La séance est ouverte quinze heures.
À l'issue de l'audition de M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants (voir le compte rendu analytique officiel de la commission élargie du 11 octobre 2010), la commission de la défense a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2011.
La Commission est saisie de sept amendements en discussion commune, les amendements DF 2 de M. Jacques Desallangre, DF 10 de M. Jean-Claude Viollet, DF 1 de M. Francis Hillmeyer, DF 18 de M. Christophe Guilloteau, II-1 du Gouvernement, DF 22 du rapporteur et DF 17 de M. Christophe Guilloteau.
La Commission examine les deux amendements identiques DF 2 de M. Jacques Desallangre et DF 10 de M. Jean-Claude Viollet.
L'amendement vise à augmenter la retraite du combattant de trois points afin d'aider le Gouvernement à respecter l'engagement du Président de la République de porter la retraite à 48 points d'ici 2012.
Je crois que, sur ce sujet, il faut se garder des polémiques, qui m'attristent. Dire que rien n'a été fait avant 2007 est naturellement excessif. Nous avons également déposé un amendement car il s'agit d'un engagement du Président de la République. Je suis animé par un souci de vérité et je m'interroge sérieusement sur la capacité de la majorité actuelle à atteindre les 48 points en 2012.
Dans le contexte budgétaire difficile que nous avons largement évoqué, et que le secrétaire d'État a souligné, il n'est pas possible d'augmenter la retraite de trois points cette année.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.
La Commission examine ensuite les deux amendements identiques DF 1 de M. Francis Hillmeyer et DF 18 de M. Christophe Guilloteau.
J'ajouterai qu'il s'agit là presque d'une exigence de devoir de mémoire à l'égard de nos anciens combattants.
Comme je l'ai déjà indiqué, la situation budgétaire est difficile et je suis donc défavorable à une augmentation de deux points. Je vous propose en revanche, soutenu en ce sens par le Gouvernement, d'augmenter la retraite d'un point dans l'amendement suivant.
Ne suivant pas l'avis défavorable du rapporteur, la Commission adopte les deux amendements.
Par conséquent, les amendements II-1 du Gouvernement, DF 22 du rapporteur et DF 17 de M. Christophe Guilloteau deviennent sans objet.
La commission examine l'amendement DF 4 de M. Jean-Jacques Candelier.
Le présent amendement vise à financer une extension du droit à la campagne double pour les fonctionnaires de la troisième génération du feu. En effet, le décret du 29 juillet 2010, publié sous la contrainte du Conseil d'État, accorde le bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du nord. Mais sa rédaction est totalement insatisfaisante en l'état : son champ d'application et les modalités de décompte des journées d'action de feu doivent être profondément corrigés.
Comme l'a souligné tout à l'heure le secrétaire d'État, ce décret est considéré comme une mesure d'application de la loi du 18 octobre 1999. Les conditions exigées sont celles de droit commun : le service historique de la défense déterminera les journées d'action de feu des unités combattantes en fonction du journal de marche des régiments, comme il le fait déjà pour les autres conflits.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La Commission examine ensuite les deux amendements identiques DF 5 de M. Jacques Desallangre et DF 9 de M. Jean-Claude Viollet.
Il s'agit d'augmenter le plafond majorable de la rente mutualiste de 125 points d'indice à 128 points. Ce plafond n'a en effet plus bougé depuis le 1er janvier 2007 et l'objectif est d'atteindre les 130 points.
Je comprends le souci de mes collègues mais je tiens à souligner que cette mesure ne concernera qu'une partie du monde combattant ; dans un contexte budgétaire contraint, il me semble plus pertinent de concentrer nos marges de manoeuvre sur les publics prioritaires. Par ailleurs, je relève que ce plafond n'est pas fixe puisqu'il bénéficie de la revalorisation ordinaire de la valeur du point d'indice.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.
La Commission examine ensuite les deux amendements identiques DF 6 de M. Jacques Desallangre et DF 13 de M. Jean-Claude Viollet.
Le présent amendement vise à financer une hausse de la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI). Comme on le sait, la valeur du point est calculée en référence à la valeur du point de rémunération des fonctionnaires de l'État mais ne tient pas compte des primes qui leur sont versées alors qu'il s'agit d'un élément essentiel de leur rémunération. Cet amendement vise donc à permettre au Gouvernement de revaloriser le montant du point PMI en intégrant, autant que faire ce peut, une part moyenne de la valeur des primes versées aux fonctionnaires de l'État.
Ainsi que l'a déjà rappelé le secrétaire d'État, je tiens à préciser que, depuis le 1er janvier 2010, l'indice des traitements de la fonction publique de l'INSEE, qui servait jusque-là au calcul de la valeur du point PMI, a été remplacé par l'indice de traitement brut-grille indiciaire (ITB-GI), calculé par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique.
