations fondamentales du système de contrôle du médicament, on ait eu connaissance du nombre de morts, du nombre d'accidents imputables au Mediator, et que l'on ait dégagé les responsables de ce drame.
Les responsabilités sont en effet multiples. On peut citer celles des Laboratoires Servier, des médecins, des visiteurs médicaux. On jette l'opprobre sur ces derniers, comme le fait dans son nouveau rapport l'Inspection générale des affaires sociales. Il faudrait pourtant savoir ce que ces visiteurs médicaux disaient et pourquoi. Ces points n'ont pas été éclaircis par la mission.
Avant de changer un système qui a fait la preuve de son inefficacité, il faut se demander pourquoi ce système a été inefficace. Je pense que la responsabilité en incombe plus au laxisme des agences et à l'incohérence de leurs décisions qu'à l'organisation elle-même du système. À ces questions, il n'a pas été répondu.
On a beaucoup critiqué les experts. Pourtant, les experts compétents sont rares. Ce n'est pas parce qu'un expert a travaillé pour un laboratoire qu'il est « vendu » à ce dernier. Il existe un nombre important de molécules qui ont été étudiées par les laboratoires mais n'ont jamais été commercialisées par ceux-ci car les experts, payés par ces mêmes laboratoires, les ont jugées dangereuses ou inefficaces.
L'autorisation de mise sur le marché du Mediator a été – nous dit-on – modifiée durant ses trente années de commercialisation. C'est tout à fait vrai, mais ce n'est pas une exception. Cela a été le cas avec la ciclosporine, médicament permettant d'éviter des rejets en cas de greffes d'organes, qui était à l'origine un antibiotique et dont l'autorisation de mise sur le marché a été modifiée. Personne n'a rien trouvé à y redire. C'est également le cas du Viagra, qui était à l'origine un hypotenseur et dont l'autorisation de mise sur le marché a été modifiée pour les indications que tout le monde connaît.
Le rapport qui nous est présenté est très intéressant. Il donne des pistes de recherche ; il fournit des propositions auxquelles j'adhère. Cependant, je m'interroge toujours sur le drame du Mediator.
Nous avons été nombreux à participer activement aux travaux de la mission d'information. J'ai cependant un regret : la dernière réunion de celle-ci n'a pas donné lieu à l'établissement d'un compte rendu, ce qui aurait évité que ne soient de nouveau développés aujourd'hui certains arguments.
J'éprouve un sentiment mitigé à la lecture du rapport : j'y retrouve beaucoup de ce que nous avons entendu, dit ou échangé, mais aussi des omissions. Je comprends que le rapporteur n'ait pas souhaité reproduire les travaux déjà effectués par l'Inspection générale des affaires sociales, dont le rapport a été fort complet et passionnant. Mais j'observe aussi que l'introduction du rapport qui nous est présenté n'expose pas clairement le point de départ de « l'affaire » qui nous occupe, à savoir le dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché du Mediator pour une indication différente de celle pour laquelle il a en réalité été prescrit. Les Laboratoires Servier se sont ainsi placés en porte-à-faux et ont, pendant près de trente-cinq ans, « roulé les pouvoirs publics dans la farine ». Ce point n'a pas été suffisamment souligné alors qu'il est déterminant.
J'observe en outre que la partie de l'introduction du rapport traitant des dégâts causés par le Mediator fait, implicitement, la part belle à la thèse des Laboratoires Servier minorant le nombre de décès imputables à la prise de Mediator, alors que personne ne peut raisonnablement nier que ce nombre atteint probablement plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de victimes.
Sans trancher sur la nature chimique du benfluorex, le rapport aurait aussi gagné à être plus clair quant à son caractère anorexigène ; il a été prescrit en tant que tel pendant des années, et c'est bien de là que vient le problème.
Je comprends que le rapporteur ait souhaité expliquer ce qui s'est produit au cours des années 1995, 1997 et 1999, au cours desquelles les alertes auraient déjà dû susciter des réactions. Mais je regrette qu'il ne soit pas fait mention des années 2003, où le Mediator a été retiré du marché espagnol, 2004, où a été détecté un cas d'insuffisance mitrale et d'hypertension artérielle pulmonaire à Toulouse, et 2006, où a été signalé un cas de valvulopathie, toujours à Toulouse, et durant laquelle la commission de la transparence a estimé le service médical rendu du Mediator insuffisant, ce qui n'a pas empêché que l'autorisation de mise sur le marché soit malgré tout renouvelée en 2007 dans l'indication du traitement du diabète avec surcharge pondérale. Toutes ces années auraient mérité de ne pas être omises.
Concernant les conclusions du rapport, plusieurs points me semblent avoir été insuffisamment traités. C'est notamment le cas des conflits d'intérêts que l'on rencontre en matière d'expertise et de prise de décision. Le rapport fait certes référence au « Sunshine act » américain, mais celui-ci ne figure pas explicitement dans la liste des propositions du rapporteur.
