COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 24 février 2010
La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.
(Coprésidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission, et de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation)
La Commission des affaires sociales entend Mme Françoise Guégot sur son rapport au Premier ministre sur le développement de l'orientation professionnelle tout au long de la vie.
L'ordre du jour appelle l'audition, commune à la commission des affaires sociales et à la commission des affaires culturelles et de l'éducation, de Mme Françoise Guégot sur son rapport au Premier Ministre sur le développement de l'orientation professionnelle tout au long de la vie. J'apprécie beaucoup le travail réalisé par Françoise Guégot, qui met en évidence que l'empilement des structures au sein du système français n'est pas de nature à renforcer l'efficacité de la formation tout au long de la vie !
Je rappellerai rapidement le point de départ de ma mission qui s'appuie à la fois sur des éléments de constats partagés, qu'il s'agisse de différents rapports des commissions ou missions parlementaires, d'études ou de sondages, et sur des éléments de contexte qui résultent notamment de la loi relative à la formation tout au long de la vie, de la résolution de l'Union européenne de novembre 2008, de mesures concernant spécifiquement les jeunes, ou d'exemples de pays de l'Union européenne qui ont avancé sur ce sujet.
S'agissant des constats partagés, l'orientation représente un enjeu économique, social et humain croissant quels que soient les publics et les âges concernés, tant la notion de « tout public » me semble fondamentale.
Il est aujourd'hui essentiel d'associer l'orientation, la formation et l'emploi dans l'identification des parcours professionnels à tous les âges. Nous avons aujourd'hui en France plus de 8 000 points d'entrée organisés autour d'une vingtaine de réseaux publics ou privés selon des logiques de spécialisation de l'offre ou des publics en matière d'accueil et de prestations et il n'existe pas de couverture homogène des territoires. On constate également une faible visibilité des efforts de financement en raison d'une répartition complexe des pouvoirs de décision. À côté d'une compétence partagée entre l'État, les collectivités et les partenaires sociaux, on note une relative faiblesse des structures interministérielles de décision et de coordination qui empêche l'État de jouer un rôle fédérateur d'impulsion. Par ailleurs, on constate des coopérations assez rares, dont peu ont en définitive pour objet un service simplifié, et une absence de lieux de partage pour échanger les pratiques et assurer une mutualisation des connaissances. L'évaluation des publics concernés, pourtant cruciale, demeure à parfaire. D'après nos évaluations, ce serait entre trois à cinq millions de personnes (élèves, parents, salariés, demandeurs d'emploi) qui pourraient bénéficier du dispositif, ce qui donne la mesure de l'ampleur du public concerné, même si les études doivent évidemment être encore affinées. Enfin, l'évaluation et l'instauration de démarches qualité encore balbutiantes sont un point essentiel qu'il convient de parfaire.
S'agissant des éléments de contexte, il faut, en premier lieu, souligner les avancées de la loi relative à la formation tout au long de la vie. Celle-ci instaure en effet :
– trois volets de la prestation orientation (information, conseil et premier accompagnement) ;
– un service à deux niveaux, avec en premier lieu un financement tripartite de l'accès dématérialisé et en second lieu une information exhaustive et un conseil personnalisé assuré par un accueil physique ;
– des réseaux existants à labelliser sur le fondement de normes de qualité ;
– et, enfin, le renforcement de la coordination, grâce à la contractualisation sous la coordination du nouveau délégué à l'information et à l'orientation.
Par ailleurs, la réforme est déjà bien avancée s'agissant des mesures concernant les jeunes, avec la prise de conscience qu'il n'y a pas d'orientation irréversible, une orientation inscrite à moyen et long terme et l'expérimentation du livret de compétences. En outre, la résolution de l'Union européenne de novembre 2008, adoptée sous la présidence française, est également de nature à favoriser l'acquisition de la capacité à s'orienter. Enfin, un premier niveau de service en libre accès, avec ensuite des niveaux d'accompagnement individualisés, a déjà été mis en place dans plusieurs pays étrangers, avec notamment le renforcement de la gouvernance au moyen de réformes institutionnelles, le développement d'une démarche qualité et la professionnalisation des orienteurs.
