président de la commission des affaires étrangères, s'est réjoui d'accueillir, conjointement avec M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne, M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne. L'ambassadeur connaissant parfaitement le fonctionnement au quotidien des institutions de l'Union, il sera intéressant d'entendre son analyse du traité de Lisbonne. Quels progrès son entrée en vigueur entraînera-t-elle ? Quelles mesures préparatoires à sa mise en oeuvre appartiendra-t-il à la France de négocier au cours de la présidence européenne du second semestre 2008 ?
président de la délégation pour l'Union européenne, a émis le souhait que le Traité de Lisbonne soit ratifié par l'ensemble des Vingt-sept. Des questions essentielles restent cependant à régler pour garantir une mise en oeuvre efficace. C'est l'un des chantiers des présidences slovènes et françaises en 2008. L'une des difficultés concerne l'articulation des nouvelles institutions. Quel sera le rôle du nouveau président du Conseil européen ? Comment ses prérogatives s'articuleront-elles avec celles du président de la Commission et du haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ?
On sait que le Conseil des ministres met en oeuvre les grandes orientations décidées par le Conseil européen. Aujourd'hui, le relais est naturel : l'« arbitre » du Conseil européen est le chef d'État ou de gouvernement des ministres qui préside le Conseil. Demain, le Conseil européen sera animé par le nouveau président de l'Europe. Comment recréer une « chaîne de commandement » efficace relayant les priorités portées par le président de l'Europe au sein du Conseil des ministres toujours présidé par les ministres des présidences tournantes ?
Le travail pour la mise en place du service européen pour l'action extérieure a-t-il commencé ?
Sur le fond des politiques, enfin, quelles priorités la France poursuivra-t-elle (construction de l'Europe de la défense par exemple) ? D'un point de vue matériel, selon quelles modalités le président du Conseil européen sera-t-il désigné ? De manière transparente, selon une procédure fixée à l'avance, ou de manière plus informelle ?
a indiqué qu'il concentrerait son intervention sur les modalités de mise en oeuvre du Traité de Lisbonne plutôt que sur son contenu, désormais largement connu.
L'objectif politique, confirmé à l'unanimité par les chefs d'État et de gouvernement lors du dernier Conseil européen de décembre, est l'entrée en vigueur du traité au 1er janvier 2009. L'expérience le montre, la fixation d'une date suffisamment proche est importante et a un effet mobilisateur car il faut que les procédures nationales s'inscrivent dans ce calendrier. Un an, c'est court, mais l'objectif est parfaitement atteignable.
Indépendamment des ratifications, des décisions restent à prendre pour permettre l'entrée en vigueur effective du Traité au 1er janvier 2009. Il ne s'agit pas, dans les six mois à venir, de commencer à mettre en oeuvre toutes les politiques ou les initiatives rendues possibles par ce texte. Ainsi, il faudra du temps pour élaborer une politique commune dans le domaine spatial ou donner un contenu au nouveau concept de cohésion territoriale. L'important, pour cette année et donc pour la présidence française, est d'assurer le bon fonctionnement du Traité dès son entrée en vigueur.
Dans ce cadre, trente à quarante mesures, de portées très diverses, devront être prises. La plus symbolique est sans doute la désignation du président du Conseil européen ; d'autres revêtent une importance moindre ou relèvent de la « cuisine » institutionnelle.
Ces mesures peuvent être distinguées du point de vue de la chronologie. Certaines d'entre elles doivent être prises dès le 1er janvier 2009, et donc acquises sur le fond auparavant, notamment celle concernant la désignation du président du Conseil européen et du Haut-Représentant. D'autres, comme la répartition des sièges au Parlement européen, nécessaire d'ici les élections européennes du printemps, devront se mettre en place très tôt après cette date. D'autres encore peuvent relever d'une certaine urgence politique sans être d'une nécessité juridique impérieuse, en particulier l'organisation du droit d'initiative citoyenne. D'autres enfin peuvent franchement attendre, par exemple le fonctionnement de la Commission réduite à dix-huit membres à partir de 2014.
Ces mesures peuvent également être classées par thèmes : institutions, justice et affaires intérieures, politique extérieure et défense européenne, nominations.
