Je rappellerai rapidement le point de départ de ma mission qui s'appuie à la fois sur des éléments de constats partagés, qu'il s'agisse de différents rapports des commissions ou missions parlementaires, d'études ou de sondages, et sur des éléments de contexte qui résultent notamment de la loi relative à la formation tout au long de la vie, de la résolution de l'Union européenne de novembre 2008, de mesures concernant spécifiquement les jeunes, ou d'exemples de pays de l'Union européenne qui ont avancé sur ce sujet.
S'agissant des constats partagés, l'orientation représente un enjeu économique, social et humain croissant quels que soient les publics et les âges concernés, tant la notion de « tout public » me semble fondamentale.
Il est aujourd'hui essentiel d'associer l'orientation, la formation et l'emploi dans l'identification des parcours professionnels à tous les âges. Nous avons aujourd'hui en France plus de 8 000 points d'entrée organisés autour d'une vingtaine de réseaux publics ou privés selon des logiques de spécialisation de l'offre ou des publics en matière d'accueil et de prestations et il n'existe pas de couverture homogène des territoires. On constate également une faible visibilité des efforts de financement en raison d'une répartition complexe des pouvoirs de décision. À côté d'une compétence partagée entre l'État, les collectivités et les partenaires sociaux, on note une relative faiblesse des structures interministérielles de décision et de coordination qui empêche l'État de jouer un rôle fédérateur d'impulsion. Par ailleurs, on constate des coopérations assez rares, dont peu ont en définitive pour objet un service simplifié, et une absence de lieux de partage pour échanger les pratiques et assurer une mutualisation des connaissances. L'évaluation des publics concernés, pourtant cruciale, demeure à parfaire. D'après nos évaluations, ce serait entre trois à cinq millions de personnes (élèves, parents, salariés, demandeurs d'emploi) qui pourraient bénéficier du dispositif, ce qui donne la mesure de l'ampleur du public concerné, même si les études doivent évidemment être encore affinées. Enfin, l'évaluation et l'instauration de démarches qualité encore balbutiantes sont un point essentiel qu'il convient de parfaire.
S'agissant des éléments de contexte, il faut, en premier lieu, souligner les avancées de la loi relative à la formation tout au long de la vie. Celle-ci instaure en effet :
– trois volets de la prestation orientation (information, conseil et premier accompagnement) ;
– un service à deux niveaux, avec en premier lieu un financement tripartite de l'accès dématérialisé et en second lieu une information exhaustive et un conseil personnalisé assuré par un accueil physique ;
– des réseaux existants à labelliser sur le fondement de normes de qualité ;
– et, enfin, le renforcement de la coordination, grâce à la contractualisation sous la coordination du nouveau délégué à l'information et à l'orientation.
Par ailleurs, la réforme est déjà bien avancée s'agissant des mesures concernant les jeunes, avec la prise de conscience qu'il n'y a pas d'orientation irréversible, une orientation inscrite à moyen et long terme et l'expérimentation du livret de compétences. En outre, la résolution de l'Union européenne de novembre 2008, adoptée sous la présidence française, est également de nature à favoriser l'acquisition de la capacité à s'orienter. Enfin, un premier niveau de service en libre accès, avec ensuite des niveaux d'accompagnement individualisés, a déjà été mis en place dans plusieurs pays étrangers, avec notamment le renforcement de la gouvernance au moyen de réformes institutionnelles, le développement d'une démarche qualité et la professionnalisation des orienteurs.
Ces constats partagés et ces éléments de contexte conduisent donc à affirmer la nécessité de construire un système lisible, coordonné et surtout évalué de l'orientation professionnelle tout au long de la vie.
La mission que j'ai conduite avait ainsi pour but de travailler selon quatre axes principaux :
– mutualiser les informations produites par les branches et les territoires sur l'évolution des métiers, emplois et qualifications, pour assurer une meilleure prise en compte par les orienteurs des réalités et des évolutions économiques ;
– développer des pratiques coopératives ;
– améliorer un accès dématérialisé et physique aux prestations pour tous les publics ;
– et définir des critères de qualité pour participer au service public de l'orientation.
Après 80 auditions environ, plusieurs déplacements en région et une synthèse des études existantes, j'ai construit les propositions de mon rapport autour de ces quatre axes essentiels.
S'agissant de la continuité entre l'orientation, la formation et l'emploi de l'école jusqu'aux différentes étapes de la vie professionnelle, j'insiste dans mon rapport sur la nécessité de rapprocher l'école et le monde du travail, en proposant notamment de mettre en place des stages pour les enseignants (formation initiale et tout au long de la vie), de renforcer les partenariats entre les rectorats et les organisations professionnelles, de faire du livret de compétences la clé de voûte de l'apprentissage de l'orientation, de retravailler les stages découverte professionnelle obligatoires pour tous, et d'instaurer un tutorat et un financement pour les salariés accueillant les jeunes, à la fois dans le monde de l'école mais aussi en aidant les entreprises.