Ces constats partagés et ces éléments de contexte conduisent donc à affirmer la nécessité de construire un système lisible, coordonné et surtout évalué de l'orientation professionnelle tout au long de la vie.
La mission que j'ai conduite avait ainsi pour but de travailler selon quatre axes principaux :
– mutualiser les informations produites par les branches et les territoires sur l'évolution des métiers, emplois et qualifications, pour assurer une meilleure prise en compte par les orienteurs des réalités et des évolutions économiques ;
– développer des pratiques coopératives ;
– améliorer un accès dématérialisé et physique aux prestations pour tous les publics ;
– et définir des critères de qualité pour participer au service public de l'orientation.
Après 80 auditions environ, plusieurs déplacements en région et une synthèse des études existantes, j'ai construit les propositions de mon rapport autour de ces quatre axes essentiels.
S'agissant de la continuité entre l'orientation, la formation et l'emploi de l'école jusqu'aux différentes étapes de la vie professionnelle, j'insiste dans mon rapport sur la nécessité de rapprocher l'école et le monde du travail, en proposant notamment de mettre en place des stages pour les enseignants (formation initiale et tout au long de la vie), de renforcer les partenariats entre les rectorats et les organisations professionnelles, de faire du livret de compétences la clé de voûte de l'apprentissage de l'orientation, de retravailler les stages découverte professionnelle obligatoires pour tous, et d'instaurer un tutorat et un financement pour les salariés accueillant les jeunes, à la fois dans le monde de l'école mais aussi en aidant les entreprises.
Je préconise également de créer un droit à l'information sur les débouchés pour améliorer la transparence et l'efficacité de la relation formationemploi, en essayant de bâtir un plan national d'action pour une meilleure cohérence entre l'offre de formation et les débouchés réels et en généralisant l'obligation d'information des bénéficiaires sur les taux de réussite et d'insertion professionnelles, comme l'a d'ailleurs acté la réforme sur l'autonomie des universités. Il s'agit également d'être capable d'évaluer des formations et les prospectives des branches et des territoires, afin de construire une méthodologie partagée entre les acteurs en créant un véritable réseau des observatoires régionaux emploi formation (OREF) par la mutualisation des connaissances, l'articulation des branches et des territoires, et la mutualisation des méthodes. Il est en effet primordial que ces derniers et les centres d'animation de ressources et d'information sur la formation (CARIF) fonctionnent bien en réseau avec un langage commun.
La définition d'un langage commun aux différents orienteurs est par ailleurs un deuxième axe essentiel. J'ai ainsi noté une multiplicité des acteurs, avec parfois des personnes en contrat à durée déterminée disposant d'un niveau de compétences faible chargées d'expliquer la reconversion ! Il est donc essentiel de renforcer la professionnalisation des acteurs, d'accroître la compétence des orienteurs, de favoriser les mobilités professionnelles entre les services publics de l'emploi, de la formation et de l'orientation et de généraliser l'évaluation des orienteurs sur le fondement des actions de professionnalisation.
Le troisième axe de mes propositions concerne la mise en place du service public de l'orientation, avec, comme fil directeur, la définition d'un premier accès à l'orientation grâce à une information dématérialisée et à des outils accessibles par Internet et téléphone, ce qui est d'ailleurs le principe arrêté par la loi. Il convient, à cet effet, de mettre en place un site qui fédère les informations déjà disponibles, sans pour autant recréer l'existant. Je préconise donc de choisir la solution permettant de mettre en oeuvre le plus rapidement possible un tel site en passant un contrat de délégation de service public sur la base d'un cahier des charges qui fasse primer la performance plutôt que les questions institutionnelles. Il est important de mettre en place un volet d'aide à la décision. Il convient en effet de dépasser l'approche traditionnelle par métiers, pour travailler sur une approche davantage axée sur les compétences.
