Audition du général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2010.
La séance est ouverte à onze heures trente.
Nous accueillons le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général d'armée aérienne Jean-Paul Paloméros. Vous succédez au général Abrial, qui a pris le 9 septembre dernier la tête du commandement allié pour la transformation de l'OTAN à Norfolk.
Vous allez, mon général, nous détailler les crédits pour l'armée de l'air dans le projet de loi de finances.
Je souhaiterais également que vous nous donniez des précisions sur les modalités du contrat d'armement négocié avec le Brésil. On nous annonce l'acquisition d'avions KC 390, mais il semble qu'ils ne seront disponibles qu'en 2015. Que faire jusque là, alors que l'A400M a pris lui aussi un retard considérable ? Je sais M. Jean-Claude Viollet, notre rapporteur pour le budget de l'armée de l'air, particulièrement sensible à cette question et je vous signale qu'il travaille en ce moment avec M. Yves Vandewalle sur la délicate question des drones.
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. C'est avec honneur et plaisir que je m'exprime devant vous pour la première fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air. J'apprécie cette occasion qui m'est donnée de vous rendre compte directement de l'engagement des aviateurs au service de la Nation.
J'ai choisi d'évoquer devant vous les enjeux liés au projet de loi de finances pour 2010 et à la loi de programmation militaire (LPM) au travers de quelques unes des nombreuses missions que l'armée de l'air accomplit chaque jour au profit de nos concitoyens, sur toute la surface du globe. Mon but est d'apporter un éclairage opérationnel aux différentes problématiques telles que celles des équipements, du maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos matériels ou du processus de rationalisation de très grande ampleur que nous mettons en oeuvre.
Je m'en tiendrai évidemment aux domaines liés à mes attributions, clairement définies par le décret du 15 juillet 2009, qui me place sous l'autorité du chef d'état-major des armées que vous venez d'entendre. Vous comprendrez donc que mes appréciations porteront principalement sur la cohérence organique de l'armée de l'air et de la projection de forces.
Alors que l'armée de l'air fête sa 75ème année, ses contributions au service des autorités politiques et militaires ou de nos concitoyens n'ont jamais été aussi variées.
Les conflits et crises de ce début de siècle confirment, s'il le fallait, le rôle incontournable de la troisième dimension. Le milieu aérospatial permet en particulier à l'arme aérienne de préparer, d'accompagner et de matérialiser la volonté politique sur de longues distances, avec une force considérable et dans des délais rapides.
La troisième dimension est aussi source de richesse, de pouvoir ou d'influence. Je rappellerai que sur les 22 capacités d'innovation technologique jugées stratégiques sur le plan industriel mondial, 17 sont liées au domaine aérospatial. Le dynamisme des industries aéronautiques françaises, et la qualité des acteurs opérationnels qui utilisent leurs produits, nous permettent d'être présents sur des marchés stratégiques, seulement accessibles à des industries à haute valeur ajoutée. Tous les acteurs étatiques et industriels s'accordent d'ailleurs à louer les capacités de l'armée de l'air sur tous les théâtres d'opération où s'illustre quotidiennement la qualité de nos troupes et de ses équipements.
La contribution de l'armée de l'air s'inscrit tous les jours dans la stratégie de défense et de sécurité nationale. Elle intervient sur l'ensemble des théâtres d'opération où nos armées sont impliquées. L'armée de l'air déploie dans le monde 3 500 personnes et environ 80 appareils, parmi lesquels 22 avions de chasse.
Et nombreux sont les exemples où s'illustrent nos aviateurs sur tous les continents.
En Afrique, il y a peu, une pilote de chasse, aux commandes d'un Mirage F1, a décollé de la base aérienne de N'Djamena pour appuyer une section de l'armée de terre française, en proie au feu rebelle, dans le camp de Birao en République Centrafricaine. Elle leur a ainsi permis de reprendre l'initiative, et leur a probablement sauvé la vie.
Un autre exemple récent est celui d'un équipage de l'un de nos vénérables C160 Transall qui, après avoir décollé d'Orléans six heures plus tôt, a largué en mer Rouge, de nuit, un groupe commando de la Marine nationale, chargés de libérer des Français retenus en otage sur leur voilier.
