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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 13 mai 2008 à 17h30

Résumé de la séance

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La séance

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Roman, la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault relative aux conditions de l'élection des sénateurs (n° 851).

PermalienPhoto de Bernard Roman

a estimé qu'au moment où le Parlement s'apprête à examiner un projet de révision constitutionnelle, dont l'ambition annoncée est de démocratiser nos institutions, il serait incohérent d'esquiver la question, fondamentale, de la composition des assemblées parlementaires. En effet, si la révision constitutionnelle est adoptée, le Parlement sera nécessairement saisi de lois organiques qui, dès lors qu'elles concernent le Sénat, ne pourront être adoptées sans son accord. Il serait regrettable que l'Assemblée nationale se dessaisisse par ce biais, en se plaçant sous la menace d'un veto sénatorial, de sa capacité à mettre en oeuvre la révision constitutionnelle en ce qui concerne les conditions d'élection des sénateurs.

Les députés du groupe socialiste souhaitent participer utilement au débat constitutionnel afin d'instituer en France la « démocratie irréprochable » et la « République exemplaire » évoquée par le Gouvernement, même s'il aurait été préférable de connaître préalablement les futurs projets de loi organique et de modification des règlements des assemblées parlementaires tirant les conséquences de cette révision. En tout état de cause, le Parlement doit rechercher « un changement institutionnel global et ambitieux », comme le souhaitait le récent rapport du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République présidé par M. Edouard Balladur. A cet égard, la mise en conformité des conditions d'élection des sénateurs avec les exigences démocratiques relève d'une question de principe.

Le président du groupe socialiste du Sénat a saisi le Président de la République de la proposition de loi aujourd'hui soumise à la Commission. En effet, on ne peut actuellement espérer l'avènement en France d'une « démocratie irréprochable », alors que notre pays est, avec le Royaume-Uni, le seul d'Europe dans lequel la seconde chambre ne connaît jamais d'alternance. Cette situation confère en effet au bicamérisme français une « fonction modératrice [qui] s'avère hémiplégique et partiale », selon la formule de Mme Murielle Mauguin Hegelson.

La majorité sénatoriale avait elle-même admis, en 1999, qu'une réforme du Sénat devait être engagée, en soulignant, dans une proposition de loi présentée par M. Henri de Raincourt : « Quarante ans après la mise en place de la Vème République, le moment semble venu d'adapter le collège électoral aux évolutions démographiques et sociologiques de la France, sans pour autant toucher aux principes qui fondent la spécificité sénatoriale au sein du bicamérisme. L'impératif de modernisation de la vie politique, auquel le Sénat adhère pleinement, inclut la réforme du mode de scrutin sénatorial ». En effet, comme le soulignait le sénateur Daniel Hoeffel dans le rapport d'un groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, présenté le 2 juillet 2002, « la composition du collège électoral des sénateurs reste avant tout marquée par le poids électoral, jugé excessif par certains, des petites communes au détriment des zones urbaines », ce constat devant conduire à « une meilleure prise en compte des réalités démographiques » et, en particulier, de « la place des grandes villes dans le collège sénatorial ».

Enfin, le président du Sénat lui-même, M. Christian Poncelet, proposait, le 28 mars 2002, de « renforcer le poids du milieu urbain et de l'intercommunalité au sein du collège électoral des sénateurs, tout en préservant la représentation des petites et moyennes villes, qui assurent l'indispensable maillage de notre territoire ».

En dépit de ces déclarations concordantes, aucune réforme n'a été menée depuis lors pour rééquilibrer la représentation sénatoriale. La loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs a, au contraire, rétabli le mode de scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs, alors que le scrutin proportionnel était plus représentatif.

M. Christian Poncelet avait déclaré, le 28 mars 2002 : « pour que la gauche plurielle s'empare du Sénat, il suffit tout bonnement qu'elle l'emporte aux prochaines élections municipales ». L'alternance demeure pourtant hors d'atteinte au Sénat, pour 2008 comme pour 2011, alors que, depuis le 16 mars 2008, la gauche est majoritaire dans toutes les catégories de collectivités territoriales représentées au Sénat – elle dirige 20 régions sur 22 et 58 départements sur 102, tandis que 60 % de la population nationale réside dans des communes dirigées par des majorités de gauche.

