La séance est ouverte à 10 heures.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Étienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, nous avons le plaisir de vous accueillir pour la première fois à la commission des lois, Certes, celle-ci n'est pas nécessairement votre interlocutrice habituelle au Parlement, tout particulièrement en ce qui concerne la consommation des drogues et les dispositifs de prévention et de soin, qui relèvent plutôt de la commission des affaires sociales. Mais il nous a semblé utile que vous puissiez également vous exprimer devant nous pour faire le point sur les questions qui relèvent de notre champ de compétences, qu'il s'agisse des trafics de stupéfiants et de leur répression, de la pénalisation de leur usage ou des liens entre drogue et délinquance.
J'ai grand plaisir à m'exprimer devant vous, après avoir déjà été auditionné par la commission des lois du Sénat. Il me semble important de bien comprendre les évolutions concernant les drogues afin de bien comprendre la politique du Gouvernement en la matière, tout en ayant à l'esprit que ce type de politique donne souvent des résultats à long terme.
En préalable, il faut savoir que le monde des drogues a changé, ce qui n'est pas toujours su. Comme le montre le drôle de débat actuel sur les « salles de shoot », la question principale reste pour beaucoup celle des drogues injectables. Or, l'héroïne n'est certes pas devenue une question anecdotique mais elle ne compte que 70 000 usagers : ce n'est pas le principal problème actuel. Aujourd'hui les principales drogues consommées sont le cannabis, la cocaïne et les drogues de synthèse.
On constate par ailleurs une évolution des pratiques. Ces dernières années, on pouvait avoir l'impression que l'on pouvait consommer de manière « raisonnable » certains produits. On observe portant que 550 000 personnes consomment tous les jours du cannabis et que 1,2 million de personnes fument au moins dix joints par mois.
Une autre évolution réside dans les comportements de polytoxicomanie, soit par le mélange de divers produits interdits, soit par le mélange de drogues licites et illicites.
Un autre phénomène qui apparaît est le développement très rapide de nouvelles substances. L'éphédrone par exemple est devenue en quelques mois le quatrième produit stupéfiant le plus consommé en Grande-Bretagne ; un produit comme le spice, une forme de cannabis synthétique mais qui fait 400 fois plus d'effet, a été récemment classé comme produit stupéfiant en France ; des produits sont détournés de leur usage comme la Kétamine, qui est un anesthésiant pour chevaux que l'on trouve cependant peu en France… Le développement des drogues de synthèse est très rapide en France, il s'explique notamment par des raisons économiques.
Si j'étais provocateur, je dirais donc que les salles de « shoot » ne pourraient répondre qu'à une toute petite partie des défis auxquels nous sommes confrontés, car il faudrait aussi des « snifferies » pour la cocaïne ou des « goberies » pour les cachets…
Quel a été l'objectif du Gouvernement dans sa lutte contre les drogues ? Comme ses prédécesseurs, il a cherché à réduire les consommations, en agissant sur la prévention, en luttant contre les trafics…
Dans tous ces domaines, il a fallu prendre en compte cette nouvelle offre de produits mais aussi un nouveau contexte international. Avant, il y avait les « gentils » pays producteurs du Sud et les pays consommateurs du Nord qui poussaient ceux du Sud à produire. En fait, on note que les pays producteurs deviennent également consommateurs : on nous annonçait ainsi un déferlement d'héroïne en provenance d'Afghanistan et de surplus de cocaïne d'Amérique latine, mais qui ne sont pas arrivés jusqu'à la France. En effet, il y a eu une dispersion vers les pays de production et vers d'autres pays qui sont dorénavant touchés par la consommation de drogues, comme les pays d'Afrique. Nous avons un monde qui change avec une nouvelle problématique : il faut savoir par exemple que la Colombie a décidé seulement l'an dernier de pénaliser l'usage de drogue qui ne l'était pas jusque-là car elle croyait qu'elle n'était pas victime de la consommation de drogues.
Il y a deux conceptions dans le monde qui s'opposent face à la toxicomanie. La première, c'est la nôtre, est prohibitionniste. La deuxième peut être qualifiée de « libérale-libertaire » : elle consiste à penser que trop de régulation entraîne des dégâts collatéraux et nourrit le crime organisé, sans endiguer la consommation de drogues. Ce n'est pas un hasard si un célèbre milliardaire qui spécule habituellement contre les monnaies subventionne des associations qui prônent la dépénalisation de l'usage des drogues : il y a une véritable concordance de vues entre libéralisme et dépénalisation, que l'on retrouve par exemple en République tchèque. D'autres pays, à l'inverse, réévaluent leur dispositif, comme les Pays-Bas dont la politique évolue dans ce domaine.
Quels sont les résultats de cette politique ? Elle s'est traduite tout d'abord par une réaffirmation de l'interdit, avec le développement de sanctions pédagogiques, comme les stages, payants, de sensibilisation aux dangers de la toxicomanie. Elle passe aussi par une lutte contre les trafics et contre l'argent de ces trafics. À cet égard, je félicite la représentation nationale pour l'adoption de la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale qui crée une agence de gestion des biens confisqués. Dans le domaine de la prévention, nous avons remis en perspective le rôle des adultes et des parents. La mutualisation au niveau européen est également un axe de notre politique pour lutter contre les trafics, par exemple avec la création d'une structure à Lisbonne pour lutter contre les trafics dans l'Atlantique. Enfin le dispositif de soins au sens large a été remis à niveau : 15 millions de seringues sont distribuées dans notre pays, 300 millions d'euros sont consacrés à la prise en charge des usagers de drogue, 130 000 personnes bénéficient des traitements de substitution…
Cette politique a donné des résultats, même si on a toujours du mal en France à faire confiance aux bons chiffres ! Ceux que je vais citer proviennent de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, qui dépend de la Commission européenne : ses chiffres sont généralement reconnus par chacun.
La France était en 2001 le premier pays consommateur de cannabis en Europe, elle a aujourd'hui retrouvé un classement « normal ». Le taux de consommation des jeunes de 17 ans est passé de 49 % à 42 %, soit une baisse de consommation importante.
En ce qui concerne les chiffres français, ils sont collectés auprès de tous les jeunes Français au moment de la journée d'appel de préparation à la défense à partir de questionnaires anonymes. Il peut certes exister un biais statistique, mais il est chaque année le même ! Par ailleurs, une autre étude, l'ESPAD, menée auprès des jeunes scolarisées de 16 ans partout en Europe, confirme cette évolution.
S'agissant des autres drogues, la cocaïne est le deuxième produit consommé en France, avec 250 000 usagers, à comparer au million que connaissent le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Espagne. Dans le domaine des drogues, il faut parfois savoir être égoïste : chacun est responsable de la politique qu'il mène à l'égard des drogues. Les différences constatées reposent sur les politiques menées par les gouvernements mais aussi sur des phénomènes culturels : nous sommes sans doute moins ouverts à la consommation de certains produits. Par exemple, le produit qui se répand actuellement partout dans le monde, la bethamphetamine, se retrouve curieusement peu en France. Il y a une forme d'exception française qui fait que sur la cocaïne ou les drogues de synthèse, nous sommes dans une situation très différente de nos voisins, même si nous sommes moins « bons » sur d'autres produits.
S'agissant de l'usage d'héroïne, la proportion de consommateurs de 15 à 64 ans recensés est de 1,8 pour 1000 en France, contre 5,9 en Suisse, 2,3 aux Pays-Bas, 2,1 en Allemagne, 5,2 au Royaume-Uni, 2,9 en Espagne et 4 en Italie. Il en résulte une profonde inégalité de situations, selon les pays. De fait, grâce à sa politique de substitution, d'échanges de seringues et de maintien de l'interdit, la France a réussi à cantonner les usages dans une proportion relativement moindre que chez nos voisins étrangers.
Si le monde change en termes de modes de production, il change également au niveau des connaissances des effets des drogues sur le cerveau, grâce à l'imagerie médicale ou aux études épidémiologiques. Dans ce domaine aussi, les inégalités entre individus sont flagrantes. Il est désormais certain que la consommation de cannabis débouche sur le développement de maladies, à l'instar de l'alcool par exemple. L'INSEE des Pays-Bas a ainsi mis en lumière, après une étude scientifique, que les consommateurs de cette drogue ont deux fois plus de risques de contracter des maladies mentales que ceux qui n'y recourent pas. Ainsi, les personnes prédisposées à des maladies telles que la schizophrénie, lorsqu'elles consomment du cannabis, sont exposées à un déclenchement rapide de ces pathologies.
Tous ces paramètres d'écomorbidité doivent donc désormais nourrir notre réflexion sur la régulation des usages de drogues. En effet, une consommation considérée comme modérée peut se révéler très dangereuse selon les publics. C'est pourquoi notre objectif demeure de convaincre nos compatriotes d'adopter ou de faire adopter des pratiques responsables.
Je n'ignore pas le débat persistant sur la dépénalisation de la détention de cannabis. Il s'agit, à mon sens, d'un débat artificiel au regard de ce qui se passe dans le monde. Comme je l'ai dit, la République Tchèque, qui a libéralisé les usages à la suite de préconisations d'un milliardaire célèbre a constaté une explosion de la consommation de cannabis. De même, en Californie, une étude de la Rand Corporation a montré que le seul effet prévisible à attendre d'une décision similaire serait une diffusion plus massive de cette drogue.
À ceux qui croient que la libéralisation de la consommation de cannabis permettrait de mieux lutter contre le crime organisé, j'objecterai que la première source de revenu des organisations mafieuses est la contrebande de tabac. Une dépénalisation de la consommation de cannabis devant inévitablement s'accompagner d'une taxation de ce type de produits, la contrebande proliférerait et alimenterait donc un peu plus les ressources des organisations criminelles. J'observe que, au début du XXème siècle, la tentative chinoise de réguler la consommation d'opium par la création de franchises de distribution s'est accompagnée d'une recrudescence de contrebande, pour le plus grand profit des triades.