C'est encore un équipage de Transall qui a décollé, après les évènements tragiques de la semaine dernière, pour la Guinée Conakry, afin de déposer du fret humanitaire en coordination avec le ministère des affaires étrangères.
Notre capacité de transport, tactique et stratégique traverse une période critique. Je crois en l'A400M, qui est l'avenir de notre flotte tactique. Si les grands projets se heurtent toujours à des difficultés, la force d'un grand pays est de savoir les résoudre.
Une autre illustration se trouve au large de la Somalie. Dans le cadre de l'opération européenne Atalante de lutte contre la piraterie, un système de détection et de commandement aéroporté, dit « Awacs », appareil initialement acquis pour assurer la surveillance de notre espace aérien, vient de démontrer durant deux semaines ses capacités d'adaptation, en partie grâce aux modifications que nous lui avons apportées. Son radar et ses systèmes de transmission de données interopérables avec les navires alliés ont permis de détecter et de communiquer les positions de petits bateaux à très grande distance. Il s'agit d'un outil d'optimisation de dispositif.
Ce qui économise ainsi aux avions de patrouille maritime de longues heures de recherche à vue, qui peuvent alors se concentrer sur l'identification et la surveillance des pistes sur lesquels nous les dirigeons directement. Cette plus-value avait d'ailleurs été soulignée lors de la recherche de l'épave du vol Air France Rio-Paris en mai dernier.
Ces différents exemples illustrent bien la polyvalence de tous les moyens de l'armée de l'air.
Au Moyen Orient, grâce à la toute nouvelle implantation de la base aérienne 104 aux Émirats arabes unis, nos aviateurs, avec leurs Mirage 2000 et demain leurs Rafale, participent activement, aux côtés de leurs camarades de la marine et de l'armée de terre, au soutien et au rayonnement de l'action de la France dans cette région clé du monde.
Outre-atlantique, nos Mirage 2000 participent chaque année à l'exercice majeur CRUZEX, toujours particulièrement formateur, avec nos homologues d'Amérique latine, et notamment nos camarades brésiliens. Il s'agit bien évidemment d'un élément de crédibilité fondamental au moment où se renforce le partenariat entre nos deux pays. J'ajouterai que les Brésiliens n'oublient pas que nous étions à leur côté dès l'époque où ils ont entrepris de reconstituer leurs capacités.
Depuis le printemps dernier, avec ses spécialistes du recueil du renseignement d'origine électromagnétique, trois avions venus de la base aérienne de Fort-de-France ainsi que sept hélicoptères de l'escadron de Cayenne, l'armée de l'air participe à l'opération « HARPIE 2 » de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, depuis la base aérienne de Rochambeau, en soutien d'une mission intérieure placée sous la responsabilité du Préfet.
En Asie, sur le théâtre afghan, ce sont deux équipages de l'armée de l'air, aux commandes de leurs hélicoptères EC725 Caracal qui sont intervenus en vallée d'Uzbeen pour appuyer, ravitailler et évacuer une section en situation critique, et ont permis là encore de rétablir l'initiative de nos soldats dans cette embuscade dramatique. Depuis lors les moyens en hélicoptères y ont été renforcés, par la création d'un détachement interarmées auquel l'armée de l'air participe. En Afghanistan également, nos Rafale ont, après avoir été déployés à Kandahar, tiré cette année pour la première fois les très attendus missiles air-sol modulaire AASM, obtenant des résultats d'une très grande précision avec près de 61 bombes larguées, quelle que soit la couverture nuageuse. Cela représente une avancée opérationnelle significative par rapport aux armements guidés laser. Ces événements ont montré l'importance de la polyvalence de nos capacités, qu'il s'agisse des équipages, des capteurs ou encore des armements. Ils ont par ailleurs illustré la nécessité de pouvoir agir quelle que soit la météo.
En Afghanistan, toujours, nos Mirage F1 CR et nos drones SIDM, ou Harfang, fournissent des capacités remarquables dans le domaine du renseignement qui sont très demandées, tant par l'armée de terre que par nos alliés. Je souligne le fait que nos Harfang, bien qu'« intérimaires », ont été déployés à Bagram avec un grand succès. Il s'agit d'une performance à mettre au crédit de notre personnel. Ils ont franchi, depuis leur engagement en février 2009, le cap des 1000 heures de vol, et l'armée de terre n'effectue plus de patrouille au sol sans son appui. En dépit de ces résultats, certaines voies de progrès demeurent, notamment en termes d'interopérabilité. L'enjeu est évidemment de pouvoir s'intégrer dans les coalitions.
