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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 13 avril 2011

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

Le Président Pierre Lequiller. Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, nous avons beaucoup de plaisir à vous recevoir, pour la première fois depuis que vous avez pris vos nouvelles fonctions. Les sujets relevant de vos compétences sont extrêmement nombreux et impliquent fortement l'Union européenne : la politique des transports, suivie notamment par les rapporteurs Gérard Voisin, Odile Saugues, Didier Quentin et Michel Delebarre ; les négociations sur le changement climatique, suivies en particulier par les rapporteurs Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert ; les questions énergétiques, suivies notamment par les rapporteurs Philippe Tourtelier et André Schneider.

Sur tous ces thèmes et, plus généralement, sur la politique européenne du développement durable, quelles sont les priorités de la France ? Quels sont les enjeux et les perspectives ?

Plus spécifiquement, sur la stratégie européenne des transports, qui a fait l'objet d'un récent Livre blanc de la Commission européenne, nous serions heureux de vous entendre notamment sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire et sur les progrès du « ciel unique européen ».

Enfin, quelle politique européenne de sécurité nucléaire est prévue après les événements survenus au Japon ? Comment seront mis en oeuvre les tests de sécurité ?

PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

L'essentiel de mon activité ministérielle s'inscrit en effet dans un cadre européen, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre de la législation européenne, de recherche de coordination ou, plus souvent, d'objectifs communs. J'aurais donc beaucoup à dire, nous pourrions y consacrer plusieurs auditions ; je vais donc me concentrer sur les points essentiels.

Le Japon peut paraître lointain mais la catastrophe de Fukushima a un impact émotionnel, industriel et politique important à travers le monde, Europe comprise. Le conseil environnement qui s'est réuni depuis a pris en compte la demande d'une initiative européenne émise par beaucoup d'Etats membres. Le concept des stress tests est en voie de précision. Nous essayons de faire converger cette démarche avec notre projet d'audit national de chacune des centrales françaises. Un accident nucléaire grave, où qu'il survienne, concerne toute la planète : tout le monde se sent touché, par solidarité mais aussi par communauté de destin, compte tenu des retombées potentielles, plus ou moins graves. Nous recherchons le soutien de nos partenaires européens pour sortir de cette crise en progressant vers des règles européennes et mondiales en matière de sûreté nucléaire. Contrairement au nucléaire militaire, le nucléaire civil ne fait pas l'objet d'inspections. Nous voudrions profiter de la séquence G8-G20 et de la réunion de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), prévue fin juin, pour progresser sur la voie de règles de sécurité communes.

En matière de négociations internationales sur le climat, 2011 sera certainement une année clé, qui se caractérisera soit par un cercle vertueux soit par un cercle vicieux. Je me suis efforcée de promouvoir cette idée, hier, à New York, auprès des Américains, en soutenant le concept de financements innovants.

Un cercle vertueux peut être enclenché lors du G20, avec des ouvertures sur les financements innovants, suivies, en décembre 2011, à la conférence de Durban, par un début d'accord puis, en juin 2012, à la conférence de Rio, par des décisions concrètes. Au contraire, le cercle sera vicieux si le G20 ne va pas suffisamment loin, si, à la conférence de Durban, aucun accord n'est trouvé entre les partisans et les opposants à l'accord de Kyoto et si les discussions échouent au vingtième anniversaire du sommet de la terre de Rio.

Beaucoup dépend des positions de l'Union européenne et de sa capacité à jouer un rôle de catalyseur. Or l'Union européenne n'est pas si solide à ce sujet, son message n'est pas aussi clair que par le passé. Faut-il s'engager sur une suite au protocole de Kyoto si les autres pays ne le font pas ? Sur une question aussi simple, il n'y a pas aujourd'hui de position commune européenne. Le niveau des engagements européens en matière de réduction des émissions dépasse pourtant les contraintes du protocole de Kyoto : nous nous sommes engagés à réduire de 20 % notre contribution à l'effet de serre d'ici à 2020 et nous réfléchissons à atteindre moins 25 % ou moins 30 %. De fait, sans engagements internationaux, il n'y a pas de prix du carbone et les dispositifs mondiaux et européens mis en place s'effondrent.