Un tel risque doit donc être sérieusement pris en considération, d'autant que la situation française, sans être mirobolante, apparaît moins mauvaise que celle de nos voisins européens.
J'ajouterai, s'agissant de la lutte contre les trafics, que grâce à l'impulsion de votre président, Jean-Luc Warsmann, celle-ci a été recentrée sur l'argent issu de la vente de drogue. En 2007, le fonds de concours alimenté par les saisies effectuées en la matière affichait un montant de seulement 1,2 million d'euros. Cette somme est passée à 8 millions d'euros en 2008, 12 millions d'euros en 2009 et elle atteint déjà, pour 2010, 16 millions d'euros. Le produit en est reversé à hauteur de 60 % pour la police nationale et la gendarmerie, 20 % pour la justice, 10 % pour les douanes et 10 % pour des actions de prévention.
Selon nos informations, recueillies notamment sur le fondement d'écoutes légales, les organisations criminelles considèrent aujourd'hui que la France est un pays où il est difficile d'opérer leurs trafics. Si tout n'est pas parfait, la politique menée a clairement abouti à des progrès.
Pour autant, cet effort ne doit pas être relâché. Les derniers éléments d'information en notre possession montrent une diversification croissante des moyens de transit des stupéfiants, depuis l'Amérique latine notamment. Pour illustration, des sous-marins permettent d'acheminer 5 tonnes de drogue en Afrique de l'Ouest et, de là, en Europe. Cela montre que les offensives des trafiquants vont redoubler dans les vingt prochaines années. Pour lutter efficacement contre, il nous faudra continuer à agir sur l'offre, mais aussi sur la demande, de manière à éviter de nous trouver désarmés devant ces nouveaux phénomènes.
Je me félicite de l'audition du président de la MILDT par notre commission car tous les débats autour du fléau des stupéfiants, qui empoisonne la société, sont utiles et salvateurs. Le phénomène des trafics a pris une dimension mondiale et s'appuie sur des produits en perpétuel renouvellement, ce qui rend plus complexe la lutte. À mon sens, il faut faire tomber certaines idées reçues sur les « drogues douces ».
À cet égard, je me souviens d'un colloque organisé en 2002 sur le Cannabis, ouvert par notre collègue Dominique Perben alors ministre de la justice, au cours duquel cette drogue avait été présentée comme inoffensive. La réalité est toute autre, puisqu'elle peut provoquer des maladies et conduire à des crimes affreux.
Aujourd'hui, notre pays est agité par un débat sur l'opportunité d'ouvrir ou non des salles d'injection placées sous surveillance médicale. Un certain nombre de responsables et d'élus – le Conseil de Paris venant même d'adopter un voeu en ce sens – se posent des questions à ce sujet. Dans un tel dispositif, les toxicomanes apportent leurs propres produits, acquis illégalement. Du point de vue sanitaire, se pose alors la question de la vérification, par l'encadrement médical, de la qualité de ces produits, ce qui me paraît proprement surréaliste. En outre, est-ce que l'ouverture de telles salles est susceptible de permettre le sevrage ou, du moins, une amélioration de la santé des toxicomanes ? Rien n'est moins sûr.
Pour ma part, j'observe que les résultats obtenus en France, avec la politique actuelle, sont plutôt meilleurs que ceux constatés dans les autres pays. Je m'interroge donc sérieusement sur l'efficacité d'un dispositif qui se bornerait à contrôler la consommation de personnes malades d'addiction.
Je partage les remarques et les observations formulées par Jean-Paul Garraud.
Je me félicite également d'entendre un tel discours de la part du président de la MILDT, qui diffère de celui auquel nous avait habitué son prédécesseur.
Je souhaite évoquer la question de la lutte contre l'alcoolisme. Trop souvent, les campagnes de lutte contre l'alcoolisme donnent l'impression que le vin est ciblé en première ligne. Comment sera orientée la prochaine campagne ? Comment seront associés les professionnels de la viticulture à la réflexion sur la lutte contre l'alcoolisme ?
Alors que d'autres pays se caractérisent par leur consensus sur la question des drogues, la situation actuelle donne l'impression que le consensus français se fissure, certains en venant à préconiser la création de salles d'injection. Mais, dans la population française, ce consensus demeure ! Les sondages démontrent que 70 % de nos compatriotes sont opposés à la création de salles d'injection, que 80 % d'entre eux sont opposés à la dépénalisation.
Le ministère de l'Intérieur et la MILDT ont clairement pris position, en rappelant les problèmes que poserait la création de telles salles, qu'a également soulignés le Procureur de la République de Paris. Dans les pays étrangers où elles existent, la situation est très différente et la politique de réduction des risques moins développée qu'en France. J'ai, à l'occasion d'une mission, visité une salle d'injection créée à Genève. Même si elle est destinée à accueillir des toxicomanes, elle ferme à 19 heures, et se pose la question de leur accueil passé cette heure. Par ailleurs, une mafia géorgienne s'est installée à proximité de cette salle. Enfin, la vérification de la qualité des drogues a lieu par un envoi d'échantillons à des laboratoires, ce qui ne permet d'obtenir les résultats que trois semaines plus tard. Il y a en moyenne une overdose par mois dans cette salle.
Pourriez-vous nous confirmer que la loi de 1970, telle que modifiée en 2004, permettrait l'ouverture de salles d'injection sans nouvelle modification législative ?
Pourriez-vous nous indiquer l'état de la réflexion pour combler les failles du dispositif actuel ? Pour le contact avec les toxicomanes les plus fragiles et les plus exclus, les antennes mobiles sont-elles suffisantes ? Comment serait-il possible de mieux prévenir l'hépatite C ?
Enfin, pourriez-vous évoquer les nouvelles orientations retenues par les Pays-Bas ?
Je n'ai aucun doute sur la nocivité des stupéfiants. Mais, à titre personnel, je pense que la réflexion doit évoluer, car le consensus n'a en rien permis de lutter contre la consommation des drogues et le développement des mafias.
S'agissant des chiffres, permettez-moi d'exprimer quelques doutes : ils permettent de donner des tendances plutôt que d'avoir un tableau exact.
La France devrait avancer dans la réflexion. Si nous dépénalisions certaines drogues, pourquoi faudrait-il forcément les taxer ? Le but ne serait-il pas plutôt de casser un marché profitable aux trafiquants ?
La progression de 1 million d'euros à 16 millions d'euros de saisies annuelles est réelle, mais c'est une goutte d'eau par rapport à tout l'argent que génère le trafic de drogues.
Dernièrement, dans l'une des cités du nord de la commune de Drancy, la comptabilité d'une bande de trafiquants a été découverte, faisant apparaître que les sommes en jeu s'élevaient à 2,76 millions d'euros dans l'année pour cette seule bande.
En n'abordant pas le problème, l'on favorise la création de mafias, la structuration de quartiers entiers par ces mafias, qui rendent inutile le travail des éducateurs dans ces quartiers et l'ensemble des politiques publiques qui peuvent y être conduites. Le dealer est une référence sociale pour l'ensemble des jeunes de ces quartiers : il a les jolies voitures, les jolies filles, les jolis vêtements. J'ai l'exemple d'un jeune qui, à quatorze ans, faisait le guet des journées entières, plutôt que d'aller à l'école, en échange de 50 euros. Refuser d'ouvrir les yeux est malsain !
Concernant le débat sur les salles d'injection, j'ai vu le rapport remis à Mme Bachelot, et je regrette que beaucoup de gens commentent ce rapport sans même l'avoir lu. Le débat est légitime.
Il y a quelques années, dans le XVIIIème arrondissement, avait été créé un sleeping, qui permettait, pour dix francs, d'accueillir des toxicomanes pour la nuit, en leur offrant dans le même temps une consultation médicale gratuite. On y acceptait les toxicomanes mais, dans le même temps, l'on refusait qu'ils puissent s'y droguer et ils allaient alors dans la cage d'escalier de l'immeuble d'en face pour se shooter. Je crois qu'il y a une réelle forme d'hypocrisie puisqu'évidemment la police n'intervenait pas, pas plus d'ailleurs qu'elle n'intervient dans un quartier comme le mien où, en réalité, c'est la police judiciaire qui « choisit » les dealers !
Par la consultation médicale, l'expérience du sleeping avait fait apparaître un taux de réussite des désintoxications de l'ordre de 25 %, alors que ce taux n'est que de 10 % en cas d'injonction judiciaire. Je crois que ces chiffres devraient conduire à considérer le débat sur les salles d'injection comme légitime, si celles-ci permettent de rendre les politiques publiques plus efficaces.
De deux choses l'une : soit nous estimons tous qu'il faut trouver les moyens de mieux lutter contre la nocivité des stupéfiants, car les dégâts causés à la société en matière de santé publique, par la création d'une économie parallèle, sont trop graves ; soit nous recréons un débat politique avec une opposition traditionnelle entre gauche et droite !
Personne n'est plus rigoureux parce que prohibitionniste ou plus laxiste parce que prêt à dépénaliser.
Je crois que, pour lutter contre les stupéfiants, l'amalgame véhiculé par une vision unifiante de la drogue n'est pas la bonne porte d'entrée et fausse le débat. Il y a plusieurs drogues, qu'il faut analyser séparément.
L'alcool est la drogue la plus répandue, et la plus acceptée socialement. Le tabac est également une forme de drogue, dont l'usage est encadré par des dispositions législatives, qui est taxée et qui ne crée pas de conduite à risque.
L'alcool et le cannabis ont beaucoup de similitudes.