Une tâche particulière de la présidence française consistera à assurer la continuité du fonctionnement de l'Union, alors que s'appliquerait un nouveau traité. En effet, chaque fois que les procédures européennes de décision ont changé, les affaires en cours d'examen ont connu des problèmes de continuité. Afin d'éviter un hiatus dans les politiques communes, il sera essentiel de mettre au point avec le Parlement européen les arrangements pragmatiques nécessaires, par exemple pour considérer comme des avis pris au titre de la procédure de codécision les avis consultatifs déjà donnés sur la base du traité actuel. S'il fallait reprendre les procédures à zéro, le renouvellement du Parlement et de la Commission, en 2009, ferait perdre plusieurs années à l'Union sur certains sujets.
M. Pierre Sellal a identifié des difficultés de trois ordres.
Premièrement, des questions qui sont d'ordre juridique et procédural. Les mesures à prendre reposent sur des dispositions du Traité de Lisbonne, qui par définition n'est pas encore ratifié. Dès lors, leur adoption formelle ne sera possible que lorsque le Traité sera effectivement en vigueur. Ainsi, le Conseil européen, qui deviendra une institution au sens plein avec le nouveau Traité, ne pourra adopter son règlement intérieur avant cette échéance; de même, le service européen pour l'action extérieure sera organisé par le Conseil sur la base d'un proposition du Haut représentant (après consultation du Parlement et avec l'approbation de la Commission). Comment dans ces conditions travailler sur ces sujets en 2008 et être prêts pour le 1er janvier? La solution est que chacune des institutions accepte de travailler de manière informelle et officieuse, ce qui est habituel pour le Conseil, un peu plus difficile pour la Commission, un peu plus encore pour le Parlement et sans doute plus gênant pour la Cour de justice.
Deuxièmement, des difficultés tiennent au contexte politique. Les procédures de ratification en cours, dans certains États membres, s'avèrent sensibles ou du moins délicates. La règle absolue est de ne pas préjuger des votes des parlements nationaux et des consultations populaires: aucun accord politique ne sera acté avant que la ratification ne soit acquise dans chaque État membre. Cela signifie qu'il faudra probablement attendre vers la fin du deuxième semestre pour acter ces accords.
Troisièmement, des difficultés sont intrinsèques à certains sujets : le rôle exact du président du Conseil européen, l'articulation de ses prérogatives avec celles du président de la Commission, de la présidence tournante et du Haut représentant, le périmètre du service européen pour l'action extérieure, l'organisation de la coopération structurée en matière de Défense.
Les modalités de travail ont été débattues lors du Conseil européen de décembre 2007, sous présidence portugaise. Les chefs d'État et de gouvernement ont décidé que tous ces sujets seraient étudiés selon un cadre unique et une procédure unifiée.
Pour garder le contrôle de l'exercice, compte tenu de son importance politique, le Conseil européen a placé cette procédure sous son autorité directe. Les représentants permanents ont été chargés du travail technique, à Bruxelles, et celui-ci vient d'être engagé. Enfin, un programme de travail a été défini pour les mois à venir, en tenant compte du caractère politiquement sensible des procédures de ratification dans certains États membres: il est des sujets, comme la politique étrangère, par exemple, qui pourrait donner lieu à polémique dans ces débats de ratification et ne gagneraient pas à être approfondis trop tôt.
Le premier objectif pour la France est d'assurer l'entrée en vigueur pleine et entière du nouveau traité et le fonctionnement institutionnel de l'Union. En effet la première vertu attendue du Traité de Lisbonne est de rendre l'Union plus efficace, ce qui rejoint l'intérêt français.
Le deuxième objectif a été très bien exprimé par le Président de la République lui-même, qui a appelé de ses voeux à la fois un président du Conseil européen fort, un président de la Commission européenne fort, un président du Parlement européen fort. La France tourne donc le dos à l'image qui lui était jadis associée : désirer une Europe forte avec des institutions faibles, en nourrissant le jeu de la neutralisation réciproque.
Contrairement à une idée fausse, le système présidentiel de l'Union ne sera pas totalement unifié : 90 % des activités du Conseil resteront du ressort de la présidence tournante semestrielle, même si ces dernières seront lissées par des programmes de travail de dix-huit mois, couvrant trois présidences successives. Seuls le Conseil européen et le Conseil affaires étrangères échapperont, avec l'Eurogroupe, à la présidence tournante. Ce système complexe nécessitera la définition de relations de travail efficaces entre les organes préparatoires, notamment le comité des représentants permanents (COREPER), et chacune des formations du Conseil. Des questions restent à préciser, comme par exemple l'autorité du président du Conseil européen sur une partie des services actuellement mis à la disposition de la présidence tournante à travers le secrétariat général du Conseil.