J'ai essayé de convaincre nos amis américains de la nécessité de bouger sur la question des financements innovants à l'occasion du G20. Une position européenne de principe est maintenant acquise, mais tous les Etats membres ne sont pas d'accord quant au financement innovant à instituer : ainsi, à propos de la taxe sur les transactions financières, nous trouvons un soutien plus franc auprès des Allemands ou des Espagnols qu'auprès des Britanniques, plus enclins à parler de fiscalité sur les soutes de fuel des navires.

En tout cas, si nous ne démontrons pas notre capacité à mettre en mouvement une dynamique européenne et à lever des fonds, nous risquons le cercle vicieux. A Cancun, nous avons créé un fonds vert ; c'est formidable, mais il n'est doté d'aucun crédit. Notre crédibilité est en jeu : courant 2011, il faudra absolument le faire bénéficier d'un premier abondement.

Les discussions européennes et internationales donnent l'impression de se mener en parallèle, de façon assez disjointe. En Europe, nous travaillons sur une feuille de route 2050, avec des engagements excédant ceux pris au niveau mondial. La clarté de la vision à long terme de l'Union européenne a toujours été motrice dans les négociations internationales sur le changement climatique. Avancer sur la feuille de route 2050 pourrait débloquer la situation, à l'horizon de six mois, lors des négociations de Durban.

La feuille de route 2050 fixe des objectifs très stricts, l'idée étant d'engager des actions suffisantes d'ici à 2020, par souci d'efficacité et afin de ne pas reporter tous les coûts sur la période 2030-2050. A propos du mécanisme d'inclusion carbone, la France a une position particulière, qui rencontre un succès croissant. Nous avons renforcé notre argumentaire juridique pour le rendre compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans les secteurs économiques soumis à des normes d'émission, hautement compétitifs, nous proposons aujourd'hui un système de compensation avec les pays extra-européens n'imposant pas de contraintes, sorte de taxe intérieure tout à fait cohérente et complémentaire avec le projet de révision de la directive sur la taxation des produits énergétiques et de l'électricité, adopté ce matin en collège des commissaires.

Sur la scène internationale, les années 2011 et 2012 seront placées sous le signe de la croissance verte, qui, avec la gouvernance environnementale internationale, sera l'un des deux sujets du sommet Rio+20. La croissance verte peut être un très beau sujet mais aussi une pétition de principe. Nous nous souvenons fort bien de l'excellent discours prononcé à Johannesburg par le Président Chirac mais pas des engagements qui y ont été pris, car ils étaient faibles ; si Rio+20 se résume à des commentaires sur la croissance verte, ce sera la même chose.

Il y a une position européenne favorable à la création d'une organisation mondiale de l'environnement, avec quelques nuances : nous travaillons sur un projet mixant les propositions de la France et de l'Allemagne, un programme des Nations unies pour l'environnement renforcé dont le siège serait maintenu à Nairobi, ce qui est important pour l'acceptabilité auprès des pays du Sud. L'idée plaît aux Espagnols mais suscite certaines réticences chez les Britanniques.

J'en viens à la stratégie Europe 2020. En matière environnementale, la réglementation est très fournie mais les politiques communes sont finalement assez rares : près de 90 % de la réglementation nationale découle des textes européens, mais il s'agit très souvent d'un fonctionnement par plafonds et planchers d'émission plutôt qu'en termes d'emplois verts, d'économie verte, d'innovation ou de transformation du modèle de production et de consommation. Tel est probablement l'enjeu à venir : progresser dans ces domaines, tout en continuant à édicter une réglementation solide.

