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Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Séance du 5 mai 2009 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PME
  • cdc entreprises
  • investisseur
  • oséo
  • pôles de compétitivité

La séance

Source

PermalienPhoto de Georges Tron

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Philippe Braidy, membre du comité de direction de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et directeur du développement territorial et du réseau, M. Pascal Lagarde, directeur général de CDC Entreprises, ainsi que M. Patrick Terroir, directeur régional, chargé du suivi des pôles de compétitivité, et M. Arnaud Richard, chargé des relations institutionnelles.

Nous vous remercions, messieurs, d'avoir répondu à l'invitation de la mission. Monsieur le directeur, je vous donne la parole pour une intervention liminaire.

PermalienPhoto de Philippe Briand

Je préciserai en introduction le cadre dans lequel la Caisse des dépôts et consignations intervient au titre des pôles de compétitivité.

Aux termes de la loi de modernisation de l'économie, la Caisse est un groupe public au service du développement économique. Au-delà de son intervention pour financer le logement social, elle consacre un tiers de son résultat aux missions d'intérêt général.

PermalienPhoto de Alain Claeys

En tant que directeur du développement territorial, êtes-vous en charge des interventions de la Caisse dans les pôles de compétitivité ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Pascal Lagarde est le directeur général de CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts qui s'occupe du financement des PME. Pour ma part, je gère l'ensemble des directions régionales de la CDC et les moyens que la Caisse, en tant qu'établissement public, consacre directement à certains projets dans les pôles de compétitivité. Ce sont nos actions combinées qui portent les moyens d'intervention de la Caisse au titre des missions d'intérêt général à un tiers de son résultat, soit, pour un résultat de 2,4 milliards d'euros en 2007, environ 800 millions d'euros, dont 300 millions sont consacrés aux PME dans le cadre du programme France Investissement, une partie allant dans les pôles de compétitivité, et environ 500 millions – 460 millions exactement en 2008 – relèvent de l'établissement public, dont 400 millions d'investissement, une partie allant également dans les pôles de compétitivité, mais sur d'autres actions que le financement des PME –investissements immobiliers pour des projets structurants, accompagnement du développement des pôles. Tout cela est encadré par la convention que nous avons passée avec l'État en 2004, quand nous avons été sollicités pour participer au développement des pôles de compétitivité.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Quel budget consacrez-vous aux pôles ? Dans combien de pôles intervenez-vous et quelles sont les procédures d'attribution des fonds ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Nous n'avons pas de budget dédié aux pôles ; nous avons des missions d'intérêt général, nous présentons à la commission de surveillance les axes stratégiques de notre action. Au-delà des axes traditionnels comme l'immobilier d'entreprise et le logement, nous intervenons dans le développement numérique du territoire : nous avons participé à des délégations de service public pour le développement des réseaux d'initiative publique auprès des collectivités locales. Nous intervenons également dans le domaine des énergies renouvelables, dans le cadre du plan stratégique Elan 2020, et nous accompagnons le Plan Campus. Mais nous ne faisons que répondre à des besoins et à des attentes : nous ne sommes pas, sur les pôles de compétitivité, le donneur d'ordres, de même que nous ne le sommes pas vis-à-vis des collectivités locales ; nous les accompagnons, nous les conseillons, nous aidons à faire sortir les projets. Bref, les moyens que nous consacrons aux pôles sont plus une résultante qu'une donnée de départ. C'est également vrai pour CDC Entreprises.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

En 2007, nous avons financé, via des fonds que nous alimentons par ailleurs, 240 PME dans 54 pôles, dont une grande majorité est à vocation internationale. Ce n'est pas illogique, les PME financées par ces fonds d'investissement étant de facto des PME à assez forte croissance, qui se retrouvent donc dans les pôles à plus fort potentiel.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Financez-vous des PME ou des projets – auxquels des grands groupes peuvent également participer ? Êtes-vous sélectif dans l'attribution des fonds ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Dès lors que nous intervenons dans le cadre de missions d'intérêt général, nous essayons de ne pas nous substituer au marché privé. Nous intervenons comme investisseur, si possible minoritaire, avec des investisseurs privés, afin de produire un effet d'entraînement. C'est vrai pour le financement des PME, et nous essayons d'intervenir de la même façon pour les projets structurants.

