Dans la continuité de l'excellent argumentaire développé par M. Chassaigne, je voudrais ajouter quelques remarques.
Avec juste raison, il a insisté sur deux points principaux : la lutte contre la prédation des terres agricoles opérée à l'échelon international par certains spéculateurs ou même certains pays qui souhaitent concurrencer l'Europe et particulièrement la France ; et l'injustice sociale née d'une sorte de dumping qui met les uns dans l'impossibilité de lutter à armes égales avec les autres quand les exigences en matière de travail et d'environnement sont beaucoup plus basses qu'en Europe ou en France, phénomène que l'on observe dans bien d'autres domaines, comme vous le savez.
Il serait bon que notre assemblée puisse adopter ces quatre amendements dans la mesure où ils permettraient d'orienter l'ensemble de la loi de modernisation agricole qui a certes quelques qualités, mais aussi beaucoup de défauts, comme on l'a vu au cours de la discussion générale. Nous pourrions ainsi nous appuyer sur des principes qui guideraient l'action de notre pays à l'échelle mondiale car notre agriculture si elle est mondialisée l'est dans des conditions critiquables, comme le montrent précisément ces quatre amendements.
J'aimerais revenir sur l'amendement 460 de M. Chassaigne, qui prévoit notamment l'interdiction des importations extracommunautaires d'agrocarburants. Nous avons déjà pu aborder cette question lors des débats relatifs à l'énergie, mais aussi à l'agriculture. Ces agrocarburants ou biocarburants renvoient à un conflit dans l'utilisation des sols avec, d'une part, une agriculture à vocation alimentaire et, d'autre part, une agriculture à vocation énergétique. Nous savons que l'Union européenne et la France entendent faire un effort de diversification des sources d'énergie en promouvant notamment les énergies renouvelables – c'est le fameux objectif des « trois fois vingt » dont se glorifie M. Borloo. Or, parmi ces énergies renouvelables, sont intégrés les biocarburants, ce que je déplore.
Les agrocarburants importés de pays extra-communautaires n'ont rien d'énergies renouvelables. Je vous conseille, mes chers collègues, de vous renseigner. Ainsi, en Indonésie ou en Malaisie, la forêt primaire disparaît à grand pas, avec les conséquences que l'on imagine sur la biodiversité, les écosystèmes, les végétaux, les animaux et les humains, pour laisser place à de gigantesques exploitations industrielles de palmeraies destinées à produire de l'huile de palme que nous importons pour mettre dans nos voitures. L'objectif de 10 % d'incorporation de biocarburants dans les carburants automobiles à l'échelle européenne est criminel du point de vue environnemental mais aussi du point de vue social, compte tenu des rapports Nord-Sud.
Par ailleurs, d'un point de vue technique – petite remarque d'ingénieur –, il est assez idiot de produire des agrocarburants, que ce soit à base d'huile de palme, de canne à sucre, de maïs, de blé ou de betterave, ce que M. de Villepin, en septembre 2005, alors qu'il était Premier ministre, appelait le « pétrole vert de la France ». Si l'on calcule l'énergie nette qui en est issue, on constate que, d'un point de vue économique, les gains sont inférieurs aux sommes investies et, d'un point énergétique, que davantage d'énergie est dépensée en amont qu'obtenue en aval, je le dis à l'adresse de Stéphane Demilly, qui aime tant les biocarburants. Autrement dit, personne n'a intérêt à en produire, si ce n'est les lobbies pétrolier, céréalier ou betteravier qui cherchent à obtenir des subventions européennes en faisant des biocarburants, ou même en les important, ce qui est une très mauvaise voie comme le montre l'amendement n° 460 de notre ami André Chassaigne.
J'appelle donc notre assemblée à faire usage de sa raison raisonnante et à voter ces quatre amendements.