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Intervention de Christian Paul

Réunion du 5 mai 2009 à 21h30
Protection de la création sur internet — Article 2, amendement 102

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Et ce n'est pas fini : hier, Mme la ministre – peut-être mal conseillée – nous a dit un peu vite que le texte serait opérationnel à la rentrée des classes. Or Mme Lebranchu a attiré votre attention sur les nombreuses tâches préparatoires qu'il faudra accomplir avant l'application de la loi. Nous espérons la censure du Conseil constitutionnel, mais imaginons que vous franchissiez cet obstacle : il faudra ensuite prendre les décrets.

Ainsi, l'alinéa 94 prévoit qu'un « décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les sanctions peuvent faire l'objet d'un sursis à exécution ». Ce n'est qu'un décret parmi d'autres car, pour appliquer cette loi, il en faudra une rafale, une cascade même. Voyez l'alinéa 95 : « Un décret », qui ne sera pas pris en Conseil d'État, il est vrai, « détermine les juridictions compétentes pour connaître de ces recours ».

Ma première question est donc la suivante, madame la ministre : à défaut d'avoir préparé d'avance ces décrets, ce que vous n'avez pas fait car vous êtes bien trop respectueuse du Parlement pour cela, avez-vous au moins calculé combien de décrets seront nécessaires pour appliquer la loi HADOPI ? Combien de temps faudra-t-il pour les préparer après le vote de la loi ? Combien de temps faudra-t-il pour passer en Conseil d'État et franchir toutes les étapes de la fabrication d'un décret républicain ? Pendant combien de mois ferez-vous croire aux artistes que cette loi est la solution ?

Outre la parution des décrets, il faudra procéder aux recrutements au sein de la HADOPI et des opérateurs techniques, notamment les fournisseurs d'accès : ce sont des dizaines de personnes qu'il faudra embaucher, former et rémunérer aux frais du contribuable, pour une bonne part, et aux frais des clients des fournisseurs d'accès pour ce qui relève d'eux.

Ensuite, pensez aux dispositions techniques que les fournisseurs d'accès devront prendre. Je ne crois pas que soit annexée aux accords de l'Élysée la check-list de l'ensemble des mesures qu'il leur appartiendra de mettre en oeuvre pour pouvoir appliquer votre loi.

Bref, nous disons que dix-huit mois au minimum seront nécessaires, en comprimant les délais. En fait nous pensons qu'il faudra davantage et nous aimerions vous entendre sur ce sujet. Encore une fois, on entraîne la France dans une bataille de retardement qui n'aura pas de fin.

La deuxième raison qui justifie cet amendement est évidente. Elle tient au fait que la sanction prévue porte atteinte à cette liberté fondamentale qu'est l'accès à Internet, l'une de ces libertés qui permet l'exercice de beaucoup d'autres : la liberté d'expression, la liberté de communication, la liberté de se former, la liberté d'accéder à la culture, la liberté de chercher un travail, et j'en oublie.

Voilà pourquoi le maintien des alinéas que cet amendement propose de supprimer est un scandale et une erreur historique.

Je n'ai insisté que sur deux raisons qui justifient de voter cet amendement, mais il y en aurait mille autres.

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