Pour ce qui est de la formation médicale, il ne suffit pas d'énoncer quelques réflexions sur ce sujet très important. Je pense qu'il est temps d'en assurer un financement public. Si les laboratoires pharmaceutiques disposent de moyens à y consacrer, la puissance publique peut tout à fait recourir à l'impôt pour financer une formation médicale indépendante.
Les propositions du rapporteur me semblent par ailleurs insuffisantes pour corriger un dysfonctionnement important du système français, à savoir que 90 % des consultations médicales donnent lieu à la prescription de médicaments, ce qui est considérable – le double du nombre de prescriptions médicamenteuses constaté dans certains pays européens.
Le rapport souffre également d'un manque de propositions concernant les visiteurs médicaux qui, à notre sens, doivent être mieux encadrés ; il convient également que la puissance publique se dote d'un corps de délégués de l'assurance maladie plus performant pour donner aux prescripteurs des informations objectives sur les médicaments.
Le rapport confond, de façon regrettable, l'éducation thérapeutique avec l'information des patients, alors qu'il ne s'agit pas du tout de la même chose.
Je suis par ailleurs tout à fait opposé à une fusion de l'Institut national de la prévention et de l'éducation pour la santé avec l'Institut de veille sanitaire. Ces deux organismes ont des missions très différentes ; j'avoue ne pas avoir bien compris pourquoi cette proposition était formulée.
En conclusion, sans mettre en cause le travail qui a été effectué, je juge les propositions insuffisantes. Si mercredi dernier je n'avais pas dû intervenir en séance publique, je n'aurais pas voté en faveur de ce rapport.
Je me réjouis du travail mené par la mission d'information, particulièrement riche et intéressant ; je regrette néanmoins que quelques auditions, dont certaines étaient très importantes, se soient tenues à huis clos.
Sur le fond, le médicament n'est pas un produit comme un autre. Il doit, en principe, soigner, guérir, voire prévenir des maladies. De nombreuses maladies ont disparu et l'état de nombreux malades a été amélioré grâce au médicament.
Mais tout médicament efficace a des effets secondaires et nous devons prendre en compte son rapport bénéficesrisques. La mission d'information a permis de constater que tel n'a pas été le cas pendant fort longtemps du Mediator.
Notre premier devoir est de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le médicament, confiance mise à mal par les problèmes liés à la vaccination contre la grippe A(H1N1), le scandale du Mediator et la publication, sans explication, d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance.
Le « circuit » du médicament est en principe très encadré ; on ne devrait théoriquement pas rencontrer de problème et pouvoir assurer la sécurité sanitaire.
Dès lors, comment expliquer qu'un médicament ait pu rester sur le marché pendant trente-trois ans, être consommé par cinq millions de patients, dont trois millions pendant plus de trois mois, et être prescrit hors de son autorisation de mise sur le marché, comme coupe-faim, dans 80 % des cas en 2008, voire dans 90 % des cas pour les jeunes femmes, en n'ayant guère d'actions bénéfiques tout en entraînant, au contraire, des complications graves, et en ayant fait l'objet de dix-sept signalements sans que les agences sanitaires aient réagi ?
Le but de notre mission d'information était de comprendre les raisons de ces dysfonctionnements et de faire des propositions pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise. Je ne suis pas sûr que celles figurant dans le rapport le permettraient.
Je l'approuve néanmoins globalement, mais avec quelques réserves.
Il nous faut tout d'abord revoir la « chaîne » du médicament et la question de la responsabilité politique. Souvenons-nous que c'est après les scandales du sang contaminé et de la « vache folle » qu'il a été décidé d'éloigner le personnel politique de la prise de décision sanitaire et de confier celle-ci à des experts responsables d'agences. Mais en réalité, au bout du compte, c'est bien le politique qui est responsable et auquel on demande des comptes.
Il est donc indispensable d'améliorer la coordination des agences et d'indiquer clairement que le responsable de la santé, dans notre pays, est bien le ministre chargé de la santé. C'est donc au niveau de son ministère que doit être prévue la coordination.
Peut-on simplifier l'organisation actuelle ? Sans doute. Les éléments essentiels, dans le circuit du médicament, sont le rapport bénéficesrisques et l'amélioration du service médical rendu par rapport aux thérapeutiques existantes et, si possible, la meilleure d'entre elles. Je ne vois pas comment l'on peut distinguer l'un de l'autre. C'est pourquoi j'estime qu'une commission unique devrait être chargée de leur évaluation.
Les décisions ne peuvent bien sûr être prises que sur propositions des experts. Ceux-ci doivent être compétents mais ils doivent aussi être indépendants. Il est souhaitable que l'agence dispose de quelques experts internes, mais force est de faire également appel à des experts externes.
Dès lors, il est nécessaire que les liens d'intérêt soient connus et publiés, que les conflits d'intérêts soient interdits et qu'un expert ne puisse participer aux débats portant sur un médicament et, a fortiori, voter, lorsqu'il a été en relation avec le développement du produit. Nous avons pu constater que tel n'a pas toujours été le cas, malgré le dispositif qui avait été instauré par M. Didier Tabuteau dès la mise en place de l'Agence du médicament.