C'est donc avec un grand intérêt que nous suivons les travaux menés par MM. Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet dans le cadre de leur mission d'information.
L'action sur les théâtres extérieurs ne doit pas nous faire oublier celle menée en métropole. Ainsi, c'est un contrôleur aérien de la base aérienne de Villacoublay qui, grâce à son expertise et à un matériel spécialisé, a porté secours à un avion de ligne en panne électrique totale, au milieu d'une tempête de neige, lui fournissant un guidage de précision pour lui permettre d'atterrir. Sans cette assistance particulière, que ne peuvent fournir les aéroports civils, cet appareil et ses passagers auraient certainement connu une fin tragique.
Quatre survols de notre territoire nécessitent ainsi, en moyenne, chaque jour de l'année, le décollage sur alerte réelle d'un de nos appareils de défense aérienne, avion de chasse ou hélicoptère, selon le domaine de vitesse et d'altitude, pour effectuer une mission de police du ciel.
Chaque année, nos appareils effectuent ainsi 1 500 décollages sur des préavis de quelques minutes. Lorsque les équipages décollent, ils sont à la fois les yeux et le bras armé de l'État. Ils ne connaissent pas la nature des problèmes de l'appareil qu'ils vont intercepter, de jour ou de nuit, que ce soit un aéronef ULM volant à très faible hauteur et vitesse, ou un avion de ligne à 12 km d'altitude.
Ils peuvent s'assurer de l'identité d'un appareil, porter assistance à un aéronef égaré, comme ce fut le cas le 13 août dernier, lorsque deux Mirage F1 ont pu trouver et ramener un avion de ligne italien, ou encore arraisonner un avion détourné par un terroriste, ce qui n'est pas un cas d'école. Ils doivent s'adapter en vol en fonction des circonstances, ce qui nécessite un matériel performant et un entraînement très exigeant.
Plus de 1 000 aviateurs sont ainsi mobilisés tous les jours de l'année, pour garantir que nous soyons prêts à intervenir en quelques minutes, jour et nuit, pour garantir la souveraineté et la sécurité de notre espace aérien.
Je ne vous cacherai pas ma fierté en vous disant que nos homologues étrangers, y compris outre-manche et outre-Atlantique, sont impressionnés par nos capacités, par la cohérence de notre chaîne de défense aérienne, et que le savoir-faire du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), développé depuis 45 ans, est probablement unique au monde. Nos amis britanniques, qui préparent la couverture des jeux olympiques, sont venus s'inspirer de nos méthodes. Le CDAOA s'appuie sur du renseignement collecté en amont auprès de tous les ministères sur un réseau de radars interconnectés, dont le coeur est le centre national des opérations aériennes de Lyon Mont Verdun, qui pourra interagir avec son homologue de l'Alliance atlantique.
Le 11 janvier 2007, un missile chinois a été tiré contre un satellite se trouvant à 865 km d'altitude : le radar GRAVES du CDAOA a permis d'évaluer immédiatement, de manière autonome et indépendante, la réalité de cette annonce et ses conséquences grâce à la précision des éléments recueillis.
De même, le 10 février dernier, nos moyens nous ont permis de suivre la collision entre un satellite américain de télécommunication et un satellite russe inactif.
Surtout, après le tir iranien de février dernier, nous avons pu fournir très rapidement les données orbitographiques du satellite attestant ainsi de la réalité des faits.
Il s'agit d'une capacité précieuse, en termes d'anticipation, que seuls deux autres pays possèdent dans le monde et qu'il s'agit pour nous d'entretenir.
Je souhaiterais maintenant aborder le champ de la dissuasion. Le système air-sol moyenne de portée type A (ASMP-A), dont j'ai prononcé la mise en service opérationnelle la semaine dernière sur la base aérienne d'Istres, marque non seulement le 45ème anniversaire de la dissuasion nucléaire française, mais également une avancée significative pour l'armée de l'air en termes de capacités opérationnelles.