A cet égard, 2011 sera une année clé puisque le sixième programme d'action pour l'environnement sera évalué. Ce processus guidera l'élaboration du septième programme, en 2012, placé, à ce stade, sous le signe d'une initiative phare qui a fait l'objet d'une publication en janvier dernier : « Une Europe efficace dans l'utilisation des ressources ». L'idée est de retravailler nos concepts à partir de l'augmentation de la productivité des ressources, en découplant croissance économique et consommation de ressources, c'est-à-dire d'adopter un raisonnement plus transformatif de l'économie. Tout cela reste théorique et nécessite une mise en musique.

A propos des organismes génétiquement modifiés (OGM), je suis d'une vigilance particulière pour que les conclusions du conseil environnement de décembre 2008 soient mises en oeuvre. Nous étions alors parvenus à obtenir, pratiquement à l'unanimité, que toute l'expertise européenne, très contestée, soit retravaillée. En 2011, ce n'est pas encore fait et la Commission a formulé une proposition – d'abord présentée comme alternative et qui, finalement, n'a qu'un statut complémentaire – de renationalisation des décisions de mise en culture. Cette évolution considérable de la doctrine européenne devrait être examinée au Conseil de juin. Actuellement, les directives sont assez compliquées, le système d'évaluation est très contesté et, en cas de désaccord entre Etats membres, l'autorisation est automatique, sauf dans les pays adoptant une clause de sauvegarde, dont les critères, au demeurant, sont ensuite systématiquement attaqués. La situation est donc complètement hypocrite et moyennement efficace, avec beaucoup de temps perdu en analyse juridique et en comitologie.

La proposition de la Commission est séduisante mais ne nous semble pas exempte de difficultés juridiques. Il s'agirait de renvoyer aux Etats membres le pouvoir de choisir de mettre en culture ou pas, et, assez curieusement, la Commission propose que les critères ne soient pas simplement de nature environnementale ou sociale mais aussi éthique ou religieuse. Nous avons demandé aux services juridiques du Conseil de préciser les choses car nous devrons nous positionner clairement en juin.

Dans le domaine des transports, l'année 2011 a commencé avec la publication par la Commission du Livre blanc sur la politique européenne des transports, qui articule les enjeux de climat et de transport. Cette stratégie pour un système compétitif et durable correspond assez bien à celle de la France, dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, avec une meilleure prise en compte des trois piliers du développement durable. La Commission fixe dix objectifs, qui visent à réduire globalement de 60 %, à l'horizon de 2050, le niveau d'émission de gaz à effet de serre dans les transports. A ce stade, elle ne propose pas de répartition entre les Etats membres. La constitution d'un espace unique européen des transports requiert l'adoption de plusieurs textes à fort enjeu, actuellement en cours de négociation à Bruxelles.

La directive « eurovignette » tend à améliorer la prise en compte de l'impact environnemental des transports routiers, en autorisant les Etats membres à taxer la pollution générée par le trafic de poids lourds. La présidence belge, en octobre, a dû déployer des trésors d'habilité pour que le Conseil s'accorde sur ce texte ambitieux et la France est très mobilisée. Les marges de manoeuvre apparaissant très faibles, nous encourageons le Parlement européen à éviter une procédure de conciliation, toujours risquée, et à nous laisser progresser.

La Commission a lancé, en 2009, une révision de la politique des réseaux transeuropéens de transport (RTET), en phase, là encore, avec ce que nous faisons en France. Mon collègue Thierry Mariani et moi-même, nous poussons à l'intégration des ports et des aéroports dans le RTET, en cohérence avec le Grenelle de l'environnement, notamment le schéma national des infrastructures de transport, dispositif très intégratif. Nous soutenons aussi les modes de transports décarbonés et les systèmes de transport intelligents.

Cette politique comporte un volet financier, la révision devant être conduite en parallèle avec l'élaboration des perspectives financières 2014-2020. Nous avons besoin de visibilité sur le financement par l'Union européenne des projets stratégiques à forte valeur ajoutée dont la réalisation s'étale sur une longue période. Compte tenu de la situation financière européenne, il semble évident qu'un recours croissant à des modes de financement alternatifs sera nécessaire.

