COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 12 avril 2011
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 45
Apprenant, il y a un mois, que la Commission européenne estimait avoir besoin d'un supplément de 1,9 milliard d'euros pour achever le programme Galileo, j'ai éprouvé un sentiment de découragement devant les difficultés récurrentes rencontrées par la Commission européenne afin d'établir une programmation crédible de cette action essentielle de l'Union européenne, pour laquelle une somme de 3,4 milliards d'euros a déjà été engagée.
Dans mon rapport sur la gestion du programme Galileo présenté le 8 décembre 2009, je soulignais, en m'appuyant sur les travaux de la Cour des comptes européenne, l'incapacité structurelle de la Commission européenne à gérer directement des programmes industriels majeurs.
Aussi, convient-il d'être particulièrement vigilants à cet égard au moment où la Commission européenne vient de faire une communication visant à « élaborer une stratégie spatiale commune, en vue de garantir l'indépendance de l'UE et son rôle de leader mondial dans ce domaine ».
Je vais donc analyser les propositions générales faites par la Commission en matière de politique spatiale, avant de revenir à la question spécifique du programme Galileo.
Depuis le traité de Lisbonne, la compétence spatiale est une compétence partagée de l'Union européenne avec les Etats et, s'agissant de sa mise en oeuvre, avec l'Agence spatiale européenne. Cette dernière intègre des pays n'appartenant pas à l'Union européenne et, du fait d'accord particuliers liant l'Union européenne à la Norvège, et probablement assez rapidement à la Suisse. Il convient en fait de parler en l'espèce d'une Union européenne de 29 Etats, car les deux pays précités participent aux décisions de l'Union européenne dans le domaine spatial, presque exactement comme s'ils en étaient membres.
Rappelons que le système EGNOS de navigation aérienne satellitaire, première initiative de l'Union européenne, est maintenant opérationnel dans toute l'Europe. Lorsque Galileo sera en service, l'Europe possédera son propre service de navigation conçu à des fins civiles, distinct du GPS américain. Le système européen d'observation de la Terre, sera opérationnel en 2014. Malgré ses difficultés l'Europe spatiale avance.
C'est essentiel car l'industrie spatiale est, et sera encore davantage dans l'avenir, un vecteur essentiel de la croissance et de l'emploi. Il est évident que l'amélioration des systèmes de télécommunications, de navigation et de surveillance de l'environnement est source d'emplois hautement qualifiés, de nouveaux débouchés commerciaux et de développement technologique. Les fabricants européens d'équipements spatiaux enregistrent un chiffre d'affaires annuel de 5,4 milliards d'euros et emploient 31 000 personnes. Les onze principaux opérateurs de satellites européens emploient 6 000 personnes pour un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros par an.
Il est donc essentiel et légitime que l'Union européenne prenne une initiative pour assurer sa mission naturelle de coordination et d'impulsion de la politique spatiale, ce qu'elle vient de faire avec une communication de la Commission européenne publiée le 6 avril dernier.
Pour la Commission européenne la politique spatiale répond à trois types d'impératifs :
– sociétaux : dans des domaines tels que l'environnement, la lutte contre le changement climatique ou la sécurité publique et civile, l'aide humanitaire, le transport ou la société de l'information ;
– économiques : l'espace est un moteur d'innovation, qui contribue à la compétitivité, à la croissance et à la création d'emplois, en particulier pour un pays comme la France ;
– stratégiques: l'espace contribue à l'indépendance économique et politique de l'Union européenne.
Dans ses conclusions de décembre 2010, le Conseil de l'Union note ainsi que « la Commission a l'intention de proposer les mesures nécessaires dans le domaine de la politique spatiale et de poursuivre une politique industrielle dans le domaine spatial ».
Aujourd'hui la politique spatiale est la seule politique industrielle stratégique et de grande ampleur conduite et financée par l'Union européenne. Aussi la France, qui est le pays le plus important sur le plan spatial en Europe, doit-il tout mettre en oeuvre pour aider l'Union européenne dans sa tâche, comme elle l'a fait dans le passé ; car il n'y aurait pas aujourd'hui d'Europe spatiale si la France n'avait pas, après l'échec de la fusée Europa, développé le programme Ariane, sans l'Allemagne et contre les Etats-Unis.
Les propositions de la Commission européenne sont encore imprécises mais conduisent à traiter de problématiques intéressantes et pour certaines novatrices.
La nouvelle stratégie proposée prévoit les actions suivantes :
– mener à bien les projets Galileo et GMES et développer une gamme de services innovants pour les entreprises, les administrations et le grand public ;
– améliorer le système GMES afin d'obtenir des informations plus précises sur le changement climatique ;
– renforcer les capacités européennes en matière de surveillance maritime, de contrôle des frontières et d'intervention dans les situations de crise, en Europe et ailleurs ;
– mettre en place un système protégeant les satellites de communication et les autres infrastructures spatiales essentielles des radiations solaires, des débris spatiaux et des astéroïdes ;
– engager l'Union européenne dans l'exploration spatiale ;
– garantir à tous les pays de l'Union européenne un accès à l'espace et à la station spatiale internationale ;
– élaborer une politique industrielle spatiale avec l'Agence spatiale européenne et les pays de l'Union européenne ;
– renforcer les investissements dans la recherche spatiale et les technologies novatrices ;
– appliquer les progrès technologiques réalisés dans le domaine spatial au transport, à l'environnement, à la sécurité, à la défense et aux technologies de l'information.
Certaines de ces propositions seront dans les faits dépourvues de portée directe, et sont même quelque peu démagogiques, telles que la volonté de garantir à tous les pays de l'Union européenne un accès à l'espace et à la station spatiale internationale. Tous les pays de l'Union n'ont pas les moyens financiers techniques et humains pour ce faire.
Les quatre premières propositions sont la traduction logique de la poursuite du programme Galileo ; mais les autres sont particulièrement intéressantes, car elles impliquent une restructuration de l'Europe spatiale. A cet égard, je souhaite souligner que la Commission européenne doit rester une autorité réglementaire et ne pas remplir, comme cela a été le cas avec Galileo, un rôle de maître d'oeuvre industriel, pour lequel elle ne dispose pas des moyens adéquates, infrastructures, règles juridiques et culture d'entreprise.