L'alcool est une drogue pour laquelle les conduites à risque sont sanctionnées mais qui génère très peu de trafic. C'est un fait économique et culturel établi dans notre pays, et sa prohibition provoquerait des dégâts considérables.
Le cannabis, dont la consommation s'est massifiée, est produit et importé illégalement. Dès 2003, MM. Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy avaient abordé la question de sa dépénalisation, en proposant d'instaurer une simple contravention en cas de consommation de cannabis.
Le risque est de ne pas répondre à la question des trafics, de l'économie parallèle. En assurant une légalisation contrôlée, il serait possible de mieux sévir, plutôt que de persévérer dans une chasse à la fumette qui n'a d'intérêt que parce qu'elle produit des chiffres facilement.
La question du cannabis est donc à isoler de la problématique relative aux drogues plus nocives. M. Apaire, vous n'avez pas cité le crack, qui est un dérivé de la cocaïne, beaucoup moins cher que cette dernière, souvent frelaté, qui produit des dégâts physiques et psychiques considérables en un minimum de temps, et qui entraîne souvent une polytoxicomanie.
La cocaïne est, pour sa part, une consommation bourgeoise et ce n'est qu'une hypocrisie supplémentaire de parler de justice à ce propos, sans vouloir faire injure au procureur Marin. Mais personne ne s'attaque à cette question, et telle ou telle personnalité du spectacle peut faire état de son addiction sans que cela ait des conséquences.
Par ailleurs, je suis surpris par l'absence de prise en compte, dans l'ordre du jour des sommets de chefs d'État tels que le G 8 ou le G 20, de la question du trafic des stupéfiants, qui mériterait d'être posée.
On peut ne pas être d'accord, mais essayons d'appeler les choses par leurs noms : les salles d'injection ne sont pas des « salles de shoot », ce sont des salles de consommation à moindre risque.
La transmission du VIH et de l'hépatite C s'est moins développée avec le système de l'échange de seringues. On a sauvé des vies et l'on peut faire encore mieux.
La loi de 1970 n'est pas appliquée en France : elle est désormais trop ancienne et a des effets pervers. Cela affaiblit la démarche de la puissance publique.
La MILDT devrait se poser la question du soin. Ce n'est pas un hasard si l'un de ses précédents présidents était un médecin. La lutte contre les drogues est un problème multiple, qu'il convient d'aborder de plusieurs manières.
Enfin, je termine…
Plusieurs députés UMP. Ah !
Vous êtes soulagés, car vous ne supportez pas que l'on expose ce point de vue : cela démontre votre sectarisme. Vous n'aviez pas protesté lorsque Jean-Christophe Lagarde s'est exprimé, alors qu'il n'a pas dit des choses très différentes !
Je remercie le Président d'avoir organisé cette audition du président de la MILDT, qui est l'occasion d'engager un débat sérieux et constructif.
Il faut noter une évolution des mentalités : comme celles de mes collègues Jean-Christophe Lagarde et Daniel Vaillant, mon intervention aurait pris un sens différent il y a une dizaine d'années. Longtemps, j'ai été en faveur de la prohibition pour lutter contre la toxicomanie. Je constate aujourd'hui que le bilan est totalement négatif. Il y a dix-huit ans, j'ai réalisé un rapport d'information sur la situation dans les banlieues, montrant les risques de dérive mafieuse.
Or aujourd'hui, cette prohibition a engendré un trafic structuré qui gangrène nos cités sensibles. Nous avons perdu le combat pour les références : l'argent facile des trafics y règne en maître. Seuls certains trafics sélectionnés font l'objet d'une répression.
Je reste opposé à la toxicomanie et en faveur d'une politique éducative, dans les écoles et à la télévision, qui en montre tous les risques.
Mais les exemples d'échec abondent : le président du Mexique reconnaît que son pays est désormais le réservoir de la drogue pour le marché des États-Unis ; l'économie a été criminalisée, sa police a été corrompue par l'argent des trafiquants. Le réalisateur d'un film récent m'a confié qu'il n'avait eu aucun problème pour filmer des champs de cannabis de l'autre coté de la Méditerranée, où leur existence est connue de tous, y compris des polices, ici comme là-bas.
Aussi je souhaiterais la mise en place d'une mission d'information, afin d'aller sur le terrain voir la réalité des faits.
Si je reconnais que la prohibition a échoué, je considère que la dépénalisation est une solution hypocrite. Je suis donc en faveur d'une dépénalisation et d'une production contrôlées, afin de mettre fin à l'économie parallèle qui gangrène nos banlieues et qui est la conséquence directe de la prohibition. L'exemple de consommation vient de partout, y compris de certains commissariats même, à en croire les odeurs qui en émanent.
Je souhaiterais revenir sur un aspect précis. Le récent rapport de l'INSERM sur la réduction des risques liés à la toxicomanie met l'accent sur le fait que la recherche en France sur les addictions est éclatée, non coordonnée, et mal financée. Or l'article 4 modifié du décret de 1982 prévoit parmi les missions de la MILDT l'animation et la coordination d'actions de recherche relatives à la toxicomanie. Pourriez-vous nous réagir à ces conclusions et nous préciser votre politique sur ce sujet et la part de vos crédits qui est consacrée à la recherche sur les toxicomanies ?
Si des difficultés particulières existent, il n'existe pas une France urbaine et une France rurale épargnée par les défis posés par les drogues. Je vous remercie de rappeler qu'il n'existe pas de drogues douces ou dures, et que les politiques de dépénalisation ont été des échecs.
Je souhaiterais poser deux questions : la mise en place de « salles de shoot », telles qu'elles sont envisagées comme des « auberges espagnoles » de la toxicomanie, serait-elle compatible avec la loi de 2004 ? Dans le cadre de votre action de lutte contre l'alcoolisme, quelles mesures particulières pourraient-elles être prises contre les premix en particulier ?
Dans le cadre de la mission que m'a confiée le Premier ministre sur la prévention de la délinquance, je parcours actuellement la France et ses quartiers sensibles.
Il convient de considérer que les drogues dures ou les drogues douces n'ont pas les mêmes effets en terme de dépendance.
En tout état de cause, selon l'Observatoire national de délinquance, 92 % des délinquants seraient toxicomanes, que ce soit avec le cannabis ou des drogues dures. Mais pour se procurer des drogues dures, ils sont obligés de commettre des délits. Selon les médecins, ils doivent attendre un déclic psychologique pour entrer dans un processus de sevrage, qui peut durer trois ans, ce qui signifie qu'ils commettront environ un millier de délits, s'ils en commettent un par jour. Aussi je préconise des mesures d'enfermement pour les toxicomanes consommateurs de drogues dures pour les sauver, eux et leurs victimes potentielles.
En ce qui concerne les trafics, il existe bien une économie –parallèle, plus que souterraine – dans les cités sensibles, où des jeunes déscolarisés sont recrutés pour faire le guet. Cependant, la dépénalisation ou la mise en place de « salles de shoot » restent des illusions.
Il convient à l'évidence de combattre les causes de la toxicomanie ; je compte faire des propositions à ce sujet, afin d'éviter que certains jeunes ne s'engagent dans la drogue et la délinquance et ne deviennent de véritables épaves.
Personne ne dispose de la vérité révélée, même si l'on peut partager le même constat. J'ai une question à vous poser : comme il existe dans les entreprises la possibilité de mettre en place des dépistages liés à l'alcool, serait-il envisageable de mettre en place des dépistages des drogues dans les entreprises ?
Je vous remercie de nous avoir précisé qu'il n'existe pas de distinction entre de supposées drogues douces et drogues dures, et que même les drogues dites douces peuvent avoir des effets médicaux.
Je suis choquée par les propositions de mise en place de « salles de shoot » ou de dépénalisation. J'ai eu l'occasion de défendre un jeune qui a passé trois ans dans les prisons espagnoles pour trafic de drogue. Cet enfermement lui a permis de sortir guéri de son addiction. La répression peut donc avoir des effets sur la consommation.
Je souhaiterais que l'on améliore le suivi médical pour soigner les différentes toxicomanies : souvent elles trouvent leur origine dans un mal être qu'il convient de traiter, plutôt que de mettre en place des solutions permissives.
Je gère une ville qui n'est pas spécialement connue pour sa délinquance, mais nous avons aussi des quartiers difficiles. Ce n'est pas parce que l'économie parallèle existe qu'il faut essayer de « faire mieux » en dépénalisant la vente.
Enfin, comme mon collègue Jean-Paul Garraud, je m'interroge sur les responsabilités encourues par ceux qui mettraient en place des « salles de shoot » : ne serait-ce pas une forme de non-assistance à personne en danger ?
Sans esprit de polémique, je voudrais signaler qu'à Bilbao, la droite et la gauche constatent les bons résultats obtenus. Je pense donc qu'il ne faut pas écarter cette solution.
Je suis clairement pour l'interdiction des drogues. Nous devons interdire ce qui est mauvais pour notre jeunesse. Je suis pour la médicalisation des toxicomanes mais résolument contre la création de « salles de shoot ».
Je constate que notre débat est idéologique. Je me retrouve plutôt dans les discours de MM. Lagarde, Vaillant ou Dray que dans les autres. On ne peut pas traiter les toxicomanes comme des délinquants ou des malades. Assure-t-on aujourd'hui la prévention des risques ? non ! Beaucoup de gens seraient mieux en post-cure qu'en prison !
Il ne faut pas faire d'amalgame entre le cannabis et les drogues dures. En 2002, en tant que candidat à l'élection présidentielle pour « Les Verts », j'avais proposé la légalisation contrôlée du cannabis car la dépénalisation ne change rien aux trafics.
S'arquebouter sur l'interdiction des « salles de shoot » est une position intenable. La loi de 1970 est dépassée.