Ce missile de croisière supersonique est sans équivalent. C'est une vitrine technologique du savoir-faire industriel français. Il pérennise l'avenir de notre composante aéroportée, dans le cadre de la réduction du nombre d'escadrons nucléaires, conformément à nos engagements internationaux, au Livre Blanc et à la volonté du chef de l'État. Je souligne d'ailleurs que ce programme a été développé dans les délais et les coûts initialement prévus.
En 2010, la mise en service du premier escadron de Rafale dans sa version F3 sur la base aérienne de St-Dizier confirmera la pleine polyvalence de nos moyens : cet avion sera capable d'assurer toutes les missions de combat confiées à l'armée de l'air.
En particulier, l'ensemble constitué par les C135, les Rafale ainsi que les missiles SCALP, nous confère une capacité de frappe stratégique non nucléaire de plus de 6 000 km d'allonge en quelques heures, que peu de nations peuvent aujourd'hui mettre en oeuvre.
Après vous avoir exposé cette variété de missions qui constituent notre quotidien, je veux maintenant aborder rapidement les défis, humains et organisationnels, auxquels nous faisons face, à savoir notre contribution à la construction européenne, l'intégration au commandement de l'OTAN, la bataille du MCO de nos équipements, et bien sûr, la transformation en profondeur de notre institution.
S'agissant de la coopération européenne, l'armée de l'air avance vite. Après le succès des accords bilatéraux de défense aérienne avec les pays voisins, l'école franco-belge de pilotes de chasse qui a pris son essor en 2005, peut servir de référence au niveau européen, ouvrant la voie à une initiative encore plus ambitieuse qui regroupe dix pays européens pour l'ensemble de la formation future de nos pilotes de chasse. Des postes d'échange, en Italie et en Suisse, pour des jeunes pilotes en formation sont déjà créés. Et les discussions sont en bonne voie pour ouvrir une coopération identique avec la Grèce en 2010. L'Ecole d'aviation de transport d'Avord s'inscrit dans la même dynamique. Un commandement aérien de transport verra le jour en 2010, réunissant la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. L'élément central de ce dispositif sera, à terme, l'A400M.
L'armée de l'air soutient, en parallèle, notre coopération avec l'OTAN : notre culture en la matière est ancienne. La participation au commandement militaire intégré est de fait, pour nous, plus une évolution qu'une révolution, que couronne la nomination du général Abrial à Norfolk. En termes de moyens, l'armée de l'air a fourni 50 aviateurs supplémentaires au sein de la structure de commandement de l'OTAN en septembre 2009. Nous prévoyons d'en insérer, au total, 300 sur trois ans.
Nous entendons bien prendre une place « pleine et entière » dans les dossiers « air » de l'Alliance (organisation, procédures, opérations), en particulier en vue de faire des choix compatibles avec nos objectifs au sein de l'Europe de la défense.
Ces défis, politiques et stratégiques, n'occultent pas notre combat, et le mot n'est pas trop fort, croyez-moi, pour gagner la « bataille » du MCO de nos équipements. Notre démarche reste axée sur trois priorités : la satisfaction des contrats opérationnels, la pérennisation de la gestion des flottes sur le long terme (certains de nos ravitailleurs ont près de 50 ans) et la garantie de la préparation des forces. Pour ce qui est de l'entraînement des forces, les chasseurs ont bénéficié en 2009 et bénéficieront en 2010 de 180 heures d'entraînement en moyenne et les pilotes d'hélicoptère de 160 heures. La difficulté principale demeure l'entraînement des pilotes de transport, dont les appareils souffrent d'un taux de disponibilité très préoccupant.
Face aux obligations de maîtrise des coûts et de disponibilité des flottes à restaurer, l'armée de l'air a entrepris ces dernières années de nombreuses réorganisations, initiant des améliorations marquantes des processus en faveur du MCO aéronautique. Le bilan de ces démarches est probant et elles ont notablement contribué à maîtriser l'inflation des coûts et à stabiliser la situation.
Au même titre que notre tissu industriel, auquel il est pratiquement lié, le MCO est le fruit d'un investissement constant : les résultats pour 2009 en sont la preuve. Les investissements, avec une loi de finance initiale pour 2009 conforme à la première annuité de LPM, ainsi que les efforts de réorganisation, ont permis une stabilisation de la disponibilité sur nos théâtres extérieurs (avec un taux moyen de 95%) et pour la préparation de nos forces en métropole (avec 60%), tout en respectant le cadre budgétaire.
