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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 19 janvier 2011 à 21h30
Garde à vue — Article 1er, amendements 121 198 83 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

J'irai dans le même sens que ce que viennent de dire mes collègues. Nous sommes en train de discuter d'un point très important : il s'agit de savoir quel peut être le rôle du siège, et donc d'un juge indépendant, à la fois dans l'exécution de la procédure de garde à vue et dans son contrôle de légalité.

Au-delà de cette question, il y a d'ailleurs celle du statut du procureur. Et nous savons ce qui a été dit par la Cour européenne des droits de l'homme : celle-ci ne le considère pas comme un magistrat.

Nous n'allons pas entrer dans les considérations que nous venons d'entendre de la part de notre collègue Goasguen, parce qu'il n'est pas du tout question d'entrer dans cette logique-là, mais seulement de respecter le droit, de respecter le droit européen, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et de garantir le périmètre de la garde à vue. Ce n'est pas à celui qui poursuit, c'est-à-dire le procureur, de déterminer ce périmètre. C'est en effet à un magistrat du siège de le faire, un magistrat indépendant qui ne peut être que le JLD. Il s'agit à la fois du contrôle de l'exécution de la procédure et de son bon déroulement.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas entrer dans la confusion que vous avez introduite dans votre réponse à nos différentes interventions. Vous essayez, pardonnez-moi cette expression un peu familière, de « noyer le poisson », afin de sauver ce sur quoi s'arc-boute le Gouvernement, à savoir la protection du procureur, en ne répondant pas aux exigences qui sont formulées, instance après instance, par la Cour européenne des droits de l'homme. Voilà pourquoi nous insistons tout particulièrement sur le rôle du JLD.

Se pose en outre un problème institutionnel, qui devient donc aussi un problème politique. Le Président de la République a réuni les deux chambres à Versailles pour une réforme de la Constitution visant à donner plus de pouvoir au Parlement, à tel point qu'en séance publique, nous n'examinons plus les textes du Gouvernement mais ceux de la commission. Or j'étais présent en commission des lois lorsque nous avons abordé le projet de réforme de la garde à vue. Si j'ai bonne mémoire, il s'est trouvé une majorité, réunissant des collègues de gauche mais aussi de droite, pour dire que c'était au juge des libertés et de la détention d'exercer le contrôle de légalité de la procédure, en même temps que sa bonne marche. Et voilà que le Gouvernement dépose un amendement afin de revenir sur ce qui a été adopté par la commission des lois. Alors, il faudrait savoir : soit l'exécutif agit en conformité avec ce qu'il a fait voter à Versailles par le Congrès et accepte que ce soit le texte de la commission des lois qui l'emporte, celui qui a été voté par une majorité de parlementaires, soit, comme on le dirait dans ma Gironde natale, il s'essuie les pieds sur le Parlement comme s'il s'agissait d'une serpillière, parce qu'il veut sa réforme, qui ne correspond pas à ce que nous souhaitons.

Ce qui est très intéressant dans le débat que nous avons depuis vingt-quatre heures, c'est la détermination de certains de nos collègues de droite, qui sont des députés aguerris mais aussi des juristes, et donc des défenseurs des droits et des libertés, qui croient au juge, au rôle du juge, et qui disent comme nous que ce n'est pas aux parlementaires mais aux juges de dire le droit.

Le procureur n'est ni un juge indépendant ni un magistrat du siège ; ce n'est donc pas à lui de dire le droit dans une telle procédure : c'est au juge des libertés et de la détention d'interpréter et de contrôler.

C'est pourquoi nous allons insister sur ce sujet aussi longtemps que ce sera nécessaire, monsieur le garde des sceaux, parce que nous considérons qu'il s'agit d'une des articulations essentielles de la réforme de la garde à vue. Si nous n'obtenons pas gain de cause, c'est-à-dire si le procureur reste ce qu'il est aujourd'hui, avec les traces encore trop visibles de la culture de l'aveu au détriment de la culture de la preuve et un juge du siège considéré comme subalterne, nous nous battrons pour convaincre une majorité de notre assemblée de nous suivre.

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