L'article 189 du TFUE stipule que l'Union élabore une politique spatiale afin de promouvoir, entre autres, la compétitivité industrielle. L'industrie spatiale est caractérisée par une forte concentration et, est très dépendante de la commande publique.
La Commission européenne souligne que « dans le cadre des programmes spatiaux de l'Union, il conviendra de mieux utiliser le cadre réglementaire européen concernant notamment les échanges commerciaux, ainsi que les instruments financiers pour soutenir la recherche et l'innovation et définir le type de procédure de marchés le plus approprié et les critères d'octroi applicables quand l'Union européenne contribue au financement. La possibilité d'adopter des dispositions spécifiques dans le cadre d'actes législatifs particuliers pourrait être examinée. »
Cette proposition est particulièrement importante, dans la mesure où elle traduit la prise de conscience par la Commission européenne que la conduite du programme Galileo n'est pas compatible avec les règles traditionnelles de passation des marchés, le domaine étant par nature oligopolistique.
Je me félicite également que, pour la Commission européenne, « l'ESA doit continuer à évoluer vers un modèle d'organisation permettant de faire coexister dans une même structure d'une part les programmes militaires et civils et, d'autre part, un volet intergouvernemental et un volet « Union ». Pour la mise en oeuvre des programmes Galileo et GMES, l'ESA est déjà tenue au respect de la réglementation de l'Union européenne. Elle poursuivrait son rapprochement de l'Union et continuerait de se doter, en tant que de besoin, de structures de gestion destinées exclusivement aux programmes de l'Union. Le modèle devrait être souple, afin de s'adapter au gré des ressources financières que les différents acteurs mobiliseront sur les différents programmes dans le futur. Le modèle devrait enfin être à géométrie variable, pour permettre la participation de la Suisse et de la Norvège à certains programmes tout en offrant la possibilité d'une participation limitée à quelques Etats membres. »
La voie proposée par la Commission est très intéressante, car elle évite l'écueil de certaines politiques suivies par la Commission européenne qui n'utilise pas les organisations intergouvernementales existantes (par exemple Eurocontrol) et tend à créer ses propres structures. Il est clair, à mes yeux, que si le pilotage politique appartient aux institutions de l'Union européenne, la mise en oeuvre de la politique spatiale relève naturellement de l'ESA.
En janvier 2011, la Commission a adopté un rapport sur l'exécution à mi-parcours des programmes européens de radionavigation par satellite.
Elle souligne que les marchés des applications basées sur la géolocalisation sont en forte croissance. Leur chiffre d'affaires mondial annuel devrait atteindre environ 240 milliards d'euros en 2020. Par ailleurs, grâce à leurs avantages par rapport aux autres systèmes concurrents, Galileo et EGNOS devraient générer des bénéfices économiques l'ordre de 60 à 90 milliards d'euros au cours des 20 prochaines années. Cela suppose que l'infrastructure complète de Galileo soit achevée et que l'exploitation des systèmes permette une fourniture fiable des services
Mais, il convient de ne pas se méprendre, les retombées économiques importantes ne se traduiront pas, contrairement aux espoirs initiaux, par des recettes qui permettraient à l'Union européenne d'amortir ses investissements et d'équilibrer l'exploitation du système.
La contribution de l'UE aux programmes Galileo et EGNOS pour la période 2007-2013 s'élève 3,4 milliards d'euros. Ce budget a été réparti entre les trois activités principales, à savoir l'achèvement de la phase de développement de Galileo pour environ 600 millions d'euros, la phase de déploiement de Galileo pour 2,4 milliards d'euros et l'exploitation d'EGNOS pour environ 400 millions d'euros. S'agissant de la phase de déploiement de Galileo, environ les deux tiers du budget ont d'ores et déjà été engagés principalement dans le cadre des contrats relatifs à la passation de marché signés en 2010. Le renchérissement de la phase de développement s'élève au total à quelque 500 millions d'euros d'ores et déjà pris en charge par le budget de l'Union européenne.
En raison des surcoûts enregistrés durant les phases de développement et de déploiement, la Commission européenne estime qu'une enveloppe budgétaire additionnelle de 1,9 milliard d'euros est nécessaire pour compléter l'infrastructure, c'est-à-dire passer de 18 à 30 satellites. Les coûts de l'exploitation, quant à eux, s'élèveraient à environ 0,8 milliard d'euros par an. Des mécanismes de financement adaptés doivent être mis en place car l'Union européenne ne dispose pas de ces crédits dans son budget.
Compte tenu du contexte budgétaire européen, la Commission européenne n'a pas proposé jusqu'à présent l'allocation de fonds supplémentaires à ces programmes. Si cette situation perdure, elle impliquera un retard probable de quatre ans pour l'achèvement de l'infrastructure complète du programme Galileo, qui génèrera des coûts supplémentaires.
Cette estimation de la Commission européenne n'est pas aujourd'hui totalement comprise dans sa substance par le Gouvernement, qui attend des explications complémentaires. Je note avec inquiétude le souhait de la Commission européenne que les surcoûts éventuels des programmes Galileo et ITER soient pris en charge par les Etats, et que ce risque ne soit plus assumé par le budget de l'Union européenne, qui ne dispose pas actuellement des crédits suffisants.
En 2011, la Commission préparera une proposition législative visant à adapter le cadre institutionnel dans lequel les programmes Galileo et EGNOS s'inscrivent. Un règlement pour les opérations initiales du programme GMES 2011-2013 a été adopté en 2010 par le Parlement européen et le Conseil. Le programme GMES dispose désormais d'une base légale qui le sort du seul domaine de la recherche.
La composante « S » (sécurité) du programme GMES est essentielle, comme indiqué dans mon précédent rapport. Le 7ème Conseil « espace » de novembre 2010 recommande que « dans le cadre du programme GMES, l'attention se tourne sur la réponse aux besoins spécifiques des politiques de sécurité et des services chargés de la surveillance maritime, du contrôle des frontières et de l'appui aux actions extérieures de l'Union européenne ».
Cette approche officialise le caractère dual, à la fois civil et militaire, de Galileo longtemps nié par les autorités européennes, en particulier au sein du Parlement européen..