Lors de la réunion que nous avons organisée avec l'ensemble des pôles mondiaux en 2007, nous avons constaté qu'une grande attention était portée au problème de financement de la recherche, mais que la notion de projet structurant avait du mal à se concrétiser. En 2008, quand le Gouvernement a fait appel au Boston Consulting Group, il nous a demandé de renforcer l'accompagnement des pôles. Nous avons alors, tout en conservant les mêmes axes d'intervention, lancé un appel à projets en demandant aux pôles de nous transmettre des projets structurants, c'est-à-dire soit des projets mutualisant localement le travail de plusieurs acteurs, soit des projets ayant une importance particulière pour le développement scientifique ou économique du pôle. Sur les 86 projets qui nous ont été présentés, nous en avons labellisé, avec les ministères, 35 dans 26 pôles. Nous allons les étudier, étant précisé que nous recherchons un modèle économique sinon rentable, du moins équilibré car il ne doit pas s'agir de notre part d'un subventionnement.

On trouve dans ces projets des plateaux technologiques, qui vont de « salles blanches » mises à la disposition de start-up aux équipements laser à partager entre plusieurs entreprises. Nous avions déjà quelques expériences de ce type, pas nécessairement dans des pôles de compétitivité : à Romainville, dans le cadre de la restructuration d'un ancien site Aventis, nous avons racheté des terrains et réaménagé des laboratoires pour les louer à des start-up de biotechnologie ; près de Lille, nous allons construire les instruments de travail de jeunes sociétés du secteur textile, qui seront prêts à être loués. Nous prenons donc des risques, n'étant pas certains que les locaux que nous préparons trouveront preneurs. C'est le pari que nous faisons concernant les pôles, au sein desquels ces projets structurants constituent l'essentiel de notre intervention.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Je reviens à CDC Entreprises. Le choix des PME se fait-il avec les pôles de compétitivité ? Êtes-vous associé à un comité d'éligibilité ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Non. En fait, il y a deux types de financement : le financement d'infrastructures, dont a parlé Philippe Braidy, et le financement en fonds propres des entreprises, qui se fait selon les règles classiques : les fonds dont nous sommes investisseurs décident, de façon souveraine et indépendante, d'investir ou non dans une entreprise – laquelle n'est pas forcément liée à un pôle de compétitivité, même si c'est assez souvent le cas.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Le financement d'une PME faisant partie d'un pôle dépend-il du projet auquel elle participe ?

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Un pôle qui regroupe des PME et des grands groupes autour d'un projet et qui cherche des fonds peut-il s'adresser à vous ?

PermalienPatrick Terroir, directeur régional, chargé du suivi des pôles de compétitivit

Tout dépend des projets dont on parle. L'État a demandé aux pôles d'avoir des projets de recherche-développement, associant des entreprises et des laboratoires publics. Au cours des trois premières années, ce sont des projets de ce type qui ont été financés, mais il s'agissait de financer la recherche-développement, non les entreprises. C'est pourquoi les interventions de CDC Entreprises se situaient sur un autre plan. Maintenant, il y a des projets d'infrastructures.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Les projets de recherche-développement peuvent néanmoins déboucher sur des demandes de financement de la part de PME. Comment tout cela s'articule-t-il ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Ce n'est pas la gouvernance du pôle qui nous sollicite, mais l'entreprise inscrite dans la stratégie de ce pôle ; elle s'adresse aux différents fonds, à commencer par CDC Entreprises, qui a 63 fonds régionaux.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Oseo ne contribue pas au financement en fonds propres des PME, terrain d'intervention de CDC Entreprises.