J'ai vu, dans l'émission « À vous de juger », une secrétaire d'État placée auprès de la ministre chargée de la Santé déclarer qu'elle avait lu sur le site des Verts : « la drogue pour tous ». Quand un représentant du gouvernement est capable de tenir des propos aussi choquants, je pense que cette querelle est stupide, absurde, irresponsable et vaine. Il convient de dépasser le clivage gauche-droite. Malheureusement, certains préfèrent que l'économie parallèle assure la paix sociale.
À Jean-Paul Garraud, je voudrais dire que le président du conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux est un jour venu me voir pour me dire que les jeunes qui consomment des prémix ont le « bec sucré » et qu'il faudrait donc augmenter le taux d'alcool dans le vin… Nous faire croire que le vin est bon pour la santé illustre la puissance des groupes de pressions que sont les alcooliers. Je rappelle que l'alcool est, avec la vitesse, la principale cause des accidents de la route.
À Mme Joissains-Masini, je voudrais dire que beaucoup ont écrit sur le mal-être. La France est le premier consommateur mondial de psychotropes. A-t-on analysé les conséquences de cette situation – avec parfois des mélanges avec l'alcool – en termes de santé publique ?
J'ai eu beaucoup de plaisir à écouter le point de vue de M. Vaillant qui, même si je ne le partage pas, a le mérite de la cohérence. Le problème que nous examinons est plus large que la question de la drogue : il s'agit de traiter de l'addiction. Je rappelle que nous en avons récemment favorisé l'une des formes : le jeu.
Il faut faire des distinctions avec précaution. Le cannabis et l'alcool, ce n'est pas la même chose et leur différence est culturelle. En effet, notre civilisation est fondée sur le pain et le vin. Il s'agit là d'une tradition multiséculaire et non pas une addiction importée, qui ne peut se prévaloir d'une longue tradition ou de rites sociaux.
Il me semble qu'une réponse à envisager n'a pas été évoquée : il s'agit de l'éducation. Elle repose sur deux modèles. Le premier est celui de la mère nourricière, très tolérante et qui soigne. Elle a la préférence à gauche, comme en témoigne la politique du « care ». Mais elle a pour conséquence le risque d'effondrement de la société. Je préconise donc le retour au père car il faut les deux dans la société.
J'attire l'attention sur les aspects sociologiques de ces enjeux : il y a le fait commis et la conscience collective du crime. Si l'on introduit le flou dans la définition des délits, alors on risque de favoriser leur acceptation sociale. La dépénalisation conduirait à une telle situation.
Je suis scandalisé par les propos de M. Dray qui évoque le cas du Mexique, c'est-à-dire la question de la cocaïne et de l'héroïne, dont le trafic bénéficie d'ailleurs aux réseaux communistes en Colombie.
Trois solutions peuvent être envisagées. La première consiste à créer une organisation mondiale dont la compétence devra s'étendre à la lutte contre la pauvreté dans les pays producteurs de drogue. La deuxième est d'accentuer la répression à la source, grâce aux GIR. Celle-ci doit également concerner les consommateurs. J'ai reçu récemment une personne dont la soeur a été arrêtée en Tunisie avec sa « consommation personnelle ». Or ce pays ne prévoit aucune tolérance en la matière. Enfin, la troisième solution revient à prévoir une intervention médicale. Les « salles de shoot » seraient une erreur mais il faut renforcer l'accueil des toxicomanes, prévoir les traitements de substitution et assurer leur sevrage par les soins. C'est la seule solution de nature « maternelle ».
Nous sommes tous d'accord sur une idée simple : la drogue est un fléau. Il faut se débarrasser de l'idéologie car il n'existe pas de réponse unique à ce fléau. Comment peut-on interdire de fumer dans les lieux publics, lutter contre la consommation d'alcool, lutter contre le dopage mais autoriser des « salles de shoot ». Ce serait incohérent ! La société risque de ne pas comprendre les efforts faits en la matière. Nous devrions nous épargner des arguments éculés.
La question de la consommation de drogues est un sujet sur lequel il faut pouvoir penser la complexité. Parmi les différentes solutions évoquées par les différents intervenants, chacune présente des inconvénients, que ce soit en termes de santé publique ou de sécurité publique. Les réponses apportées aux problèmes posés par la drogue ne doivent pas occulter le fait que le monde a changé, les consommations de drogues ont changé, et que l'on ne peut plus regarder le monde avec les mêmes lunettes que celles avec lesquelles on le regardait dans les années 1970.
Dans la question des « salles de shoot », la problématique de l'ordre et les préoccupations hygiénistes sont essentielles. Parmi les deux avantages que l'on prête à ces salles, le premier concernerait la santé publique, dans la mesure où la consommation dans des lieux contrôlés permettrait de limiter le risque de contamination au VIH et à l'hépatite C. Cependant, l'enquête menée par l'INSERM, que j'invite les parlementaires à lire avec la plus grande attention, montre qu'à Bilbao, la plupart des personnes concernées sont déjà atteintes par l'une ou l'autre de ces maladies, tandis qu'à Vancouver, une étude sur l'efficacité des « salles de shoot » a estimé à deux par an le nombre de décès imputables au VIH parmi les consommateurs de drogues. Le second avantage prétendu des « salles de shoot » serait qu'il permet d'aller au-devant de ces « grands précaires » que sont les consommateurs de drogues et de les orienter vers des soins. Sur ce point, il me semble préférable de développer les dispositifs mobiles permettant de venir en aide aux consommateurs de drogues, ce que prévoit d'ailleurs le prochain programme gouvernemental de lutte contre la drogue.
Je souhaiterais également rappeler l'efficacité des interdits. Ainsi, la loi de 2001 sur la sécurité quotidienne, qui a conduit à davantage interpeller et sanctionner les usagers de cannabis, a eu pour effet un recul du taux de jeunes ayant expérimenté cette drogue.
(M. Étienne Apaire présente un graphique représentant le nombre d'interpellations pour usage de cannabis et le taux d'expérimentation du cannabis par les jeunes de 17 ans)
Ce graphique montre l'impact du nombre d'interpellations pour usage de cannabis sur le taux d'expérimentation du cannabis par les jeunes de 17 ans, dont l'augmentation continue depuis 1993 s'était interrompue en 2001 après la loi sur la sécurité quotidienne. Les deux courbes, de l'expérimentation et des interpellations se croisent…
Cela ne veut rien dire ! Ce ne sont que des statistiques produites par le ministère de l'intérieur pour faire du chiffre !
Je suis d'accord avec tous ceux qui appellent à un débat sur ce sujet. D'ailleurs, si le Premier ministre a estimé que certaines évolutions n'étaient pas souhaitables, il n'a pas dit qu'un débat n'était pas souhaitable. Dans toutes les informations communiquées, on a donné des éléments qui justifiaient la position retenue : par exemple, 300 millions d'euros sont consacrés aux soins. Des centres sont également dédiés à l'accueil des « cas rudes », afin de leur permettre de retrouver un niveau de vie acceptable, de les sortir de la rue et de les amener, le cas échéant, à prendre contact avec des soignants.
La situation de certains pays, comme le Mexique, a été évoquée dans le débat. Toutefois, s'agissant du Mexique en particulier, il me semble utile de souligner que le problème soulevé est celui de l'absence de l'État. La drogue est alors un révélateur de l'insuffisance de la régulation par l'État. En Colombie, ce n'est que parce que le Président Uribe est parvenu à réintroduire la présence de l'État que l'influence des trafiquants a pu reculer.
Affirmer le rôle de l'État dans la lutte contre la drogue, c'est d'ailleurs ce que nous faisons en France. De ce point de vue, la légalisation des drogues douces serait une fausse bonne solution et équivaudrait à un « Münich » de la drogue, à un renoncement à agir. C'est d'ailleurs parfois une faiblesse des démocraties de vouloir tout organiser et réguler, alors même que les pratiques que l'on cherche à encadrer posent de graves problèmes en termes d'ordre public et de santé publique.
Les exemples de la consommation de tabac ou de la violence routière, pour lesquelles les politiques basées sur la seule information du public ont échoué, montrent l'importance de l'interdit. Sur la route, c'est la régulation des comportements par la loi qui a permis de faire reculer la violence routière. Pour la drogue, la loi doit protéger les plus faibles. De fait, si beaucoup d'usagers croient pouvoir réguler leur consommation, il s'avère qu'ils se trompent le plus souvent : il convient donc de réaffirmer l'interdit.
Sur la question de la légalisation, je souligne d'ailleurs que les Pays-Bas s'apprêtent à revenir sur la distinction des drogues dures et des drogues douces, à limiter la fréquentation des coffee-shops aux seuls résidents et à lutter contre la production de cannabis. Il y a donc une réévaluation de la politique de légalisation, comme il y avait eu un retour sur la légalisation en Suède dans les années 1970.
Sur la question des parallèles établis entre la consommation de drogue et la consommation d'alcool, je rappellerai que la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a prévu l'interdiction de la vente d'alcool et de tabac aux mineurs. Nous essayons maintenant, en concertation avec les professionnels du secteur, de faire respecter ce texte.
A également été évoquée la question de la recherche. Sur ce point, le rapport de l'INSERM souffre d'un manque méthodologique, puisqu'il a uniquement interrogé la littérature relative aux « salles de shoot » – ce qui n'est pas une expertise des centres existants – et entendu des personnes qui y étaient favorables. Il est d'ailleurs surprenant que l'INSERM ait entendu Mme Maestracci, ancienne présidente de la MILDT, mais ne m'ait pas auditionné. Il n'y a pas suffisamment de recherches objectives sur cette question pour pouvoir affirmer telle ou telle position.
La MILDT a donc conclu un accord avec l'École des hautes études en sciences sociales et dégagé plusieurs millions d'euros pour la recherche, comme le révèle le document de politique transversale du Gouvernement.