Le 7ème Conseil « Espace » constate que « le rôle de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense s'est renforcé à la suite de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et de la création du Service européen pour l'action extérieure ». Il invite la Commission européenne, le Conseil de l'Union européenne assisté par l'EDA (Agence européenne de Défense), en collaboration avec les Etats membres et l'ESA, « à examiner les moyens permettant de répondre aux besoins actuels et futurs en matière de gestion des crises, en assurant l'accès, pour un coût raisonnable, à des systèmes et des services spatiaux fiables, sûrs et réactifs […] qui tirent pleinement parti, s'il y a lieu, des synergies entre les usages civil et militaire ». Il invite « la Commission européenne et le Conseil de l'UE à proposer des solutions lorsque c'est nécessaire ».
La dimension diplomatique et de défense est aujourd'hui majeure. Il est heureux que l'Union européenne s'engage sur cette voie, dont les difficultés sont illustrées par notre conflit avec la Chine dans ce domaine. La Commission européenne souligne qu'« avec la Chine, la question de la superposition des fréquences constitue un problème majeur pour la sécurité de l'Union européenne et de ses Etats membres qui, en dépit de l'engagement des États membres et de la Commission, n'a pas encore été résolu et ne sera pas solutionné sans le soutien politique de ces derniers et du Parlement européen »
Ce point est absolument capital car l'émission de signaux par les satellites chinois risque de rendre inopérant Galileo. Il convient que le Conseil européen, au plus haut niveau se saisisse de cette question qui mériterait sans doute d'être traitée dans le cadre du G 20.
Il n'y aura pas d'Europe de la recherche sans les programmes ambitieux que constituent Galileo et ITER. Il n'y aura pas de défense et de diplomatie européenne sans indépendance spatiale. Il n'y aura pas de politique d'envergure dans ces domaines sans mise en place des moyens financiers adéquats.
La gestion chaotique du programme Galileo illustrent la difficulté de pilotage des grands programmes industriels. La Commission européenne n'est pas en capacité de gérer directement de tels programmes. Il convient donc de doter l'Union européenne d'outils sui generis permettant de gérer une politique spatiale, qui englobe des pays n'appartenant pas à l'Union européenne.
C'est l'armée troyenne !
Les Etats sont coupables de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons. En effet, alors que l'Europe spatiale est normalement du ressort intergouvernemental, il a fallu rechercher un financement communautaire parce que certains Etats membres, sensibles aux foucades américaines, ne voulaient pas payer. Il serait préférable de monter une coopération renforcée et de mettre le paquet, car l'enjeu est vital.
Matériellement, où en sommes-nous ? Combien de satellites sont en orbite ?
Par ailleurs, lorsque ce programme est monté en puissance, les Etats-Unis se sont fâchés et ont exigé d'obtenir la clé des communications militaires. Des informations assez étonnantes, qui en disent long sur le souci d'indépendance de nos amis européens en matière de défense, me sont revenues à ce propos. Qu'en est-il exactement ?
Enfin, monsieur le rapporteur, il n'y aura jamais de politique étrangère commune, Jacques Delors nous l'a dit très clairement la semaine dernière !
Galileo étant un système à la fois civil et militaire, avant de le poursuivre, il importe de régler avec les Chinois le problème des fréquences, qui semble difficile à solutionner. Il serait comique que Galileo s'avère finalement inopérant !
J'aimerais aussi que vous nous expliquiez ce que signifie l'adjectif « oligopolistique ».
Monsieur Myard, quatre satellites sont déjà en orbite et, sur une cible de trente – correspondant à un réseau performant –, dix-huit sont commandés et seront actifs en 2014 ; cela nous a été confirmé, vendredi dernier, à Toulouse, chez Astrium.
Les Etats-Unis ont fait très fortement pression, c'est vrai, pour que Galileo soit exclusivement tourné vers le civil ; certains pays européens, comme l'Allemagne, étaient plutôt sur cette ligne et il a fallu aller les convaincre du contraire. Tout cela est maintenant dépassé : il serait stupide de développer un réseau mondial de télécommunication d'une telle précision, supérieure à celle du GPS américain, et de ne pas s'en servir à des fins de défense ! Les choses sont bien enclenchées à la Commission et, même si certains feignent de ne pas comprendre, chacun sait que Galileo servira dans le domaine civil comme dans le domaine militaire. Les Américains peuvent toujours demander la clé mais ils ne l'ont pas obtenue et nous serons consultés pour donner notre avis.
Monsieur Forgues, les Chinois, qui étaient en retard par rapport aux Etats-Unis et même à l'Europe, sont désormais lancés dans la bataille. A notre connaissance, ils n'auraient pour l'instant mis en orbite qu'un satellite de démonstration mais s'apprêteraient à lancer des satellites plus puissants que les nôtres, susceptibles par conséquent d'écraser nos fréquences. C'est sur ce point qu'un bras de fer est engagé. Le Parlement européen, comme nous, est mobilisé sur cette affaire ; c'est maintenant à M. Barroso et aux chefs d'Etat d'agir.
L'engagement du rapporteur sur ce dossier si important pour la technologie, l'industrie ou encore la navigation aérienne est admirable et j'adhère à ses conclusions.
Cela dit, il semble faire porter à la Commission l'essentiel de la responsabilité des difficultés. Or, si la réalisation de ce programme a pris tellement de retard depuis 1999, c'est à cause des problèmes financiers importants et encore irrésolus qui se sont posés régulièrement. Ce n'est pas la faiblesse de l'Europe qui est en cause mais l'incapacité de ses Etats membres à respecter les objectifs de la stratégie de Lisbonne en matière de développement, de recherche ou de culture, compte tenu des difficultés budgétaires, de l'absence de ressources propres et du poids des politiques traditionnelles – politique de cohésion et politique agricole commune. Tant que le budget européen ne sera pas à la hauteur de nos ambitions, nous piétinerons sur des sujets aussi essentiels pour notre futur.
Je siégeais encore au Parlement européen il y a peu et je vous confirme que les problèmes soulevés au sujet de Galileo sont souvent de nature financière, ce qui suscite de grandes inquiétudes. Pouvez-vous lever les points d'interrogation et nous rassurer ?
