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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 12 mai 2009 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CGPME
  • PME
  • compétitivité
  • propriété
  • pôles de compétitivité

La séance

Source

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Tout d'abord, je précise que je suis accompagné de M. Dominique Broggio, qui s'occupe plus particulièrement de ces questions à la direction des affaires économiques de la Confédération, et qui interviendra pour compléter mes propos.

Depuis 2005, les pôles de compétitivité ont apporté un dynamisme extraordinaire, en faisant travailler ensemble entreprises, collectivités territoriales et centres de recherche privés et publics. Cela a sans doute permis de sauver plusieurs industries.

L'État va d'ailleurs investir encore davantage dans les pôles, puisqu'il versera 1,5 milliard d'euros au cours des années 2009 à 2011. C'est un signal encourageant pour les entreprises qui y participent.

Toutefois, à côté de ces sources de satisfaction, il convient de relever quelques aspects négatifs, comme la grande disparité entre les pôles ou la faible participation des PME indépendantes – la situation étant quelque peu différente pour les filiales de grands groupes.

PermalienDominique Broggio

Selon les dernières statistiques disponibles, s'il y a presque 50 % de PME dans les pôles, elles ne représentent que 7 % de la masse salariale. Beaucoup interviennent dans le domaine de l'ingénierie et des études techniques, très peu dans la fabrication de composants ou de produits innovants.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

J'ai participé au lancement du pôle System@tic Paris-Région. Les grandes entreprises ignorent souvent s'il existe des PME locales dans leur domaine d'activité. N'auriez-vous pas un effort à consentir pour mieux vous faire connaître et cartographier vos compétences ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Il faudrait également que les PME soient mieux informées qu'elles peuvent rejoindre les pôles de compétitivité.

Par ailleurs, répondre à un appel à projet suppose un certain investissement ; le temps qu'une PME indépendante y parvienne, il est souvent trop tard.

PermalienDominique Broggio

Une autre crainte des PME, c'est la propriété intellectuelle et le retour sur investissement des projets portés par les pôles. S'il peut être positif pour une PME de se trouver dans le sillage d'un grand groupe, notamment pour gagner des parts de marché ou se développer à l'export, elle peut aussi hésiter à diffuser son savoir-faire sans protection.

En ce qui concerne le pôle System@tic, il intervient dans le domaine des composants électroniques et des logiciels : autant de secteurs dans lesquels les grandes entreprises disposent déjà de leur propre réseau. Il est difficile pour des PME extérieures de s'intégrer à ce type de pôle.

Plus généralement, les contraintes administratives sont beaucoup trop grandes pour les chefs d'entreprise de moins de 20 salariés.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

C'est une règle générale : si les pôles de Toulouse, Saclay ou Grenoble marchent aussi bien, c'est parce qu'une stratégie de développement avait préalablement été mise en place par les industriels et les responsables politiques.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

« Revendications » est un bien grand mot !

Disons que je souhaiterais que les PME soient davantage intégrées aux pôles de compétitivité. Pour cela, il faudrait qu'elles soient mieux informées de leurs possibilités d'action et qu'elles bénéficient de financements rapides, par exemple via OSÉO, afin de pouvoir participer à des appels à projets.

Il faudrait aussi qu'une personne représente la CGPME au sein des pôles de compétitivité, de manière à organiser les PME qui y participent et à les soutenir dans leurs démarches administratives et financières.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

C'est tout le problème des brevets : moins de 10 % de l'ensemble sont détenus par des PME.

L'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI, propose des pré-diagnostics gratuits qui permettent aux entreprises de définir leurs besoins en matière de propriété industrielle : il faudrait le faire savoir.

Le problème essentiel, c'est l'information. Il n'y a pas assez de communication sur le sujet, notamment de la part du Gouvernement. Si les pôles de compétitivité constituent réellement un atout pour l'industrie française, qu'il signale aux PME qu'elles peuvent l'utiliser !

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

La CGPME n'a-t-elle pas elle aussi un rôle à jouer ?

