(Application de l'article 120 du Règlement)
Jeudi 4 novembre 2010
La réunion de la commission élargie commence à seize heures.
Projet de loi de finances pour 2011
Médias
Monsieur le ministre de la culture et de la communication, je suis heureux de vous accueillir au nom de M. le président de l'Assemblée nationale ici présent, de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles, et de Mme Martine Aurillac, vice-présidente de la Commission des affaires étrangères.
Vous étiez ce matin en séance publique pour le vote des crédits de la mission « Culture ». Cet après-midi, l'exercice sera un peu différent, car nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour 2011. Nous retrouverons néanmoins des sujets en commun, du fait du transfert contesté vers cette mission de crédits issus de la mission « Culture ».
Comme vous le savez, la procédure de commission élargie est destinée à permettre un dialogue vivant et direct entre le Gouvernement et les députés. Après que vous aurez répondu aux rapporteurs, je donnerai ainsi la parole aux collègues qui souhaitent s'exprimer.
Monsieur le ministre, c'est la troisième fois cette semaine que j'ai le plaisir de vous entendre : la première fois, ce fut mardi après-midi pour les crédits de la mission « Culture » et la deuxième, ce matin, en séance publique, dans le cadre de l'examen de ces mêmes crédits.
Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le projet de budget de l'audiovisuel public, qui est d'autant plus important que le contexte, particulier, est celui de la mise enoeuvre des réformes et du changement de président de France Télévisions.
Notre commission a mené une réflexion importante à la fois sur la question de la publicité et les activités commerciales de France Télévisions. C'est pourquoi nous sommes très attentifs au suivi de la réforme engagée dans le cadre de la loi de 2009.
Enfin, deux rapporteurs pour avis interviendront au nom de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation : Mme Martine Martinel, qui a centré sa réflexion sur la mise enoeuvre de la réforme de France Télévisions, et M. Michel Françaix, qui s'est penché sur le bilan des aides à la presse.
Je tiens tout d'abord à excuser le président de la Commission des affaires étrangères, M. Axel Poniatowski, qui n'a pu se joindre à nous cet après-midi.
Notre commission a toujours porté une attention particulière à l'audiovisuel extérieur de la France. Une mission d'information avait du reste été créée en 2007, laquelle avait formulé un grand nombre de propositions visant à guider les choix futurs en la matière, sans trouver, malheureusement, un véritable écho auprès du Gouvernement.
C'est donc tout naturellement que la Commission a décidé une nouvelle fois d'émettre un avis sur les crédits du programme « Action audiovisuelle extérieure », qui ne représente qu'une petite partie de la mission qui nous réunit aujourd'hui.
Notre rapporteur, M. Didier Mathus, a choisi cette année de s'intéresser, après TV5 Monde et RFI, au devenir de France 24.
pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » et pour les comptes spéciaux « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » et « Avances à l'audiovisuel public ». Afin de respecter les cinq minutes qui me sont imparties, mon intervention se placera donc sous le signe du haut débit et de la compression de données...
Dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, les crédits prévus en 2011 pour les médias sont, au total, préservés par rapport à 2010.
Cet effort budgétaire de l'État permettra, tout d'abord, d'assurer à l'audiovisuel public national 3,590 milliards d'euros et à l'audiovisuel public extérieur 332 millions d'euros pour accomplir leurs missions de service public, de tenir, ensuite, les engagements pris par l'État en faveur de la presse à l'issue des états généraux de la presse écrite avec 464 millions d'euros, et d'achever, enfin, en 2011, le passage au tout numérique avec 131 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je suis désolé de ne pouvoir développer que quelques questions.
S'agissant de France Télévisions, l'État, en assurant plus de 85 % des ressources du groupe, garantit un financement plus solide que jamais. De plus, les recettes publicitaires sont, elles aussi, solides, comme en témoignent les excédents de 150 millions d'euros en 2009, d'une centaine de millions en 2010 et de 172 millions prévus pour 2011. En laissant à France Télévisions l'essentiel de ses excédents, l'État renforce encore sa solidité financière, puisqu'il lui permet un retour à l'équilibre anticipé.
Toutefois, après le retour à l'équilibre, comment décider de l'utilisation de ces heureuses recettes supplémentaires par rapport à celles prévues au contrat d'objectifs et de moyens, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un ajustement à la marge ? En 2011, cet excédent prévisionnel de 172 millions d'euros représentera plus de la moitié des ressources de l'audiovisuel extérieur de la France et plus que les crédits consacrés au passage à la TNT !
Deux solutions sont possibles.
Si les recettes publicitaires réalisées excèdent structurellement celles qui ont été prévues dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens initial, ne faudrait-il pas, en amont, réduire le montant de la compensation de la perte de recettes publicitaires, puisque les hypothèses de 2008 qui ont servi de base à ce calcul ne sont plus valables ?
Si, au contraire, on considère que ces excédents ne sont pas structurels, le Gouvernement est-il d'accord avec ma proposition de soumettre l'utilisation de ces recettes à la même discipline que toutes les recettes et les dépenses qui sont cadrées par le contrat d'objectifs et de moyens ? Des sommes allant de 100 à 172 millions d'euros valent bien un avenant au contrat, lequel est soumis aux avis du CSA et du Parlement ! C'est cette logique que je défendrai dans un amendement, cosigné avec Charles de Courson, tendant à encadrer l'utilisation future des éventuels excédents de recettes publicitaires de France Télévisions.
Quelle est, par ailleurs, la position du Gouvernement concernant ma proposition et celle du rapporteur général de fixer à cinq ans le moratoire sur la suppression de la publicité diurne, pour être cohérent avec la durée du mandat du président de France Télévisions et du nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui sera mis enoeuvre dans le cadre de ce mandat ?
Faut-il, enfin, aller au bout de la logique de suppression de la publicité après 20 heures en supprimant également le parrainage ou considérez-vous que l'encadrement de cette pratique via une charte élaborée par France Télévisions sera suffisant ?
Je tiens également à vous poser quelques questions sur la presse.
Les pouvoirs publics ont tenu les engagements forts pris à l'issue des États généraux de la presse écrite. La réciproque est moins vraie de la part des professionnels du secteur.
Ne craignez-vous pas que l'effort exceptionnel de financement de l'État ait été absorbé pour assurer un simple sursis à plusieurs titres, sans permettre de préparer la mutation voulue par les États généraux ?
Pour permettre à la profession de rattraper ce retard, puis-je savoir quand fonctionnera l'Observatoire sur les nouvelles attentes du lectorat et sur l'innovation éditoriale, structure qui doit être l'outil de veille et de recherche dont la presse française a besoin ? Ne faudrait-il pas organiser de nouveaux États généraux axés sur le développement des services innovants, comme la presse en ligne ? En matière de gouvernance des aides, quelles suites entendez-vous donner au rapport Cardoso, selon quelles modalités et suivant quel calendrier ?
J'aurais également aimé pouvoir m'exprimer sur d'autres sujets importants tels que la renégociation des conventions collectives et des accords d'entreprise dans l'audiovisuel public, l'éventuel changement de stratégie et de statut de l'Agence France Presse, le rééquilibrage du financement de TV5 Monde, l'adaptation des règles de concentration dans le domaine des médias, l'asymétrie de régulation entre les services audiovisuels traditionnels et Internet, le défaut de participation des opérateurs d'Internet au financement de la production de contenus ou le rétablissement d'une architecture budgétaire propice à la lisibilité du budget et au suivi des crédits, tant il est illogique de mélanger « médias », « culture » et « livre ».
Enfin, monsieur le ministre, je suis désolé de ne pouvoir évoquer d'autres sujets tout aussi essentiels autrement qu'en langage SMS : « kan » un nouveau COM FTV ? « kan » un nouveau COM AEF ? « kan » une RNT ? « kan » une TMP ? Quelle réforme du CSMP ?
pour les médias, l'audiovisuel et les avances à l'audiovisuel public. J'ai souhaité pour ma part, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, dresser le bilan de la réforme de France Télévisions et faire plusieurs propositions pour l'avenir du groupe.
La loi du 5 mars 2009 nous aura donné un exemple parfait de mauvaise législation. Je rappelle en effet que la suppression de la publicité a été décidée et annoncée sans concertation avec l'entreprise et ses administrations de tutelle, et qu'elle a été mise enoeuvre dans le mépris le plus total de la procédure parlementaire, sur la base d'une simple délibération du conseil d'administration, annulée par le Conseil d'État.
De plus, le comité qui devait être chargé du suivi de l'application de la loi n'a jamais vu le jour.
Par ailleurs, la taxe télécoms, créée pour financer la réforme, a été jugée non compatible avec le droit communautaire par la Commission européenne.
Enfin, la confusion la plus totale règne sur la question de la suppression de la publicité en journée.
L'analyse montre que, pour le téléspectateur, l'impact de la suppression de la publicité en soirée est modeste, voire négatif. Elle n'a eu aucun effet sur l'audience, qui poursuit son érosion et dont le vieillissement s'accélère. De plus, les programmes de deuxième partie de soirée sont certes mieux exposés mais l'évolution de l'audience entre 22 heures 30 et 22 heures 45 montre que les téléspectateurs ont profité des nouveaux horaires pour aller se coucher plus tôt.
S'agissant de la qualité des programmes, il convient de rappeler que le virage éditorial est antérieur à la suppression de la publicité. On constate toutefois – c'est peut-être le plus étonnant – une dégradation de la programmation sur certaines tranches horaires comme effet collatéral de la suppression de la publicité après 20 heures.
C'est ainsi qu'en 2009 la durée des journaux télévisés de 20 heures a été amputée de quelque cinquante-deux heures d'information. En journée, France Télévisions a joué du maintien de la publicité pour développer fortement ses recettes commerciales, en s'appuyant sur une programmation plus commerciale avec une augmentation notable des divertissements et des jeux, en contradiction avec les objectifs annoncés de la réforme.
Peut-on du reste vraiment parler de suppression de la publicité alors qu'on constate une augmentation globale de la publicité et du parrainage ? L'augmentation du temps de publicité sur France 2 avant 20 heures est telle qu'il y a désormais plus de publicité qu'avant la réforme, tendance qui se confirme et s'accentue en 2010 !
Les chiffres révèlent également une augmentation du parrainage, surtout en période de plus forte audience, notamment sur la tranche horaire stratégique allant de 20 heures 30 à 21 heures, tranche durant laquelle, précisément, le téléspectateur est censé être débarrassé des tunnels de publicité.
S'agissant du financement de la réforme, je rappelle que, pour ne pas augmenter la redevance, on a mis en place un système aberrant, fondé sur une dotation budgétaire qui fait chaque année l'objet de rabotages successifs alors qu'elle devait être financée par deux taxes, toutes deux remises en cause dans leur principe et leur montant.
Or, je tiens à le souligner, aucun financement n'a jamais été envisagé afin de compenser la suppression de la publicité en journée.
En ce qui concerne la réforme interne de l'entreprise liée à la création de l'entreprise unique, les auditions nous ont permis de constater que l'entreprise est totalement désorientée.