La volonté politique de l'Europe, en la matière, ne saurait être mise en cause, car se lancer dans cette affaire était une vraie bonne idée pour notre technologie, notre indépendance et nos entreprises. L'Europe a d'ailleurs démontré, depuis longtemps, qu'elle excelle en matière de politique spatiale.
Le principal problème n'est pas d'ordre financier, c'est que la Commission européenne a voulu tenir les rênes du programme alors que ce n'est pas son rôle, qu'elle n'en a pas les moyens. Elle s'y est évidemment mal prise, ce qui a occasionné des déraillements, des retards, d'où des surcoûts et une perte de compétitivité par rapport aux projets concurrents. Si elle avait délégué cette tâche à l'ASE, dont c'est le rôle et qui a fait magnifiquement ses preuves depuis des années, cela aurait très bien marché.
Cela dit, sur des programmes d'une telle ampleur, il y a toujours des dérapages de coûts. Sur le projet ITER, qui dépasse le cadre de l'Union européenne puisqu'il implique la Russie, la Corée du Sud et même la Chine, il manque aussi des financements.
Galileo ne ressemble-t-il pas un peu au trou des Halles ou à un mirage dans le désert ? Sommes-nous sûrs qu'1,9 milliard d'euros suffiront ? L'Europe sera-t-elle en mesure de financer toutes ses ambitions, sachant que chacune d'entre elles dépasse les possibilités budgétaires ?
Un premier dérapage de 600 millions avait été comblé grâce au soutien d'un commissaire européen et il manque 1,9 milliard supplémentaire. La Commission européenne renvoie maintenant la balle vers les Etats membres. La position du gouvernement français sera de demander que la nécessité de ces 1,9 milliard d'euros lui soit démontrée. Mais j'ignore si le coût dérapera davantage.
Quoi qu'il en soit, je répète que le déploiement est en cours et que l'industrie spatiale travaille d'arrache-pied pour aboutir en 2014. Nous irons donc au bout, c'est certain.
Notre commission examine aujourd'hui une proposition de la Commission européenne qui constitue un nouvel épisode de ce que l'on pourrait nommer « l'épopée du lait », production dont on sait l'importance dans la production agricole nationale et qui présente une forte dimension d'aménagement du territoire.
En 2009, le secteur laitier a connu une crise violente qui ne sera sans doute pas la dernière. Au-delà des mesures d'urgence, a été constitué un groupe à haut niveau qui a travaillé autour de sept ateliers. Les trois premiers font l'objet de ce « mini paquet lait», les autres points devant faire l'objet de discussions dans le cadre de la réforme de la PAC post 2013.
Historiquement, la politique laitière est une des premières politiques agricoles. En effet, il n'y a pas à proprement parler de politique agricole commune mais des politiques agricoles, par produit comme la viande ou le sucre. La politique laitière était au début fondée sur des prix garantis qui ont contribué à créer des montagnes de beurre et des lacs de lait. Pour y remédier, ont été institués, en 1984- Jacques Delors étant alors président de la Commission européenne- les quotas laitiers. Alors que ce système avait été violemment critiqué au début et même s'il était un peu lourd à gérer, il s'est avéré efficace pour réguler la production et maintenir un équilibre territorial. Ceux qui manifestaient contre les quotas laitiers ont ainsi été les premiers à les défendre au moment où leur disparition a été programmée. En Europe, ont coexisté deux manières de les gérer, d'une part une gestion territoriale comme en France et dans une moindre mesure, En Autriche, d'autre part, une gestion correspondant à des droits à produire, comme dans certains pays du Nord de l'Europe. Ces démarches obéissaient à des logiques différentes. En 2003, a été acté un prolongement des quotas jusqu'en 2015. Depuis le bilan de santé en 2008, on se trouve dans une situation d'atterrissage en douceur caractérisée par une sortie en biseau par augmentation annuelle des quotas.
La proposition que fait la Commission européenne est très intéressante. En effet, pour la première fois, elle prend conscience de la nécessité de garder des outils de régulation et accepte de ne pas s'en remettre uniquement aux signaux du marché. Cela est d'autant plus important que ces signaux sont pour le moins contestables. En effet, seuls 3 à 4 % de la production laitière font l'objet d'échanges sur les marchés internationaux. Il s'agit donc d'un marché peu profond qui revient à faire de la poudre de lait néo-zélandaise le déterminant du prix mondial. Il n'y a aucune raison que ce prix guide le prix payé aux producteurs européens. Par le biais de la contractualisation, les organisations de producteurs pourront fixer un prix objectif. Par rapport à la loi de modernisation agricole adoptée par notre Parlement, il s'agit d'une avancée remarquable dans la mesure où le transfert de propriété n'est plus obligatoire pour pouvoir contractualiser.
C'est pourquoi je propose que notre commission des affaires européennes se prononce favorablement à cette proposition, sous réserve de quatre codicilles. Tout d'abord, compte tenu de la durée du cycle de production laitière, les Etats membres devraient pouvoir imposer une durée minimale du contrat et de préavis pour la rupture ; cette durée pourrait être fixée à cinq ans comme dans la loi de modernisation agricole. Il serait par ailleurs souhaitable de prévoir un mécanisme de régulation des volumes pour les produits sous signe de qualité, souvent produits dans des régions difficiles qui vont se trouver fragilisées par la disparition des quotas. Par ailleurs, la question des instruments de marché et les autres sujets ayant fait l'objet des propositions du groupe à haut niveau devront être impérativement traités dans le cadre de la réforme de la PAC 2013. Enfin, la contractualisation dans le secteur du lait est une étape intéressante mais il est indispensable de la consolider et de la prolonger pour l'ensemble des filières agricoles.
Je partage l'opinion du rapporteur. Le « mini-paquet lait » est une « heureuse surprise » due à la fois au travail du commissaire Ciolos et du commissaire français. Les Français sont cependant davantage demandeurs que d'autres pays d'un tel dispositif. Il est important que le système soit appliqué dans les autres pays producteurs. Comme il s'agit d'une faculté et non d'une obligation pour les Etats membres, il y a un risque que les opérateurs aillent se fournir hors de France en cas de baisse de prix dans les pays qui se sont affranchis de la contractualisation.