Il faut en outre rappeler que les conflits d'intérêts ne sont pas uniquement financiers : ils peuvent dépendre d'une « école », de formations, de rivalités ou encore d'amitiés, bien difficiles à éviter.
Doit-on maintenir la commission de la transparence au sein de la Haute Autorité de santé ? Certains le souhaitent, notamment le rapporteur. Pourtant, l'évaluation du rapport bénéficesrisques et celle de l'amélioration du service médical rendu sont très proches et font appel à des experts qui peuvent parfois être les mêmes. L'évaluation du bénéfice doit en outre tenir compte du service médical rendu. Par conséquent, une seule commission chargée de ces deux évaluations, placée au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, me paraît envisageable.
Bien évidemment, les études doivent être menées contre comparateur, et si possible le plus efficace sur le marché. Il me semble aussi nécessaire de rendre obligatoires les études post-autorisation de mise sur le marché, cette autorisation devant être révisée régulièrement, par exemple tous les deux ou trois ans. S'il apparaît qu'un médicament n'est plus efficace ou que son rapport bénéficesrisques devient négatif, il ne doit pas être déremboursé, comme le propose le rapport, mais retiré du marché.
Il est par ailleurs absolument indispensable de renforcer la pharmacovigilance. Les auditions ont clairement démontré que les centres régionaux de pharmacovigilance manquaient de moyens humains et financiers : il convient donc de les renforcer. Il est aussi indispensable de simplifier les déclarations d'effets indésirables. On sait bien que les médecins et les pharmaciens hésitent à procéder à celles-ci : ils ne déclarent que 15 % à 20 % des effets indésirables en raison du caractère extrêmement chronophage et complexe des formalités à remplir.
J'estime aussi nécessaire d'aider les prescripteurs en rendant obligatoire le recours à des logiciels de prescription en dénomination commune internationale, validés par la Haute Autorité de santé et indépendants de l'industrie pharmaceutique.
Il ne serait pas illogique que ce soit le financeur, c'est-à-dire l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, qui décide du prix du médicament.
La formation initiale des médecins doit absolument être améliorée en intégrant une formation réelle à la pharmacologie et à la thérapeutique qui sont aujourd'hui trop négligées, alors qu'il s'agit de disciplines majeures.
La formation continue doit selon moi devenir obligatoire et être évaluée et financée de manière indépendante ; nous en parlons depuis des années, mais rien n'a pour l'instant été fait.
Le rôle des délégués de l'assurance maladie a déjà été évoqué : il doit bien évidemment être renforcé.
Le rapporteur propose de fusionner l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. J'y suis tout à fait opposé. En effet, nous sommes très médiocres en matière de prévention et d'éducation pour la santé, deux secteurs qui ont besoin, au contraire, d'être renforcés. Pour être efficace, il convient de s'appuyer sur les associations qui interviennent localement ; la fusion envisagée me paraît être une mauvaise idée.
J'aurai enfin un mot sur le fonds d'indemnisation des victimes du Mediator. Les victimes sont sans doute nombreuses. Il est logique et pertinent de confier à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, dont c'est la mission, le soin de demander à un collège d'experts nationaux de se prononcer en la matière. J'estime néanmoins que nous buterons sur le problème de l'imputabilité des préjudices subis à deux niveaux : d'une part, il sera difficile de prouver la prise de Mediator il y a trente-trois ans ; d'autre part, il sera malaisé d'établir l'imputabilité au Mediator d'une hypertension artérielle pulmonaire ou d'une valvulopathie. Aujourd'hui, de nombreux patients diabétiques essoufflés ou ischémiques ont tendance à penser que leur état est lié à la prise de ce médicament ; je pense qu'un grand nombre seront déçus lorsqu'on leur expliquera que leurs complications sont liées au diabète et non pas au Mediator.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 qui nous a été récemment soumis établit la seule responsabilité des Laboratoires Servier. Celle-ci ne fait aucun doute pour moi. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales indique bien que les Laboratoires Servier ont « roulé tout le monde dans la farine » pendant une trentaine d'années. Tout le monde a pu constater que le benfluorex est un dérivé des amphétamines, dont les effets sur le métabolisme sont très proches de ceux de l'Isoméride, et qu'il a été prescrit comme coupe-faim notamment en Italie. Le rôle des Laboratoires Servier et de ses visiteurs médicaux dans les prescriptions hors-autorisation de mise sur le marché me paraît aussi important. En effet, je ne vois pas comment le Mediator aurait pu être prescrit dans près de 80 % des cas comme coupe-faim s'il n'avait pas été dit aux médecins que telle était la nature de ce produit. Le Mediator a été retiré du marché en Italie et en Espagne, mais pas en France. Les Laboratoires Servier ont nié les complications, et reporté ou retardé les études complémentaires.