La surreprésentation sénatoriale des communes les moins peuplées est une réalité, comme le rappellent les chiffres suivants :

- environ 8 % de la population nationale réside dans des communes de moins de 500 habitants, dont les élus représentent plus de 16 % des délégués communaux ;

- les communes de plus de 100 000 habitants, qui regroupent plus de 16 % de la population nationale, ne désignent que 8 % des délégués communaux.

Or, malgré les préconisations du rapport du comité présidé par M. Edouard Balladur et le renforcement du poids politique des départements et des régions depuis une trentaine d'années, la composition du Sénat continue de favoriser nettement les petites communes rurales, comme à la fin du XIXème siècle.

Il convient de rappeler qu'une réforme ambitieuse des conditions d'élection des sénateurs, prévoyant l'élection d'un délégué communal par « tranche » de 300 habitants, s'est heurtée, le 6 juillet 2000, à une décision du Conseil constitutionnel, qui a estimé que les élus locaux devaient demeurer majoritaires au sein du collège électoral du Sénat.

La proposition de loi soumise à la Commission reposant sur un mécanisme analogue, son adoption définitive est subordonnée à la révision préalable de l'article 24 de notre Constitution, qui devrait préciser que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population ».

La proposition de loi tend à appliquer la même règle de représentation pour toutes les communes, mais aussi pour la composition du collège chargé d'élire les sénateurs représentant les Français de l'étranger. Elle permet par ailleurs aux départements et aux régions de désigner respectivement 15 % des membres du collège électoral du Sénat, sans diminuer pour autant le nombre de délégués désignés par les conseils municipaux, même dans les communes peu peuplées. Enfin, elle rétablit le mode de scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs.

Concluant son propos, le rapporteur a considéré que la proposition de loi devait être examinée parallèlement au projet de révision constitutionnelle et permettrait de réconcilier le Sénat avec l'opinion publique.

S'interrogant sur la concomitance du dépôt de la proposition de loi et de la révision constitutionnelle, M. Michel Hunault a demandé au rapporteur si l'adoption de la proposition de loi conditionnait l'accord du groupe socialiste sur la révision constitutionnelle. Il a jugé préférable d'aborder la question des modes de scrutin après la révision constitutionnelle, qui a principalement pour objet de revaloriser le rôle du Parlement, et éventuellement après la réunion d'un groupe de travail sur le sujet. Il a considéré que la question de la représentativité de l'Assemblée nationale pourrait également être abordée et relevé que la composition des conseils régionaux ne reflétait pas fidèlement le corps électoral français.

Après avoir rappelé que le mode de scrutin pour les élections régionales avait été défini par l'actuelle majorité, M. Bruno Le Roux a souhaité que la réflexion sur la réforme des institutions s'accompagne d'une réflexion sur les modes de scrutin. Il a indiqué que la nécessité de réformer le mode de scrutin sénatorial était communément admise face à l'impossibilité de l'alternance, situation qui n'affecte aucune autre assemblée élue en France, et devait être abordée concomitamment avec la révision constitutionnelle pour rendre les institutions plus démocratiques. Il a indiqué que la discussion de la proposition de loi permettrait de tester la volonté de la majorité de donner des signes en ce sens.

Tout en jugeant la proposition de loi cohérente, M. Philippe Gosselin a jugé qu'elle était discutée à un moment inopportun compte tenu de l'imminence d'une révision constitutionnelle permettant d'engager la réforme du mode de scrutin sénatorial. Il a également émis des réserves sur l'idée de réformer le Sénat par une proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale, ainsi que sur l'accroissement du nombre de délégués non élus au détriment des délégués élus, dont la légitimité est mieux établie.

Après avoir rappelé que la suppression du Sénat avait été proposée en 1969 par un Président de la République qui n'était pas socialiste, M. Serge Blisko a estimé qu'il convenait de conserver le système bicamériste qui n'est remis en question ni par les constitutionnalistes, ni par les parlementaires, mais en conférant une plus grande légitimité au Sénat. Il a considéré que le moment était favorable à une révision des conditions d'élection des parlementaires, puisque le comité Balladur a travaillé sur la question et qu'un consensus existe sur la nécessité d'opérer un nouveau découpage des circonscriptions législatives. Il a expliqué que la proposition de loi maintenait une surreprésentation des communes de moins de 3 500 habitants, mais en l'atténuant, et a rappelé que deux nouveaux sièges de députés et de sénateurs avaient été créés pour les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, pourtant très peu peuplées. Il a conclu son propos en déclarant que le Sénat, en apparaissant figé, se fragilisait et devrait mieux représenter la population.