Je rappelle que 10 % de l'argent issu des saisies de drogue est affecté à la prévention. Sur la question du montant de l'argent de la drogue, certains parlent d'ailleurs de milliards d'euros, alors que le chiffre d'affaires des trafiquants en France est évalué à 1,6 milliard d'euros au total, dont 900 millions pour le cannabis.
Je conclurai en indiquant qu'il me semble nécessaire de refuser le défaitisme et de ne pas chercher à organiser la consommation. Or, il y a actuellement un consensus en France pour refuser les « salles de shoot » et la dépénalisation, comme en attestent les derniers sondages réalisés.
Quand j'entends qu'il n'y a pas de débat, je suis toujours très surpris, car je passe beaucoup de temps à débattre de ces questions, notamment avec M. Vaillant. En réalité, cet argument sur l'absence de débat est souvent utilisé en France lorsque l'on ne parvient pas à imposer sa façon de voir.
Pour conclure, j'ai été surpris que le rapport de l'INSERM mentionne la nécessité d'étudier l'acceptabilité de certaines mesures par la population, alors même que de très récents sondages faisaient état d'un rejet des salles d'injection par 73 % des personnes interrogées. Il importe d'améliorer la méthodologie des futures études, pour disposer d'éléments plus objectifs que ceux figurant dans les études réalisées jusqu'ici.
J'estime qu'il faut aujourd'hui rappeler la loi, qui interdit la consommation de drogues : c'est le choix du Parlement, confirmé encore récemment par le rejet, lors des débats sur la loi relative à la prévention de la délinquance, des initiatives tendant à assouplir l'interdiction.
Je suis naturellement à la disposition de l'ensemble des parlementaires et des groupes pour débattre de ces sujets et espère avoir pu contribuer, par mon audition, à éclairer le débat.
Le président Jean-Luc Warsmann. La Commission a décidé, la semaine dernière, la création d'une mission d'information sur le droit de la nationalité en France composée de 15 membres. À la demande du groupe SRC, je vous propose que nous portions le nombre de ces membres à 17 : soit 9 UMP, 5 SRC, 1 NC, 1 GDR, 1 NI.
J'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe UMP : MM. Claude Bodin, Éric Diard, Jean-Paul Garraud, Claude Goasguen, Guénhaël Huet, Thierry Mariani, Éric Straumann, Christian Vanneste, Patrice Verchère ; pour le groupe SRC : M. Julien Dray, Mmes Sandrine Mazetier, George Pau-Langevin, MM. Bernard Roman, Manuel Valls ; pour le groupe NC, M. Jean-Christophe Lagarde ; pour le groupe GDR, le nom du candidat n'a pas été communiqué ; pour les députés non-inscrits, M. Abdoulatifou Aly.
M. Manuel Valls, appartenant au groupe SRC, pourrait être président de mission, et M. Claude Goasguen, du groupe UMP, en serait rapporteur.
Ces deux nominations auront lieu lors de la réunion constitutive de la mission qui se déroulera à 16 heures 15, salle de la commission des Lois.
(Assentiment)
La Commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011 et à l'examen, sur le rapport pour avis de M. Éric Diard, de ces crédits.
Monsieur le Ministre, nous vous retrouvons aujourd'hui pour nous présenter les crédits de votre mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » et, au-delà, les lignes de force de votre action au cours du prochain exercice. Je vous laisse la parole avant que notre rapporteur pour avis, notre collègue Éric Diard, vous pose les premières questions.
Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez bien le contexte qui a présidé à la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Constitué sans créer aucun corps de fonctionnaires supplémentaire, il rassemble des agents de tous horizons, issus des ministères de l'intérieur, des affaires étrangères ou des affaires sociales, disposant d'expériences et de cultures administratives diversifiées, ce qui leur permet de travailler ensemble tout en poursuivant leurs carrières dans leurs corps d'origine. Ce ministère est en cela exemplaire de la volonté du Gouvernement de décloisonner les carrières au sein de la fonction publique de l'État. Après seulement trois ans d'activité, il a pris toute sa place dans l'action publique.
Notre politique en matière d'immigration, d'asile et d'intégration est non seulement nationale mais aussi européenne, puisque ses différents axes ont été repris dans le cadre du pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité des États membres de l'Union européenne. Elle est désormais partagée par nos partenaires européens, comprise par les pays d'émigration, et très majoritairement, je crois, approuvée par nos concitoyens.
Le projet de budget pour 2011 a été construit en réponse aux cinq priorités de notre action : mieux maîtriser les flux migratoires, conforter notre politique de l'asile, mettre en oeuvre une nouvelle politique d'intégration, promouvoir l'identité nationale, et privilégier la gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire. Avant de vous présenter les grandes lignes de ce budget, permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel il a été établi.
Ce budget s'inscrit, comme vous le savez, dans le cadre d'une nouvelle programmation budgétaire triennale qui va couvrir la période 2011-2013. Il a également été conçu dans le respect des objectifs de maîtrise des dépenses de l'État fixés par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage. Ceci se traduit par un objectif de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention de 10 % sur la période triennale, avec une première étape à 5 % dès 2011, par la poursuite de la politique de remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite et, ce qui est nouveau, par des objectifs sensiblement équivalents pour les opérateurs de l'État. Le ministère dont j'ai la responsabilité prend naturellement sa juste part à cet effort collectif.
En 2011, le budget du ministère s'élèvera à 593,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 591,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau très proche de celui de 2010 (+ 2,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et – 0,8 million d'euros en crédits de paiement). Il demeurera supérieur de près de 11 % – environ 60 millions d'euros – au budget voté en 2009. Au terme de la période de programmation triennale, le montant des crédits du ministère devrait être ramené à 571,2 millions en autorisations d'engagement (soit – 3,8 %) et 573,2 millions d'euros en crédits de paiement (soit – 3,1 %). Ces perspectives budgétaires nécessiteront des efforts réels de gestion de la part des services, mais je tiens à indiquer qu'elles n'impliquent la remise en cause d'aucune mission, ni d'aucun objectif majeur du ministère, et c'est ce qui m'importe avant tout.
Le premier poste de dépenses du ministère reste bien évidemment, comme vous le savez, l'asile – qui absorbe une part croissante de son budget, atteignant 56 % des dépenses prévues pour 2011. Le poids croissant de la politique de l'asile reflète une vérité, qu'il faut rappeler de nouveau ici : la France est fidèle à sa tradition républicaine d'accueil des réfugiés. Elle est le premier pays en Europe, et le deuxième dans le monde, par le nombre de demandes reçues. Elle a donné l'exemple de la solidarité européenne en accueillant, par exemple, des réfugiés en provenance de Malte. Cet exemple a été reconnu par la Commission européenne et repris par d'autres pays européens. La France est aujourd'hui le fer de lance de la construction d'une politique européenne de l'asile.
Mais la nette accélération de la demande d'asile enregistrée depuis deux ans met cette procédure sous tension. Après plusieurs années de baisse, le nombre de demandeurs d'asile s'est accru de près de 20 % en 2008 puis de 12 % en 2009 ; il est encore en progression sur les neuf premiers mois de l'année (+ 8,5 %). Nous avions reçu 35 520 demandeurs d'asile en 2007. Nous en recevrons plus de 50 000 en 2010. Alors même que la demande d'asile mondiale est stable et que celle adressée à l'ensemble de l'Union Européenne n'augmente que de 3 %, la France connaît depuis 2008 une hausse de près de 40 % des premières demandes. Cette situation n'est évidemment pas normale et elle ne peut être durable. Il n'existe aucune solution miraculeuse permettant à un pays comme la France de maîtriser, à lui seul, ces flux et de les prévoir avec certitude. Je suis convaincu que seules des solutions européennes et internationales coordonnées permettront d'éviter une concentration de la demande d'asile sur un nombre limité de pays, à commencer par le nôtre.
Notre deuxième problème, conséquence directe de l'augmentation des flux, est l'augmentation des délais de traitement des dossiers par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). C'est d'abord un problème humain parce qu'il n'est pas souhaitable de maintenir durablement les demandeurs d'asile dans une situation d'attente. C'est aussi un problème financier puisque, dans le respect des directives européennes et conformément à notre tradition, nous sommes tenus de procurer un hébergement et des moyens de subsistance aux demandeurs d'asile, ou de leur verser l'équivalent sous forme d'allocation, pendant toute la durée d'examen de leur demande par l'OFPRA ou la CNDA. C'est enfin un problème de maîtrise des flux migratoires. Ne nous cachons pas que, plus les délais s'allongent, plus il est tentant d'utiliser de manière abusive cette procédure pour se maintenir sur notre territoire ou pour contourner les règles de l'immigration légale. Depuis deux ans, plusieurs mesures ont été prises par ce Gouvernement pour réduire les délais : le renforcement des moyens financiers de l'OFPRA, la professionnalisation de la CNDA avec l'arrivée – que vous avez votée – de 10 magistrats professionnels à la rentrée judiciaire de septembre 2009, et son rattachement au Conseil d'État.
Ces mesures, convenons-en, n'ont pas été suffisantes face à une aussi forte hausse des flux. Les délais se sont accrus en 2009 pour atteindre presque quatre mois devant l'OFPRA et quinze mois et neuf jours devant la CNDA, soit un total de plus de dix-neuf mois, très supérieur aux objectifs retenus fin 2008 lors de la première programmation budgétaire triennale. Le Gouvernement a donc décidé, dès 2011, d'accroître très fortement les moyens de ces deux institutions : les effectifs de l'OFPRA seront renforcés de 30 agents contractuels pendant une période de dix-huit mois à compter du début de l'année 2011 ; les effectifs de la CNDA seront à nouveau renforcés de 50 emplois sur le triennat budgétaire, dont 20 emplois dès 2011 ; la CNDA escompte ainsi le retour à un délai moyen de traitement des dossiers de six mois en 2013.