Quoi qu'il en soit, la France s'emploiera à faire en sorte que sous l'autorité de son président, le Conseil européen soit en mesure de jouer le rôle central d'impulsion et d'orientation pour l'ensemble des activités de l'Union que lui confère le Traité.
a regretté que M. Sellal n'ait pas du tout évoqué la Banque centrale européenne (BCE) et les effets dévastateurs du capitalisme financier. Qui détiendra le pouvoir réel ? Les Français attendent de l'Europe une protection de leurs emplois et de leurs entreprises. La présidence permanente exercera-t-elle une autorité particulière sur la BCE ?
a indiqué qu'il n'avait pas parlé de la BCE car le Traité de Lisbonne n'affectait aucunement son organisation et que le mandat de son président en exercice n'arrivera pas à échéance sous présidence française. Cependant, le Traité de Lisbonne institutionnalise l'Eurogroupe, même si ce regroupement des ministres des finances de la zone euro restera avant tout une instance de concertation; c'est dans ce cadre rénové que devra se développer le dialogue entre les gouvernements, la Banque centrale et la Commission. La France espère que ce dialogue indispensable avec la BCE et son président s'en trouvera intensifié et enrichi.
La France attend fondamentalement de ces nouvelles institutions une Europe qui agit, apporte de la valeur ajoutée, renforce son potentiel et soit protectrice. L'introduction de la notion de protection, qui figure parmi les objectifs novateurs du traité de Lisbonne, constituera l'un des axes forts de la présidence française.
M. Jérôme Lambert s'est inquiété du fait que la France, à la veille de l'exercice de la présidence européenne, se singularise parfois par des déclarations contraires à des décisions européennes prises la veille, notamment sur les quotas de pêche et la politique de la concurrence, ou par des positions mal comprises voire rejetées par ses partenaires, en particulier à propos de l'Union pour la Méditerranée. Cela préjuge mal du succès de sa présidence de l'Union. Quelles réactions la cacophonie française suscite-t-elle au sein des instances européennes ? N'affaiblit-elle pas notre capacité à dégager des solutions ambitieuses pour l'Europe ?
a répondu que l'idée selon laquelle la France se mettrait plus souvent qu'à son tour en infraction ou en porte-à-faux vis-à-vis des décisions européennes est un cliché sans fondement, ou en tout cas dépassé. Vendredi dernier, la visite officielle et sans précédent du Premier ministre à la Cour de justice, à Luxembourg, témoignait de notre attachement au respect du droit, comme l' a relevé avec satisfaction le président de la Cour de justice, M. Vassilios Skouris. En matière d'infractions, et en particulier de transposition des directives, la France se situe désormais dans la bonne moyenne communautaire après avoir sensiblement amélioré sa performance.
La politique des quotas de pêche se justifie par la raréfaction de la ressource et le besoin de sa répartition entre les pêcheurs communautaires. Ce n'est donc pas la nécessité des quotas qui est en cause, mais leur mode d'élaboration et leur gestion. Il est très difficile, pour la profession, de devoir attendre l'extrême fin de l'année pour savoir quelle pourra être son activité économique quelques semaines plus tard. Il n'est pas raisonnable de la priver, par des décisions annuelles, de toute visibilité à moyen terme. Il n'est pas sain que ce qui devrait être un dialogue objectif entre experts scientifiques et pêcheurs tourne presque systématiquement à une confrontation caricaturale. Il y a donc matière à amélioration pour cette politique et ses procédures, et comme il se trouve que la fixation des quotas pour l'exercice suivant incombe traditionnellement à la présidence du second semestre, le Président de la République a évoqué le sujet au titre des responsabilités qui incomberont à la présidence française de l'Union.