S'agissant du centre téléphonique, avec une estimation de trois à sept millions de contacts par an, et un coût de cinq euros par appel, un tel centre générerait entre 16 et 37 millions d'euros en vitesse de croisière, ce qui est loin d'être négligeable.
En ce qui concerne l'accueil physique, dans une logique pragmatique, l'idée est également d'instaurer un premier niveau de conseil personnalisé au sein d'organismes labellisés, en passant par le maillage régional existant (Pole emploi, maisons locales, centres d'information et d'orientation et chambres des métiers), avec un objectif de deux points d'entrée par département d'ici 2011. En outre, la nécessité d'une identité visuelle claire est indéniable. Il conviendra, à mon avis, de confier la labellisation à l'État au niveau régional et de trouver les moyens d'inciter les réseaux à participer en s'appuyant sur les structures publiques – l'État devant montrer l'exemple –, en instaurant progressivement une conditionnalité des financements, en créant des incitations financières et en mettant à disposition une boîte à outils, version professionnelle du site Internet que nous mettrions en ligne assez rapidement.
Le dernier axe des propositions de mon rapport consiste à faire émerger une véritable politique d'orientation autour de l'autorité politique du délégué à l'information et l'orientation, avec un calendrier transparent de mise en place et des campagnes de communication. Il conviendra ainsi de transformer le Conseil national de formation professionnelle tout au long de la vie en Conseil national d'orientation et de formation professionnelle tout au long de la vie, lieu principal de concertation nationale, qu'il faudra également décliner au niveau régional avec l'ensemble des acteurs (collectivités territoriales, Éducation nationale, représentants des universités et partenaires sociaux), à l'instar de ce que font déjà certaines régions comme la région Rhône-Alpes qui a mis en place, avec le Pôle Rhône-Alpes de l'orientation (PRAO), un site et des outils développés ou s'inspirant de l'exemple de la Cité des métiers à Paris, qui accueille tous les publics dans une logique de travail en commun.
Suite à la remise, le 19 janvier 2010, de mon rapport au Premier ministre, celui-ci a annoncé :
– l'élaboration, d'ici à la fin du mois de mars, du cahier des charges pour la réalisation des services dématérialisés ;
– la constitution de deux groupes de travail (l'un sur l'enseignement supérieur et l'autre sur les salariés demandeurs d'emploi), sous la responsabilité du délégué à l'information et à l'orientation pour préparer la labellisation des points d'entrées du service public de l'orientation ;
– et la mise en place d'un comité de coordination concernant cette réforme.
L'enjeu est que le service public de l'orientation, à l'instar du service public de l'éducation, réponde à des critères d'égalité sur l'ensemble du territoire et fasse l'objet d'une évaluation cohérente des parcours en matière de formation professionnelle et tout au long de la vie.
Je remercie Françoise Guégot. Ce dossier est extrêmement important, puisqu'il s'agit de valoriser le potentiel humain. Je constate qu'il y a beaucoup de bonne volonté dans les structures mais un véritable problème de gouvernance et d'identification de ces dernières. Il me semble qu'en ce domaine, il est souhaitable de développer les expérimentations qui ont fait leurs preuves et de s'inspirer des bonnes pratiques observées sur le terrain. À cet égard, je l'invite à venir à Vitré où nous avons réuni en un même lieu, au sein d'une Maison de l'emploi, de l'entreprise et de la formation professionnelle, le centre d'information et d'orientation (CIO), la mission locale, Pôle emploi, le point information jeunesse, la maison de l'emploi, les chambres consulaires, le tout sous la présidence d'un chef d'entreprise. Cette structure fonctionne depuis sept ou huit mois et je suis stupéfait de l'attractivité du site mais aussi de la valorisation du potentiel humain, des réorientations et reconversions qu'il permet.