Sur le fond, il faut que les exploitants comprennent bien qu'il s'agit d'un outil de lissage des prix, et non d'un mécanisme d'augmentation et de garantie des prix.
J'approuve naturellement le texte de la résolution.
Je remercie le rapporteur. Son exposé s'inscrit dans la continuité de ce qu'il avait entrepris en tant que ministre de l'agriculture.
J'approuve particulièrement le dernier alinéa de la résolution relatif à l'extension du dispositif de contractualisation aux autres filières. Cela permettrait de pouvoir anticiper et d'éviter d'attendre les crises pour réagir.
Le rapporteur. Je partage le pragmatisme de Jean Gaubert, quant à savoir qui utilisera le nouvel outil parmi les pays de l'Union européenne. Les marchés et les structures de production sont très différents d'un Etat membre à l'autre. La France a beaucoup de petits et moyens producteurs laitiers. L'Allemagne est dans une situation différente.
La capacité des différents pays à assurer ou non leur autosuffisance est également très différente. Certains pays comme l'Italie vont souhaiter rattraper le retard qu'ils ont pris lors de la mise en place de quotas, leur niveau étant insuffisant. Actuellement, cet Etat membre ne produit que la moitié de sa consommation.
Avec la disparition des quotas en 2015, le paysage va radicalement changer, même si l'on a anticipé ces changements depuis quelques années. Il faudra donc faire preuve de vigilance devant ce nouveau monde. La mise en place d'un comité de suivi est indispensable. La possibilité de mesures d'urgence doit être conservée.
Sur l'application du dispositif à d'autres secteurs, c'est un point sur lequel la Commission européenne doit être convaincue. On peut penser aux productions végétales non céréalières, peu aidées dans le cadre de la PAC, comme les fruits et légumes. C'est une production dont la géographie change avec une forte embellie en Allemagne, laquelle tire partie des possibilités de recours à la main d'oeuvre des pays d'Europe centrale et orientale, qui sont un héritage des accords passés avec l'ex-RDA.
Puis sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté la proposition de résolution suivante :
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant modification du règlement (CE) n°12342007 du Conseil en ce qui concerne les relations contractuelles dans le secteur du lait et des produits laitiers (COM [2010] 728n°E 5894),
1. Se félicite que la Commission européenne reconnaisse désormais la nécessité d'adapter les règles du droit de la concurrence aux spécificités de la filière laitière ;
2. Estime que les propositions relatives aux relations contractuelles entre producteurs et transformateurs, au pouvoir de négociation des producteurs, au rôle des organisations interprofessionnelles et à la transparence du marché du lait contribueront à rééquilibrer les relations entre les différents acteurs de la filière laitière ;
3. Demande, dans le respect du principe de subsidiarité, que les Etats membres puissent imposer une durée minimale de contrat et de préavis de rupture du contrat, afin de sécuriser davantage les relations entre les acteurs de la filière et leur donner une visibilité suffisante ;
4. Souligne la nécessité de prévoir des dispositions ouvrant aux interprofessions ou aux opérateurs gérant des appellations d'origine protégée et des indications géographiques protégées la possibilité de mener une action de régulation des volumes dans un objectif de maintien de la qualité des produits ;
5. Considère que les rapports d'étape prévus en 2014 et 2018 devront faire le point sur le bien fondé des niveaux de concentration des producteurs ;
6. Juge toutefois que les mesures qui précèdent apportent une première réponse aux difficultés du secteur laitier mais devront être appuyées par des instruments de régulation de marché flexibles et réactifs dans le cadre des discussions sur la politique agricole commune après 2013 ;
7. Demande que soient examinées les conditions dans lesquelles des dérogations au droit de la concurrence pourraient être appliquées aux autres filières agricoles. »
Le Président Pierre Lequiller. Nous sommes saisis d'une proposition de résolution européenne relative à la tenue des sessions du Parlement européen à Strasbourg, présentée par MM. Jean-Marc Ayrault, Armand Jung et Christophe Caresche. Le président du groupe SRC, M. Jean-Marc Ayrault, a souhaité, en application de l'article 151-5 du règlement de notre assemblée, que nous examinions cette proposition dans un délai d'un mois.
Je vous propose que nous désignions M. Christophe Caresche comme rapporteur.
Le 9 mars 2011, le Parlement européen a adopté les calendriers de ses sessions pour 2012 et 2013. A cette occasion, il a approuvé un amendement déposé par M. Ashley Fox, représentant britannique appartenant au groupe des conservateurs et réformateurs européens (CRE), visant à scinder les deux sessions plénières d'octobre en deux jours chacune. Cet artifice organisationnel a pour unique objet de regrouper ces sessions en une seule semaine et de réduire ainsi d'une semaine par an la présence des parlementaires européens à Strasbourg.
Cette compression du travail parlementaire est une nouvelle initiative hostile à l'implantation du Parlement européen à Strasbourg. Concentrer sur seulement deux jours une session ordinaire est en effet en parfaite contradiction avec l'accroissement spectaculaire de la charge de travail du Parlement européen induite par le traité de Lisbonne et l'actualité législative européenne. Cette initiative s'inscrit dans une logique dangereuse, qui, si elle est tolérée, pourrait gravement compromettre le siège strasbourgeois. Surtout, ces nouveaux calendriers sont en contradiction flagrante avec les dispositions, pourtant précises, des traités.
La longue querelle du siège des institutions européennes a été clairement tranchée dès le début des années 1990. Les organes des Communautés s'étaient installés d'abord de façon provisoire, au gré de considérations politiques et pratiques conjoncturelles, le traité de Rome se contentant de préciser, dans son article 213, que « le siège des institutions est fixé du commun accord des gouvernements des Etats membres ».
La Commission européenne fut ainsi établie à Bruxelles, face aux craintes du Luxembourg, qui accueillait la Haute autorité de la CECA, de voir un afflux de fonctionnaires internationaux compromettre l'identité du Grand Duché. Le Secrétariat de l'assemblée parlementaire, d'abord de la CECA, puis de la CEE, préféra pour sa part demeurer près des services de la Haute autorité. L'assemblée parlementaire elle-même tint ses premières sessions à Strasbourg, où siégeait depuis 1949 l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. En revanche, les commissions de l'assemblée se réunirent à Bruxelles, au plus près de la Commission européenne.