J'ajoute que le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, que vous avez récemment adopté, va contribuer à l'amélioration du fonctionnement de la CNDA en mettant fin à la possibilité de demander l'aide juridictionnelle le jour même de l'audience. Cette pratique – qui constitue un évident contournement – conduit actuellement à de nombreux reports d'audience qui désorganisent le travail de la CNDA et occasionnent des dépenses inutiles. La conséquence de cette augmentation des flux et des délais, c'est la saturation de nos moyens d'accueil et d'hébergement qui, pourtant, n'ont jamais été aussi importants, et la forte augmentation de nos dépenses consacrées à l'hébergement d'urgence et à l'allocation temporaire d'attente (ATA).
Nous avons bâti la programmation triennale sur l'hypothèse d'une hausse plus modérée de la demande d'asile et d'une baisse progressive et soutenue des délais. Je souligne à cet égard que la réduction des délais d'un mois peut non seulement permettre de donner une réponse plus rapide aux demandeurs, mais aussi de générer des économies estimées à environ 10 millions d'euros, ce qui signifie que si la CNDA parvient au terme du triennat à ramener ses délais moyens à six mois comme elle l'escompte, des économies proches de 100 millions d'euros peuvent être envisagées. Nous avons aussi considéré qu'il fallait définir un socle solide de moyens : ce sont les quelque 21 700 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et les crédits d'hébergement rehaussés à un niveau de 40 millions d'euros. Si ces moyens s'avéraient insuffisants, j'ai obtenu la garantie du Premier ministre de recevoir, en gestion, les crédits nécessaires.
Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous interrompre un instant sur cet aspect important. Les moyens prévus en faveur de l'OFPRA et de la CNDA seront-ils vraiment suffisants ?
Sur ces questions, il ne faut, en effet, pas s'enfermer dans une vision de court terme trop strictement financière. Le renforcement des moyens se justifie non seulement par d'évidentes raisons humaines (garantir un accueil décent des étrangers), mais aussi par des raisons budgétaires liées au coût de l'ATA versée aux demandeurs d'asile durant l'instruction de leur dossier ou à leur hébergement en CADA.
Le recrutement de contractuels supplémentaires, pour bienvenu qu'il soit, s'avérera-t-il suffisant ? Ne faudra-t-il pas, en 2012 et 2013, aller plus loin dans le renforcement des effectifs, ce qui pourrait se traduire in fine non par un surcoût mais par une économie budgétaire ?
C'est en tout cas, Monsieur le Président, très précisément le raisonnement qui a sous-tendu la décision de renforcer de 30 emplois les effectifs de l'OFPRA et de 50 emplois les effectifs de la CNDA. Il nous faut mettre fin au « supermarché de l'asile », qui pèse sur le coût de l'ATA, dont le montant de base est d'un peu plus de 10 euros par jour pour chaque bénéficiaire, et sur l'hébergement en CADA.
Au total, les crédits consacrés à l'asile progresseront en 2011 de 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, soit une augmentation depuis 2009 de 13,4 %. Cet effort supplémentaire sera principalement consacré à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (+ 10,2 millions d'euros) et au renforcement des effectifs de l'OFPRA (+ 2,5 millions d'euros).
Pour conclure sur le financement de l'asile, je voudrais dire que, dans un contexte de maîtrise des dépenses de l'État, il est aussi de mon devoir de rechercher la meilleure affectation possible de nos crédits et si possible, des pistes de réduction des coûts. C'est pourquoi j'ai demandé à deux inspections ministérielles, l'Inspection générale des affaires sociales et le Contrôle général économique et financier, de me faire dans les prochaines semaines des propositions en ce sens pour homogénéiser les coûts des CADA. J'ai également demandé à mes services de conduire une réflexion comparable, avec les services déconcentrés, concernant les crédits d'hébergement d'urgence.
Après ce long développement sur l'asile, je voudrais aborder les crédits consacrés à la maîtrise des flux migratoires, qui s'élèveront à 95,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (– 10,3 %) et 93 millions d'euros en crédits de paiement (– 3,4 %). Je voudrais tout d'abord rappeler que notre politique ferme de lutte contre l'immigration illégale obtient des résultats concrets. Au cours des huit premiers mois de l'année, 128 filières ont été démantelées, soit une augmentation de 34,7 %, et les interpellations de trafiquants de migrants ont progressé de 13 %. Le nombre d'éloignements d'immigrants en situation irrégulière (19 042) est en ligne avec l'objectif annuel de 28 000 reconduites. Le budget 2011 a été construit sur la base d'un maintien, voire d'une progression des objectifs assignés en 2010 par le Président de la République et le Premier ministre.
Ceci ne doit pas nous dispenser de rechercher, dans un contexte de réduction des dépenses de fonctionnement de l'État, toutes les pistes d'économie. La passation d'un nouveau marché en 2009 nous permet de réaliser chaque année des économies substantielles sur les dépenses de transport dans le cadre des éloignements. J'ai demandé à mes services et à ceux de la police aux frontières de rechercher également, dans le fonctionnement courant des centres de rétention, des pistes de réduction des coûts. Je crois également utile, autant sur un plan humain que financier, de poursuivre notre politique d'encouragement des départs volontaires, ceux-ci étant plus respectueux de la dignité humaine, et moins coûteux que les départs forcés.
Ce budget traduit aussi notre volonté d'améliorer la qualité de l'accueil dans les centres de rétention administrative (CRA). Le programme d'investissement pour 2011 prévoit en particulier la construction d'un nouveau CRA à Mayotte, en remplacement de celui qui existe aujourd'hui, qui était vétuste et indigne de notre pays, mais aussi l'amélioration des conditions d'hébergement au sein du CRA de Coquelles.
Deux autres observations pour conclure sur les flux migratoires. Si nous avons rencontré des succès importants pour l'accueil des étudiants étrangers, la crise économique ne nous a pas permis d'atteindre nos objectifs en termes de rééquilibrage de l'immigration familiale et de l'immigration professionnelle. Je voudrais aussi souligner que les crédits du programme 303 prévoient des moyens importants pour l'accompagnement sanitaire et juridique des étrangers placés en rétention : 13,3 millions d'euros en 2011. Ce sera le seul poste en augmentation en 2011 parmi les crédits dédiés à la lutte contre l'immigration irrégulière.
Troisième point, la qualité de l'intégration des immigrés qui séjournent régulièrement dans notre pays est la contrepartie de la fermeté de la lutte contre l'immigration irrégulière. Avant de présenter l'évolution des crédits du ministère, je vous rappelle que notre politique d'intégration repose sur l'action complémentaire du ministère et de son principal opérateur, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Cet établissement public est chargé de notre principal dispositif d'intégration, le contrat d'accueil et d'intégration, qui est signé chaque année par 100 000 étrangers primo-arrivants ; il est aussi chargé de toutes les formations linguistiques destinées aux étrangers. Il consacrera en 2011 la moitié de ses moyens humains et financiers à sa mission d'intégration, soit plus de 80 millions d'euros.
J'en viens donc aux crédits du programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration », soit 72,9 millions d'euros en 2011, qui sont plus particulièrement destinés aux têtes de réseaux associatifs et aux acteurs locaux de l'intégration, ainsi qu'aux étrangers présentant des difficultés particulières d'intégration. Dans un contexte de réduction globale des dépenses d'intervention des ministères, nous avons accordé en 2011 une priorité à deux actions.
D'abord les programmes régionaux pour l'intégration des populations immigrées (PRIPI) qui bénéficieront de crédits en hausse par rapport à 2010. Le ministère a lancé en 2010, sous l'égide des préfets de région, une nouvelle génération de ces programmes qui prendra effet début 2011.
Ma deuxième priorité sera donnée au dispositif « École ouverte aux parents ». Compte tenu du succès rencontré et des résultats obtenus lors de l'expérimentation de ce dispositif, j'ai décidé de l'étendre en 2011 à 10 nouveaux départements, soit au total 41 départements concernés.
Concernant les actions conduites au plan national, ce ministère comme ses prédécesseurs, a eu tendance, avec le temps, à une certaine dispersion des crédits. J'ai souhaité cette année, dans le cadre d'un appel à projets, recentrer les financements sur nos priorités en matière d'intégration et sur les meilleurs projets. Je poursuivrai dans cette voie en 2011. Enfin, je voudrais souligner les succès obtenus par mon ministère dans la promotion de la diversité. Un exemple : le « label diversité » a déjà été attribué à 219 entreprises privées et publiques et à des organismes publics, soit plus de 15 000 sites de travail et près de 580 000 salariés.
Je voudrais enfin, même si la mission « Aide publique au développement » ne relève pas du périmètre de l'audition d'aujourd'hui, évoquer brièvement les crédits consacrés par mon ministère au développement solidaire dans le cadre du programme 301. Au cours des trois prochaines années, les crédits consacrés à cette politique seront maintenus à un niveau qui permettra, non seulement la mise en oeuvre des quinze accords déjà conclus avec des pays partenaires, mais également la signature de nouveaux accords, et ce conformément à l'objectif qui m'a été assigné par le Président de la République et le Premier ministre de vingt accords conclus à l'horizon de 2012.
Ces crédits s'élèveront à 30 millions d'euros en 2011 en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, puis à 28 millions en 2012 et en 2013. Cette politique s'adresse bien sûr à nos partenaires traditionnels du Maghreb et de l'Afrique sub-saharienne. Mais j'ai voulu aussi développer nos relations avec de nouveaux pays tels que la Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Géorgie avec lesquels nous cherchons à encourager la mobilité régulée des jeunes. C'est aussi ce qui nous a conduit à promouvoir la création d'un Office méditerranéen de la jeunesse, dont nous aurons l'occasion de reparler.