Je salue le sérieux et l'exhaustivité du travail effectué par Françoise Guégot, qui permet de poursuivre un dialogue engagé dans le cadre de la mission d'information sur la formation tout au long de la vie dont elle fut rapporteure. Je constate en premier lieu qu'il y a une volonté forte de trouver toutes les pistes possibles d'amélioration de l'orientation, mais je pense qu'il convient au préalable de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le système ne fonctionne pas bien actuellement. Il y a, en effet, un problème spécifique au système français qui, on le dit souvent, comporte autant de systèmes d'orientation que de systèmes de formation parce que ce sont les systèmes de formation qui ont généré, pour « s'approvisionner », leurs systèmes d'orientation. Il s'agit par conséquent d'une négation de l'orientation, puisque la structure qui est censée vous orienter est déjà, d'un certain point de vue, rattachée à une filière de formation. On est donc dans l'orientation au sens quasiment géographique du terme et l'on cherche à se repérer dans le maquis de l'Éducation nationale, de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), de l'enseignement agricole, etc. Ce que l'on pourrait attendre de l'orientation et qui manque cruellement au système français, c'est l'éducation au choix, notamment pour les plus jeunes.
En second lieu, nous appelons tous de nos voeux la mise en place d'un service public de l'orientation, mais je pense que nous n'en prenons pas tout à fait le chemin. Le Gouvernement favorise, en effet, les opérateurs privés dans l'accompagnement. Or, l'orientation est un service dont nous devons décider si c'est un service ouvert à tout le monde. Dans le cadre de la directive services, ce service est ouvert à tous et nous faisons d'ailleurs une application très libérale de la directive, même si nous le faisons de manière un peu souterraine, tout en réclamant, la main sur le coeur, le développement d'un service public. Je pense qu'il y a là une contradiction potentielle. Sur le terrain, se développe d'ailleurs une offre complètement privée, comme s'est développé l'accompagnement scolaire privé, avec par exemple Acadomia, d'où le risque de création d'un système à deux vitesses, dont il convient d'être conscient.
Troisièmement, je pense qu'il faut distinguer, non pas de manière étanche, ce qui ressort de l'orientation scolaire de ce qui relève de l'orientation professionnelle tout au long de la vie. Il doit certes y avoir un continuum, mais je pense que l'on traite là de deux sujets différents. Dans l'orientation scolaire, notamment chez les jeunes enfants, il s'agit essentiellement de repérer les difficultés le plus tôt possible et c'est un métier spécifique que d'identifier les causes de ces difficultés (sociales, cognitives, comportementales etc.) et d'éduquer aux choix. S'agissant de l'orientation professionnelle tout au long de la vie, on est davantage dans une réflexion sur un choix de métier, sur les filières porteuses. Dans ce domaine, je pense, comme le Président Méhaignerie, qu'il convient d'adopter une démarche pragmatique qui combine des approches par filière et par branche, mais aussi des approches territoriales.
Par ailleurs, je pense qu'il convient de s'interroger sur notre système, notamment éducatif, qui comporte deux spécificités : la tyrannie du diplôme et la toute-puissance de l'Éducation nationale, que je ne critique pas mais qui contribuent à surdéterminer le modèle. Sociologiquement, la formation est devenue un capital familial. L'enjeu est de pousser les enfants le plus loin possible dans le système éducatif, afin qu'ils décrochent le meilleur diplôme : si ce n'est pas une grande école, ce sera l'université et ainsi de suite. L'orientation se fait donc par l'échec, parce que notre système fait du diplôme une sorte de talisman. Il en va autrement dans d'autres pays et de ce point de vue, je souligne que nous sommes un peu dans la même situation que le Japon avec les mêmes conséquences, à savoir un taux de suicide particulièrement élevé chez les jeunes. Je pense qu'il convient d'aller vers un système beaucoup plus fluide, qui serait également plus porteur économiquement, et c'est précisément l'objectif de l'orientation et de la formation tout au long de la vie, avec des possibilités accrues d'aller-retour entre la formation et l'emploi et une moindre focalisation sur le diplôme. À cet effet, il est souhaitable de développer la notion de formation initiale différée, sur laquelle les partenaires sociaux réfléchissent, afin de créer plus de souplesse et de passerelles dans le système.