Cette triple implantation, envisagée comme « provisoire » dans le traité de fusion des exécutifs de la CECA et de la CEE de 1965, se perpétua au fil des ans, jusqu'à ce que les chefs d'Etat et de gouvernements prennent leurs responsabilités en fixant, de manière définitive, le siège des institutions.
Le texte adopté par Conseil européen d'Edimbourg du 12 décembre 1992 a même été ensuite inscrit, à la demande de la France, dans le marbre des traités, grâce à l'adjonction par le traité d'Amsterdam d'un protocole sur le siège des institutions.
Celui-ci dispose clairement que « « le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire. Les périodes de sessions plénières additionnelles se tiennent à Bruxelles. Les commissions du Parlement européen siègent à Bruxelles. Le secrétariat permanent du Parlement européen et ses services restent installés à Luxembourg ».
Les implications d'une telle formulation sont donc limpides.
En vertu des traité, le Parlement européen doit tenir à Strasbourg toutes ses sessions plénières non additionnelles – ces dernières étant rigoureusement circonscrites par la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, qui veille à ce qu'elles conservent un caractère « exceptionnel » et objectivement justifié. Ces sessions doivent être mensuelles, au nombre de douze par année. La Cour de Luxembourg a seulement toléré que ce ne soit pas le cas en août, dès lors qu'une seconde session est organisée en octobre. Les calendriers adoptés par le Parlement européen le 9 mars dernier contreviennent manifestement aux implications concrètes de ces dispositions, telles qu'elles ont été précisées par la Cour de Luxembourg dans une affaire similaire le 1er octobre 1997. La Cour considère logiquement, en effet, dans l'arrêt précité qui avait conduit, à la demande de la France, à l'annulation du calendrier pour 1999, que « le siège du Parlement est le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires de cette institution ». Cela emporte des conséquences d'ordre qualitatif « sur la nature des activités qui doivent se dérouler » pendant les sessions. La Cour précise ainsi qu'il « est constant entre les parties que les périodes de sessions plénières s'étendant d'un lundi à un vendredi se tiennent à Strasbourg ».
Dans ce contexte, le recours que la France, le 14 mars, rejointe par le Luxembourg le 22 mars, ont décidé de former auprès de la Cour de justice de l'Union européenne, devrait conduire à l'annulation d'une décision qui, de fait, vide de leur substance les dispositions précises et inconditionnelles du protocole.
Mais l'adoption des nouveaux calendriers, par 357 voix pour, 255 contre et 41 abstentions, contre l'avis des présidents des deux plus grands groupes du Parlement européen qui avaient obtenu, en automne, le report d'un vote similaire, et surtout dans un scrutin secret inhabituel pour des questions d'une telle portée symbolique, témoigne des progrès d'une certaine hostilité au siège qui mérite que l'on rappelle avec force de la légitimité de Strasbourg.
Strasbourg bénéficie en effet d'atouts historiques et géographiques incontournables. La légitimité historique de la ville se passe de longues démonstrations. Strasbourg est en effet le symbole le plus éclatant de la réconciliation du continent sur les ruines de la barbarie et de l'unification européenne dans le terreau des premiers humanismes, d'abord portée par le Conseil de l'Europe qui y siège depuis 1949. Elle demeure l'emblème le plus éclatant de l'entente franco-allemande, moteur de l'intégration du continent. Elle est la capitale des droits de l'Homme, avec la Cour des droits fondamentaux de 800 millions d'Européens.
Ces éléments constitutifs de l'identité européenne ne sauraient être remis en cause au détour d'un amendement discret, voté à bulletins secrets.
L'Europe, déterminée aujourd'hui à combler le fossé démocratique qui la tient encore trop souvent éloignée de ses peuples, a besoin plus que jamais de symboles forts réconciliant son identité, multiple, et la force de son projet unificateur.
Chaque ville européenne, au fil des ans, s'est ainsi construite une image forte auprès des citoyens, qui ne peut être ignorée. Tout concentrer à Bruxelles serait appauvrir l'Union et la priver de l'une de ses richesses essentielles, la diversité de ses représentations.
Dans ce contexte, l'impact sur l'opinion publique, en particulier française, d'une concentration des institutions sur la seule Bruxelles et d'un effacement programmé du rôle de Strasbourg serait désastreux. Surtout, Strasbourg contribue à la cohérence géographique des implantations de l'Union, expression nécessaire d'une Union fondée sur le respect de la richesse de ses racines et de l'équilibre entre ses Etats. Toute idée de concentration des institutions communes en un lieu unique, forme de « district fédéral », est en effet manifestement étrangère à l'ambition européenne de s'appuyer sur les forces de ses Etats membres et non de les diluer.
Cette conception polycentrique est le reflet fidèle d'une volonté constante de mettre l'Europe au plus près de ses citoyens, et non de l'isoler dans un centre lointain et monolithique. L'extrême soin apporté, parfois au mépris de toute cohérence budgétaire ou opérationnelle, à répartir harmonieusement les sièges des nombreuses et croissantes agences de l'Union sur l'ensemble du territoire européen, dont vous verrez la diversité dans le rapport que je vous soumets, en témoigne abondamment.
Remettre en cause cet édifice complexe impliquerait de rouvrir la porte à de redoutables marchandages politiques, dont l'image de l'Europe ne sortirait pas grandie.
Ces constats clairs méritent d'être relayés, à côté de notre légitime vigilance juridique, par une mobilisation politique forte, dans laquelle nos collègues eurodéputés français devront jouer un rôle essentiel.
Elle implique aussi de persévérer dans nos efforts pour conforter les atouts de Strasbourg, sur le front immobilier comme sur celui des transports. L'achat au Conseil de l'Europe d'un nouveau bâtiment à proximité immédiate du Parlement européen, afin d'étendre la superficie de ses implantations à Strasbourg (345 000 m2contre 550 000 à Bruxelles) va dans le bon sens. Plus encore devra être fait, par exemple à l'occasion de la renégociation du contrat triennal entre l'Etat et la région, pour renforcer l'accès en train et en avion.