PermalienDominique Broggio

Il faudrait revoir la gouvernance des pôles. Au sein des conseils d'administration, il existe en général un collège des entreprises, un collège des collectivités et un collège des laboratoires, mais, à de rares exceptions près, il n'y a pas de collège des PME. Cela pourrait être très utile pour valider les « projets flash », qui rassemblent quelques PME pendant un an ou deux.

Quant à la propriété intellectuelle, il serait bon de généraliser le pré-diagnostic de l'INPI à toutes les PME qui participent à des pôles. On pourrait également élaborer des modèles de contrats de consortium, comportant des clauses spécifiques afin de protéger la propriété intellectuelle.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

C'est l'individualisme français.

En dehors des pôles de compétitivité, nous essayons de structurer des groupements de PME sur des bassins d'emploi. Il est très difficile d'obtenir que les entreprises se parlent et travaillent dans le cadre d'une structure commune. Cela a été fait avec succès dans l'est de la France, mais les exemples sont peu nombreux, surtout par rapport au nord de l'Italie.

Par ailleurs, il existe de grandes disparités entre les 71 pôles de compétitivité. Peut-être faudrait-il opérer des regroupements pour les rendre plus efficaces.

PermalienDominique Broggio

Certains pôles travaillent déjà en collaboration interrégionale. Les pôles de compétitivité sont aussi des enjeux pour les collectivités, dans la mesure où ils attirent de l'emploi et apportent du dynamisme à toute la région.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Le problème est en partie psychologique : beaucoup de chefs d'entreprise refusent de faire appel à des capitaux extérieurs ou à un business angel parce qu'ils ne veulent pas perdre le contrôle de l'entreprise qu'ils ont créée. Du coup, ils préfèrent la conserver en l'état plutôt que la développer. C'est pourquoi nous essayons de trouver d'autres modes de financement, qui ne passent pas par une prise de capital.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Il s'agit donc de faire un « coup ». Souvent, ils exigent en contrepartie de leur investissement un résultat à deux chiffres, qui est difficile à obtenir pour une PME.

PermalienDominique Broggio

Tout dépend aussi de la stratégie de développement des pôles. Beaucoup font déjà appel à des investisseurs extérieurs. Mov'eo a ainsi conclu un partenariat avec deux clusters bavarois afin de développer ses produits en Allemagne et de gagner de nouvelles compétences ; Intel veut investir dans System@tic.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Si l'on veut que les PME françaises se développent, il faudra bien faire appel à des financeurs ! Comment le pouvoir politique pourrait-il inciter les PME à s'inscrire dans cette logique ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Cela implique de modifier l'état d'esprit des chefs d'entreprise, en les faisant entrer dans une logique de croissance.

Cela implique également de lever les freins à cette croissance. Beaucoup de chefs d'entreprise refusent de franchir le seuil des cinquante salariés, parce que cela représente une marche trop haute à franchir. Il faudrait que la mise en place des comités d'entreprise, des CHSCT et des délégués syndicaux se fasse de manière progressive, sur cinq ou six ans, et non dès l'embauche du cinquante et unième salarié.

Le seuil des dix salariés, qui impose la mise en place de délégués du personnel, est également problématique.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Certes, mais il faudrait les « linéariser », c'est-à-dire faire en sorte qu'on les franchisse progressivement, sans à-coup. De toute façon, le vrai dialogue social, ce n'est pas le dialogue officiel, mais celui de tous les jours entre le chef d'entreprise et ses salariés.

PermalienDominique Broggio

Un autre aspect positif des pôles de compétitivité, c'est qu'ils incitent les PME à se regrouper, ne serait-ce que pour déposer un projet – même s'il faut ensuite qu'il soit validé par le pôle.

PermalienDominique Broggio

L'essentiel est qu'un financement parvienne à l'entreprise pour développer ses projets au sein du pôle. La contribution respective de chaque organisme est secondaire.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Non. Ce qu'il faut, c'est leur apporter un soutien administratif. Actuellement, la principale entrave à leur participation est l'appel à projets, dont la procédure est trop complexe. Les chefs d'entreprise n'ont pas le temps d'y répondre.