Pour conclure, je rejoins le Président Pierre Méhaignerie : tout n'est pas affaire de législation. Il faut également s'intéresser aux bonnes pratiques qui doivent être ancrées dans les territoires. Les plates-formes Internet sont certes utiles, mais elles ne constituent que des supports d'orientation qui ne sauraient se substituer à l'acte d'orientation et ce n'est pas un « super service Internet » qui va révolutionner complètement le système. C'est un mythe qui pourrait nous induire en erreur.
Je rappelle que ma mission intervenait après le vote de la loi. Je n'ai donc fait aucune proposition de nature législative. L'idée était au contraire de voir comment de manière pragmatique et à très court terme l'on pouvait décliner le service public de l'orientation, tel qu'il a été défini par la loi. S'agissant des propositions en matière de labellisation et de lieux communs, certaines régions ont déjà mis en place des lieux d'échange et une coordination entre les acteurs. Lorsqu'elle existe, cette coordination est certes efficace, mais elle n'existe pas partout et il y a par conséquent des disparités importantes sur le territoire en matière de prestations et partant une rupture dans l'égalité des chances. L'objectif de la labellisation est de permettre aux structures qui marchent bien de montrer l'exemple, afin de développer des systèmes efficaces sur l'ensemble du territoire en partant de ces bons exemples. C'est pourquoi j'ai renoncé à l'idée de reconstruire une agence nationale ou de reconstruire de nouveaux systèmes. L'idée est de bâtir un service public en partant de l'existant qui a fait ses preuves.
En ce qui concerne la séparation entre orientation et organismes de formation, il s'agit de l'une des préconisations de mon rapport. Pour être labellisées pour l'accueil et le premier accueil du service public de l'orientation, j'ai proposé que les structures soient complètement déconnectées de la formation, pour qu'il n'y ait pas de captage de publics précis.
S'agissant du développement des opérateurs privés, si l'on met en place un service public dans lequel interviennent divers organismes, il convient de prévoir une prestation minimum de qualité. Le label permettra à chacun de nos concitoyens d'identifier les structures susceptibles de dispenser cette prestation minimum de qualité, s'agissant du premier accueil et de la mise à disposition d'informations. Cela ne veut pas dire que ce point d'entrée va les accompagner sur la totalité de leur parcours. Quand on parle d'accès « tout public », il s'agit bien du premier accès à l'orientation, qui permet de recevoir les informations de base ainsi qu'une éducation à l'orientation. Mais, le service public de l'orientation ne supprime pas l'ensemble des réseaux spécialisés existants. La mission d'orientation et d'accompagnement des jeunes de l'Éducation nationale sera maintenue. Pour les publics particuliers comme les personnes porteuses de handicap, le réseau de l'Agefiph reste compétent, de même que les missions locales. Les points d'entrée permettent d'accroître la mutualisation et la visibilité du système et d'orienter ensuite chacun en fonction de ses besoins vers les réseaux spécialisés pour un accompagnement dans la durée. Le service public de l'orientation n'est que la première pierre du dispositif, la tête d'entrée du réseau.
S'agissant de la nécessité d'adopter une approche pragmatique et par filières, j'ai insisté sur l'intérêt d'une approche par compétences par rapport à une approche par métiers. Il est souvent important pour un salarié, qui a besoin d'une reconversion professionnelle, de bénéficier d'un transfert de compétence pour passer d'une filière à l'autre, la priorité d'une famille étant souvent de rester sur un même lieu géographique, sans avoir à déménager à l'autre bout de la France afin de rester dans la même filière professionnelle.
S'agissant du poids du diplôme, je partage totalement l'avis de Jean-Patrick Gille, d'où l'intérêt de développer la formation tout au long de la vie et la formation différée.
À l'évidence, la création d'un site Internet ne règle pas tout. Cependant, il peut être plus facile pour des jeunes de quatorze ou quinze ans, compte tenu de leur culture, de trouver une information sur Internet, plutôt que de consulter de volumineuses brochures sur les métiers – au demeurant de qualité –, telles celles publiées par l'ONISEP.