Le rôle des Laboratoires Servier a donc été déterminant. Mais comment leur faire supporter l'indemnisation des victimes alors que la mission d'information a clairement démontré des dysfonctionnements graves des agences ? Je les rappelle : une autorisation de mise sur le marché sans que les experts ne remarquent que la molécule du Mediator était proche de celle de l'Isoméride, dérivé d'amphétamines ; le rôle des experts dans les commissions et leurs relations avec les Laboratoires Servier ; l'absence de retrait du marché après que le professeur Jean-François Girard, directeur général de la santé, l'eut interdit dans les préparations magistrales ; le retrait du produit du marché en Espagne et en Italie sans que l'agence française ne s'en émeuve ; enfin, dix-sept signalements d'effets indésirables restés sans suite.
Dédouaner les agences sanitaires – et donc l'État – de leur responsabilité me paraît quelque peu étonnant. Il me semble au contraire qu'un partage des responsabilités aurait été plus juste.
Pour conclure, il reste à espérer que ce rapport ne finira pas dans un tiroir et que les prochaines réformes permettront d'éviter qu'un nouveau drame ne se reproduise ; on sait malheureusement ce qui advient bien souvent des rapports…
Je n'ai pas voté en faveur de l'adoption de ce rapport car j'estime que ni ses conclusions ni ses propositions ne pourront corriger la situation qui a conduit au drame et au scandale du Mediator. Selon le rapporteur, le risque qu'une telle affaire se reproduise serait « faible » : il a tort.
Cette affaire révèle un mal profond auquel il faut remédier autrement que par des mesures de coordination entre les différents acteurs – agences spécialisées, directions d'administration centrale – sous peine de connaître dans les années à venir d'autres catastrophes du même type.
Si le rapport évoque justement l'indépendance des experts, il juge aussi « dommageable de se priver de l'apport d'experts exerçant des fonctions en dehors de l'agence » et recommande, non d'interdire l'existence de tout lien avec l'industrie pharmaceutique, mais simplement d'en assurer la publicité, passant à côté de l'occasion d'une véritable réforme.
Nous regrettons également la trop grande modération du rapporteur vis-à-vis du rôle central des laboratoires pharmaceutiques dont l'influence sur les autorités de santé et les professionnels de santé reste trop forte.
Notre contribution contient trente propositions. Beaucoup d'entre elles se retrouvent dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales rendu public aujourd'hui, ce qui me réjouit.
Ainsi, il est constaté que les laboratoires pharmaceutiques sont omniprésents dans la formation des médecins, leur formation initiale et leur formation continue : bourses et concours blancs pour les étudiants, rencontres dans les hôpitaux, etc. Une fois installés, ils leur adressent des visiteurs médicaux, qui leur délivrent des informations sur leurs produits qu'il conviendrait de qualifier de « promotionnelles », avec un impact indéniable sur les prescriptions. Ils leur envoient aussi des invitations à des colloques.
En 2007, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales relatif à l'information des médecins généralistes estimait que la quasi-totalité des informations dont disposaient les prescripteurs sur les médicaments provenait des fabricants eux-mêmes. Il demandait aux pouvoirs publics d'organiser un « désarmement promotionnel ». Cet appel est resté sans réponse.
Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales publié aujourd'hui a enquêté là où la mission n'a pas osé aller : l'Assemblée nationale est une nouvelle fois en retrait par rapport à ce qu'on attend d'elle. Contrairement à d'autres rapports, comme celui du sénateur François Autain ou le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments déjà évoqué, qui ont su être audacieux, celui-ci reste au milieu du gué. Pour reprendre les propos d'un commentateur, on pourrait même parler d'une production « d'eau tiède ».
La contribution que je présente, au nom des députés du groupe GDR, traite de l'expertise sanitaire sous influence, de la pharmacovigilance dépassée, des prescripteurs désinformés et des patients abandonnés à leur sort. Les observateurs de ces questions sauront se forger une opinion sur notre contribution. Notre seul objectif est d'être utile à la construction d'une politique publique de sécurité sanitaire transparente, à laquelle tout citoyen a droit.
Après la publication des rapports parlementaires et surtout ceux de l'Inspection générale des affaires sociales, en particulier le dernier, ma plus grand interrogation concerne le point suivant : le Gouvernement en suivra-t-il les recommandations ?
Monsieur Gérard Bapt, l'Inspection générale des affaires sociales n'est pas un juge : elle constate les faits, sans prendre position. M. Aquilino Morelle, membre de l'inspection, nous a d'ailleurs indiqué que c'était à la justice de se prononcer. Nos travaux ne relevaient d'ailleurs pas d'une commission d'enquête. Notre mission d'information portait, comme son intitulé choisi par vous l'indiquait, sur les moyens de réformer la pharmacovigilance à la suite de l'affaire du Mediator.
S'agissant de l'organisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, elle relève de la compétence de son nouveau directeur. Il s'est d'ailleurs engagé devant nous à y travailler.
Monsieur Jean Mallot, vous trouverez en annexe au rapport toute la chronologie du Mediator depuis trente-trois ans, en France et à l'étranger.