PermalienPhoto de Philippe Briand

Le partage des rôles est clair entre OSEO, qui intervient en matière de prêts et de garantie, et CDC Entreprises, qui intervient en matière de fonds propres. Nous avons néanmoins, pour l'intervention en fonds propres, un fonds en commun, Avenir Entreprises, dont nous sommes actionnaires à 60 %. Par ailleurs, nous sommes actionnaires à 43 % d'OSEO Financement, l'ex-BDPME.

Pour assurer une meilleure coordination dans la réponse aux besoins de financement des entreprises en région, des plateformes régionales sont en train de se généraliser. Elles réunissent une fois par mois – et plus si nécessaire – les conseils régionaux, qui sont les acteurs de nos fonds régionaux, OSEO et nous-mêmes pour instruire les demandes de financement. En août 2008, nous avons signé une convention de partenariat avec OSEO pour développer ces plateformes, ainsi que le financement du secteur des énergies renouvelables et du développement durable et les outils numériques au service des PME.

La crise, qui a conduit à mettre en place un Médiateur du crédit et à mobiliser les préfets et les TPG, a également amené à élargir les plateformes à la Banque de France et aux chambres consulaires et à leur faire exercer une activité de veille. Une convention a été récemment signée avec Mme Christine Lagarde et M. Luc Chatel, assurant la mise en place d'un dispositif de coordination régionale, modulé en fonction des régions, l'objectif étant d'éviter qu'il y ait des dossiers orphelins, c'est-à-dire sans cesse renvoyés d'un guichet à un autre.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Au vu de votre expérience, quel a été l'apport des pôles de compétitivité ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Bien que ce dispositif ait été mis en place il y a cinq ans, il ne me paraît pas complètement mature. Notre force de financement et notre capacité d'expertise étaient à leur disposition, mais sans doute fallait-il le temps que leur gouvernance se mette en place. En outre, ils étaient très orientés sur la recherche. Une nouvelle étape est en train d'être franchie avec les projets structurants. Mais sur les trente-cinq projets labellisés en 2008, je pense que tous ne seront pas économiquement viables. Leur aspect collectif est souvent insuffisant ; dans les prochains appels à projets, nous insisterons sur le nécessaire travail en commun des acteurs du pôle.

Parallèlement aux pôles, apparaissent en région d'autres initiatives fédératrices – plan Campus, clusters. Nous estimons de notre rôle d'essayer de faire converger tout cela, ce qui demande encore du travail.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le fait que l'on constate a posteriori une implication particulièrement forte de notre portefeuille de fonds d'investissement en capital-risque dans les pôles prouve, d'une part, que ces pôles ont réussi à attirer des PME de qualité en leur sein et, d'autre part, qu'ils les ont probablement aidées à gagner en taille : 20 % des entreprises qui ont reçu des aides du FUI – Fonds unique interministériel – ont reçu un investissement en capital de l'un des fonds de notre portefeuille. Les pôles ont donc montré leur capacité à mutualiser les ressources et à aider à l'émergence de champions.

PermalienPhoto de Philippe Briand

En dépit des réserves que j'ai émises, je confirme que les pôles de compétitivité ont impulsé une dynamique extrêmement forte, et qui se poursuit.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Pensez-vous que votre politique de financement est claire pour les PME ?

PermalienPhoto de Georges Tron

Combien de temps doivent-elles compter entre leur demande et l'arrivée de votre financement ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

En matière de financement en capital, nous ne sommes pas un acteur direct : les PME vont voir les fonds d'investissement dans lesquels nous avons investi, mais nous ne sommes pas un guichet supplémentaire ; nous fournissons aux investisseurs privés plus de capital pour investir dans les PME.

