Malgré l'accord arraché au forceps par le Gouvernement aux députés de sa majorité et confirmé en commission mixte paritaire, le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale a suscité, et suscite toujours, de très vives critiques, voire une franche opposition.
Il faut dire que ce texte technique en apparence, ne portant soi-disant que sur la durée de vie de la CADES, est en fait une pièce essentielle du mécano gouvernemental en matière de financement de la dette sociale ; c'est la pièce qui conditionne l'équilibre bien hypothétique de la réforme des retraites, et qui autorise la Caisse d'amortissement de la dette sociale à lancer 130 milliards d'euros d'emprunt. Cette opération coûtera en fait aux contribuables plus de 180 milliards d'euros ; les deux tiers des 50 milliards d'euros d'intérêts iront directement dans les poches d'investisseurs étrangers et des marchés financiers.
Tout à fait conscient de ces enjeux financiers énormes, sans compter les enjeux politiques, mais sous couvert encore de la crise, le Gouvernement demande au Parlement d'autoriser cette opération sans prévoir en face les recettes pour rembourser ce transfert de dettes. Il nous demande de l'affranchir du respect des règles constitutionnelles et organiques en vigueur, en l'occurrence celle posée par le législateur en 2005 prévoyant que tout transfert de dette à la CADES doit être gagé par le transfert d'une ressource nouvelle afin de ne pas prolonger la durée de vie de cette caisse. Pour parler très simplement, vous vous asseyez sur vos propres principes ; vos roulements de muscles d'alors se sont révélés n'être que fanfaronnades.
Or, « lancer des emprunts lorsque l'on sait que l'on n'a pas l'argent nécessaire pour les rembourser, cela s'appelle faire de la cavalerie ». « C'est insensé, ce n'est pas responsable de faire des emprunts à long terme pour payer les déficits de fonctionnement ». « C'est faire peser une partie du coût des boîtes de médicaments, des prestations sociales et des soins médicaux sur les Français qui travailleront en 2022. » De qui viennent ces fortes déclarations ? Eh bien tout simplement du président et rapporteur de la commission des lois, soutenant jusqu'au bout la position de la commission saisie au fond, qui avait supprimé l'article 1er du texte transférant à la CADES une dette nouvelle, reportant de quatre années la date d'apurement de la dette sociale.
La commission des affaires sociales saisie pour avis a également refusé le principe même de l'allongement de la durée d'amortissement de la dette sociale et voté à la quasi-unanimité la suppression de l'article 1er, en attendant un plan B de financement.
Pour justifier une telle position de rejet, notre collègue Yves Bur, rapporteur pour avis, déclarait dans cet hémicycle : « Malgré la crise, il n'est pas moralement possible de continuer à recourir aux facilités du passé » et il invitait les membres de la majorité à « cesser de se décharger de nos responsabilités financières sur nos jeunes ».