Il est indispensable de multiplier les initiatives, aussi diverses puissent-elles être, de manière à favoriser la mise en relation des entreprises et des jeunes. On peut penser à des projets de radios numériques ; pourquoi ne pas imaginer également de recourir aux émissions de la télévision publique, ainsi que nous l'avions évoqué dans le cadre des travaux de la mission d'information parlementaire précitée ? Bref, tous les outils sont bons pour avancer.
Je ne peux que féliciter Françoise Guégot pour ce rapport très documenté. Je partage avec elle, et avec le président Pierre Méhaignerie, le souci d'une approche à la fois pragmatique et expérimentale de ces questions. De fait, la fragmentation de l'offre de formation est préjudiciable à nos concitoyens. La formation professionnelle, c'est parfois un véritable parcours du combattant, tant le paysage est illisible ! On va de service en service, au risque de perdre de vue l'essentiel. Où en est-on exactement aujourd'hui du regroupement des organismes de formation professionnelle ? Est-il possible de dénombrer ces regroupements ? Progresse-t-on dans cette voie ?
Il existe, en effet, une multiplicité d'acteurs qui interviennent dans le monde de la formation professionnelle. Des outils au service des regroupements existent. On peut citer la douzaine de Cités des métiers (au nombre desquelles Paris et Marseille, par exemple), même si elles ne connaissent pas encore toutes un même niveau de coordination et de mutualisation des moyens. En outre, quatre ou cinq régions – mais pas davantage – disposent de structures spécifiques de regroupement et ont mis en place des lieux d'échanges. Par ailleurs, il est vrai que les maisons de l'emploi peuvent parfois avoir une action fédératrice, cela reste trop rare cependant.
Ce constat montre combien il est indispensable de mener une politique d'incitation à la fédération des acteurs, sans quoi celle-ci prendra vingt-cinq ans ! Sans doute, on sait souvent ce qu'il faut faire ; mais la mobilisation des acteurs du terrain, leur habitude à travailler ensemble, sont déterminantes. L'idée d'une labellisation vise précisément à accélérer la mise en place d'un service de la formation professionnelle sur l'ensemble du territoire.
On ne dira jamais assez combien les méandres du système de formation peuvent être déboussolants, particulièrement pour les personnes qui sont sur le bord du chemin. C'est pourquoi il est important d'envisager de multiples pistes. Tout d'abord, il est souhaitable que le collège, mais aussi le lycée, puissent jouer un rôle significatif dans la découverte du monde professionnel. Cela suppose d'accompagner les enseignants, qui ne sont pas nécessairement en lien avec ce monde. En ce domaine, il serait opportun de développer la place et le rôle des professeurs principaux.
Une autre voie à explorer est celle de l'entreprenariat, à l'image des expériences qui sont menées dans d'autres pays mettant en oeuvre des politiques d'incitation à la création d'entreprises et à l'innovation, en lien avec les universités qui ont toute leur place. En tant que président du réseau départemental des ruches d'entreprises du Nord, il me paraît essentiel d'encourager les étudiants à créer des entreprises. De même, il convient de développer l'entreprenariat au féminin. Tout cela peut être complexe, mais n'en est pas moins possible à réaliser, avec de la bonne volonté.
Par ailleurs, en particulier dans les territoires ruraux, le regroupement de services en charge de la formation professionnelle doit être favorisé. Dans certaines situations, les maisons de l'emploi mènent une action trop déconnectée de celle des missions locales ou des organismes de formation.
Dernière remarque : pourquoi segmenter les dispositifs en fonction de l'âge des jeunes, qu'il s'agisse notamment des missions locales ou des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) ? Il faut veiller à rester au plus près des préoccupations des premiers intéressés.
Notre discussion rejoint des échanges que nous avions eus avec M. Frédéric Reiss, dans le cadre des travaux de la mission d'information parlementaire sur le lycée, s'agissant tout particulièrement du rôle des conseillers d'orientation. On ne peut que souscrire à la proposition énoncée à la page 40 du rapport de Françoise Guégot : « renforcer l'éducation à l'orientation en rapprochant davantage ses acteurs du monde du travail ». Encore faut-il convaincre les actuels ministres en charge de l'Éducation nationale et de l'enseignement supérieur de la nécessité d'appliquer cette proposition, tant la formation initiale et continue des enseignants se révèle insuffisante.