En revanche, il est important d'orienter les PME vers les bons acteurs, et c'est tout le sens de notre travail avec OSEO, les collectivités locales, la médiation du crédit et d'autres. L'objectif est qu'elles aient accès au financement, qu'il soit de bas de bilan ou de haut de bilan, le plus facilement possible. Les plateformes doivent aider à fédérer une multitude d'acteurs indépendants, avec l'aide du site AppuiPme.net, que nous sommes en train de mettre en place.

PermalienPhoto de Philippe Briand

CDC Entreprises intervient pour l'essentiel en tant que « fonds de fonds », en abondant des fonds. Cela ne signifie pas que nous ne connaissons pas les entreprises, mais nous ne sommes pas en « première ligne » comme OSEO.

En ce qui concerne les délais, il ne m'appartient pas de répondre pour l'État ou d'autres acteurs. Pour ce qui nous concerne, il arrive que des dossiers n'entrent pas dans les critères d'intervention des fonds, qui sont des fonds communs de placement à risque gérés par des sociétés de gestion avec des objectifs de rentabilité. Nous recherchons alors éventuellement d'autres acteurs financiers.

Le paysage s'est un peu complexifié avec la crise. Nous avons créé en 2008, avec OSEO, un fonds de revitalisation du territoire, selon l'annonce faite par le Président de la République ; c'est un fonds de prêts d'OSEO, financés par la Caisse sur le livret de développement durable – ex-CODEVI –, avec un fonds de garantie que nous abondons avec l'État. Un fonds stratégique d'intervention a également été mis en place et va pouvoir intervenir au-delà des PME.

Mais les besoins concernent moins les entreprises innovantes, qui savent à qui s'adresser, que des entreprises qui le sont moins mais qui permettent de préserver l'emploi dans des régions moins porteuses en termes de développement économique : les investisseurs privés étant évidemment moins demandeurs, nous sommes dans ce cas très fortement sollicités, et les réponses ne sont pas toujours faciles à apporter.

Concernant l'innovation, nous avons un dispositif qui fonctionne bien et nous nous sommes engagés à accroître son utilisation au profit des pôles de compétitivité, auxquels la commission de surveillance et son président M. Michel Bouvard accordent une grande attention. Même si notre politique en leur faveur ne peut pas être « sanctuarisée » par l'octroi d'enveloppes, nous comptons donner une plus grande visibilité à notre action.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Les acteurs privés que nous avons reçus se sentent absents des pôles de compétitivité. Comment pourrait-on renforcer la part du capital-risque dans les financements ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Hors contexte de crise, l'une des difficultés que nous avons identifiée est la méconnaissance, par les gouvernances des pôles, habituées à faire financer des projets de R&D, de la manière dont se fait le financement en fonds propres des entreprises. C'est pourquoi nous travaillons avec la direction générale du Trésor et de la politique économique – DGTPE – et la direction générale des Entreprises, devenue direction générale de la Compétitivité des industries et des services – DGCIS – à la rédaction d'un vade-mecum et à la mise en place d'une formation.

Par ailleurs, nous ne ménageons pas nos efforts pour expliquer aux responsables des fonds de notre portefeuille tout l'intérêt d'un investissement dans les pôles de compétitivité. Paradoxalement, les fonds régionaux sont souvent moins proches des pôles que les fonds sectoriels. System@tic, par exemple, est très proche des fonds spécialisés dans le domaine du logiciel. Il est donc important de favoriser les rencontres, comme nous l'avions fait avec la DGCIS en organisant les forums Capital-Pôles.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Outre la faiblesse de la gouvernance des pôles, on constate la complexité des financements. En tant qu'acteurs, comment la percevez-vous ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

La complexité vient du nombre des acteurs. C'est pourquoi nous avons mis en place, dans le cadre de nos plateformes, un numéro téléphonique commun à OSEO, au Médiateur du crédit et à nous, qui aiguillera sur des sites numériques pour renvoyer ensuite vers des acteurs identifiés. C'est une première étape. Le partenariat que nous voulions conclure avec OSEO sur le numérique, de même qu'avec les régions, allait dans le même sens. Certaines régions ont mis en ligne l'offre existante en matière de financements. Bref, nous essayons d'améliorer l'information dans ce domaine.