Concernant la surconsommation médicamenteuse, le rapport reconnaît l'existence du problème. Il reprend une proposition des jeunes internes, que nous avons reçus, d'encourager d'autres éléments que la prescription médicamenteuse.
S'agissant d'une fusion entre l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, plusieurs d'entre vous, dont M. Jean-Luc Préel, s'y disent opposés : je suis néanmoins intimement convaincu qu'elle permettrait de renforcer la prévention et la veille sanitaire.
Monsieur Jean-Luc Préel, vos observations correspondent au contenu du rapport ; vous pourrez les y retrouver. Contrairement à vous, je ne crois pas que ce rapport terminera sa vie dans un tiroir : je crois plutôt qu'il apportera une pierre à l'édifice, comme le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales publié ce matin ou celui des Assises du médicament qui doit être diffusé demain. Le ministre pourra se saisir de cet ensemble pour nous proposer des réformes.
Je suis défavorable à une fusion de la commission d'autorisation de mise sur le marché et de la commission de transparence : on ne peut être juge et partie ! L'examen du service médical rendu doit relever du collège scientifique de la Haute Autorité de santé, et non pas de l'administration qui siège à la commission d'autorisation de mise sur le marché.
Il faut trouver un équilibre entre les experts internes à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et les experts externes, qui sont riches de leurs expériences de recherche scientifique et de travail de terrain dans les hôpitaux et les laboratoires, y compris publics.
Je veux dire à M. Jean Mallot que le retrait d'un médicament dans un pays de l'Union européenne est du ressort de l'Agence européenne du médicament, et non de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Sur le territoire national, l'arme qui reste est le déremboursement. C'est ensuite à l'agence européenne de retirer l'autorisation de mise sur le marché. 80 % des autorisations de mise sur le marché sont aujourd'hui délivrées par l'agence européenne. Le rapport préconise d'ailleurs de renforcer les liens entre elle et l'agence française afin d'améliorer le caractère opérationnel de l'échelon européen.
L'article 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ne prévoit pas de faire appel uniquement aux Laboratoires Servier lors des procédures d'indemnisation, puisqu'il vise également les acteurs publics.
Le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, que j'avais présenté le 30 avril 2008 – je remercie d'ailleurs le rapporteur de l'avoir cité – contenait déjà les deux tiers des propositions qui nous sont aujourd'hui présentées : trois ans ont donc été perdus…
Je remercie le président Gérard Bapt d'avoir rapidement réagi en août dernier à la communication du docteur Irène Frachon et d'avoir pris le problème à bras le corps.
Je m'étonne de reconnaître dans la préconisation 1, qui prévoit d'assurer à l'agence du médicament un financement public, une proposition que nous vous avions faite il y a trois ans et que vous aviez alors qualifiée d'inconcevable et d'irréalisable. Ce serait aujourd'hui non seulement envisageable, mais même impératif…
La préconisation 7, qui propose une fusion entre l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé me paraît saugrenue, car les deux agences n'ont pas les mêmes missions ni les mêmes objectifs.
La préconisation 9 sur les conflits d'intérêt prévoit des sanctions mais ne va pas assez loin. En effet, tous les amendements déposés par le groupe SRC sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, déposée au Sénat par M. Jean-Pierre Fourcade, pour modifier la partie du code de la santé publique consacrée aux conflits d'intérêt, ont été rejetés. Il semble que les Assises du médicament soient, pour vous, l'alpha et l'oméga de la réforme du système.
La préconisation 11 prévoit d'assurer la transparence totale, notamment par le biais d'une mise en ligne, des financements par l'industrie pharmaceutique des colloques, des congrès et des sociétés savantes. Il faudrait compléter la liste par les associations de patients.
Je ne comprends par l'objectif de la préconisation 16 suggérant de ne pas rembourser un médicament qui présente un service médical rendu insuffisant, sauf avis contraire motivé du ministre. S'agit-il d'une reprise en main par le politique ? Au moment de la pandémie de grippe A(H1N1), la Direction générale de la santé, sous le contrôle de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, avait voulu prescrire du Tamiflu à toute la France en décembre 2009, alors que les médecins savaient que le service médical rendu était insuffisant. Je crains que le climat de défiance et d'incompréhension qui avait alors été constaté ne se reproduise.
La préconisation 17 est, quant à elle, un véritable poncif qu'un élève de sixième aurait pu rédiger : privilégier l'admission au remboursement des médicaments qui apportent une forte amélioration du service médical rendu me semble relever de l'évidence.
La préconisation 18 prévoit de fonder l'appréciation de l'amélioration du service médical rendu sur des essais cliniques contre comparateurs. Pourtant, chaque fois que les groupes de l'opposition déposent un amendement en ce sens depuis deux ans et demi, il est refusé au motif que cela déséquilibrerait tout le système, selon nos collègues de la majorité. Ce ne serait donc plus le cas ? Je suis amère de constater qu'il aura fallu autant de morts pour que vous vous en rendiez compte.