PermalienPhoto de Bernard Roman

, a souhaité que l'ouverture esquissée dans les propos de MM. Philippe Gosselin et Michel Hunault puisse être confirmée en séance publique.

Il a jugé déplacée toute comparaison entre les élections régionales et sénatoriales, la victoire de la gauche aux élections de 2004 résultant largement de la désapprobation de la politique gouvernementale et demeurant réversible à l'avenir, tandis que l'alternance au Sénat s'avère en pratique impossible, comme l'a démontré M. Guy Carcassonne.

Le fait que le projet de loi constitutionnelle dont est saisie l'Assemblée nationale précise, dans son article 34, que la nouvelle rédaction proposée pour l'article 24 de la Constitution, relatif notamment aux conditions d'élection des sénateurs, ne s'applique qu'à compter « du deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant la publication » de la loi constitutionnelle, c'est-à-dire en 2011 au plus tôt, est révélateur des réticences de la majorité sénatoriale devant cette future réforme électorale.

La révision constitutionnelle doit offrir au Parlement l'occasion de se prémunir contre une nouvelle censure constitutionnelle d'une loi réformant les conditions d'élection des sénateurs pour rééquilibrer rapidement les institutions françaises au profit d'une « démocratie irréprochable ».

Le renvoi de cette réforme à une future loi organique, sur laquelle le Sénat disposerait d'un droit de veto, risque fort de priver le Parlement de la possibilité de démocratiser réellement les conditions d'élection des sénateurs et, par là même, les institutions de la République.

L'adoption de la proposition de loi élaborée en étroite liaison avec les sénateurs socialistes et présentée par les députés du groupe SRC constitue donc, à leurs yeux, une « exigence » majeure afin que puisse être réunie, dans un cadre consensuel, la majorité des trois cinquièmes requise pour l'adoption par le Congrès de la révision constitutionnelle proposée par le Gouvernement.

Le fait que le collège électoral du Sénat soit majoritairement composé de simples délégués, qui n'ont pas eux-mêmes la qualité d'élus locaux, s'explique par le choix de ne pas procéder à un rééquilibrage démographique en diminuant le nombre de délégués des petites communes. Cette importante augmentation du nombre de délégués, bien qu'elle ait été jugée contraire à l'actuel article 24 de la Constitution le 6 juillet 2000, représenterait en pratique une formidable opportunité civique, car les délégués des conseils municipaux tirent en général une grande fierté de leur participation à l'élection des sénateurs.

Le Président Jean-Luc Warsmann a rappelé que le projet de loi constitutionnelle prévoyait que le Sénat devait représenter les collectivités territoriales en tenant compte de leur population, ce qui rendra nécessaire une évolution du mode de scrutin. Il a considéré que la proposition de loi soulevait des questions qui gagneraient à être approfondies, s'agissant notamment de l'augmentation considérable de l'effectif du collège électoral, qui passerait de 143 521 à plus de 300 000 membres, de l'accroissement de la part des délégués non élus et de la réduction de la représentation des communes à laquelle le Président du Sénat n'est d'ailleurs pas hostile. Il a ensuite observé que le Sénat aborderait la question du mode de scrutin le 4 juin 2008 dans le cadre de son ordre du jour réservé et qu'il convenait de le laisser présenter ses propositions. Après avoir rappelé que la proposition de loi était en l'état contraire à la Constitution, il a reconnu la légitimité du débat qui s'engagera dans le cadre de la séance d'initiative parlementaire mardi prochain mais il a proposé de ne pas entrer dès maintenant dans la discussion technique.

PermalienPhoto de Bruno Le Roux

a jugé que le texte avait été suffisamment préparé et a souhaité que la Commission procède à l'examen des articles de la proposition de loi.