Je préconise également de créer un droit à l'information sur les débouchés pour améliorer la transparence et l'efficacité de la relation formationemploi, en essayant de bâtir un plan national d'action pour une meilleure cohérence entre l'offre de formation et les débouchés réels et en généralisant l'obligation d'information des bénéficiaires sur les taux de réussite et d'insertion professionnelles, comme l'a d'ailleurs acté la réforme sur l'autonomie des universités. Il s'agit également d'être capable d'évaluer des formations et les prospectives des branches et des territoires, afin de construire une méthodologie partagée entre les acteurs en créant un véritable réseau des observatoires régionaux emploi formation (OREF) par la mutualisation des connaissances, l'articulation des branches et des territoires, et la mutualisation des méthodes. Il est en effet primordial que ces derniers et les centres d'animation de ressources et d'information sur la formation (CARIF) fonctionnent bien en réseau avec un langage commun.
La définition d'un langage commun aux différents orienteurs est par ailleurs un deuxième axe essentiel. J'ai ainsi noté une multiplicité des acteurs, avec parfois des personnes en contrat à durée déterminée disposant d'un niveau de compétences faible chargées d'expliquer la reconversion ! Il est donc essentiel de renforcer la professionnalisation des acteurs, d'accroître la compétence des orienteurs, de favoriser les mobilités professionnelles entre les services publics de l'emploi, de la formation et de l'orientation et de généraliser l'évaluation des orienteurs sur le fondement des actions de professionnalisation.
Le troisième axe de mes propositions concerne la mise en place du service public de l'orientation, avec, comme fil directeur, la définition d'un premier accès à l'orientation grâce à une information dématérialisée et à des outils accessibles par Internet et téléphone, ce qui est d'ailleurs le principe arrêté par la loi. Il convient, à cet effet, de mettre en place un site qui fédère les informations déjà disponibles, sans pour autant recréer l'existant. Je préconise donc de choisir la solution permettant de mettre en oeuvre le plus rapidement possible un tel site en passant un contrat de délégation de service public sur la base d'un cahier des charges qui fasse primer la performance plutôt que les questions institutionnelles. Il est important de mettre en place un volet d'aide à la décision. Il convient en effet de dépasser l'approche traditionnelle par métiers, pour travailler sur une approche davantage axée sur les compétences.
S'agissant du centre téléphonique, avec une estimation de trois à sept millions de contacts par an, et un coût de cinq euros par appel, un tel centre générerait entre 16 et 37 millions d'euros en vitesse de croisière, ce qui est loin d'être négligeable.
En ce qui concerne l'accueil physique, dans une logique pragmatique, l'idée est également d'instaurer un premier niveau de conseil personnalisé au sein d'organismes labellisés, en passant par le maillage régional existant (Pole emploi, maisons locales, centres d'information et d'orientation et chambres des métiers), avec un objectif de deux points d'entrée par département d'ici 2011. En outre, la nécessité d'une identité visuelle claire est indéniable. Il conviendra, à mon avis, de confier la labellisation à l'État au niveau régional et de trouver les moyens d'inciter les réseaux à participer en s'appuyant sur les structures publiques – l'État devant montrer l'exemple –, en instaurant progressivement une conditionnalité des financements, en créant des incitations financières et en mettant à disposition une boîte à outils, version professionnelle du site Internet que nous mettrions en ligne assez rapidement.
Le dernier axe des propositions de mon rapport consiste à faire émerger une véritable politique d'orientation autour de l'autorité politique du délégué à l'information et l'orientation, avec un calendrier transparent de mise en place et des campagnes de communication. Il conviendra ainsi de transformer le Conseil national de formation professionnelle tout au long de la vie en Conseil national d'orientation et de formation professionnelle tout au long de la vie, lieu principal de concertation nationale, qu'il faudra également décliner au niveau régional avec l'ensemble des acteurs (collectivités territoriales, Éducation nationale, représentants des universités et partenaires sociaux), à l'instar de ce que font déjà certaines régions comme la région Rhône-Alpes qui a mis en place, avec le Pôle Rhône-Alpes de l'orientation (PRAO), un site et des outils développés ou s'inspirant de l'exemple de la Cité des métiers à Paris, qui accueille tous les publics dans une logique de travail en commun.
Suite à la remise, le 19 janvier 2010, de mon rapport au Premier ministre, celui-ci a annoncé :
– l'élaboration, d'ici à la fin du mois de mars, du cahier des charges pour la réalisation des services dématérialisés ;
– la constitution de deux groupes de travail (l'un sur l'enseignement supérieur et l'autre sur les salariés demandeurs d'emploi), sous la responsabilité du délégué à l'information et à l'orientation pour préparer la labellisation des points d'entrées du service public de l'orientation ;
– et la mise en place d'un comité de coordination concernant cette réforme.
L'enjeu est que le service public de l'orientation, à l'instar du service public de l'éducation, réponde à des critères d'égalité sur l'ensemble du territoire et fasse l'objet d'une évaluation cohérente des parcours en matière de formation professionnelle et tout au long de la vie.