Nous misons pour 2010 sur la réduction anticipée, de 47 millions d'euros, des coûts structurants, dits « des facteurs », liés d'une part aux dividendes de la diminution engagée des coûts de main d'oeuvre et, d'autre part, à la baisse des prix des matières premières ainsi qu'à la réduction de l'inflation.
Sans les remettre en cause, nous restons attentifs à ce que ces hypothèses se réalisent effectivement.
Le MCO est une course de fond. Ces signaux positifs constituent un encouragement, qui doit nous inciter à ne surtout pas réduire le niveau de nos efforts financiers consentis jusqu'ici.
J'en viens maintenant au mouvement de réforme. Pour mener à bien la transformation sans précédent qui vise à mettre en place une armée de l'air plus compacte, plus resserrée, plus réactive, la démarche entreprise s'organise principalement autour de deux grands objectifs. D'une part, nous devons rejoindre et maintenir le format du Livre blanc, avec une réduction de 25% de nos effectifs avant 6 ans. D'autre part, il nous faut assurer la restructuration des implantations, en fermant 8 bases aériennes, soit un cinquième de nos emprises.
Les aviateurs s'inscrivent totalement et avec détermination dans cette démarche de rationalisation et de mutualisation qui, grâce à une bonne communication interne, est parfaitement comprise et acceptée, comme semblent l'être les mesures d'accompagnement. Cependant, la multiplicité des chantiers, conduits simultanément, peut parfois rendre la réforme déstabilisante.
En particulier pour la mise en oeuvre des bases de défense et de la nouvelle organisation interarmées des soutiens, dont l'expérimentation des premiers mois est nominale à ce stade.
Concrètement, le site de Toulouse a fermé ses portes cette année, et sera suivi l'an prochain par la base aérienne de Colmar, puis par Reims et Taverny en 2011. De même, nous avons prononcé la dissolution de deux escadrons de chasse cette année, suivis de deux autres en 2010.
Le projet de budget 2010 est par ailleurs cohérent pour les équipements et les dotations de munitions.
Cependant, et il s'agit là d'une mesure clé du Livre banc sur la défense et la sécurité nationale, pour disposer d'avions de combats polyvalents et adaptables, le projet de loi de finances pour 2010 devra nous permettre d'engager le processus de rénovation de nos Mirage 2000D, qui permettra de pérenniser cette flotte jusqu'à l'horizon 2025, et d'acquérir huit Rafale. Garantir la pérennité de notre aviation de combat demeure un défi de toute première importance.
En matière de ressources humaines, mes priorités sont marquées par le respect de la masse salariale, la préservation de nos compétences critiques et la garantie pour le personnel de pouvoir bénéficier de bonnes conditions de travail et de vie.
Ainsi, les déflations ne peuvent pas reposer exclusivement sur une réduction du recrutement, sans hypothéquer l'avenir. Cependant, les flux entrants ont notablement diminué de 9 % cette année par rapport à 2008 pour les officiers, supérieure aux attentes du ministère, et les départs augmentent chez les sous-officiers, de plus de 40 % par rapport à 2006.
Bien naturellement, chacun s'interroge sur son propre avenir. C'est pourquoi l'accompagnement humain de la réforme revêt à mes yeux une importance capitale : l'adhésion des hommes est primordiale. Les efforts qui leur sont demandés sont très importants. Tous les responsables doivent veiller à ce qu'ils soient reconnus, à ce que les attentes ne soient pas déçues, notamment pour ce qui concerne les « effets retour » de la réforme en termes de conditions de travail et de vie.
Nous devons rester vigilants à ce que la loi de finances n'obère pas le fonctionnement courant de nos bases aériennes, notamment en termes d'infrastructures, de conditions de vie et de travail.
Sur cette voie, l'armée de l'air projette, comme nous venons de le faire sur la base aérienne de Tours, des constructions ou rénovations de bâtiments qui s'inscrivent dans le souci de l'environnement et du développement durable, qui sont donc totalement dans l'esprit des investissements éligibles au grand emprunt.
Dans cet environnement évolutif, qui place tout spécialement l'armée de l'air sous tension, le sort des hommes et des femmes que la Nation me confie est au coeur de toutes les démarches de mon état-major.