La préconisation 21 concerne les situations d'absence d'alternative thérapeutique : la comparaison ne doit pas concerner que les thérapeutiques médicamenteuses. La Haute Autorité de santé vient de publier un rapport qui reprend tout ce qu'il est possible d'écrire sur une ordonnance et qui n'est pas du ressort du médicament.
Dans les préconisations 24 et 25, je préfère effectivement l'expression balance bénéficesrisques, une balance étant susceptible de s'inverser et de peser dans l'aide à la décision.
La préconisation 26 me semble inacceptable au plus haut point. Elle grave dans le marbre précisément ce qu'ont fait les Laboratoires Servier concernant le Mediator ! Elle prévoit en effet, « dans le cadre de la réévaluation du rapport – que je préfère nommer « balance » – bénéficesrisques d'un médicament, et en cas de doute sur sa nocivité », de « faire obligation au laboratoire de démontrer que ce rapport est toujours positif ». C'est parfaitement incompréhensible !
Selon la préconisation 30, il serait utile d'« encourager l'industrie à demander des extensions d'indication » pour éviter les prescriptions hors autorisation de mise sur le marché : il me semble plutôt qu'il faudrait les y obliger !
La préconisation 42 propose la création d'un fonds pour la formation médicale continue des médecins, abondé par l'industrie pharmaceutique – ce qu'on appelle aujourd'hui le « développement personnel continu ». Au vu de la difficulté à faire financer l'éducation thérapeutique par un fonds public, abondé par l'industrie pharmaceutique, alors que les pouvoirs publics en décident les orientations, comment allez-vous le leur imposer sans qu'ils n'exigent de donner leur point de vue ? Qui est le « tiers » qui assurerait la formation ? Les agences régionales de santé auraient-elles toute latitude pour décider de ses orientations, sans influence de la part des industries pharmaceutiques ?
La préconisation 44 soutient le développement des logiciels d'aide à la prescription, comme je l'avais écrit dans mon rapport en 2008, mentionnant les dénominations communes internationales (DCI). Cependant, il me semble que vous n'appréciez pas bien l'offensive que les médias mènent depuis un an contre les médicaments génériques, sans que l'on sache vraiment qui en est à l'origine. Il faudra aborder la question au cours de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme l'a déjà remarqué M. Jean Mallot, il convient de ne pas confondre, monsieur le rapporteur, l'« éducation thérapeutique », qui repose sur les trois piliers définis par l'Organisation mondiale de la santé, avec une information sur les antibiotiques, ce que semble faire la préconisation 48.
La préconisation 54 propose de « mettre en place une présomption de causalité lorsqu'un risque grave est mentionné sur la notice d'un médicament et qu'il se réalise » ; j'aimerais que cette présomption de causalité s'applique également en présence d'un lien statistique, et pas seulement d'un lien scientifique.
Pour conclure, je rappelle que le mot « benfluorex » partage sa racine avec le mot « anorexigène » : c'en était donc bien un.
J'accepte évidemment vos critiques, mais je précise que la préconisation 48 sur l'éducation thérapeutique vise les campagnes publicitaires du type « Les antibiotiques, c'est pas automatique », pour éduquer le public sur les enjeux thérapeutiques, donc également les patients.
La politique du médicament est à l'évidence à un tournant. J'espère que ce rapport contribuera à faire prendre de bonnes décisions, grâce à toutes les contributions apportées par les uns et les autres, au sein même de cette commission. J'espère que le rapport que je présenterai dans les prochaines semaines sur les agences sanitaires s'avérera également utile.
Ce tournant consiste à mieux s'assurer désormais de la sécurité du médicament, exigence légitime du patient, et de leur réelle utilité. Les contraintes qui pèsent sur notre système de santé sont telles qu'on ne peut plus se permettre le luxe de rembourser des médicaments ou des traitements qui ne seraient pas efficaces. Il faut prescrire de façon raisonnée.
Concernant vos propositions, monsieur le rapporteur, quand vous parlez de « déremboursement » des médicaments au service médical rendu insuffisant, suggérez-vous donc de supprimer le taux de remboursement le plus faible, à 15 % ?
Concernant la « task force » de la proposition 14 que vous proposez de mettre en place, le ministère de la santé réunissant d'ores et déjà de façon hebdomadaire l'ensemble des acteurs de la sécurité sanitaire au sens large, proposez-vous de constituer une réunion de sécurité sanitaire restreinte au seul médicament ? Cela risque d'être redondant.
La transparence est effectivement nécessaire et la prescription hors autorisation de mise sur le marché pose un vrai problème. L'inscrire sur l'ordonnance est une bonne chose, mais ne faut-il pas aller plus loin ? Nous parlons depuis des années du codage des pathologies, qui nous permettrait de disposer d'une véritable connaissance du fonctionnement de notre système de santé et de la justification des actes et des prescriptions. Il ne me semble pas insultant pour le corps médical de lui demander de fournir les informations nécessaires à son pilotage. Nous sommes trop timides en matière d'information : d'autres pays sont allés plus loin en la matière.