À l'issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi relative aux conditions de l'élection des sénateurs (n° 851).

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Patrick Bloche, la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault relative au respect du pluralisme dans les médias audiovisuels et prenant en compte le temps de parole du Président de la République (n° 852).

PermalienPhoto de Patrick Bloche

a rappelé que si la communication audiovisuelle était libre, comme le prévoit l'article premier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ce même texte précise que cette liberté doit respecter, notamment, le « caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion ». Il a souligné que le respect de ce principe faisait partie des missions confiées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

Il a indiqué que le pluralisme était un objectif de valeur constitutionnel, comme le Conseil constitutionnel l'a relevé dans sa décision 86-217 DC du 18 septembre 1986. Il a rappelé que le Conseil avait précisé « que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie » et ce, aussi bien dans le cadre du secteur public de l'audiovisuel que dans celui du secteur privé, et que « l'objectif à réaliser est que des auditeurs et les téléspectateurs (…) soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché ».

Le rapporteur a indiqué que la notion de pluralisme revêtait une dimension interne et une dimension externe. Tout en précisant que la proposition de loi ne traitait pas du pluralisme externe – il s'agit de la pluralité des opérateurs de médias et des limitations portées à leur concentration – il a estimé que cette question mériterait à elle seule un débat. Il a exprimé le souhait que les modalités de désignation des membres du CSA évoluent et que la liberté éditoriale des organes de presse soit mieux garantie. Il a indiqué que le pluralisme interne tendait à ce qu'un opérateur assure, au sein de ses programmes, l'équilibre et la diversité des points de vue et des opinions et que c'était précisément sur cet aspect que portait la proposition de loi.

Hormis le cas des périodes électorales pour lesquelles le code électoral prévoit précisément les règles applicables, le rapporteur a rappelé que la mission du CSA en matière de respect du pluralisme était définie de manière peu précise par l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986. Il a ainsi indiqué cet article prévoyait simplement que le CSA assurait le respect du pluralisme et qu'il devait relever mensuellement le temps de parole des responsables des partis politiques.

Il a précisé que la prise en compte de l'équilibre des temps de parole avait légèrement évolué dans le temps puisque la règle dite des « trois tiers » a disparu au profit d'un « principe de référence » défini en 2000, qu'il a estimé très proche de l'ancienne règle.

Le rapporteur a rappelé que la règle des « trois tiers » était issue d'une directive du Conseil d'administration de l'ORTF du 12 novembre 1969, qui prévoyait que, « dans la présentation des points de vue, l'équilibre entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent, lorsqu'il ne sera pas obtenu en un seul jour et au cours de la même émission, devra l'être sur une période raisonnablement calculée ».

Il a souligné que cette formulation avait servi de base à l'analyse classique des temps de parole : un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité parlementaire, étant entendu que les membres du Gouvernement qui s'expriment en tant que responsables de partis relèvent de cette catégorie et un tiers pour l'opposition parlementaire.

Il a précisé que le « principe de référence » avait aménagé la règle précédente en février 2000. Il a souligné que si le principe d'une répartition équilibrée des temps de parole entre les trois catégories d'intervenants préexistantes a été maintenue, les « partis non représentés au Parlement » ont acquis le droit à « un accès équitable aux programmes audiovisuels ». Il a précisé que, dans les faits, leur temps de parole est d'environ 3,5 % du total du temps d'expression politique.

Le rapporteur a ensuite constaté que le CSA a décidé de modifier la durée sur laquelle le principe de référence est apprécié : les relevés font toujours l'objet d'une transmission mensuelle aux présidents de chaque assemblée et aux responsables des partis représentés au Parlement, mais l'évaluation du respect du pluralisme porte à la fois sur les résultats d'un mois et sur ceux d'un trimestre glissant. Il a indiqué qu'une telle prise en compte a l'avantage d'atténuer les répercussions des événements de l'actualité sur un mois donné.

Abordant la question du temps de parole du Président de la République, le rapporteur a indiqué que celui-ci n'a jamais été décompté pour l'application de la règle des trois tiers ou du principe de référence. Il a ajouté que cet état de fait a notamment été contesté devant le Conseil d'État en 2005. Il a précisé que, dans sa décision du 13 mai 2005, la juridiction a affirmé que, compte tenu de « la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'Etat dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics », le Président de la République « ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique ».

