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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 26 mars 2008 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • diffamation
  • enquête
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La séance

Source

La Commission a examiné, sur le rapport du Président Jean-Luc Warsmann, la proposition de loi de M. Bernard Accoyer complétant l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 325).

Le président Jean-Luc Warsmann, rapporteur, a indiqué que la présente proposition de loi déposée par le Président de l'Assemblée nationale avait pour objet d'offrir aux témoins entendus par les commissions d'enquête parlementaires la protection d'une immunité relative pour les propos qu'ils étaient amenés à tenir devant elles.

Il a, tout d'abord, rappelé que les commissions d'enquête avaient connu, ces dernières années, une évolution qui suscitait des questions nouvelles.

La revalorisation du Parlement passe par celle des travaux menés par ces commissions. Une évolution juridique importante a été enregistrée avec la loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 tendant à modifier l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d'enquête et de contrôle parlementaires, loi qui a fait de la publicité des travaux la règle de principe et du huis clos l'exception. Le recours à la diffusion des auditions publiques par la télévision a renforcé cette ouverture, tandis qu'une pression importante exercée par la société exige de plus en plus de transparence.

L'ensemble de ces phénomènes a eu des conséquences sur le statut des personnes entendues par les commissions d'enquête. Elles se sont trouvées de plus en plus soumises à des poursuites en diffamation, les initiateurs de ces actions étant parfois motivés par le souci de trouver une tribune publique, mais aussi par la volonté de faire pression sur les témoins pour qu'ils se taisent.

Le constat de ces pratiques et la nécessité de préserver la qualité du travail d'enquête qui repose sur la sincérité et l'exhaustivité des témoignages ont motivé le dépôt de la présente proposition de loi.

Celle-ci est inspirée du modèle de protection offert aux personnes appelées à témoigner devant les tribunaux, personnes dont les propos sont protégés contre les actions en diffamation, pour outrage ou injure. Mais il est également proposé, sous réserve qu'ils soient faits de bonne foi, de protéger les comptes rendus des propos tenus devant les commissions d'enquête. Ainsi ne pourront servir de fondement à des poursuites en diffamation ni les comptes rendus qui sont généralement annexés aux rapports des commissions d'enquête ni la reprise de ces propos par les médias.

Cette protection relative exige cependant que certaines limites soient posées, de telle sorte que les droits des tiers soient préservés.

D'une part, la protection est limitée aux risques de poursuites pour diffamation, injure ou outrage. Pourraient continuer d'être sanctionnés les autres manquements ou infractions, parmi lesquels les fautes disciplinaires, mais aussi toutes les infractions qui sont prévues par l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, comme la provocation à commettre des atteintes volontaires à la vie ou encore l'appel à la haine raciste.

D'autre part, un amendement sera proposé pour que ne puissent être couverts par cette immunité relative que les propos qui sont en lien direct avec l'objet de l'enquête. Dès lors que les faits ou les personnes visés par les propos des témoins entendus n'entrent pas dans l'objet de l'enquête, l'action en diffamation, pour outrage ou pour injure pourrait continuer d'être exercée dans les conditions du droit commun.

Par ailleurs, le rapporteur a souligné qu'en matière de diffamation, la notion de bonne foi, applicable aux comptes rendus, constitue une notion restrictive et exige, pour être établie, que soient réunis les quatre critères cumulatifs que sont l'objectivité, la prudence, l'absence d'animosité personnelle et la légitimité du but. Ainsi, dans l'hypothèse où un reportage ne présenterait que la version des faits proposée à une commission d'enquête par un témoin de manière imprudente, voire mal intentionnée, il serait considéré comme tendancieux ou péremptoire et la bonne foi ne serait pas établie.

Si le dispositif proposé est équilibré et répond au sens de l'histoire, il devra être évalué avec beaucoup d'attention compte tenu du risque d'instrumentalisation des commissions d'enquête qu'il ouvre pour certains témoins. Le président et le rapporteur des commissions d'enquête soumises à ce nouveau régime devront exercer avec toute la vigilance nécessaire leur fonction de surveillance des débats et ne devront pas hésiter à appeler le témoin à apporter toutes les preuves de ce qu'il avance, voire à saisir la justice pour faux témoignage en cas de doute sérieux.

Si l'exigence de transparence est forte, le huis clos doit demeurer une solution en cas de témoignage pressenti comme difficultueux. Il reste, en tout état de cause, préférable à des méthodes qui consistent, comme cela a pu se produire dans le passé, à organiser des auditions réservées au seul rapporteur, même si ces auditions font l'objet d'un compte rendu sous X publié en annexe du rapport final. L'essentiel est que les commissaires puissent se forger leur intime conviction en ayant, sous l'oeil des caméras ou non, entendu tous les arguments, tous les acteurs du dossier dont ils sont chargés.

PermalienPhoto de Michel Hunault

a exprimé sa crainte qu'une immunité trop large accordée aux personnes témoignant dans le cadre d'une commission d'enquête ait pour conséquence de les exonérer de toute responsabilité. Il a jugé qu'une personne entendue par une commission d'enquête qui tiendrait des propos s'assimilant à de la diffamation devrait pouvoir être poursuivie pour ces propos. Enfin, rappelant le cas de personnes ayant refusé de venir témoigner devant une commission d'enquête parlementaire, il a estimé que le régime actuel n'est pas satisfaisant.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

a souhaité savoir dans quelle mesure la protection nouvelle apportée aux personnes entendues par des commissions d'enquêtes parlementaires peut être comparée avec la situation dans d'autres États, notamment avec celle en vigueur en Italie.

Le rapporteur a apporté aux intervenants les éléments de réponse suivants :

— La nécessité de conserver un équilibre entre protection des témoins et préservation des droits des tiers doit rester au coeur des préoccupations du législateur saisi de cette proposition de loi.

— Dans certains pays, comme en Allemagne, le témoin peut refuser de témoigner si lui sont posées des questions susceptibles de le rendre passible de poursuites pénales ; la France, qui a choisi un autre modèle, dispose désormais de tous les moyens juridiques de contraindre un témoin à venir s'exprimer devant une commission d'enquête parlementaire.

— La Constitution italienne prévoit que les commissions d'enquête parlementaires peuvent procéder aux investigations et aux contrôles avec les mêmes pouvoirs et les mêmes limites que l'autorité judiciaire. Mais, la situation en Italie, compte tenu des débats qui ont agité ce pays, en particulier sur la question des réseaux mafieux, notamment de leurs liens avec certains milieux judiciaires et politiques, présente des caractéristiques spécifiques dont il serait délicat de tirer des conclusions pour la France.

Article unique (art. 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur limitant la protection contre les actions en diffamation aux seuls propos en lien avec l'objet de l'enquête parlementaire.

Titre :

La Commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La Commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

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