L'expression « éducation thérapeutique » qui figure dans la proposition 48 ne me semble pas adaptée non plus à la situation. Il vaudrait mieux parler d' « information », pour éviter les confusions. Cette information a besoin d'être mise en oeuvre de façon plus cohérente, comme le montrent les suites de la campagne sur les antibiotiques. Depuis la fin de celle-ci, leur consommation est repartie à la hausse, ce qui recoupe une double question : l'information des médecins, d'une part, et l'information des consommateurs, d'autre part.
Prenons garde à l'opprobre jetée aujourd'hui sur l'industrie du médicament. N'oublions pas que le médicament est utile, surtout quand il est innovant et quand il est prescrit bon escient. Il est aussi important de rappeler que l'industrie du médicament emploie directement plus de 100 000 personnes en France. Le procès ne doit donc pas être uniquement à charge, car la question est stratégique. Quelle politique voulons-nous en la matière pour notre pays ?
Je suis d'accord avec Mme Catherine Lemorton et M. Yves Bur : il faut entendre la notion d'éducation thérapeutique du grand public au sens large, c'est-à-dire comme une information améliorant les connaissances du grand public.
Quant à la « task force », il en existe déjà une, créée à l'initiative de M. Bernard Kouchner : les responsables de la sécurité sanitaire en France se rencontrent ainsi régulièrement. Nous souhaitons renforcer cette « task force » pour améliorer l'information du ministre de la santé. Cette réunion doit être mieux reconnue, à la manière anglo-saxonne, afin que les informations circulent bien.
Il s'agit donc de renforcer la commission existante et non pas de créer une structure supplémentaire.
En effet, car, par exemple, aujourd'hui, ne participent pas à cette « task force » le directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et les représentants des commissions d'autorisation de mise sur le marché et de la pharmacovigilance.
Pourtant l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé y est représentée.
Je tiens à féliciter moi aussi la mission d'information pour son travail. Ce rapport me semble, toutefois, bien plus « tiède » que celui de l'Inspection générale des affaires sociales.
La France détient le record international de lenteur dans le retrait de médicaments du marché. Nous devons changer de culture, comme l'indiquait M. Gérard Bapt, et renforcer la prévention en santé publique.
Les préconisations du rapport de la mission d'information me semblent insuffisantes pour garantir qu'un drame tel que celui du Mediator ne se reproduira pas. Nous devons améliorer les échanges d'informations avec les autres pays européens et bénéficier de remontées plus directes de pharmacovigilance, en évitant certaines inerties dans les structures.
Par ailleurs, la pharmacologie demeure insuffisante dans la formation des médecins, de même qu'est insuffisante sa prise en compte dans les instances sanitaires. De manière générale, la classification pharmacologique devrait primer sur la classification thérapeutique pour tous les médicaments. L'une des principales causes du drame du Mediator réside dans cette mauvaise appréhension des classements : au lieu de le considérer comme un anorexigène appartenant à la famille des amphétamines, ce qui aurait conduit à son retrait du marché, on a retenu le Mediator comme un produit traitant le diabète. Nous devons changer de paradigme.
L'information thérapeutique me semble essentielle tant pour le grand public que pour les médecins. Les critères conduisant à la prescription de médicaments doivent être objectifs et non répondre à des logiques commerciales. Il faut créer un nouvel équilibre entre les visiteurs médicaux et les délégués de l'assurance maladie. Ces derniers devraient être plus nombreux.
Je me félicite des ajouts apportés au rapport, s'agissant des sanctions en matière de conflits d'intérêt, et des actions de groupe, ce qui est tout à fait important pour les associations.
Quant au choix du déremboursement plutôt que de la suspension, il n'est envisageable que dans une situation intermédiaire, lorsque la balance entre les bénéfices et les risques d'un médicament n'est pas complètement positive. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales évoque le cas du Nexen, un anti-inflammatoire. Une enquête de pharmacovigilance a détecté huit cas d'atteintes hépatiques, dont deux sévères. En Finlande, soixante-six cas d'atteintes hépatiques ont été constatés. Au lieu de retirer ce médicament, comme le suggérait cette étude, par facilité, on a choisi de le dérembourser. Or la balance bénéficesrisques étant ici entièrement négative, nous aurions dû supprimer ce médicament, quelles que soient les difficultés au niveau européen.
Il faut restaurer la confiance du public dans la politique du médicament, car cette dernière occupe une place centrale en matière de santé, en améliorant notamment la réactivité des pouvoirs publics et la transparence.
La publication du rapport de la mission intervient entre celle de deux rapports de l'Inspection générale des affaires sociales. Le second rapport de l'Inspection formule de fortes propositions, qui semblent cependant parfois irréalistes. Par exemple, si l'on supprime les visiteurs médicaux, comment organisera-t-on l'information des professionnels de santé ?