Il a insisté sur le fait que, pourtant, le rôle du président de la République a évolué dans sa nature et, également, que l'importance de ses interventions télévisées a considérablement crû.

Il a relevé que le comité constitutionnel présidé par M. Édouard Balladur a également constaté que la fonction présidentielle avait évolué. En proposant que les interventions du chef de l'État soient prises en compte dans le temps de parole de l'exécutif, il a souligné que le rapport du comité constitutionnel pointait l'« anomalie » que représentait le décompte actuel des temps de parole, constatait que « cette situation [était] la traduction d'une conception dépassée du rôle du chef de l'Etat » et concluait que la loi du 30 septembre 1986 « devrait être modifiée en ce sens ».

Le rapporteur a également indiqué que l'analyse statistique des temps de parole corroborait la nouvelle place du président de la République dans les médias. Il a ainsi souligné que, selon les dernières données publiques du CSA, les membres du Gouvernement se sont exprimés, en janvier 2008, 11 minutes et 9 secondes dans les journaux télévisés de TF1, tandis que le Président de la République s'y exprimait pendant 18 minutes et 36 secondes, majorant ainsi le temps de parole de l'exécutif de 167 %.

Il a indiqué que la même situation était observable sur France 2, mais dans des proportions moindres puisque les propos du Président de la République ne majoraient le temps de parole de l'exécutif que 113 %.

Il a ajouté que, sur LCI, le Président s'était exprimé 3 heures et 55 minutes en janvier, contre seulement une heure et 3 minutes pour le Gouvernement. Il a donc estimé que la non-prise en compte du temps de parole du Président de la République conduisait à majorer le temps de l'exécutif de 372 %, sans d'ailleurs tenir compte des 19 minutes et 54 secondes d'interventions des collaborateurs du Président.

Le rapporteur a ajouté que la proposition de loi ne poserait pas de difficulté pratique au CSA qui relève déjà, à titre informatif, le temps de parole de la présidence de la République – en distinguant même les propos du Président lui-même de ceux de ses collaborateurs.

PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

a considéré que le texte soumis à la Commission était une proposition de circonstance, liée à la personnalité médiatique de l'actuel Président de la République. Il a demandé au rapporteur s'il donnerait son accord à des modifications visant à compléter le texte par des dispositions telles que l'obligation du respect du contradictoire et un droit de réponse immédiat, qui permettraient notamment au Président de la République de répliquer immédiatement après une mise en cause dont il aurait fait l'objet et qui apparaissent comme la légitime contre partie de la proposition de loi.

PermalienPhoto de Michel Hunault

a jugé la proposition de loi peu opportune, d'une part parce qu'elle aboutit à déconsidérer la fonction présidentielle – le Président, garant de l'unité et de la sécurité de la Nation doit pouvoir s'exprimer, sur des questions de politique étrangère notamment, sans que son temps de parole soit décompté au profit de la majorité – et d'autre part parce qu'elle fait injure à la presse qui a l'habitude d'ouvrir très largement ses tribunes aux représentants de l'opposition en réplique à une intervention présidentielle. Il convient donc de continuer à faire confiance aux journalistes pour que tous les points de vue puissent s'exprimer.

PermalienPhoto de Guénhaël Huet

a regretté que le rapporteur n'ait pas mentionné, à titre de comparaison, les chiffres relevés par l'instance de régulation entre 1986 et 1995 concernant le Président de la République. Il s'est déclaré surpris du dépôt de cette proposition de loi alors qu'il est depuis bien longtemps admis par tous que le Président de la République est la clé de voûte de nos institutions, mais aussi de la vie politique de notre pays. Il a rappelé à cet égard que le Président est le seul à être élu au suffrage universel direct par l'ensemble de la Nation, ce qui le place au dessus des autres élus. Il a considéré que ce texte relevait de la « théorie de l'apparence », en estimant que les citoyens ne seraient sans doute pas favorables à l'abaissement qu'il induit de la fonction présidentielle, nuisible à notre démocratie et à la classe politique française dans son ensemble, compte tenu des alternances.

