Monsieur le président, monsieur le le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, je précise d'emblée que les signataires de cet amendement sont d'accord sur les objectifs poursuivis dans l'article 4. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas voté l'amendement de suppression de nos collègues du groupe GDR.
Il ne s'agit donc pas d'un clivage droite-gauche, mais plutôt d'une compréhension différente du numérique et des techniques de filtrage et de l'efficacité de la mesure proposée à l'article 4.
Je veux rassurer nos collègues, sur tous les bancs de cette assemblée : non, il n'est pas facile de trouver des images pédopornographiques sur Internet. Aucun moteur de recherche ne référence de telles images. Ils font d'ailleurs clairement savoir dans leur publicité, Google le premier.
Rappelons également que la protection de nos enfants contre les dangers sur internet, qui fait appel à la pédagogie et à l'installation d'un logiciel de contrôle parental, n'a rien à voir avec le blocage de sites pédopornographiques. Le but recherché à l'article 4 est bien d'essayer d'éviter d'avoir sur le réseau internet des images pédopornographiques, en recourant à des techniques de filtrage ou de blocage de sites.
Il en existe plusieurs catégories.
Les dispositifs énoncés tout à l'heure par le rapporteur, qui consistent à bloquer soit l'adresse IP, soit le site qui contient les images pédopornographiques, sont totalement inefficaces pour ce type de criminalité. Lionel Tardy l'a expliqué tout à l'heure : les sites pédopornographiques sont répliqués à plusieurs endroits et sur plusieurs adresses sur le réseau internet. Il ne s'agit pas d'une exploitation de données classiques : les images circulent de façon souterraine. Les pédophiles appartiennent à un réseau, disposent d'un code d'accès et reçoivent des données cryptées. La plupart des images qui circulent sur le réseau internet ne sont pas échangées par l'intermédiaire d'un site, mais par transferts de fichiers. Du coup, le dispositif proposé à l'article 4 est manifestement inefficace.
Les autres techniques de filtrage sont extrêmement intrusives puisqu'elles visent à installer dans le coeur de réseau des outils utilisant des technologies type packet instructions qui analysent tout le contenu d'internet. C'est très clairement une atteinte à la protection des libertés individuelles ; autrement dit, c'est manifestement anticonstitutionnel. Je ne peux imaginer un instant que le Gouvernement veuille utiliser ce type de technologie.
Au total, on a d'un côté des technologies inefficaces par rapport au but recherche, de l'autre des technologies contraires à l'article 11 de la Constitution.
Ces crimes sont vraiment graves. Les promoteurs d'images pédopornographiques appartiennent à des réseaux de criminalité importants et ont les moyens de financer tous les experts de sécurité et les hackers informatiques qu'ils veulent pour contourner toutes les mesures de filtrage que nous pourrons mettre en place pour appliquer l'article 4.
Mes chers collègues de la majorité, en fait, ce qui est en jeu dans ce débat, c'est notre crédibilité, et notre crédibilité repose sur notre connaissance du monde du numérique. Il est très important de comprendre que certains dispositifs sont efficaces et d'autres non.
C'est pourquoi je souhaite, et c'est l'objet de mon amendement, que, sur un sujet aussi sensible que le blocage de sites internet, l'autorité judiciaire puisse donner son avis avant toute mise en place de dispositifs de filtrage, et notamment de filtrage de type intrusif. Cela me paraît essentiel pour la protection des libertés individuelles.