Déposé le 17 janvier 2011 par : le Gouvernement.
Après la première occurrence du mot :
« du »,
rédiger ainsi la fin de l'alinéa 11 :
« procureur de la République, sans préjudice des prérogatives du juge des libertés et de la détention prévues par les articles 63-4-2, 706-88, 706-88-1 et 706-88-2 en matière de prolongation de la mesure au-delà de la quarante-huitième heure et de report de l'intervention de l'avocat. Le procureur de la République compétent est celui sous la direction duquel l'enquête est menée, ou celui du lieu d'exécution de la garde à vue. »
L'article 62-5 du code de procédure pénale résultant du texte adopté par la Commission des lois confie le contrôle de l'intégralité des gardes à vue au juge des libertés et de la détention, à la place du procureur de la République.
Cette solution n'est conforme ni à l'équilibre et à la cohérence de notre procédure, ni aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles clairement rappelées par les décisions du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des Droits de l'Homme et de la Cour de cassation.
En effet, la direction des enquêtes de police ainsi que la mise enoeuvre de la politique pénale relèvent par nature des attributions du procureur de la République, et ne peuvent être confiées à un magistrat du siège. Seul le parquet peut ainsi être avisé en temps réel des placements en garde à vue et décider, à la fin de la mesure, des suites à réserver à la procédure (défèrement ou remise en liberté, avec le cas échéant convocation en justice ou mise enoeuvre d'une alternative aux poursuites). Faire intervenir le juge du siège dès le début de la garde à vue retirerait des mains du ministère public le rôle qui est le sien, et interdirait que les orientations générales de politique pénale déterminées par le Gouvernement puissent s'appliquer de façon uniforme sur l'ensemble du territoire nationale, ce qui porterait gravement atteinte à la fois au principe d'égalité devant la justice et à l'efficacité de la réponse pénale.
Par ailleurs l'article 5 de la CEDH, s'il impose la présentation d'une personne privée de liberté devant un juge, qui doit être un magistrat totalement indépendant du pouvoir exécutif et n'ayant pas un rôle d'accusateur public (ce qui n'est pas le cas du procureur), n'exige pas que cette présentation, et donc le contrôle opéré par ce juge, intervienne immédiatement. Dans ses très nombreuses décisions sur la question, la dernière en date étant la décision Moulin contre France du 23 novembre 2010, la Cour de Strasbourg a indiqué que seul un délai de plus de trois ou de quatre jours violerait la Convention. Dans son arrêt de grande chambre Aquilina c. Malte du 24 avril 1999, elle a du reste indiqué expressément (§ 51) : «La Cour partage l'avis des parties selon lequel la comparution du requérant devant un magistrat deux jours après son arrestation peut passer pour avoir eu lieu « aussitôt », au sens de l'article 5 § 3 ». Enfin dans sa décision Sar contre Turquie du 5 décembre 2006, elle a déclaré conforme à la CEDH une garde à vue de 87 heures et trente minutes (§ 28).
Du reste, dans la totalité des autres Etats européens, l'intervention d'un juge au cours de la garde à vue et la présentation de la personne devant celui-ci n'intervient jamais dès les débuts de la privation de liberté, la mesure étant alors étant placée sous le seul contrôle de la police, puis, dans certains pays, sous celle du parquet. Ainsi en Belgique et au Danemark, le juge intervient après 24 heures, au Royaume Unis après 36 heures, en Allemagne et en Italie, après deux jours, et en Espagne et aux Pays-Bas, après trois jours.
Il n'existe donc aucune obligation conventionnelle imposant que le juge des libertés et de la détention intervienne avant les premières 48 heures de la garde à vue, comme l'a du reste reconnu la Cour de cassation dans son tout récent arrêt du 16 décembre 2010. C'est pourquoi notre droit prévoit que, pour les gardes à vue intervenant en matière de criminalité organisée, la prolongation à l'issue de 48 heures ne peut être décidée que par le juge des libertés et de la détention.
En revanche, l'article 66 de la Constitution impose que, dès le début de la mesure, le déroulement de la garde à vue soit contrôlé par le procureur de la République, qui, au sens de cet article, est un membre de l'autorité judiciaire garante des libertés individuelles. Cette exigence, qui va donc au-delà des exigences conventionnelles, a été affirmée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel depuis 1993, la dernière fois dans sa décision QPC du 31 juillet 2010 sur la garde à vue, décision qui a déclaré non-conformes à la Constitution les dispositions concernant l'intervention, jugée insuffisante, de l'avocat, mais qui a à nouveau expressément validé celles sur le rôle du procureur (considérant n° 26).
Pour ces différentes raisons, il est indispensable de revenir au texte du projet afin d'indiquer clairement que la garde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République, ce qui répond au exigences constitutionnelles, tout en précisant, ce qui répond aux exigences conventionnelles, que le juge exerce également un contrôle sur la mesure à travers ses prérogatives en matière de prolongation de la mesure si elle dure de plus de quarante-huit heures et en cas de report de l'intervention de l'avocat au-delà de la douzième ou vingt-quatrième heure selon la nature de l'infraction.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.