PermalienPhoto de Bruno Le Roux

a estimé que la majorité ne devait pas être surprise du dépôt de ce texte qui compte parmi les propositions faites par le groupe SRC dans le débat actuel sur l'évolution des institutions.

Il a jugé que le but de ce texte n'est assurément pas d'empêcher le Président de la République ou ses collaborateurs de s'exprimer, ni d'inscrire sa parole dans un débat polémique, mais bien de mettre fin à un profond déséquilibre, constaté par le CSA, au détriment de l'opposition, en violation de la règle dite « des trois tiers ». Ce texte ne vise donc ni à rabaisser la fonction présidentielle, ni à réduire le champ du débat démocratique dans notre pays.

PermalienPhoto de Philippe Gosselin

a considéré que le fait d'être l'unique élu au suffrage universel de l'ensemble de la Nation donnait au Président de la République un poids et une responsabilité particuliers. D'ailleurs l'article 5 de la Constitution précise que le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État » ; il ne saurait donc être soumis à une quelconque contrainte dans son expression publique.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

a estimé que la proposition de loi posait un véritable problème institutionnel. L'esprit de la Constitution de la Cinquième République est d'éviter de faire du Président de la République le représentant d'un clan, d'une faction ou même d'un parti, car il est le Président de tous les Français. En outre, la conception du rôle du Président portée par cette proposition de loi, qui se justifierait en régime présidentiel, est incohérente avec le programme du parti socialiste qui réclame un renforcement du rôle du Parlement. Enfin, cette proposition de loi se heurte à des contraintes pratiques : comment comptabiliser une allocution du Président de la République au Mont Valérien glorifiant la Résistance, les voeux présidentiels au nouvel an ou encore les propos d'accueil tenus à un chef d'État étranger ?

PermalienPhoto de Patrick Bloche

a souligné que la proposition de loi visait simplement à conforter la règle dite des « trois tiers », devenue le « principe de référence », en permettant à l'exécutif de disposer d'un tiers du temps de parole politique dans les médias, tout comme la majorité parlementaire et l'opposition parlementaire. Il a donc estimé que le suffrage universel serait également conforté puisque la majorité disposera toujours des deux tiers du temps des interventions.

Il a ajouté que la proposition de loi visait simplement à ce que les interventions du Président de la République ne soient pas « hors du temps », mais intégrées dans le temps de parole de l'exécutif. Il a indiqué que lorsque le Premier ministre s'exprime sur la situation en Afghanistan, son temps de parole est décompté au titre du Gouvernement. Il a donc estimé normal qu'il en soit de même pour le Président de la République. Il a souligné que si les orateurs de l'opposition étaient invités à réagir aux propos du chef de l'État, c'est précisément parce que ces propos ont une nature politique.

Après avoir indiqué qu'il rechercherait des statistiques relatives au temps de parole des différents présidents de la République, le rapporteur a estimé que la parole présidentielle était aujourd'hui devenue beaucoup moins rare. Il a donc affirmé que la proposition de loi ne visait qu'à prendre en compte cette réalité, qui traduit l'entrée dans un nouveau temps politique.

Le rapporteur a estimé que les propositions de M. Jacques-Alain Bénisti pour renforcer le respect du contradictoire et le droit de réponse immédiat étaient intéressantes mais ne concernaient pas le sujet traité par la proposition de loi. Il a souligné que l'objectif de ce texte n'était ni d'abaisser la fonction présidentielle ni de consacrer un régime présidentiel mais simplement de tenir compte de la réalité politique. Il a enfin rappelé que le rapport du comité constitutionnel présidé par M. Édouard Balladur avait qualifié la non prise en compte du temps de parole du Président de la République d'« anomalie ».

Le Président Jean-Luc Warsmann a estimé que l'ensemble des interventions avait montré la réalité du problème soulevé par la proposition de loi, mais également sa complexité. Ainsi, le rôle d'équilibre du Président de la République dans nos institutions doit en effet être pris en compte. Le Président de l'Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, s'est exprimé sur cette question et a esquissé des pistes de travail intéressantes qu'il conviendrait d'explorer avec attention.

À l'issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi relative au respect du pluralisme dans les médias audiovisuels et prenant en compte le temps de parole du Président de la République (n° 852).

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