Cette nouvelle offensive contre le siège légitime du Parlement européen appelle une affirmation claire par notre Assemblée de son attachement à Strasbourg. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de résolution déposée par nos collègues Armand Yung et Jean-Marc Ayrault.
Quel bonheur d'entendre parler en ces termes de Strasbourg ! Je partage cet enthousiasme et n'ai évidemment rien à redire à cette proposition de résolution. Je voudrais simplement ajouter quelques éléments.
Il ne faut pas enclencher une mécanique pour vider Strasbourg de sa substance. Même en mathématiques modernes, je ne sais pas expliquer qu'une session en fait deux. Je siège actuellement à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe où je commence à entendre des petites attaques de-ci de-là à mesure que le Parlement européen entre en compétition avec cette assemblée.
Il faut comprendre que lorsque l'on attaque Strasbourg, on attaque la France. Les traités doivent être respectés. L'amendement a été discuté le 9 mars et j'ai interpellé le Gouvernement le 16 aux questions au Gouvernement. Celui-ci nous a rassurés en disant que tout le traité et rien que le traité devait être appliqué. Il faut marteler que le Parlement européen a son siège à Strasbourg et que la diversité des capitales européennes est une richesse pour l'Europe.
Le Président Pierre Lequiller. Dans cet esprit, j'organiserai un déplacement de la Commission à Strasbourg pour y rencontrer nos collègues du Parlement européen.
En tant qu'élu alsacien, je ne peux qu'exprimer mon émotion devant ce dernier reste de défiance à l'encontre de Strasbourg qui n'est que la suite d'un lent grignotage s'opérant depuis des années. Maintenant, tout est sur la table. Les motions, la résolution, c'est bien, mais c'est insuffisant. Il faut rappeler à tous les Etats membres que le traité à force de loi et s'applique pour Strasbourg comme pour toutes les institutions. Le Parlement européen est la seule institution européenne dont le siège est en France. Si ce siège changeait, c'est l'ensemble des institutions qui devraient bouger, le Conseil, la Commission, la Banque centrale, les agences.
Le gouvernement français s'est peut-être insuffisamment engagé pour qu'on en soit arrivé à une telle extrémité. On a fait beaucoup pour renforcer la commodité du siège du Parlement à Strasbourg, grâce aux contrats triennaux ; il faudrait évaluer l'ensemble de ces politiques. Pour conforter la place de Strasbourg, la question des déplacements et de l'accessibilité est centrale. Ils n'ont pas été suffisamment améliorés, même si l'apport du TGV a constitué un progrès important.
Les adversaires de Strasbourg ne désarmeront pas. La réaction du Gouvernement a été à la hauteur en saisissant la Cour, arbitre compétent dont on attend le jugement avec espoir.
Il faut en tout cas répondre à la question de savoir comment concrètement contribuer à l'attractivité de Strasbourg auprès des parlementaires européens.
La France est toujours trop sur la défensive sur cette question. Elle doit passer à l'offensive pour ne plus être constamment écornée sur Strasbourg. L'opinion publique s'interroge sur le coût du déménagement à l'heure de la dématérialisation et il faudrait avoir les chiffres réels. Un nouveau cap doit être franchi. Il est facile de démontrer l'aberration du déménagement au temps où la dématérialisation s'applique à toutes les collectivités et doit aussi s'appliquer au Parlement européen.
Le Parlement a changé avec l'arrivée des jeunes générations notamment des pays de l'Est. On a perdu sur la langue mais aussi sur la symbolique. L'Europe de la réconciliation franco-allemande et de la paix leur parle beaucoup moins. Les grèves à répétition à la SNCF causent du tort. Des avions un peu plus nombreux une semaine par mois les lundi et jeudi seraient également les bienvenus. Certains font valoir également le manque de fonctionnalité des locaux du Parlement européen ainsi que la hausse des prix pendant les sessions. Il faut prendre en compte ces éléments. Les électeurs pensent que le Parlement européen coûte cher, alors même que son coût est comparativement faible.
L'amendement Fox a été voté à une large majorité et je souhaiterais savoir qui compose cette majorité, pour envisager une réponse à ceux qui mènent l'offensive et donnent ainsi une image détestable de l'Europe. Je voudrais savoir également si l'on a des précédents par rapport à ce recours devant la Cour.
L'amendement Fox a recueilli 357 voix pour, 255 voix contre et 41 abstentions, contre l'avis des présidents des deux principaux groupes. Ce vote s'est déroulé au scrutin secret à la demande de 216 députés.
La France a fait beaucoup d'efforts pour le siège lui-même, pour la valorisation de Strasbourg, pour le TGV, qui met Strasbourg à 2 h 30 de Roissy qui est la plateforme aérienne européenne la plus importante avec Londres, afin de permettre aux parlementaires européens d'y consacrer une semaine de travail.
La dématérialisation devrait limiter la documentation. La malle de Strasbourg n'a plus de sens.
L'action du Gouvernement au contentieux est justifiée et la réponse du ministre des affaires européennes aux questions d'actualité a été appropriée. Je propose d'ajouter à la proposition de résolution de nos collègues Armand Jung et Jean-Marc Ayrault le considérant suivant :
« Considérant le recours formé par la France auprès de la Cour de justice de l'Union européenne et annoncé par le ministre chargé des affaires européennes à l'Assemblée nationale le 16 mars 2011 en réponse à une question au Gouvernement, »
Ce vote témoigne moins d'une prise de décision politique que d'une insatisfaction des députés des autres pays. Contrairement à Bruxelles, ils doivent changer à Roissy pour aller à Strasbourg. Ce très beau bâtiment est moins fonctionnel que les locaux de Bruxelles. Huit ans après y être entré, je m'y perdais encore.
Le Président Pierre Lequiller. La Commission des affaires européennes est pleinement mobilisée pour soutenir Strasbourg et je remercie Christophe Caresche pour sa référence au recours fait par le Gouvernement auprès de la Cour de justice de l'Union européenne et à la réponse faite par le ministre chargé des affaires européennes à la question de M. André Schneider. Je souhaite que cette proposition de résolution puisse recueillir l'unanimité de notre Commission.