La refonte du paquet ferroviaire est primordiale pour clarifier les modalités de mise en oeuvre de la libéralisation du secteur, en particulier du fret, en Europe. Elle ne présentera d'intérêt que si elle participe au report modal. La Commission a fait connaître sa volonté de renforcer les pouvoirs et l'indépendance des régulateurs nationaux, chargés de garantir un accès non discriminatoire aux marchés. Le principe de l'accès aux facilités essentielles – voies de service, de garage, de tri – et du développement d'une alternative fait consensus. Nous sommes plus nuancés en ce qui concerne la séparation organisationnelle et décisionnelle systématique de ces facilités dans l'entreprise dominante, car le schéma doit certes être efficace mais aussi équitable.

La proposition de directive facilitant l'application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière avait été portée par la France, en 2008, lors de sa présidence. Il s'agit de faire reculer le sentiment d'impunité des conducteurs de véhicules immatriculés à l'étranger. Quoique ayant souhaité un texte plus strict, nous saluons l'accord politique obtenu au Conseil, grâce aux présidences belge et hongroise. Il a été particulièrement difficile de recueillir l'unanimité des voix, requise du fait fait du changement de base juridique – nous sommes en effet passé de la base transport à la base coopération policière. L'enjeu consiste maintenant à préserver cet acquis dans les négociations avec le Parlement européen, ce qui ne sera pas évident.

En matière de sûreté aérienne, l'Union européenne prévoit, à, compter du 29 avril 2011, une levée très partielle de l'interdiction de transporter des liquides en cabine. Considérant qu'un problème de sûreté se pose, la France a exprimé de fortes réserves et a demandé le report de cette mesure. Le moment est-il bien choisi ? L'efficacité opérationnelle des alternatives technologiques censées détecter les explosifs nous semble toute relative, le taux de fausses alarmes étant rédhibitoire. Nous avons par conséquent annoncé notre intention de maintenir jusqu'en avril 2013 l'interdiction du transport de liquides, non sans avoir tenté de convaincre nos voisins du risque terroriste avant de prendre cette décision.

Le Président Pierre Lequiller. Merci, Madame la Ministre, d'avoir abordé l'ensemble des sujets avec autant de précision.

PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Madame la Ministre, merci de venir devant cette commission pour aborder de très beaux sujets au coeur de l'action de l'Union européenne, tels que le réchauffement climatique. Avec Jérôme Lambert nous avons réalisé des rapports systématiques sur cette question qui nous ont conduits à alterner les phases de découragement et d'espoir. Le travail de préparation du sommet de Cancun a été bon et nous nous situons à nouveau dans une phase d'espoir, avec l'idée simple que nous devons assez vite avancer sur la résolution de la question du réchauffement climatique, les fonds verts et j'ai également le sentiment que la question de la déforestation progresse. Quelles seraient pour vous les conditions pour que le sommet de Durban soit réussi et connaîtrons-nous un vide juridique entre Kyoto et les suites éventuelles du prochain sommet ?

PermalienPhoto de Marietta Karamanli

J'aborderai, Madame la Ministre, la question du transport ferroviaire. M. Guillaume Pépy, président de la SNCF, critique la dissociation entre RFF et la SNCF, qu'il considère comme non pertinente et conduisant à une impasse financière. La directive séparant l'exploitation et la gestion de l'infrastructure a été traduite dans notre droit et la France est aujourd'hui un bon élève. Aussi aimerais-je avoir votre avis sur le bilan que nous pouvons tirer de cette séparation des activités d'exploitation et de gestion du réseau et attirer votre attention sur le manque de transparence des tarifs pour les usagers.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

J'aimerais savoir quand nous pourrons mettre en oeuvre concrètement la taxe sur les poids lourds dont les ressources sont attendues par les opérateurs.