Pour conclure, Monsieur le Président, je souhaite dire quelques mots de nos moyens humains et de fonctionnement. Le plafond d'emplois du ministère sera diminué de 18 emplois, comme cela était prévu pour 2011 dans le cadre de la précédente programmation triennale. Dans un souci de transparence budgétaire, j'ai par ailleurs obtenu que 15 agents, jusqu'alors mis à disposition par d'autres ministères, soient définitivement intégrés aux effectifs du ministère, comme le souhaite la représentation nationale. Concernant les dépenses de fonctionnement courant du ministère, hors loyers, mon ministère respectera, en 2011, l'objectif de réduction des dépenses de 5 %.
Je pense vous avoir présenté, Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, les principaux traits du budget 2011 et des perspectives triennales. Je suis à votre disposition pour vous apporter tous les compléments nécessaires et répondre à vos questions.
À titre liminaire, en complément de la présentation que vient de nous faire Monsieur le Ministre, je souhaiterais, en ma qualité de rapporteur pour avis, saluer un projet de budget qui s'efforce de concilier les obligations de notre pays à l'égard des demandeurs d'asile avec les efforts de maîtrise nécessaires au redressement des finances de l'État.
L'an prochain, les dotations consacrées à la garantie du droit d'asile seront revalorisées d'un peu moins de 4 %, de manière à tenir compte d'un contexte de demande dynamique. Toutefois, les réformes structurelles, engagées avec la mise en place du ministère chargé de l'immigration et de l'intégration, continueront. Je pense notamment à la rationalisation des procédures d'acquisition de la nationalité ou encore à celle de la gestion des CRA et des CADA.
Pour ces raisons, je souhaite que notre Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Un examen attentif de la ventilation de ces crédits m'amène néanmoins à profiter de la présence du Ministre parmi nous pour solliciter quelques éclaircissements.
Sur l'asile, tout d'abord, qui constitue le premier poste de dépenses de la mission, je souhaiterais savoir si une révision du contrat d'objectifs et de moyens signé avec l'OFPRA interviendra prochainement ? En effet, en 2011, le volume des demandes adressées à l'office, selon les propos de son directeur général devant notre Commission en juillet dernier, excédera d'environ 10 000 demandes les hypothèses retenues par le contrat d'objectifs et de moyens. Si une telle situation devait perdurer, il faudrait sans doute plus que le recrutement provisoire de 30 officiers de protection contractuels pour y faire face.
Je m'interroge également sur le niveau des dotations consacrées à l'hébergement d'urgence. Elles ont été revalorisées de 10 millions d'euros mais nous savons tous que l'exécution budgétaire laisse apparaître chaque année un déficit de financement de plusieurs dizaines de millions d'euros (42 millions en 2009 et 12,5 millions sur le premier semestre de cette année). Pourquoi donc s'en remettre, une fois encore, à des ajustements en loi de finances rectificative ?
S'agissant des CRA, j'aimerais avoir des explications sur le constat que l'absence de places disponibles dans ces centres serait responsable de 17 % des non-exécutions d'éloignement. Cela paraît d'autant plus surprenant que, depuis 2005, l'État s'est engagé dans un effort de création de places et que le taux moyen d'occupation de ces centres était de 69 % en 2009.
En outre, je souhaiterais savoir pourquoi les CRA de Paris ont été écartés du processus de transfert à la PAF ? Dès lors que la mesure se justifie par une recherche de synergies en gestion, je ne comprends pas pourquoi la Préfecture de police devrait conserver son autorité sur trois centres.
J'ai également constaté que les problèmes concernant la salle d'audience de la ZAPI perduraient. Après y avoir investi plusieurs millions d'euros, l'État semble obligé d'y consacrer de nouvelles dépenses pour la voir enfin fonctionner. Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier de décision, quant au lancement ou non de tels travaux, et les montants des devis ?
Enfin, s'agissant des dépenses d'intégration, pourriez vous, Monsieur le Ministre, nous apporter des précisions sur les objectifs et les coûts du nouveau programme de formation linguistique des étrangers résidant en France ? Le budget qui y est consacré par l'OFII en 2010 avoisine 42 millions d'euros ; qu'en sera-t-il en 2011 ?
Monsieur le Ministre, vous nous avez présenté un projet de budget convenable dans un contexte de récession budgétaire générale. L'essentiel de votre intervention a porté sur le droit d'asile et c'est bien là la question majeure.
La France est un pays dans lequel ce droit occupe une place importante. On peut s'en féliciter mais l'on ne doit pas pour autant mésestimer les défauts d'organisation et les pertes considérables liés aux abus en la matière.
En 1997, nous étions quelques parlementaires à avoir alerté le ministre de l'intérieur de l'époque, Monsieur Jean-Pierre Chevènement, des risques qu'il prenait en étendant le droit d'asile. De fait, a ainsi été créée une seconde filière d'immigration clandestine, après le regroupement familial.
Un regrettable allongement des procédures s'est finalement produit. Les effets en sont critiquables pour les demandeurs de bonne foi, assurément, mais aussi pour l'image de nos instances et juridictions en charge de ces questions. Les coûts budgétaires sont également très lourds.
À mon sens, il va falloir un jour examiner la situation d'un peu plus près. Il n'est pas rare que la durée des procédures soit de plusieurs années. Ce faisant, il me semble que nous devrions considérer, peut-être sous un angle européen, l'éventualité d'ouvrir aux demandeurs d'asile la possibilité de travailler en France. Je n'ignore pas les risques d'appel d'air que cette éventualité comporte. Il n'en demeure pas moins que le Royaume-Uni a créé un dispositif de ce genre, par lequel les demandeurs d'asile compensent, par leur travail, le coût pour la collectivité de leurs allocations et frais de prise en charge.
À ce stade, je n'ai pas de solution juridique à proposer mais il m'apparaît impératif de lutter contre les abus criants et les interprétations extensives de la convention de Genève. J'en appelle à un peu plus de rigueur dans l'examen des dossiers, car tous les pays d'origine ne sont pas toujours dangereux ou attentatoires aux droits de l'homme, et dans la gestion des droits sociaux des demandeurs.
Il s'agit cependant là d'une réflexion qui dépasse le simple cadre de l'examen du projet de loi de finances et, pour ma part, je suivrai la recommandation de notre rapporteur pour avis quant au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011.
Monsieur le Ministre, vous nous avez retracé le contexte de restrictions et d'efforts demandés à l'ensemble des ministères dans lequel s'établit votre projet de budget pour 2011. Cela n'en rend que plus difficilement compréhensible la mesure, inscrite à l'article 45 du projet de loi de finances – c'est-à-dire dans la partie recettes du budget – consistant à supprimer les pénalités de retard applicables aux employeurs d'étrangers sans titre. Comment l'expliquez-vous, alors qu'il n'y a que quelques semaines à peine que nous avons examiné un projet de loi transposant en partie la directive « sanctions » de 2009, qui appelle à la fermeté à l'égard des employeurs recourant au travail dissimulé et aux salariés sans titre de séjour. Rien ne le justifie et c'est proprement inexplicable.
Vous avez souhaité que nous vous suggérions des pistes de réduction des coûts et vous-mêmes avez semblé en rechercher. Or, vous avez indiqué que les crédits de fonctionnement du ministère diminueront de 5 %, hors loyers budgétaires. Peut-être faudrait-il, justement, réexaminer cette question des loyers et des choix immobiliers du ministère, sachant que le montant de ces loyers a progressé de 40 % ?
Par ailleurs, votre prédécesseur et vous-même avez décidé d'allotir le marché de l'assistance juridique des personnes retenues en CRA. Le fait est que ce choix a conduit à un surcoût de 800 000 euros, puisque le montant prévu jusqu'alors était de 4 millions d'euros et que le projet de loi de finances prévoit, pour l'an prochain, 4,8 millions d'euros. Certes, il ne s'agit pas d'une économie potentielle considérable, mais pourquoi ne pas revenir sur cet allotissement afin de récupérer 800 000 euros ?
Je ne reviendrai pas sur la sous-dotation chronique, pointée par le Président Jean-Luc Warsmann, des crédits destiné à l'asile, quels que soient les postes considérés : les places en CADA sont insuffisantes ; comme l'a souligné le rapporteur pour avis, les crédits d'hébergement d'urgence sont toujours inférieurs à l'exécution budgétaire ; enfin, l'ATA a été dimensionnée pour 13 000 bénéficiaires en 2011 alors qu'on en recensait 18 000 en 2008. Un peu plus de réalisme dans les dotations initiales, au regard des besoins estimés aujourd'hui, aurait sans doute été préférable.
Pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, le projet annuel de performances fait état d'objectifs d'arrestations de trafiquants de migrants et de facilitateurs. Serait-il possible d'avoir une répartition plus précise, par motif d'interpellation : est-ce l'infraction à l'entrée, à la circulation ou l'aide au séjour de personnes en situation irrégulière ?
Dans la partie du projet annuel de performances relative à la lutte contre l'immigration irrégulière, vous indiquez le nombre d'interpellations réalisées outre-mer et à Mayotte, alors que curieusement, en matière d'éloignements, nous ne disposons d'aucune visibilité sur les collectivités ultra-marines. De manière plus générale, en matière d'éloignements et de reconduites à la frontière, il serait utile d'avoir une répartition claire entre le nombre d'éloignements, le nombre de réadmissions dans d'autres pays de l'Union européenne et le nombre de départs volontaires, qui sont des situations très différentes.
Par ailleurs, nous sortons de l'examen d'un projet de loi transposant la directive « retour », dont le but est de privilégier les départs volontaires de personnes en situation irrégulière. Or, aucun objectif chiffré en la matière n'est envisagé dans votre projet de budget. Cela semble assez contradictoire avec votre volonté affichée de mieux articuler et harmoniser les politiques à l'échelle européenne.