Ce constat nous vient non seulement de la direction, qui n'a aucune visibilité sur le financement, mais également des auteurs et des producteurs, qui sont très inquiets, du fait que l'entreprise commune a conduit à la mise en place d'une organisation à la fois très fidèle aux préconisations de la commission Copé, et illisible et hyperconcentrée, organisation que, du reste, le nouveau président, M. Rémy Pflimlin, remet en cause.
La nouvelle direction nous a de plus déclaré avoir constaté que les salariés sont désorientés. Une direction de la prévention des risques liés au travail, y compris les risques dits psychosociaux, a d'ailleurs été créée en urgence à la suite de plusieurs tentatives de suicide.
La situation actuelle est particulièrement inacceptable pour les 280 salariés de la régie France Télévisions Publicité, qui sont dans l'incertitude totale quant à leur avenir, en raison des atermoiements sur la question de la suppression de la publicité en journée.
Quant aux chaînes privées, elles ne s'estiment pas non plus satisfaites de la réforme.
Enfin et surtout, avec le nouveau mode de nomination de son président-directeur général, la loi a fait perdre à l'audiovisuel public une grande partie de son indépendance politique. Ce mode de désignation jette la suspicion, quelles que soient les qualités de M. Pflimlin, sur toutes ses nominations, notamment celle de M. Pierre Sled à la direction de France 3.
C'est pourquoi je souhaite faire mienne l'observation de M. Jérôme Clément, qui a déclaré lors de son audition devant notre commission : « Le principal reproche que l'on puisse faire à cette réforme, c'est qu'elle ait eu lieu ».
Pour l'ensemble de ces raisons, je proposerai par amendement le maintien de la publicité en journée et la réintégration des résidences secondaires dans l'assiette de la redevance, laquelle demeure le mode le plus légitime de financement de l'audiovisuel public.
J'ai également souhaité me concentrer sur l'avenir de France 4, qui demeure, et à juste titre, la chaîne la plus critiquée pour son absence d'identité affirmée. Dans l'hypothèse où la revente au groupe Lagardère des parts détenues par France Télévisions dans Gulli serait menée à son terme, je propose que soit envisagée la transformation de France 4 en chaîne spécifiquement dédiée à la jeunesse. Il s'agit là d'une mission incontestable du service public audiovisuel. En 2008, le CSA avait constaté que l'offre de France Télévisions en direction de la jeunesse ne répondait qu'imparfaitement aux attentes que ce public et les parents sont en droit d'attendre, d'autant qu'elle s'est réduite au fil des ans sous la pression des exigences d'audience, pour se concentrer uniquement dans les matinées.
En vue d'offrir un large éventail de programmes jeunesse, tous les grands services publics européens ont profité de l'arrivée de la TNT pour lancer des chaînes dédiées.
Monsieur le ministre, je suis certaine que vous êtes d'accord avec moi dans votre for intérieur. Pourrais-je avoir votre avis sur les points que j'ai évoqués ?
Je tiens pour finir à remercier nos services administratifs pour leur professionnalisme et leur diligence.
Monsieur le ministre, la presse française est celle qui, dans le monde, est à la fois la plus aidée – plus d'1 milliard d'euros, soit quelque 12 % de son chiffre d'affaires –, la plus chère et la moins lue. C'est également celle qui, du moins sur le plan européen, se porte le plus mal.
De plus – comme nous sommes très logiques ! –, 35 % de ces aides vont à la presse magazine, qui se porte le mieux, 25 % à la presse spécialisée, qui ne se porte pas trop mal, 23 % à la presse régionale, qui commence à ne pas bien se porter et 15 % à la presse nationale, qui est en désespérance.
Certes, me direz-vous, il n'y a là rien de bien nouveau : les systèmes d'aides à la presse sont le fruit d'un héritage constitué au fil du temps, que tous les ministres ont ajusté sans jamais le réformer. Êtes-vous prêt enfin à remettre à plat les aides à la presse ?
Le Président de la République avait présenté les États généraux de la presse écrite comme le plan de la dernière chance. Beaucoup y avaient cru. Moi-même, je n'y avais pas été insensible. J'y avais même participé. C'est une occasion manquée. Je donnerai quelques exemples.
Au titre de l'aide au transport postal, huit magazines de télévision obtiennent 53 millions d'euros, c'est-à-dire plus que toutes les aides à la modernisation de la presse quotidienne, et quatre titres de presse de télévision obtiennent même une aide au transport postal supérieure à toute la presse quotidienne nationale. Quant à France Soir, qui vend son numéro à 50 centimes d'euro au lieu d'1 euro, il reçoit 52 centimes d'aide au numéro, tandis que Libération reçoit 9 centimes et Le Figaro 19 centimes.
En ce qui concerne l'aide au portage, elle est passée de 8 millions à 70 millions sans que les ventes aient augmenté d'un seul numéro. Force est de constater que la mise enoeuvre de ce plan est un fiasco, « un scandale », selon M. Bruno Mettling. Il a raison. En effet, aucune mutualisation des réseaux de la presse régionale et de la presse nationale ne s'est produite. Quant à la filiale Neopress de La Poste, elle n'a pas participé à ce plan, contrairement à l'engagement de cette dernière.
Les chiffres sont du reste éloquents : 250 millions d'euros au titre de l'aide au transport postal, qui assure 33 % de la distribution, contre 70 millions au titre de l'aide au portage, lequel assure 20 % de la distribution. Or, chacun le sait, l'avenir est au portage : ne conviendrait-il pas dès lors d'infléchir les chiffres, d'autant que la presse régionale a bénéficié d'un véritable effet d'aubaine ? Elle a en effet reçu 72 % du montant de l'enveloppe sans avoir procédé, je le répète, à aucune mutualisation du portage
En ce qui concerne l'aide à la presse en ligne, insuffisamment ciblée, l'absence de réflexion préalable s'est traduite par un saupoudrage peu incitatif en termes d'innovation et de diversification. Du reste, en 2010, sur une enveloppe de 20 millions d'euros, seuls 15,5 millions ont été utilisés. Quant aux pure players, ils n'ont reçu que 6 %. De plus, cette aide a été caractérisée par une certaine opacité, un manque réel de transparence. Tout reste donc à faire en la matière.
De même, le subventionnement massif au développement des capacités d'impression en interne se fait au détriment du renouvellement de l'offre, de l'innovation et de la diversification. La défense de la presse écrite, monsieur le ministre, ne se réduit pas au subventionnement des rotatives.
Quant aux 8,5 millions d'euros spécifiquement consacrés aux projets destinés à favoriser le développement de la lecture de la presse par les jeunes, ils n'ont donné lieu à aucune évaluation. Tout laisse à penser que ce fut un effet d'aubaine pour les parents, qui ont choisi le titre qu'ils voulaient, sans que cela augmente la diffusion de la presse à destination des jeunes.
Par ailleurs, une aide de 4 000 euros a été versée en 2009 aux diffuseurs individuels, mais la réforme structurelle de leur activité a été abandonnée si bien que la situation des vendeurs de presse n'a pas changé : c'est un coup d'épée dans l'eau.
Monsieur le ministre, je vous propose une évolution révolutionnaire. Il conviendrait que les aides ciblent désormais les investissements d'avenir, la presse citoyenne – celle qui favorise le pluralisme – et la mutualisation des réseaux en matière de portage. Il faudrait également que la TVA soit réduite à 2,10 % pour la presse citoyenne – un taux de 0 % étant interdit par l'Union européenne – et soit élevée à 5,5 % pour la presse magazine. Je suis un grand lecteur de la presse spécialisée dans le tennis : je ne verrais aucun inconvénient à la payer au prix du consommateur. Il n'y a d'aides justes qu'inégalitaires. Ne calons pas sur le passé.
Il conviendrait également d'exiger des chartes rédactionnelles pour l'ouverture des droits aux aides. En effet, si le capital possède le matériel, c'est aux journalistes d'assurer l'immatériel au travers de telles chartes. Peut-être alors serions-nous moins inquiets sur les concentrations de presse qui s'opèrent actuellement. En effet, à partir du moment où la presse ne serait aidée que sur la base d'une charte rédactionnelle, nous serions assurés que le contenu du journal ne serait pas modifié par de telles concentrations. Quant à la gouvernance des aides, elle devrait s'effectuer dans le cadre d'une autorité pluraliste et non d'un guichet, afin de favoriser le développement de la démocratie dans le secteur.
L'échec ne répond à aucune fatalité. L'occasion manquée des États généraux ne doit pas avoir pour effet de supprimer l'aide à la presse – certains en rêvent peut-être du côté de l'Élysée, mais ce serait la pire des choses. Il convient de la recentrer sur les titres qui en ont le plus besoin, ceux de la presse citoyenne qui garantissent le pluralisme. Or, ils ne bénéficient que de 30 % de l'aide du contribuable.
J'aurais également aimé développer les questions relatives au ciblage des aides à l'investissement, au développement et à la mutualisation des réseaux de portage. Comme M. le rapporteur spécial l'a souligné, les failles actuelles de l'aide à la presse pourraient avoir pour effet sa suppression dans les trois prochaines années. Une conséquence éventuelle du rapport que je présente m'inquiète, s'il incite à orienter l'aide en direction de trois ou quatre grands groupes, ce qui favoriserait la concentration de la presse au détriment de la presse citoyenne et pluraliste, celle, j'en suis certain, monsieur le ministre, que vous souhaitez aider tout autant que moi. Mais peut-être ne bénéficiez-vous pas de la majorité requise pour le faire ?
La Commission des affaires étrangères attache une importance particulière au rayonnement de l'audiovisuel extérieur de la France. Elle regrette donc la faible connexion entre ses propres réflexions sur le sujet et le travail entamé en juin par le Quai d'Orsay pour réformer l'action extérieure de notre pays.
Vous connaissez sans doute, monsieur le ministre, les paroles de la chanson de Bashung : « Ma petite entreprise ne connaît pas la crise ». Eh bien AEF, la société Audiovisuel extérieur de la France, c'est l'inverse : une entreprise en crise permanente, au point que je doive consacrer chaque année mon rapport à ses difficultés.
Voilà trois ans, une crise éclatait entre TV5 Monde et ses partenaires francophones ; l'an passé, RFI connaissait la plus longue grève de l'histoire de la radio ; cette année, nous assistons au pugilat incompréhensible entre le président d'AEF, M. de Pouzilhac, et la directrice déléguée, Mme Ockrent. La presse – y compris étrangère, ce qui est fâcheux – a employé des expressions aussi violentes que « Saint-Barthélemy » pour qualifier le conflit. On ne peut que s'étonner qu'une chaîne aussi récente que France 24, dont le développement a nécessité beaucoup de bienveillance et d'effort – y compris financier – de la part de l'État, soit déjà en proie à de tels soubresauts.