PermalienPhoto de Anne Grommerch

Je voudrais évoquer, Madame la Ministre, les questions nucléaires avec la mise en place des « stress tests ». Quelle suite sera donnée à cette évaluation pour les centrales qui n'y satisferaient pas et comment analysez-vous la pression que l'Allemagne met sur ses centrales ?

PermalienPhoto de Lionnel Luca

Je voudrais insister sur la vigilance qui doit être la nôtre en matière de nucléaire afin d'éviter de favoriser un lobby, qui, sous prétexte de sécurité, voudrait contraindre la politique française dans le domaine nucléaire. Je soulignerais également à propos de l'accident japonais que l'on nous avait annoncé l'équivalent de Tchernobyl et qu'aujourd'hui ce sentiment semble disparaître. Aussi, Madame la Ministre, j'aimerais que vous nous dressiez un panorama des mesures effectuées en France pour évaluer l'impact de cet accident et enfin j'aimerais disposer d'informations sur la taxe carbone européenne.

PermalienPhoto de Gérard Voisin

Je vous remercie, Madame la Ministre, pour votre déplacement au Japon. Les Français qui se trouvent sur place ont été très sensibles à votre démarche. En matière d'environnement et de transports, je voudrais souligner que tous les sujets sont liés : le ferroviaire, les systèmes de transport intelligents, les véhicules électriques, etc. Notre pays s'inscrit parfaitement dans chacune de ces politiques, mais s'agissant de l'écotaxe j'aimerais que vous nous précisiez la situation résultant de l'annulation par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de l'appel d'offres destiné à mettre en place le dispositif opérationnel.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Sur le nucléaire, quelle est votre analyse sur l'état de la question en Europe ? Pour être clair, ne craignez-vous pas que la France soit de plus en plus isolée puisque tous les pays, soit allègent la contribution du nucléaire à leurs sources d'énergie, soit, comme l'Allemagne, décident la sortie du nucléaire en remettant en cause le précédent programme de prolongation de l'usage des centrales ? Pour ce qui concerne les tests de sécurité, le principe de normes communes a été accepté, mais la compétence de mise en oeuvre des conclusions des tests reste nationale. N'aurait-on pas dû aller au-delà ?

PermalienPhoto de Pierre Forgues

On ne peut être qu'en accord avec ce que vous avez dit, Madame la Ministre. Quand on parle de développement durable, de lutte contre le réchauffement climatique ou de taxe carbone et on le fait depuis vingt ans, avec une accélération tout à fait justifiée ces dernières années, il n'y pas d'opposition. En revanche, qu'en est-il des réalisations ? Car, dans la réalité, nous avons sur les autoroutes de plus en plus de poids lourds, et de plus en plus gros. Je constate dans mon département de montagne que le fret ferroviaire diminue voire disparaît. La question de l'efficacité de ce que nous faisons est clairement posée et l'on peut se demander si ce n'est pas le secteur, le lobby, des transports qui fait la politique en la matière. En effet, où en est-on sur la taxe carbone ? Où en est-on sur la taxe « essieu » ? Au-delà, quand on a dit que la libéralisation du transport ferroviaire allait permettre une augmentation du trafic, ça n'a pas été le cas, c'est même le contraire qui s'est produit.

Il faut donc, au niveau européen, des mesures et une volonté politique. C'est anecdotique, mais je vous conseille de vous arrêter sur les aires d'autoroutes pour mesurer l'ampleur de la situation. Vous verrez en fin de semaine ces camions arrêtés, dont les chauffeurs venant d'Europe de l'Est dorment dans leurs véhicules et s'y nourrissent. Vous prendrez la mesure du risque de délocalisation d'activités et vous verrez l'origine de ce qui empêche le fret ferroviaire de se développer. Cette situation ne dépend pas de vous, elle a des causes plus profondes et lointaines, mais il est clair, comme vous l'avez dit, qu'il faut, sauf à risquer de rester dans le « bla-bla », passer au stade des réalisations.