La politique de la concurrence européenne n'est plus guère contestée dans sa légitimité et ses principes. C'est une politique commune parmi d'autres, avec beaucoup de décisions positives et de rares décisions négatives : cela fait déjà longtemps que la Commission n'a pas censuré un dispositif français d'aide ou de soutien. Il importe que les règles du jeu soient respectées partout en Europe., il est également essentiel que les entreprises européennes ne soient pas désarmées ou affaiblies vis à vis de la concurrence mondiale. Lors du Conseil européen de juin 2007, la France a obtenu que la concurrence figure non pas parmi les objectifs de premier rang de l'Union, mais parmi les instruments au service de l'emploi, de l'activité économique et du bien-être des citoyens européens; c'est un outil indispensable, ce n'est pas une fin en soi.
La réflexion du Président de la République sur l'Union pour la Méditerranée est inspirée par les insuffisances de la politique méditerranéenne qui a été menée jusqu'ici. Chacun constate que les actions entreprises dans le cadre de la politique du voisinage ou du processus de Barcelone n'ont pas encore produit les résultats attendus. De surcroît, comme l'a indiqué le commissaire Peter Mandelson, la rive sud de la Méditerranée est la zone géographique du monde la moins intégrée économiquement. Enfin, on doit constater que la Méditerranée est une des très rares régions du monde à ne pas faire l'objet d'une organisation collective de coopération.
Le processus de Barcelone n'a certes pas été dénué de résultats, mais l'ambition de départ n'a pas été encore satisfaite. Pour quelles raisons ?
Premièrement, l'investissement politique a probablement été insuffisant ; or, depuis l'initiative prise par le Président de la République il y a six mois, l'intérêt politique pour la Méditerranée s'est manifestement accru.
Deuxièmement, de nombreux pays du Sud ressentent le processus de Barcelone comme inégal, dès lors qu'il met en relation l'Union européenne en tant que telle et chacun de ces pays ; il convient par conséquent de rendre la coopération euro-méditerranéenne plus paritaire.
Troisièmement, il faut sortir des exercices trop généraux ou abstraits pour se consacrer à des projets beaucoup plus concrets : par exemple la gestion des flux migratoires, la dépollution de la Méditerranée, la coopération énergétique, pour bâtir, comme dans l'Europe des années cinquante des solidarités de fait. L'aspect le plus délicat consiste à articuler efficacement la politique méditerranéenne de l'Union, qui devra naturellement être poursuivie et développée, et les projets menés dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, qui réuniront tous ceux qui voudront y contribuer et qui concernent plus directement les États riverains.
a rappelé que les présidences se réussissent en amont. Les conditions sont-elles réunies pour que la France réponde à ses ambitions sur toutes les thématiques affichées ? Le contexte politique, avec la série de ratifications à venir, n'est-il pas de nature à affaiblir ces ambitions ? La France est-elle dans les temps ?
M. Jacques Myard a noté que Bruxelles, une fois le Traité de Lisbonne ratifié, récupérera cinquante-quatre compétences qui, soit, sont nouvelles, soit entrent dans le domaine de la majorité qualifiée, c'est-à-dire sortent du droit des
a constaté que, à cinq mois de la présidence française, le compte à rebours est engagé et que le temps est compté. En réalité, pour parvenir à une décision sur un sujet déterminé au Conseil européen de décembre, pratiquement tout doit être prêt, fond, stratégie et procédure, le 1er juillet. Une présidence est courte, surtout une présidence de second semestre, qui ne dure en réalité que quatre mois et demi.
Le 1er décembre 2007, sept mois avant le début de la présidence, la France a communiqué à ses partenaires le calendrier de toutes les formations du Conseil et des Conseils européens de la présidence française. Dans la dernière semaine de juin, il faudra leur présenter les ordres du jour de toutes les réunions ministérielles du second semestre. La représentation permanente est donc en train de préparer le programme de travail des plus de 200 groupes et comités qui assureront la préparation de ces Conseils. Parallèlement, le travail se poursuit sur le fond, avec une série de réunions interministérielles pour préciser dans le détail les objectifs de la France. Enfin, la France travaille en ce moment au programme de dix-huit mois avec la République tchèque et la Suède, qui lui succéderont. La France est dans les temps.