À chaque publication, trimestrielle, de la nouvelle valeur de cet indice, un arrêté est pris pour revaloriser à due concurrence la valeur du point PMI. La procédure de fixation du rapport constant est aujourd'hui très claire et je ne crois pas donc utile de la faire à nouveau évoluer : ce qui compte dans l'indice de référence ITB-GI, c'est son évolution, pas le montant qui y est attaché, car c'est bien elle qui est répercutée sur le point PMI !
En outre, je ne suis pas sûr que l'évolution des primes des fonctionnaires, sujet très complexe, connaisse une pente croissante et régulière. En revanche, l'indice ITB-GI a augmenté de 0,73 % en moyenne en 2009, alors que l'indice des prix à la consommation n'augmentait que de 0,09 %.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.
La Commission examine ensuite les trois amendements identiques DF 7 de M. Jacques Desallangre, DF 15 de M. Jean-Claude Viollet et DF 18 de M. Christophe Guilloteau.
Le présent amendement vise à financer la création d'une allocation différentielle pour les anciens combattants les plus démunis. S'il existe une action spécifique pour les conjoints survivants d'anciens combattants, aucun dispositif comparable n'existe en revanche pour les anciens combattants eux-mêmes. Or nombre d'entre eux n'ont comme seule ressource que le minimum vieillesse, soit moins de 677 euros par mois. Il paraît donc logique de leur ouvrir un droit à une allocation différentielle à un montant équivalent à celui de l'allocation versée aux conjoints survivants.
J'observe que, depuis sa création, l'allocation différentielle versée aux conjoints survivants a augmenté. Il faut donc voir de quelles marges de manoeuvre on peut disposer sur les crédits non consommés du ministère pour créer une telle allocation pour les anciens combattants.
Je trouve tout de même paradoxal qu'aujourd'hui certaines veuves puissent toucher plus que les anciens combattants eux-mêmes ! Je crois donc qu'il est important de demander au moins un audit aux services de l'État sur ce sujet.
Je tiens à préciser que le taux de consommation des crédits est, contrairement à ce que vous laissez entendre, très serré. L'ONAC accomplit un travail remarquable de suivi de sa consommation.
Je voudrais faire remarquer à mes chers collègues que l'ONAC consacre déjà chaque année plus de neuf millions d'euros d'aides pour les anciens combattants rencontrant des difficultés financières (7 679 personnes en 2009). Par ailleurs, la baisse démographique des ressortissants de l'ONAC est naturellement prise en compte dans le calcul du budget comme le secrétaire d'État nous l'a expliqué tout à l'heure. Enfin, la création d'une allocation pérenne nécessiterait de l'ONAC une étude approfondie des bénéficiaires potentiels. Comme nous l'avions fait pour l'allocation différentielle servie aux conjoints survivants, je propose donc que nous commencions par demander un audit sur cette question.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les trois amendements.
La Commission est saisie de deux amendements en discussion commune, l'amendement DF 3 de M. Jacques Desallangre et DF 20 de M. Francis Hillmeyer.
Le présent amendement vise à financer une augmentation du montant de l'allocation différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis. Il est en effet indispensable de relever le montant de l'allocation différentielle au niveau du seuil de pauvreté, évalué à 950 euros mensuels.
Mon amendement va dans le même sens, sauf que je propose d'augmenter l'allocation à 887 euros.
Originellement fixé à 550 euros, le montant du plafond du revenu mensuel assuré aux bénéficiaires de l'allocation différentielle a été régulièrement revalorisé pour être porté à 817 euros au 1er avril dernier. Plus de 5 000 veuves bénéficient aujourd'hui de ce dispositif pour un budget de plus de quatre millions d'euros annuels et l'augmentation progressive du nombre d'allocataires atteste de l'utilité de ce dispositif. Cinq millions d'euros ont été inscrits au projet de budget 2011, pour répondre aux nouvelles demandes et à l'extension dans certains territoires d'outre-mer d'où elle est encore absente. En outre, le secrétaire d'État nous a précisé que le montant de cette allocation pourrait être porté à 834 euros en cours d'année si l'ONAC trouve les marges de manoeuvre nécessaires. Faisons-lui donc confiance !
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.
La commission examine l'amendement DF 16 de M. Jean-Claude Viollet.
Cet amendement vise à accorder le titre de reconnaissance de la Nation aux anciens réfractaires du STO. Il s'agit là d'un sujet que nous portons depuis très longtemps et, chaque année, le ministre nous répond que la question va être prochainement réglée. Il est temps que ces jeunes, qui ont répondu courageusement à l'appel du 18 juin, obtiennent la reconnaissance qu'ils méritent !