PermalienPhoto de Didier Quentin

Je m'associe aux remerciements de Gérard Voisin, car j'ai pu constater, comme président du groupe d'amitié France-Japon, la sensibilité de nos amis japonais à votre venue et à celle du Président de la République. Ils ont apprécié cette marque d'amitié. A ce stade, y a-t-il des choses que nous puissions faire de manière concrète, notamment les collectivités territoriales ? Nous connaissons la dignité et la fierté des Japonais qui les retiennent d'exprimer ouvertement ce dont ils manquent.

Avec Michel Delebarre nous avons été chargés par la Commission d'un rapport d'information sur le transport et l'industrie maritimes en Europe. C'est une question essentielle et une action est encore plus nécessaire. Des projets comme celui d'autoroutes de la mer ne sont pas développés. Il convient que l'Europe ait une politique d'ensemble en matière maritime pour éviter le risque de voir disparaître son transport et son industrie maritimes au profit des pays tiers comme la Chine. Il y a des projets concrets à promouvoir comme, par exemple, la conception de nouveaux modèles de navires à double coque.

PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Je confirme que Tokyo a beaucoup apprécié votre venue, et qu'une aide alimentaire d'urgence a été distribuée aux Japonais avec, notamment, des produits venant directement de nos régions. Pour ce qui concerne les OGM, je m'interroge sur les critères autres que les critères sociaux et environnementaux, sur lesquels on pourrait fonder une décision. Ma deuxième question concerne les financements rapides internationaux en matière de lutte contre le changement climatique. Rien n'a été fait pour le fonds vert, mais qu'en est-il de ces financements rapides décidés à Copenhague ? Y a-t-il un début de mise en oeuvre ? Enfin, à l'occasion du débat sur le nucléaire, ne convient-il pas de renouveler notre approche sur le besoin d'un marché européen de l'énergie ?

PermalienPhoto de Yves Bur

Je mentionnerai seulement l'eurovignette et la taxe « essieu ». La région Alsace a été la première à agir en la matière, mais il y a toujours des reports. On évoque des difficultés administratives et techniques. Mais quand on constate que les Allemands ont mis en place ces prélèvements en partant d'une situation où il n'y avait rien, on peut penser qu'il est possible d'aller plus vite. Quelle sera par ailleurs l'affection des fonds qui seront récoltés ?

Sur le nucléaire, le conseil municipal de Strasbourg a voté une motion pour demander l'arrêt de la centrale de Fessenheim. Comment ne pas craindre que les conséquences de Fukushima soient instrumentalisées dans des conditions qui nous conduisent à une impasse énergétique ? 80 %, en effet, de notre électricité provient actuellement de l'atome. En tout état de cause, il est certain qu'il faut développer les énergies alternatives, notamment l'éolien et le solaire.

PermalienPhoto de Jean-Claude Flory

Je souhaite évoquer la question des permis de prospection pour le gaz de schiste. C'est un sujet très actuel. Y a-t-il en l'état une réflexion partagée sur ce sujet au niveau européen et la perspective d'une harmonisation des modes opératoires ?

PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

La conférence de Copenhague avait suscité de grandes attentes et donné lieu à une importante activité des groupes de pression. L'effet positif de cette conférence a été de se rendre compte que le protocole de Kyoto ne pouvait pas être poursuivi tel quel.

A Durban, il faut privilégier une démarche « ascendante » qui verrait certes les Etats s'engager, mais aussi les collectivités locales et les entreprises. Il ne faut pas avoir à cette conférence des projets uniquement volontaires mais croiser plusieurs approches dans un cadre souple. La proposition du ministre indien de l'environnement, M. Jairam Ramesh, de réfléchir à la notion de « juridiquement contraignant » au niveau global et régional devrait être prise ne compte. Les pays riches devraient montrer leur bonne volonté sur les problèmes de financements innovants.