Les difficultés d'AEF sont à la fois surprenantes et navrantes. Surprenantes, parce que l'idée de regrouper toutes les forces existantes afin d'améliorer la capacité d'influence extérieure de la France en matière d'audiovisuel paraît simple et juste ; navrantes, parce qu'elles interviennent au moment où ce que les Anglo-saxons appellent le soft power, c'est-à-dire la capacité d'influence culturelle des États dans le monde, devient un enjeu majeur de la politique extérieure. Alors que les Chinois viennent de lancer une télévision à vocation internationale, et que le Brésil, l'Iran et d'autres pays commencent à consacrer des sommes très importantes à l'audiovisuel extérieur, celui de l'Hexagone est confronté à des querelles de personnes ! C'est fâcheux.
Il est vrai que l'audiovisuel extérieur de la France a une histoire compliquée. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, on réfléchissait à la nécessité de créer une télévision de breaking news, c'est-à-dire d'information en continu. Mais son développement a lieu un peu tard : au moment où le monde entier est irrigué par Internet et les nouveaux réseaux, une chaîne de télévision ne paraît pas le meilleur moyen de développer notre capacité d'influence culturelle. Cette chaîne existe, cependant : il faut donc qu'elle fonctionne.
Le dispositif global est intéressant, et même remarquable : une radio, RFI, dont tout le monde souligne l'exceptionnelle capacité d'expertise, et qui est très écoutée dans certaines parties du monde comme l'Afrique ; une télévision, TV5 Monde, qui est la seule chaîne généraliste conçue pour une diffusion mondiale, et dont le réseau de distribution est le troisième au monde, mais qui reste pourtant sous-estimée en France – on l'évoque peu, sauf pour regretter son coût, alors qu'elle représente une richesse dont nous devrions prendre conscience – ; et enfin France 24 qui, en dépit de ses difficultés, a au moins le mérite d'exister et doit être consolidée.
Mais il faut reconnaître que cette dernière est très peu distribuée : bien souvent, les membres de la Commission des affaires étrangères, qui ont l'habitude de se déplacer dans différentes parties du monde, me demandent à leur retour où il est possible de la regarder ! En outre, France 24 est guettée par le risque d'une certaine « francité ». Ainsi l'hiver dernier, un des scoops de la chaîne a consisté à interviewer en direct, lors d'une période de grand froid, un de ses rédacteurs en chef coincé par la neige sur le périphérique ! Un tel reportage a le mérite d'être peu coûteux, mais il peut difficilement passionner les populations vivant dans d'autres parties du monde…
La chaîne doit donc se recentrer sur la dimension internationale et proposer des contenus susceptibles de parler au monde entier. Ce n'est pas simple, il est vrai, d'autant qu'elle vient après CNN et BBC World et souffre peut-être d'un manque de moyens. J'observe toutefois que son budget, avec 115 millions d'euros, est loin d'être ridicule. À titre de comparaison, celui de BBC World – dont l'influence n'est certainement pas moindre – est de 50 millions de livres.
Les choses avancent, toutefois. Le rapprochement de RFI et de France 24 aura lieu à la fin de l'année 2011. Il est donc indispensable que les deux entreprises parviennent à fluidifier leurs rapports et à produire ensemble des contenus pour le Net et les nouveaux réseaux, dont la montée en puissance devrait entraîner mécaniquement une érosion de la radio et de la télévision.
Il convient également de débarrasser l'audiovisuel extérieur de tous les parasitages politiques, le grand enjeu étant la crédibilité. Pour avoir rencontré, à Londres, les dirigeants de la BBC, je sais qu'à leurs yeux, le principal atout de cette société est sa marque et la réputation d'indépendance qui lui est attachée. En France, nous sommes loin du compte.
Par ailleurs, il conviendrait d'unifier le pôle de l'audiovisuel extérieur sous un autre nom que celui d'AEF, car un tel acronyme parle bien peu à l'imaginaire mondial. Il serait sans doute temps de trouver autre chose.
Enfin, je m'interroge au sujet du contrat d'objectifs et de moyens d'AEF, attendu comme l'Arlésienne. D'abord promis pour la fin 2009, il est désormais annoncé pour la fin 2010, sans que rien ne soit sûr à ce sujet. Qu'en est-il exactement ?
Je répondrai tout d'abord à M. Martin-Lalande au sujet du financement de France Télévisions et du partage des surplus de recettes.
La dotation publique allouée à France Télévisions pour 2011 est de 2,5 milliards d'euros. Ce chiffre tient compte des surplus de recettes commerciales, puisqu'il est inférieur de 76 millions d'euros au montant prévu par le plan d'affaires 2009-2012. Une telle réduction est cependant inférieure au surplus de recettes publicitaires lui-même, estimé à 171 millions d'euros pour 2011, et qui devrait permettre un retour plus rapide de la société à l'équilibre financier – ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Par ailleurs, des charges supplémentaires de service public qui n'avaient pas été prévues vont devoir être financées : je pense notamment au renforcement des grilles des TV Pays en outre-mer et à la diffusion nationale de France Ô, qui implique une refonte de la grille et de plus grandes ambitions éditoriales. Enfin, des marges de manoeuvre ont été laissées à France Télévisions afin de ne pas la mettre en situation de risque et de donner à ses dirigeants la possibilité d'engager de nouveaux projets – qui feront bien sûr l'objet de discussions avec l'État.
Je partage votre préoccupation de mieux encadrer l'affectation de ces recettes supplémentaires. Je vous propose, pour ma part, l'option consistant à ajouter dans la loi du 30 septembre 1986 la mention suivante : le contrat d'objectifs et de moyens précise le montant d'excédents de recettes de publicité et de parrainage au-delà duquel un avenant à ce même contrat prévoit qu'une part des ressources publiques affectées à France Télévisions correspondant à cet excédent est restituée au budget de l'État ou réaffectée à une activité particulière. Cet avenant pourrait faire l'objet d'une procédure de consultation accélérée – deux semaines pour l'avis des commissions parlementaires au lieu de six – et, sur la base de la nouvelle prévision de recettes de publicité et de parrainage présentée à l'automne par la société, être adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année. Le cas échéant, la dotation publique serait réduite dans une mesure tenant compte non seulement des excédents de recettes propres, mais également des variations de charges affectant la période et de l'objectif d'équilibre financier.
J'en viens à l'extension du moratoire sur la suppression progressive de la publicité à France Télévisions, mesure importante de la réforme de l'audiovisuel public. Sur ce sujet, je ne porte pas la même appréciation que vous, madame la rapporteure pour avis : de nombreux sondages successifs confirment que les trois quarts des Français sont satisfaits de cette suppression. Peut-être se réjouissent-ils de se coucher plus tôt, mais on peut aussi penser qu'ils apprécient de pouvoir accéder plus rapidement à leurs programmes.
Compte tenu du cadre très contraignant enserrant nos finances publiques, il a été décidé de reporter l'entrée en vigueur de la suppression de la publicité en journée. Le Gouvernement a proposé un moratoire de deux ans, c'est-à-dire jusqu'en janvier 2014, tandis que certains parlementaires plaident pour un délai plus long – correspondant à la durée du mandat du président Rémy Pflimlin –, voire pour le maintien définitif de la publicité. Pour ma part, tout en étant partisan de l'application de la réforme, j'ai toujours insisté sur la nécessité d'une clause de rendez-vous. La situation des finances publiques nous conduit aujourd'hui à reprendre la réflexion, mais dans ce domaine, ma position n'est nullement dogmatique. Je préfère donc laisser le débat parlementaire se dérouler dans la sérénité, et je m'en remettrai à la sagesse du Parlement.
La mise en place du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, qui sera signé au printemps prochain, constitue une étape importante, car ce contrat fixera le cap de la société pour les cinq ans à venir et déterminera les moyens dont elle disposera pour réaliser ses objectifs prioritaires.
Un de ces objectifs est la poursuite de l'investissement dans la création audiovisuelle et cinématographique. À cet égard, je suis très attentif aux concertations qui se déroulent avec les producteurs, les créateurs, les auteurs et les artistes. Je suis d'autant plus enclin à prendre bonne note de leurs demandes que je n'ai pas rompu, ni mentalement ni affectivement, avec ce qui fut trente ans de ma vie personnelle et professionnelle.
De même, un des enjeux importants de ce contrat d'objectifs et de moyens sera l'accélération de la prise en compte du tournant numérique. Dans ce domaine, je constate que le privé a pris une certaine avance sur France Télévisions.
Autre objectif : poursuivre la réforme de l'organisation de France Télévisions, notamment en précisant mieux la ligne éditoriale de chaque chaîne. À cet égard, j'ai bien noté les propos de Mme Martinel concernant l'identité de France 4. Même s'il est prévu depuis toujours que France 4 serait une chaîne d'innovation et de jeunesse, on n'a pas toujours le sentiment que cette volonté proclamée est respectée – même si j'ai pu m'apercevoir, en regardant la chaîne dimanche dernier, que les programmes allaient bien dans cette direction.
De la même façon, une véritable réflexion reste à mener sur l'identité de France 3. Nous avons vu que l'audience de la chaîne subissait une érosion ; mais j'ai aussi pu constater que sa ligne de production locale, auparavant relativement importante, avait quasiment disparu, seule restant la tranche d'information. Le renforcement de l'identité de France 3 passe selon moi par un renforcement des identités régionales de chacune des stations qui la composent.
Enfin, le contrat d'objectifs et de moyens doit conduire à approfondir les initiatives qui sont prises en matière de représentation de la diversité de la société française, dans les programmes comme au sein de l'entreprise. Dans ce domaine, je m'appuie beaucoup sur les conclusions de l'excellent rapport rédigé par Hervé Bourges, lequel offre de nombreuses pistes de réflexion et de travail.
La suppression du parrainage constitue une vraie question. Ayant recours, comme cela m'arrive parfois, à une formule un peu rapide, j'ai pu déclarer que la publicité, « sortie par la porte », avait tendance à « revenir par la fenêtre ». Ce propos m'a valu des commentaires variés, mais je maintiens qu'il n'est pas tout à fait faux, et je vous remercie, monsieur Martin-Lalande, d'avoir confirmé qu'il reflétait un sentiment répandu.
Cependant, le problème est compliqué par la diversité des outils statistiques : les chaînes privées et France Télévisions avancent des chiffres et, comme on pouvait s'y attendre, ces derniers ne coïncident pas. Je ne pourrai clarifier la situation qu'avec le concours des nouveaux dirigeants de France Télévisions, et notamment de Rémy Pflimlin, à qui j'ai demandé de me faire des propositions en ce sens. Une charte va encadrer le recours au parrainage sur France Télévisions, après en avoir défini le périmètre. Seront essentiellement concernés des programmes qui favorisent des thématiques d'intérêt général, d'accès à la culture, de développement durable, de diversité, de solidarité, d'emploi et de santé publique. Le parrainage devra être bien défini pour ne pas être un masque derrière lequel se cacherait la publicité. La charte prévoira également que les programmes courts ne seront plus diffusés sur France 2 et France 3 avant le début de la première partie de soirée – sauf les programmes de mission d'information de France Télévisions, c'est-à-dire la météo, l'information routière et éventuellement le loto, qui pourront être parrainés. Par ailleurs, les autres chaînes du groupe devront se limiter à un seul programme court entre le début de la première partie de soirée et la deuxième partie de soirée. La charte préparée par Rémy Pflimlin et son équipe, dont les dispositions clés ont vocation à intégrer le cahier des charges de France Télévisions qui sera adopté parallèlement au contrat d'objectifs et de moyens, devrait donc permettre de résoudre la question du parrainage.