Si l'on analyse plus en profondeur les opérations auxquelles elle participe, on peut conclure que l'armée de l'air offre à chaque fois, avec un rapport coût-efficacité inégalé, des ressources originales au profit des décideurs politiques ou des commandants de théâtre.
Confortée dans son rôle d'expert de milieu aéronautique et spatial, l'armée de l'air s'appuie sur une fonction de soutien spécifique des matériels aéronautiques rénovée, en adaptant ses structures de commandement et de direction.
La mise en place anticipée de l'organisation « Air 2010 », depuis le 1er janvier 2008, a permis de simplifier les structures de commandement dans une logique fonctionnelle qui s'affranchit des découpages territoriaux. Elle a permis d'aborder résolument la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publique et du Livre blanc.
Au cours de cette profonde réforme, la réalisation de nos missions opérationnelles, la préparation de nos forces et la pérennité à long terme de nos flottes restent mes objectifs primordiaux.
Sur le plan des capacités, l'accent est mis sur la polyvalence de nos moyens, et la volonté de poursuite et d'aboutissement des grands programmes aéronautiques. L'interopérabilité avec les forces terrestres françaises et alliées est une priorité. Toutes les synergies possibles en matière d'organisation, de soutien et de préparation des forces aériennes sont développées, en particulier avec la marine nationale.
Enfin, et surtout, l'appropriation de la transformation par le personnel nécessite de lui apporter le maximum de visibilité sur la prise en compte de leurs enjeux individuels et sur leurs futures conditions de travail.
Je vous remercie pour ce vaste tour d'horizon des activités de l'armée de l'air. J'aurais deux questions. Quel bilan tirez-vous de l'application du plan « Air 2010 » ? Quels changements a apporté la mise en place du service industriel de l'aéronautique ?
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. Lancé il y a six ans, et soutenu par tous mes prédécesseurs, le plan « Air 2010 », conformément à son objectif, nous a permis de réformer nos structures de commandement. Ainsi l'armée de l'air aborde sereinement les évolutions qui lui sont demandées, ayant réorganisé la tête avant de s'attaquer au corps. Concrètement, nous sommes passés d'une quinzaine d'entités à cinq, et nous avons gagné en cohérence sur tous les plans.
S'agissant du MCO, l'armée de l'air assure, sous le pilotage de l'état-major des armées et de la délégation générale à l'armement, la direction du service d'industrie aéronautique (SIAé). Cette réforme est pour nous une grande réussite qui nous permet de nous présenter en clients responsables, informés et compétents face à des industriels souvent en position de monopole. De plus, le SIAé a permis de moderniser encore nos pratiques. Désormais, les besoins opérationnels sont recueillis au plus près des troupes, et le SIAé bénéficie de toutes les compétences disponibles, quelle que soit leur origine, industrielle ou militaire.
Les économies tirées de sa mise en place sont considérables et, bien que difficiles à apprécier précisément, se chiffrent vraisemblablement en centaines de millions d'euros.
Je n'aborderai pas les drones ici, puisque j'aurai l'occasion de vous entendre sur ce sujet dès cet après-midi dans le cadre de mon rapport pour avis sur le budget 2010. Je souhaite toutefois vous interroger sur la notion de rationalisation, qui vaut pour l'aviation de combat et de transport.
Si la LPM est exécutée correctement, nous devrions disposer, à terme, de trois escadrons de Rafale, dont un emportant des armes stratégiques. J'ai bien compris que cet objectif est difficile à tenir, notamment en cas de succès important du Rafale à l'exportation. Cela impliquera d'ailleurs que soient prévus les programmes de formation adaptés, pour les pilotes français et étrangers. Par ailleurs, n'y aurait-il pas intérêt à accélérer la modernisation des Mirage 2000D, afin de sortir plus rapidement les versions anciennes, notamment les Mirage F1, de nos forces, afin de disposer d'une flotte cohérente au plus vite ?