Il semble néanmoins que, si l'argent disponible existe, en revanche les financiers ne trouvent pas toujours les projets correspondant à leurs critères, et à l'inverse des chefs d'entreprise ont du mal à trouver des financements. Il faut donc faire en sorte de rapprocher l'offre et la demande.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Quelle est l'urgence pour que les pôles fonctionnent mieux ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Tout ce qui permet de rapprocher et les acteurs est souhaitable. Cela étant, le marché n'est pas seulement régional. Aujourd'hui, la valorisation de la recherche passe beaucoup par la création de jeunes entreprises locales, mais on pourrait imaginer que des projets soient portés par des entreprises implantées ailleurs.

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

En France, on sait assez bien créer des entreprises innovantes et les soutenir pendant les premières années, mais on n'arrive pas à leur faire atteindre une taille suffisante. Cela peut être dû à un mauvais démarrage en termes de propriété intellectuelle ou de définition du projet, mais aussi à des financements insuffisants, y compris par le biais de l'introduction en bourse. Il faut que l'entreprise soit tirée par l'aval.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Les pôles peuvent-ils être l'outil permettant de créer la chaîne de financement ?

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Vous donnez un peu le sentiment que, plus qu'aux pôles de compétitivité, vous vous intéressez aux entreprises, qu'elles soient ou non dans un pôle. Confirmez-vous que ce n'est pas un critère de choix pour vous ?

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Avez-vous des spécialistes des pôles de compétitivité dans votre organisation ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Non, nous n'avons pas de spécialistes des pôles, mais la labellisation par un pôle est pour nous un critère important en termes d'intérêt général et nous fait mettre le dossier sur le dessus de la pile.

Au-delà du besoin pour une PME d'être tirée vers l'aval, je voudrais souligner également la nécessité d'améliorer le lien entre la recherche publique académique et le projet industriel. On peut se demander si les pôles de compétitivité sont suffisamment couplés avec le monde de la recherche, notamment universitaire ; j'ai le sentiment que leur gouvernance est centrée sur les entreprises. Dans le cadre du plan Campus, dont nous sommes l'un des acteurs, nous travaillons ainsi sur l'amont – nous faisons du push, par opposition au pull dont vient de parler Pascal Lagarde –, en essayant de faire sortir des laboratoires des projets susceptibles d'être portés à des créateurs d'entreprises.

Pierre Lasbordes, Rapporteur. Selon vous, le financement privé est-il suffisamment présent dans les pôles ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Je ne peux répondre que sur les projets structurants, pour lesquels la réponse est non. Notre rôle est de leur assurer une viabilité économique et donc d'aller chercher des partenaires privés.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Les chercheurs disent qu'il y a beaucoup d'idées sur les étagères, en attente de patrons d'entreprise prêts à prendre des risques. Qu'en pensez-vous ?