Plusieurs collègues ont critiqué la « tiédeur » de ce rapport, notamment vis-à-vis des laboratoires, mais je tiens à rappeler que de nombreuses zones d'ombre persistent. Le rapport de la mission constitue un contrepoids aux informations, probablement excessives, diffusées par les médias depuis quelques mois, dans la perspective prochaine d'un procès qui, on l'espère, permettra d'établir la vérité sur l'affaire du Mediator.
Les auditions de la mission n'ont pas permis de comprendre pourquoi le Mediator qui appartient à la famille des anorexigènes n'a pas été considéré comme tel, et je le regrette.
Quant aux experts, peuvent-ils être indépendants et compétents ? Les experts sont choisis parmi les professionnels de santé très reconnus dans leur domaine et qui peuvent avoir travaillé pour le secteur public comme privé. Les experts qui ont accompli leur carrière exclusivement dans le public sont-ils les seuls compétents et ne peuvent-ils pas s'adjoindre l'expérience d'autres personnes ayant travaillé dans le privé ? Certaines difficultés semblent insurmontables.
Je tiens à féliciter le rapporteur pour son très intéressant travail, utile à tous les Français. Certains États membres de l'Union européenne ont réagi plus rapidement que la France ; pourquoi ne pourrait-on pas mettre en place des échanges d'informations entre les pays, même si cela devrait être le travail de l'agence européenne ?
Par ailleurs, qu'entendez-vous par la proposition n° 20 ? Devons-nous améliorer les contacts avec la Commission européenne ou le Parlement européen ?
Je rappelle à M. Gérard Bapt que les enregistrements vidéo sont disponibles sur le site de l'Assemblée nationale et que l'absence de comptes rendus est la règle pour toutes les missions d'information des commissions. Mais je transmettrai votre souhait relatif à l'établissement de comptes rendus au président de l'Assemblée.
Je suis d'accord avec M. Yves Bur. Nous nous trouvons à un tournant dans la politique du médicament. Nos préconisations doivent être sérieuses : c'est le cas. J'invite donc le rapporteur à transmettre au ministre de la santé les cinq ou six propositions essentielles du rapport afin que nous puissions en débattre pendant l'examen du budget. Il faut progresser rapidement sur quelques points.
Les responsabilités ne doivent pas être éludées mais déterminées par la justice. Cela étant, il faut mieux réglementer les conflits d'intérêt, au-delà même du domaine de la santé.
Les partis politiques doivent avoir une attitude « scientifique » face aux informations et affirmations qui circulent dans les médias. La réponse à la question des risques tant dans les domaines sanitaire qu'alimentaire ou agricole relève de la science. Gardons-nous d'alimenter les discours excessifs alors que des interrogations subsistent.
Si nos capacités scientifiques sont modestes, nous avons auditionné de multiples spécialistes, des professionnels de santé et des responsables administratifs et politiques pendant cinq mois. De ces auditions, il n'est pas ressorti de consensus.
Selon moi, il reste cinq questions majeures auxquelles la justice doit répondre. Tout d'abord, la formule chimique du Mediator est-elle réellement dérivée des amphétamines ? L'expert en toxicologie nommé par la justice doit apporter, prochainement, une réponse à cette question. Ensuite, pourquoi a-t-on raté de nombreuses étapes entre 1995 et 1999, par exemple au moment de l'interdiction du benfluorex dans les préparations officinales ? Pourquoi les Laboratoires Servier n'ont-t-ils pas retiré le Mediator du marché français, alors qu'ils ont procédé à son retrait en Espagne, en Italie, en Suisse et aux États-Unis ? Pourquoi cet autisme, malgré dix-sept alertes en comité technique de pharmacovigilance ? Enfin, comment expliquer la frilosité de l'Agence européenne des médicaments, qui n'a pas pris ses responsabilités alors que la France a adressé plusieurs alertes au niveau européen ? Les liens avec l'Union européenne doivent à l'évidence être renforcés.
La commission consultée, autorise, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.
Je souhaiterais évoquer un dossier connexe : nous constatons depuis quelques semaines que nos rapports sont présentés dans la presse souvent longtemps avant que nous en discutions. Nous avons examiné ainsi, en mission, le rapport sur le Mediator mercredi dernier ; le même jour, à 12 h 30, il était présenté dans « Le Monde ». Nous avons aujourd'hui beaucoup d'articles sur le rapport de M. Dominique Tian sur la fraude sociale alors même qu'il n'a été examiné par la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale qu'hier et qu'il ne sera examiné par la commission des affaires sociales que dans une semaine. Cela devient assez problématique.
Qu'il y ait des fuites, ça peut s'expliquer et c'est regrettable, mais que les rapporteurs eux-mêmes « communiquent » sur leur rapport alors même qu'il n'a pas été adopté par la mission ou par la commission, ce n'est pas acceptable.
Tout le monde, y compris les présidents de mission, les rapporteurs et les groupes doivent faire preuve de retenue. M. Jean-Pierre Door me rappelle ainsi que M. Gérard Bapt a beaucoup évoqué dans la presse les travaux de la mission sur le Mediator et la pharmacovigilance ces dernières semaines.
La séance est levée à douze heures quarante cinq.