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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 31 janvier 2012 à 21h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Article 46, amendements 55 18

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

L'article 46 va bien au-delà d'une démarche de simplification puisqu'il tend à réduire les exigences et obligations des employeurs des petites entreprises en matière de santé et de sécurité des travailleurs. C'est une très mauvaise idée qui risque, à l'avenir, de créer des difficultés.

Ce choix se fonde sur un raisonnement assez surprenant qui consiste à vouloir réduire les modalités de contrôle de la santé au travail en arguant de la petite taille d'une entreprise. On se demande vraiment à quoi correspond cette démarche invraisemblable. En tout cas, politiquement parlant, il s'agit d'une vraie faute non seulement à l'égard des salariés mais aussi à l'égard des entreprises. En effet, les employeurs concernés se plaignent parfois de ne pas pouvoir recruter les salariés expérimentés et qualifiés dont ils ont besoin parce que l'image de la petite entreprise n'est pas bonne. Pensez-vous vraiment qu'en la matière vous donnez un bon signal en annonçant que désormais le régime de protection en matière de santé au travail sera différent selon que le salarié travaillera dans une petite ou une grande entreprise ? Comment avez-vous pu vous engager dans une telle démarche ?

À quelle demande peut bien correspondre une telle mesure ? J'ai eu beau chercher, je n'ai évidemment trouvé aucune demande en ce sens de la part des salariés des petites entreprises. J'imagine que sur ce point nous serons tous d'accord. Les employeurs des petites entreprises sont-ils demandeurs ? Les seuls à s'être exprimés sur la question sont les représentants de l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, qui représente tout de même 800 000 entreprises artisanales. Une observation publiée par l'UPA sur la proposition de loi affirme que : « La perspective d'ouvrir cette possibilité dans le cadre d'un décret en Conseil d'État comme le prévoit la proposition de loi peut constituer une fausse bonne idée pour les entreprises, d'une part, dans la mesure où la proposition de loi indique elle-même que ces adaptations seront prises sous réserve qu'elles garantissent un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, d'autre part, en termes de stabilité et de sécurité juridique qu'attendent les entreprises. »

Nous sommes donc dans une situation étrange puisque les syndicats de salariés sont opposés à cette mesure et que c'est également le cas de la seule organisation patronale représentative des entreprises artisanales. J'imagine que si l'on exclut le cercle des amis UMP des petites entreprises – et vous me pardonnerez car il n'existe peut-être même pas –, il n'y a aucun cénacle qui ait demandé la mise en oeuvre d'un tel article de loi.

Dans votre sagesse, je pense que vous devriez à ce stade retirer cette mesure. Monsieur le président de la commission des lois, vous nous proposez cette mesure au nom de la simplification du droit et de la stabilité juridique alors que l'UPA constate que « le processus législatif dans le respect des prérogatives des partenaires sociaux peut sembler à cet égard a priori plus adapté ».

Pour des raisons de forme et de fond, le texte de l'article 46 est dangereux. Il l'est aussi sur le terrain de l'intérêt général car s'il y a vraiment un domaine dans lequel il ne faut pas entrer dans la distinction entre petites et grandes entreprises, c'est bien celui de la santé au travail. Il s'agit aussi, je le répète, de l'intérêt même des chefs d'entreprise et des risques que vous leur feriez courir.

Faut-il rappeler que le principe général en la matière, posé par un arrêt de la Cour de cassation toutes chambres réunies, est l'obligation de résultat ? C'est-à-dire que le juge ne contrôle que ce qui se passe à la fin, sans examiner si les règles ont été respectées.

Si vous laissez une marge de manoeuvre dans ces règles, nous risquons un jour de voir des petits entrepreneurs, disant qu'ils ont fait les choses comme on le leur a indiqué, être condamnés pour faute inexcusable de l'employeur. C'est toujours une sentence terrible, financièrement et moralement, pour l'employeur.

Je pense donc, comme l'UPA, que cet article est vraiment une fausse bonne idée.

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