PermalienPhoto de Philippe Briand

Ceux qui sont dans les fonds d'investissement disent en général qu'il y a de l'argent mais pas assez de projets, et en amont les chercheurs se plaignent de ne trouver personne pour porter leurs idées. Le problème est qu'au stade où en sont leurs travaux, l'investisseur n'est pas encore intéressé. Bien que la Caisse n'ait pas un rôle d'investisseur, nous nous demandons parfois si nous ne devrions par intervenir dans la phase de maturation de la recherche, qui constitue un complément de R&D.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Justement, au-delà du capital-risque et de la prise de risques sur le plan financier, ne faudrait-il pas prendre des risques sur les projets eux-mêmes, en essayer bien davantage ? La France n'est-elle pas un peu frileuse par rapport à d'autres pays, où de grandes entreprises sont nées d'initiatives un peu risquées ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons tendance, en France – mais les pôles corrigent un peu ce travers – à sortir les projets trop tôt de la recherche publique. Nous n'avons pas, ou très peu, de financement budgétaire pour la maturation des projets. Il y en a au CEA et à l'INRIA, mais il n'y en a pas dans les biotech, ni dans le monde universitaire. Dans les autres pays, ce financement de la maturation n'est pas assuré par de l'argent privé : c'est beaucoup trop tôt. Le DOD – Department of defence – aux États-Unis, finance ainsi beaucoup de projets en maturation. Ensuite, il s'agit de passer le relais à des personnes susceptibles de prendre des risques en matière de « business ». Vous reprochez aux capitaux-risqueurs technologiques de ne pas prendre suffisamment de risques en France, mais permettez-moi de vous dire, bien que ce ne soit pas politiquement correct, que le capital-risque en France n'a pas encore démontré sa rentabilité. Le TRI global du capital-risque – taux de rentabilité interne – est négatif depuis des années.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Ce que vous dites me paraît essentiel. Si les pôles de compétitivité ne jouent pas pleinement leur rôle, c'est, au-delà du problème de la gouvernance, parce qu'il manque une étape. Les pouvoirs publics ne sont pas seuls responsables ; c'est aussi un problème de culture chez les chercheurs, qui n'avaient pas cette demande.

PermalienPhoto de Pierre Lasbordes

Que signifierait précisément pour vous le financement de la maturation ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Une association dont je suis vice-président, CapInTech – Capital Innovation Technologie –, composée à la fois d'investisseurs et de représentants de la valorisation de la recherche, a publié sur le sujet un rapport que je peux vous faire parvenir. L'objectif est d'amener le projet de recherche, au-delà de sa validation scientifique, jusqu'à sa validation technologique, en prouvant qu'une application industrielle est possible, ce qui peut passer par des simulations et des évaluations d'impact économique. C'est ce que fait à Grenoble, à l'aide d'une chaîne de production microélectronique, le Leti, laboratoire du CEA devenu l'un des principaux centres européens de recherche appliquée en électronique.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Gorges

Quelles propositions feriez-vous, au niveau budgétaire, pour améliorer les conditions de cette maturation ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est un sujet éminemment polémique. Souvent, les équipes de recherche fondamentale, pour lesquelles j'ai le plus profond respect, ne comprennent pas pourquoi l'État financerait la phase d'application. Or c'est le cas ailleurs dans le monde : un lien se crée avec des équipes d'ingénieurs ou de scientifiques faisant de la recherche plus appliquée, capables de dire si la découverte est ou non utilisable. Pour moi, cette étape ne doit pas relever d'un financement privé, mais du seul financement budgétaire.

PermalienPhoto de Philippe Briand

Le dépôt d'un brevet représentant aujourd'hui, pour les organismes de recherche, un coût et du travail supplémentaires par rapport à leur mission première, et au vu de l'explosion des dépôts de brevet à laquelle on assiste dans le monde, nous essayons de « financiariser » cette étape, c'est-à-dire d'acheter des droits aux universités, ce qui remet de l'argent dans les laboratoires, et de créer un intermédiaire financier pouvant ensuite assurer la valorisation en allant voir les entreprises. Les universités qui ont déjà des structures de valorisation, très axées sur la création de start-up, sont évidemment hésitantes, mais nous poursuivons les discussions.

Je n'ai pas de mesures législatives à vous suggérer. La maturation nous semble plutôt relever du budget des organismes ou des universités, mais leurs revenus de licence ou liés à la valorisation doivent être réinvestis. Les incitations peuvent être trouvées dans le cadre de la LOLF.

PermalienPhoto de Alain Claeys

Votre proposition sur la propriété intellectuelle me paraît très bonne. Certains organismes de recherche, tel l'INSERM, s'orientent déjà dans une mutualisation de la valorisation, qui serait essentielle pour toutes les universités moyennes.