J'en viens à la renégociation des conventions collectives et des accords d'entreprise dans l'audiovisuel. À la suite de modifications intervenues pour des raisons d'ordre juridique, la date à laquelle les nouveaux accords devront être signés est portée à octobre 2012, sauf pour les journalistes, pour lesquels ils devront l'être en février 2011. Ce calendrier sera mis à profit par l'ensemble des parties pour négocier des accords en phase avec les évolutions de l'organisation du travail et la modernisation des relations sociales. Je suis conscient, madame la députée, pour avoir vécu en d'autres temps des épisodes similaires, que l'arrivée d'une nouvelle direction et les réorganisations auxquelles celle-ci a absolument le droit de procéder peuvent susciter une certaine inquiétude parmi les agents travaillant à France Télévisions. Cependant, la négociation des conventions collectives devrait être l'occasion de revenir sur certaines des difficultés que vous avez évoquées.
M. Mathus m'a interrogé sur le contrat d'objectifs et de moyens de la société AEF. Il est vrai que ce nom constitue à lui seul un problème – sauf à être nostalgique des cartes de géographie d'avant 1960, ce que je ne suis en aucun cas. La référence historique accroît d'ailleurs la nécessité de trouver une autre dénomination pour désigner l'audiovisuel extérieur de la France.
S'agissant du contrat d'objectifs et de moyens entre cette société et l'État, prévu par la loi du 5 mars 2009, les négociations sont en cours. Un arbitrage du cabinet du Premier ministre est intervenu sur la dotation publique pour la période 2011-2013, sur la base duquel le contrat pourra être finalisé rapidement puis transmis aux commissions parlementaires compétentes.
Vous avez souligné à bon droit, madame Martinel, que le virage éditorial de l'audiovisuel public avait été entamé avant la nomination du nouveau président et de ses équipes.
Et à celui de M. Duhamel. Ce virage éditorial a permis de différencier nettement le groupe France Télévisions de l'ensemble de la télévision. En tant que ministre de la communication, concerné par tous les problèmes de la télévision et par toutes les chaînes, et désireux de voir régner l'harmonie dans le paysage audiovisuel, je suis attentif à ce virage éditorial d'une maison à laquelle m'attachent de surcroît des relations anciennes.
La transformation du groupe effectuée sous la nouvelle direction a été l'occasion de renforcer son efficacité. Cependant, je constate depuis mon entrée au ministère la montée d'une inquiétude de la part des professions du cinéma et de la fiction télévisuelle, c'est-à-dire les producteurs, les créateurs et les artistes, sensibles aux risques liés au guichet unique. La décision du président Pflimlin et de ses équipes d'identifier plus fortement le portail d'accès dans chacune des chaînes, loin de compliquer le fonctionnement général de France Télévisions ou de rompre avec des habitudes anciennes, a donc au contraire permis un meilleur accueil des producteurs et des projets et, à l'arrivée, une plus grande transparence dans la prise de décision. Les producteurs, créateurs, réalisateurs et artistes sauront profiter comme il convient de ces nouvelles dispositions.
En ce qui concerne la nomination de tel ou tel, je n'ai pas de commentaires à faire : le président Pflimlin est maître chez lui – encore que cette qualification ne corresponde pas exactement à l'esprit de dialogue de ce dernier.
J'en viens à la presse – sachant que nous reviendrons certainement plus tard à différents points qui n'ont pas été abordés tels que Arte France, Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel, les radios associatives ou encore le rapport Kessler sur la radio numérique terrestre.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention l'intervention de M. Françaix. Je ne suis pas loin de partager nombre d'inquiétudes qui ont été exprimées et c'est d'ailleurs pourquoi j'aurai un suivi attentif du rapport Cardoso.
Peu après mon arrivée au ministère, j'ai en effet souhaité que me soit remis un rapport sur les aides publiques à la presse. Ce rapport, dont j'ai rencontré à plusieurs reprises l'auteur au cours de son travail, nous permet d'avancer dans la bonne direction, en tenant compte des préoccupations légitimes dont vous vous faites l'écho, monsieur le rapporteur pour avis. Il souligne, en particulier, la nécessité d'une meilleure gouvernance de l'ensemble des aides apportées à la presse, sans toutefois remettre en cause le principe même de l'aide, et dénonce l'opacité voire la complexité des interventions ainsi que les disparités – sans pour entrer dans le jeu délétère de l'attribution de bons et de mauvais points – entre les entreprises bénéficiaires. Je ferai en sorte que ce diagnostic soit approfondi.
Lorsque j'ai rencontré les principaux acteurs de la filière, je me suis rendu compte que le rapport Cardoso avait été accueilli avec une certaine réticence et qu'il nécessitait des explications. Il est vrai qu'il porte sur des points névralgiques, sur lesquels la vérité est toujours plus blessante que l'illusion…
Le principe des aides à la presse doit être manié avec une très grande modestie et beaucoup de sagesse. En effet, lorsque nous aidons la presse, on nous soupçonne de vouloir la corrompre, mais si nous ne l'aidons pas, on nous soupçonne de l'abandonner et de la laisser mourir. L'effort que nous avons accompli montre que ces soupçons sont parfaitement injustifiés.
Nous pouvons toutefois progresser dans un certain nombre de domaines. Le rapport Cardoso nous ouvre de nombreuses pistes. Il propose notamment le regroupement des aides versées aux éditeurs au sein d'un fonds stratégique homogène, dont les objectifs seraient clairs et fondés sur des engagements contractuels entre l'État et chaque bénéficiaire, avec en contrepartie le maintien des aides à un niveau très élevé jusqu'en 2016. C'est sur cet accord contractuel que je souhaite m'engager, sachant que le pluralisme de la presse, contrairement à tout ce que l'on peut entendre, est aujourd'hui défendu, notamment par la mise enoeuvre précisément d'un plan de soutien.
Parmi vos nombreuses observations, j'ai retenu un point auquel j'attache une particulière importance et sur lequel j'ai demandé à mes services de travailler : il s'agit de la presse citoyenne et des fanzines de quartier. Cette forme de presse – souvent virulente, notamment à l'égard de votre serviteur ! – est peu reconnue et mérite d'être soutenue, en prenant garde naturellement à ne pas entraver sa liberté. Créée par des jeunes, garçons et filles, elle contribue fortement au lien social et joue un rôle considérable. J'en veux pour preuve le concert de 18 000 spectateurs que j'ai organisé au mois d'août et qui s'est terminé par une séance de deux heures au cours desquelles j'ai débattu avec de jeunes éditeurs de fanzines, échange qui m'a permis de prendre encore plus conscience, s'il en était besoin, de l'importance de la question.
Je n'aborderai pas la réforme de l'Agence France Presse, puisque le sujet n'a pas été abordé, mais nous y reviendrons certainement.
S'agissant du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), cette instance de régulation du système coopératif de la distribution de presse ne semble pas très fiable ou du moins très transparente. Sa réforme a été annoncée par les états généraux de la presse. Dans la mesure où les services de mon administration et mon cabinet entretiennent des relations constantes avec les différents acteurs de la filière, il n'est pas indispensable de déclencher une nouvelle grand-messe qui ne ferait que répéter les mêmes choses, même si, dans un monde qui évolue très rapidement, les défis du numérique méritent de faire l'objet d'une discussion permanente avec les organes de presse.
La réforme du CSMP a pour objectif de moderniser et de transformer l'actuel conseil en association de presse, de le doter de la personnalité morale, de redéfinir ses missions, d'instaurer une procédure de conciliation obligatoire des litiges devant le Conseil supérieur avant toute action contentieuse et d'instituer une instance ad hoc, indépendante du collège professionnel, chargée du règlement des différends entre les acteurs de la distribution et de l'homologation normative des décisions du Conseil.
Dans cette période qui se caractérise par la profonde mutation du paysage des médias, votre budget est au rendez-vous du bouleversement des nouvelles technologies. La pandémie de nostalgie qui atteignait les rapporteurs socialistes cet après-midi – Patrice Martin-Lalande s'étant pour sa part certainement fait vacciner contre cette épidémie – nous oblige à resituer votre budget dans son environnement, qui est de plus en plus concurrentiel. Le paysage audiovisuel tel que nous l'avons connu il y a seulement cinq ans a été totalement bouleversé par le passage au numérique, par le déplacement des modes de consommation, par la concurrence internationale et par les besoins nouveaux issus la réforme – qui est d'ailleurs loin de présenter les désavantages que notre collègue Martine Martinel semble lui trouver.
Le vrai défi de vos crédits est d'assurer la pérennité de l'audiovisuel public. Que n'avons-nous pas entendu, en 2009, lors des débats sur la réforme ! L'État allait abandonner l'audiovisuel ! Or, les crédits que vous nous présentez aujourd'hui témoignent bien de la volonté de préserver un audiovisuel public de qualité. Je rappelle à notre collègue rapporteure pour avis – qui, sachant son caractère, a dû se faire violence pour tenir de tels propos – que si le virage éditorial a été très bien négocié par l'équipe de Patrick de Carolis et de Patrice Duhamel, l'impulsion a été donnée par la réforme, qui a permis de déconnecter la préoccupation publicitaire – c'est-à-dire financière – de la préoccupation éditoriale. Je suppose que Rémy Pflimlin aura à coeur de poursuivre dans cette voie.
Si vous-même, monsieur le ministre, et la représentation nationale, du moins dans sa grande majorité, souhaitent pérenniser la publicité, c'est que le contexte publicitaire a beaucoup changé. Nous l'avons constaté ici même : avant même que le débat portant sur la réforme ne se termine, nous avons vu le marché publicitaire fléchir considérablement, ce qui nous a amenés à prendre certaines dispositions.
Une actualité économique favorable a permis à France Télévisions d'obtenir en 2009 un excellent résultat de 400 millions d'euros et il paraissait difficile, pour pérenniser un secteur public de qualité, de se passer d'une telle manne ! Nous proposons donc non pas de remettre en cause la réforme, mais de conserver cette manne, tout en continuant à aider le secteur public.
Par ailleurs, réguler le secteur public, c'est réguler la totalité du périmètre de l'audiovisuel français, y compris les chaînes privées. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé dans le projet de loi de finances d'adapter la taxe sur la publicité à la réalité économique en fixant le pourcentage à 0,5 % pour les chaînes historiques et à 0,25 % pour les nouvelles chaînes de la TNT. Il ne s'agit pas de faire des cadeaux à tel ou tel patron de chaîne, mais tout simplement de préserver un équilibre indispensable. Car si nous avons la responsabilité du secteur public, nous sommes conscients de la nécessité de veiller à l'équilibre du secteur audiovisuel dans son ensemble.