Comme vous le savez, le titre de reconnaissance de la Nation est lié à la notion de participation à des opérations comportant un risque d'ordre militaire. Les anciens réfractaires du STO, bien que contraints de vivre dans la clandestinité, ne relèvent donc pas de ce dispositif. Leur action ne comportait pas, en tant que telle, de participation à des affrontements armés. Ceux d'entre eux qui ont par la suite rejoint les rangs de la résistance bénéficient naturellement de la carte du combattant.
Le mérite et le courage de jeunes Français qui ont refusé de se soumettre au STO a par ailleurs été largement reconnu par la loi du 22 août 1950 : réparation des préjudices physiques subis, période prise en compte dans le calcul des retraites, port de la médaille commémorative de la guerre 1939-1945 et recouvrement de leur cercueil par le drapeau tricolore. Je ne juge donc pas utile d'aller au-delà.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement DF 21 du rapporteur.
Les conjoints survivants de très grands invalides se trouvent fréquemment démunis lors du décès de l'ouvrant-droit, alors que le conjoint doit faire face seul aux frais du ménage et aux difficultés causées par le décès de l'invalide. Il existe en effet une disproportion considérable entre la pension que percevait l'invalide et celle versée au conjoint survivant, 500 points au taux normal pour un soldat en application de l'article L. 50 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, majorée forfaitairement de 15 points depuis 2004.
Cette disproportion est d'autant plus choquante que, dans presque tous les cas, le conjoint survivant a apporté ses soins à l'invalide, permettant souvent d'éviter une hospitalisation qui aurait été onéreuse pour la collectivité.
L'amendement prévoit d'instituer un supplément de pension de 360 points bénéficiant aux conjoints des invalides dont le taux de pension était de 12 000 points au moins, c'est-à-dire ceux qui étaient atteints des affections les plus considérables. Cette mesure d'équité serait susceptible de bénéficier à une quarantaine de conjoints survivants déjà pensionnés, et à moins d'une dizaine de conjoints nouveaux par an. Son coût annuel serait d'environ 246 960 euros.
La majoration prévue par le présent amendement porterait donc les pensions des conjoints survivants concernés à environ 1 000 euros par mois.
La Commission adopte l'amendement.
La commission examine l'amendement DF 8 de M. Jacques Desallangre.
Le présent amendement vise à mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les pupilles de la nation et les enfants de parents « mort pour la France ». Les décrets publiés en 2000 et 2001 ont permis de mettre en oeuvre une indemnisation des orphelins des victimes des persécutions antisémites et racistes du régime nazi. Un décret du 29 juillet 2004 a légitimement étendu ce régime indemnitaire aux enfants des victimes de la barbarie nazie massacrés pour faits de résistance. Mais certaines catégories sont encore oubliées et devraient logiquement pouvoir bénéficier d'une nouvelle extension afin que tous les orphelins dont les parents ont été tués pour faits de guerre ou de résistance collective ou individuelle puissent être indemnisés.
Le programme 158, dont dépend l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites, relève budgétairement des services du Premier ministre. Je voudrais faire remarquer à notre collègue que les crédits inscrits pour 2011 augmentent de près de 20 millions d'euros et qu'il s'agit là d'une provision pour la parution à venir de deux décrets étendant le bénéfice de cette indemnisation à de nouvelles catégories, ainsi que l'a précisé tout à l'heure le secrétaire d'État.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement DF 14 de M. Jean-Claude Viollet.
Il s'agit d'abaisser l'âge de jouissance de la demi-part fiscale réservée aux titulaires de la carte du combattant de 75 à 70 ans.
Le monde combattant bénéficie déjà de mesures d'exonérations fiscales à hauteur de 420 millions d'euros ; je ne crois pas qu'il faille aller au-delà pour le moment.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement DF 11 de M. Jean-Claude Viollet.
Il s'agit d'instituer une journée de la résistance le 27 mai afin de rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui, quelles que soient leurs origines et leurs croyances, se sont unis dans une même vision politique et morale. Je ne propose pas d'instaurer un jour chômé ou férié, mais juste une commémoration. Il est important de rappeler, je crois, qu'il n'est pas de bonheur sans liberté et de liberté sans courage.
Je constate avec plaisir que M. Viollet met toujours autant de conviction dans ses argumentaires ! Je me permets néanmoins de souligner que nous sommes déjà, en France, champions du monde des commémorations. En outre, j'ai souhaité que vous défendiez cet amendement mais il est clairement irrecevable financièrement.
La commission examine l'amendement DF 12 de M. Jean-Claude Viollet.
Nous sommes tous très attachés à l'ONAC. Mais compte tenu de l'importance des responsabilités qui lui sont actuellement transférées et de l'augmentation de 8 % de son budget pour 2011, je ne vois pas ce que vous fait craindre pour son avenir. J'ajoute que cette disposition n'est pas vraiment du domaine de la loi et encore moins du domaine de la loi de finances.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis, conformément aux conclusions de son rapporteur, la Commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2011.
La séance est levée à dix-neuf heures.