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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 3 juillet 2008 à 21h30
Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail — Article 17, amendements 129 265 741

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

La majorité, nous le savons, a soudainement eu à coeur, la semaine dernière, de « rabibocher tout le monde », comme l'a dit Jean-François Copé. Ces propos soulignent les excès auxquels s'est livré le Gouvernement sur ce texte, au point de susciter la colère de l'ensemble des partenaires sociaux, qu'ils soient ou non signataires de l'accord.

Les amendements proposés par la majorité ne suffiront pas à nous convaincre qu'il s'agit d'un rééquilibrage. L'un de ces amendements vise à plafonner le nombre de jours pouvant être travaillés dans le cadre du forfait en jours : celui-ci est actuellement fixé à 218 jours annuels, mais le projet de loi ne prévoyant aucun plafond, il permettra, en pratique, compte tenu des contraintes européennes, de travailler jusqu'à 245 jours.

La majorité envisage de fixer un nouveau plafond de 235 jours. Si nous en arrivons là, et nous le saurons au cours de nos débats, cela représente tout de même dix-sept jours de plus que le plafond actuel !

Un autre amendement vise à mieux définir le statut du salarié autonome, à qui pourra être imposé le dispositif du forfait en jours. Il s'agit de répondre à M. Marcel Grignard, en charge du temps de travail à la CFDT, qui a judicieusement fait remarquer qu'à peu près tout le monde pouvait être aujourd'hui considéré comme un salarié autonome.

Ces deux amendements ne suffisent pas à dissiper toutes nos inquiétudes. Ils ne règlent pas, par exemple, la question du repos compensateur, qui sera supprimé du code du travail et négocié entreprise par entreprise. Ils n'apportent aucune réponse aux questions soulevées par le gré à gré, qui affaiblit la négociation collective, ou par l'augmentation de la durée effective du temps de travail et sa compatibilité avec la Charte sociale européenne. Savez-vous que le Conseil de l'Europe a considéré que « la situation des cadres avec forfait en jours constitue une violation de l'article 2-1 de la Charte sociale révisée en raison de la durée excessive du travail hebdomadaire autorisé ainsi que l'absence de garanties suffisantes » ?

Notre principale préoccupation, vous l'aurez compris, porte sur les conséquences de l'élargissement des forfaits annuels en heures à tous les salariés, sur les risques pour leur santé et leur sécurité, voire celle de leurs collègues, et sur ses conséquences en termes d'articulation de la vie privée et de la vie professionnelle, et, partant, de respect de la vie privée et de cohésion sociale.

Vous avez tout à l'heure, monsieur le ministre, répondu par la négociation sur l'accord de gré à gré. Dans un document de travail du syndicat Force ouvrière, je lis que les salariés soumis au forfait annuel en jours pourront travailler au-delà de 218 jours, avec pour limite un nombre de jours fixés par accord ou par l'employeur seul. Il est clair que l'accord de gré à gré auquel sera soumis le salarié revient sur le caractère collectif de la négociation salariale.

Si je ne l'avais déjà fait, je pourrais citer l'adresse à l'Assemblée nationale de la CGT du Technocentre Renault, qui rappelle les conclusions du cabinet d'expertise que vous avez vous-même agréé, monsieur le ministre, évoquant « une culture du surengagement liée notamment à la combinaison de la passion pour son métier, de l'ambition professionnelle et d'un système managérial qui s'appuie sur ces leviers pour atteindre des objectifs de plus en plus ambitieux ».

Je voudrais enfin évoquer l'interview de M. Alain Lecanu, secrétaire national de la CFE-CGC, qui considère qu'avec ce projet de loi, les cadres pourront désormais travailler soixante-dix-huit heures par semaine. M. Lecanu envisage de déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme sur cette durée maximale. Nous aurons l'occasion, au cours de nos débats, de revenir sur ces commentaires.

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