PermalienDominique Broggio

Le plus important, c'est la viabilité du projet validé par le pôle. Un projet viable trouvera toujours des financements.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

La nécessité de déléguer du personnel à la gouvernance du pôle ne constitue-t-elle pas un obstacle pour les PME ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

En effet : plus la PME est petite, plus c'est compliqué. C'est pourquoi il est très rare que des PME de moins de 20 salariés participent aux pôles, à moins qu'elles n'occupent un créneau technologique extrêmement pointu. Une structure minimale est indispensable. La présence au sein des pôles d'un interlocuteur dont la tâche serait d'apporter une assistance aux PME permettrait de remédier à cette situation.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Je ne suis pas favorable à une réglementation, laquelle risquerait de compliquer les choses. Souvent, dans les pôles, la PME intervient plutôt en sous-traitant qu'en co-traitant. Il conviendrait que les grandes entreprises modifient leur comportement à leur égard – Total, par exemple, travaille véritablement en co-traitance avec des PME.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Peut-être faudrait-il que le pôle remette un rapport annuel indiquant le nombre de PME qui ont été soutenues, sur le modèle du « Small Business Act » pour l'Europe. En tout cas, il ne faut pas prendre de mesures contraignantes.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Avez-vous réalisé un sondage auprès de vos membres sur les pôles de compétitivité ? Y trouvent-ils un intérêt ? Pensez-vous que cette politique favorise la création de nouvelles PME ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Seules 1 000 entreprises indépendantes participent aux pôles, sur les 1,6 million que compte la CGPME : la proportion est trop faible pour réaliser un sondage.

Sans doute cela encourage-t-il la naissance d'entreprises performantes. Toutefois, l'objectif est davantage d'aider les entreprises existantes que d'en créer de nouvelles.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Vous êtes-vous donné des objectifs à atteindre en termes de nombre de PME ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Non, nous privilégions l'action qualitative : nous souhaitons mieux informer les PME sur les pôles de compétitivité, améliorer leur intégration en leur sein et leur simplifier la vie, sans pour autant introduire de nouvelles règles.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Oui, si elle avait un représentant en interne, qui saurait où se trouvent les compétences, irait soumettre les appels à projets aux entreprises du bassin d'emploi, du département ou de la région, et défendrait les intérêts des PME au sein du pôle. C'est en tout cas ce que nous proposons.

PermalienDominique Broggio

Quand des PME se regroupent pour un « projet flash », en général, elles n'arrivent pas à le faire valider par le pôle de compétitivité. Si elles bénéficiaient de son soutien, elles pourraient être plus rapides et gagner des parts de marché. On pourrait alors assister au développement de PME innovantes.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Nous manquons nous aussi de moyens financiers et humains ! Par ailleurs, les premiers constats viennent à peine d'être tirés.

Cela fait deux ans que j'essaie de faire évoluer les choses. Ce dont nous aurions besoin, c'est d'un représentant qui aide les PME participant déjà aux pôles et organise des réunions d'information pour les autres.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Les grands pôles n'organisent pas de portes ouvertes ?

PermalienDominique Broggio

Le lancement des pôles de compétitivité a provoqué chez les PME une prise de conscience que, si elles voulaient y jouer un rôle, il était nécessaire de se regrouper pour présenter un projet. Ensuite, tout s'est joué sur la validation des projets.

L'audit réalisé par BCG montre bien les disparités actuelles : il conclut qu'une majorité de PME a accaparé les financements publics, mais que 55 % de ces financements sont attribués à dix pôles. Avec les crédits d'intervention qui lui étaient attribués, il était logique qu'OSÉO finance la participation des PME.