Contrairement à Martine Martinel, je ne pense pas que France 4 sera le principal problème que devra résoudre France Télévisions. C'est sur le devenir de France 3 que le groupe devra s'interroger. Cette grande chaîne doit-elle rester telle qu'elle est ou devenir la chaîne des régions ? C'est le chantier qui attend Rémy Pflimlin.
Reste que l'exigence de réaliser des économies est clairement signifiée dans le plan d'affaires de France Télévisions ainsi que dans le contrat d'objectifs et de moyens. Notre excellent collègue Patrice Martin-Lalande nous invitait tout à l'heure à soutenir un amendement portant sur les surplus publicitaires. Nous sommes plusieurs à penser que notre mission n'est pas de nous mêler de la gestion quotidienne de France Télévisions. Nous en laissons la responsabilité à l'équipe de direction et au contrat d'objectifs et de moyens.
S'agissant des aides à la presse, je trouve très sévère le constat de Michel Françaix, qui a pourtant participé aux états généraux de la presse. Il semble qu'il confonde ceux-ci avec les États généraux de 1789…
C'est grâce aux états généraux de la presse qu'un certain nombre de mesures ont pu être adoptées. Si elles n'ont pas servi le développement de la presse, elles ont au moins permis d'éviter des difficultés à des entreprises de presse dont certaines sinon ne seraient peut-être plus là aujourd'hui.
M. Françaix a semble-t-il gommé un peu facilement les aides au portage ainsi que l'opiniâtreté du ministre à suivre les conclusions du rapport Cardoso. Un travail intéressant a pourtant été accompli qu'il est difficile de nier. Les éditeurs de presse ne se déclarent-ils pas d'ailleurs publiquement satisfaits pour la plupart des résultats des états généraux de la presse ?
J'en viens à l'AFP. Ayant engagé à la demande de la présidente de la Commission des affaires culturelles une réflexion sur la réforme de l'Agence, nous avons auditionné son nouveau président. Pour notre part, nous sommes très favorables à la réforme que celui-ci a souhaité impulser. Sur ce plan également, je trouve notre collègue Michel Françaix bien suspicieux lorsqu'il se dit prêt à accompagner cette réforme sauf si elle devait se faire contre la presse et les salariés : les propos très clairs qu'a tenus devant nous Emmanuel Hoog montrent sa volonté de servir cette réforme en tenant en compte des pratiques de la presse et de l'intérêt des salariés.
Madame Martinel, la réforme de l'audiovisuel porte ses fruits. J'en veux pour preuve les excellents résultats des sondages d'opinion réalisés auprès des téléspectateurs. Ceux-ci se disent sensibles au confort qu'apporte l'absence de publicité à partir de 20 heures et à la qualité régénérée de la programmation de France Télévisions.
Monsieur le ministre, je ne vous poserai que deux questions.
Nous avons réfléchi, en Commission des affaires culturelles, à l'enjeu que représentent les télévisions locales. De nombreuses initiatives sont sur le point d'aboutir. Si nous voulons favoriser leur réussite, nous devons leur proposer un modèle économique. Mme Franceschini a rédigé un rapport sur le devenir des télévisions locales. Qu'en pensez-vous ?
J'en termine avec la télévision connectée, c'est-à-dire fusionnée avec le Web. Cette technologie, en progression constante et très rapide, va bouleverser la réglementation de l'audiovisuel public. Nous devons très rapidement établir de nouvelles règles. Comment comptez-vous faire face à ce nouvel enjeu ?
(M. Gaël Yanno remplace M. le président Jérôme Cahuzac.)
Je commencerai mon intervention par une remarque empreinte d'une certaine solennité. Nous examinons les crédits des médias pour 2011. Or, il se trouve que l'examen des crédits à l'Assemblée nationale se déroule dans un contexte particulier, chaque jour apportant son lot de révélations sur la manière dont est entravé le travail d'investigation des journalistes, qui est pourtant le socle de la liberté d'informer de la presse.
Voilà quelques jours, nous apprenions le vol des ordinateurs de trois journalistes, qui travaillent tous trois, mais dans des médias différents, sur l'affaire dite Woerth-Bettencourt ; hier, nous apprenions les révélations du Canard Enchaîné sur l'utilisation par le pouvoir exécutif de la DCRI pour surveiller le travail d'investigation des journalistes ; aujourd'hui, nous apprenons que les journalistes de Mediapart travaillant sur l'attentat de Karachi et ses conséquences ont été surveillés par le biais de la géolocalisation.
Le groupe socialiste est particulièrement préoccupé par ces événements, d'autant qu'ils bafouent de façon manifeste une loi, votée ici même en début d'année, visant à renforcer la protection des sources des journalistes.
Le doute s'est installé. Les soupçons sont nombreux. Compte tenu de la gravité des faits, notre groupe déposera une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire.
J'en viens aux crédits affectés aux médias dans le projet de budget pour 2011. Avouez, monsieur le ministre, que si votre budget est en hausse, c'est en grande partie parce qu'il y a eu unanimité au Parlement sur deux points : l'indexation de la redevance sur l'évolution du coût de la vie, et la contribution des fournisseurs d'accès Internet au financement du compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels – Cosip. Le groupe socialiste a ainsi contribué à la bonne santé du cinéma français et à la progressivité de la redevance audiovisuelle – je tenais à le rappeler…
En ce qui concerne les grands dossiers qui relèvent de votre ministère, et plus particulièrement France Télévisions, notre groupe se reconnaît dans l'excellent rapport de notre collègue Martine Martinel. Je trouve désolant que nous en soyons réduits à relancer un débat qui pour nous n'a plus de sens : faut-il être pour ou contre la publicité à la télévision ? D'autant qu'un an après la promulgation de la loi, nous en voyons les limites et l'échec partiel. Force est de constater que l'incertitude n'a jamais été aussi grande quant au financement à long terme de France Télévisions.
Mes chers collègues, une part d'incertitude existe sur le financement de France Télévisions ! Ce n'est pas parce que le Gouvernement, par la voix de Christine Lagarde, a choisi la facilité que le financement est assuré. Il n'en est rien ! Le Gouvernement, pour gagner du temps, a contesté devant la Cour européenne la procédure engagée par la Commission européenne pour amener notre pays à supprimer la taxe imposée au secteur des télécoms pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévisions.
Vous avez fragilisé France Télévisions lorsque, dans la première partie du projet de loi de finances pour 2011, vous avez fait, sans aucune justification, un nouveau cadeau aux chaînes privées en réduisant à 0,5 % la taxe sur leur chiffre d'affaires publicitaire alors même que celui-ci était en progression.
Je ne peux donc que me réjouir du jugement que porte Christian Kert sur l'amendement de notre collègue Patrice Martin-Lalande, car si France Télévisions doit enregistrer des surplus de recettes publicitaires, profitons-en pour que l'audiovisuel public sorte de son sous-financement chronique que la réforme de 2009 a accentué !
Si nous voulons tout à la fois éviter le guichet unique, continuer à financer la création audiovisuelle – que France Télévisions assure à 50 % –, développer le numérique, faire de France 4 la chaîne jeunesse du groupe et engager une réforme ambitieuse de France 3 afin que celle-ci retrouve l'audience qu'on lui souhaite, il faut en donner les moyens à France Télévisions.
Plus que jamais, nous sommes opposés à la manière dont sont nommés, depuis la réforme de 2009, les présidents des trois sociétés de l'audiovisuel public. Vous avez été interrogé, monsieur le ministre, sur l'arrivée dans l'équipe de France 3 de Pierre Sled. Je pourrais également vous parler de La Matinale de France Inter et vous demander, après le départ de Stéphane Guillon et de Didier Porte, ce que vous pensez de celui de Gérald Dahan… Vous me répondrez sans doute que c'est Jean-Luc Hees qui a pris cette décision. Sauf que c'est vous, monsieur le ministre, ou plutôt le Président de la République, dont vous dépendez, qui a nommé Jean-Luc Hees et qui, du coup, a fait peser sur chacune de ses décisions le soupçon dû à ce mode de nomination.
Sachant qu'il faut assurer le financement à long terme de France Télévisions, le moratoire est une fausse bonne réponse. Puisque vous vous en remettez à la sagesse de l'Assemblée, le groupe socialiste estime pour sa part que la publicité doit être maintenue dans la journée jusqu'à ce que les finances publiques de notre pays soient remises à flot – je pense, hélas, que nous en avons pour quelques années, peut-être jusqu'en 2014 – année où le mandat de Rémy Pflimlin prendra pris fin –, voire au-delà.
Je voudrais, monsieur le ministre, revenir sur ce que vous avez déclaré en réponse à notre collègue Michel Françaix. Selon vous, trop aider la presse risquerait de faire naître un soupçon de corruption par le pouvoir exécutif…
Il s'agit d'une citation tronquée… Je vous ferai tenir le texte intégral de mon propos.
Quoi qu'il en soit, l'expérience, française notamment, démontre que l'indépendance de la presse court plus de risques du fait de la concentration de titres aux mains de grands groupes industriels et financiers vivant de commandes publiques, qu'en raison d'aides publiques excessives.
À cet égard, l'exemple du journal Le Monde est éloquent !
Il est éloquent parce que, comme sans doute pour la nomination du président de France Télévisions, M. Sarkozy n'a pas atteint les objectifs qu'il s'était fixés.
Il reste aussi que, lorsque vous a été remis le rapport Cardoso, qui a provoqué beaucoup d'émoi dans la profession, vous avez déclaré qu'il était nécessaire que la presse atteigne à une autonomie financière qui la dispense de faire appel à l'intervention publique. Je voudrais que vous vous en expliquiez, même si le propos peut s'admettre quand on se situe dans un monde idéal.
M. Christian Kert a estimé qu'il était difficile de réformer l'AFP contre la presse et contre les salariés de l'agence. C'est une opinion que nous partageons largement, comme le démontre l'initiative que nous avons prise collectivement lorsque l'AFP traversait une crise sérieuse. Son nouveau président, M. Emmanuel Hoog, a formulé des propositions qui, pour le moment, n'engagent que lui. Vous engageront-elles aussi ? Certaines, en effet, exigent une traduction législative. Le Gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités en déposant un projet de loi ? Il ne faudrait pas que, sur ce dossier également, vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée nationale …
Serait-ce une mauvaise chose que de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée nationale ? Je suis trop respectueux des droits du Parlement pour ne pas écouter ce qu'il a à me dire. Il s'agit d'un devoir républicain.
Certes, mais si vous vous en remettez trop systématiquement au Parlement, on risque de se demander s'il existe encore un ministre de la communication. Je vous le déconseille donc : gouverner, c'est choisir. Or, vous vous en êtes déjà remis à l'Assemblée nationale sur le moratoire et sur la taxe applicable au chiffre d'affaires des chaînes privées. Je souhaiterais que vous assumiez vos responsabilités s'agissant de l'AFP.