Chacun est conscient des tensions capacitaires et des efforts remarquables consentis par les personnels pour assurer malgré tout le transport des troupes. Pour autant, je m'interroge sur les promesses d'achat de dix KC 390 brésiliens, qui, loin de « brouettes volantes », s'avèrent être des aéronefs lourds, de 19 tonnes à l'emport, un peu plus volumineux que les Transall et relativement coûteux : 500 millions d'euros pour dix appareils. Même si je soutiens la logique consistant à ne pas acheter de matériels américains, j'estime que la décision d'acheter ces nouveaux modèles va encore diversifier notre parc de transport, ce qui engendrera des coûts logistiques importants pour l'entretien et la réparation de ces matériels.
La pertinence de cette décision est aussi discutable à deux autres points de vue. D'abord, il est prévu que les KC 390 ne soient disponibles qu'en 2015, ce qui correspond à l'entrée en service théorique des A400M. En outre, il semble que les KC 390, qui devraient assurer tant le transport tactique que stratégique, risquent de ne être pas adaptés aux pistes d'atterrissage africaines.
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. La rénovation des Mirage 2000D est un élément central de notre stratégie de modernisation de l'aviation de combat. Elle n'est pas d'une ampleur financière considérable, mais les effets technologiques et humains attendus ne peuvent être négligés. Toutes les autres grandes flottes aériennes ont engagé ce genre de mesures, comme l'ont montré les rénovations successives des F15, Tornado ou F16. L'accélération de cette modernisation est souhaitable, si l'on se réfère à l'usage intensif des Mirage 2000 sur le théâtre afghan.
La nécessité d'exporter des Rafale fait peser sur nos épaules d'importantes responsabilités. L'obligation de prévoir les modalités de formation des pilotes en fait partie, et je vais bientôt transmettre plusieurs propositions à l'état-major des armées et au ministre dans ce domaine. A mon sens, il faut explorer toutes les possibilités, y compris l'utilisation de notre base aux Émirats arabes unis qui pourrait nous permettre de former les pilotes étrangers au plus près de leur territoire.
En matière de transport, il faut distinguer deux points. Les mesures urgentes sont celles qui doivent pallier rapidement le vieillissement des Transall. Nous allons tâcher d'accroître leur durée de vie, en restant vigilants sur les conditions dans lesquelles on procèdera à cette rénovation afin de garantir des conditions optimales de sécurité et de navigabilité.
Le choix d'acheter des KC 390 est une mesure complémentaire à l'entrée en service de l'A400M dans notre parc aérien. Le Président de la République a signé avec son homologue brésilien un accord de partenariat stratégique, qui porte notamment sur la coopération dans le domaine aéronautique et spatial. L'achat d'avions brésiliens s'inscrit précisément dans cette démarche. Le KC 390 est un complément de l'A400M, car ce dernier ne pourra pas satisfaire tous nos besoins, en tout cas pas dans les meilleures conditions économiques. Les moyens de transport des armées sont utilisés, à l'heure actuelle, en Afrique, dans les territoires d'outre-mer… L'A400M sera-t-il utile sur tous ces théâtres ? Selon certaines estimations, un seul KC 390 peut remplacer plusieurs Transall pour certaines missions. Nous devons simplement faire en sorte que l'acquisition, l'entretien et le fonctionnement des futurs avions brésiliens se fasse dans les meilleures conditions financières possibles.
Concernant l'accident des deux Rafale survenu il y a quelques jours, je voudrais saluer l'action des services de secours en mer, qui ont prouvé leur efficacité en réussissant à retrouver le corps du deuxième pilote. Cet accident soulève plusieurs questions. Va-t-on renflouer les deux appareils endommagés ? Dans le cas contraire, comment va-t-on les remplacer ? Cet incident fait suite à une autre collision entre deux Super Etendard l'année dernière. Ces événements remettent-ils en cause le niveau de préparation des pilotes, ou sont-ils inévitables ?
L'armée de l'air loue deux avions de transport A340 à une société portugaise pour effectuer du transport de troupes. Pourriez-vous nous indiquer si cette opération est pertinente, en comparant notamment le coût de location avec ce que coûterait l'entretien si l'armée de l'air en était chargée ?
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. L'accident des deux Rafale est, pour nous, dramatique puisque nous avons perdu un pilote. En l'absence d'éléments d'enquête pour le moment, je puis simplement vous dire qu'il semble s'agir d'une collision en vol, accident rare mais qui peut arriver. Cela ne fait que souligner l'impérieuse nécessité de maintenir un niveau d'entraînement suffisant. Les simulations sont utiles, mais nous ne pourrons tolérer de dégradation dans les conditions d'entraînement car cela met en jeu la vie de pilotes.