La question de M. Myard a une portée beaucoup plus générale. L'efficacité d'un pays, à Bruxelles, dépend en effet de la cohérence de ses positions. La représentation permanente a pour responsabilité de négocier au quotidien sur la base des instructions et orientations définies par le Gouvernement, mais également d'assurer cette cohérence. La négociation n'a plus uniquement lieu au Conseil, entre les gouvernements nationaux et la Commission. Elle suppose dorénavant une action beaucoup plus diversifiée, et une coordination de tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont en charge les intérêts français, au Comité des régions, au Parlement européen, voire à la Commission elle-même. La promotion des idées françaises passe aussi par la participation à l'activité extraordinairement foisonnante des think tanks et colloques variés. Rien ne serait plus faux que de considérer que la France souffre de faiblesses dans ce domaine: dans cet exercice de présence et d'orchestration, elle est au moins aussi performante que les autres pays.
s'est étonné que l'on puisse songer, pour le poste de président du Conseil européen, à un responsable politique ressortissant d'un pays dont la vocation européenne est tellement tiède qu'il n'appartient ni à l'espace Schengen ni à la zone euro et qu'il réfute la Charte des droits fondamentaux.
M. Christophe Caresche a estimé que le projet d'Union pour la Méditerranée devient une vraie pomme de discorde avec un certain nombre de partenaires européens de la France. Le secrétaire d'État Jean-Pierre Jouyet lui-même a du reste récemment déclaré que la France devra adapter sa position si elle veut être entendue par ses partenaires et ne pas perdre sa capacité à mener des compromis.
L'idée de la France n'est pas comprise, notamment par les Allemands, qui ne sont pas hostiles au renforcement de la politique méditerranéenne de l'Europe, mais reprochent plutôt à la France de jouer une partition solitaire en jetant un deuxième pont, à côté du processus de Barcelone lancé en 1992, sur la Méditerranée qui n'intègre pas tous les pays de l'Union, pourtant tous impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans les enjeux méditerranéens. La France ne doit-elle pas mieux expliquer à ses partenaires les ambitions et les moyens de la nouvelle politique qu'elle envisage dans ce domaine ?
a observé qu'il faut savoir si c'est un pays ou un homme que l'on nomme à la tête du Conseil européen. La question se pose déjà pour beaucoup de fonctionnaires, en particulier britanniques, mais personne ne songerait par exemple à remettre en cause l'intégrité et la compétence du directeur général chargé de la justice et des affaires intérieures, en dépit de sa nationalité. En revanche, il est évident qu'il serait inconcevable que la présidence de l'Eurogroupe incombe à un pays n'appartenant pas à la zone euro.
Lorsqu'il s'agira de choisir le président du Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement prendront sans doute en compte tous les paramètres, y compris ceux évoqués par M. Loncle. Cependant le choix du président du Conseil européen dépendra avant tout de la façon dont les uns et les autres conçoivent cette fonction. Le Traité, tel qu'il est rédigé, ouvre de multiples possibilités : le profil choisi sera celui d'un chairman ou au contraire d'une figure incarnant la légitimité de l'Union européenne, à l'intérieur comme à l'extérieur, sans doute plus proche de l'idée initiale du président Giscard d'Estaing. La France aurait tendance à rechercher une personnalité forte.
Sur la Méditerranée, le diagnostic posé par la France, partagé désormais par l'Espagne et l'Italie, est incontestable : il est possible et souhaitable de faire davantage. Reste à concilier ce nouveau dispositif avec l'existant, à savoir le cadre européen à vingt-sept, la politique de voisinage, la politique de Barcelone et les moyens financiers déjà déployés par l'Union. La première réponse est que l'Union européenne en tant que telle participe pleinement à la démarche, mais cela ne suffira pas, notamment pour notre partenaire allemand; il faut tenir compte à la fois de l'intérêt de tous pour les enjeux méditerranéens et du fait que certains, parce que riverains, sont plus directement concernés. La France ne prétend pas avoir déjà trouvé la bonne articulation mais elle y travaille, avec ses partenaires et la Commission.
a remarqué que quatre institutions fortes pourront aussi être touchées par des conflits forts, notamment en matière de politique étrangère, d'autant que les politiques nationales demeureront. Dans la perspective d'une Europe plus protectrice, quelles réflexions et dans quels domaines la présidence française pourrait-elle travailler ? L'agenda prévoit-il une réflexion sur les services publics, services d'intérêt général et services d'intérêt économique général ? Quelle attitude les Britanniques semblent-ils déterminés à adopter lors de la présidence française ?
a estimé que l'Europe navigue à l'image d'un pétrolier. Elle est imposante, avance lentement et vire extrêmement difficilement ; il arrive qu'une question, avant d'aboutir, soit traitée par trois présidences successives de l'Union. Dans ce contexte, la réussite d'une présidence se mesure au moins autant à ce qu'elle sème qu'à ce qu'elle récolte. Il est vrai que la tâche qui nous attend au second semestre 2008 est immense, et que les sujets sont déjà très nombreux. Mais deux chantiers décisifs aux yeux de nos concitoyens doivent être lancés dès aujourd'hui si on veut qu'ils aboutissent un jour.
