Certains y ont même vu une suggestion de contournement de votre propre loi.
Le texte pose donc des questions essentielles, notamment en ce qui concerne le non-respect des principes fondamentaux du droit. Nous contestons, vous l'avez compris, le caractère disproportionné de la sanction encourue par les internautes, encore aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. En effet, l'absence de procédure contradictoire, le défaut de prise en compte de la présomption d'innocence et du principe de l'imputabilité, ainsi que la possibilité de cumuler sanction administrative et sanction pénale sont, pour notre groupe, autant d'éléments d'irrecevabilité.
En matière de présomption d'innocence, tout d'abord, le fait que le titulaire de l'accès soit présumé responsable pose un réel problème. Le choix du Gouvernement de faire peser la charge de la preuve sur l'internaute et de la combiner à l'absence de possibilité de recours pour le titulaire de l'accès ignore tout simplement les droits de la défense. Dès lors, nous nous interrogeons sur ce qui se passera en cas d'erreur de transmission ou d'erreur dans la saisine initiale par les organismes de représentation des ayants droit. Le projet de loi ne dit pas comment la Haute autorité sera en mesure d'éviter les erreurs matérielles dans la gestion de l'envoi de recommandations, en particulier lorsque sera utilisée une procédure d'envoi systématique.
Le recours ne sera possible qu'après la suspension de l'abonnement à Internet – rien avant ! –, et il ne sera pas lui-même suspensif. Une fois leur abonnement indûment coupé, nos concitoyens devront attendre, nul ne sait combien de temps, que l'autorité judiciaire qu'ils auront alors pu saisir, constate la commission d'une erreur. Comme ils n'auront pu contester aux étapes précédentes, la sanction s'appliquera avant même qu'ils aient la possibilité de faire valoir leur bonne foi, en supposant, ce qui est loin d'être évident, qu'ils puissent le faire.
Dans notre droit, les décisions au fond doivent exclusivement s'appuyer sur des éléments de preuve sur lesquels les parties ont la possibilité de se faire entendre. Or, dans ce texte, les avertissements ou les recommandations ne sont pas de simples rappels de la loi ou d'innocentes mesures pédagogiques, comme vous essayez de nous le faire croire. Ils relèvent de la catégorie des actes administratifs qui vont produire des effets dans la sphère juridique des titulaires d'un accès à Internet. Le mail d'avertissement est en lui-même une étape qui conduit à la sanction future. Il devrait donc faire l'objet d'une contestation possible par l'internaute.
Aucun dispositif, ne serait-ce que d'accueil des internautes ainsi interpellés, n'est prévu pour répondre à leurs légitimes interrogations, demandes ou contestations. Il nous apparaît indispensable de créer au moins les conditions visant non seulement à la justification par la Haute autorité de son envoi, mais également à la possibilité de le contester. Cette demande est d'autant plus pertinente que, technologiquement parlant, le risque d'erreur est grand. D'autant que, si l'on se réfère aux chiffres que vous donnez vous-même, pas moins de 10 000 courriels de premier avertissement, 3 000 courriels ou lettres recommandées et 1 000 suspensions d'abonnements à Internet par jour ont été annoncés.
On ne compte plus les professionnels qui mettent en garde contre les obstacles techniques auxquels le dispositif prévu va se heurter. Comment va-t-on déterminer si l'internaute a ou non téléchargé illégalement ? Rien ne permettra de savoir si la personne qui se connecte par Wi-Fi sur la box d'un usager pour effectuer des téléchargements illégaux est un pirate extérieur ou l'usager lui-même ? Qui faudra-t-il croire ?
Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolue que l'Hadopi sera amenée à labelliser ? Sur quels critères le seront-ils ? Nous souhaiterions a minima que le secrétariat d'État à l'économie numérique publie une recommandation officielle sur la sécurisation des réseaux Wi-Fi. Quand, aujourd'hui, nombre d'entreprises emploient à plein-temps des experts pour sécuriser leur réseau sans obtenir malgré tout une sécurité totale, supposer que l'ensemble des particuliers y parviendra est absurde.
La recommandation de l'utilisation de pare-feu, visant à bloquer certains protocoles qui servent au piratage, ignore que ceux-ci sont utilisés pour bien d'autres services légaux, qui, de fait, ne seront plus accessibles. Une fois encore, le dispositif proposé apparaît aussi inefficace que disproportionné.
En ce qui concerne le téléchargement illégal via des réseaux publics, vous avez convenu, madame la ministre, lors de votre audition en commission, qu'il n'était pas prévu de suspendre les connexions Internet des collectivités territoriales et des entreprises, qui apprécieront sans doute ce traitement de faveur. Il reste qu'aucune précision de ce type n'apparaît dans le texte. Et comme les intentions n'ont pas force de loi, notre groupe a déposé un amendement qui, à ce stade de la discussion, nous le constatons avec regret, a été rejeté.
Vous nous avez également inquiétés, toujours lors de votre audition en commission, en proposant que les bornes Wi-Fi « ne permettent l'accès qu'à un nombre déterminé de sites »,…