Par ailleurs, je souscris à votre constat. Il était important de récupérer le corps du pilote. Nous pensons être en mesure de remonter les équipements d'ici deux à trois semaines, avec l'aide de la marine nationale.
S'agissant des A340, il était indispensable de les louer compte tenu de notre déficit dans le transport de troupes. Nous avons fait un bon choix, avec des appareils qui se révèlent efficaces et disponibles. En ce qui concerne la maintenance, nous retenons l'externalisation quand il s'agit d'appareils dont nous n'avons pas un besoin permanent. Pour les appareils en première ligne, nous préférons que nos services industriels l'assurent, car ils maintiennent ainsi leurs compétences. L'externalisation n'est toutefois pas à exclure complètement, après avoir mis en rapport son coût et son efficacité.
J'ai deux interrogations : la première porte sur les relations de l'armée de l'air avec l'ALAT et l'aéronavale. La deuxième concerne notre efficacité sur les opérations aéroportées, avec largage de troupes. La dernière opération date de 2004, quand nous avons largué 380 hommes au Kosovo. La précédente remontait à Kolwezi… Serions-nous en mesure de conduire actuellement une telle opération dans de bonnes conditions ?
Chacun sait que l'interopérabilité est essentielle. Nos moyens aériens sont-ils bien interopérables en Afghanistan ? Peuvent-ils apporter un appui efficace à nos troupes au sol comme à l'ensemble des troupes de la coalition, alors que notre armée n'est pas encore dotée du système Rover ?
Par ailleurs, je m'interroge sur la pertinence de continuer à faire voler des officiers qui ne sont plus opérationnels, alors que les pilotes susceptibles d'être en opération disposent en moyenne d'un volant de 180 heures pour s'entraîner.
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. Il a fallu beaucoup d'énergie et de force de conviction pour harmoniser les équipements. Par expérience, je crois à l'approche interarmées, qui dégage des synergies et met en valeur les compétences de chaque armée. Plusieurs exemples le démontrent, tels que l'unité commune de transformation du Rafale, la convergence sur les hélicoptères et la formation à Dax des pilotes qui voleront sur l'EC 725 Caracal.
Les opérations aéroportées font l'objet d'entraînements, même si elles sont peu fréquentes. Actuellement, nous travaillons au largage en haute altitude et à l'optimisation de nos flottes, en recourant à des avions plus légers.
S'agissant de l'interopérabilité et du système Rover, qui est un standard américain et qui assure une liaison sol air, nous avons l'intention d'en faire l'acquisition. Pour le moment, nous utilisons des procédures plus lourdes d'emploi de nos forces, mais elles sont efficaces.
J'en viens aux abonnements aériens évoqués par M. Fromion. Il faut sept ans pour former un chef de patrouille, à l'instar du temps nécessaire pour former un médecin. Il serait paradoxal que ceux d'entre eux qui travaillent dans les états-majors perdent leurs compétences. Ils sont une quarantaine dans ce cas et sans eux nous serions obligés de former plus de pilotes. Nous avons déjà réduit d'un tiers le nombre d'abonnés, mais il importe que le commandement des forces aériennes soit au contact de la réalité. Or la réalité dans notre métier, c'est le vol. Cela permet une forme de contrôle interne de l'armée de l'air, pour un coût de 1 à 1,5% sur le total de nos activités que j'assume.
Nous savons que nous sommes en Afghanistan pour une longue durée. Avons-nous la certitude que nous atteignons nos objectifs sans provoquer des pertes en vie humaine au sein de la population civile ?
Général Jean-Paul Paloméros, chef d'état-major de l'armée de l'air. Cette question a le mérite d'être directe. Nous sommes chaque jour confrontés à ce problème. Nos pilotes obéissent à des procédures d'engagement très strictes. Le retour sur chaque opération, qui nous est livré avec une grande honnêteté intellectuelle, montre que nos pilotes respectent ces procédures. Pour autant, il est impossible de garantir qu'il n'y a pas eu ni qu'il n'y aura jamais de pertes civiles du fait de notre action.
La séance est levée à douze heures quarante-cinq.