En effet, trop souvent aujourd'hui, les enseignants comme les parents ont une connaissance des métiers qui passe par une représentation très superficielle de ceux-ci. Cela entraîne des comportements d'orientation que l'on peut qualifier, en quelque sorte, de comportements « par la négative ». Afin de revenir sur ces représentations, il serait souhaitable de faire bénéficier les enseignants de véritables stages en entreprise, stages qui ne sauraient être limités à une durée de trois ou quatre jours. De même, ainsi que mon expérience de professeur de lettres me l'a montré, à l'université, il serait indispensable que les diplômes soient envisagés non en soi, mais comme conduisant à des métiers véritablement identifiés.
Je souhaite souscrire pleinement aux propos qui ont été tenus sur l'importance du triptyque orientation – formation – emploi, ainsi que sur la nécessité de la mise en oeuvre d'une politique de labellisation. Concernant ce dernier point, l'implication de Pôle emploi dans une telle politique est-elle cependant réaliste, compte tenu de la fragilité de cette institution aujourd'hui ?
S'agissant du point que vous venez de soulevez, j'ai eu l'occasion de souligner dans mon rapport le rôle majeur qui doit être dévolu à Pôle Emploi dans le cadre du service public de l'orientation labellisée. Toutes les antennes de Pôle emploi n'ont pas nécessairement vocation à être sollicitées, mais certaines pourraient participer à l'accès de tous les publics à ce service. Les circonstances de crise que nous connaissons n'y seront sans doute pas très propices cette année, mais on peut espérer que la situation évolue favorablement à moyen terme.
Pour ce qui concerne les nombreux commentaires relatifs au rapprochement entre enseignants et monde du travail, j'y ai consacré des développements importants dans mon rapport, même si cela excédait un peu le champ de ma mission. Certes le développement de l'orientation ne réglera pas tous les problèmes, mais on ne peut continuer de renvoyer dos à dos le monde de l'entreprise et les enseignant. Ils doivent mieux se connaître. J'ai pu constater que des initiatives sont prises. Certains enseignants effectuent d'ores et déjà des stages en entreprises. Dans mon département, une association de jeunes dirigeants d'entreprises travaille à la mise en place d'un accueil de jeunes en entreprises, dès la cinquième. Partout où les acteurs veulent jouer le jeu, ce rapprochement se fait.
On peut également citer l'initiative de ces jeunes chefs d'entreprises à travers le site Internet produnjour.com, qui permet à des jeunes de consacrer une journée à la découverte d'un métier, et qui se décline au niveau de chaque territoire. La demande adressée à ce site est forte depuis sa création il y a un an, à tel point que la mise en relation des jeunes et des entreprises est parfois problématique.
On constate donc à l'évidence une volonté de rapprochement de part et d'autre.
Quant au collège, il s'agit là d'un point central pour lequel de nombreux efforts vont devoir être déployés. Car il est vrai que les jeunes de 10 à 15 ans ont beaucoup changé, ils connaissent mal le monde de l'entreprise et s'y intéressent peu.
Or, réfléchir à une meilleure intégration de ces jeunes dans un parcours qui devra les conduire à trouver leur place dans le monde du travail permet non seulement de leur éviter de se fourvoyer, mais aussi de donner du sens, d'éveiller leur intérêt et leur envie de mettre à profit le temps passé à l'école.
C'est maintenant à la phase des travaux pratiques que nous devons passer, celle de la mise en application de vos préconisations, éventuellement sous la direction d'un délégué interministériel, et je m'associe au voeu formé par notre collègue Jean-Patrick Gille d'un développement et d'une diffusion des bonnes pratiques que vous avez évoquées.
La séance est levée à dix-sept heures cinquante.