COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES
mercredi 5 novembre 2008
À l'issue de l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine pour avis, sur le rapport de M. Gérard Cherpion, les crédits pour 2009 de la mission « Travail et emploi ».
La séance est ouverte à 18 heures 50.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
Article 35, État B
La Commission est saisie d'un amendement du rapporteur pour avis tendant à créer un nouveau programme « Soutien à la restructuration des entreprises et à la reconversion des bassins d'emplois » dans la mission « Travail et emploi » et à lui transférer 50 millions d'euros en provenance du programme n° 155 « Conception, gestion, et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », en vue d'abonder le fonds national de revitalisation des territoires.
Cet amendement procède au transfert de 50 millions d'euros vers un nouveau programme consacré au soutien à la restructuration des entreprises et à la reconversion des bassins d'emploi, afin d'abonder le fonds national de revitalisation des territoires.
La Commission adopte cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement de M. Régis Juanico visant à doubler les crédits attribués à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT).
Cet amendement, qui vise à transposer une des propositions du rapport d'information présenté en mai dernier par M. Jean-Frédéric Poisson au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la pénibilité au travail, a pour objet de doubler les crédits attribués à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et à son réseau national pour leur permettre d'accroître leur intervention dans les entreprises et pour favoriser la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures évoquées par M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi lors de l'audition qui vient de s'achever, tels le tutorat ou la transmission des savoir-faire.
Je comprends la préoccupation qui inspire cet amendement. Il me semble cependant prioritaire de concentrer les efforts sur les actions en faveur du retour à l'emploi. Il n'est pas certain qu'il faille, dans cette perspective, diminuer les crédits destinés aux actions au profit de l'insertion professionnelle des jeunes. J'ajoute que beaucoup a déjà été fait en matière d'amélioration des conditions de travail : en particulier, les deux conférences sociales sur les conditions de travail d'octobre 2007 et juin 2008 ont permis la création prochaine du conseil d'orientation des conditions de travail, la mise en place de contrats de prévention simplifiés pour mieux accompagner les très petites entreprises (TPE) ou encore des avancées réelles sur la réflexion pour la lutte contre le stress au travail et la formation aux questions de santé au travail, avec le rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail établi par MM. Philippe Nasse et Patrick Légeron ou encore celui de M. William Dab sur la formation des managers et ingénieurs en santé au travail. Je suis défavorable à cet amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie d'un amendement du rapporteur pour avis visant à augmenter les crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi » (action n° 1 « Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi ») de 8 000 000 euros pour permettre la prolongation de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle (CTP) jusqu'au 1er décembre 2009 dans les sept bassins d'emploi où ce dispositif a cours.
Il s'agit de prévoir pour l'année prochaine le financement du dispositif que le secrétaire d'État chargé de l'emploi a nommé lors de son audition le « CTP plus », à savoir prévoir les crédits nécessaires à la poursuite de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle dans les sept bassins d'emploi où elle est menée actuellement.
Avant le déploiement d'une nouvelle politique, il s'agit d'éviter un vide juridique car l'expérimentation actuelle doit en principe s'achever en décembre prochain.
Nous allons voter pour cet amendement car nous sommes favorables à la poursuite de l'expérimentation. Je voulais simplement faire remarquer que si nous avons compris que le « CTP plus » correspond au dispositif expérimenté aujourd'hui, nous n'avons pas bien saisi ce que recouvre le CTP qui n'est pas « plus »…
Je tiens aussi à souligner que les salariés, notamment ceux qui sont en difficulté, ont entendu les annonces récentes et qu'il faut faire attention aux effets d'annonces qui ne seraient pas immédiatement suivies des faits.
La réponse qui nous est donnée est qu'il est nécessaire d'impliquer les organisations syndicales, qui n'aimeraient pas être mises devant le fait accompli. Une proposition devrait être faite d'ici deux à trois semaines devant le Sénat.
La Commission adopte cet amendement à l'unanimité.
Article 80 : Suppression de la prise en charge par l'État de l'allocation de fin de formation (AFF)
La Commission est saisie d'un amendement de M. Jean-Patrick Gille de suppression de l'article.