J'en viens à notre divergence récurrente au sujet du calcul du coût moyen des éloignements. Dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2010, vous nous aviez transmis un rapport de l'Inspection générale de l'administration proposant une méthodologie de calcul des coûts, décomposant les coûts liés à chaque étape de la procédure (interpellation, placement en CRA, reconduite à la frontière) et aboutissant à un coût moyen de l'ordre de 6 300 euros. Je constate que vous n'avez pas repris cette méthode dans le projet annuel de performances. Or une évaluation réalisée par la commission des Finances du Sénat, qui me semble plus proche de la réalité que la vôtre, aboutit à un coût moyen unitaire de l'ordre de 20 970 euros, soit quinze fois plus que la somme que vous avancez.
Enfin, à propos du programme 301 relatif au développement solidaire et aux migrations, je voudrais reprendre l'exemple de Mayotte et des Comores, d'où certains de nos collègues reviennent de mission. Le budget de la coopération régionale Mayotte-Comores est de 300 000 euros, à comparer aux 45 millions d'euros dévolus à la lutte contre l'immigration illégale. Plutôt que de financer un nouveau radar à Mayotte, peut-être vaudrait-il mieux favoriser une nouvelle politique de coopération avec les Comores, par une redistribution entre les deux enveloppes ?
Manifestement, outre-mer et singulièrement à Mayotte, il y a un échec patent de la politique menée. Personne n'a de solution miracle, mais avouez que les 45 millions d'euros investis dans la lutte contre l'immigration irrégulière là-bas offrent probablement des marges significatives d'économies au regard des résultats obtenus.
Je concentrerai mes questions sur la politique en matière d'asile. Je ne conteste pas l'augmentation à deux chiffres du nombre des dépôts de demande d'asile depuis 2008 mais il me semble qu'il s'agit d'un afflux de demandes plus que d'un abus de demandes. Dans ce cadre, il ne faut pas réduire les possibilités de demander l'asile, mais adapter les moyens.
Mettre en place des solutions comme des recrutements d'urgence à l'OFPRA ne résoudra rien durablement, même si cela peut paraître ponctuellement utile. Il convient d'analyser les causes de cet afflux : c'est la conséquence d'une absence de politique ou d'une mauvaise politique européenne que je qualifierai de « politique de gribouille ». Les demandeurs se présentent en France car ils y trouvent une garantie de sérieux dans l'examen de leur demande et de l'éventuel recours, alors que certains pays membres de l'Union européenne – je pense plus particulièrement à la Grèce, à la République tchèque ou à la Slovaquie – agréent moins de 1 % des demandes d'asile présentées. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les demandeurs choisissent de formuler leur demande en France. Dans ce contexte, a-t-on avancé sur la création d'un bureau d'appui européen ?
Enfin, comme Mme Sandrine Mazetier l'a fort bien expliqué, on devrait être plus attentif aux conditions d'hébergement dans les CADA et dans les centres provisoires d'hébergement (CPH) afin de permettre aux demandeurs d'asile de présenter leur demande dans les meilleures conditions.
J'ai deux questions brèves à poser. Tout d'abord, pourquoi les crédits consacrés à l'intégration sont en baisse, alors que tout le monde, et le Président de la République lui-même, regrette les difficultés d'intégration dans notre pays ? Ensuite, ne serait-il pas plus sage d'autoriser le travail des Roumains et des Bulgares plutôt que de chercher à faire partir ces citoyens européens présents sur notre sol ? À cette fin, deux solutions existent : on pourrait mettre fin à la période transitoire qui court jusqu'en 2014, ce qui serait complexe ; on pourrait aussi, de façon plus discrète et efficace, réduire drastiquement le montant des taxes exigées par l'OFII auprès des employeurs de ces citoyens européens, qui seront de toute façon amenés à pouvoir, à terme, travailler dans notre pays.
Je vais tout d'abord évoquer les questions liées à l'asile. Le rapporteur pour avis a raison de dire que le contrat d'objectifs et de moyens n'est pas totalement adapté à la situation dans laquelle l'OFPRA se trouve. Pour mémoire, il a été établi en 2008 après quatre années de baisse des demandes d'asile. Il n'a donc pas été conçu pour une hausse très substantielle de ces demandes.
Je constate toutefois que l'OFPRA a fait face grâce à une bonne productivité puisque le nombre de ses décisions a augmenté de 15 % en 2008, de 11 % en 2009 et de 10 % au cours du premier semestre 2010. Il reste que la hausse des demandes n'a pu être entièrement jugulée et que le nombre de dossiers en instance s'est incontestablement accru. Je vous confirme donc que le contrat d'objectifs et de moyens va être actualisé avant la fin de l'année.
Les 30 agents contractuels supplémentaires de l'OFPRA devraient aider à la résorption des stocks de dossiers. En fonction de l'évolution de la situation, nous verrons si ces postes doivent être reconduits dans le cadre du budget 2012.
À Monsieur Claude Goasguen, je veux répondre que l'une des difficultés que nous avons pour l'octroi du droit au travail aux demandeurs d'asile réside dans le fait que seulement 30 % d'entre eux obtiennent finalement le statut de réfugié, ce qui signifie donc que 70 % des demandes sont indues et peuvent conduire au renvoi des intéressés dans leur pays. Je ne suis pas opposé à la réflexion sur le sujet, mais il nous faut garder en tête les limites induites par cette réalité.
À Monsieur Serge Blisko, j'indique que le bureau européen d'appui en matière d'asile sera opérationnel à Malte avant la fin de cette année. Chacun des États a choisi ses représentants et son directeur général est en cours de nomination.
En matière d'hébergement d'urgence, les crédits vont progresser de 10 millions d'euros en 2011 ; les crédits en matière d'asile auront ainsi progressé de 13,4 % en deux ans. Le rapporteur pour avis a raison : en 2009, nous avons dû recourir à des abondements de crédits en gestion, par décret d'avance ou en loi de finances rectificative, et ce sera encore le cas en 2010.
Pour 2011 et, plus généralement, sur les trois exercices à venir, nous attendons beaucoup de l'augmentation des effectifs de l'OFPRA et de la CNDA. S'agissant de cette dernière, les délais moyens des instances devraient passer de quinze mois, en 2009, à onze mois l'an prochain. Si cette perspective est tenue, nous n'aurons pas besoin d'abondements supplémentaires en gestion. Cependant, il est entendu avec le Premier ministre que nous disposerons, si nécessaire, des moyens complémentaires dont nous aurons besoin pour assumer nos obligations.
S'agissant des centres de rétention administrative, le rapporteur pour avis a pointé un hiatus entre le taux moyen d'occupation de 69 % et la non-exécution de mesures d'éloignement. Mais, précisément, le chiffre cité correspond à une moyenne de l'occupation des CRA. Des centres sont surchargés, notamment en Île-de-France. Nous attendons beaucoup de la livraison des nouveaux centres de Vincennes – 116 places – et du Mesnil-Amelot – 242 places. En outre, certains centres permettent l'accueil des familles, d'autres non. La carte des centres se trouvant améliorée l'an prochain, le nombre de défauts d'éloignements pour cause de saturation des centres de rétention devrait baisser.
La gestion de ces centres a été transférée à la police aux frontières. Cependant, ce service de police n'est pas compétent à Paris, ce qui explique que la préfecture de police y conserve ses responsabilités en matière de gestion des centres qui y sont implantés.
Sur la question de la formation linguistique, je suis en mesure de fournir par écrit des éléments de réponse plus complets car je me suis récemment exprimé longuement sur le sujet, mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que le coût assumé par l'OFII est de 42 millions d'euros, dont 26 millions d'euros dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration.
Le temps me manquant, je fournirai à Mme Sandrine Mazetier une réponse écrite détaillée aux questions précises qu'elle m'a posées. Rapidement, je soulignerai néanmoins, pour éviter tout malentendu, que le projet de loi de finances pour 2011 ne supprime aucune pénalité de retard pour les employeurs d'étrangers sans titre. Il se borne simplement à transférer à l'OFII, en lieu et place des préfectures, leur établissement et leur liquidation tandis que le Trésor public les recouvrira à la place de l'office, dont ce n'est pas le métier.
Il est vrai que le montant des loyers budgétaires progresse, mais cela n'est pas étonnant dès lors qu'il a été décidé de regrouper les services du ministère. Nous allons néanmoins engager des renégociations de ces loyers, pas seulement pour Paris mais aussi pour les implantations de Rezé, notamment.
S'agissant de l'augmentation des crédits destinés aux prestations d'assistance juridique aux personnes retenues en CRA, je précise qu'elle résulte de la hausse du nombre de places dans ces centres et de l'élévation des qualifications requises des personnels des intervenants associatifs.
Juste un mot sur les crédits du développement solidaire. Le budget du ministère est conçu pour la mise en oeuvre des accords de gestion concertée des flux migratoires. Il va sans dire que l'essentiel des crédits d'aide au développement figure dans d'autres missions budgétaires.
Enfin, les Roumains et les Bulgares sont soumis à une autorisation de travail mais de nombreux emplois leur sont ouverts sans que leur soit opposable la situation de l'emploi en France. Votre voeu, Monsieur Dominique Raimbourg, est donc partiellement satisfait. Au final, nous n'avons pas connaissance de difficultés particulières liées à la mise en oeuvre de la réglementation transitoire, mais je suis disposé à en discuter plus amplement avec vous si besoin.
Monsieur le Président, de nombreuses questions méritent des réponses complètes et détaillées. J'ai à ma disposition des éléments de nature à éclairer les membres de la commission qui ont pris part à notre débat mais, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je ne peux les développer. Je vous propose donc de fournir des éléments de réponse écrits et détaillés à tous les députés ici présents.
Suivant l'avis de son rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011.
La séance est levée à 13 heures.