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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 4 mai 2009 à 16h00
Protection de la création sur internet — Article 1er a, amendement 154

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

L'opposition que nous représentons n'a cessé, depuis l'ouverture du débat, de proposer des solutions alternatives. C'est pourquoi nous tenons particulièrement à cet amendement, fidèle aux choix qui furent faits dès 1985, dans le cadre de l'adaptation du droit d'auteur aux évolutions techniques de l'époque, à l'occasion de la dernière grande loi sur le droit d'auteur, que le Parlement avait adoptée à l'unanimité. Et pour cause : elle privilégiait la redistribution économique et fondait un nouveau modèle économique, y compris une nouvelle rémunération pour la création. La loi de 1985 ne sanctionnait personne. En revanche, elle créait une redevance pour copie privée : la taxation de supports vierges – élargie depuis à d'autres supports – garantissait une rémunération dont un quart est consacré depuis vingt-cinq ans au spectacle vivant.

C'est un défi semblable que nous devons aujourd'hui relever.

Au fil de son histoire bicentenaire, le droit d'auteur a toujours – j'insiste : toujours – su s'adapter aux évolutions technologiques, sans pour autant que jamais se manifeste l'ambition folle de vouloir, par un simple texte de loi, bouleverser les usages que partagent, en l'occurrence, plusieurs millions de nos concitoyens. Je rappelle que la France compte 30 millions d'internautes, dont plus de la moitié utilisent le haut débit.

Ainsi, par cet amendement, nous proposons l'instauration d'une contribution créative, qui garantira une nouvelle rémunération à la création, alors que le projet de loi ne lui rapportera malheureusement pas un euro supplémentaire.

Cet amendement est d'autant plus important que l'on entend déjà, ici ou là, les plus farouches partisans de ce texte évoquer cette idée de contribution créative au cas où, par hasard, la loi HADOPI serait un échec. Nous ne voudrions pas qu'une licence globale « privée », en quelque sorte, soit insidieusement créée, mais c'est bien ce qui risque d'arriver. Songez par exemple à Warner, cette grosse major américaine qui instaure, dans les universités d'outre-Atlantique, un dispositif semblable à la licence globale, arguant de la nécessité – imposée par le fil de l'histoire – d'une trêve entre les internautes et les artistes produits par ces majors.

Ainsi, en délaissant tout critère économique et en refusant d'instaurer une nouvelle rémunération pour la création, nous courons le risque de voir fleurir, çà et là, des licences globales privées – à l'image de ces accords entre majors et sites de téléchargement gratuit – qui profiteront aux plus gros et aux plus forts, alors même que le présent texte aurait dû anticiper ce risque, sinon réguler ce domaine.

C'est pourquoi cet amendement vise à rendre possible une négociation incluant tous les acteurs concernés et visant à instaurer cette contribution créative qui, je le rappelle, serait payée par l'ensemble des internautes. En cette affaire, vous le voyez, nous ne nous offrons aucune facilité. Jugez-en plutôt : alors que l'offre dite « Max » d'un grand opérateur de télécoms, que je ne citerai pas, coûte 12 euros par mois et n'ouvre l'accès qu'à quelques centaines de titres, nous proposons que chaque abonné à un réseau à haut débit paie 2 euros seulement par mois, soit une recette annuelle de 400 millions d'euros pour la création. Ce faisant, nous sommes soucieux du respect du droit d'auteur, un droit patrimonial, mais aussi moral. À preuve : nous prévoyons que tout artiste refusant de participer à cette contribution créative en aurait naturellement le droit.

Telle est la seule solution d'avenir. Hélas, que les artistes soient ainsi trompés par cette mauvaise loi que l'on veut nous faire adopter nous désole : il s'agit d'une ligne Maginot, d'un délai bien inutile imposé à l'adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique. Le projet de loi HADOPI ne prévoit pas un euro supplémentaire pour la création ; l'amendement n° 154 , au contraire, lui garantirait une recette de 400 millions. Voyez de quel côté se trouvent les véritables défenseurs des artistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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