Cet amendement a pour objet de permettre aux demandeurs d'emploi d'être rémunérés jusqu'à la fin de leur formation lorsque leurs droits à l'assurance-chômage sont épuisés. Les explications du rapporteur et du secrétaire d'État chargé de l'emploi au cours de l'audition de ce dernier ne nous ont pas convaincus. Je pense en effet que la suppression de la prise en charge par l'État de l'allocation de fin de formation contribuera à décourager les demandeurs d'emploi à entrer en formation, notamment ceux qui effectuent des formations longues.
Il s'agit en outre d'un désengagement de l'État ; du reste, personne ne s'en cache.
Se pose enfin la question de savoir qui va désormais financer l'allocation de fin de formation. Cette dépense sera assumée soit par les partenaires sociaux – en l'espèce, aucune négociation ne semble nécessaire préalablement à la prise en charge de cette facture de 169 millions d'euros ! –, soit par les conseils régionaux.
Bref, tout cela révèle une certaine précipitation du gouvernement pour essayer de grappiller 169 millions d'euros de crédits et c'est pourquoi cet article n'est pas opportun.
J'émets un avis défavorable à l'adoption de cet amendement dans la mesure où le secrétaire d'État chargé de l'emploi a expliqué tout à l'heure que cet article vise à inciter une entrée en formation des demandeurs d'emploi la plus précoce possible et à simplifier le mode de financement des actions de formation.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette cet amendement.
Article additionnel après l'article 81 : Plafonnement du montant de l'aide de l'État attribuée aux maisons de l'emploi en fonction du nombre de salariés des maisons de l'emploi rapporté au nombre d'habitants du bassin d'emploi
La Commission est saisie d'un amendement de Mme Marie-Christine Dalloz tendant à plafonner le montant de l'aide de l'État attribuée aux maisons de l'emploi en fonction du nombre de salariés des maisons de l'emploi rapporté au nombre d'habitants du bassin d'emploi concerné.
On entend des discours multiples sur les maisons de l'emploi et je tiens à réaffirmer que Pôle emploi ne peut pas aujourd'hui remplir l'ensemble des missions que prenaient en charge jusqu'ici les assedic, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les maisons de l'emploi. Il semble évident qu'il faut conserver les maisons de l'emploi sur les territoires où elles fonctionnement bien.
Cependant, il existe des disparités très importantes dans les montants alloués par l'État au profit du financement des maisons de l'emploi. Dans le but de favoriser une gestion efficace des crédits ainsi attribués et de ne pas susciter la création de « doublons » entre les missions assurées par le pôle emploi et celles prises en charge par les maisons de l'emploi, il faut mettre en place un dispositif de financement qui conduise ces dernières à privilégier les missions d'ingénierie et d'établissement de stratégies ainsi que de coordination des politiques menées dans le bassin d'emploi.
À cet effet, la démarche qui m'a semblé la plus pertinente – démarche évoquée dans le rapport d'information que j'ai présenté au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales en juin dernier, en conclusion des travaux de la mission d'information sur les maisons de l'emploi – est la suivante : prendre comme base de référence le nombre d'équivalents temps plein rapporté à la taille du bassin d'emploi pour le calcul du financement et par ailleurs plafonner au niveau de la prise en charge de la rémunération de dix salariés équivalents temps plein le montant du financement de l'État dans les bassins d'emploi supérieurs à 200 000 habitants. C'est aussi une forme de simplification qui me semble, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, opportune.
Il existe en effet un risque de « doublon » entre les missions de Pôle emploi et celles des maisons de l'emploi. Or il est vrai que dix personnes oeuvrant dans une maison de l'emploi au sein d'un bassin d'emploi de 250 000 personnes, aux côtés de Pôle emploi, cela permet déjà d'accomplir un travail certain en termes d'ingénierie.
Je souhaite développer trois arguments qui militent contre l'adoption de cet amendement.
Tout d'abord, en période de crise, diminuer les moyens des maisons de l'emploi dans les bassins d'emploi en difficulté ne me paraît pas constituer un bon signal. Les élus locaux ne pourront se satisfaire de cette mesure. En outre, de fait, des licenciements de salariés qui travaillent dans les maisons de l'emploi viendront ainsi s'ajouter aux autres licenciements effectués par les entreprises.