Enfin, le CSA, avec une audace qu'on ne lui connaissait pas, a rendu, pour la première fois depuis des années, un avis négatif sur un projet de décret : celui qui concerne les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). L'autorité de régulation a considéré qu'il existait un risque économique en la matière – un danger de tuer dans l'oeuf la poule auxoeufs d'or, si je puis dire ... Quelle suite allez-vous donner à cet avis ?
Je suis heureuse d'entendre ici parler d'indépendance des médias, de pluralisme de la presse, dans une période où, hélas, ces valeurs se trouvent remises en cause : par le mode de nomination des présidents, par les menaces qui pèsent sur la protection des sources des journalistes, par les atteintes à la liberté d'investigation sur des affaires brûlantes. Or il s'agit de piliers de la démocratie.
Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, le malaise qu'éprouvent actuellement les personnels de la télévision publique. Il est d'abord lié à l'incertitude sur le financement à venir de France Télévisions. J'aimerais donc savoir si vous considérez ou non que l'entreprise doit conserver le surplus de ses recettes publicitaires, et pouvoir l'utiliser librement. Pouvez-vous aussi nous assurer que la publicité en journée sera maintenue tant que les finances de l'État ne pourront suppléer à sa suppression ? Par ailleurs, que pensez-vous de l'idée que nous avançons de moduler le montant de la redevance en fonction des revenus des ménages ?
Vous avez, à juste titre, relevé l'érosion de l'audience de France 3, mais nous vous avions déjà alerté sur la nécessité où se trouvait cette chaîne de développer sa production régionale afin d'élargir son public et d'accroître ses ressources commerciales. Il conviendrait pour cela de lui octroyer les moyens nécessaires. Quelle est votre position à ce sujet ?
Radio-France s'est vu confier – mais à moyens constants –de nouvelles missions. Une de celles-ci porte sur l'implantation de radios locales de proximité. Pour le moment, trois seulement sont prévues : au Mans, à Toulouse et, peut-être, à Saint-Étienne, avec des effectifs très limités. Quels objectifs vise-t-on, et quels moyens matériels et humains mettra-t-on en regard ?
Un de nos collègues a souligné l'excellence de Radio France Internationale (RFI). J'ai moi-même eu l'occasion, lors de déplacements à l'étranger, de vérifier qu'il s'agissait d'un des outils de communication extérieure les plus fiables du monde. Or, aujourd'hui, les attaques se multiplient contre RFI. Elle subit des réductions de production, des plans de départs volontaires, et, en situation financière difficile, n'a aucune certitude sur l'avenir de son budget. De plus, un article, publié dans un journal économique, a beaucoup inquiété ses personnels : il évoquait la possibilité d'une fusion avec France 24. Que pouvez-vous nous dire sur l'avenir de cette radio ? Son rayonnement et ses moyens seront-ils préservés ?
Le rapport Cardoso – que vous avez évoqué lors du repas de la presse, organisé dans le cadre de la fête de L'Humanité – laisse présager une concentration de l'aide publique sur un certain nombre de grands organes au détriment de la presse d'opinion. Pouvez-vous nous assurer que celle-ci continuera de bénéficier d'un soutien de haut niveau, dans l'intérêt du pluralisme ?
Enfin, que pensez-vous de la proposition du nouveau président de l'AFP, relative à la représentation de la presse au sein du conseil d'administration de l'agence ?
Quel est, monsieur le ministre, votre sentiment sur la réforme de l'AFP proposée par son président ? Vous avez dit vouloir vous en remettre à l'Assemblée nationale pour les dispositions législatives nécessaires, mais que pensez-vous, par exemple de l'idée de commercialiser les prestations de l'agence auprès du grand public ? Avez-vous une idée de la façon dont le personnel et les syndicats de l'agence réagissent à ce projet ?
La question du livre numérique a été abordée lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances et le ministre du budget s'est engagé à saisir la Commission européenne du sujet dans les meilleurs délais. Ayant toujours été à la pointe de la législation pour défendre le livre, notamment avec la règle du prix unique, la France doit rester en première ligne dans ce combat. J'ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement visant à aligner le régime du livre numérique sur celui du livre papier. Êtes-vous disposé à nous soutenir ?
Je relève avec plaisir l'accord de notre collègue, porte-parole du groupe socialiste, pour le maintien de la publicité en journée sur France Télévisions, aussi longtemps que ce sera nécessaire. C'est une démarche intéressante après toutes les circonvolutions auxquelles nous avons assisté sur cette question lors des travaux que nous avons menés en commun…
Notre position n'est pas nouvelle et nous n'en avons pas changé, contrairement à ce que vous affirmez.
Je suis heureux de voir s'établir un consensus. Vous avez rejoint la position qui était la nôtre. Cela étant, maintenir cette publicité aussi longtemps que nécessaire signifie sans doute la maintenir pour longtemps, sinon pour toujours. Je souhaiterais recueillir l'avis du ministre sur ce point.
Je suis presque sans voix après ce que vient de dire M. Herbillon : jamais nous ne nous sommes posé la question de savoir si nous étions pour ou contre la publicité sur France Télévisions ! Seule nous a préoccupés celle d'un financement pérenne et assuré de la télévision publique. Le parti socialiste n'a défendu l'idée d'une absence de publicité que pour la chaîne « jeunesse » dont il demande la création à l'initiative de notre collègue Didier Mathus. Je tenais donc à rappeler notre position constante sur le sujet.
De nombreuses incertitudes demeurent par ailleurs car vous ne répondez pas avec précision, monsieur le ministre, aux questions que l'on vous pose. Cela vaut en particulier pour l'AFP. On ne peut oublier que le précédent président de l'agence a quitté ses fonctions parce qu'il se trouvait dans l'impossibilité de mener à bien une réforme de l'entreprise. Le nouveau président essaye de contourner l'obstacle et suggère des solutions nouvelles. Allez-vous le laisser dans l'incertitude ? Cela le condamnerait inévitablement à de grandes difficultés, notamment avec son personnel. Clarifier l'avenir de l'AFP relève de votre responsabilité.
Notre collègue Christian Kert, contrairement à ce qu'il nous a dit, n'a pas toujours tenu le même discours sur la taxe applicable aux télévisions privées : au moment du vote de la loi, il était favorable à un taux de 1,5 %, puis s'est prononcé pour 0,5 % en raison d'une crise des ressources publicitaires. Et, alors que ce secteur connaît plutôt une embellie, il reste en faveur de ce deuxième taux…
France Télévisions n'a besoin que d'une chose : de stabilité, pour ce qui est de ses rapports avec l'État et, plus largement, des conditions de son développement économique. Si lors de chaque budget, voire chaque trimestre, on prend, ou seulement suggère, des décisions mettant en péril la continuité de l'entreprise, on prend une responsabilité dont vous ne pouvez vous exonérer en vous en remettant à la sagesse de l'Assemblée nationale. Puisque France Télévisions a un nouveau président, donnez lui la chance d'aller jusqu'au bout de son mandat et, surtout, de pouvoir mener à bien son projet dans la sérénité.
La presse connaît une concentration de plus en plus forte. Nous avons donc besoin de définir un service public dans ce domaine, de distinguer entre la presse citoyenne et d'opinion et la presse de loisir. Il faut également assainir les relations entre les détenteurs des capitaux et les équipes journalistiques, dans un environnement, ici encore, de sérénité. Comment voyez-vous se dessiner l'architecture des rapports entre le capital et les rédactions ?
Le paysage audiovisuel bouge. Pour résumer la situation : TF1 semble mieux se porter, sans avoir pour autant retrouvé ses chiffres de 2007 ; dans le service public, France 2 a, ces dernières années, négocié un virage éditorial qui semble plaire aux téléspectateurs ; mais des questions se posent pour France 3. Nous connaissons cette chaîne en tant que télévision régionale et de proximité. Or, récemment, j'entendais le président de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin, exprimer son souhait de la voir prendre une dimension européenne, au point même d'ouvrir ses journaux télévisés à la couverture d'événements européens, quitte pour cela à recourir à des journalistes d'autres rédactions, notamment de France 2. Comment marier proximité et identité européenne ? J'avoue mal percevoir comment cela peut se faire. Avez-vous un point de vue sur ce sujet et comment voyez-vous l'évolution de France 3 ?
La révolution numérique dans le monde des médias emporte de lourdes conséquences pour l'avenir de la presse. Des plans d'action ont été annoncés en janvier 2009 à la suite des états généraux de la presse écrite. Ils devaient se concrétiser par des investissements de l'État permettant aux bénéficiaires des aides publiques de disposer d'une meilleure visibilité économique afin de mener à bien les transformations indispensables. Dans ce contexte de refondation, les aides publiques se situent-elles à la hauteur des objectifs visés ? Je souhaiterais connaître l'état de vos réflexions sur les contours du modèle économique à bâtir en vue d'assurer le développement de la presse.
Le passage à la télévision intégralement numérique est régi par la loi du 17 décembre 2009 qui a créé à cet effet un fonds d'aide pour les populations qui ne seront pas couvertes par la TNT après l'extinction du signal analogique. Je m'exprime là en tant qu'ancien président de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), qui a dû se battre contre le projet d'exclure 5 % des Français de la diffusion numérique, selon le système envisagé par votre prédécesseur, M. Renaud Donnedieu de Vabres. Celui-ci avait commis le péché d'autoriser les opérateurs à n'alimenter que 95 % de la population française en signal numérique, ce qui présentait une notable différence avec la loi de régulation postale qui avait transféré les 5 % résiduels du niveau national au niveau départemental. C'est à l'occasion du congrès annuel de l'ANEM en 2009, qui se tenait à L'Argentière-La-Bessée, dans les Hautes-Alpes, que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, après un arbitrage du Premier ministre, a annoncé la création du fonds prenant en charge, sans condition de ressources, les frais d'équipement satellitaire ou de tout autre équipement de réception dans les zones non couvertes par la TNT, dans le respect de la neutralité technologique. La fermeture de l'analogique doit être conduite avec rigueur. Il est temps de clarifier les choses si l'on veut éviter des écrans noirs au 1er décembre 2011. Disposez-vous, d'une première évaluation de l'efficacité de ce dispositif, même si vous n'êtes pas le seul ministre concerné, celui en charge de l'aménagement du territoire l'étant pareillement ?
Je reviens d'abord sur les propos de nos collègues socialistes qui, bien souvent, se figent dans des postures politiciennes et caricaturales, ce qui est regrettable dans une commission de nature technique, et ce qui les conduit à se contredire. M. Patrick Bloche a ainsi dit qu'il fallait lutter contre le sous-financement de France Télévisions, accentué selon lui par la réforme, et demandé ensuite que les surplus de ressources publicitaires soient conservés par l'entreprise. Il ne saurait y avoir à la fois sous-financement et surplus. J'approuve d'ailleurs l'idée de conserver celui-ci aux chaînes publiques.