Il reste que les PME ont peur d'intégrer les pôles. Nous les y encourageons, mais les autres acteurs, notamment les grands groupes et les collectivités territoriales, doivent également jouer le jeu : quand une PME apporte un projet et un savoir-faire, il faut qu'elle bénéficie d'un retour sur investissement.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Votre question pose le problème de la recherche et du développement en entreprise. Faut-il investir dans ce secteur ? Pour une PME, il est plus facile de participer à un pôle de compétitivité et de bénéficier de l'apport des centres de recherche existants que de créer une activité de R & D en interne : elle parviendra plus vite au stade de la production.

PermalienDominique Broggio

Cela dépend aussi des secteurs : certaines entreprises qui ont déjà créé des clusters ne voient pas l'intérêt de rejoindre un pôle.

PermalienDominique Broggio

Pas seulement : dans certains secteurs d'activité, comme le nautisme, les entreprises préfèrent fonctionner en clusters plutôt que faire partie d'un pôle.

PermalienDominique Broggio

Elles font appel à d'autres canaux de financement, notamment européens.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Je n'ai pas eu connaissance de cas de ce type. En général, les collectivités jouent un rôle moteur dans les pôles.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

C'est une question délicate.

D'abord, il faut que l'entreprise s'inscrive dans une démarche de recherche et développement et d'innovation, ce qui n'est pas le cas de toutes les PME.

Ensuite, le développement doit aboutir à des résultats rapides. L'intérêt des pôles est d'avoir accéléré le processus : les produits arrivent souvent à un stade déjà bien avancé, chacun apportant ensuite sa contribution.

PermalienDominique Broggio

C'est tout le problème du transfert de technologie entre recherche publique et entreprise privée : souvent, l'entreprise pense qu'il suffit d'aller au laboratoire chercher le produit dont elle a besoin ; or c'est plus complexe que cela. Des intermédiaires opérationnels pourraient faciliter le dialogue.

PermalienDominique Broggio

Le mouvement doit se faire dans les deux sens. Le chercheur doit également connaître suffisamment l'entreprise pour savoir si ce qu'il lui propose est applicable.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Les crédits d'impôt recherche et recherche et développement visent précisément à inciter les chefs d'entreprise à s'engager dans cette voie. Pour l'heure, tous ces crédits d'impôt sont monopolisés par les grandes entreprises.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Avez-vous établi des plans d'action afin d'encourager vos membres à se rapprocher de la recherche publique ?

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Peut-être ne savons-nous pas l'utiliser…

Nous venons de mettre en place un partenariat entre onze universités, des PME et la CGPME. Les premiers résultats nous parviendront à la fin de l'année.

Dès lors que l'on admet qu'une PME est incapable de faire de la recherche toute seule, il faut bien qu'elle s'appuie sur d'autres acteurs ; l'université est assez facile d'accès.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Il faut distinguer la CGPME interprofessionnelle et les branches professionnelles. Nous travaillons beaucoup avec ces dernières pour assurer le passage de la recherche à la production. Par exemple, la Fédération du bâtiment veille au bon développement des produits.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

C'est une bonne chose. Toutefois, ce sont les grandes entreprises qui en profitent le plus. En outre, les PME qui en obtiennent subissent un contrôle fiscal, ce qui n'est guère incitatif !

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

L'essentiel, selon moi, serait de disposer au sein des pôles d'un représentant de la CGPME, qui pourrait ensuite informer et mobiliser le réseau des PME du bassin d'emploi.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Bien sûr : il y a déjà OSÉO, il peut très bien y avoir des business angels ou des fonds d'investissement.

PermalienDominique Broggio

En premier lieu, la généralisation du pré-diagnostic de l'INPI à toutes les PME des pôles.

En second lieu, la conception d'un contrat de consortium type qui réglemente l'activité propriété intellectuelle du pôle et garantisse le retour sur investissement pour la PME. Il existe d'ailleurs des modèles européens.

PermalienDominique Broggio

OSÉO met déjà en place des financements afin de conseiller les PME en matière de propriété intellectuelle. L'idéal serait que le pôle lui-même produise ce type de contrat.