Ensuite, je pense que s'il faut retenir un critère pour plafonner le financement de l'État, celui-ci doit être lié au nombre de demandeurs d'emploi ou de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) ou du revenu de solidarité active (RSA), bref au dynamisme économique, et non au nombre d'habitants du bassin d'emploi.
Enfin, cet amendement me semble relever du domaine réglementaire et non du domaine de la loi. Il concerne au reste une question susceptible d'être l'objet d'une négociation entre les représentants de l'État au niveau local et la maison de l'emploi, ces deux acteurs concluant une convention pour déterminer les moyens de cet organisme. Fixer par la loi de manière unilatérale un critère uniforme de financement, valable pour l'ensemble des maisons de l'emploi en France, sans prendre en compte les spécificités territoriales, me semble dangereux. Une circulaire ministérielle pourrait suffire.
De fait, cet amendement, qui trouve son origine dans le rapport précité de Mme Dalloz, prend pour point de départ les disparités considérables de financement que l'on peut constater, disparités pouvant conduire à décrédibiliser les maisons de l'emploi. Mais les critères proposés sont-ils les bons ? Par-delà cet amendement, il existe en effet un questionnement plus profond sur le rôle des maisons de l'emploi et il faut continuer le travail qui consiste à préciser quel est ce rôle.
Je tiens aussi à faire part de mon inquiétude à la suite des réponses du secrétaire d'État chargé de l'emploi lors de son audition : on a l'impression d'un retour un an en arrière, s'agissant de la question du financement des maisons de l'emploi. Nous avons pris un coup de froid, sans en arriver, certes, au gel des crédits !
Enfin, il me semble que les propos qu'a tenus le secrétaire d'État chargé de l'emploi attestent le faible degré de reconnaissance des travaux d'évaluation récents menés par Mme Marie-Christine Dalloz et M. Jean-Paul Anciaux sur les maisons de l'emploi. De même, s'agissant des missions locales, on ne peut oublier qu'il existe des données pour établir un état des lieux : un logiciel, Parcours 3, permet d'assurer un suivi mensuel du parcours des jeunes vers l'emploi. Aussi les propos du secrétaire d'État semblent-ils traduire une volonté centralisatrice.
Or à l'évidence, il est important de conserver des dispositifs territoriaux. De ce point de vue, l'action des maisons de l'emploi, avec implication des collectivités locales, doit être encouragée en vue de leur participation active au pilotage des politiques de l'emploi sur le bassin d'emploi. Il pourrait peut-être alors s'avérer légitime de prendre en compte cette action dans l'attribution des financements par l'État. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous nous abstiendrons pour le vote de cet amendement.
Les avis au sein du gouvernement sont partagés sur cette question de l'évolution des maisons de l'emploi car dans certains cas, les maisons de l'emploi se sont révélées en pratique un « doublon » de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de l'assedic. Le dispositif proposé constitue par conséquent un moyen d'apaiser les craintes.
Un autre point doit être souligné : le Gouvernement a toujours indiqué que le financement des personnels recrutés serait assuré pour une durée de quatre ans en principe, même s'il est vrai que les élus ne savent de ce fait pas toujours quelle sera la situation après ces quatre années.
Face aux disparités de financement si importantes évoquées dans le rapport de Mme Dalloz, il me semble en effet nécessaire d'instituer des limites : c'est pourquoi cet amendement me paraît légitime. Néanmoins il est important de procéder également à une évaluation qualitative de l'action des maisons de l'emploi.
Suivant l'avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte cet amendement.
Article additionnel après l'article 81 : Modifications législatives requises en vue de la prolongation de l'expérimentation dans sept bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle (CTP)
La Commission est saisie d'un amendement du rapporteur pour avis complétant le dispositif précédemment adopté relatif aux crédits nécessaires en vue de la reconduction pour un an de l'expérimentation dans sept bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle (CTP) en procédant aux modifications requises à cet effet dans la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires des minima sociaux et l'ordonnance du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle.
La Commission adopte cet amendement à l'unanimité.
Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2009 de la mission « Travail et emploi ».
La séance est levée à 19 h 10.