Il faut faire très attention compte tenu du nombre de vote en présence. Il ne faudra plus rester toujours sur la défensive.
Je vous renouvelle mon appel : il faut vraiment aider Strasbourg.
La Commission a approuvé à l'unanimité la proposition de résolution, dans le texte suivant :
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'article 341 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu le protocole (n° 6) sur la fixation des sièges des institutions et de certains organes, organismes et service de l'Union européenne annexé au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu les calendriers des périodes de sessions du Parlement pour 2012 et pour 2013 adoptés par le Parlement européen le 9 mars 2011,
Considérant que le choix de Strasbourg, ville symbole de la réconciliation du continent et de l'unification européenne, comme siège du Parlement européen bénéficie d'une légitimité historique incontournable,
Considérant que la diversité géographique des sièges des institutions européennes est l'expression nécessaire d'une Union fondée sur le respect de la richesse de ses racines et de l'équilibre entre ses Etats, au plus près des citoyens,
Considérant le recours formé par la France auprès de la Cour de justice de l'Union européenne et annoncé par le ministre chargé des affaires européennes à l'Assemblée nationale le 16 mars 2011 en réponse à une question au Gouvernement,
Rappelle qu'en vertu des traités, et depuis la fondation des Communautés européennes, le Parlement européen a son siège à Strasbourg, où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire,
S'oppose par conséquent à toute action et tout artifice organisationnel aboutissant à vider de leur contenu les sessions plénières du Parlement européen et, par ce biais, à contrevenir directement aux dispositions du traité. »
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :
Ø Environnement
- projet de règlement de la Commission établissant, conformément à la directive 200387CE du Parlement européen et du Conseil, certaines restrictions applicables à l'utilisation de crédits internationaux résultant de projets relatifs aux gaz industriels (documentE 6056) ;
- projet de décision de la Commission établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux ordinateurs personnels (documentE 6068) ;
- projet de décision de la Commission établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux ordinateurs bloc-notes (documentE 6069) ;
- projet de décision de la Commission établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux sources lumineuses (documentE 6070) ;
- projet de décision de la Commission établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE au papier à copier et au papier graphique (documentE 6071) ;
- recommandation de la Commission au Conseil visant à modifier la décision du Conseil du 26 juillet 2010 relative à la participation de l'Union européenne aux négociations portant sur les amendements au protocole de 1998 à la convention sur la pollution transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux métaux lourds (documentE 6111) ;
- projet de décision de la Commission du […] établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux nettoyants universels et aux nettoyants pour sanitaires (documentE 6127) ;
- projet de décision de la Commission du […] établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux détergents pour vaisselle à la main (documentE 6128) ;
- projet de décision de la Commission établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux lubrifiants (documentE 6129).
Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice
- projet de modification du règlement de procédure de la Cour de justice de l'Union européenne - dépôt et signification d'actes de procédure par voie électronique (e-Curia)(documentE 6150) ;
- projet de modification du règlement de procédure du Tribunal de l'Union européenne - dépôt et signification d'actes de procédure par voie électronique (e-Curia)(documentE 6151) ;
- projet de modification du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique de l'Union européenne - dépôt et signification d'actes de procédure par voie électronique (e-Curia)(documentE 6152).
Ø PESC et relations extérieures
- recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations pour un accord-cadre avec le Kosovo concernant sa participation aux programmes de l'Union (documentE 6110).
Ø Politique sociale
- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne (documentE 6160).
Ø Questions budgétaires et fiscales
- projet de budget rectificatif n° 2 au budget général 2011 - État des dépenses par section - Section III - Commission (documentE 5958-2) ;
- proposition de décision d'exécution du Conseil autorisant la République de Lituanie à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 287 de la directive 2006112CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (documentE 6145) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 10492001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (documentE 6146).
l Point B
La Commission a approuvé les textes suivants :
Ø PESC et relations extérieures
- recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations avec la République du Kazakhstan en vue d'un accord de partenariat et de coopération renforcé (documentE 6061).
Ø Sécurité alimentaire
- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 988CE du Parlement européen et du Conseil aux fins de l'inscription de la créosote en tant que substance active à l'annexe I de ladite directive (documentE 6031).
l Procédure d'examen en urgence
Par ailleurs, la Commission a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, des textes suivants :
- décision du Conseil concernant les règles de sécurité aux fins de la protection des informations classifiées de l'Union européenne (document E 6144) ;
- décision du Conseil relative à une opération militaire de l'Union européenne à l'appui d'opérations d'aide humanitaire en réponse à la situation de crise en Libye (opération « EUFOR Libye »)(document E 6149) ;
- projet de décision du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités en raison de la situation en Iran (document E 6163) ;
- projet de règlement du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran (document E 6164).
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- projet de décision du Conseil modifiant la décision 2010656PESC renouvelant les mesures restrictives instaurées à l'encontre de la Côte d'Ivoire (documentE 6161) ;
- proposition conjointe de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 5602005 du Conseil infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Cote d'ivoire (documentE 6162) ;
- virements de crédits no DEC 082011 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2011 (documentE 6165) ;
- projet de décision du Conseil modifiant la décision renouvelant les mesures restrictives à l'encontre de la BirmanieMyanmar (documentE 6166) ;
- décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2010656PESC renouvelant les mesures restrictives instaurées à l'encontre de la Côte d'Ivoire (documentE 6167) :
- règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (CE) n° 5602005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire (documentE 6168) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un membre espagnol du Comité des région (documentE 6170) ;
- tribunal de la fonction publique de l'Union européenne. Projet de décision du Conseil portant nomination de juges au Tribunal de la fonction publique de l'Union européenne (documentE 6171) ;
- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 14252006 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains sacs et sachets en matières plastiques originaires, entre autres, de la République populaire de Chine (documentE 6176) ;
- projet de décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2011137PESC du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (document E 6177) ;
- projet de règlement d'exécution mettant en oeuvre l'article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) n° 2042011 du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (documentE 6178).
La séance est levée à 18 h 20.