M. Bloche a également, notamment lors des débats sur le dernier projet de loi relatif à l'audiovisuel, estimé que tout se décidait à l'Elysée. Et aujourd'hui que le ministre entend se fier à la sagesse du Parlement, en particulier sur le maintien de la publicité dans la journée, il nous dit que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités. Voulez-vous davantage de poids pour le Parlement ou non ? Acceptons donc un peu de coproduction législative !
Nous sortons d'une période où, de manière inacceptable, on a imputé tous les maux à M. Woerth, et voilà que l'on retombe dans ce travers qui consiste à multiplier les accusations. Il me semble pourtant que, sur un sujet aussi essentiel que la protection des sources des journalistes, il faudrait chercher un consensus. Cela n'empêche pas qu'on étudie de près les problèmes auxquels est confrontée la presse. Ainsi, je me réjouis que la délégation parlementaire au renseignement ait auditionné le directeur général de la police nationale et le directeur de la DCRI. Mais comment pouvez-vous soutenir que la protection des sources des journalistes serait remise en cause de notre fait quand notre majorité a fait voter une loi pour la garantir ?
Sur quelles bases l'affirmez-vous ? Vous vous contentez d'accuser sans preuve, ce qui est contraire à la conception que nous devons avoir de la démocratie et de la présomption d'innocence. J'aimerais que l'on s'abstienne de tels procédés dans nos Commissions.
Monsieur le ministre, je ne vous poserai qu'une seule question, mais qui me tient à coeur : où en est le passage à la télévision tout numérique ?
Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur le coût des livres outre-mer, en particulier dans le département de la Guadeloupe. Bien que le coût du transport soit élevé, nous ne bénéficions d'aucune aide, alors même que, dans le cadre du Conseil interministériel de l'outre-mer, le Président de la République a inscrit la lutte contre l'illettrisme parmi ses priorités. En septembre, une enquête de l'INSEE a révélé qu'un Guadeloupéen sur quatre âgé de seize à soixante-cinq ans est en situation délicate face à l'écrit. Il faut traiter le problème à la source, en aidant les bibliothèques des collectivités, surtout rurales, à acquérir des livres.
Par ailleurs, on ne comprend pas qu'écoliers et lycéens qui ont commandé leurs livres dès la rentrée ne les aient toujours pas reçus au bout de trois mois. Les livraisons outre-mer, classées en catégorie 4, sont traitées après les expéditions vers l'étranger, ce qui pénalise évidemment les élèves.
Le soutien au pluralisme suscite en métropole des débats qui nous font rêver, tant il semble difficile de donner corps à ce principe sur des territoires aussi exigus que les nôtres. La Guadeloupe sera-t-elle concernée par le plan que vous avez évoqué ?
Ce mois-ci, notre île accédera à la TNT, ce dont nous nous réjouissons. Mais cette indéniable ouverture culturelle risque de causer du tort aux productions locales, étant donné le peu de moyens dont disposent nos télévisions locales et de proximité. Avez-vous pris des dispositions pour permettre leur installation sur le premier multiplex ?
Enfin, les ultramarins de métropole aimeraient disposer d'une radio hertzienne. Une fréquence – 99,9, me semble-t-il – serait disponible pour couvrir la couronne francilienne, ce qui permettrait à la diversité de l'outre-mer de s'exprimer et à tous les Français mieux connaître notre culture. Peut-on espérer la voir attribuer à cette fin ?
Monsieur le ministre, je regrette que vous n'ayez pas répondu aux questions de M. Mathus sur la crise qui frappe France 24, du fait de l'affrontement entre son président et sa directrice générale. Je ne prétends pas que vous deviez la trancher, mais je pense que vous vous en préoccupez et que vous menez certaines concertations. Quoi qu'il en soit, vous devez répondre à la question qui vous a été posée.
Par ailleurs, n'en déplaise à M. Riester, M. Bloche a eu raison d'évoquer certains faits, qui ne relèvent en rien d'un procès d'intention. Des journalistes ont été suivis et espionnés. Leur bureau a été cambriolé. Ces faits sont graves pour la liberté de la presse. Mes questions compléteront les propos très pertinents de M. Bloche. Quelle a été votre réaction ? Avez-vous interpellé vos collègues de la justice ou de l'intérieur ? Avez-vous abordé le problème avec le Premier ministre ou avec le Président de la République ? Je rappelle que vous êtes le garant de la liberté d'expression et de la liberté de la presse dans notre pays.
Monsieur Loncle, les cambriolages comme les inquiétudes dont vous faites état, fondées au non, suscitent nécessairement l'attention du ministre de la culture et de la communication, au même titre que celle de tous les citoyens, car nous sommes tous garants de la liberté et du pluralisme de la presse.
Je rappelle qu'à l'initiative du Président de la République, des dispositions législatives ont été prises afin de renforcer tant la protection des sources que le pluralisme de la presse. Si des atteintes au droit sont constatées, c'est à la justice de s'en saisir, et à la police de mener l'enquête. Les ministres de la culture et de la justice ont certes évoqué le problème avec le Premier ministre et le Président de la République, mais nous ne sommes pas allés plus loin. Ce n'est pas à moi de saisir la justice, mais à ceux qui estiment qu'ils ont été menacés – ce qui ne m'empêchera pas de suivre le dossier avec attention.
Au reste, je mets en garde tous les citoyens qui auront connaissance de l'audition à laquelle a procédé la délégation parlementaire au renseignement. Gardons-nous du climat délétère qu'a décrit M. Riester. Des accusations fusent de toute part. Ce matin, j'ai entendu le directeur d'un célèbre hebdomadaire satirique avouer, au terme d'une interview, qu'il n'avait aucune preuve, aucun élément matériel pour soutenir ses accusations. Il faut donc raison garder, en attendant la fin de l'enquête et le moment où la justice prononcera éventuellement des sanctions.
J'ai longuement reçu les deux dirigeants de France 24 pour tenter entre eux une conciliation que j'estime nécessaire. Il se trouve que mes relations sont bonnes avec ceux que j'avais affublés, il y a un an, au temps où l'harmonie régnait entre eux, du pseudonyme de « Bonnie and Clyde ». À l'époque, ils étaient contestés par une partie du personnel qui leur reprochait le désir d'action qui les caractérise. Aujourd'hui où Bonnie et Clyde sont au bord du divorce, j'ai joué le mieux possible mon rôle de juge de conciliation. Ai-je obtenu le résultat que j'espérais ? Il semble que l'accalmie ait été de courte durée.
Sont là en présence deux fortes personnalités, et Christine Ockrent est une journaliste dont le talent est reconnu internationalement. Je ne crois pas devoir me mêler de ce conflit, sinon pour inciter les intéressés à trouver en eux-mêmes les motivations qui leur permettront de s'accorder. La chaîne, qui n'a que quatre ans d'existence, a encore du chemin à parcourir même si elle compte certains succès à son actif, dont celui d'émettre vingt-quatre heures sur vingt-quatre en langue arabe. Compte tenu des enjeux, cette crise au sommet doit – et devrait pouvoir – se résoudre. C'est là ce qui importe, et non l'aspect pittoresque du différend, dans lequel vous me pardonnerez de m'être complu un instant.
Madame Marc, nous avons eu l'occasion de nous entretenir de manière très franche et agréable en Guadeloupe. Vous savez que je serai votre ambassadeur auprès du CSA pour créer une radio francilienne, en espérant que ce sera possible. L'année 2011, année de l'outre-mer, apportera de toute façon des avancées sérieuses.
J'avais alerté mes services, dès mon retour de Guadeloupe, sur le prix des livres et sur les retards constatés dans l'acheminement des manuels scolaires. J'agirai auprès du Centre national des lettres pour obtenir une meilleure coordination, mais les instructions que j'avais données à mon cabinet ont déjà été suivies, puisque 4 millions d'euros seront consacrés à améliorer la diffusion des livres dans les territoires d'outre-mer.
J'ai pris une autre initiative pour le quart de la population dont la situation vis-à-vis de l'écrit est, comme vous le dites, délicate. Il m'a semblé qu'une édition en créole de certains chefs-d'oeuvre de la littérature française faciliterait le contact avec le fonds culturel que nous avons en partage. N'est-ce pas à travers des traductions que la France a découvert la littérature américaine ? Une traduction en créole des grands classiques de la littérature française et francophone est d'ores et déjà en cours, avec l'appui du Centre national du livre.
Pour le reste, la feuille de route concernant les Antilles et la Guyane, que j'ai demandée à mes services à mon retour de voyage, sera prête dans quelques jours et je serai heureux de vous en donner connaissance.
Pour la TNT, monsieur Riester, le travail sera achevé fin 2011 sur l'ensemble du territoire métropolitain. J'ai suivi le dossier de très près, me rendant avec Mme Kosciusko-Morizet dans les environs de Cherbourg, afin de mieux comprendre comment s'opérait dans la pratique le passage au numérique. J'ai pu mesurer à cette occasion l'excellente organisation du groupement d'intérêt public. Chez une personne âgée, j'ai assisté à la mise à jour d'un téléviseur. J'ai aussi constaté que des incidents de réception étaient inévitables. Le plus grave a privé de connexion certains quartiers de Lisieux pendant plusieurs semaines, mais, le plus souvent, les problèmes ont été réglés en moins de quarante-huit heures. Pour vous intéresser à ce dossier avec autant d'attention que d'imagination et avec le souci du bien public, vous savez que l'État a prévu un plan très complet afin d'aider les téléspectateurs des zones où persisteraient des difficultés.
À ce sujet, je veux assurer Mme Marc que j'ai à coeur la protection et la valorisation des chaînes de télévision locales outre-mer, qui contribuent éminemment au lien social. Le passage à la TNT, en élevant le coût de diffusion, risquait de les mettre en faillite. Nous avons donc créé un fonds spécial, qui leur permettra de faire face à ce coût. Le même problème se posait d'ailleurs, bien que de manière moins aiguë, pour la production locale de RFO, mais une solution a été trouvée, qui permettra de préserver son dynamisme.
M. Nayrou et M. Françaix m'ont interrogé sur cette question essentielle pour la modernisation de la presse qu'est l'attribution des aides à l'investissement pour la presse en ligne. Il y a un peu moins d'un mois, j'ai signé des lettres qui permettront à des organismes de presse d'en bénéficier. Auparavant, je m'étais fait expliquer par mes services comment les soutiens étaient attribués, quel en était le montant, quel budget avaient présenté les organismes de presse et comment se répartissaient subventions et prêts. Les réponses que j'ai obtenues m'ont rassuré et je veux vous faire partager ce sentiment. Je vous adresserai donc des éléments de réponse par écrit, car le sujet est complexe, mais sachez que l'attribution est décidée par une commission paritaire où siègent d'éminents représentants des secteurs concernés. Après examen, je n'ai rien trouvé à redire à la manière dont les opérations ont été instruites, sachant que certaines demandes n'ont pu être retenues, faute d'une étude budgétaire suffisante.