Le premier concerne les services sociaux d'intérêt général, pour la première fois mentionnés dans le droit primaire européen grâce à l'article 2 du protocole sur les services publics qui rappelle que l'Union ne doit porter en aucune manière atteinte à la compétence des
De même, le concept de « cohésion territoriale » consacré par le traité est appelé à devenir une référence essentielle de l'Union européenne. Il faut cependant en préciser les contours et en inspirer les principes fondateurs si l'on ne veut pas que son contenu concret soit en contradiction avec les intérêts de la France.
a souligné que le projet d'Union pour la Méditerranée provoque beaucoup d'interrogations, pour le moins, de la part des États membres d'Europe du Nord – notamment l'Allemagne, qui oublie les pressions naguère exercées sur la France pour faire aboutir l'élargissement aux pays d'Europe centrale – mais aussi de la part de pays de l'autre rive de la Méditerranée, à commencer par l'Algérie. Si les intentions sont excellentes, le calendrier du projet semble assez court. Pour surmonter les résistances et substituer l'enthousiasme au scepticisme, il est temps de passer du diagnostic à la proposition, qui reste pour l'instant en pointillés.
a confirmé qu'une présidence est l'exercice momentané d'une fonction - essentielle- de l'Union par un État membre. Le bilan d'une présidence dépend de trois éléments : les dossiers inscrits à l'agenda du semestre ont-ils été bouclés ? Comment les affaires de l'Union ont-elles été conduites ? Des perspectives ont-elles été ouvertes ?
S'agissant des services publics, la Commission considère en effet aujourd'hui qu'une directive à portée générale, sur laquelle elle ne s'était jamais vraiment engagée, n'ajouterait pas beaucoup au protocole désormais annexé au Traité. Toujours est-il que le sujet ne figure pas au programme législatif 2008 de la Commission.
Si le concept de cohésion territoriale est reconnu, sa traduction en termes de politique européenne reste à écrire. Au cours de la présidence française, un colloque ou un séminaire sur ce sujet, rassemblant élus, ministres et spécialistes, pourrait être très utile.
En ce qui concerne l'Union pour la Méditerranée, l'important est de démontrer la valeur ajoutée du projet présidentiel, qui s'appuie sur le renforcement des coopérations concrètes, autour de projets soigneusement définis. Il est vrai que les pays du sud de la Méditerranée sont attentifs aux précisions qui pourront leur être apportées à cet égard.
La question de la protection doit être appréhendée de la manière la plus large possible. L'introduction de l'idée de protection parmi les missions de l'Union constitue un message politique très fort qu'il convient de décliner dans tous les champs. Dans le domaine commercial, pour protéger les Européens, il faut commencer par ne pas les exposer à une concurrence déloyale et par se doter des instruments nécessaires à cette fin ; un marché intérieur aussi fort et efficace que possible doit aussi être conçu comme un atout face à la mondialisation. La protection des Européens passe également par le développement de règles communautaires et internationales propres à améliorer, par la transparence et la supervision, la stabilité financière. Enfin, au coeur du sujet, l'Europe cherche depuis des années à mettre sur pied des capacités coordonnées de protection civile et de sécurité civile ; la présidence française s'efforcera de progresser dans ce domaine.
Les Britanniques, sur certains dossiers, prient la France de ne pas pousser les feux trop vite, ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils seront spontanément ouverts à ses idées une fois la ratification acquise. Toutefois des terrains d'entente pourront certainement être trouvés, comme cela a déjà été le cas, il y a quelques années, en matière d'armement et de défense. Un sommet est d'ailleurs organisé par Gordon Brown ce soir même, à Londres, sur le thème de la stabilité et de la régulation financières ; cela prouve qu'il n'est pas de partenaire dont il faille désespérer.
président de la commission des affaires étrangères, a remercié M. Pierre Sellal pour ses explications extrêmement pertinentes.