Le président de la S.NC.F, M. Guillaume Pépy, n'a pas un avis favorable sur la séparation S.N.C.F Réseau ferré de France ; mais il s'est plaint de la trop grande intégration de l'exploitant et de l'autorité gérant l'infrastructure en Allemagne.

Le véritable problème est celui de la compétitivité du système et de son financement à long terme. En effet, à part quelques lignes de TGV, le ferroviaire est structurellement déficitaire. Les investissements dans ce domaine sont lourds et difficilement amortissables : il faut donc trouver des financements alternatifs. Les externalités positives des lignes de TGV pourraient être réinvesties dans les lignes.

L'écotaxe pour les poids lourds se trouve da ns une phase judiciaire, le débat se portant sur la régularité de la procédure qui a été annulée. Un pourvoi a été interjeté devant le Conseil d'Etat. Elle ne pourra pas être appliquée avant 2013. Son produit, environ 4,5 milliards d'euros, sera affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Il est nécessaire de régler cette affaire au plus vite. L'action pionnière de l'Alsace en la matière doit être reconnue.

Il n'y a pas de politique commune en matière de sûreté nucléaire. Les tests de résistance des centrales nucléaires feront l'objet d'une démarche volontaire des Etats qui, seuls, en apprécieront les résultats. Mais il serait difficile à un Etat de résister à la pression de l'opinion en cas de mauvais résultats. En tout état de cause, le président de la République a indiqué que les installations ne satisfaisant pas à ces tests seraient fermées.

Des négociations peuvent se faire avec les pays européens limitrophes des centrales françaises. On peut évoquer les problèmes de sûreté avec des pays comme l'Ukraine, par exemple. Le président de la République a proposé que les discussions sur ces questions de sûreté soient institutionnalisées dans le cadre du G8 et du G20.

Une décision sur la prolongation ou non de Fessenheim ne sera prise qu'après la visite décennale et l'audit de cette centrale.

On a tiré la leçon de la catastrophe de Tchernobyl et il y a maintenant une très grande transparence en France. Seules des traces de radioactivité en provenance de Fukushima ont touché la France ; elles ne peuvent être suivies que sur le réseau de fond. Cela a entraîné des critiques mais il n'est pas possible de publier ces données en flux tendu compte tenu de leur faiblesse. La communication continue actuellement même si le public y semble moins sensible.

On progresse dans la création d'une taxe carbone aux frontières. De plus en plus de pays européens sont intéressés par cette taxe qui pourrait, par exemple, être affectée aux pays de l'Union pour lesquels l'évolution du système de production énergétique sera la plus lourde.

Le fret ferroviaire est un sujet d'actualité depuis des années mais il a diminué avec la crise et ne s'est pas redressé. Des mesures à moyen et long terme doivent être prises pour le regrouper sur les lignes les plus rentables. Un certain nombre de problèmes sont liés aux travaux en cours sur le réseau. Le cadencement qui est difficilement mis en oeuvre actuellement devrait permettre de libérer 20 % de sillons supplémentaires pour le fret.

Le spectacle des aires d'autoroutes est réellement scandaleux, mais c'est un problème d'harmonisation sociale au niveau européen.

La première demande des Japonais victimes de la catastrophe de Fukushima a été qu'on ne les ostracise pas ; mais il est bien sûr nécessaire de contrôler les biens importés du Japon pour éviter les problèmes. Une coopération technologique est en cours.

Le Grand emprunt financera les études sur le navire du futur, la construction navale étant considérée comme un secteur d'avenir par le Président de la République.

Des précisions ont été demandées à la Commission sur les critères envisagés dans le cadre des autorisations concernant les organismes génétiquement modifiés (OGM).

Les crédits prévus dans le cadre du « fast start » promis à Copenhague pour la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement ont été dégagés par tous les pays européens, sauf, à ce stade, par l'Italie.

Les pays européens ne sont pas tous d'accord pour développer l'exploitation des gaz de schistes ; la Pologne y est favorable.

La séance est levée à 17 h 50