Madame de Panafieu, votre question peut appeler une réponse à deux niveaux. M. Rémy Pfimlin est un Alsacien qui a vécu intensément, dans sa chair et dans son coeur, le déchirement entre deux identités et l'amour douloureux d'une paix qui a été refusée à sa famille. C'est sans doute ce qui l'a doté de ce tropisme européen que nous réclamons mais qui nous fait parfois défaut. J'admire que M. Pfimlin l'ait mis en pratique. Mais son désir de rendre l'information européenne plus présente sur France 3 confortera l'identité de la chaîne et profitera à tous les citoyens. Je ne crois pas en effet que ce choix entre en contradiction avec la nécessité d'un solide enracinement dans les régions : au fur et à mesure qu'émerge le sentiment européen, celui des appartenances et des cultures régionales se trouve renforcé, dans ce qu'il a de positif. En ce sens, la réflexion de M. Pfimlin est celle d'un véritable Européen.
S'agissant de l'AFP, monsieur Rogemont, je suis tout à fait satisfait du travail avec Emmanuel Hoog. Ce professionnel reconnu, dont le travail à la tête de l'Institut national de l'audiovisuel a fait l'unanimité et qui porte une très grande attention aux questions d'objectivité, a tous les atouts pour mener un dialogue fructueux avec les forces sociales de l'agence, laquelle bénéficiera ainsi de sa forte personnalité.
Une des grandes questions auxquelles il est confronté a trait à la nécessité de faire évoluer l'organisation juridique de l'AFP, notamment la composition de son conseil d'administration, pour rendre à l'Agence les marges de manoeuvre qu'elle a perdues. Il s'agit de permettre à l'agence de ne pas prendre de retard sur tous les enjeux de la mondialisation. L'AFP doit demeurer une grande agence, comme le permet la compétence des professionnels qui y travaillent, si elle veut répondre à la demande nationale et internationale. Or elle ne dispose, pour l'instant, ni du statut ni des moyens juridiques, ni des capitaux, ni d'une organisation du travail lui permettant de relever ce défi. Ce diagnostic est partagé par tous, même si les solutions proposées diffèrent. J'approuve l'approche très mesurée de M. Hoog, qui souhaite réduire la représentation des organes de presse dans le conseil d'administration. Il est vrai qu'il y a antinomie à participer à la gouvernance d'une société dont on est le premier client, et que cela est facteur de blocages.
Vous avez, comme M. Bloche, insisté sur l'urgence à décider dans ce domaine. Je vous rappelle qu'une proposition de loi sur l'AFP sera prochainement présentée, soit par M. Herbillon ici, soit par le président Legendre au Sénat – nous devons encore déterminer ensemble quelle sera la meilleure manière de procéder. Il s'agira de légiférer sur les divers aspects de l'activité de l'Agence, et de déterminer notamment s'il faut l'autoriser à diffuser en ligne des contenus à destination des particuliers contre rétribution. À cet égard aussi, M. Hoog fait preuve d'une approche extrêmement réfléchie et compétente.
J'appelle votre attention sur un point qui me tient particulièrement à coeur : la défense du photojournalisme, qui suppose l'établissement de principe clairs, notamment en matière de commercialisation.
Je dois avoir de mauvaises lunettes car j'ai du mal à discerner la concentration croissante des entreprises de presse à laquelle vous faites allusion. Je suis persuadé que vous saurez me fournir des éléments pour appuyer vos dires, mais je constate que l'opération qui a tout récemment concerné un grand journal du soir ne milite pas en faveur de votre thèse.
Quant à la stabilité de France Télévisions, je suis tout à fait d'accord avec vous : elle est essentielle. C'est pourquoi nous comptons, au lieu de « rafistoler » le contrat d'objectifs et de moyens à coups d'avenants successifs, signer un nouveau contrat, d'une durée au moins égale à celle du mandat de M. Pfimlin, de manière à assurer à la société les moyens de travailler convenablement.
Le livre numérique, monsieur Herbillon, est un des grands enjeux de nos débats, car il s'agit de l'évolution du véhicule de la création et de la transmission littéraires. S'il ne représente encore en France qu'un pourcentage infime de l'offre de lecture, il est appelé à connaître une progression très significative, similaire à celle qu'il connaît aux États-Unis. Cette évolution pose de graves questions. Il faut d'abord affirmer la nécessité d'une protection absolue du droit d'auteur, qui suppose la solidarité immédiate des éditeurs. Se pose ensuite la question du prix du livre numérique : le principe du prix unique s'appliquera-t-il, ou laissera-t-on les éditeurs fixer le prix ? À cet égard, des avancées extrêmement importantes ont déjà été réalisées : à la suite de l'élection d'Antoine Gallimard, personnalité à la légitimité incontestable, à la tête du Syndicat national du livre et des nombreuses concertations qui ont eu lieu au ministère, les éditeurs semblent décidés à définir une position commune, alors qu'ils s'apprêtaient il y a quelques mois à avancer en ordre dispersé. La question de la TVA est également essentielle : il n'est guère admissible que le taux applicable au livre numérique soit quasi quadruple de celui qui s'applique au livre papier. Voilà un combat susceptible de nous mobiliser tous et où nous pouvons obtenir des résultats tangibles.
En ce qui concerne l'AFP, madame Buffet, je vous ai déjà donné tous les éclaircissements que je pouvais vous apporter dans les délais impartis à notre réunion d'aujourd'hui. Par ailleurs, madame, il n'a jamais été question, ni au sommet de l'État, ni au Gouvernement, ni au sein de mon ministère, de remettre en cause le principe d'une aide à la presse d'opinion.
Votre inquiétude à propos des radios locales de proximité me semble plus légitime. Je suis d'autant plus attentif au sujet que les radios locales, comme les radios associatives, qui regroupent des publics partageant les mêmes centres d'intérêt, jouent un rôle essentiel dans le maintien du lien social et doivent à ce titre pouvoir compter sur le soutien du ministère de la culture et de la communication.
Le réseau des stations locales de Radio-France dispose d'infrastructures importantes, lui permettant d'assurer un suivi rédactionnel et un haut niveau technique. Le ministère a la possibilité, pour permettre à ce réseau d'étendre son emprise sur le territoire, pourvu qu'il assure un service local, de préempter des fréquences, après notification au CSA. J'ai soigneusement veillé à ce que cela soit fait à chaque fois que c'était possible – le cas s'est déjà présenté à deux ou trois reprises depuis que je suis ministre.
En revanche, les radios associatives à caractère privé connaissent toutes des difficultés d'ordre matériel. Je souhaite rencontrer leurs représentants afin de planifier avec eux les moyens de résoudre ces difficultés. Je les considère en effet comme un élément important de la culture pour chacun, entendue comme le complément de la culture pour tous qui fonde l'action du ministère de la culture.
Je pense avoir déjà apporté des éléments de réponse susceptibles d'apaiser les inquiétudes suscités par quelques vols d'ordinateurs.
Il s'agit certes d'une question importante, voire douloureuse pour les personnes dont l'emploi est en cause en dépit de leurs compétences et de leur courage. Mais pour l'instant RFI relève de l'audiovisuel extérieur de la France, l'AEF, et c'est aux dirigeants de cette structure de résoudre les problèmes qui se posent là. Nul ne peut nier que le rapprochement entre RFI et France 24 permettra une mutualisation des moyens et des compétences. La proximité avec une chaîne de télévision à vocation internationale sera sans aucun doute stimulante pour les équipes de RFI, la nouveauté, l'alliance, la rencontre offrant des occasions de dépassement. À terme d'ailleurs, les équipes de RFI et de France 24 partageront les mêmes locaux.
Les 206 postes supprimés l'ont tous été à la suite de départs négociés, et désormais l'ensemble est en ordre de bataille. Je ne saurais vous en dire plus sans empiéter sur les responsabilités dévolues aux dirigeants de France 24. Si la situation ne s'améliore décidément pas, il sera temps pour moi de reprendre l'initiative.
J'espère, monsieur Bloche, vous avoir apporté des apaisements à propos de l'AFP et de la future proposition de loi. Je ne souhaite pas polémiquer avec vous à propos des nominations, mais je constate que celles de Véronique Cayla à la tête d'Arte et de M. Pfimlin à la tête de France Télévisions ont été bien accueillies. Je sais par ailleurs que le soupçon a toujours existé, nourri par une certaine consanguinité entre le monde politique et le monde des médias. Le récit par Édouard Balladur de sa cohabitation avec François Mitterrand, livre fort intéressant et fort bien écrit, m'a donné le sentiment que les choses ne changent guère de ce point de vue. Aux mêmes angoisses s'oppose la même réalité : celle d'un pluralisme maintenu et préservé.
Il faudrait encore, monsieur Kert, parler de la télévision connectée, une autre révolution encore, et si fulgurante que je ne l'avais pas vue arriver avant de devenir ministre. Le développement exponentiel de cette nouvelle technologie génère une série de problèmes annexes. En ce qui concerne les services de média audiovisuels à la demande, les SMAD, les services du ministère et le CSA sont parvenus à des conclusions différentes à partir d'analyses concordantes. Pour notre part, nous souhaitons que les SMAD contribuent de manière conséquente à la création artistique. Nous avons finalement trouvé la voie d'un compromis qui me semble susceptible de satisfaire tout le monde.
L'enjeu est de garantir, non seulement que la télévision connectée participe à l'effort de financement de la création en général, mais également qu'elle ne devienne pas un champ de bataille pour des groupes à qui leur exterritorialité permettrait de développer des stratégies industrielles et commerciales échappant à la loi française, notamment fiscale.
Voilà encore une question sur laquelle j'aurai besoin des lumières du Parlement – et de sa sagesse !
Je ne peux pas laisser caricaturer l'amendement que j'ai signé avec M. Charles de Courson, et qui vise à encadrer l'utilisation des recettes de publicité excédentaires. En vertu de la disposition que nous proposons, il sera loisible, aussi bien d'affecter la totalité des recettes, celles prévues par le contrat d'objectifs des moyens et les recettes supplémentaires, à France Télévisions que de ne lui en laisser aucune. Cet amendement laisse donc la plus grande liberté de fixer par la négociation le niveau des recettes supplémentaires. Voilà pourquoi je m'inscris en faux contre l'interprétation qui a été donné de notre proposition par plusieurs intervenants, qui ne l'avaient probablement pas bien lue.
S'agissant de la procédure à suivre pour déterminer la part de recettes qui serait affectée à France Télévisions, nous proposons de passer par le contrat d'objectifs et de moyens, ce qui est quand même assez légitime, puisque c'est lui qui définit les moyens par lesquels on assure l'avenir de France Télévisions. Conformément à la logique contractuelle, la décision d'affecter tout ou partie des recettes supplémentaires à France Télévisions, voire de ne rien lui en laisser, serait négociée entre cette société et le Gouvernement et soumise, sous forme d'avenant au contrat, au Parlement et au CSA.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-neuf heures.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret© Assemblée nationale